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table des matières de l'œuvre d'ISOCRATE

 

ŒUVRES

COMPLÈTES

D'ISOCRATE

TRADUCTION  NOUVELLE

AVEC    TEXTE   EN   REGARD

LE DUC DE CLERMONT-TONNERRE

(AIMÉ-MARIE-GASPARD)

Ancien Ministre de la guerre et de la marine

Ancien élève de l'École polytechnique

TOME DEUXIÈME

PARIS

LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES,   FILS  ET Cie

Imprimeur de l'Institut, rue Jacob, 56.

M  DCCC LXIII

 

LE PLATAÏQUE.

 

Πλαταικός

 

ARGUMENT.

On lit, au premier chapitre du neuvième livre de Pausanias, ce qui suit : «Les Platéens, avant la bataille de Marathon où ils se trouvèrent avec les Athéniens, n'étaient connus par aucune action d'éclat; mais, après avoir pris part au combat de Marathon, lorsque, plus tard, Xerxès fit une descente en Grèce, ils eurent le courage de s'embarquer avec les Athéniens, et combattirent dans leur propre pays contre Mardonius, fils de Gobryas et général de Xerxès. Il leur arriva deux fois d'être chassés de la Béotie et d'y revenir de nouveau. Dans la guerre des Péloponnésiens contre Athènes, les Lacédémoniens s'emparèrent de Platée à la suite d'un siège. Malgré son rétablissement à l'époque de la paix que le Spartiate Antalcidas ménagea aux Grecs avec le roi de Perse, et le retour des Platéens réfugiés à Athènes, elle ne devait pas tarder à éprouver un second malheur. La guerre n'était pas ouvertement déclarée entre Platée et Thèbes ; les Platéens disaient même que la paix subsistait toujours, parce qu'ils n'avaient eu aucune part ni au projet ni à l'exécution dans la prise de la Cadmée par les Lacédémoniens. Mais les Thébains prétendaient que la paix, étant l'ouvrage des Lacédémoniens, se trouvait rompue pour tout le monde dés l'instant qu'ils l'avaient violée eux-mêmes. Les Platéens n'étant donc pas sans inquiétude du côté des Thébains, veillaient avec le plus grand soin à la sûreté de leur ville, et ceux qui avaient des terres à quelque distance, n'y allaient pas exactement tous les jours ; mais, sachant que les Thébains avaient coutume de se réunir assez souvent pour délibérer en commun, ils se tenaient informés des jours d'assemblée à Thèbes, et tous, même ceux qui cultivaient les terres les plus éloignées, profitaient de ce temps pour aller visiter leurs biens. Néoclès, alors béotarque à Thèbes, s'étant aperçu de la manœuvre des Platéens, ordonna aux Thébains de se rendre en armes à rassemblée et les mena sur-le-champ à Platée, non par le chemin direct à travers la plaine, mais par le chemin d'Hysies, qui conduit à Éleuthères et dans l'Attique, chemin sur lequel il n'y avait point de sentinelles et qui devait les amener sous les murs de Platée, au plus tard vers le milieu du jour. Les Platéens, croyant que les Thébains étaient réunis pour leur assemblée, restèrent dans les champs, tandis que les portes de la ville se fermaient sur eux. Les Thébains conclurent alors, avec ceux qui se trouvaient dans la ville, un traité, en vertu duquel ceux-ci en sortirent avant le coucher du soleil, les hommes avec un seul vêtement et les femmes avec deux chacune. Il arriva aux Platéens, en cette circonstance, le contraire de ce qui s'était passé lorsque, précédemment, ils avaient été pris par Archidamus et les Lacédémoniens. Les Lacédémoniens les assiégèrent en les enfermant d'une double muraille pour les empêcher de sortir de leur ville; les Thébains, au contraire, en les empochant de rentrer dans leurs murs. Platée fut prise pour la seconde fois, trois ans avant la bataille de Leuctres, sous l'archontat d'Astéius à Athènes. La ville fut rasée par les Thébains, à l'exception des temples ; et la manière dont elle avait été prise fut pour tous les Platéens la cause de leur salut; ils furent, dans leur exil, recueillis de nouveau par les Athéniens, et lorsque Philippe, vainqueur à Chéronée, mit garnison à Thèbes, entre autres choses qu'il fit pour affaiblir les Thébains, il rétablit les Platéens dans leur ville » Tels sont les seuls détails exacts que l'antiquité nous a transmis sur cette partie de l'histoire des Platéens.

C'est après la seconde destruction de Platée, lorsque, pour la seconde fois, ses habitants s'étaient réfugiés à Athènes, que les Platéens sont censés prononcer ce discours; car il est vraisemblable, pour ne pas dire certain, qu'il ne fut pas plus prononcé que les autres discours d'Isocrate. Sans doute, les Platéens durent adresser une requête au peuple athénien, pour l'engager à les rétablir dans leur ville ; mais cette requête n'est pas, à coup sûr, le discours qui nous est parvenu sous le nom d'Isocrate. Nulle part l'histoire n'en fait mention. Puis ce discours, comme le Panégyrique, comme l'Archidamus, etc., présente plutôt les caractères d'un discours médité et poli à loisir, que celui d'une harangue écrite, et pour ainsi dire improvisée, sous l'impression d'un grand événement qui frappe l'esprit de l'orateur. Il n'est pas impossible qu'Isocrate, et cette opinion a déjà été exprimée à propos d'un autre discours, ait voulu traiter ce sujet comme un morceau d'étude, et présenter en quelque sorte un modèle spécial d'éloquence.

L'orateur commence par rappeler les dispositions dont les Athéniens se sont toujours montrés animés lorsqu'il y a eu soit un service à reconnaître, soit une injure à venger. Les Platéens ont déjà ressenti une fois les effets de ces généreuses dispositions. Aussi ne s'arrêtera-t-il pas aux récits des calamités de sa patrie; elles sont assez connues : il veut seulement prémunir les Athéniens contre les prétextes à l'aide desquels les partisans que Thèbes a gagnés à prix d'argent se flattent de leur en imposer. On dira que les Platéens ont refusé de prendre part aux délibérations des Thébains ; mais les Platéens n'étaient pas obligés de prendre part à des délibérations qui leur étaient étrangères ; puis on pouvait employer à leur égard les voies de la persuasion, comme on l'a fait à l'égard d'autres peuples. C'est donc une raison sans valeur qu'ils invoquent, un prétexte qu'ils mettent en avant pour couvrir une ambition démesurée, une cupidité sans bornes. De quel droit, d'ailleurs, Thèbes prétend-elle s'arroger l'empire de la Béotie, elle qui, si l'on remonte aux temps anciens, était tributaire d'Orchomène?

Les adversaires de Platée ne manqueront pas de dire qu'elle a combattu sous les enseignes de Lacédémone, et qu'en la détruisant, on a servi les intérêts de toute la confédération.

Mais aucun grief ne saurait prévaloir contre les traités et les serments, qui garantissent la liberté et l'indépendance de Platée. Si d'ailleurs il fallait punir des peuples pour leur alliance avec Sparte, étaient-ce les Platcens qu'on devait choisir, eux qui ne s'étaient soumis qu'à regret et par force à cette alliance? D'autres peuples ont cédé à la même contrainte; ils pourraient être disposés à se rapprocher de la ligue; approuver ce qui a été fait à Platée, c'est les jeter à tout jamais dans le parti de Lacédémone. Les Athéniens ont entrepris la dernière guerre pour la liberté de ceux des Grecs qui avaient perdu leur indépendance; s'ils permettaient aux Thébains de détruire les villes grecques, ils démentiraient eux-mêmes leur précédente générosité et se couvriraient de honte par cette complicité avec les Thébains. Thèbes prétendrait vainement n'avoir agi que dans l'intérêt des alliés; l'assemblée générale se tenant à Athènes, les Thébains avant d'agir auraient dû s'y rendre, pour soumettre leur projet à ses décisions, au lieu de n'y paraître que pour justifier leurs excès. Pendant la guerre, on peut chercher tous les moyens de l'emporter sur ses ennemis; après la paix,on ne doit plus consulter que les traités. Thèbes avant la paix ne parlait que de liberté et d'indépendance; aujourd'hui qu'elle se croit libre de faire impunément ce qu'elle veut, elle ne recule devant aucun attentat.

Sans doute, relativement à la fidélité, et à lu sûreté de l'alliance, Thèbes ne mérite pas d'être préférée à Platée qui a soutenu deux sièges à cause de son dévouement pour Athènes. Sauvés deux fois par les Athéniens, les Thébains ont fait preuve de la plus noire ingratitude envers leurs bienfaiteurs. Quand les Perses envahissaient la Grèce, Thèbes a embrassé le parti des Barbares; dans la guerre décélique, quand les alliés délibéraient sur le sort d'Athènes, Thèbes seule a opiné pour sa destruction; elle a demandé qu'elle fût rasée et qu'on fit passer la charrue sur l'emplacement qu'elle occupait.

Après des actes de cette nature, les Thébains et leurs défenseurs n'ont plus qu'une seule ressource, qu'une seule raison à invoquer. La Béotie, diront-ils, est le rempart de l'Attique; rompre avec Thèbes, c'est donner des forces à Lacédémone; mais les Thébains, en admettant même qu'on ne puisse s'assurer de leur fidélité, sont attachés par trop de liens à la confédération, pour qu'on ait à craindre qu'ils s'en détachent. Dans la position où ils se trouvent, ils se soumettraient à la domination d'Athènes, plutôt que d'accepter l'alliance de Lacédémone, car ce serait se perdre, eux et leur ville. D'ailleurs le respect dû aux traités et aux serments ne doit-il pas être supérieur à toutes les considérations ? Comment les Athéniens, après avoir décidé qu'ils donneraient des secours, même aux peuples qui furent toujours attachés au parti de Lacédémone, dans le cas où on exigerait d'eux des choses contraires aux traités, pourraient-ils rester insensibles aux malheurs d'une ville qui leur a donné à eux-mêmes tant de preuves d'attachement et de fidélité ?

Après un tableau pathétique de l'état où sa patrie se trouve réduite, l'orateur termine par un appel plein de chaleur à la sympathie des Athéniens ; il les excite par le souvenir de la gloire qu'ils ont acquise dans une autre circonstance, contre ces mêmes Thébains, en les forçant de rendre pour leur donner la sépulture les corps des Argiens tombés sous les murs de la Cadmée ; il les conjure de ne pas laisser anéantir des trophées qui perpétuent la mémoire des exploits d'Athènes et de l'infamie de Thèbes ; il les supplie enfin de ne pas abandonner le culte des héros qui ont assuré la liberté de la Grèce, culte confié aux Platéens à cause de la valeur et de la bravoure qu'ils ont montrées contre les Barbares. La religion et l'honneur d'Athènes y sont également intéressés.
Quant à la date de ce discours, elle est fixée par le passage de Pausanias cité en tête de cet argument. Il a dû être composé l'an 374 avant Jésus-Christ, Isocrate étant âgé de soixante-douze ans.

SOMMAIRE.

I. EXORDE. C'est en nous appuyant, Athéniens, sur les sentiments de justice et de bienveillance dont vous êtes animés, que nous venons vous supplier de ne pas permettre aux Thébains de détruire en pleine paix notre patrie, lorsque surtout nous n'avons aucune faute à nous reprocher, et que les demandes que nous vous faisons ne présentent aucun danger. — 2. Si les Thébains seuls parlaient contre nous, peu de mots suffiraient pour nous défendre : mais comme, avec nos richesses, ils se sont assurés l'appui des orateurs les plus distingués, il sera nécessaire d'entrer dans plus de détails. — 3. Leur iniquité et leur violence sont telles que, la paix étant conclue, et c'est ce qui nous blesse davantage, nous n'avons pas même pu obtenir un état de servitude ordinaire. — 4. Nous venons donc vous demander de nous écouter avec bienveillance comme vos suppliants et vos amis, vous rappelant que les Thébains, alors même qu'ils étaient vos ennemis, ont été rendus par vous à la liberté. — 5. Vous n'ignorez pas ce qui s'est passé, et comment les Thébains ont détruit notre ville et partagé notre territoire ; il faut seulement que vous soyez informés des prétextes sur lesquels ils se fondent. — 6. Confirmation. Ils allèguent que nous avons refusé de payer les tributs; mais il fallait nous y amener par la persuasion ou par la force, et non pas nous y contraindre par la servitude, lorsque les traités ordonnaient que chaque ville se gouvernerait selon son droit. Il est évident qu'ils voulaient notre territoire plutôt que nos tributs. — 7. Ils énoncent un fait vrai, quand ils disent que nous avons soutenu le parti de Lacédémone. — 8. Mais nous l'avons fait malgré nous et contraints comme l'ont été les autres Grecs. Il faut donc prendre garde qu'une telle insolence de la part des Thébains ne force beaucoup de Grecs, qui auparavant haïssaient le joug des Lacédémoniens, à chercher leur salut dans l'alliance de Sparte. — 9. Songez, en outre, que vous avez entrepris la dernière de vos guerres pour ceux auxquels la liberté avait été arrachée au mépris des serments et des traités. Or, si vous considérez comme contraire à la justice que d'autres villes subissent l'esclavage de Sparte, vous ne devez pas souffrir que nous soyons anéantis par les Thébains qui, en même temps qu'ils accusent les Lacédémoniens pour avoir occupé la Cadmée, renversent eux-mêmes les murailles des uns, détruisent de fond en comble les villes des autres, et sont devenus d'une telle impudence, d'une telle improbité, que, tandis qu'ils demandent à tous leurs alliés de les préserver du joug de Sparte, ils s'attribuent le droit d'accabler 1rs autre» sous le poids de la servitude. — 10. Déjà, indépendamment des atteintes portées par eux à la bonne foi, ils prétendent avoir agi dans l'intérêt commun des alliés, ne s'apercevant pas qu'il fallait auparavant prendre l'avis de ces mêmes alliés, plutôt que d'avoir ensuite à se justifier devant eux. Seuls, ils ont pillé toutes nos richesses, et ils veulent que ce soit un crime commun pour tous, ce que vous ne pouvez admettre à cause des serments et des traités. Dans toutes leurs ambassades, ils ne parlent que de liberté et de traités; et, quand ils croient pouvoir faire tout ce que l'ambition leur inspire, ils portent l'audace jusqu'à vouloir justifier leurs violences et leur cupidité personnelle, comme si les choses qu'ils ont faites eussent été dans l'intérêt des alliés.—11. Ils ne pourront pas même alléguer qu'il est à craindre qu'après avoir recouvré notre pays, nous passions dans le parti de Lacédémone. — 12. Car nous vous avons toujours été plus fidèles que les Thébains, qui, sans rappeler les anciennes trahisons, sauvés par vous, une première fois dans la guerre de Corinthe, une seconde fois lors de l'occupation de la Cadmée, passèrent dans le parti des Lacédémoniens, s'engageant par serment à les suivre dans la guerre qu'ils vous avaient déclarée. —13. C'est donc quand les Thébains ont obtenu de vous le pardon d'injures graves et volontaires, qu'ils croient que l'on ne doit pas nous pardonner ce que la force nous a obligés de faire, et qu'ils osent reprocher aux autres leur zèle pour les Lacédémoniens, quand il est établi qu'ils leur ont été soumis le plus longtemps possible, et qu'ils ont combattu contre vous pour le maintien de la puissance de Lacédémone avec plus de zèle que pour leur propre salut. Quel bienfait, je le demande, les Thébains peuvent-ils rappeler, qui soit capable d'éteindre la haine que vous avez droit de leur porter?— 14. C'est donc après qu'il ne leur reste plus aucune excuse, que leurs défenseurs viennent dire maintenant que la Béotie est un rempart pour votre pays, et que ce sera pour les Lacédémoniens un événement d'une haute importance, s'ils peuvent joindre les Thébains à leur alliance.—15. Quant à moi, je ne crois pas que la défection des Thébains, dont leurs défenseurs vous menacent, puisse se réaliser, ni qu'elle puisse porter préjudice à vos alliés, dans un moment où les affaires de Thèbes sont tellement désespérées à cause de la discorde qui existe entre les citoyens, et à cause des inimitiés de leurs voisins, qu'ils consentiraient plutôt à subir votre joug qu'à devenir les alliés des Lacédémoniens, comme ils l'ont déjà montré dans une autre occasion. — 16. Mais supposons qu'ils passent dans le parti de Lacédémone, il vous appartient d'estimer les serments et les traités plus que les Thébains, et, selon l'usage de vos ancêtres, de redouter la honte plus que les périls, quand surtout la victoire a pour coutume de suivre les défenseurs de la justice, comme votre exemple et celui des Lacédémoniens l'ont suffisamment prouvé. — 17. Vous avez, en effet, détruit l'injuste domination des Lacédémoniens, et ceux-ci ont détruit la vôtre, parce que, successivement, les uns et les autres, vous avez attiré à vous un grand nombre d'alliés en défendant la cause de la justice. — 18. Que par conséquent personne de vous ne redoute le péril quand il s'agit de protéger les victimes de l'iniquité, et ne croie que les alliés lui manqueront lorsque vous aurez montré que vous êtes prêts à faire la guerre pour la défense des traités. N'est-ce donc pas pour cette raison que vous avez pris les armes contre les Lacédémoniens ? Quelle serait, croyez-vous, l'opinion de vos alliés, si les Thébains avaient la faculté de faire ce que vous interdiriez aux Lacédémoniens, surtout lorsque les Thébains ont suivi constamment le parti de Lacédémone, tandis que nous, vos alliés les plus fidèles, nous serions les plus malheureux des hommes?— 19. Dépouillés en un même jour de notre ville, de notre territoire, de tout ce que nous possédions, nous sommes forcés d'errer sans savoir où nous porterons nos pas. A la douleur de voir nos parents nourris d'une manière indigne d'eux s'ajoute celle de ne pouvoir donner à nos enfants l'éducation à laquelle leur naissance les appelait. Les citoyens sont séparés des citoyens, les femmes enlevées à leurs époux, les enfants arrachés à leurs mères, les familles dispersées par la nécessité de se procurer la vie de chaque jour. La pudeur nous impose le silence sur les autres humiliations de la misère et de l'exil.— 20. Considérez en outre, nous vous en supplions, les sentiments de bienveillance et les liens de parenté qui nous unissent à vous. La plupart d'entre nous sont issus de vos filles ; et, de même que vous nous aviez autrefois donné le droit de cité dans votre ville, nous vous demandons aujourd'hui de nous rendre notre patrie. Si des hommes isolés sont regardés comme dignes de commisération, comment une ville entière, renversée de fond en comble contre toute équité, ne devrait-elle pas émouvoir votre pitié? — 21. Vos ancêtres, en accordant leur appui aux supplications des Argiens, auxquels les Thébains refusaient la faculté d'enlever leurs morts, ont acquis à voire patrie une renommée éternelle. Se glorifier des actes de ses ancêtres et agir autrement qu'ils ne l'ont fait à l'égard des suppliants, est un acte honteux. — 22. Ajoutez que nos prières sont plus graves et plus justes que ne l'étaient celles des Argiens : ceux-ci avaient envahi une contrée étrangère, tandis que nous, nous demandons que l'on nous rende notre patrie, ils réclamaient pour les morts, et nous, nous réclamons pour des êtres vivants, accablés par le malheur. — 23. Rendez-nous donc notre pays et notre ville, et manifestez votre reconnaissance pour ceux qui, seuls, dans la guerre persique, ont aidé vos ancêtres à conserver leur patrie.— 24. Et si vous ne voulez pas embrasser notre cause personnelle, embrassez du moins celle d'une contrée où vous avez laissé les plus glorieux monuments de votre valeur, monuments que les Thébains feront certainement disparaître, comme des témoignages de leur humiliation. Souvenez-vous des héros de cette contrée, avec le secours desquels vous avez rendu la liberté aux Thébains eux-mêmes et à tous les autres Grecs. Représentez-vous par la pensée le sentiment qu'éprouveraient vos ancêtres, s'ils voyaient ceux qui ont préféré se soumettre aux Barbares devenir les maîtres de la Grèce, et nous, qui avons vaillamment combattu pour la liberté commune, seuls opprimés parmi les Grecs. — 25. Je m'arrête et j'abandonne le reste à votre délibération, d'autant plus qu'il serait difficile de le placer dans un discours aussi restreint. En un mot, nous vous conjurons de vous rappeler les serments et les traités, notre bienveillance pour vous, la perfidie des Thébains, et de prononcer sur notre sort conformément au droit et à la justice.

 

Πλαταικός

[1] Εἰδότες ὑμᾶς, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, καὶ τοῖς ἀδικουμένοις προθύμως βοηθεῖν εἰθισμένους καὶ τοῖς εὐεργέταις μεγίστην χάριν ἀποδιδόντας, ἥκομεν ἱκετεύσοντες μὴ περιιδεῖν ἡμᾶς εἰρήνης οὔσης ἀναστάτους ὑπὸ Θηβαίων γεγενημένους. Πολλῶν δ' ἤδη πρὸς ὑμᾶς καταφυγόντων καὶ διαπραξαμένων ἅπανθ' ὅσων ἐδεήθησαν, ἡγούμεθα μάλισθ' ὑμῖν προσήκειν περὶ τῆς ἡμετέρας πόλεως ποιήσασθαι πρόνοιαν· [2] οὔτε γὰρ ἂν ἀδικώτερον οὐδένας ἡμῶν εὕροιτε τηλικαύταις συμφοραῖς περιπεπτωκότας, οὔτ' ἐκ πλείονος χρόνου πρὸς τὴν ὑμετέραν πόλιν οἰκειότερον διακειμένους. Ἔτι δὲ τοιούτων δεησόμενοι πάρεσμεν ἐν οἷς κίνδυνος μὲν οὐδεὶς ἔνεστιν, ἅπαντες δ' ἄνθρωποι νομιοῦσιν ὑμᾶς πειθομένους ὁσιωτάτους καὶ δικαιοτάτους εἶναι τῶν Ἑλλήνων.

[3] Εἰ μὲν οὖν μὴ Θηβαίους ἑωρῶμεν ἐκ παντὸς τρόπου παρεσκευασμένους πείθειν ὑμᾶς, ὡς οὐδὲν εἰς ἡμᾶς ἐξημαρτήκασι, διὰ βραχέων ἂν ἐποιησάμεθα τοὺς λόγους· ἐπειδὴ δ' εἰς τοῦθ' ἥκομεν ἀτυχίας ὥστε μὴ μόνον ἡμῖν εἶναι τὸν ἀγῶνα πρὸς τούτους, ἀλλὰ καὶ τῶν ῥητόρων πρὸς τοὺς δυνατωτάτους, οὓς ἀπὸ τῶν ἡμετέρων αὑτοῖς οὗτοι παρεσκευάσαντο συνηγόρους, ἀναγκαῖον διὰ μακροτέρων δηλῶσαι περὶ αὐτῶν.

[4] Χαλεπὸν μὲν οὖν μηδὲν καταδεέστερον εἰπεῖν ὧν πεπόνθαμεν· ποῖος γὰρ ἂν λόγος ἐξισωθείη ταῖς ἡμετέραις δυσπραξίαις, ἢ τίς ἂν ῥήτωρ ἱκανὸς γένοιτο κατηγορῆσαι τῶν Θηβαίοις ἡμαρτημένων; Ὅμως δὲ πειρατέον οὕτως ὅπως ἂν δυνώμεθα φανερὰν καταστῆσαι τὴν τούτων παρανομίαν. [5] Πολὺ δὲ μάλιστ' ἀγανακτοῦμεν ὅτι τοσούτου δέομεν τῶν ἴσων ἀξιοῦσθαι τοῖς ἄλλοις Ἕλλησιν, ὥστ' εἰρήνης οὔσης καὶ συνθηκῶν γεγενημένων οὐχ ὅπως τῆς κοινῆς ἐλευθερίας μετέχομεν, ἀλλ' οὐδὲ δουλείας μετρίας τυχεῖν ἠξιώθημεν.

[6] Δεόμεθ' οὖν ὑμῶν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, μετ' εὐνοίας ἀκροάσασθαι τῶν λεγομένων, ἐνθυμηθέντας ὅτι πάντων ἂν ἡμῖν ἀλογώτατον εἴη συμβεβηκός, εἰ τοῖς μὲν ἅπαντα τὸν χρόνον δυσμενῶς πρὸς τὴν πόλιν ὑμῶν διακειμένοις αἴτιοι γεγένησθε τῆς ἐλευθερίας, ἡμεῖς δὲ μηδ' ἱκετεύοντες ὑμᾶς τῶν αὐτῶν τοῖς ἐχθίστοις τύχοιμεν.

[7] Περὶ μὲν οὖν τῶν γεγενημένων οὐκ οἶδ' ὅ τι δεῖ μακρολογεῖν· τίς γὰρ οὐκ οἶδεν ὅτι καὶ τὴν χώραν ἡμῶν κατανενέμηνται καὶ τὴν πόλιν κατεσκάφασιν; Ὃ δὲ λέγοντες ἐλπίζουσιν ἐξαπατήσειν ὑμᾶς, περὶ τούτων πειρασόμεθα διδάσκειν.

[8] Ἐνίοτε μὲν γὰρ ἐπιχειροῦσι λέγειν, ὡς διὰ τοῦτο πρὸς ἡμᾶς οὕτω προσηνέχθησαν, ὅτι συντελεῖν αὐτοῖς οὐκ ἠθέλομεν. Ὑμεῖς δ' ἐνθυμεῖσθε πρῶτον μὲν εἰ δίκαιόν ἐστιν ὑπὲρ τηλικούτων ἐγκλημάτων οὕτως ἀνόμους καὶ δεινὰς ποιεῖσθαι τὰς τιμωρίας, ἔπειτ' εἰ προσήκειν ὑμῖν δοκεῖ μὴ πεισθεῖσαν τὴν Πλαταιέων πόλιν, ἀλλὰ βιασθεῖσαν Θηβαίοις συντελεῖν. Ἐγὼ μὲν γὰρ οὐδένας ἡγοῦμαι τολμηροτέρους εἶναι τούτων, οἵτινες τὰς μὲν ἰδίας ἡμῶν ἑκάστων πόλεις ἀφανίζουσι, τῆς δὲ σφετέρας αὐτῶν πολιτείας οὐδὲν δεομένους κοινωνεῖν ἀναγκάζουσιν. [9] Πρὸς δὲ τούτοις οὐδ' ὁμολογούμενα φαίνονται διαπραττόμενοι πρός τε τοὺς ἄλλους καὶ πρὸς ἡμᾶς. Ἐχρῆν γὰρ αὐτούς, ἐπειδὴ πείθειν ἡμῶν τὴν πόλιν οὐχ οἷοί τ' ἦσαν, ὥσπερ τοὺς Θεσπιέας καὶ τοὺς Ταναγραίους, συντελεῖν μόνον εἰς τὰς Θήβας ἀναγκάζειν· οὐδὲν γὰρ ἂν τῶν ἀνηκέστων κακῶν ἦμεν πεπονθότες. Νῦν δὲ φανεροὶ γεγόνασιν οὐ τοῦτο διαπράξασθαι βουληθέντες, ἀλλὰ τῆς χώρας ἡμῶν ἐπιθυμήσαντες. [10] Θαυμάζω δὲ πρὸς τί τῶν γεγενημένων ἀναφέροντες καὶ πῶς ποτε τὸ δίκαιον κρίνοντες ταῦτα φήσουσι προστάττειν ἡμῖν. Εἰ μὲν γὰρ τὰ πάτρια σκοποῦσιν, οὐ τῶν ἄλλων αὐτοῖς ἀρκτέον, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον Ὀρχομενίοις φόρον οἰστέον· οὕτω γὰρ εἶχε τὸ παλαιόν· εἰ δὲ τὰς συνθήκας ἀξιοῦσιν εἶναι κυρίας, ὅπερ ἐστὶ δίκαιον, πῶς οὐχ ὁμολογήσουσιν ἀδικεῖν καὶ παραβαίνειν αὐτάς; Ὁμοίως γὰρ τάς τε μικρὰς τῶν πόλεων καὶ τὰς μεγάλας αὐτονόμους εἶναι κελεύουσιν.

[11] Οἶμαι δὲ περὶ μὲν τούτων οὐ τολμήσειν αὐτοὺς ἀναισχυντεῖν, ἐπ' ἐκεῖνον δὲ τρέψεσθαι τὸν λόγον, ὡς μετὰ Λακεδαιμονίων ἐπολεμοῦμεν, καὶ πάσῃ τῇ συμμαχίᾳ διαφθείραντες ἡμᾶς τὰ συμφέροντα πεποιήκασιν.

[12] Ἐγὼ δ' ἡγοῦμαι μὲν χρῆναι μηδεμίαν μήτ' αἰτίαν μήτε κατηγορίαν μεῖζον δύνασθαι τῶν ὅρκων καὶ τῶν συνθηκῶν· οὐ μὴν ἀλλ' εἰ δεῖ τινὰς κακῶς παθεῖν διὰ τὴν Λακεδαιμονίων συμμαχίαν, οὐκ ἂν Πλαταιεῖς ἐξ ἁπάντων τῶν Ἑλλήνων προὐκρίθησαν δικαίως· οὐ γὰρ ἑκόντες, ἀλλ' ἀναγκασθέντες αὐτοῖς ἐδουλεύομεν. [13] Τίς γὰρ ἂν πιστεύσειεν εἰς τοῦθ' ἡμᾶς ἀνοίας ἐλθεῖν ὥστε περὶ πλείονος ποιήσασθαι τοὺς ἐξανδραποδισαμένους ἡμῶν τὴν πατρίδα μᾶλλον ἢ τοὺς τῆς πόλεως τῆς αὑτῶν μεταδόντας; Ἀλλὰ γάρ, οἶμαι, χαλεπὸν ἦν νεωτερίζειν αὐτοὺς μὲν μικρὰν πόλιν οἰκοῦντας, ἐκείνων δ' οὕτω μεγάλην δύναμιν κεκτημένων, ἔτι δὲ πρὸς τούτοις ἁρμοστοῦ καθεστῶτος καὶ φρουρᾶς ἐνούσης καὶ τηλικούτου στρατεύματος ὄντος Θεσπιᾶσιν, [14] ὑφ' ὧν οὐ μόνον ἂν θᾶττον ἢ Θηβαίων διεφθάρημεν, ἀλλὰ καὶ δικαιότερον· τούτους μὲν γὰρ εἰρήνης οὔσης οὐ προσῆκε μνησικακεῖν περὶ τῶν τότε γεγενημένων, ἐκεῖνοι δ' ἐν τῷ πολέμῳ προδοθέντες εἰκότως ἂν παρ' ἡμῶν τὴν μεγίστην δίκην ἐλάμβανον. [15] Ἡγοῦμαι δ' ὑμᾶς οὐκ ἀγνοεῖν ὅτι πολλοὶ καὶ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων τοῖς μὲν σώμασι μετ' ἐκείνων ἀκολουθεῖν ἠναγκάζοντο, ταῖς δ' εὐνοίαις μεθ' ὑμῶν ἦσαν. Οὓς τίνα χρὴ προσδοκᾶν γνώμην ἕξειν, ἢν ἀκούσωσιν ὅτι Θηβαῖοι τὸν δῆμον τὸν Ἀθηναίων πεπείκασιν ὡς οὐδενός ἐστι φειστέον τῶν ὑπὸ Λακεδαιμονίοις γενομένων; [16] Ὁ γὰρ τούτων λόγος οὐδὲν ἄλλ' ἢ τοῦτο φανήσεται δυνάμενος· οὐ γὰρ ἰδίαν κατηγορίαν ποιούμενοι κατὰ τῆς πόλεως τῆς ἡμετέρας ἀπολωλέκασιν αὐτήν, ἀλλ' ἣν ὁμοίως καὶ κατ' ἐκείνων ἕξουσιν εἰπεῖν. Ὑπὲρ ὧν βουλεύεσθαι χρὴ καὶ σκοπεῖν, ὅπως μὴ τοὺς πρότερον μισοῦντας τὴν ἀρχὴν τὴν Λακεδαιμονίων ἡ τούτων ὕβρις διαλλάξει καὶ ποιήσει τὴν ἐκείνων συμμαχίαν αὑτῶν νομίζειν εἶναι σωτηρίαν.

[17] Ἐνθυμεῖσθε δ' ὅτι τὸν πόλεμον ἀνείλεσθε τὸν ὑπογυιότατον οὐχ ὑπὲρ τῆς ὑμετέρας οὐδ' ὑπὲρ τῆς τῶν συμμάχων ἐλευθερίας, ἅπασι γὰρ ὑπῆρχεν ὑμῖν, ἀλλ' ὑπὲρ τῶν παρὰ τοὺς ὅρκους καὶ τὰς συνθήκας τῆς αὐτονομίας ἀποστερουμένων. Ὃ δὴ καὶ πάντων σχετλιώτατον, εἰ τὰς πόλεις ἃς οὐκ ᾤεσθε δεῖν Λακεδαιμονίοις δουλεύειν, ταύτας περιόψεσθε νῦν ὑπὸ Θηβαίων ἀπολλυμένας· οἳ τοσούτου δέουσι μιμεῖσθαι τὴν πραότητα τὴν ὑμετέραν, ὥσθ' ὃ δοκεῖ πάντων δεινότατον εἶναι, [18] δοριαλώτους γενέσθαι, τοῦτο κρεῖττον ἦν ἡμῖν παθεῖν ὑπὸ ταύτης τῆς πόλεως ἢ τούτων τυχεῖν ὁμόρους ὄντας. Οἱ μὲν γὰρ ὑφ' ὑμῶν κατὰ κράτος ἁλόντες εὐθὺς μὲν ἁρμοστοῦ καὶ δουλείας ἀπηλλάγησαν, νῦν δὲ τοῦ συνεδρίου καὶ τῆς ἐλευθερίας μετέχουσιν· οἱ δὲ τούτων πλησίον οἰκοῦντες οἱ μὲν οὐδὲν ἧττον τῶν ἀργυρωνήτων δουλεύουσι, τοὺς δ' οὐ πρότερον παύσονται πρὶν ἂν οὕτως ὥσπερ ἡμᾶς διαθῶσιν. Καὶ Λακεδαιμονίων μὲν κατηγοροῦσιν, [19] ὅτι τὴν Καδμείαν κατέλαβον καὶ φρουρὰς εἰς τὰς πόλεις καθίστασαν, αὐτοὶ δ' οὐ φύλακας εἰσπέμποντες, ἀλλὰ τῶν μὲν τὰ τείχη κατασκάπτοντες, τοὺς δ' ἄρδην ἀπολλύοντες οὐδὲν οἴονται δεινὸν ποιεῖν, ἀλλ' εἰς τοῦτ' ἀναισχυντίας ἐληλύθασιν, ὥστε τῆς μὲν αὑτῶν σωτηρίας τοὺς συμμάχους ἅπαντας ἀξιοῦσιν ἐπιμελεῖσθαι, τῆς δὲ τῶν ἄλλων δουλείας αὑτοὺς κυρίους καθιστᾶσιν. [20] Καίτοι τίς οὐκ ἂν μισήσειε τὴν τούτων πλεονεξίαν, οἳ τῶν μὲν ἀσθενεστέρων ἄρχειν ζητοῦσι, τοῖς δὲ κρείττοσιν ἴσον ἔχειν οἴονται δεῖν, καὶ τῇ μὲν ὑμετέρᾳ πόλει τῆς γῆς τῆς ὑπ' Ὠρωπίων δεδομένης φθονοῦσιν, αὐτοὶ δὲ βία τὴν ἀλλοτρίαν χώραν κατανέμονται;

[21] Καὶ πρὸς τοῖς ἄλλοις κακοῖς λέγουσιν ὡς ὑπὲρ τοῦ κοινοῦ τῶν συμμάχων ταῦτ' ἔπραξαν. Καίτοι χρῆν αὐτούς, ὄντος ἐνθάδε συνεδρίου καὶ τῆς ὑμετέρας πόλεως ἄμεινον βουλεύεσθαι δυναμένης ἢ τῆς Θηβαίων, οὐχ ὑπὲρ τῶν πεπραγμένων ἥκειν ἀπολογησομένους, ἀλλὰ πρὶν ποιῆσαί τι τούτων ἐλθεῖν ὡς ὑμᾶς βουλευσομένους. [22] Νῦν δὲ τὰς μὲν οὐσίας τὰς ἡμετέρας ἰδίᾳ διηρπάκασι, τῆς δὲ διαβολῆς ἅπασι τοῖς συμμάχοις ἥκουσι μεταδώσοντες. Ἣν ὑμεῖς, ἢν σωφρονῆτε, φυλάξεσθε· πολὺ γὰρ κάλλιον τούτους ἀναγκάσαι μιμήσασθαι τὴν ὁσιότητα τὴν ὑμετέραν ἢ τῆς τούτων παρανομίας αὐτοὺς πεισθῆναι μετασχεῖν, οἳ μηδὲν τῶν αὐτῶν τοῖς ἄλλοις γιγνώσκουσιν. [23] Οἶμαι γὰρ ἅπασι φανερὸν εἶναι διότι προσήκει τοὺς εὖ φρονοῦντας ἐν μὲν τῷ πολέμῳ σκοπεῖν ὅπως ἐκ παντὸς τρόπου πλέον ἕξουσι τῶν ἐχθρῶν, ἐπειδὰν δ' εἰρήνη γένηται, μηδὲν περὶ πλείονος ποιεῖσθαι τῶν ὅρκων καὶ τῶν συνθηκῶν. [24] Οὗτοι δὲ τότε μὲν ἐν ἁπάσαις ταῖς πρεσβείαις ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας καὶ τῆς αὐτονομίας ἐποιοῦντο τοὺς λόγους· ἐπειδὴ δὲ νομίζουσιν αὑτοῖς ἄδειαν γεγενῆσθαι, πάντων τῶν ἄλλων ἀμελήσαντες ὑπὲρ τῶν ἰδίων κερδῶν καὶ τῆς αὑτῶν βίας λέγειν τολμῶσι, [25] καὶ φασὶ τὸ Θηβαίους ἔχειν τὴν ἡμετέραν, τοῦτο συμφέρον εἶναι τοῖς συμμάχοις, κακῶς εἰδότες ὡς οὐδ' αὐτοῖς τοῖς παρὰ τὸ δίκαιον πλεονεκτοῦσιν οὐδὲ πώποτε συνήνεγκεν, ἀλλὰ πολλοὶ δὴ τῆς ἀλλοτρίας ἀδίκως ἐπιθυμήσαντες περὶ τῆς αὑτῶν δικαίως εἰς τοὺς μεγίστους κινδύνους κατέστησαν.

[26] Ἀλλὰ μὴν οὐδ' ἐκεῖνό γ' ἕξουσι λέγειν, ὡς αὐτοὶ μέν, μεθ' ὧν ἂν γένωνται, πιστοὶ διατελοῦσιν ὄντες, ἡμᾶς δ' ἄξιον φοβεῖσθαι, μὴ κομισάμενοι τὴν χώραν πρὸς Λακεδαιμονίους ἀποστῶμεν· εὑρήσετε γὰρ ἡμᾶς μὲν δὶς ἐκπεπολιορκημένους ὑπὲρ τῆς φιλίας τῆς ὑμετέρας, τούτους δὲ πολλάκις εἰς ταύτην τὴν πόλιν ἐξημαρτηκότας.

[27] Καὶ τὰς μὲν παλαιὰς προδοσίας πολὺ ἂν ἔργον εἴη λέγειν· γενομένου δὲ τοῦ Κορινθιακοῦ πολέμου διὰ τὴν ὕβριν τὴν τούτων, καὶ Λακεδαιμονίων μὲν ἐπ' αὐτοὺς στρατευσάντων, δι' ὑμᾶς δὲ σωθέντες οὐχ ὅπως τούτων χάριν ἀπέδοσαν, ἀλλ' ἐπειδὴ διελέλυσθε τὸν πόλεμον, ἀπολιπόντες ὑμᾶς εἰς τὴν Λακεδαιμονίων συμμαχίαν εἰσῆλθον. [28] Καὶ Χῖοι μὲν καὶ Μυτιληναῖοι καὶ Βυζάντιοι συμπαρέμειναν, οὗτοι δὲ τηλικαύτην πόλιν οἰκοῦντες οὐδὲ κοινοὺς σφᾶς αὐτοὺς παρασχεῖν ἐτόλμησαν, ἀλλ' εἰς τοῦτ' ἀνανδρίας καὶ πονηρίας ἦλθον, ὥστ' ὤμοσαν ἦ μὴν ἀκολουθήσειν μετ' ἐκείνων ἐφ' ὑμᾶς τοὺς διασώσαντας τὴν πόλιν αὐτῶν· ὑπὲρ ὧν δόντες τοῖς θεοῖς δίκην καὶ τῆς Καδμείας καταληφθείσης ἠναγκάσθησαν ἐνθάδε καταφυγεῖν. Ὅθεν καὶ μάλιστ' ἐπεδείξαντο τὴν αὑτῶν ἀπιστίαν· [29] σωθέντες γὰρ πάλιν διὰ τῆς ὑμετέρας δυνάμεως καὶ κατελθόντες εἰς τὴν αὑτῶν οὐδένα χρόνον ἐνέμειναν, ἀλλ' εὐθὺς εἰς Λακεδαίμονα πρέσβεις ἀπέστελλον, ἕτοιμοι δουλεύειν ὄντες καὶ μηδὲν κινεῖν τῶν πρότερον πρὸς αὐτοὺς ὡμολογημένων. Καὶ τί δεῖ μακρολογεῖν; Εἰ γὰρ μὴ προσέταττον ἐκεῖνοι τούς τε φεύγοντας καταδέχεσθαι καὶ τοὺς αὐτόχειρας ἐξείργειν, οὐδὲν ἂν ἐκώλυεν αὐτοὺς μετὰ τῶν ἠδικηκότων ἐφ' ὑμᾶς τοὺς εὐεργέτας στρατεύεσθαι.

[30] Καὶ τοιοῦτοι μὲν νεωστὶ περὶ τὴν πόλιν τήνδε γεγενημένοι, τὸ δὲ παλαιὸν ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος προδόται καταστάντες, αὐτοὶ μὲν ὑπὲρ οὕτως ἑκουσίων σίων καὶ μεγάλων ἀδικημάτων συγγνώμης τυχεῖν ἠξιώθησαν, ἡμῖν δ' ὑπὲρ ὧν ἠναγκάσθημεν, οὐδεμίαν ἔχειν οἴονται δεῖν, ἀλλὰ τολμῶσιν ὄντες Θηβαῖοι λακωνισμὸν ἑτέροις ὀνειδίζειν, οὓς πάντες ἴσμεν πλεῖστον χρόνον Λακεδαιμονίοις δεδουλευκότας καὶ προθυμότερον ὑπὲρ τῆς ἐκείνων ἀρχῆς ἢ τῆς αὑτῶν σωτηρίας πεπολεμηκότας. [31] Ποίας γὰρ εἰσβολῆς ἀπελείφθησαν τῶν εἰς ταύτην τὴν χώραν γεγενημένων; Ἢ τίνων οὐκ ἐχθίους ὑμῖν καὶ δυσμενέστεροι διετέλεσαν ὄντες; Οὐκ ἐν τῷ Λεκελεικῷ πολέμῳ πλειόνων αἴτιοι κακῶν ἐγένοντο τῶν ἄλλων τῶν συνεισβαλόντων; Οὐ δυστυχησάντων ὑμῶν μόνοι τῶν συμμάχων ἔθεντο τὴν ψῆφον, ὡς χρὴ τήν τε πόλιν ἐξανδραποδίσασθαι καὶ τὴν χώραν ἀνεῖναι μηλόβοτον ὥσπερ τὸ Κρισαῖον πεδίον; [32] Ὥστ' εἰ Λακεδαιμόνιοι τὴν αὐτὴν γνώμην ἔσχον Θηβαίοις, οὐδὲν ἂν ἐκώλυε τοὺς ἅπασι τοῖς Ἕλλησιν αἰτίους τῆς σωτηρίας γενομένους αὐτοὺς ὑπὸ τῶν Ἑλλήνων ἐξανδραποδισθῆναι καὶ ταῖς μεγίσταις συμφοραῖς περιπεσεῖν. Καίτοι τίνα τηλικαύτην εὐεργεσίαν ἔχοιεν ἂν εἰπεῖν, ἥτις ἱκανὴ γενήσεται διαλῦσαι τὴν ἔχθραν τὴν ἐκ τούτων δικαίως ἂν ὑπάρχουσαν πρὸς αὐτούς;

[33] Τούτοις μὲν οὖν οὐδεὶς λόγος ὑπολείπεται τηλικαῦτα τὸ μέγεθος ἐξημαρτηκόσι, τοῖς δὲ συναγορεύειν βουλομένοις ἐκεῖνος μόνος, ὡς νῦν μὲν ἡ Βοιωτία προπολεμεῖ τῆς ὑμετέρας χώρας, ἢν δὲ διαλύσησθε τὴν πρὸς τούτους φιλίαν, ἀσύμφορα τοῖς συμμάχοις διαπράξεσθε· μεγάλην γὰρ ἔσεσθαι τὴν ῥοπήν, εἰ μετὰ Λακεδαιμονίων ἡ τούτων γενήσεται πόλις.

[34] Ἐγὼ δ' οὔτε τοῖς συμμάχοις ἡγοῦμαι λυσιτελεῖν τοὺς ἀσθενεστέρους τοῖς κρείττοσι δουλεύειν, καὶ γὰρ τὸν παρελθόντα χρόνον ὑπὲρ τούτων ἐπολεμήσαμεν, οὔτε Θηβαίους εἰς τοῦτο μανίας ἥξειν ὥστ' ἀποστάντας τῆς συμμαχίας Λακεδαιμονίοις ἐνδώσειν τὴν πόλιν, οὐχ ὡς πιστεύων τοῖς τούτων ἤθεσιν, ἀλλ' οἶδ' ὅτι γιγνώσκουσιν ὡς δυοῖν θάτερον ἀναγκαῖόν ἐστιν αὐτοῖς, ἢ μένοντας ἀποθνῄσκειν καὶ πάσχειν οἷά περ ἐποίησαν, ἢ φεύγοντας ἀπορεῖν καὶ τῶν ἐλπίδων ἁπασῶν ἐστερῆσθαι. [35] Πότερα γὰρ τὰ πρὸς τοὺς πολίτας αὐτοῖς ἔχει καλῶς, ὧν τοὺς μὲν ἀποκτείναντες, τοὺς δ' ἐκ τῆς πόλεως ἐκβαλόντες διηρπάκασι τὰς οὐσίας, ἢ τὰ πρὸς τοὺς ἄλλους Βοιωτούς, ὧν οὐκ ἄρχειν μόνον ἀδίκως ἐπιχειροῦσιν, ἀλλὰ τῶν μὲν τὰ τείχη κατεσκάφασι, τῶν δὲ καὶ τὴν χώραν ἀπεστερήκασιν; [36] Ἀλλὰ μὴν οὐδ' ἐπὶ τὴν ὑμετέραν πόλιν οἷόν τ' αὐτοῖς ἐπανελθεῖν ἐστίν, ἣν οὕτω συνεχῶς φανήσονται προδιδόντες. Ὥστ' οὐκ ἔστιν ὅπως βουλήσονται πρὸς ὑμᾶς ὑπὲρ τῆς ἀλλοτρίας διενεχθέντες τὴν αὑτῶν πόλιν οὕτως εἰκῇ καὶ προδήλως ἀποβαλεῖν, ἀλλὰ πολὺ κοσμιώτερον διακείσονται πρὸς ἁπάσας τὰς πράξεις, καὶ τοσούτῳ πλείω ποιήσονται θεραπείαν ὑμῶν, ὅσῳ περ ἂν μᾶλλον περὶ σφῶν αὐτῶν δεδίωσιν. [37] Ἐπεδείξαντο δ' ὑμῖν ὡς χρὴ τῇ φύσει χρῆσθαι τῇ τούτων ἐξ ὧν ἔπραξαν περὶ Ὠρωπόν· ὅτε μὲν γὰρ ἐξουσίαν ἤλπισαν αὑτοῖς ἔσεσθαι ποιεῖν, ὅ τι ἂν βουληθῶσιν, οὐχ ὡς συμμάχοις ὑμῖν προσηνέχθησαν, ἀλλ' ἅπερ ἂν εἰς τοὺς πολεμιωτάτους ἐξαμαρτεῖν ἐτόλμησαν· ἐπειδὴ δ' ἐκσπόνδους αὐτοὺς ἀντὶ τούτων ἐψηφίσασθε ποιῆσαι, παυσάμενοι τῶν φρονημάτων ἦλθον ὡς ὑμᾶς ταπεινότερον διατεθέντες ἢ νῦν ἡμεῖς τυγχάνομεν ἔχοντες. [38] Ὥστ' ἤν τινες ὑμᾶς ἐκφοβῶσι τῶν ῥητόρων ὡς κίνδυνός ἐστι, μὴ μεταβάλωνται καὶ γένωνται μετὰ τῶν πολεμίων, οὐ χρὴ πιστεύειν· τοιαῦται γὰρ αὐτοὺς ἀνάγκαι κατειλήφασιν, ὥστε πολὺ ἂν θᾶττον τὴν ὑμετέραν ἀρχὴν ἢ τὴν Λακεδαιμονίων συμμαχίαν ὑπομείναιεν.

[39] Εἰ δ' οὖν καὶ τἀναντία μέλλοιεν ἅπαντα πράξειν, οὐδ' οὕτως ἡγοῦμαι προσήκειν ὑμῖν τῆς Θηβαίων πόλεως πλείω ποιήσασθαι λόγον ἢ τῶν ὅρκων καὶ τῶν συνθηκῶν, ἐνθυμουμένους πρῶτον μὲν ὡς οὐ τοὺς κινδύνους, ἀλλὰ τὰς ἀδοξίας καὶ τὰς αἰσχύνας φοβεῖσθαι πάτριον ὑμῖν ἐστιν, ἔπειθ' ὅτι συμβαίνει κρατεῖν ἐν τοῖς πολέμοις οὐ τοὺς βίᾳ τὰς πόλεις καταστρεφομένους, ἀλλὰ τοὺς ὁσιώτερον καὶ πραότερον τὴν Ἑλλάδα διοικοῦντας.

[40] Καὶ ταῦτ' ἐπὶ πλειόνων μὲν ἄν τις παραδειγμάτων ἔχοι διελθεῖν· τὰ δ' οὖν ἐφ' ἡμῶν γενόμενα τίς οὐκ οἶδεν, ὅτι καὶ Λακεδαιμόνιοι τὴν δύναμιν τὴν ὑμετέραν ἀνυπόστατον δοκοῦσαν εἶναι κατέλυσαν, μικρὰς μὲν ἀφορμὰς εἰς τὸν πόλεμον τὸν κατὰ θάλατταν τὸ πρῶτον ἔχοντες, διὰ δὲ τὴν δόξαν ταύτην προσαγόμενοι τοὺς Ἕλληνας, καὶ πάλιν ὑμεῖς τὴν ἀρχὴν ἀφείλεσθε τὴν ἐκείνων, ἐξ ἀτειχίστου μὲν τῆς πόλεως ὁρμηθέντες καὶ κακῶς πραττούσης, τὸ δὲ δίκαιον ἔχοντες σύμμαχον; [41] Καὶ τούτων ὡς οὐ βασιλεὺς αἴτιος ἦν ὁ τελευταῖος χρόνος σαφῶς ἐπέδειξεν· ἔξω γὰρ αὐτοῦ τῶν πραγμάτων γεγενημένου, καὶ τῶν μὲν ὑμετέρων ἀνελπίστως ἐχόντων, Λακεδαιμονίοις δὲ σχεδὸν ἁπασῶν τῶν πόλεων δουλευουσῶν, ὅμως αὐτῶν τοσοῦτον περιεγένεσθε πολεμοῦντες ὥστ' ἐκείνους ἀγαπητῶς ἰδεῖν τὴν εἰρήνην γενομένην.

[42] Μηδεὶς οὖν ὑμῶν ὀρρωδείτω μετὰ τοῦ δικαίου ποιούμενος τοὺς κινδύνους, μηδ' οἰέσθω συμμάχων ἀπορήσειν, ἂν τοῖς ἀδικουμένοις ἐθέλητε βοηθεῖν ἀλλὰ μὴ Θηβαίοις μόνοις· οἷς νῦν τἀναντία ψηφισάμενοι πολλοὺς ἐπιθυμεῖν ποιήσετε τῆς ὑμετέρας φιλίας. Ἢν γὰρ ἐνδείξησθ' ὡς ὁμοίως ἅπασιν ὑπὲρ τῶν συνθηκῶν παρεσκεύασθε πολεμεῖν, [43] τίνες εἰς τοῦτ' ἀνοίας ἥξουσιν ὥστε βούλεσθαι μετὰ τῶν καταδουλουμένων εἶναι μᾶλλον ἢ μεθ' ὑμῶν τῶν ὑπὲρ τῆς αὑτῶν ἐλευθερίας ἀγωνιζομένων; Εἰ δὲ μή, τί λέγοντες, ἢν πάλιν γένηται πόλεμος, ἀξιώσετε προσάγεσθαι τοὺς Ἕλληνας, εἰ τὴν αὐτονομίαν προτείνοντες ἐκδώσετε πορθεῖν Θηβαίοις ἥντιν' ἂν βούλωνται τῶν πόλεων; [44] Πῶς δ' οὐ τἀναντία φανήσεσθε πράττοντες ὑμῖν αὐτοῖς, εἰ Θηβαίους μὲν μὴ διακωλύσετε παραβαίνοντας τοὺς ὅρκους καὶ τὰς συνθήκας, πρὸς δὲ Λακεδαιμονίους ὑπὲρ τῶν αὐτῶν τούτων προσποιήσεσθε πολεμεῖν; Καὶ τῶν μὲν κτημάτων τῶν ὑμετέρων αὐτῶν ἀπέστητε, βουλόμενοι τὴν συμμαχίαν ὡς μεγίστην ποιῆσαι, τούτους δὲ τὴν ἀλλοτρίαν ἔχειν ἐάσετε καὶ τοιαῦτα ποιεῖν ἐξ ὧν ἅπαντες χείρους εἶναι νομιοῦσιν ὑμᾶς; [45] Ὃ δὲ πάντων δεινότατον, εἰ τοῖς μὲν συνεχῶς μετὰ Λακεδαιμονίων γεγενημένοις δεδογμένον ὑμῖν ἐστὶ βοηθεῖν, ἤν τι παράσπονδον αὐτοῖς ἐκεῖνοι προστάττωσιν, ἡμᾶς δ' οἳ τὸν μὲν πλεῖστον χρόνον μεθ' ὑμῶν ὄντες διατετελέκαμεν, τὸν δὲ τελευταῖον μόνον πόλεμον ὑπὸ Λακεδαιμονίοις ἠναγκάσθημεν γενέσθαι, διὰ ταύτην τὴν πρόφασιν ἀθλιώτατα πάντων ἀνθρώπων περιόψεσθε διακειμένους.

[46] Τίνας γὰρ ἂν ἡμῶν εὕροι τις δυστυχεστέρους, οἵτινες καὶ πόλεως καὶ χώρας καὶ χρημάτων ἐν μιᾷ στερηθέντες ἡμέρᾳ, πάντων τῶν ἀναγκαίων ὁμοίως ἐνδεεῖς ὄντες ἀλῆται καὶ πτωχοὶ καθέσταμεν, ἀποροῦντες ὅποι τραπώμεθα, καὶ πάσας τὰς οἰκήσεις δυσχεραίνοντες· ἤν τε γὰρ δυστυχοῦντας καταλάβωμεν, ἀλγοῦμεν ἀναγκαζόμενοι πρὸς τοῖς οἰκείοις κακοῖς καὶ τῶν ἀλλοτρίων κοινωνεῖν· [47] ἤν θ' ὡς εὖ πράττοντας ἔλθωμεν, ἔτι χαλεπώτερον ἔχομεν, οὐ ταῖς ἐκείνων φθονοῦντες εὐπορίαις, ἀλλὰ μᾶλλον ἐν τοῖς τῶν πέλας ἀγαθοῖς τὰς ἡμετέρας αὐτῶν συμφορὰς καθορῶντες, ἐφ' αἷς ἡμεῖς οὐδεμίαν ἡμέραν ἀδακρυτὶ διάγομεν ἀλλὰ πενθοῦντες τὴν πατρίδα καὶ θρηνοῦντες τὴν μεταβολὴν τὴν γεγενημένην ἅπαντα τὸν χρόνον διατελοῦμεν. [48] Τίνα γὰρ ἡμᾶς οἴεσθε γνώμην ἔχειν ὁρῶντας καὶ τοὺς γονέας αὑτῶν ἀναξίως γηροτροφουμένους καὶ τοὺς παῖδας οὐκ ἐπὶ ταῖς ἐλπίσιν αἷς ἐποιησάμεθα παιδευομένους, ἀλλὰ πολλοὺς μὲν μικρῶν ἕνεκα συμβολαίων δουλεύοντας, ἄλλους δ' ἐπὶ θητείαν ἰόντας, τοὺς δ' ὅπως ἕκαστοι δύνανται τὰ καθ' ἡμέραν ποριζομένους, ἀπρεπῶς καὶ τοῖς τῶν προγόνων ἔργοις καὶ ταῖς αὑτῶν ἡλικίαις καὶ τοῖς φρονήμασι τοῖς ἡμετέροις; [49] Ὃ δὲ πάντων ἄλγιστον, ὅταν τις ἴδῃ χωριζομένους ἀπ' ἀλλήλων μὴ μόνον πολίτας ἀπὸ πολιτῶν ἀλλὰ καὶ γυναῖκας ἀπ' ἀνδρῶν καὶ θυγατέρας ἀπὸ μητέρων καὶ πᾶσαν τὴν συγγένειαν διαλυομένην, ὃ πολλοῖς τῶν ἡμετέρων πολιτῶν διὰ τὴν ἀπορίαν συμβέβηκεν· ὁ γὰρ κοινὸς βίος ἀπολωλὼς ἰδίας τὰς ἐλπίδας ἕκαστον ἡμῶν ἔχειν πεποίηκεν. [50] Οἶμαι δ' ὑμᾶς οὐδὲ τὰς ἄλλας αἰσχύνας ἀγνοεῖν τὰς διὰ πενίαν καὶ φυγὴν γιγνομένας, ἃς ἡμεῖς τῇ μὲν διανοίᾳ χαλεπώτερον τῶν ἄλλων φέρομεν, τῷ δὲ λόγῳ παραλείπομεν, αἰσχυνόμενοι λίαν ἀκριβῶς τὰς ἡμετέρας αὐτῶν ἀτυχίας ἐξετάζειν.

[51] Ὧν αὐτοὺς ὑμᾶς ἀξιοῦμεν ἐνθυμουμένους ἐπιμέλειάν τινα ποιήσασθαι περὶ ἡμῶν. Καὶ γὰρ οὐδ' ἀλλότριοι τυγχάνομεν ὑμῖν ὄντες, ἀλλὰ ταῖς μὲν εὐνοίαις ἅπαντες οἰκεῖοι, τῇ δὲ συγγενείᾳ τὸ πλῆθος ἡμῶν· διὰ γὰρ τὰς ἐπιγαμίας τὰς δοθείσας ἐκ πολιτίδων ὑμετέρων γεγόναμεν· ὥστ' οὐχ οἷόν θ' ὑμῖν ἀμελῆσαι περὶ ὧν ἐληλύθαμεν δεησόμενοι. Καὶ γὰρ ἂν πάντων εἴη δεινότατον, [52] εἰ πρότερον μὲν ἡμῖν μετέδοτε τῆς πατρίδος τῆς ὑμετέρας αὐτῶν, νῦν δε μηδὲ τὴν ἡμετέραν ἀποδοῦναι δόξειεν ὑμῖν. Ἔπειτ' οὐδ' εἰκὸς ἕνα μὲν ἕκαστον ἐλεεῖσθαι τῶν παρὰ τὸ δίκαιον δυστυχούντων, ὅλην δὲ πόλιν οὕτως ἀνόμως διεφθαρμένην μηδὲ κατὰ μικρὸν οἴκτου δυνηθῆναι τυχεῖν, ἄλλως τε καὶ παρ' ὑμᾶς καταφυγοῦσαν, οἷς οὐδὲ τὸ πρότερον αἰσχρῶς οὐδ' ἀκλεῶς ἀπέβη τοὺς ἱκέτας ἐλεήσασιν.

[53] Ἐλθόντων γὰρ Ἀργείων ὡς τοὺς προγόνους ὑμῶν καὶ δεηθέντων ἀνελέσθαι τοὺς ὑπὸ τῇ Καδμείᾳ τελευτήσαντας, πεισθέντες ὑπ' ἐκείνων καὶ Θηβαίους ἀναγκάσαντες βουλεύσασθαι νομιμώτερον οὐ μόνον αὐτοὶ κατ' ἐκείνους τοὺς καιροὺς εὐδοκίμησαν, ἀλλὰ καὶ τῇ πόλει δόξαν ἀείμνηστον εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον κατέλιπον, ἧς οὐκ ἄξιον προδότας γενέσθαι. Καὶ γὰρ αἰσχρὸν φιλοτιμεῖσθαι μὲν ἐπὶ τοῖς τῶν προγόνων ἔργοις, φαίνεσθαι δ' ἐκείνοις τἀναντία περὶ τῶν ἱκετῶν πράττοντας.

[54] Καίτοι πολὺ περὶ μειζόνων καὶ δικαιοτέρων ἥκομεν ποιησόμενοι τὰς δεήσεις· οἱ μὲν γὰρ ἐπὶ τὴν ἀλλοτρίαν στρατεύσαντες ἱκέτευον ὑμᾶς, ἡμεῖς δὲ τὴν ἡμετέραν αὐτῶν ἀπολωλεκότες, κἀκεῖνοι μὲν παρεκάλουν ἐπὶ τὴν τῶν νεκρῶν ἀναίρεσιν, ἡμεῖς δ' ἐπὶ τὴν τῶν λοιπῶν σωτηρίαν. [55] Ἔστι δ' οὐκ ἴσον κακὸν οὐδ' ὅμοιον τοὺς τεθνεῶτας ταφῆς εἴργεσθαι καὶ τοὺς ζῶντας πατρίδος ἀποστερεῖσθαι καὶ τῶν ἄλλων ἀγαθῶν ἁπάντων, ἀλλὰ τὸ μὲν δεινότερον τοῖς κωλύουσιν ἢ τοῖς ἀτυχοῦσι, τὸ δὲ μηδεμίαν ἔχοντα καταφυγὴν ἀλλ' ἄπολιν γενόμενον καθ' ἑκάστην τὴν ἡμέραν κακοπαθεῖν καὶ τοὺς αὑτοῦ περιορᾶν μὴ δυνάμενον ἐπαρκεῖν, τί δεῖ λέγειν ὅσον τὰς ἄλλας συμφορὰς ὑπερβέβληκεν;

[56] Ὑπὲρ ὧν ἅπαντας ὑμᾶς ἱκετεύομεν ἀποδοῦναι τὴν χώραν ἡμῖν καὶ τὴν πόλιν, τοὺς μὲν πρεσβυτέρους ὑπομιμνῄσκοντες, ὡς οἰκτρὸν τοὺς τηλικούτους ὁρᾶσθαι δυστυχοῦντας καὶ τῶν καθ' ἡμέραν ἀποροῦντας, τοὺς δὲ νεωτέρους ἀντιβολοῦντες καὶ δεόμενοι βοηθῆσαι τοῖς ἡλικιώταις καὶ μὴ περιιδεῖν ἔτι πλείω κακὰ τῶν εἰρημένων παθόντας. [57] Ὀφείλετε δὲ μόνοι τῶν Ἑλλήνων τοῦτον τὸν ἔρανον, ἀναστάτοις ἡμῖν γεγενημένοις ἐπαμῦναι. Καὶ γὰρ τοὺς ἡμετέρους προγόνους φασὶν ἐκλιπόντων τῶν ὑμετέρων πατέρων ἐν τῷ Περσικῷ πολέμῳ ταύτην τὴν χώραν μόνους τῶν ἔξω Πελοποννήσου κοινωνοὺς ἐκείνοις τῶν κινδύνων γενομένους συνανασῶσαι τὴν πόλιν αὐτοῖς· ὥστε δικαίως ἂν τὴν αὐτὴν εὐεργεσίαν ἀπολάβοιμεν ἥνπερ αὐτοὶ τυγχάνομεν εἰς ὑμᾶς ὑπάρξαντες.

[58] Εἰ δ' οὖν καὶ μηδὲν ὑμῖν τῶν σωμάτων τῶν ἡμετέρων δέδοκται φροντίζειν, ἀλλὰ τήν γε χώραν οὐ πρὸς ὑμῶν ἐστὶν ἀνέχεσθαι πεπορθημένην, ἐν ᾗ μέγιστα σημεῖα τῆς ἀρετῆς τῆς ὑμετέρας καὶ τῶν ἄλλων τῶν συναγωνισαμένων καταλείπεται· [59] τὰ μὲν γὰρ ἄλλα τρόπαια πόλει πρὸς πόλιν γέγονεν, ἐκεῖνα δ' ὑπὲρ ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος πρὸς ὅλην τὴν ἐκ τῆς Ἀσίας δύναμιν ἕστηκεν. Ἃ Θηβαῖοι μὲν εἰκότως ἀφανίζουσι, τὰ γὰρ μνημεῖα τῶν τότε γενομένων αἰσχύνη τούτοις ἐστίν, ὑμῖν δὲ προσήκει διασῴζειν· ἐξ ἐκείνων γὰρ τῶν ἔργων ἡγεμόνες κατέστητε τῶν Ἑλλήνων. [60] Ἄξιον δὲ καὶ τῶν θεῶν καὶ τῶν ἡρώων μνησθῆναι τῶν ἐκεῖνον τὸν τόπον κατεχόντων καὶ μὴ περιορᾶν τὰς τιμὰς αὐτῶν καταλυομένας, οἷς ὑμεῖς καλλιερησάμενοι τοιοῦτον ὑπέστητε κίνδυνον, ὃς καὶ τούτους καὶ τοὺς ἄλλους ἅπαντας Ἕλληνας ἠλευθέρωσεν. Χρὴ δὲ καὶ τῶν προγόνων ποιήσασθαί τινα πρόνοιαν καὶ μὴ παραμελῆσαι μηδὲ τῆς περὶ ἐκείνους εὐσεβείας, [61] οἳ πῶς ἂν διατεθεῖεν, εἴ τις ἄρα τοῖς ἐκεῖ φρόνησίς ἐστι περὶ τῶν ἐνθάδε γιγνομένων, εἰ κυρίων ὑμῶν ὄντων αἴσθοιντο τοὺς μὲν δουλεύειν τοῖς βαρβάροις ἀξιώσαντας δεσπότας τῶν ἄλλων καθισταμένους, ἡμᾶς δὲ τοὺς ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας συναγωνισαμένους μόνους τῶν Ἑλλήνων ἀναστάτους γεγενημένους, καὶ τοὺς μὲν τῶν συγκινδυνευσάντων τάφους μὴ τυγχάνοντας τῶν νομιζομένων σπάνει τῶν ἐποισόντων, Θηβαίους δὲ τοὺς τἀναντία παραταξαμένους κρατοῦντας τῆς χώρας ἐκείνης; [62] Ἐνθυμεῖσθε δ' ὅτι Λακεδαιμονίων μεγίστην ἐποιεῖσθε κατηγορίαν, ὅτι Θηβαίοις χαριζόμενοι τοῖς τῶν Ἑλλήνων προδόταις ἡμᾶς τοὺς εὐεργέτας διέφθειραν. Μὴ τοίνυν ἐάσητε ταύτας τὰς βλασφημίας περὶ τὴν ὑμετέραν γενέσθαι πόλιν, μηδὲ τὴν ὕβριν τὴν τούτων ἀντὶ τῆς παρούσης ἕλησθε δόξης.

[63] Πολλῶν δ' ἐνόντων εἰπεῖν ἐξ ὧν ἄν τις ὑμᾶς ἐπαγάγοι μᾶλλον φροντίσαι τῆς ἡμετέρας σωτηρίας οὐ δύναμαι πάντα περιλαβεῖν, ἀλλ' αὐτοὺς χρὴ καὶ τὰ παραλελειμμένα συνιδόντας καὶ μνησθέντας μάλιστα μὲν τῶν ὅρκων καὶ τῶν συνθηκῶν, ἔπειτα δὲ καὶ τῆς ἡμετέρας εὐνοίας καὶ τῆς τούτων ἔχθρας, ψηφίσασθαί τι περὶ ἡμῶν δίκαιον.

 XIV LE PLATAIQUE.

[1] 1. Athéniens, connaissant le zèle avec lequel vous avez coutume de secourir les victimes de l'injustice, et la noble gratitude que vous témoignez à ceux dont vous avez reçu des bienfaits, nous venons vous supplier de ne pas nous voir avec indifférence chassés de notre pays par les Thébains, au sein même de la paix. S'il est vrai qu'un grand nombre de malheureux ont eu recours à votre puissance et ont obtenu de vous tout ce qu'ils demandaient, nous croyons qu'il vous appartient surtout d'avoir égard au malheur de notre patrie : [2] car il vous serait impossible de trouver des peuples plus injustement accablés par l'infortune, et cela, lorsqu'ils ont été si longtemps et si fidèlement dévoués aux intérêts de votre ville. Nous nous présentons, d'ailleurs, pour vous demander des secours qui n'entraînent pour vous aucun danger, et tels que, si vous vous laisse/, toucher par nos prières, vous serez considérés dans tout l'univers comme les plus religieux et les plus justes des Grecs.

[3] 2. Si nous n'eussions pas vu les Thébains employer tous les moyens pour vous persuader qu'ils ne nous ont fait aucune injure, peu de mots nous auraient suffi ; mais, puisque nous on sommes venus à ce degré de malheur que nous n'avons pas seulement à lutter contre eux, mais contre les plus puissants de vos orateurs dont ils se sont procuré le secours à l'aide de nos richesses, il est nécessaire de donner à notre défense un plus grand développement.

[4] 3. Il serait difficile à nos paroles de s'élever à la hauteur des maux que nous avons soufferts ! Quel discours, en effet, ne serait pas au-dessous de notre infortune? Quel orateur serait assez, éloquent pour peindre avec vérité les injustices des Thébains ? Et cependant il faut essayer, autant que nous le pourrons, de mettre leur iniquité dans toute son évidence. [5] Nous avons d'autant plus le droit de nous irriter que, dans un temps où la paix existe, et lorsque des traités ont été conclus, loin d'obtenir des avantages égaux à ceux des autres Grecs, non seulement nous ne participons pas à la liberté commune, mais nous n'avons pas même obtenu les conditions d'une servitude ordinaire.

[6] 4. Nous vous conjurons, Athéniens, de donner à nos paroles une attention bienveillante, en vous pénétrant de cette pensée, qu'il nous arriverait ce qu'il y a de plus contraire à la raison, si, lorsque vous avez été les auteurs de la liberté des Thébains animés dans tous les temps de sentiments haineux contre votre ville, nous n'obtenions pas, même alors que nous sommes vos suppliants, les avantages que vous avez accordés à vos plus mortels ennemis.

[7] 5. Je ne vois aucun motif pour m'étendre sur le passé ; car qui peut ignorer que les Thébains ont partagé notre territoire et renversé notre ville? C'est donc seulement sur les artifice» par lesquels ils espèrent vous tromper que nous entreprendrons de vous éclairer.

[8] 6. Quelquefois ils essayent d'établir qu'ils ont agi comme ils l'ont fait envers nous, parce que nous n'avons pas voulu entrer en alliance avec eux; mais voyez s'il est juste, pour de semblables griefs, d'exercer une vengeance aussi cruelle, aussi contraire à toutes les lois, et s'il est convenable que la ville de Platée ait été contrainte par la violence à s'associer aux Thébains, plutôt que d'y être amenée par la persuasion. Quant à moi, je ne crois pas qu'il existe des hommes plus audacieux et plus coupables que ceux qui, après avoir fait disparaître de nos villes leurs propres gouvernements, nous forcent à partager leur système politique, lorsque rien ne nous en fait sentir le besoin. [9] On ne les voit pas d'ailleurs agir de la même manière envers les autres peuples. Dès qu'il leur était impossible de déterminer notre ville par la persuasion, ils devaient seulement nous obliger, comme les Tanagréens et les habitants de Thespies, à nous rendre à Thèbes pour y prendre part à leurs délibérations; du moins n'eussions-nous pas alors éprouvé des calamités irrémédiables ! Maintenant il est évident que tel n'était pas leur but, et qu'ils voulaient s'emparer de notre pays. [10] Certes, je ne puis comprendre sur quel exemple ils oseront s'appuyer, et quel principe de justice ils pourront invoquer pour nous donner des ordres. S'ils fixent leurs regards vers ce qui était admis à l'époque de leurs ancêtres, ce n'est point à eux qu'il appartient de commander aux autres, ils doivent plutôt porter leur tribut à Orchomène, parce qu'il en était ainsi dans les temps anciens; et s'ils croient que les traités doivent prononcer souverainement, ce qui est la justice, comment ne reconnaîtraient-ils pas qu'ils les transgressent et les violent, puisque les traités décident que les petites villes, comme les grandes, auront le droit de se gouverner par leurs lois ?

[11] 7. Je crois qu'ils ne pousseront pas l'impudence jusqu'à contester ces faits; ils allégueront plutôt que nous avons fait la guerre de concert avec les Lacédémoniens, et qu'en détruisant notre ville, ils ont agi dans l'intérêt de la confédération entière.

[12] 8. Mais d'abord aucun sujet de plainte ne doit, ce me semble, avoir plus de puissance que les serments et les traités : et si d'ailleurs il se trouvait des peuples qui dussent être punis à cause de leur alliance avec Lacédémone, il ne serait pas juste de choisir les Platéens entre tous les Grecs, car ce n'est pas de notre propre mouvement, mais contraints par la force, que nous avons servi les intérêts de Lacédémone. [13] Qui pourrait nous supposer assez insensés pour avoir préféré ceux qui avaient réduit notre patrie en esclavage, à ceux qui nous avaient admis chez eux aux droits de citoyens? Et de plus, il eût été difficile, je crois, pour les habitants d'une faible ville, d'introduire un changement de situation en présence d'un peuple aussi puissant que les Lacédémoniens, lorsque surtout un harmoste était établi dans notre ville, qu'une garnison l'occupait, et qu'une armée campait à Thespies, [14] assez, forte pour nous détruire, non seulement avec plus de facilité, mais avec plus de justice que ne l'ont fait les Thébains. Ces derniers ne pouvaient convenablement reproduire au sein de la paix des souvenirs de colère pour d'anciennes offenses, tandis que les Lacédémoniens, trahis par nous dans la guerre, auraient eu le droit de nous infliger les plus sévères châtiments.[15]  Un grand nombre de Grecs, qui de cœur étaient avec vous, ont été, vous ne l'ignorez pas, je pense, forcés de suivre les Spartiates. Dans quelle disposition faudrait-il s'attendre à les trouver, s'ils apprenaient que les Thébains ont persuadé au peuple d'Athènes qu'on ne doit aucune pitié à ceux qui ont fléchi sous le pouvoir de Lacédémone? [16] Leurs paroles ne pourraient avoir une autre signification, puisque les Thébains ont détruit notre ville, sans porter contre elle aucune accusation qu'ils ne puissent également diriger contre eux. C'est donc sur ce point qu'il vous convient de délibérer, et de faire en sorte que la violence des Thébains n'ait pas pour effet de rattacher au parti de Lacédémone ceux qui avaient auparavant l'horreur de sa domination, en leur faisant considérer son alliance comme la condition de leur salut.

[17] 9. Remarquez que vous avez entrepris la dernière de vos guerres, non pour votre liberté ou pour celle de vos alliés (car alors la liberté existait pour vous tous), mais afin de défendre les peuples qui, au mépris des serments et des traités, étaient dépouillés du droit de se gouverner eux-mêmes. Ne serait-ce pas le fait le plus déplorable, si des villes que vous ne jugiez pas devoir être soumises au pouvoir de Lacédémone, vous les voyiez aujourd'hui avec indifférence anéanties par les Thébains ? Ces derniers sont si loin d'imiter votre générosité, que le malheur qui semble le plus terrible de tous, [18] celui d'être prisonnier de guerre, serait moins funeste pour nous, si nous l'éprouvions de voire part, que celui de les avoir pour voisins ; les peuples que vous avez soumis par la force, délivrés immédiatement de l'harmoste et de la servitude, sont maintenant admis à siéger dans vos conseils et à participer à la liberté ; tandis que, parmi les peuples voisins de Thèbes, les uns sont asservis comme les esclaves achetés à prix d'argent, et les autres n'obtiendront aucun repos avant d'avoir été réduits à une situation pareille à la vôtre. Ils reprochent aux Lacédémoniens [19] d'avoir surpris la Cadmée et de placer des garnisons dans les villes grecques, et eux, parce qu'ils n'envoient pas de garnisons dans les villes, croient ne rien faire d'extraordinaire lorsqu'ils renversent les murailles des unes, détruisent les autres de fond en comble, et poussent l'impudence jusqu'à imposer à tous leurs alliés le soin de garantir leur propre sûreté, s'attribuant en même temps le droit d'imposer aux autres peuples le joug de la servitude. [20] Comment leur ambitieuse cupidité ne serait-elle pas un objet de haine ? D'une part, ils cherchent à établir leur domination sur les plus faibles, de l'autre, ils prétendent jouir des mêmes droits que les plus puissants ; ils envient à votre ville elle-même la terre qui lui a été donnée par les habitants d'Orope, et en même temps ils partagent entre eux une contrée étrangère dont ils se sont emparés par la violence.

[21] 10. Indépendamment d'autres indignités, ils disent que c'est dans l'intérêt commun des alliés qu'ils ont agi de cette manière. Mais, l'assemblée générale étant réunie à Athènes, et votre ville étant plus capable que Thèbes de délibérer avec sagesse, ils ne devaient pas s'y présenter pour faire l'apologie de faits accomplis ; ils devaient venir vous consulter avant d'agir. [22] Maintenant, lorsque seuls, ils ont pillé nos richesses, ils se présentent pour faire partager à tous les alliés le poids de l'accusation ; par conséquent, si vous êtes sages, vous vous tiendrez en garde contre une telle imputation, et il sera plus honorable pour vous d'obliger les Thébains à imiter votre religieuse équité, que de consentir à partager l'injustice de ceux qui n'ont aucun sentiment commun avec le reste de l'humanité. [23] Il est évident pour tous qu'il convient aux hommes sages de chercher, dans la guerre, tous les moyens de triompher de leurs ennemis ; mais, du moment où la paix est faite, aucun intérêt ne doit l'emporter sur les serments et les traités. Autrefois, dans toutes leurs ambassades, ils parlaient pour la liberté et pour l'indépendance ; mais, depuis qu'ils croient avoir acquis la faculté de faire impunément ce qu'ils veulent, ils ne craignent pas, négligeant tout le reste, de prendre la parole pour justifier leurs usurpations et leurs violences. [25] Ils vont même jusqu'à prétendre qu'il est utile, pour les alliés, que les Thébains possèdent notre pays, ignorant apparemment que jamais rien n'a réussi à ceux dont l'ambition se satisfait aux dépens de la justice, et que, parmi les hommes qui ont voulu injustement s'emparer du bien des autres, un grand nombre out été justement exposés au danger de perdre celui qui leur appartenait.

[26] 11. Nos adversaires ne pourront même pas dire qu'ils persévèrent dans leur fidélité envers les peuples avec lesquels ils sont unis, tandis que vous pouvez craindre qu'après avoir recouvré notre pays, on ne nous voie passer dans le parti de Lacédémone : car, vous ne l'ignorez pas, deux fois nous avons subi les horreurs d'un siège, pour rester fidèles à votre amitié ; et,- dans un grand nombre de circonstances, les Thébains ont manqué à leurs engagements envers votre ville.

[27] 12. Ce serait un long travail de rappeler les anciennes trahisons ; qu'il nous suffise de dire que, lorsque l'insolence des Thébains eut allumé la guerre de Corinthe, les Lacédémoniens ayant envoyé une armée contre eux, sauvés par vous, non seulement ils ne vous ont témoigné aucune reconnaissance, mais, aussitôt la guerre terminée, ils ont abandonné votre parti pour passer dans l'alliance de Sparte. [28] Les habitants de Chio, de Mytilène, de Byzance, vous sont restés fidèles; eux, au contraire, possesseurs d'une ville si considérable, ils n'ont pas même osé garder la neutralité ; ils ont poussé la lâcheté et la perfidie jusqu'à s'engager par serment à marcher avec les Spartiates contre vous, contre les sauveurs de leur ville ; trahison dont les dieux les punirent, en les forçant par la prise de la Cadmée à se réfugier vers vous. Mais c'est alors qu'ils ont surtout fait éclater leur perfidie ; [29] sauvés une seconde fois par votre puissance et rentrés dans leur patrie, ils ne vous sont pas demeurés fidèles, même un instant; ils ont envoyé immédiatement des ambassadeurs à Lacédémone, pour annoncer qu'ils étaient prêts à subir de nouveau le joug de la servitude sans rien changer aux conditions des anciens traités. Qu'est-il besoin d'en dire davantage? Si les Lacédémoniens ne leur eussent pas donné l'ordre de recevoir les exilés et de chasser de leur ville les meurtriers, rien ne les eût empêchés de faire, avec ceux qui les avaient opprimés, une nouvelle expédition contre vous, leurs bienfaiteurs.

[30] 13. Et ce sont pourtant ces hommes qui, de nos jours, ont été pour votre ville tels que nous venons de le dire, qui autrefois ont trahi toute la Grèce; ce sont eux qui, après avoir obtenu le pardon de tant de forfaits énormes et volontaires, prétendent que nous ne devons trouver aucune indulgence pour une faute que la nécessité seule nous a forcés de commettre ; ce sont eux qui osent, quand ils sont Thébains, accuser avec injure les autres peuples d'être dévoués au parti de Lacédémone, eux qui, nous le savons tous, courbés, presque à toutes les époques, sous le joug de Sparte, ont combattu pour sa puissance avec plus d'ardeur que pour leur propre salut. A quelle attaque dirigée contre voire pays ont-ils manqué de prendre part ? [31] Quels sont, parmi vos ennemis, ceux qu'ils n'ont pas dépasses dans leur inimitié, dans leur persévérance à vous nuire?Ne vous ont-ils pas fait plus de mal, dans la guerre de Décélie, que tous ceux qui envahissaient avec eux le territoire de l'Attique? Et quand la fortune vous fut contraire, seuls, entre tous les alliés, n'ont-ils pas donné leur suffrage pour que votre ville fût réduite en servitude, et votre pays livré, comme la plaine de Crissa, à la pâture des troupeaux? [32] De telle sorte que, si les Lacédémoniens eussent été animés des mêmes sentiments que les Thébains, rien n'aurait empêché que les auteurs du salut de toute la Grèce ne fussent réduits en esclavage par les Grecs, et victimes des plus affreux désastres. Quel bienfait, je le demande, pourraient-ils invoquer, qui fût capable d'effacer la haine dont ils sont justement l'objet?

[33] 14. Il ne reste donc aucune excuse pour des hommes chargés de si grands forfaits, et, quant à ceux qui veulent prendre leur défense, ils ne peuvent faire valoir qu'une seule raison : c'est que, la Béotie formant aujourd'hui un véritable rempart pour l'Attique, vous agirez contre l'intérêt de vos alliés en rompant votre alliance avec Thèbes, attendu que cette ville apportera un grand poids dans la balance le jour où elle se réunira avec Lacédémone.

15. Pour moi, je suis loin d'admettre comme utile pour les alliés que les plus faibles subissent le joug des plus forts (et nous avons autrefois combattu pour qu'il n'en fût pas ainsi) ; je ne puis croire les Thébains susceptibles d'un tel excès de folie qu'après s'être séparés de votre alliance, ils remettent leur ville entre les mains des Lacédémoniens ; non pas que j'aie confiance dans leur loyauté, mais parce qu'ils savent qu'ils se réduiraient à l'alternative de périr en restant dans leur ville et de souffrir des maux semblables à ceux qu'ils ont fait souffrir aux autres, ou de fuir leur patrie pour vivre dans la misère, privés de toute espérance. [35] Que pourraient-ils attendre de favorable, soit de la part de leurs concitoyens, quand ils ont immolé les uns et chassé les autres de leur ville après les avoir dépouillés de leur fortune, soit du reste des Béotiens, qu'ils entreprennent injustement de dominer après avoir détruit les remparts d'une partie d'entre eux et enlevé aux autres leur territoire? [36] Ils n'auront même pas la faculté de revenir vers votre ville après l'avoir aussi constamment trahie. Il est donc impossible qu'ils veuillent, se séparant de vous au sujet d'une ville étrangère, risquer le sort de leur patrie avec une si évidente témérité, et ils seront d'autant plus traitables, d'autant plus empressés à vous servir dans toutes les circonstances, qu'ils craindront davantage pour leur salut. [37] Ils vous ont montré d'ailleurs, dans la conduite qu'ils ont tenue à l'égard d'Orope, comment vous devez agir avec des hommes de leur nature. Lorsqu'ils avaient l'espoir de faire impunément tout ce qu'ils voudraient, ils ne vous traitaient pas comme des alliés : ils osaient, dans leur insolence, agir relativement à vous comme à l'égard des ennemis les plus acharnés ; et lorsque, pour les punir, vous avez décidé qu'ils seraient exclus des traités, imposant alors silence à leur orgueil, ils se sont présentés devant vous dans une attitude plus humiliée que celle où nous sommes maintenant. [38] Si donc quelques-uns de vos orateurs cherchent à vous effrayer, en vous disant qu'il est à craindre que les Thébains, changeant d'alliance, s'unissent à vos ennemis, refusez-leur votre confiance ; car de telles nécessités les pressent aujourd'hui, qu'ils subiraient plutôt votre domination que l'alliance de Lacédémone.

[39] 16. Et si pourtant on pouvait supposer qu'ils dussent agir autrement, même alors je ne croirais pas qu'il vous convînt d'avoir plus d'égard pour la ville de Thèbes que pour les serments et les traités. Rappelez-vous que la crainte, non des dangers, mais de l'infamie et de la honte est pour vous un sentiment héréditaire, et que le résultat des succès de la guerre est le partage, non pas de ceux qui renversent les villes par la violence, mais de ceux qui administrent les intérêts de la Grèce avec le plus de piété et de douceur.

[40] 17. Un grand nombre d'exemples pourraient démontrer cette vérité. Qui peut ignorer ce qui s'est passé de nos jours et comment les Lacédémoniens, quoiqu'ils n'eussent au commencement que de très faibles ressources pour une guerre maritime, ont renversé votre puissance, à une époque où elle paraissait irrésistible, parce qu'ils avaient attiré les Grecs dans leur parti, à cause de leur bonne renommée ? et que vous leur avez repris l'empire, quand votre ville était déserte et sans murailles, parce que vous aviez, cette fois, la justice pour auxiliaire ? [41] Les événements accomplis dans ces derniers temps ont prouvé avec évidence que le Roi n'était pas l'auteur de ce résultat; car, à cette époque, il se trouvait en dehors des affaires de la Grèce ; nous étions dans une situation désespérée; presque toutes les villes étaient courbées sous le joug de Lacédémone, et cependant vous avez obtenu, dans cette guerre, une telle supériorité que les Lacédémoniens ont vu avec bonheur la paix se conclure.

[42] 18. Qu'ainsi donc aucun de vous, quand il s'appuie sur la justice, ne redoute les dangers et ne croie que les alliés nous manqueront si vous accordez votre secours aux victimes de l'injustice, et non pas aux seuls Thébains ; soyez assurés au contraire qu'en vous déclarant contre eux, vous déciderez un grand nombre de peuples à rechercher votre amitié. Car, lorsque vous vous montrerez également prêts à faire la guerre à tous, pour la défense des traites, [43] quels peuples seraient assez insensés pour vouloir s'unir aux oppresseurs de la Grèce, plutôt qu'à vous, les défenseurs de leur liberté ? S'il en était autrement et que la guerre se rallumât, de quelles paroles pourriez-vous désormais vous servir pour entraîner les Grecs dans votre alliance, lorsqu'on leur promettant l'indépendance, vous livreriez à la fureur des Thébains toute ville vouée par eux à la destruction ?  [44] Comment ne paraîtriez-vous pas agir en opposition avec vous-mêmes, si vous n'empêchiez pas les Thébains de violer les serments et les traités, en même temps que vous prétendriez faire la guerre aux Lacédémoniens pour le même sujet? [44] Comment, enfin, lorsque vous renoncez à ce qui vous appartient, pour étendre autant que possible le cercle de l'alliance, pourriez-vous permettre aux Thébains de s'emparer d'un territoire qui n'est pas à eux, et de commettre des actes dont la conséquence serait de vous faire passer aux yeux de tout l'univers pour inférieurs à ce que vous êtes? [45] Ne serait-ce pas le fait le plus odieux si, après avoir pris la résolution de secourir les peuples qui ont été les plus constamment attachés aux Lacédémoniens, dans le cas où ceux-ci exigeraient d'eux des choses contraires aux traités, vous nous abandonniez, nous qui avons si longtemps persisté dans votre alliance et qui, seulement dans la dernière guerre, avons été forcés d'obéir aux Lacédémoniens; si, dis-je, sous ce prétexte, vous nous abandonniez, lorsque nous sommes les plus malheureux des hommes?

[46] 19. Qui pourrait trouver des mortels plus accablés par l'infortune? Dépouillés en un même jour de notre patrie, de nos champs, de nos richesses, et privés également de tout ce qui est nécessaire à la vie, nous sommes condamnés à l'existence des vagabonds et des mendiants, sans savoir où porter nos pas; redoutant tous les lieux habités, car, si nous rencontrons des hommes frappés par le malheur, nos calamités domestiques sont aggravées par la nécessité de partager des afflictions étrangères ; [47]et si nous sommes conduits chez ceux que la fortune favorise, notre position devient plus cruelle encore, non par les sentiments d'envie que nous portons à leur bonheur, mais parce que, contemplant nos désastres au milieu des prospérités de nos voisins, nous apprécions davantage l'étendue des malheurs sur lesquels nous ne passons pas un seul jour sans gémir, sans pleurer sur notre patrie, et sans déplorer le changement dont elle a été la victime. [48] Quel sentiment croyez-vous que nous devons éprouver, quand nous voyons nos parents nourris dans leur vieillesse d'une manière indigne de leur rang; nos enfants privés dans leur jeune âge des espérances au milieu desquelles nous leur avions donné le jour, la plupart forcés de servir pour un misérable salaire, d'autres soutenant leur existence par le travail de leurs mains, d'autres, enfin, cherchant â se procurer les choses nécessaires à la vie par tous les moyens possibles et par des travaux qui contrastent avec les œuvres de leurs pères, avec leur âge, avec nos propres sentiments? [49] Mais le spectacle le plus déchirant pour nous, c'est de voir non seulement les citoyens séparés les uns des autres, mais les épouses arrachées à leurs époux, les filles à leurs mères, les familles dispersées, Et voilà pourtant où la misère a réduit un grand nombre de nos concitoyens ! la vie commune est détruite, et chacun de nous est contraint de s'isoler dans ses espérances. [50] Vous ne pouvez, ignorer les autres humiliations qui accompagnent l'exil et la pauvreté, elles sont pour notre courage plus dures à supporter que toutes les autres calamités, mais nous les passons sous silence ; nous aurions trop à rougir, s'il nous fallait présenter le tableau complet de nos désastres.

[51] 20. Nous vous supplions, Athéniens, de vous pénétrer de cette situation, et de nous secourir dans notre infortune. Nous ne vous sommes point étrangers ; nous vous appartenons tous par les sentiments d'affection, et la plupart d'entre nous vous sont unis par les liens d'une origine commune ; nous sommes le fruit des alliances que nos pères ont contractées avec des femmes sorties des villes que vous habitez ; il vous est donc impossible d'accueillir avec indifférence les demandes que nous sommes venus vous présenter. Il y aurait quelque chose de monstrueux [52] si, après nous avoir autrefois admis à partager votre patrie, vous décidiez aujourd'hui que la nôtre ne nous sera pas rendue. Il serait même contraire à la raison, lorsque chacun de ceux que le malheur accable injustement est sur de vous inspirer de la pitié, qu'une ville entière détruite avec tant d'iniquité ne pût pas obtenir de vous une légère commisération, lorsque surtout c'est vers vous qu'elle se réfugie, vous qui, dans d'autres temps, avez mérité une noble gloire par votre compassion envers ceux qui se faisaient vos suppliants.

[53] 21. Les Argiens, autrefois, s'étant présentés devant vos ancêtres et ayant imploré leur assistance afin de pouvoir enlever les corps de leurs concitoyens morts sous les murs de la Cadmée, vos ancêtres se laissèrent toucher par leurs prières, et, en obligeant les Thébains à prendre une résolution plus conforme à Injustice, non seulement ils acquirent à cette époque une grande renommée pour eux-mêmes, mais ils transmirent à leur patrie une gloire qui se perpétuera d'âge en âge, et qu'il serait indigne de trahir. Ne serait-ce pas une honte, lorsque vous vous glorifiez des actes de vos pères, que l'on vous vît agir autrement à l'égard de ceux qui vous implorent?

[54] 22. Nous venons d'ailleurs vous solliciter en faveur d'intérêts beaucoup plus grands et d'une cause beaucoup plus juste. Les Argiens imploraient votre secours après avoir porté la guerre sur un territoire étranger ; nous, c'est après avoir perdu notre patrie ; ils imploraient votre appui pour enlever leurs morts, et nous, nous vous implorons pour le salut de ceux qui vivent encore. [55] Être privé de sépulture, quand on a perdu la vie, n'est pas un malheur égal ou même semblable à celui d'être dépouillé vivant de sa patrie et de tous les biens que l'on possède : il y a quelque chose de plus odieux pour ceux qui refusent un tombeau que pour ceux qui ne peuvent l'obtenir ; mais exister sans patrie, sans avoir aucun refuge, souffrir soi-même chaque jour et voir souffrir tous les siens sans pouvoir les secourir, est-il besoin de dire à quel point un tel malheur sur passe tous les autres ?

[56] 23. Appuyés sur ces motifs, nous vous supplions tous, Athéniens, de nous rendre notre pays, de nous rendre notre patrie. Nous nous adressons aux vieillards, en leur rappelant à quel point il est douloureux de voir des hommes accablés par les années gémissant sous le poids de la misère et manquant du pain de chaque jour. Nous nous adressons aux jeunes gens, en les priant, en les conjurant de secourir les hommes de leur âge et de ne pas les voir avec indifférence en proie à des maux plus grands encore que ceux dont nous avons fait le tableau. [57] Seuls, entre tous les Grecs, lorsque nous sommes chassés de notre patrie, vous nous devez ce témoignage de reconnaissance, car l'histoire nous apprend qu'à l'époque de la guerre Persique, vos ancêtres ayant abandonné leur pays, nos pères, parmi tous les peuples qui habitaient en dehors du Péloponnèse, furent les seuls qui s'unirent à leurs dangers, et les aidèrent à relever leur patrie. Il est donc juste que nous recevions de vous un bienfait semblable à celui dont, les premiers, nous vous avons donné l'exemple.

[58] 24. Lors même que vous auriez résolu de ne tenir aucun compte de nos malheurs personnels, il ne serait pas digne de vous de supporter la dévastation d'une terre sur laquelle reposent les plus nobles monuments de votre valeur et de celle des peuples qui ont combattu avec vous. [59] Les autres trophées rappellent les avantages qu'une ville a remportés sur une ville rivale; ceux-ci ont été élevés pour consacrer le triomphe complet de la Grèce sur toutes les forces de l'Asie. Certes, les Thébains voudraient les faire disparaître, parce que, rappelant les faits accomplis à cette époque, ils sont une honte pour eux ; mais c'est pour vous un devoir de les sauver, puisque ces faits glorieux vous ont placés à la tète de la Grèce. [60] C'est aussi un devoir de rappeler et les dieux et les héros qui protègent cette contrée, et de ne pas laisser abolir le culte des divinités auxquelles vous aviez sacrifié, sous des auspices favorables, avant de vous exposer à l'immense danger qui assura la liberté des Thébains, comme celle de tous les autres Grecs. Il faut encore avoir égard à vos ancêtres et ne pas négliger envers eux les devoirs que la piété vous impose. Que penseraient-ils, s'il existe chez les morts quelque sentiment des choses de la terre, en apprenant que, dans un temps où vous commandez à la Grèce, ceux qui jadis ont consenti à subir le joug des Barbares s'établissent les despotes des autres peuples ; tandis que nous, après avoir combattu pour la liberté commune, seuls parmi tous les Grecs, nous sommes bannis de notre pays, que les tombeaux des guerriers qui ont partagé vos dangers sont privés des honneurs qui leur appartenaient, par l'absence de ceux qui devaient les leur rendre, et que les Thébains, qui ont combattu contre eux, sont les maîtres du pays? [62] Pensez, enfin, que vous avez fait retentir la plus grave de toutes les accusations contre les Lacédémoniens, lorsque vous leur avez reproché de nous avoir détruits, nous, les bienfaiteurs de la Grèce, pour complaire aux Thébains, traîtres envers elle. Non, vous ne voudrez jamais que de semblables injures retombent sur votre ville, et vous ne préférerez pas l'insolence des Thébains à la gloire dont vous jouissez maintenant.

[63] 25. Beaucoup de motifs, dignes d'accroître votre intérêt pour notre juste délivrance, pourraient encore être invoqués, mais je ne puis les renfermer tous dans les bornes d'un discours ; c'est à vous qui connaissez les faits que je passe sous silence, qui vous rappelez les serments et les traités ainsi que notre dévouement et la haine des Thébains, qu'il appartient de prononcer à notre égard conformément à la justice.