Isocrate : oeuvres complètes, tome III

ISOCRATE

OEUVRES COMPLÈTES.

 

 LETTRES

 

ŒUVRES COMPLÈTES D'ISOCRATE TRADUCTION NOUVELLE AVEC TEXTE EN REGARD LE DUC DE CLERMONT-TONNERRE (AIMÉ-MARIE-GASPARD) Ancien Ministre de la guerre et de la marine Ancien élève de l'École polytechnique TOME TROISIÈME PARIS LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie Imprimeur de l'Institut, rue Jacob, 56. ET CHEZ AUGUSTE DURAND, LIBRAIRE Rue des Grès. 7 M DCCC LXIV

 

 

 

 

 

ISOCRATE

LETTRES.

ARGUMENT SUR LES LETTRES D'ISOCRATE.

L'antiquité grecque nous a légué, sous le nom de ses plus grands hommes, un certain nombre de lettres plus ou moins authentiques. Nous n'entreprendrons pas de traiter ici cette question; nous dirons seulement que, dans les écoles, on s'exerçait beaucoup à composer des lettres sous le nom de personnages illustres. C est ainsi que nous avons des lettres d'Anacharsis, de Thémistocle, de Démosthène, d'Eschine, de Xénophon, de Platon, d'Isocrate, etc. Ces lettres se répandaient ensuite dans le public, et, au bout de quelque temps, il devenait souvent fort difficile de savoir si elles étaient véritablement de l'auteur dont elles portaient le nom ; car ce que nous appelons aujourd'hui propriété littéraire était, chez les Grecs, chose beaucoup moins déterminée que sous le règne de nos législations modernes. Quant au caractère de ces lettres, on comprend, d'après ce que nous venons de dire, qu'il ne faut y chercher ni la légèreté, ni l'abandon, ni la grâce familière du style épistolaire. Toutes traitent de sujets sérieux, pour ainsi dire ex professo, et elles n'ont de lettres que la formule du commencement et celle de la fin. Sans doute on écrivait alors des lettres dans le genre de celles que nous admirons chez Cicéron ou chez Libanius,mais on ne songeait pas encore à les réunir en collection et à les propager.

Pour ce qui est des Lettres d'Isocrate, en particulier, elles ont toutes pour objet la politique. On y rencontre les mêmes idées que dans les Discours ; c'est l'oeuvre d'un rhéteur qui adresse avec liberté des conseils aux rois et aux princes sur le gouvernement de leurs États et sur les grands intérêts de la Grèce ; conseils où règne ce ton de liberté et de franchise qui animait des républicains accoutumés à se regarder comme les égaux des rois. Plusieurs de ces lettres sont adressées à Philippe, roi de Macédoine, une à son fils Alexandre; les autres le sont à divers souverains. Le style, excepté dans la dernière qui n'est pas d'Isocrate, est presque aussi soutenu, presque aussi soigné que celui de ses autres compositions. Elles peuvent donc être authentiques ; elles sont, du moins, en harmonie avec le rang assigné à Isocrate parmi ses contemporains, Nous indiquons sommairement les principales circonstances auxquelles elles ont rapport et l'époque probable où elles ont été écrites.

PREMIÈRE LETTRE.

Il serait difficile de dire avec quelque certitude à qui cette lettre d'Isocrate a été adressée : les uns croient qu'elle a été écrite à Denys, les autres à Philippe. Il est presque impossible qu'elle l'ait été à un autre qu'à Philippe, et cependant le paragraphe 5 indique que celui à qui la lettre était destinée aurait fait la guerre à la fois contre les Lacédémoniens et les Carthaginois : or il n'existe rien dans l'histoire, à notre connaissance, qui donne à penser que Philippe ait eu une semblable guerre à soutenir. Pour ce qui touche à Denys, on voit, dans le paragraphe 4, que celui à qui écrit Isocrate avait fait la guerre aux Carthaginois, ce qui peut convenir au tyran de Syracuse ; mais  dans le même paragraphe, on trouve qu'il était le plus puissant des Grecs, et le premier par son origine, ce qui évidemment ne peut se rapporter à Denys, qui était le fils d'un homme obscur et qui lui-même avait commencé sa carrière par être simple soldat; de sorte qu'il serait encore plus difficile de croire que la lettre ait été adressée à Denys qu'au roi de Macédoine.

Par conséquent la prudence veut qu'en conservant la lettre, on suspende son jugement sur celui à qui elle a été adressée. Isocrate regrette que la vieillesse l'empêche d'aller présenter lui-même son discours au roi ; mais il espère qu'il le lira avec attention; le sujet en est important et digne d'un prince supérieur aux autres par ses exploits et par ses lumières ; les circonstances, d'ailleurs, sont favorables à l'exécution des entreprises qui y sont proposées, et l'auteur, bien que s'étant toujours tenu éloigné de l'administration publique, a pu néanmoins, en cultivant son esprit par l'étude, saisir le point essentiel des affaires mieux que les hommes les plus habiles. Auger, dans l'opinion duquel cette lettre est une sorte d'envoi du discours à Philippe, pense avec assez de vraisemblance qu'elle doit, ainsi que les deux suivantes, avoir à peu près la même date que ce discours, et, par conséquent, avoir été écrite vers l'an 347 avant J.-C.

DEUXIÈME LETTRE.

À PHILIPPE.

Isocrate a toujours eu pour règle de sa conduite l'intérêt de sa patrie et celui de la Grèce ; c'est pour cette raison qu'il conseille à Philippe de ménager sa personne. Philippe, en effet, était alors engagé dans une guerre en Thrace où il courait les plus grands dangers. Isocrate lui prouve, par plusieurs exemples, que le chef d'une armée ou d'une nation ne doit pas s'exposer témérairement; il l'engage ensuite à marcher contre les Barbares et à contracter avec Athènes une amitié solide, amitié dont l'un et l'autre retireront les plus grands avantages. Quelques mots sur la personne de l'auteur et sur la confiance que doivent inspirer ses paroles quand il parle de sa patrie, terminent cette lettre, l'une des plus longues d'Isocrate.

TROISIÈME LETTRE.

A PHILIPPE.

Il faut marcher sans délai contre les Barbares; les circonstances sont favorables, les Grecs sont disposés à se réunir pour entreprendre en commun cette expédition aussi utile que glorieuse; l'exécution en est facile; Philippe ne doit pas hésiter. Telle est la substance de cette lettre : c'est, on le voit, le même sujet que celui qui est développé dans le discours à Philippe.

QUATRIÈME LETTRE.

A ANTIPATER (1).

Diodotus, ancien disciple d'Isocrate, s'était attaché à quelques princes de l'Asie; il leur avait même rendu des services importants; mais ensuite il avait encouru leur disgrâce à cause de sa franchise. Isocrate le recommande à Antipater. Un homme qui, comme lui, connaît tout le prix d'amis utiles et fidèles, ne saurait manquer d'apprécier les qualités de Diodotus. Diodotus a un fils, ce fils hésite à se rendre en Macédoine auprès de son père : quel que soit le parti pour lequel il se détermine, Isocrate les recommande tous les deux à la bienveillance d'Antipater; c'est un dépôt qu'il lui confie.

Cette lettre, comme on le voit par son début, a été écrite un peu avant la bataille de Chéronée, Philippe était en guerre avec les Athéniens, c'est-à-dire, vers l'an 338 avant J.-C.

CINQUIÈME LETTRE.

A ALEXANDRE.

Isocrate, dans cette lettre, félicite Alexandre de son amour pour l'étude et de la préférence qu'il accorde à l'éloquence sur la dialectique. Il entremêle habilement les conseils avec les louanges qu'il donne au jeune prince. Auger croit que cette lettre a été envoyée avec une de celles qui ont été adressées à Philippe et qu'elle est de la même date. Nous nous rangeons volontiers à cette opinion, qui n'est pas sans vraisemblance.

SIXIÈME LETTRE.

AUX FILS DE JASON.

Jason, tyran de Thessalie, avait conçu le projet de se placer à la tête d'une confédération des cités grecques, lorsqu'il fut assassiné, l'an 370 avant J.-C. Les fils de ce prince avaient succédé à sa puissance ; c'est à eux qu'est adressée la sixième lettre d' Isocrate. L'auteur s'excuse de ne pas pouvoir répondre à l'invitation qu'ils lui font de se rendre d'Athènes en Thessalie ; sa vieillesse, à défaut d'autres motifs, est un empêchement invincible. Mais pour répondre, autant qu'il est en lui, à leur désir, il va leur exposer par écrit ce qu'il leur aurait dit de vive voix. Après s'être étendu avec complaisance sur ce qui le concerne personnellement, et avoir donné quelques conseils aux fils de Jason sur l'état présent des affaires, Isocrate leur fait entendre, sans toutefois le leur dire ouvertement, que, pour être heureux, ils doivent renoncer au pouvoir et rentrer dans la vie privée.

SEPTIÈME LETTRE.

A TIMOTHÉE.

Timothée, à qui cette lettre est adressée, était fils de Cléarque, tyran d'Héraclée, et ne doit pas être confondu avec Timothée fils de Conon. Cléarque avait été dur et cruel ; Isocrate félicite son fils d'exercer l'autorité avec douceur, et lui trace quelques règles d'un bon gouvernement, en lui proposant l'exemple de Cléommis, qui règne à Méthymne. Il lui recommande Autocrator, porteur de cette lettre, et termine en lui disant que, s'il lui écrit si librement, c'est qu'il n'a jamais rien demandé à Cléarque, encore qu'il ait eu avant son élévation des rapports d'amitié avec lui.

« Timothée, dit Auger, succéda à Cléarque en 357 avant J. -C. et régna jusqu'en 337, c'est-à-dire depuis la quatre-vingt-neuvième année d'Isocrate jusqu'à sa mort. C'est dans cet intervalle qu'il faut placer la date de la lettre dont il est ici question. »

HUITIÈME LETTRE.

AUX MAGISTRATS DE MITYLENE.

Agénor avait enseigné la musique aux enfants d'Apharéus, fils adoptif d'Isocrate ; il avait été exilé de Mitylène, sa patrie, à la suite des troubles survenus dans cette ville, mais dont l'histoire ne fait pas mention. Isocrate félicite les magistrats de Mitylène du rappel de plusieurs exilés, et leur montre qu'ils doivent rappeler aussi Agénor et ses parents. Il sollicite leur grâce par égard pour lui, Isocrate, qui la demande, sur les instantes prières de ses petits-fils, par égard pour les magistrats de Mitylène eux-mêmes, par égard enfin pour Agénor. Isocrate, étant déjà d'un âge avancé lorsqu'il adopta Apharéus, devait nécessairement être très vieux à l'époque où il écrivit cette lettre.

NEUVIÈME LETTRE.

A ARCHIDAMUS.

C'est à l'âge de quatre-vingts ans, comme il le dit lui-même, qu'Isocrate adresse cette lettre à Archidamus, fils et successeur d'Agésilas, roi de Lacédémone, le même que celui dans la bouche duquel il a mis le discours intitulé Archidamus. Après avoir fait, par prétérition, l'éloge de la famille d'Archidamus et du courage que le jeune prince avait montré pour la défense de Lacédémone attaquée par les Thébains, Isocrate l'exhorte à marcher contre les Barbares, et, pour l'y déterminer, il lui fait le tableau des malheurs qui accablent les Grecs d'Asie, il lui propose l'exemple de son père Agésilas, et l'avertit de ne pas chercher comme lui à mettre, dans toutes les villes, à la tête des affaires, les amis de Lacédémone, faute qui lui a ôté les moyens de porter la guerre chez les Perses. Isocrate, malgré son grand âge, a la confiance d'être encore capable de s'occuper des objets les plus importants et de donner des avis utiles, des avis qui couvriront de gloire et l'écrivain qui les propose et le prince qui les exécutera.

DIXIÈME LETTRE.

A DENYS.

On s'accorde généralement à regarder cette lettre comme n'étant pas d'Isocrate ; le style en est dur et forcé, tandis que celui d'Isocrate est doux et naturel. Quoi qu'il en soit, l'auteur de cette lettre reproche au prince, à qui elle est adressée d'avoir, dans son élévation, méconnu sa nature mortelle et d'avoir abandonné la vertu qui jadis excitait son enthousiasme. Il l'engage à renoncer à une fausse prospérité et à prévenir les coups que lui prépare la perfidie de la fortune.

 

(1) A Philippe, selon les anciennes éditions, à Antipater, selon les nouvelles.

 

Ἰσοκράτης Διονυσίῳ χαιρεῖν

[1] Εἰ μὲν νεώτερος ἦν, οὐκ ἂν ἐπιστολὴν ἔπεμπον, ἀλλ᾽ αὐτὸς ἄν σοι πλεύσας ἐνταῦθα διελέχθην· ἐπειδὴ δ᾽ οὐ κατὰ τοὺς αὐτοὺς χρόνους ὅ τε τῆς ἡλικίας τῆς ἐμῆς καιρὸς καὶ τῶν σῶν πραγμάτων συμβέβηκεν, ἀλλ᾽ ἐγὼ μὲν προαπείρηκα, τὰ δὲ πράττεσθαι νῦν ἀκμὴν εἴληφεν, ὡς οἷόν τ᾽ ἐστὶν ἐκ τῶν παρόντων, οὕτω σοι πειράσομαι δηλῶσαι περὶ αὐτῶν.

[2] Οἶδα μὲν οὖν ὅτι τοῖς συμβουλεύειν ἐπιχειροῦσι πολὺ διαφέρει μὴ διὰ γραμμάτων ποιεῖσθαι τὴν συνουσίαν ἀλλ᾽ αὐτοὺς πλησιάσαντας, οὐ μόνον ὅτι περὶ τῶν αὐτῶν πραγμάτων ῥᾷον ἄν τις παρὼν πρὸς παρόντα φράσειν ἢ δι᾽ ἐπιστολῆς δηλώσειεν, οὐδ᾽ ὅτι πάντες τοῖς λεγομένοις μᾶλλον ἢ τοῖς γεγραμμένοις πιστεύουσι, καὶ τῶν μὲν ὡς εἰσηγημάτων, τῶν δ᾽ ὡς ποιημάτων ποιοῦνται τὴν ἀκρόασιν· [3] ἔτι δὲ πρὸς τούτοις ἐν μὲν ταῖς συνουσίαις ἢν ἀγνοηθῇ τι τῶν λεγομένων ἢ μὴ πιστευθῇ, παρὼν ὁ τὸν λόγον διεξιὼν ἀμφοτέροις τούτοις ἐπήμυνεν, ἐν δὲ τοῖς ἐπιστελλομένοις καὶ γεγραμμένοις ἤν τι συμβῇ τοιοῦτον, οὐκ ἔστιν ὁ διορθώσων· ἀπόντος γὰρ τοῦ γράψαντος ἔρημα τοῦ βοηθήσοντός ἐστιν. Οὐ μὴν ἀλλ᾽ ἐπειδὴ σὺ μέλλεις αὐτῶν ἔσεσθαι κριτής, πολλὰς ἐλπίδας ἔχω φανήσεσθαι λέγοντας ἡμᾶς τι τῶν δεόντων· ἡγοῦμαι γὰρ ἁπάσας ἀφέντα σε τὰς δυσχερείας τὰς προειρημένας αὐταῖς ταῖς πράξεσι προσέξειν τὸν νοῦν.

[4] Καίτοι τινὲς ἤδη με τῶν σοὶ πλησιασάντων ἐκφοβεῖν ἐπεχείρησαν, λέγοντες ὡς σὺ τοὺς μὲν κολακεύοντας τιμᾶς, τῶν δὲ συμβουλευόντων καταφρονεῖς. Ἐγὼ δ᾽ εἰ μὲν ἀπεδεχόμην τοὺς λόγους τούτους ἐκείνων, πολλὴν ἂν ἡσυχίαν εἶχον· νῦν δ᾽ οὐδεὶς ἄν με πείσειεν, ὡς οἷόν τ᾽ ἐστὶ τοσοῦτον καὶ τῇ γνώμῃ καὶ ταῖς πράξεσι διενεγκεῖν, ἂν μή τις τῶν μὲν μαθητής, τῶν δ᾽ ἀκροατής, τῶν δ᾽ εὑρετὴς γένηται, καὶ πανταχόθεν προσαγάγηται καὶ συλλέξηται, δι᾽ ὧν οἷόν τ᾽ ἐστὶν ἀσκῆσαι τὴν αὑτοῦ διάνοιαν.

[5] Ἐπήρθην μὲν οὖν ἐπιστέλλειν σοι διὰ ταῦτα. Λέγειν δὲ μέλλω περὶ μεγάλων πραγμάτων καὶ περὶ ὧν οὐδενὶ τῶν ζώντων ἀκοῦσαι μᾶλλον ἢ σοὶ προσήκει. Καὶ μὴ νόμιζέ με προθύμως οὕτω σε παρακαλεῖν, ἵνα γένῃ συγγράμματος ἀκροατής· οὐ γὰρ οὔτ᾽ ἐγὼ τυγχάνω φιλοτίμως διακείμενος πρὸς τὰς ἐπιδείξεις οὔτε σὺ λανθάνεις ἡμᾶς ἤδη πλήρης ὢν τῶν τοιούτων. [6] Πρὸς δὲ τούτοις κἀκεῖνο πᾶσι φανερόν, ὅτι τοῖς μὲν ἐπιδείξεως δεομένοις αἱ πανηγύρεις ἁρμόττουσιν, ἐκεῖ γὰρ ἄν τις ἐν πλείστοις τὴν αὑτοῦ δύναμιν διασπείρειεν, τοῖς δὲ διαπράξασθαί τι βουλομένοις πρὸς τοῦτον διαλεκτέον, ὅστις τάχιστα μέλλει τὰς πράξεις ἐπιτελεῖν τὰς ὑπὸ τοῦ λόγου δηλωθείσας. [7] Εἰ μὲν οὖν μιᾷ τινι τῶν πόλεων εἰσηγούμην, πρὸς τοὺς ἐκείνης προεστῶτας τοὺς λόγους ἂν ἐποιούμην· ἐπειδὴ δ᾽ ὑπὲρ τῆς τῶν Ἑλλήνων σωτηρίας παρεσκεύασμαι συμβουλεύειν, πρὸς τίν᾽ ἂν δικαιότερον διαλεχθείην ἢ πρὸς τὸν πρωτεύοντα τοῦ γένους καὶ μεγίστην ἔχοντα δύναμιν;

[8] Καὶ μὴν οὐδ᾽ ἀκαίρως φανησόμεθα μεμνημένοι περὶ τούτων. Ὅτε μὲν γὰρ Λακεδαιμόνιοι τὴν ἀρχὴν εἶχον, οὐ ῥᾴδιον ἦν ἐπιμεληθῆναί σοι τῶν περὶ τὸν τόπον τὸν ἡμέτερον, οὐδὲ τούτοις ἐναντία πράττειν ἄμα καὶ Καρχηδονίοις πολεμεῖν· ἐπειδὴ δὲ Λακεδαιμόνιοι μὲν οὕτω πράττουσιν ὥστ᾽ ἀγαπᾶν, ἢν τὴν χώραν τὴν αὑτῶν ἔχωσιν, ἡ δ᾽ ἡμετέρα πόλις ἡδέως ἂν αὑτήν σοι παράσχοι συναγωνιζομένην, εἴ τι πράττοις ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος ἀγαθόν, πῶς ἂν παραπέσοι καλλίων καιρὸς τοῦ νῦν σοι παρόντος;

[9] Καὶ μὴ θαυμάσῃς, εἰ μήτε δημηγορῶν μήτε στρατηγῶν μήτ᾽ ἄλλως δυνάσης ὢν οὕτως ἐμβριθὲς αἴρομαι πρᾶγμα καὶ δυοῖν ἐπιχειρῶ τοῖν μεγίστοιν, ὑπέρ τε τῆς Ἑλλάδος λέγειν καὶ σοὶ συμβουλεύειν. Ἐγὼ γὰρ τοῦ μὲν πράττειν τι τῶν κοινῶν εὐθὺς ἐξέστην, δι᾽ ἃς δὲ προφάσεις πολὺ ἂν ἔργον εἴη μοι λέγειν, τῆς δὲ παιδεύσεως τῆς τῶν μὲν μικρῶν καταφρονούσης, τῶν δὲ μεγάλωι ἐφικνεῖσθαι πειρωμένης οὐκ ἂν φανείην ἄμοιρος γεγενημένος. [10] Ὥστ᾽ οὐδὲν ἄτοπον, εἴ τι τῶν συμφερόντων ἰδεῖν ἂν μᾶλλον δυνηθείην τῶν εἰκῇ μὲν πολιτευομένων, μεγάλην δὲ δόξαν εἰληφότων δηλώσομεν δ᾽ οὐκ εἰς ἀναβολάς, εἴ τινος ἄξιοι τυγχάνομεν ὄντες, ἀλλ᾽ ἐκ τῶν ῥηθήσεσθαι μελλόντων ...

ISOCRATE

LETTRES.

ISOCRATE A...

1. [1] Si j'étais plus jeune, je ne vous enverrais pas une lettre, je ferais voile vers vous, pour vous entretenir de vive voix. Mais, puisque l'âge où je suis parvenu ne se trouve point en harmonie avec l'activité qu'exigent vos affaires, que je suis accablé par la vieillesse, tandis qu'elles touchent au moment décisif pour agir, j'essayerai du moins de m'expliquer autant que les circonstances me permettront de le faire.

2. [2] Je sais qu'il y a un grand avantage, pour ceux qui entreprennent de donner des conseils, à les présenter eux-mêmes dans un entretien, au lieu de les offrir par écrit, non seulement parce qu'il est plus facile à celui qui est présent d'exprimer ses pensées devant les hommes qui l'écoutent, que de les transmettre dans une lettre, mais parce que tous les hommes se laissent plus aisément persuader par les paroles que par les écrits; qu'ils regardent les écrits comme une sorte d'introduction, les paroles comme l'oeuvre elle-même; [3] et de plus, si dans les entretiens personnels il se rencontre quelque pensée qui ne soit pas comprise, ou qui soit douteuse, celui qui est présent et qui parle peut remédier à ces deux inconvénients : tandis que, dans les choses que l'on transmet par écrit, s'il se présente quelque circonstance de cette nature, personne ne peut y remédier, et, l'auteur étant absent, l'ouvrage reste sans défenseur. Quoi qu'il en soit, puisque vous devez être mon juge, j'ai l'espoir que vous apprécierez l'utilité des choses que nous avons dites, et que, laissant de côté les difficultés, vous donnerez votre attention aux faits eux-mêmes.

3.  ῀[4] Quelques hommes cependant, parmi ceux qui vous approchent, ont tenté de m'effrayer, en me disant que vous honoriez les flatteurs et que vous méprisiez ceux qui donnent des conseils. Si j'eusse ajouté foi à leurs discours, j'aurais gardé le silence ; mais personne ne me persuadera qu'il soit possible à un homme de s'élever par sa sagesse et par ses actions à la hauteur où vous êtes parvenu, sans s'être fait le disciple ou l'auditeur des hommes supérieurs; sans avoir fait lui-même d'utiles découvertes, sans avoir cherché de toutes parts et réuni autour de lui les moyens de développer les facultés de son esprit. Voilà les motifs qui m'ont porté à vous écrire.

4. [5] J'ai à vous entretenir d'affaires d'une grande importance, et sur lesquelles il ne convient à aucun mortel plus qu'à vous d'être éclairé. Ne croyez pas que j'insiste près de vous avec autant de chaleur, uniquement pour attirer votre attention sur l'écrit que je vous envoie ; je n'ambitionne pas la gloire des discours d'apparat, et d'ailleurs je n'ignore pas que vous êtes rassasié de ces sortes de discours. [6] C'est un fait connu de tout le monde, que les grandes assemblées conviennent à ceux qui veulent faire ostentation de leur éloquence, parce que là ils font briller leur talent devant un grand nombre d'auditeurs ; mais ceux qui veulent arriver à un résultat utile doivent avoir recours à l'homme qui peut exécuter le plus promptement possible les entreprises dont leurs discours lui suggèrent la pensée. [7] Si donc je voulais donner des conseils à une ville, mes paroles s'adresseraient à ceux qui sont à la tête des affaires; mais, lorsque je me dispose à parler pour le salut de la Grèce, à qui pourrais-je présenter plus convenablement mes conseils qu'à celui qui est le premier entre les Grecs par son origine et par sa puissance ?

5 [8] Je ne paraîtrai pas non plus aborder hors de propos ces questions. Lorsque les Lacédémoniens étaient en possession du pouvoir, vous pouviez difficilement prendre soin des intérêts de notre pays et agir contre eux pendant que vous faisiez la guerre à Carthage ; mais, aujourd'hui que les Carthaginois sont dans une position telle qu'ils doivent se trouver heureux de conserver leur territoire, et que notre République vous seconderait avec ardeur dans tout le bien que vous feriez à la Grèce, comment pourriez-vous rencontrer une occasion plus favorable que celle qui s'offre à vous dans ce moment ?

6. [9] Et ne vous étonnez pas si, lorsque je ne suis ni orateur populaire, ni général d'armée, ni puissant sous aucun rapport, j'aborde une entreprise aussi difficile et j'essaye à la fois deux grandes choses : parler pour la Grèce et vous donner des conseils. Je me suis, il est vrai, toujours abstenu d'agir directement sur les intérêts publics. Il serait trop long d'en développer ici les motifs ; et cependant on ne verra pas que je sois resté étranger à cette espèce de science qui, méprisant les choses de peu de valeur, s'efforce de s'élever aux grandes conceptions. [10] Il n'est donc pas déraisonnable de penser qu'il m'est donné d'apercevoir ce qui est utile, mieux que les hommes qui dirigent au hasard les affaires de la République. Au reste, sans tarder davantage, nous montrerons par les choses que nous dirons si nous sommes dignes de quelque estime.

Φιλίππῳ, 1

[1] Οἶδα μὲν ὅτι πάντες εἰώθασι πλείω χάριν ἔχειν τοῖς ἐπαινοῦσιν ἢ τοῖς συμβουλεύουσιν, ἄλλως τε κἂν μὴ κελευσθεὶς ἐπιχειρῇ τις τοῦτο ποιεῖν. Ἐγὼ δ᾽ εἰ μὲν μὴ καὶ πρότερον ἐτύγχανόν σοι παρῃνεκὼς μετὰ πολλῆς εὐνοίας, ἐξ ὧν ἐδόκεις μοι τὰ πρέποντα μάλιστ᾽ ἂν σαυτῷ πράττειν, ἴσως οὐδ᾽ ἂν νῦν ἐπεχείρουν ἀποφαίνεσθαι περὶ τῶν σοὶ συμβεβηκότων· [2] ἐπειδὴ δὲ προειλόμην φροντίζειν τῶν σῶν πραγμάτων καὶ τῆς πόλεως ἕνεκα τῆς ἐμαυτοῦ καὶ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων, αἰσχυνθείην ἄν, εἰ περὶ μὲν τῶν ἧττον ἀναγκαίων φαινοίμην σοι συμβεβουλευκώς, ὑπὲρ δὲ τῶν μᾶλλον κατεπειγόντων μηδένα λόγον ποιόμην, καὶ ταῦτ᾽ εἰδὼς ἐκεῖνα μὲν ὑπὲρ δόξης ὄντα, ταῦτα δ᾽ ὑπὲρ τῆς σῆς σωτηρίας, ἧς ὀλιγωρεῖν ἅπασιν ἔδοξας τοῖς ἀκούσασι τὰς περὶ σοῦ ῥηθείσας βλασφημίας.

[3] Οὐδεὶς γὰρ ἔστιν, ὅστις οὐ κατέγνω προπετέστερόν σε κινδυνεύειν ἢ βασιλικώτερον, καὶ μᾶλλόν σοι μέλειν τῶν περὶ τὴν ἀνδρίαν ἐπαίνων ἢ τῶν ὅλων πραγμάτων. Ἔστι δ᾽ ὁμοίως αἰσχρὸν περιστάντων τε τῶν πολεμίων μὴ διαφέροντα γενέσθαι τῶν ἄλλων, μηδεμιᾶς τε συμπεσούσης ἀνάγκης αὑτὸν ἐμβαλεῖν εἰς τοιούτους ἀγῶνας, ἐν οἷς κατορθώσας μὲν οὐδὲν ἂν ἦσθα μέγα διαπεπραγμένος, τελευτήσας δὲ τὸν βίον ἅπασαν ἂν τὴν ὑπάρχουσαν εὐδαιμονίαν συνανεῖλες. [4] Χρὴ δὲ μὴ καλὰς ἁπάσας ὑπολαμβάνειν τὰς ἐν τοῖς πολέμοις τελευτάς, ἀλλὰ τὰς μὲν ὑπὲρ τῆς πατρίδος καὶ τῶν γονέων καὶ τῶν παίδων ἐπαίνων ἀξίας, τὰς δὲ ταῦτα τε πάντα βλαπτούσας καὶ τὰς πράξεις τὰς πρότερον κατωρθωμένας καταρρυπαινούσας αἰσχρὰς νομίζειν καὶ φεύγειν ὡς αἰτίας πολλῆς ἀδοξίας γιγνομένας.

[5] Ἡγοῦμαι δέ σοι συμφέρειν μιμεῖσθαι τὰς πόλεις, ὃν τρόπον διοικοῦσι τὰ περὶ τοὺς πολέμους. Ἅπασαι γάρ, ὅταν στρατόπεδον ἐκπέμπωσιν, εἰώθασι τὸ κοινὸν καὶ τὸ βουλευσόμενον ὑπὲρ τῶν ἐνεστώτων εἰς ἀσφάλειαν καθιστάναι· διὸ δὴ συμβαίνει μὴ μιᾶς ἀτυχίας συμπεσούσης ἀνῃρῆσθαι καὶ τὴν δύναμιν αὐτῶν, ἀλλὰ πολλὰς ὑποφέρειν δύνασθαι συμφορὰς καὶ πάλιν αὑτὰς ἐκ τούτων ἀναλαμβάνειν. Ὃ καὶ σὲ δεῖ σκοπεῖν, [6] καὶ μηδὲν μεῖζον ἀγαθὸν τῆς σωτηρίας ὑπολαμβάνειν, ἵνα καὶ τὰς νίκας τὰς συμβαινούσας κατὰ τρόπον διοικῇς καὶ τὰς ἀτυχίας τὰς συμπιπτούσας ἐπανορθοῦν δύνῃ. Καὶ τὰς . . . δύνῃ. Ἴδοις δ᾽ ἂν καὶ Λακεδαιμονίους περὶ τῆς τῶν βασιλέων σωτηρίας πολλὴν ἐπιμέλειαν ποιουμένους καὶ τοὺς ἐνδοξοτάτους τῶν πολιτῶν φύλακας αὐτῶν καθιστάντας, οἷς αἴσχιόν ἐστιν ἐκείνους τελευτήσαντας περιιδεῖν ἢ τὰς ἀσπίδας ἀποβαλεῖν. [7] Ἀλλὰ μὴν οὐδ᾽ ἐκεῖνά σε λέληθεν ἃ Θέρξῃ τε τῷ καταδουλώσασθαι τοὺς Ἕλληνας βουληθέντι καὶ Κύρῳ τῷ τῆς βασιλείας ἀμφισβητήσαντι συνέπεσεν. Ὁ μὲν γὰρ τηλικαύταις ἥτταις καὶ συμφοραῖς περιπεσών, ἡλίκας οὐδεὶς οἶδεν ἄλλοις γενομένας, διὰ τὸ περιποιῆσαι τὴν αὑτοῦ ψυχὴν τήν τε βασιλείαν κατέσχε καὶ τοῖς παισὶ τοῖς αὑτοῦ παρέδωκε καὶ τὴν Ἀσίαν οὕτω διῴκησεν ὥστε μηδὲν ἧττον αὐτὴν εἶναι φοβερὰν τοῖς Ἕλλησιν ἢ πρότερον· [8] Κῦρος δὲ νικήσας ἅπασαν τὴν βασιλέως δύναμιν καὶ κρατήσας ἂν τῶν πραγμάτων, εἰ μὴ διὰ τὴν αὑτοῦ προπέτειαν, οὐ μόνον αὑτὸν ἀπεστέρησε τηλικαύτης δυναστείας, ἀλλὰ καὶ τοὺς συνακολουθήσαντας εἰς τὰς ἐσχάτας συμφορὰς κατέστησεν. Ἔχοιμι δ᾽ ἂν παμπληθεῖς εἰπεῖν οἳ μεγάλων στρατοπέδων ἡγεμόνες γενόμενοι διὰ τὸ προδιαφθαρῆναι πολλὰς μυριάδας αὑτοῖς συναπώλεσαν.

[9] Ὧν ἐνθυμούμενον χρὴ μὴ τιμᾶν τὴν ἀνδρίαν τὴν μετ᾽ ἀνοίας ἀλογίστου καὶ φιλοτιμίας ἀκαίρου γιγνομένην, μηδὲ πολλῶν κινδύνων ἰδίων ὑπαρχόντων ταῖς μοναρχίαις ἑτέρους ἀδόξους καὶ στρατιωτικοὺς αὑτῷ προσεξευρίσκειν, μηδ᾽ ἁμιλλᾶσθαι τοῖς ἢ βίου δυστυχοῦς ἀπαλλαγῆναι βουλομένοις ἢ μισθοφορᾶς ἕνεκα μείζονος εἰκῇ τοὺς κινδύνους προαιρουμένοις, [10] μηδ᾽ ἐπιθυμεῖν τοιαύτης δόξης, ἧς πολλοὶ καὶ τῶν Ἑλλήνων καὶ τῶν βαρβάρων τυγχάνουσιν, ἀλλὰ τῆς τηλικαύτης τὸ μέγεθος, ἣν μόνος ἂν τῶν νῦν ὄντων κτήσασθαι δυνηθείης· μηδ᾽ ἀγαπᾶν λίαν τὰς τοιαύτας ἀρετὰς ὧν καὶ τοῖς φαύλοις μέτεστιν, ἀλλ᾽ ἐκείνας ὧν οὐδεὶς ἂν πονηρὸς κοινωνήσειεν· [11] μηδὲ ποιεῖσθαι πολέμους ἀδόξους καὶ χαλεπούς, ἐξὸν ἐντίμους καὶ ῥᾳδίους, μηδ᾽ ἐξ ὧν τοὺς μὲν οἰκειοτάτους εἰς λύπας καὶ φροντίδας καταστήσεις, τοὺς δ᾽ ἐχθροὺς ἐν ἐλπίσι μεγάλαις ποιήσεις, οἵας καὶ νῦν αὐτοῖς παρέσχες· ἀλλὰ τῶν μὲν βαρβάρων, πρὸς οὓς νῦν πολεμεῖς, ἐπὶ τοσοῦτον ἐξαρκέσει σοι κρατεῖν, ὅσον ἐν ἀσφαλείᾳ καταστῆσαι τὴν σαυτοῦ χώραν, τὸν δὲ βασιλέα .

 5. Νῦν μέγαν προσαγορευόμενον καταλύειν ἐπιχειρήσεις, ἵνα τήν τε σαυτοῦ δόξαν μείζω ποιήσῃς καὶ τοῖς Ἕλλησιν ὑποδείξῃς πρὸς ὃν χρὴ πολεμεῖν.

[12] Πρὸ πολλοῦ δ᾽ ἂν ἐποιησάμην ἐπιστεῖλαί σοι ταῦτα πρὸ τῆς στρατείας, ἵν᾽ εἰ μὲν ἐπείσθης, μὴ τηλικούτῳ κινδύνῳ περιέπεσες, εἰ δ᾽ ἠπίστησας, μὴ συμβουλεύειν ἐδόκουν ταὐτὰ τοῖς ἤδη διὰ τὸ πάθος ὑπὸ πάντων ἐγνωσμένοις, ἀλλὰ τὸ συμβεβηκὸς ἐμαρτύρει τοὺς λόγους ὀρθῶς ἔχειν τοὺς ὑπ᾽ ἐμοῦ περὶ αὐτῶν εἰρημένους.

[13] Πολλὰ δ᾽ ἔχων εἰπεῖν διὰ τὴν τοῦ πράγματος φύσιν παύσομαι λέγων· οἶμαι γὰρ καὶ σὲ καὶ τῶν ἑταίρων τοὺς σπουδαιοτάτους ῥᾳδίως ὁπός᾽ ἂν βούλησθε προσθήσειν τοῖς εἰρημένοις. Πρὸς δὲ τούτοις φοβοῦμαι τὴν ἀκαιρίαν· καὶ γὰρ νῦν κατὰ μικρὸν προϊὼν ἔλαθον ἐμαυτὸν οὐκ εἰς ἐπιστολῆς συμμετρίαν ἀλλ᾽ εἰς λόγου μῆκος ἐξοκείλας.

[14] Οὐ μὴν ἀλλὰ καίπερ τούτων οὕτως ἐχόντων οὐ παραλειπτέον ἐστὶ τὰ περὶ τῆς πόλεως, ἀλλὰ πειρατέον παρακαλέσαι σε πρὸς τὴν οἰκειότητα καὶ τὴν χρῆσιν αὐτῆς. Οἶμαι γὰρ πολλοὺς εἶναι τοὺς ἀπαγγέλλοντας καὶ λέγοντας οὐ μόνον τὰ δυσχερέστατα τῶν περὶ σοῦ παρ᾽ ἡμῖν εἰρημένων, ἀλλὰ καὶ παρ᾽ αὑτῶν προστιθέντας· οἷς οὐκ εἰκὸς προσέχειν τὸν νοῦν. [15] Καὶ γὰρ ἂν ἄτοπον ποιοίης, εἰ τὸν μὲν δῆμον τὸν ἡμέτερον ψέγοις ὅτι ῥᾳδίως πείθεται τοῖς διαβάλλουσιν, αὐτὸς δὲ φαίνοιο πιστεύων τοῖς τὴν τέχνην ταύτην ἔχουσι, καὶ μὴ γιγνώσκοις ὡς ὅσῳπερ ἂν τὴν πόλιν εὐαγωγοτέραν ὑπὸ τῶν τυχόντων οὖσαν ἀποφαίνωσι, τοσούτῳ μᾶλλόν σοι συμφερόντως ἔχουσαν αὐτὴν ἐπιδεικνύουσιν. Εἰ γὰρ οἱ μηδὲν ἀγαθὸν οἷοί τ᾽ ὄντες ποιῆσαι διαπράττονται τοῖς λόγοις ὅ τι ἂν βουληθῶσιν, ἦ που σέ γε προσήκει τὸν πλεῖστ᾽ ἂν ἔργῳ δυνάμενον εὐεργετῆσαι μηδενὸς ἀποτυχεῖν παρ᾽ ἡμῶν.

[16] Ἡγοῦμαι δὲ δεῖν πρὸς μὲν τοὺς πικρῶς τῆς πόλεως ἡμῶν κατηγοροῦντας ἐκείνους ἀντιτάττεσθαι τοὺς πάντα τἀναντί᾽ εἶναιπάντα τἀναντἴ εἶναι [πάντα τε ταῦτ᾽ εἶναι ] τοὺς σπάνιά τε ταῦτ᾽ εἶναι. Λέγοντας καὶ τοὺς μήτε μεῖζον μήτ᾽ ἔλαττον αὐτὴν ἠδικηκέναι φάσκοντας· ἐγὼ δ᾽ οὐδὲν ἂν εἴποιμι τοιοῦτον· αἰσχυνθείην γὰρ ἄν, εἰ τῶν ἄλλων μηδὲ τοὺς θεοὺς ἀναμαρτήτους εἶναι νομιζόντων αὐτὸς τολμῴην λέγειν, ὡς οὐδὲν πώποθ᾽ ἡ πόλις ἡμῶν πεπλημμέληκεν. [17] Οὐ μὴν ἀλλ᾽ ἐκεῖν᾽ ἔχω περὶ αὐτῆς εἰπεῖν, ὅτι χρησιμωτέραν οὐκ ἂν εὕροις ταύτης οὔτε τοῖς Ἕλλησιν οὔτε τοῖς σοῖς πράγμασιν· ᾧ μάλιστα προσεκτέον τὸν νοῦν ἐστίν. Οὐ γὰρ μόνον συναγωνιζομένη γίγνοιτ᾽ ἂν αἰτία σοι πολλῶν ἀγαθῶν, [18] ἀλλὰ καὶ φιλικῶς ἔχειν δοκοῦσα μόνον· τούς τε γὰρ ὑπὸ σοὶ νῦν ὄντας ῥᾷον ἂν κατέχοις, εἰ μηδεμίαν ἔχοιεν ἀποστροφήν, τῶν τε βαρβάρων οὓς βουληθείης θᾶττον ἂν καταστρέψαιο. Καίτοι πῶς οὐ χρὴ προθύμως ὀρέγεσθαι τῆς τοιαύτης εὐνοίας, δι᾽ ἣν οὐ μόνον τὴν ὑπάρχουσαν ἀρχὴν ἀσφαλῶς καθέξεις, ἀλλὰ καὶ πολλὴν ἑτέραν ἀκινδύνως προσκτήσει; [19] Θαυμάζω δ᾽ ὅσοι τῶν τὰς δυνάμεις ἐχόντων τὰ μὲν τῶν ξενιτευομένων στρατόπεδα μισθοῦνται καὶ χρήματα πολλὰ δαπανῶσι, συνειδότες ὅτι πλείους ἠδίκηκε τῶν πιστευσάντων αὐτοῖς ἢ σέσωκε, τὴν δὲ πόλιν τὴν τηλικαύτην δύναμιν κεκτημένην μὴ πειρῶνται θεραπεύειν, ἣ καὶ μίαν ἑκάστην τῶν πόλεων καὶ σύμπασαν τὴν Ἑλλάδα πολλάκις ἤδη σέσωκεν. [20] Ἐνθυμοῦ δ᾽ ὅτι πολλοῖς καλῶς βεβουλεῦσθαι δοκεῖς ὅτι δικαίως κέχρησαι Θετταλοῖς καὶ συμφερόντως ἐκείνοις, ἀνδράσιν οὐκ εὐμεταχειρίστοις, ἀλλὰ μεγαλοψύχοις καὶ στάσεως μεστοῖς. Χρὴ τοίνυν καὶ περὶ ἡμᾶς πειρᾶσθαι γίγνεσθαί σε τοιοῦτον, ἐπιστάμενον ὅτι τὴν μὲν χώραν Θετταλοί, τὴν δὲ δύναμιν ἡμεῖς ὅμορόν σοι τυγχάνομεν ἔχοντες, ἣν ἐκ παντὸς τρόπου ζήτει προσαγαγέσθαι. [21] Πολὺ γὰρ κάλλιόν ἐστι τὰς εὐνοίας τὰς τῶν πόλεων αἱρεῖν ἢ τὰ τείχη. Τὰ μὲν γὰρ τοιαῦτα τῶν ἔργων οὐ μόνον ἔχει φθόνον, ἀλλὰ καὶ τῶν τοιούτων τὴν αἰτίαν τοῖς στρατοπέδοις ἀνατιθέασιν· ἢν δὲ τὰς οἰκειότητας καὶ τὰς εὐνοίας κτήσασθαι δυνηθῇς, ἅπαντες τὴν σὴν διάνοιαν ἐπαινέσονται.

[22] Δικαίως δ᾽ ἄν μοι πιστεύοις οἷς εἴρηκα περὶ τῆς πόλεως· φανήσομαι γὰρ οὔτε κολακεύειν αὐτὴν ἐν τοῖς λόγοις εἰθισμένος, ἀλλὰ πλεῖστα πάντων ἐπιτετιμηκώς, οὔτ᾽ εὖ παρὰ τοῖς πολλοῖς καὶ τοῖς εἰκῇ δοκιμάζουσι φερόμενος, ἀλλ᾽ ἀγνοούμενος ὑπ᾽ αὐτῶν καὶ φθονούμενος ὥσπερ σύ. Πλὴν τοσοῦτον διαφέρομεν, ὅτι πρὸς σὲ μὲν διὰ τὴν δύναμιν καὶ τὴν εὐδαιμονίαν οὕτως ἔχουσι, πρὸς δ᾽ ἐμέ, διότι προσποιοῦμαι τὸ βέλτιον αὐτῶν φρονεῖν καὶ πλείους ὁρῶσιν ἐμοὶ διαλέγεσθαι βουλομένους ἢ σφίσιν αὐτοῖς. [23] Ἠβουλόμην δ᾽ ἂν ἡμῖν ὁμοίως ῥᾴδιον εἶναι τὴν δόξαν ἣν ἔχομεν παρ᾽ αὐτοῖς διαφεύγειν. Νῦν δὲ σὺ μὲν οὐ χαλεπῶς, ἢν βουληθῇς, αὐτὴν διαλύσεις, ἐμοὶ δ᾽ ἀνάγκη καὶ διὰ τὸ γῆρας καὶ δι᾽ ἄλλα πολλὰ στέργειν τοῖς παροῦσιν.

[24] Οὐκ οἶδ᾽ ὅ τι δεῖ πλείω λέγειν πλὴν τοσοῦτον, ὅτι καλόν ἐστι τὴν βασιλείαν καὶ τὴν εὐδαιμονίαν τὴν ὑπάρχουσαν ὑμῖν παρακαταθέσθαι τῇ τῶν Ἑλλήνων εὐνοίᾳ.

2.

A PHILIPPE.

I. [1] Je sais que tous les hommes ont coutume de témoigner plus de reconnaissance à ceux qui leur donnent des louanges qu'à ceux qui leur offrent des conseils, lorsque surtout on se hasarde à le faire sans y avoir été invité. Quant à moi, si déjà je ne vous avais exhorté avec un zèle affectueux à des actes qui, dans mon opinion, vous convenaient plus qu'à tout autre, peut-être n'entreprendrais-je pas aujourd'hui de vous découvrir ma pensée sur les événements qui vous sont arrivés; [2] mais, puisque j'ai pris la résolution de m'occuper de ce qui vous touche, et dans l'intérêt de ma patrie, et dans celui de toute la Grèce, j'aurais honte, après vous avoir
donné des conseils sur des choses moins nécessaires, de garder le silence sur celles qui sont plus urgentes, et cela, quand je sais que les premières n'avaient rapport qu'à votre renommée, tandis qu'il s'agit ici de votre existence, dont vous paraissez prendre trop peu de soin, au jugement de tous ceux qui connaissent les reproches que l'on vous fait à cet égard.

2. [3] Il n'est personne qui ne vous blâme de vous exposer dans les combats avec plus de témérité qu'il ne convient à un roi, et d'être plus occupé de mériter les louanges dues à votre valeur, que celles dont vous êtes digne pour votre soin à diriger l'ensemble de vos affaires. Il est également honteux de ne pas se montrer supérieur à tous, lorsqu'on est entouré d'ennemis, et d'affronter sans nécessité des périls d'une nature telle que, si vous les surmontez, vous vous trouverez n'avoir rien fait de grand, et, si vous y succombez, vous perdrez, en même temps que la vie, tout le bonheur dont vous jouissez. [4] Il ne faut pas toujours regarder comme glorieuse la mort qui frappe au milieu des combats : la seule qui soit digne de louange est celle que l'on reçoit pour les intérêts de sa patrie, de ses parents, de ses enfants; mais celle qui nuit à des intérêts si chers, celle qui flétrit les succès obtenus auparavant, il faut la considérer comme déshonorante, la fuir comme une cause d'ignominie.

3.  [5] Je crois qu'il serait avantageux pour vous d'imiter l'organisation des républiques en ce qui a rapport à la guerre. Elles ont toutes pour usage, lorsqu'elles envoient une armée en campagne, de mettre en sûreté le trésor public et le conseil qui délibère sur les affaires du moment. Il résulte de là que, si un malheur les frappe, leur puissance n'est pas détruite ; mais qu'après avoir été capables de supporter un grand nombre de défaites, elles peuvent se relever encore. Il faut suivre cet exemple, [6] et vous persuader qu'aucun avantage n'est préférable à votre conservation, soit pour profiter des victoires que vous remportez, soit pour réparer les malheurs que la fortune pourrait vous faire éprouver. [7] Voyez avec quel soin les Lacédémoniens veillent au salut de leurs rois ; ils leur donnent pour gardes les plus illustres citoyens, et il serait plus honteux pour eux de ne pas sacrifier leur vie pour les préserver de la mort, que de jeter leur bouclier sur le champ de bataille. Vous n'ignorez pas ce qui est arrivé à Xerxès, qui voulait réduire la Grèce en esclavage ; et à Cyrus, qui disputait l'empire à son frère. Le premier, après avoir essuyé des défaites et des désastres tels que jamais aucun autre homme n'en éprouva de semblables, en préservant sa vie, conserva sa couronne, la transmit à ses enfants, et organisa l'Asie de manière qu'elle n'est pas aujourd'hui moins redoutable pour la Grèce qu'elle ne l'était auparavant. [8] Cyrus, après avoir vaincu toutes les forces du roi, et déjà maître de l'empire, non seulement perdit, par son imprudente valeur, une si grande puissance, mais plongea dans les dernières calamités ceux qui avaient suivi sa fortune. Je pourrais, parmi les chefs de puissantes armées, en citer un grand nombre qui, en se précipitant au-devant de la mort, ont entraîné dans leur perte des myriades de soldats.

4. [9] Convaincu de ces vérités, vous ne devez pas honorer la valeur irréfléchie qu'enflamme, hors de propos, un désir insensé de gloire ; et lorsque tant de périls qui leur sont propres entourent les monarchies, vous ne devez pas chercher à y ajouter d'autres dangers sans gloire et faits pour les simples soldats ; vous ne devez pas rivaliser avec des hommes qui cherchent à s'affranchir d'une vie malheureuse, ni avec les mercenaires qui, pour obtenir une solde plus forte, se précipitent témérairement au milieu des hasards; [10] il ne faut pas souhaiter une célébrité qui peut être le partage d'un grand nombre, soit parmi les Grecs, soit parmi les Barbares; mais aspirer à une gloire tellement élevée que, seul entre tous les hommes qui existent, vous puissiez la conquérir ; vous ne devez pas attacher un grand prix aux qualités qui peuvent appartenir à des êtres méprisables, mais à celles qu'aucun homme pervers ne peut partager avec vous. [11] Lorsque des guerres honorables et d'un succès facile se présentent, vous ne devez pas tenter, comme vous le faites maintenant, des guerres difficiles et sans gloire, des guerres qui plongent dans l'inquiétude et dans la douleur vos amis les plus dévoués, et qui permettent à vos ennemis de se livrer à de grandes espérances ; il doit vous suffire de vaincre les peuples barbares contre lesquels vous combattez, de manière à mettre votre pays en sûreté, et, alors, vous pourrez entreprendre de renverser de son trône celui que l'on appelle le Grand Roi, afin d'accroître votre gloire, et de montrer aux Grecs contre quel ennemi ils doivent diriger leurs armes.

5.  [12] J'attacherais un grand prix à vous avoir écrit avant votre expédition, afin que, si vous eussiez suivi mes conseils, vous ne vous fussiez pas exposé à un tel danger, et que si vous eussiez refusé de me croire, je ne parusse pas vous conseiller des choses sur lesquelles le résultat a déjà fixé l'opinion de tout le monde, en même temps qu'il a montré que mes paroles étaient en parfaite harmonie avec ce qui est arrivé.

6. [13] La nature de mon sujet se prêterait à de longs développements; mais je m'arrête, parce qu'il me semble que vous pourrez facilement, vous et les hommes les plus distingués parmi ceux qui vous entourent, ajouter à ce que j'ai dit ce que vous jugerez convenable. Je crains, en outre, l'inopportunité; car déjà, peu à peu, sans m'en apercevoir, sortant des limites d'une lettre, j'ai atteint les proportions d'un discours.

7. [14] Quoi qu'il en soit, je ne veux rien omettre de ce qui touche aux intérêts de notre République ; et je dois faire tous mes efforts pour vous déterminer à entrer avec elle dans des rapports de bienveillance et d'amitié. Je crois qu'il y a beaucoup d'hommes qui vous rapportent et vous répètent ce que l'on dit à Athènes de plus irritant contre vous, en y ajoutant des commentaires qui leur sont propres ; il n'est pas digne de vous de les écouter. [15] Vous feriez une chose déraisonnable si, lorsque vous reprochez à notre peuple la facilité avec laquelle il se laisse persuader par les hommes qui répandent la calomnie, on vous voyait accorder votre confiance à ceux qui pratiquent cet art funeste ; et, si vous ne compreniez pas que, plus ils accusent notre République d'être facile à se laisser entraîner par des hommes pris au hasard, plus ils vous montrent qu'elle peut être amenée à servir utilement vos desseins. Car, si des citoyens incapables de lui faire aucun bien parviennent, à l'aide de leurs discours, à la diriger selon leurs vues, il est juste de penser que, puisqu'en réalité il vous est possible plus qu'à tout autre de nous être utile, il n'est rien que vous ne puissiez obtenir de nous.

8. [16] Je crois qu'il faut opposer à ceux qui accusent notre ville avec amertume, et qui disent qu'elle a commis tous les crimes, les hommes qui prétendent que jamais elle ne s'est rendue coupable d'une injustice grave, ou même légère. Pour moi, je n'oserais rien dire de semblable; je rougirais, lorsque les hommes croient que les dieux mêmes ne sont pas exempts d'erreurs, si je prétendais que notre République n'a jamais commis aucune faute ; [17] mais du moins je crois pouvoir affirmer que vous ne trouverez pas une ville qui, plus qu'Athènes, puisse rendre d'utiles services, soit aux Grecs, soit à vous-même; et c'est à cela surtout que la pensée doit s'attacher. Athènes, si elle s'unissait à vous, ou si seulement elle se montrait bienveillante à votre égard, deviendrait pour vous la source d'innombrables avantages; vous contiendriez plus facilement dans le devoir les peuples qui vous obéissent aujourd'hui, s'ils n'avaient pas un appui auquel ils pussent recourir ; et vous soumettriez en même temps avec plus de promptitude les Barbares que vous voudriez combattre. [18] Comment pourriez-vous ne pas désirer avec ardeur une amitié tellement avantageuse que non seulement elle peut vous donner les moyens de conserver en toute sécurité la puissance que vous possédez, mais encore d'en acquérir sans péril une nouvelle d'une grande étendue ? [19] Je m'étonne de voir combien d'hommes, parmi ceux qui disposent d'un grand pouvoir, soldent des armées mercenaires et dépensent des sommes considérables, lorsqu'ils savent que ces armées, quand on s'est appuyé sur elles, ont opprimé plus d'États qu'elles n'en ont sauvés ; comme aussi je m'étonne de voir que ces hommes n'essayent pas de cultiver l'amitié d'une ville tellement puissante que déjà, plusieurs fois, chacune des villes de la Grèce, et la Grèce entière, lui ont dû leur salut. [20] Songez que vous paraissez aux yeux de beaucoup d'hommes avoir suivi des conseils sages en agissant conformément à la justice et à leur utilité, envers les Thessaliens qui sont difficiles à manier, fiers et enclins à la sédition. Il faut vous efforcer d'agir de même envers nous, sachant que, si les Thessaliens sont rapprochés de vous par leur territoire, nous le sommes par notre puissance, et qu'alors vous devez vous rendre Athènes favorable par tous les moyens possibles. [21] Il est plus glorieux d'acquérir l'amitié des villes que de renverser leurs murailles. Les conquêtes de cette dernière nature, non seulement engendrent la haine, mais on en attribue l'honneur aux armées qui les accomplissent ; tandis que, si vous pouvez obtenir la bienveillance et l'amitié des peuples, vous verrez le monde entier applaudir à votre génie.

9. [22] J'ai droit à votre confiance pour les choses que je dis au sujet de notre République ; car je n'ai pas l'habitude de la flatter dans mes discours, il n'est personne, au contraire, qui lui ait plus souvent adressé des reproches, et je ne suis en faveur ni auprès de la multitude, ni auprès des hommes qui jugent au hasard : je suis ignoré de ceux-ci, ou je suis pour eux un objet de haine jalouse, comme vous l'êtes vous-même. Mais il y a cette différence qu'ils sont ainsi disposés envers vous à cause de votre puissance et de vos prospérités, tandis qu'ils le sont envers moi, parce que je fais profession de penser plus sagement qu'eux, et qu'ils voient un plus grand nombre de personnes rechercher mes entretiens que les leurs. [23] Je voudrais qu'il nous fût également facile, à vous et à moi, d'échapper à l'opinion qu'ils ont de nous. Quant à ce qui vous concerne, il est en votre pouvoir d'en triompher sans peine, du moment où vous le voudrez ; pour moi, à cause de mon grand âge, et pour beaucoup d'autres raisons, je suis forcé de me résigner à mon sort.

10. [24] J'ignore s'il faut en dire davantage ; j'ajoute seulement qu'il serait glorieux pour vous de placer, comme en dépôt, votre puissance et votre prospérité dans la bienveillance des Grecs.

Φιλίππῳ, 2

[1] Ἐγὼ διελέχθην μὲν καὶ πρὸς Ἀντίπατρον περί τε τῶν τῇ πόλει καὶ τῶν σοὶ συμφερόντων ἐξαρκούντως, ὡς ἐμαυτὸν ἔπειθον, ἠβουλήθην δὲ καὶ πρὸς σὲ γράψαι περὶ ὧν μοι δοκεῖ πρακτέον εἶναι μετὰ τὴν εἰρήνην, παραπλήσια μὲν τοῖς ἐν τῷ λόγῳ γεγραμμένοις, πολὺ δ᾽ ἐκείνων συντομώτερα.

[2] Κατ᾽ ἐκεῖνον μὲν γὰρ τὸν χρόνον συνεβούλευον ὡς χρὴ διαλλάξαντά σε τὴν πόλιν τὴν ἡμετέραν καὶ τὴν Λακεδαιμονίων καὶ τὴν Θηβαίων καὶ τὴν Ἀργείων εἰς ὁμόνοιαν καταστῆσαι τοὺς Ἕλληνας, ἡγούμενος, ἂν τὰς προεστώσας πόλεις πείσῃς οὕτω φρονεῖν, ταχέως καὶ τὰς ἄλλας ἐπακολουθήσειν. Τότε μὲν οὖν ἄλλος ἦν καιρός, νῦν δὲ συμβέβηκε μηκέτι δεῖν πείθειν· διὰ γὰρ τὸν ἀγῶνα τὸν γεγενημένον ἠναγκασμένοι πάντες εἰσὶν εὖ φρονεῖν καὶ τούτων ἐπιθυμεῖν ὧν ὑπονοοῦσί σε βούλεσθαι πράττειν καὶ λέγειν, ὡς δεῖ παυσαμένους τῆς μανίας καὶ τῆς πλεονεξίας, ἣν ἐποιοῦντο πρὸς ἀλλήλους, εἰς τὴν Ἀσίαν τὸν πόλεμον ἐξενεγκεῖν.

[3] Καὶ πολλοὶ πυνθάνονται παρ᾽ ἐμοῦ πότερον ἐγώ σοι παρῄνεσα ποιεῖσθαι τὴν στρατείαν τὴν ἐπὶ τοὺς βαρβάρους ἢ σοῦ διανοηθέντος συνεῖπον· ἐγὼ δ᾽ οὐκ εἰδέναι μέν φημι τὸ σαφές, οὐ γὰρ συγγεγενῆσθαί σοι πρότερον, οὐ μὴν ἀλλ᾽ οἴεσθαι σὲ μὲν ἐγνωκέναι περὶ τούτων, ἐμὲ δὲ συνειρηκέναι ταῖς σαῖς ἐπιθυμίαις. Ταῦτα δ᾽ ἀκούοντες ἐδέοντό μου πάντες παρακελεύεσθαί σοι καὶ προτρέπειν ἐπὶ τῶν αὐτῶν τούτων μένειν, ὡς οὐδέποτ᾽ ἂν γενομένων οὔτε καλλιόνων ἔργων οὔτ᾽ ὠφελιμωτέρων τοῖς Ἕλλησιν οὔτ᾽ ἐν καιρῷ μᾶλλον πραχθησομένων.

[4] Εἰ μὲν οὖν εἶχον τὴν αὐτὴν δύναμιν ἥνπερ πρότερον, καὶ μὴ παντάπασιν ἦν ἀπειρηκώς, οὐκ ἂν δι᾽ ἐπιστολῆς διελεγόμην, ἀλλὰ παρὼν αὐτὸς παρώξυνον ἄν σε καὶ παρεκάλουν ἐπὶ τὰς πράξεις ταύτας. Νῦν δ᾽ ὡς δύναμαι παρακελεύομαί σοι μὴ καταμελῆσαι τούτων, πρὶν ἂν τέλος ἐπιθῇς αὐτοῖς. Ἔστι δὲ πρὸς μὲν ἄλλο τι τῶν ὄντων ἀπλήστως ἔχειν οὐ καλόν, αἱ γὰρ μετριότητες παρὰ τοῖς πολλοῖς εὐδοκιμοῦσι, δόξης δὲ μεγάλης καὶ καλῆς ἐπιθυμεῖν καὶ μηδέποτ᾽ ἐμπίπλασθαι προσήκει τοῖς πολὺ τῶν ἄλλων διενεγκοῦσιν· ὅπερ σοὶ συμβέβηκεν. [5] Ἡγοῦ δὲ τόθ᾽ ἕξειν ἀνυπέρβλητον αὐτὴν καὶ τῶν σοὶ πεπραγμένων ἀξίαν, ὅταν τοὺς μὲν βαρβάρους ἀναγκάσῃς εἱλωτεύειν τοῖς Ἕλλησι πλὴν τῶν σοὶ συναγωνισαμένων, τὸν δὲ βασιλέα τὸν νῦν μέγαν προσαγορευόμενον ποιήσῃς τοῦτο πράττειν ὅ τι ἂν σὺ προστάττῃς. Οὐδὲν γὰρ ἔσται λοιπὸν ἔτι πλὴν θεὸν γενέσθαι. Ταῦτα δὲ κατεργάσασθαι πολὺ ῥᾷόν ἐστιν ἐκ τῶν παρόντων ἢ προελθεῖν ἐπὶ τὴν δύναμιν καὶ τὴν δόξαν ἣν νῦν ἔχεις, ἐκ τῆς βασιλείας τῆς ἐξ ἀρχῆς ὑμῖν ὑπαρξάσης. [6] Χάριν δ᾽ ἔχω τῷ γήρᾳ ταύτην μόνην, ὅτι προήγαγεν εἰς τοῦτό μου τὸν βίον, ὥσθ᾽ ἃ νέος ὢν διενοούμην καὶ γράφειν ἐπεχείρουν ἔν τε τῷ πανηγυρικῷ λόγῳ καὶ τῷ πρὸς σὲ πεμφθέντι, ταῦτα νῦν τὰ μὲν ἤδη γιγνόμενα διὰ τῶν σῶν ἐφορῶ πράξεων, τὰ δ᾽ ἐλπίζω γενήσεσθαι.

3.

A PHILIPPE.

I. J'ai suffisamment entretenu Antipater, du moins je me le persuade, des intérêts d'Athènes et des vôtres ; et cependant j'ai voulu vous écrire à vous-même sur ce qu il me paraît convenable de faire, aujourd'hui que la paix est conclue. Les choses que je vais vous dire sont à peu près les mêmes que celles qui sont contenues dans le discours que je vous ai adressé, mais beaucoup plus abrégées.

2. [2] A cette époque, je vous engageais, après avoir réconcilié notre République, Lacédémone, Thèbes et Argos, à rétablir l'union entre les Grecs ; et cela, dans la pensée que, si vous persuadiez aux principales villes de suivre cette politique, les autres entreraient bientôt dans la même voie. Mais alors la situation était différente. Aujourd'hui, il ne s'agit plus de persuader; la lutte qui vient de finir a mis tous les Grecs dans la nécessité d'avoir des pensées plus sages, de désirer ce qu'ils vous supposent l'intention de faire, enfin de dire eux-mêmes qu'il est temps de calmer cette fureur, cette cupidité qu'ils cherchent à satisfaire aux dépens les uns des autres, et de porter la guerre en Asie.

3, [3] Beaucoup de personnes me demandent si c'est moi qui vous ai engagé à faire une expédition contre les Barbares, ou si je me suis seulement uni à votre pensée. Je réponds que je ne sais rien de positif à cet égard, car je ne me suis jamais rencontré avec vous; mais que je me sens porté à croire que vous aviez déjà pris votre détermination, et que j'ai seulement parlé dans le sens de vos désirs. Tous ceux qui ont entendu cette réponse m'ont supplié d'insister pour vous engager à persévérer dans votre résolution ; rien de plus beau, rien de plus utile pour les Grecs n'ayant été fait, et ne pouvant l'être, dans un temps plus opportun.

4. [4] Si donc j'avais encore la même force que je possédais autrefois, et si je ne me sentais pas accablé de toute manière, je ne me contenterais pas de vous entretenir dans une lettre; je me présenterais devant vous, pour vous encourager et pour vous exciter à cette entreprise. Aujourd'hui, je vous exhorte comme je le puis, en vous engageant à ne pas y renoncer avant de l'avoir accomplie. Il n'est pas convenable de désirer avec avidité autre chose que ce qui est nécessaire, car la modération est estimée de la plupart des hommes ; mais souhaiter avec ardeur une grande et noble gloire, n'en être jamais rassasié, est un sentiment digne des hommes supérieurs, et ce sentiment, vous l'avez éprouvé. [5] Croyez donc que vous acquerrez une renommée qui ne sera jamais surpassée, une renommée digne des grandes actions que vous avez faites, si vous forcez les Barbares, à l'exception de ceux qui auront combattu avec vous, à devenir en quelque sorte les ilotes de la Grèce, en même temps que vous obHgerez celui que l'on appelle aujourd'hui le Grand Roi à obéir à vos ordres. Il est beaucoup plus facile d'accomplir un tel dessein, en partant de la position où vous êtes, qu'il ne l'était de parvenir, de la royauté que vous possédiez autrefois, à ce degré de gloire et de puissance dont vous jouissez maintenant; il ne vous restera plus alors qu'à être placé au rang des dieux. [6] J'ai une seule grâce à rendre â ma vieillesse : c'est d'avoir prolongé ma vie jusqu'au jour où il devait m' être accordé de voir que, parmi les pensées qui ont occupé ma jeunesse, et que j'ai essayé de tracer dans mon discours Panégyrique, comme dans celui que je vous ai adressé, les unes sont déjà réalisées par vos exploits, et les autres m'offrent l'espoir qu'elles s'accompliront dans l'avenir.

Ἀντιπάτρῳ

[1] Ἐγώ, καίπερ ἐπικινδύνου παρ᾽ ἡμῖν ὄντος εἰς Μακεδονίαν πέμπειν ἐπιστολήν, οὐ μόνον νῦν ὅτε πολεμοῦμεν πρὸς ὑμᾶς, ἀλλὰ καὶ τῆς εἰρήνης οὔσης, ὅμως γράψαι πρὸς σὲ προειλόμην περὶ Διοδότου, δίκαιον εἶναι νομίζων ἅπαντας μὲν περὶ πολλοῦ ποιεῖσθαι τοὺς ἐμαυτῷ πεπλησιακότας καὶ γεγενημένους ἀξίους ἡμῶν, οὐχ ἥκιστα δὲ τοῦτον καὶ διὰ τὴν εὔνοιαν τὴν εἰς ἡμᾶς καὶ διὰ τὴν ἄλλην ἐπιείκειαν. [2] Μάλιστα μὲν οὖν ἠβουλόμην ἂν αὐτὸν συσταθῆναί σοι δι᾽ ἡμῶν· ἐπειδὴ δὲ δι᾽ ἑτέρων ἐντετύχηκέ σοι, λοιπόν ἐστί μοι μαρτυρῆσαι περὶ αὐτοῦ καὶ βεβαιῶσαι τὴν γεγενημένην αὐτῷ πρὸς σὲ γνῶσιν. Ἐμοὶ γὰρ πολλῶν καὶ παντοδαπῶν συγγεγενημένων ἀνδρῶν καὶ δόξας ἐνίων μεγάλας ἐχόντων, τῶν μὲν ἄλλων ἁπάντων οἱ μέν τινες περὶ αὐτὸν τὸν λόγον, οἱ δὲ περὶ τὸ διανοηθῆναι καὶ πρᾶξαι δεινοὶ γεγόνασιν, οἱ ἐπὶ μὲν τοῦ βίου σώφρονες καὶ χαρίεντες, πρὸς δὲ τὰς ἄλλας χρήσεις καὶ διαγωγὰς ἀφυεῖς παντάπασιν· [3] οὗτος δ᾽ οὕτως εὐάρμοστον τὴν φύσιν ἔσχηκεν ὥστ᾽ ἐν ἅπασι τοῖς εἰρημένοις τελειότατος εἶναι. Καὶ ταῦτ᾽ οὐκ ἂν ἐτόλμων λέγειν, εἰ μὴ τὴν ἀκριβεστάτην πεῖραν αὐτός τ᾽ εἶχον αὐτοῦ καὶ σὲ λήψεσθαι προσεδόκων, τὰ μὲν αὐτὸν χρώμενον αὐτῷ, [4] τὰ δὲ καὶ παρὰ τῶν ἄλλων τῶν ἐμπείρων αὐτοῦ πυνθανόμενον, ὧν οὐδεὶς ὅστις οὐκ ἂν ὁμολογήσειεν, εἰ μὴ λίαν εἴη φθονερός, καὶ εἰπεῖν καὶ βουλεύσασθαι μηδενὸς ἧττον αὐτὸν δύνασθαι καὶ δικαιότατον καὶ σωφρονέστατον εἶναι καὶ χρημάτων ἐγκρατέστατον, ἔτι δὲ συνημερεῦσαι καὶ συμβιῶναι πάντων ἥδιστον καὶ λιγυρώτατον, πρὸς δὲ τούτοις πλείστην ἔχειν παρρησίαν, οὐχ ἣν οὐ προσῆκεν, ἀλλὰ τὴν εἰκότως ἂν μέγιστον γιγνομένην σημεῖον τῆς εὐνοίας τῆς πρὸς τοὺς φίλους· [5] ἣν τῶν δυναστῶν οἱ μὲν ἀξιόχρεων τὸν ὄγκον τὸν τῆς ψυχῆς ἔχοντες τιμῶσιν ὡς χρησίμην οὖσαν, οἱ δ᾽ ἀσθενέστεροι τὰς φύσεις ὄντες ἢ κατὰ τὰς ὑπαρχούσας ἐξουσίας δυσχεραίνουσιν, ὡς ὧν οὐ προαιροῦνταί τι ποιεῖν βιαζομένην αὑτούς, οὐκ εἰδότες ὡς οἱ μάλιστα περὶ τοῦ συμφέροντος ἀντιλέγειν τολμῶντες, οὗτοι πλείστην ἐξουσίαν αὐτοῖς τοῦ πράττειν ἃ βούλονται παρασκευάζουσιν. [6] Εἰκὸς γὰρ διὰ μὲν τοὺς ἀεὶ πρὸς ἡδονὴν λέγειν προαιρουμένους οὐχ ὅπως τὰς μοναρχίας δύνασθαι διαμένειν, αἳ πολλοὺς τοὺς ἀναγκαίους ἐφέλκονται κινδύνους, ἀλλ᾽ οὐδὲ τὰς πολιτείας, αἳ μετὰ πλείονος ἀσφαλείας εἰσί, διὰ δὲ τοὺς ἐπὶ τῷ βελτίστῳ παρρησιαζομένους πολλὰ σῴζεσθαι καὶ τῶν ἐπιδόξων διαφθαρήσεσθαι πραγμάτων. Ὧν ἕνεκα προσῆκε μὲν παρὰ πᾶσι τοῖς μονάρχοις πλέον φέρεσθαι τοὺς τὴν ἀλήθειαν ἀποφαινομένους τῶν ἅπαντα μὲν πρὸς χάριν, μηδὲν δὲ χάριτος ἄξιον λεγόντων· συμβαίνει δ᾽ ἔλαττον ἔχειν αὐτοὺς παρ᾽ ἐνίοις αὐτῶν. [7] Ὃ καὶ Διοδότῳ παθεῖν συνέπεσε παρά τισι τῶν περὶ τὴν Ἀσίαν δυναστῶν, οἷς περὶ πολλὰ χρήσιμος γενόμενος οὐ μόνον τῷ συμβουλεύειν ἀλλὰ καὶ τῷ πράττειν καὶ κινδυνεύειν, διὰ τὸ παρρησιάζεσθαι πρὸς αὐτοὺς περὶ ὧν ἐκείνοις συνέφερε, καὶ τῶν οἴκοι τιμῶν ἀπεστέρηται καὶ πολλῶν ἄλλων ἐλπίδων, καὶ μεῖζον ἴσχυσαν αἱ τῶν τυχόντων ἀνθρώπων κολακεῖαι τῶν εὐεργεσιῶν τῶν τούτου. [8] Διὸ δὴ καὶ πρὸς ὑμᾶς ἀεὶ προσιέναι διανοούμενος ὀκνηρῶς εἶχεν, οὐχ ὡς ἅπαντας ὁμοίους εἶναι νομίζων τοὺς ὑπὲρ αὑτὸν ὄντας, ἀλλὰ διὰ τὰς πρὸς ἐκείνους γεγενημένας δυσχερείας καὶ πρὸς τὰς παρ᾽ ὑμῶν ἐλπίδας ἀθυμότερος ἦν, παραπλήσιον, ὡς ἐμοὶ δοκεῖ, πεπονθὼς τῶν πεπλευκότων τισίν, οἳ τὸ πρῶτον, ὅταν χρήσωνται χειμῶσιν, οὐκέτι θαρροῦντες εἰσβαίνουσιν εἰς θάλατταν, καίπερ εἰδότες ὅτι καὶ καλοῦ πλοῦ πολλάκις ἐπιτυχεῖν ἔστιν. Οὐ μὴν ἀλλ᾽ ἐπειδὴ συνέστηκέ σοι, καλῶς ποιεῖ. Λογίζομαι γὰρ αὐτῷ συνοίσειν, [9] μάλιστα μὲν τῇ φιλανθρωπίᾳ τῇ σῇ στοχαζόμενος, ἣν ἔχειν ὑπείληψαι παρὰ τοῖς ἔξωθεν ἀνθρώποις, ἔπειτα νομίζων οὐκ ἀγνοεῖν ὑμᾶς ὅτι πάντων ἥδιστόν ἐστι καὶ λυσιτελέστατον πιστοὺς ἅμα καὶ χρησίμους φίλους κτᾶσθαι ταῖς εὐεργεσίαις καὶ τοὺς τοιούτους εὖ ποιεῖν, ὑπὲρ ὧν πολλοὶ καὶ τῶν ἄλλων ὑμῖν χάριν ἕξουσιν. Ἅπαντες γὰρ οἱ χαρίεντες τοὺς τοῖς σπουδαίοις τῶν ἀνδρῶν καλῶς ὁμιλοῦντας ὁμοίως ἐπαινοῦσι καὶ τιμῶσιν ὥσπερ αὐτοὶ τῶν ὠφελειῶν ἀπολαύοντες.

[10] Ἀλλὰ γὰρ Διόδοτον αὐτὸν οἶμαι μάλιστά σε προτρέψεσθαι πρὸς τὸ φροντίζειν αὑτοῦ. Συνέπειθον δὲ καὶ τὸν υἱὸν αὐτοῦ τῶν ὑμετέρων ἀντέχεσθαι πραγμάτων καὶ παραδόνθ᾽ ὑμῖν αὑτὸν ὥσπερ μαθητὴν εἰς τοὔμπροσθε πειραθῆναι προελθεῖν. Ὁ δὲ ταῦτά μου λέγοντος ἐπιθυμεῖν μὲν ἔφασκε τῆς ὑμετέρας φιλίας, οὐ μὴν ἀλλὰ παραπλήσιόν τι πεπονθέναι πρὸς αὐτὴν καὶ πρὸς τοὺς στεφανίτας ἀγῶνας. [11] Ἐκείνους τε γὰρ νικᾶν μὲν ἂν βούλεσθαι, καταβῆναι δ᾽ εἰς αὐτοὺς οὐκ ἂν τολμῆσαι διὰ τὸ μὴ μετεσχηκέναι ῥώμης ἀξίας τῶν στεφάνων, τῶν τε παρ᾽ ὑμῶν τιμῶν εὔξασθαι μὲν ἂν τυχεῖν, ἐφίξεσθαι δ᾽ αὐτῶν οὐ προσδοκᾶν· τήν τε γὰρ ἀπειρίαν τὴν αὑτοῦ καταπεπλῆχθαι καὶ τὴν λαμπρότητα τὴν ὑμετέραν, ἔτι δὲ καὶ τὸ σωμάτιον οὐκ εὐκρινὲς ὂν ἀλλ᾽ ἔχον ἄττα σίνη νομίζειν ἐμποδιεῖν αὑτὸν πρὸς πολλὰ τῶν πραγμάτων.

[12] Οὗτος μὲν οὖν, ὅ τι ἂν αὐτῷ δοκῇ συμφέρειν, τοῦτο πράξει· σὺ δ᾽ ἄν τε περὶ ὑμᾶς ἄν θ᾽ ἡσυχίαν ἔχων διατρίβῃ περὶ τούτους τοὺς τόπους, ἐπιμελοῦ καὶ τῶν ἄλλων μὲν ἁπάντων ὧν ἂν τυγχάνῃ δεόμενος, μάλιστα δὲ τῆς ἀσφαλείας καὶ τῆς τούτου καὶ τῆς τοῦ πατρὸς αὐτοῦ, νομίσας ὥσπερ παρακαταθήκην ἔχειν τούτους. Παρά τε τοῦ γήρως ἡμῶν, ὃ προσηκόντως ἂν πολλῆς τυγχάνοι προνοίας, καὶ τῆς δόξης τῆς ὑπαρχούσης, εἴ τινος ἄρα σπουδῆς ἐστὶν ἀξία, καὶ τῆς εὐνοίας τῆς πρὸς ὑμᾶς ἣν ἔχων ἅπαντα τὸν χρόνον διατετέλεκα. [13] Καὶ μὴ θαυμάσῃς, μήτ᾽ εἰ μακροτέραν γέγραφα τὴν ἐπιστολὴν μήτ᾽ εἴ τι περιεργότερον καὶ πρεσβυτικώτερον εἰρήκαμεν ἐν αὐτῇ· πάντων γὰρ τῶν ἄλλων ἀμελήσας ἑνὸς μόνον ἐφρόντισα, τοῦ φανῆναι σπουδάζων ὑπὲρ ἀνδρῶν φίλων καὶ προσφιλεστάτων μοι γεγενημένων.

4

A ANTIPATER.

1. Encore qu'il soit périlleux pour nous d'envoyer une lettre en Macédoine, non seulement aujourd'hui que nous vous faisons la guerre, mais lors même que nous sommes en paix, j'ai résolu néanmoins de vous écrire en faveur de Diodotus. Je crois faire un acte de justice en donnant des marques d'estime à ceux qui ont vécu dans mon intimité et qui se sont montrés dignes de mon affection; j'éprouve d'ailleurs ce sentiment d'une manière particulière pour Diodotus, à cause de l'amitié qu'il me porte et des qualités qui le distinguent. [2] J'aurais surtout désiré qu'il vous fût présenté par moi; mais, puisqu'il a eu près de vous d'autres introducteurs, il ne me reste qu'à l'aider de mon témoignage et à l'appuyer dans les relations qu'il entreprend d'avoir avec vous. Parmi un grand nombre d'hommes qui, placés dans des situations diverses, ont eu des rapports avec moi, et dont plusieurs ont obtenu une grande renommée, quelques-uns se sont distingués parleur éloquence; d'autres, par leur prudence et par leur habileté dans le maniement des affaires ; d'autres, recommandables d'ailleurs par la sagesse et l'aménité de leurs moeurs, se sont trouvés entièrement impropres à la vie publique et aux affaires ; [3] mais Diodotus est si heureusement doué de la nature qu'il est, sous tous les points de vue, un homme parfait. Je ne me hasarderais pas à le dire, si je n'avais pas acquis de ses qualités une expérience approfondie, et si je n'étais convaincu que vous prendrez de lui une opinion semblable à la mienne, soit dans vos relations personnelles avec lui, [4] soit d'après le témoignage des hommes qui se seront trouvés à portée de l'apprécier. Aucun d'eux, s'il n'est dominé par l'envie, ne refusera de reconnaître que Diodotus n'est inférieur à personne, ni pour parler, ni pour donner de sages conseils ; qu'il est le plus juste des hommes, le plus modeste, le plus inaccessible à l'argent, le plus doux, le plus agréable dans les relations du monde et dans le commerce de la vie : qu'il joint à toutes ces qualités une grande franchise de langage; non pas celle que les convenances réprouvent, mais celle qui est regardée avec raison comme la meilleure preuve de bienveillance envers ses amis; [5] franchise honorée, comme utile, par les princes quand ils ont l'âme élevée, tandis que, s'ils ont reçu de la nature des sentiments inférieurs à ceux que réclame leur puissance, ils s'en irritent, comme si elle faisait violence à leur volonté ; ignorant, apparemment, que les hommes qui osent les contredire avec le plus de courage, dans leur intérêt, leur préparent le moyen le plus puissant de faire ce qu'ils veulent. [6] C'est une chose reconnue, que les hommes qui s'étudient à parler uniquement pour plaire ne peuvent assurer ni la durée des monarchies, nécessairement exposées à une foule de dangers, ni même celle des républiques, qui sont établies sur de plus solides fondements, et qu'au contraire les hommes qui s'expriment avec liberté dans l'intérêt de l'État peuvent conserver beaucoup de choses qui semblaient menacées d'une perte certaine. Il conviendrait donc que ceux qui disent la vérité fussent accueillis par tous les rois, avec plus de faveur que ceux qui, parlant exclusivement dans la pensée de s'attirer leur bienveillance, ne disent rien qui mérite une véritable approbation ; [7] mais il arrive cependant qu'auprès de quelques-uns les premiers sont reçus moins favorablement que les autres. Diodotus en a fait l'épreuve auprès de plusieurs souverains de l'Asie. Il leur avait rendu de nombreux services, non seulement par ses conseils, mais par ses actes, et même par les dangers qu'il avait courus pour eux ; mais, parce qu'il leur parlait avec franchise sur leurs intérêts, il s'est vu dépouillé déshonneurs dont il jouissait dans son pays, et frustré des espérances qu'il avait pu concevoir ailleurs, les flatteries d'hommes obscur, ayant eu plus de puissance que ses services. [8] Voilà pourquoi, malgré son désir de se rendre près de vous, il hésitait à le faire ; non qu'il supposât le même caractère à tous les hommes placés dans une position supérieure à la sienne, mais parce que les choses pénibles qu'il avait éprouvées de la part de ces princes le rendaient plus timide dans l'espoir qu'il avait conçu de vous ; subissant à mon avis la même impression que certains navigateurs, qui ne reprennent plus la mer avec la même assurance, lorsqu'ils ont été une fois assaillis par la tempête, bien qu'ils sachent que l'on puisse souvent obtenir une navigation favorable. Quoi qu'il en soit, il agit avec sagesse en se faisant appuyer près de vous. [9] J'ai des raisons de croire que cet appui lui procurera de grands avantages, lorsque surtout je pense à votre humanité, dont la renommée s'est étendue jusque chez les étrangers. Je suis d'ailleurs convaincu que vous ne pouvez ignorer qu'il n'est rien de plus doux et de plus avantageux que d'acquérir, par ses bienfaits, des amis sûrs et utiles, comme aussi de répandre des faveurs sur des hommes d'une valeur telle que tout le monde éprouvera de la reconnaissance pour les bienfaits dont vous les aurez honorés. Tous les esprits susceptibles de gratitude donnent des louanges à ceux qui accueillent avec empressement les hommes distingués, comme s'ils recueillaient eux-mêmes les fruits de cette bienveillance.

2. [10] Je suis certain que Diodotus vous inspirera, par ses qualités personnelles, le désir de vous occuper de lui. J'ai aussi exhorté son fils à s'attacher à votre fortune, et à se remettre entre vos mains, pour essayer de se former à votre école et assurer son avenir. Lorsque je lui ai donné ce conseil, il m'a répondu que, sans doute, il ambitionnerait votre amitié, mais qu'il ressent à cet égard la même impression que pour les luttes où l'on remporte des couronnes; [11] qu'il voudrait bien obtenir la victoire, mais qu'il n'ose pas descendre dans l'arène, parce qu'il ne se sent pas les forces nécessaires pour y parvenir ; que de même, relativement aux honneurs qui dépendent de vous, il les désirerait, mais qu'il ne les espère pas; qu'il redoute son inexpérience et la splendeur qui vous entoure; que de plus sa taille n'est pas avantageuse, ni son corps exempt de défauts, et qu'il craint que ce ne soit pour lui un obstacle dans beaucoup de circonstances.

3. Il fera ce qu'il jugera utile à ses intérêts; mais, soit qu'il se présente à vous, soit qu'il se contente d'une vie tranquille dans ce pays, ayez pour lui tous les soins que sa position pourra réclamer, et surtout pourvoyez à sa sûreté, ainsi qu'à celle de son père. Regardez-le comme un dépôt que vous confient et ma vieillesse, qui mérite des égards, et ma renommée, si elle est digne de quelque attention, enfin mon affection pour vous, qui ne s'est jamais démentie. [13] Ne vous étonnez pas toutefois si j'ai donné trop d'étendue à ma lettre, et si j'ai dit des choses superflues qui accusent le vieillard ; car, négligeant tout le reste, je n'ai pas eu d'autre pensée que de montrer mon zèle pour des amis auxquels j'ai voué une extrême affection.

Ἀλεξάνδρῳ

[1] Πρὸς τὸν πατέρα σου γράφων ἐπιστολὴν ἄτοπον ᾤμην ποιήσειν, εἰ περὶ τὸν αὐτὸν ὄντα σὲ τόπον ἐκείνῳ μήτε προσερῶ μήτ᾽ ἀσπάσομαι μήτε γράψω τι τοιοῦτον, ὃ ποιήσει τοὺς ἀναγνόντας μὴ νομίζειν ἤδη με παραφρονεῖν διὰ τὸ γῆρας μηδὲ παντάπασι ληρεῖν, ἀλλ᾽ ἔτι τὸ καταλελειμμένον μου μέρος καὶ λοιπὸν ὂν οὐκ ἀνάξιον εἶναι τῆς δυνάμεως ἣν ἔσχον νεώτερος ὤν.

[2] Ἀκούω δέ σε πάντων λεγόντων ὡς φιλάνθρωπος εἶ καὶ φιλαθήναιος καὶ φιλόσοφος, οὐκ ἀφρόνως ἀλλὰ νοῦν ἐχόντως. Τῶν τε γὰρ πολιτῶν ἀποδέχεσθαί σε τῶν ἡμετέρων οὐ τοὺς ἠμεληκότας αὑτῶν καὶ πονηρῶν πραγμάτων ἐπιθυμοῦντας, ἀλλ᾽ οἷς συνδιατρίβων τ᾽ οὐκ ἂν λυπηθείης, συμβάλλων τε καὶ κοινωνῶν πραγμάτων οὐδὲν ἂν βλαβείης οὐδ᾽ ἀδικηθείης, οἵοις περ χρὴ πλησιάζειν τοὺς εὖ φρονοῦντας· [3] τῶν τε φιλοσοφιῶν οὐκ ἀποδοκιμάζειν μὲν οὐδὲ τὴν περὶ τὰς ἔριδας, ἀλλὰ νομίζειν εἶναι πλεονεκτικὴν ἐν ταῖς ἰδίαις διατριβαῖς, οὐ μὴν ἁρμόττειν οὔτε τοῖς τοῦ πλήθους προεστῶσιν οὔτε τοῖς τὰς μοναρχίας ἔχουσιν· οὐδὲ γὰρ συμφέρον οὐδὲ πρέπον ἐστὶ τοῖς μεῖζον τῶν ἄλλων φρονοῦσιν οὔτ᾽ αὐτοῖς ἐρίζειν πρὸς τοὺς συμπολιτευομένους οὔτε τοῖς ἄλλοις ἐπιτρέπειν πρὸς αὑτοὺς ἀντιλέγειν. [4] Ταύτην μὲν οὖν οὐκ ἀγαπᾶν σε τὴν διατριβήν, προαιρεῖσθαι δὲ τὴν παιδείαν τὴν περὶ τοὺς λόγους, οἷς χρώμεθα περὶ τὰς πράξεις τὰς προσπιπτούσας καθ᾽ ἑκάστην τὴν ἡμέραν καὶ μεθ᾽ ὧν βουλευόμεθα περὶ τῶν κοινῶν· δι᾽ ἣν νῦν τε δοξάζειν περὶ τῶν μελλόντων ἐπιεικῶς, τοῖς τ᾽ ἀρχομένοις προστάττειν οὐκ ἀνοήτως ἃ δεῖ πράττειν ἑκάστους, ἐπιστήσει, περὶ δὲ τῶν καλῶν καὶ δικαίων καὶ τῶν τούτοις ἐναντίων ὀρθῶς κρίνειν, πρὸς δὲ τούτοις τιμᾶν τε καὶ κολάζειν ὡς προσῆκόν ἐστιν ἑκατέρους. [5] Σωφρονεῖς οὖν νῦν ταῦτα μελετῶν· ἐλπίδας γὰρ τῷ τε πατρὶ καὶ τοῖς ἄλλοις παρέχεις, ὡς, ἂν πρεσβύτερος γενόμενος ἐμμείνῃς τούτοις, τοσοῦτον προέξεις τῇ φρονήσει τῶν ἄλλων, ὅσον περ ὁ πατήρ σου διενήνοχεν ἁπάντων.

5.

A ALEXANDRE.

1. [1] Je croirais manquer aux convenances, lorsque j'écris à votre père et que vous vous trouvez avec lui, si je ne vous adressais en même temps des hommages et des respects, et si je ne vous envoyais une lettre telle qu'il sera impossible à ceux qui la liront de croire que la vieillesse m'a totalement enlevé le sens et la raison ; et qu'ils reconnaîtront au contraire que la portion de vie et de talent que j'ai conservée n'est pas indigne des facultés que je possédais dans ma jeunesse.

2. [2] J'entends répéter par tout le monde que vous êtes ami de l'humanité, ami d'Athènes et de la philosophie, non pas sans discernement, mais avec sagesse. On dit aussi que, parmi nos concitoyens, vous accueillez non pas ceux qui, négligeant de veiller sur eux-mêmes, se livrent à des inclinations vicieuses, mais ceux dont le commerce et les entretiens ne peuvent vous nuire, ceux que vous pouvez admettre dans votre intimité et honorer de votre confiance, sans jamais éprouver de leur part ni tort ni injustice; tels, en un mot, que les hommes sages doivent se rapprocher d'eux. [3] On dit encore qu'entre les différentes parties de la philosophie, vous ne dédaignez pas même celle qui a pour objet les disputes de la dialectique ; mais que, tout en lui accordant de grands avantages dans les entretiens particuliers, vous croyez qu'elle ne convient ni à ceux qui sont placés à la tête d'une république, ni à ceux qui gouvernent les monarchies, parce qu'il n'est ni utile ni convenable pour les hommes qui sont élevés au-dessus des autres d'entrer en discussion avec les simples citoyens ou de permettre à personne de les contredire. [4] On pense donc que vous n'avez pas d'attrait pour cette sorte d'étude, et que vous préférez celle des discours dont nous nous servons pour régler les affaires de chaque jour, et pour délibérer sur les intérêts, publics. A l'aide de cette étude, vous pouvez, dès aujourd'hui, pénétrer dans l'avenir avec sagacité, donner à vos sujets des ordres calculés avec habileté, sur les devoirs que chacun d'eux est appelé à remplir ; juger sainement les actes conformes à l'honneur et à la justice, ainsi que ceux qui leur sont contraires, et, en outre, récompenser et punir les uns et les autres d'une manière convenable. [5] En vous occupant maintenant de ces soins, vous agissez avec sagesse ; car vous donnez à votre père et au monde l'espoir que, lorsque vous serez plus avancé en âge, si vous persévérez dans la même voie, vous obtiendrez sur tous les autres hommes la même supériorité que lui-même a obtenue.

 

Τοῖς Ἰάσονος παισίν

[1] Ἀπήγγειλέ τίς μοι τῶν πρεσβευσάντων ὡς ὑμᾶς ὅτι καλέσαντες αὐτὸν ἄνευ τῶν ἄλλων ἐρωτήσαιτ᾽ εἰ πεισθείην ἂν ἀποδημῆσαι καὶ διατρῖψαι παρ᾽ ὑμῖν. Ἐγὼ δ᾽ ἕνεκα μὲν τῆς Ἰάσονος καὶ Πολυαλκοῦς ξενίας ἡδέως ἂν ἀφικοίμην ὡς ὑμᾶς· οἶμαι γὰρ ἂν τὴν ὁμιλίαν τὴν γενομένην ἅπασιν ἡμῖν συνενεγκεῖν· ἀλλὰ γὰρ ἐμποδίζει με πολλά, [2] μάλιστα μὲν τὸ μὴ δύνασθαι πλανᾶσθαι καὶ τὸ μὴ πρέπειν ἐπιξενοῦσθαι τοῖς τηλικούτοις, ἔπειθ᾽ ὅτι πάντες οἱ πυθόμενοι τὴν ἀποδημίαν δικαίως ἄν μου καταφρονήσειαν, εἰ προῃρημένος τὸν ἄλλον χρόνον ἡσυχίαν ἄγειν ἐπὶ γήρως ἀποδημεῖν ἐπιχειροίην, ὅτ᾽ εἰκὸς ἦν, εἰ καὶ πρότερον ἄλλοθί που διέτριβον, νῦν οἴκαδε σπεύδειν, οὕτως ὑπογυίου μοι τῆς τελευτῆς οὔσης. [3] Πρὸς δὲ τούτοις φοβοῦμαι καὶ τὴν πόλιν· χρὴ γὰρ τἀληθῆ λέγειν. Ὁρῶ γὰρ τὰς συμμαχίας τὰς πρὸς αὐτὴν γιγνομένας ταχέως διαλυομένας. Εἰ δή τι συμβαίη καὶ πρὸς ὑμᾶς τοιοῦτον, εἰ καὶ τὰς αἰτίας καὶ τοὺς κινδύνους διαφυγεῖν δυνηθείην, ὃ χαλεπόν ἐστιν, ἀλλ᾽ οὖν αἰσχυνθείην ἄν, εἴτε διὰ τὴν πόλιν δόξαιμί τισιν ὑμῶν ἀμελεῖν, εἴτε δι᾽ ὑμᾶς τῆς πόλεως ὀλιγωρεῖν. Μὴ κοινοῦ δὲ τοῦ συμφέροντος ὄντος οὐκ οἶδ᾽ ὅπως ἂν ἀμφοτέροις ἀρέσκειν δυνηθείην. Αἱ μὲν οὖν αἰτίαι, δι᾽ ἃς οὐκ ἔξεστί μοι ποιεῖν ἃ βούλομαι, τοιαῦται συμβεβήκασιν.

[4] Οὐ μὴν περὶ τῶν ἐμαυτοῦ μόνον ἐπιστείλας οἶμαι δεῖν ἀμελῆσαι τῶν ὑμετέρων, ἀλλ᾽ ἅπερ ἂν παραγενόμενος πρὸς ὑμᾶς διελέχθην, πειράσομαι καὶ νῦν περὶ τῶν αὐτῶν τούτων ὅπως ἂν δύνωμαι διεξελθεῖν. Μηδὲν δ᾽ ὑπολάβητε τοιοῦτον, ὡς ἄρ᾽ ἐγὼ ταύτην ἔγραψα τὴν ἐπιστολὴν οὐχ ἕνεκα τῆς ὑμετέρας ξενίας, ἀλλ᾽ ἐπίδειξιν ποιήσασθαι βουλόμενος. Οὐ γὰρ εἰς τοῦθ᾽ ἥκω μανίας ὥστ᾽ ἀγνοεῖν ὅτι κρείττω μὲν γράψαι τῶν πρότερον διαδεδομένων οὐκ ἂν δυναίμην, τοσοῦτον τῆς ἀκμῆς ὑστερῶν, χείρω δ᾽ ἐξενεγκὼν πολὺ φαυλοτέραν ἂν λάβοιμι δόξαν τῆς νῦν ἡμῖν ὑπαρχούσης. [5] Ἔπειτ᾽ εἴπερ ἐπιδείξει προσεῖχον τὸν νοῦν ἀλλὰ μὴ πρὸς ὑμᾶς ἐσπούδαζον, οὐκ ἂν ταύτην ἐξ ἁπασῶν προειλόμην τὴν ὑπόθεσιν, περὶ ἧς χαλεπόν ἐστιν ἐπιεικῶς εἰπεῖν, ἀλλὰ πολὺ καλλίους ἑτέρας ἂν εὗρον καὶ μᾶλλον λόγον ἐχούσας. Ἀλλὰ γὰρ οὔτε πρότερον οὐδὲ πώποτ᾽ ἐφιλοτιμήθην ἐπὶ τούτοις, ἀλλ᾽ ἐφ᾽ ἑτέροις μᾶλλον, ἃ τοὺς πολλοὺς διαλέληθεν, οὔτε νῦν ἔχων ταύτην τὴν διάνοιαν ἐπραγματευσάμην, [6] ἀλλ᾽ ὑμᾶς μὲν ὁρῶν ἐν πολλοῖς καὶ μεγάλοις πράγμασιν ὄντας, αὐτὸς δ᾽ ἀποφήνασθαι βουλόμενος ἣν ἔχω γνώμην περὶ αὐτῶν. Ἡγοῦμαι δὲ συμβουλεύειν μὲν ἀκμὴν ἔχειν, αἱ γὰρ ἐμπειρίαι παιδεύουσι τοὺς τηλικούτους καὶ ποιοῦσι μᾶλλον τῶν ἄλλων δύνασθαι καθορᾶν τὸ βέλτιστον, εἰπεῖν δὲ περὶ τῶν προτεθέντων ἐπιχαρίτως καὶ μουσικῶς καὶ διαπεπονημένως οὐκέτι τῆς ἡμετέρας ἡλικίας ἐστίν, ἀλλ᾽ ἀγαπῴην ἄν, εἰ μὴ παντάπασιν ἐκλελυμένως διαλεχθείην περὶ αὐτῶν.

[7] Μὴ θαυμάζετε δ᾽ ἄν τι φαίνωμαι λέγων ὧν πρότερον ἀκηκόατε· τῷ μὲν γὰρ ἴσως ἄκων ἂν ἐντύχοιμι, τὸ δὲ καὶ προειδώς, εἰ πρέπον εἰς τὸν λόγον εἴη, προσλάβοιμι· καὶ γὰρ ἂν ἄτοπος εἴην, εἰ τοὺς ἄλλους ὁρῶν τοῖς ἐμοῖς χρωμένους αὐτὸς μόνος ἀπεχοίμην τῶν ὑπ᾽ ἐμοῦ πρότερον εἰρημένων. Τούτου δ᾽ ἕνεκα ταῦτα προεῖπον, ὅτι τὸ πρῶτον ἐπιφερόμενον ἓν τῶν τεθρυλημένων ἐστίν. [8] Εἴθισμαι γὰρ λέγειν πρὸς τοὺς περὶ τὴν φιλοσοφίαν τὴν ἡμετέραν διατρίβοντας ὅτι τοῦτο πρῶτον δεῖ σκέψασθαι, τί τῷ λόγῳ καὶ τοῖς τοῦ λόγου μέρεσι διαπρακτέον ἐστίν· ἐπειδὰν δὲ τοῦθ᾽ εὕρωμεν καὶ διακριβωσώμεθα, ζητητέον εἶναί φημι τὰς ἰδέας δι᾽ ὧν ταῦτ᾽ ἐξεργασθήσεται καὶ λήψεται τέλος ὅπερ ὑπεθέμεθα. Καὶ ταῦτα φράζω μὲν ἐπὶ τῶν λόγων, ἔστι δὲ τοῦτο στοιχεῖον καὶ κατὰ τῶν ἄλλων ἁπάντων καὶ κατὰ τῶν ὑμετέρων πραγμάτων. Οὐδὲν γὰρ οἷόν τ᾽ ἐστὶ πραχθῆναι νοῦν ἐχόντως, [9] ἂν μὴ τοῦτο πρῶτον μετὰ πολλῆς προνοίας λογίσησθε καὶ βουλεύσησθε, πῶς χρὴ τὸν ἐπίλοιπον χρόνον ὑμῶν αὐτῶν προστῆναι καὶ τίνα βίον προελέσθαι καὶ ποίας δόξης ὀριγνηθῆναι καὶ ποτέρας τῶν τιμῶν ἀγαπῆσαι, τὰς παρ᾽ ἑκόντων γιγνομένας ἢ τὰς παρ᾽ ἀκόντων τῶν πολιτῶν· ταῦτα δὲ διορισαμένους τότ᾽ ἤδη τὰς πράξεις τὰς καθ᾽ ἑκάστην τὴν ἡμέραν σκεπτέον, ὅπως συντενοῦσι πρὸς τὰς ὑποθέσεις τὰς ἐξ ἀρχῆς γενομένας. [10] Καὶ τοῦτον μὲν τὸν τρόπον ζητοῦντες καὶ φιλοσοφοῦντες ὥσπερ σκοποῦ κειμένου στοχάσεσθε τῇ ψυχῇ καὶ μᾶλλον ἐπιτεύξεσθε τοῦ συμφέροντος· ἂν δὲ μηδεμίαν ποιήσησθε τοιαύτην ὑπόθεσιν, ἀλλὰ τὸ προσπῖπτον ἐπιχειρῆτε πράττειν, ἀναγκαῖόν ἐστιν ὑμᾶς ταῖς διανοίαις πλανᾶσθαι καὶ πολλῶν διαμαρτάνειν πραγμάτων.

[11] Ἴσως ἂν οὖν τις τῶν εἰκῇ ζῆν προῃρημένων τοὺς μὲν τοιούτους λογισμοὺς διασύρειν ἐπιχειρήσειεν, ἀξιώσειε δ᾽ ἂν ἤδη με συμβουλεύειν περὶ τῶν προειρημένων. Ἔστιν οὖν οὐκ ὀκνητέον ἀποφήνασθαι περὶ αὐτῶν ἃ τυγχάνω γιγνώσκων. Ἐμοὶ γὰρ αἱρετώτερος ὁ βίος εἶναι δοκεῖ καὶ βελτίων ὁ τῶν ἰδιωτευόντων ἢ τῶν τυραννούντων, καὶ τὰς τιμὰς ἡδίους ἡγοῦμαι τὰς ἐν ταῖς πολιτείαις ἢ τὰς ἐν ταῖς μοναρχίαις· καὶ περὶ τούτων λέγειν ἐπιχειρήσω. [12] Καίτοι μ᾽ οὐ λέληθεν ὅτι πολλοὺς ἕξω τοὺς ἐναντιουμένους, καὶ μάλιστα τοὺς περὶ ὑμᾶς ὄντας. Οἶμαι γὰρ οὐχ ἥκιστα τούτους ἐπὶ τὴν τυραννίδα παροξύνειν ὑμᾶς· σκοποῦσι γὰρ οὐ πανταχῇ τὴν φύσιν τοῦ πράγματος, ἀλλὰ πολλὰ παραλογίζονται σφᾶς αὐτούς. Τὰς μὲν γὰρ ἐξουσίας καὶ τὰ κέρδη καὶ τὰς ἡδονὰς ὁρῶσι καὶ τούτων ἀπολαύσεσθαι προσδοκῶσι, τὰς δὲ ταραχὰς καὶ τοὺς φόβους καὶ τὰς συμφορὰς τὰς τοῖς ἄρχουσι συμπιπτούσας καὶ τοῖς φίλοις αὐτῶν οὐ θεωροῦσιν, ἀλλὰ πεπόνθασιν ὅπερ οἱ τοῖς αἰσχίστοις καὶ παρανομωτάτοις τῶν ἔργων ἐπιχειροῦντες. [13] Καὶ γὰρ ἐκεῖνοι τὰς μὲν πονηρίας τὰς τῶν πραγμάτων οὐκ ἀγνοοῦσιν, ἐλπίζουσι δ᾽ ὅσον μὲν ἀγαθόν ἐστιν ἐν αὐτοῖς, τοῦτο μὲν ἐκλήψεσθαι, τὰ δὲ δεινὰ πάντα τὰ προσόντα τῷ πράγματι καὶ τὰ κακὰ διαφεύξεσθαι, καὶ διοικήσειν τὰ περὶ σφᾶς αὐτοὺς οὕτως, ὥστε τῶν μὲν κινδύνων εἶναι πόρρω, τῶν δ᾽ ὠφελειῶν ἐγγύς. [14] Τοὺς μὲν οὖν ταύτην ἔχοντας τὴν διάνοιαν ζηλῶ τῆς ῥᾳθυμίας, αὐτὸς δ᾽ αἰσχυνθείην ἄν, εἰ συμβουλεύων ἑτέροις ἐκείνων ἀμελήσας τὸ ἐμαυτῷ συμφέρον ποιοίην καὶ μὴ παντάπασιν ἔξω θεὶς ἐμαυτὸν καὶ τῶν ὠφελειῶν καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων τὰ βέλτιστα παραινοίην. Ὡς οὖν ἐμοῦ ταύτην ἔχοντος τὴν γνώμην, οὕτω μοι προσέχετε τὸν νοῦν. ...

6.

AUX ENFANTS DE JASON.

1. [1] Un de nos ambassadeurs m'a rapporté que vous l'aviez interrogé en particulier, et que vous lui aviez demandé si je me laisserais persuader de quitter Athènes pour aller vivre auprès de vous. Je me rendrais sans doute avec plaisir dans le lieu que vous habitez, à cause de l'hospitalité qui m'unissait à Jason et à Polyalcès, et je crois que cette réunion, si elle avait lieu, nous serait utile à tous; mais beaucoup d'obstacles s'y opposent, [2] principalement l'impossibilité où je suis de supporter les fatigues d'un voyage, comme aussi le peu de convenance qu'il y a pour les hommes de mon âge d'aller vivre à l'étranger : et de plus tous ceux qui entendraient parler de mon départ auraient le droit de me blâmer, si, après avoir, le reste du temps, préféré vivre en repos, on me voyait dans ma vieillesse entreprendre de quitter ma patrie au moment où, lors même que j'aurais vécu loin d'elle, il y aurait de la sagesse à me hâter d'y revenir, le terme de ma vie étant si rapproché. [3] En outre, car il faut dire la vérité, je redoute notre république elle-même. Je vois avec quelle rapidité se dissolvent les alliances contractées avec elle, et si quelque chose de semblable arrivait à votre égard, quand bien même je pourrais échapper aux accusations et aux dangers, ce qui est toujours difficile, je rougirais, soit de paraître aux yeux de quelques personnes vous négliger à cause de notre ville, soit de manquer, à cause de vous, à mes devoirs envers elle. Or, quand il n'existe pas d'intérêt commun, je ne puis comprendre comment je pourrais plaire à la fois aux uns et aux autres. Telles sont les causes pour lesquelles il n'est pas en mon pouvoir de faire ce que j'aurais désiré.

2 . [4] Je ne crois pas, toutefois, après vous avoir occupé de ce qui m'est personnel, devoir m'abstenir de vous parler de vos intérêts; j'essayerai dès maintenant de vous indiquer, comme il me sera possible de le faire, les choses dont je vous aurais entretenu si je me fusse rendu près de vous ; ne croyez pas que ma lettre soit écrite dans une autre pensée que celle de l'hospitalité qui nous lie et qu'elle ait l'ostentation pour objet. Je ne suis pas tellement privé de mes facultés que je puisse ignorer qu'il me serait impossible d'écrire des choses supérieures à celles que j'ai publiées autrefois, lorsque depuis si longtemps j'ai dépassé l'âge de l'activité et de la force, et qu'en produisant quelque oeuvre d'un ordre inférieur, j'affaiblirais de beaucoup la renommée dont je jouis aujourd'hui parmi vous. [5] D'un autre côté, si je me fusse attaché à un motif d'orgueil, et que votre intérêt n'eût pas inspiré mon zèle, je n'aurais pas choisi entre tous les autres un sujet sur lequel il est difficile de s'exprimer avec élégance; j'en aurais trouvé de plus brillants et de plus féconds. Mon ambition dans le passé ne s'est jamais portée vers les choses vulgaires, j'ai toujours préféré celles qui échappaient à la pénétration du grand nombre ; aujourd'hui encore je suis dans le même sentiment, [6] mais, vous voyant engagés dans des embarras graves et multipliés, je veux vous faire connaître mon opinion à leur égard. Je crois être arrivé à l'époque de la vie où l'on peut surtout donner des conseils, parce que l'expérience instruit les hommes de mon âge, et les met à portée d'apercevoir mieux que les autres le parti le plus utile ; mais répandre sur un sujet qui vous est présenté, la grâce et l'harmonie, en se livrant à de pénibles efforts, n'est plus de mon âge ; et je m'estimerai heureux si je parviens à m'exprimer sur vos intérêts d'une manière qui ne soit pas entièrement dépourvue d'énergie.

3. [7] Ne soyez pas étonnés de me voir reproduire des choses que vous avez déjà entendues : peut-être m'arrivera-t-il d'en rencontrer involontairement quelques-unes, peut-être aussi les rappellerai-je à dessein, parce que j'aurai reconnu que cela est utile pour mon sujet. Je manquerais à la raison, lorsque je vois les autres se servir de mes paroles, si je m'abstenais de répéter ce que j'ai dit autrefois. J'ai fait cet avant-propos, parce que la première pensée qui se présente ici est une de celles que l'on rencontre dans la bouche de tout le monde. [8] J'ai moi-même pour usage de répéter à ceux qui suivent nos leçons de philosophie, qu'il faut examiner, avant tout, le but que l'on cherche à atteindre par un discours et par les différentes parties dont il se compose ; qu'après l'avoir trouvé et déterminé avec soin, on doit s'occuper des formes au moyen desquelles on peut compléter son ouvrage et parvenir au but que l'on s'est proposé. Voilà ce que j'ai coutume de dire relativement aux discours : et c'est sur cette base qu'il convient de s'établir pour toutes les autres affaires, et en particulier pour les vôtres. Or il vous sera impossible de rien faire avec sagesse, [9] si vous n'avez pas calculé, si vous n'avez pas arrêté, avec une grande prévoyance, les principes d'après lesquels vous devez, à l'avenir, diriger votre conduite; le genre de vie que vous adopterez; l'espèce de gloire que vous rechercherez;  enfin les honneurs qui feront l'objet de votre ambition, soit que vos concitoyens vous les accordent de leur propre mouvement, soit que vous les obteniez contre leur volonté. Lorsque ces premiers points auront été déterminés, il faudra vous occuper de disposer vos actions de chaque jour, de manière que toutes concourent au but que vous aurez fixé dès le commencement. [10] En raisonnant d'après ces principes, vous tiendrez vos pensées comme dirigées vers un même objet ; et c'est surtout ainsi que vous arriverez à un résultat utile. Mais, si vous ne posez d'avance aucun fondement de cette nature, et si vous voulez réaliser chaque idée à mesure que le hasard la présentera à votre esprit, vous flotterez nécessairement dans vos pensées, et vous échouerez dans beaucoup d'entreprises.

4. Peut-être un de ces hommes qui ont pris la résolution de vivre au hasard, cherchant à dénigrer de tels raisonnements, demandera-t-il que je donne immédiatement mes conseils sur les points que j'ai traités. Je ne dois donc pas hésiter à déclarer ici mon sentiment à cet égard. Je regarde l'existence des simples citoyens comme plus désirable et meilleure que celle des tyrans, et je considère les honneurs obtenus dans les républiques comme plus flatteurs que ceux qui sont accordés dans les monarchies. Je vais essayer de développer mon opinion sur ce sujet, [12] encore que je ne puisse ignorer que j'aurai beaucoup de contradicteurs, et en particulier parmi les hommes qui vous entourent. Ceux-ci, je crois, ne sont pas les moins ardents à vous exciter à la tyrannie : ne considérant pas la nature de cette position dans son ensemble, ils s'égarent sur bien des points dans leurs jugements . Ils ne voient que la puissance suprême, l'autorité, les richesses, les voluptés, ils se flattent de l'espoir d'en jouir, et alors, fermant les yeux sur les troubles, les calamités qui accablent les souverains et ceux qui s'attachent à leur fortune, ils éprouvent le même sentiment que les hommes qui entreprennent de commettre les actions les plus honteuses et les plus contraires aux lois : [13] ces hommes n'ignorent pas ce qu'il y a de condamnable dans de telles actions, mais ils espèrent qu'après en avoir retiré ce qu'elles renferment d'avantages, ils échapperont aux calamités et aux malheurs qui en sont la suite, et qu'ils disposeront les choses, en ce qui les concerne, de manière à être toujours loin des dangers, et près des succès. [14] J'envie la sécurité de ceux qui pensent ainsi ; mais, lorsque je donne des conseils, j'aurais honte de négliger les intérêts des hommes à qui je les adresse, de chercher mon utilité personnelle, comme aussi de ne pas leur offrir les avis les plus salutaires, en me plaçant en dehors de tout ce qui me procurerait un avantage, quel qu'il soit. Puissiez-vous être, en m'écoutant, dans des dispositions conformes à l'opinion que je viens de vous exprimer

Τιμοθέῳ

[1] Περὶ μὲν τῆς οἰκειότητος τῆς ὑπαρχούσης ἡμῖν πρὸς ἀλλήλους οἶμαί σε πολλῶν ἀκηκοέναι, συγχαίρω δέ σοι πυνθανόμενος, πρῶτον μὲν ὅτι τῇ δυναστείᾳ τῇ παρούσῃ κάλλιον χρῇ τοῦ πατρὸς καὶ φρονιμώτερον, ἔπειθ᾽ ὅτι προαιρεῖ δόξαν καλὴν κτήσασθαι μᾶλλον ἢ πλοῦτον μέγαν συναγαγεῖν. Σημεῖον γὰρ οὐ μικρὸν ἐκφέρεις ἀρετῆς, ἀλλ᾽ ὡς δυνατὸν μέγιστον, ταύτην ἔχων τὴν γνώμην· ὥστ᾽ ἢν ἐμμείνῃς τοῖς περὶ σοῦ νῦν λεγομένοις, οὐκ ἀπορήσεις τῶν ἐγκωμιασομένων τήν τε φρόνησιν τὴν σὴν καὶ τὴν προαίρεσιν ταύτην. [2] Ἡγοῦμαι δὲ καὶ τὰ διηγγελμένα περὶ τοῦ πατρός σου συμβαλεῖσθαι μεγάλην πίστιν πρὸς τὸ δοκεῖν εὖ φρονεῖν σε καὶ διαφέρειν τῶν ἄλλων· εἰώθασι γὰρ οἱ πλεῖστοι τῶν ἀνθρώπων οὐχ οὕτως ἐπαινεῖν καὶ τιμᾶν τοὺς ἐκ τῶν πατέρων τῶν εὐδοκιμούντων γεγονότας, ὡς τοὺς ἐκ τῶν δυσκόλων καὶ χαλεπῶν, ἤν περ φαίνωνται μηδὲν ὅμοιοι τοῖς γονεῦσιν ὄντες. Μᾶλλον γὰρ ἐπὶ πάντων κεχαρισμένον αὐτοῖς ἐστὶ τὸ παρὰ λόγον συμβαῖνον ἀγαθὸν τῶν εἰκότως καὶ προσηκόντως γιγνομένων.

[3] Ὧν ἐνθυμούμενον χρὴ ζητεῖν καὶ φιλοσοφεῖν ἐξ ὅτου τρόπου καὶ μετὰ τίνων καὶ τίσι συμβούλοις χρώμενος τάς τε τῆς πόλεως ἀτυχίας ἐπανορθώσεις καὶ τοὺς πολίτας ἐπί τε τὰς ἐργασίας καὶ τὴν σωφροσύνην προτρέψεις καὶ ποιήσεις αὐτοὺς ἥδιον ζῆν καὶ θαρραλεώτερον ἢ τὸν παρελθόντα χρόνον· ταῦτα γάρ ἐστιν ἔργα τῶν ὀρθῶς καὶ φρονίμως τυραννευόντων. [4] Ὧν ἔνιοι καταφρονήσαντες οὐδὲν ἄλλο σκοποῦσι, πλὴν ὅπως αὐτοί θ᾽ ὡς μετὰ πλείστης ἀσελγείας τὸν βίον διάξουσι, τῶν τε πολιτῶν τοὺς βελτίστους καὶ πλουσιωτάτους καὶ φρονιμωτάτους λυμανοῦνται καὶ δασμολογήσουσι, κακῶς εἰδότες ὅτι προσήκει τοὺς εὖ φρονοῦντας καὶ τὴν τιμὴν ταύτην ἔχοντας μὴ τοῖς τῶν ἄλλων κακοῖς αὑτοῖς ἡδονὰς παρασκευάζειν, ἀλλὰ ταῖς αὑτῶν ἐπιμελείαις τοὺς πολίτας εὐδαιμονεστέρους ποιεῖν, [5] μηδὲ πικρῶς μὲν καὶ χαλεπῶς διακεῖσθαι πρὸς ἅπαντας, ἀμελεῖν δὲ τῆς αὑτῶν σωτηρίας, ἀλλ᾽ οὕτω μὲν πράως καὶ νομίμως ἐπιστατεῖν τῶν πραγμάτων ὥστε μηδένα τολμᾶν αὐτοῖς ἐπιβουλεύειν, μετὰ τοσαύτης δ᾽ ἀκριβείας τὴν τοῦ σώματος ποιεῖσθαι φυλακὴν ὡς ἁπάντων αὐτοὺς ἀνελεῖν βουλομένων. Ταύτην γὰρ τὴν διάνοιαν ἔχοντες αὐτοί τ᾽ ἂν ἔξω τῶν κινδύνων εἶεν καὶ παρὰ τοῖς ἄλλοις εὐδοκιμοῖεν· ὧν ἀγαθὰ μείζω χαλεπὸν εὑρεῖν ἐστίν. [6] Ἐνεθυμήθην δὲ μεταξὺ γράφων, ὡς εὐτυχῶς ἅπαντά σοι συμβέβηκεν. Τὴν μὲν γὰρ εὐπορίαν ἣν ἀναγκαῖον ἦν κτήσασθαι μετὰ βίας καὶ τυραννικῶς καὶ μετὰ πολλῆς ἀπεχθείας ὁ πατήρ σοι καταλέλοιπε, τὸ δὲ χρῆσθαι τούτοις καλῶς καὶ φιλανθρώπως ἐπὶ σοὶ γέγονεν· ὧν χρή σε πολλὴν ποιεῖσθαι τὴν ἐπιμέλειαν.

[7] Ἃ μὲν οὖν ἐγὼ γιγνώσκω, ταῦτ᾽ ἐστίν· ἔχει δ᾽ οὕτως. Εἰ μὲν ἐρᾷς χρημάτων καὶ μείζονος δυναστείας καὶ κινδύνων δι᾽ ὧν αἱ κτήσεις τούτων εἰσίν, ἑτέρους σοι συμβούλους παρακλητέον· εἰ δὲ ταῦτα μὲν ἱκανῶς ἔχεις, ἀρετῆς δὲ καὶ δόξης καλῆς καὶ τῆς παρὰ τῶν πολλῶν εὐνοίας ἐπιθυμεῖς, τοῖς τε λόγοις τοῖς ἐμοῖς προσεκτέον τὸν νοῦν ἐστὶ καὶ τοῖς καλῶς τὰς πόλεις τὰς αὑτῶν διοικοῦσιν ἁμιλλητέον καὶ πειρατέον αὐτῶν διενεγκεῖν. [8] Ἀκούω δὲ Κλέομμιν τὸν ἐν Μηθύμνῃ ταύτην ἔχοντα τὴν δυναστείαν περί τε τὰς ἄλλας πράξεις καλὸν κἀγαθὸν εἶναι καὶ φρόνιμον, καὶ τοσοῦτον ἀπέχειν τοῦ τῶν πολιτῶν τινας ἀποκτείνειν ἢ φυγαδεύειν ἢ δημεύειν τὰς οὐσίας ἢ ποιεῖν ἄλλο τι κακόν, ὥστε πολλὴν μὲν ἀσφάλειαν παρέχειν τοῖς συμπολιτευομένοις, κατάγειν δὲ τοὺς φεύγοντας, ἀποδιδόναι δὲ τοῖς μὲν κατιοῦσι τὰς κτήσεις ἐξ ὧν ἐξέπεσον, [9] τοῖς δὲ πριαμένοις τὰς τιμὰς τὰς ἑκάστοις γιγνομένας, πρὸς δὲ τούτοις καθοπλίζειν ἅπαντας τοὺς πολίτας, ὡς οὐδενὸς μὲν ἐπιχειρήσοντος περὶ αὐτὸν νεωτερίζειν, ἢν δ᾽ ἄρα τινὲς τολμήσωσιν, ἡγούμενον λυσιτελεῖν αὑτῷ τεθνάναι τοιαύτην ἀρετὴν ἐνδειξαμένῳ τοῖς πολίταις μᾶλλον ἢ ζῆν πλείω χρόνον τῇ πόλει τῶν μεγίστων κακῶν αἴτιον γενόμενον. [

10] Ἔτι δ᾽ ἂν πλείω σοι περὶ τούτων διελέχθην, ἴσως δ᾽ ἂν καὶ χαριέστερον, εἰ μὴ παντάπασιν ἔδει με διὰ ταχέων γράψαι τὴν ἐπιστολήν. Νῦν δὲ σοὶ μὲν αὖθις συμβουλεύσομεν, ἂν μὴ κωλύσῃ με τὸ γῆρας, ἐν δὲ τῷ παρόντι περὶ τῶν ἰδίων δηλώσομεν.

Αὐτοκράτωρ γὰρ ὁ τὰ γράμματα φέρων οἰκείως ἡμῖν ἔχει· [11] περί τε γὰρ τὰς διατριβὰς τὰς αὐτὰς γεγόναμεν καὶ τῇ τέχνῃ πολλάκις αὐτοῦ κέχρημαι καὶ τὸ τελευταῖον περὶ τῆς ἀποδημίας τῆς ὡς σὲ σύμβουλος ἐγενόμην αὐτῷ. Διὰ δὴ ταῦτα πάντα βουλοίμην ἄν σε καλῶς αὐτῷ χρήσασθαι καὶ συμφερόντως ἀμφοτέροις ἡμῖν. Καὶ γενέσθαι φανερόν, ὅτι μέρος τι καὶ δι᾽ ἐμὲ γίγνεταί τι τῶν δεόντων αὐτῷ.

[12] Καὶ μὴ θαυμάσῃς, εἰ σοὶ μὲν οὕτως ἐπιστέλλω προθύμως, Κλεάρχου δὲ μηδὲν πώποτ᾽ ἐδεήθην. Σχεδὸν γὰρ ἅπαντες οἱ παρ᾽ ὑμῶν καταπλέοντες σὲ μὲν ὅμοιόν φασιν εἶναι τοῖς βελτίστοις τῶν ἐμοὶ πεπλησιακότων, Κλέαρχον δὲ κατὰ μὲν ἐκεῖνον τὸν χρόνον, ὅτ᾽ ἦν παρ᾽ ἡμῖν, ὡμολόγουν, ὅσοι περ ἐνέτυχον, ἐλευθεριώτατον εἶναι καὶ πραότατον καὶ φιλανθρωπότατον τῶν μετεχόντων τῆς διατριβῆς· ἐπειδὴ δὲ τὴν δύναμιν ἔλαβε, τοσοῦτον ἔδοξε μεταπεσεῖν ὥστε πάντας θαυμάζειν τοὺς πρότερον αὐτὸν γιγνώσκοντας. [13] Πρὸς μὲν οὖν ἐκεῖνον διὰ ταύτας τὰς αἰτίας ἀπηλλοτριώθην· σὲ δ᾽ ἀποδέχομαι καὶ πρὸ πολλοῦ ποιησαίμην ἂν οἰκείως διατεθῆναι πρὸς ἡμᾶς. Δηλώσεις δὲ καὶ σὺ διὰ ταχέων, εἰ τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχεις ἡμῖν· Αὐτοκράτορός τε γὰρ ἐπιμελήσει καὶ πέμψεις ἐπιστολὴν ὡς ἡμᾶς, ἀνανεούμενος τὴν φιλίαν καὶ ξενίαν τὴν πρότερον ὑπάρχουσαν. Ἔρρωσο, κἄν του δέῃ τῶν παρ᾽ ἡμῖν, ἐπίστελλε.

7.

A TIMOTHÉE.

1. Un grand nombre de personnes vous ont, je crois, entretenu des liens d'intimité réciproque qui existent entre nous; je vous félicite d'abord, parce que j'ai appris que vous usez de la puissance que vous possédez, d'une manière plus noble et plus sage que votre père ; ensuite, parce que vous aimez mieux acquérir une renommée honorable que d'accumuler de grandes richesses. Et en cela vous ne donnez pas une faible preuve de votre vertu, mais le signe Je plus certain des sentiments qui vous animent; de telle sorte que, si vous persévérez dans les qualités qu'on vous attribue aujourd'hui, des voix nombreuses célébreront votre sagesse et les principes qui règlent votre vie. [2] Je crois,aussi que les choses qui ont été dites de votre père contribuent puissamment à établir une grande confiance dans votre sagesse et dans votre supériorité. La plupart des hommes, en effet, ont coutume de louer et d'honorer bien moins ceux qui, nés de parents justement estimés, suivent leurs exemples, que ceux qui, nés de parents durs et intraitables, ne les imitent en rien ; parce qu'en général on attache plus de prix au bien qui arrive inopinément qu'à celui qui est d'accord avec la raison et Tordre naturel des choses.

2. [3] Convaincus de ces vérités, vous devez chercher et calculer par quels moyens, avec quels hommes et aidé de quels conseillers, vous pourrez réparer les malheurs de votre patrie, diriger l'esprit de vos concitoyens vers le travail et la vertu, et faire en sorte qu*ils vivent avec plus d'agrément et de sécurité que par le passé. Telles sont les oeuvres des princes qui gouvernent avec équité et avec sagesse. [4] Mais quelques-uns d'entre eux, méprisant ces devoirs, ne se proposent d'autre but que de vivre avec le plus de licence possible, persécutent et ruinent, par des taxes arbitraires, les citoyens les meilleurs, les plus riches, les plus sages, ignorant que les hommes prudents et éclairés, lorsqu'ils se trouvent investis de l'autorité souveraine, ne doivent pas se procurer des jouissances au prix du malheur de leurs concitoyens, mais consacrer leur vie à les rendre plus heureux ; [5] qu'ils ne doivent pas se montrer durs et sévères à l'égard de tous, négligeant ainsi leur propre sécurité, mais qu'ils doivent diriger le gouvernement avec une telle douceur, un tel respect pour les lois, que personne n'ose conspirer contre eux; sans néanmoins se dispenser de prendre les mêmes précautions pour garantir leurs personnes que si tous les citoyens voulaient attenter à leurs jours. S'ils étaient pénétrés de ces sentiments, ils vivraient à l'abri de tous les périls, ils jouiraient parmi les autres peuples d'une renommée honorable, et il serait difficile de rencontrer une félicité plus complète que la leur. [6] Or, tandis que je vous écrivais, j'étais préoccupé de la pensée que les événements s'étaient accomplis pour vous d'une manière favorable. Les richesses qu'il aurait fallu acquérir à la manière des tyrans, c'est-à-dire par la violence, et en vous attirant de nombreuses inimitiés, votre père vous les a laissées ; il est en votre pouvoir d'en faire un noble et généreux usage, et il ne vous reste qu'à employer tous vos soins pour y parvenir.

3. [7] Voilà quel est mon sentiment et quelle est la vérité. Si donc vous êtes dominé par l'amour des richesses, de la puissance et des dangers au prix desquels on les obtient, appelez d'autres conseillers ; mais, si vous êtes satisfait de votre fortune présente, si la vertu, une noble gloire, et la bienveillance des peuples, sont l'objet de votre ambition, attachez-vous à mes paroles, rivalisez avec les hommes qui gouvernent noblement leur patrie, et tâchez de les surpasser. [8] J'entends dire que Cléommis, qui possède à Méthymne le souverain pouvoir, montre dans tous les actes de sa vie autant de droiture que de loyauté et de sagesse, et qu'il est si loin de condamner à la mort ou à l'exil aucun de ses concitoyens, de confisquer leurs biens, de leur causer le moindre dommage, qu'il les affranchit de toute crainte, qu'il fait rentrer les exilés, rend à ceux qui reviennent dans leur patrie les biens dont ils ont été dépouillés, [9] remet à ceux qui les ont achetés le prix qu'ils les ont payés : que, de plus, il arme tous les citoyens, comme si jamais personne ne devait rien tenter contre lui ; qu'enfin il est persuadé que, si quelqu'un avait cette audace, il vaudrait encore mieux pour lui mourir après avoir montré aux yeux de ses concitoyens une telle vertu, que de prolonger ses jours, en devenant pour son pays la cause des plus cruelles calamites.

4. [10] Je pourrais en dire davantage sur ce sujet et peut-être m'exprimerais-je avec plus d'élégance, si je n'étais obligé de vous écrire cette lettre à la hâte. Je vous donnerai de nouveau mes conseils, si la vieillesse n'y met pas obstacle ; mais je veux maintenant vous entretenir de ce qui me touche particulièrement.

5. Autocrator, qui vous porte ma lettre, est un de mes amis, [11] nous avons suivi la même école ; plusieurs fois je me suis servi de son art ; et c'est moi qui récemment l'ai engagé à se rendre près de vous. Je voudrais, à cause de tous ces motifs, qu'il fût accueilli par vous d'une manière honorable et qui vous fut utile à tous les deux; comme aussi je serais heureux s'il venait à s'apercevoir qu'il me doit le succès d'une partie de ses désirs.

6. [12] Et ne vous étonnez pas si je m'adresse à vous avec autant de confiance, lorsque je n'ai jamais rien demandé à Cléarque. Presque tous ceux qui font voile de votre pays vers le nôtre disent que \vous êtes en tout semblable aux hommes les plus distingués parmi ceux qui ont vécu dans mon intimité : mais pour Cléarque, encore que du consentement unanime de tous ceux qui le voyaient à l'époque où il habitait parmi nous, il fût celui de tous les hommes qui réunissait au plus haut degré les sentiments d'un homme libre, la douceur et l'amour de l'humanité, lorsque ensuite il se fut emparé de la souveraine puissance, il s'opéra en lui un tel changement que tous ceux qui l'avaient connu autrefois ne pouvaient contenir leur étonnement. [13] Voilà pour quels motifs je me suis éloigné de Cléarque, mais j'éprouve de l'attrait et de l'estime pour vous, et j'attacherais le plus grand prix à obtenir votre bienveillance. Vous me montrerez bientôt si vous êtes dans les mêmes dispositions à mon égard : car alors vous prendrez soin d'Autocrator, et vous m'enverrez une lettre pour renouveler les rapports d'amitié et d'hospitalité qui nous unissaient autrefois. Adieu, et, si vous avez besoin de quelque chose qui soit en mon pouvoir, écrivez-moi.

Τοῖς Μυτιληναίων ἄρχουσιν

[1] Οἱ παῖδες οἱ Ἀφαρέως, ὑιδεῖς δ᾽ ἐμοί, παιδευθέντες ὑπ᾽ Ἀγήνορος τὰ περὶ τὴν μουσικήν, ἐδεήθησάν μου γράμματα πέμψαι πρὸς ὑμᾶς, ὅπως ἄν, ἐπειδὴ καὶ τῶν ἄλλων τινὰς κατηγάγετε φυγάδων, καὶ τοῦτον καταδέξησθε καὶ τὸν πατέρα καὶ τοὺς ἀδελφούς. Λέγοντος δέ μου πρὸς αὐτοὺς ὅτι δέδοικα μὴ λίαν ἄτοπος εἶναι δόξω καὶ περίεργος, ζητῶν εὑρίσκεσθαι τηλικαῦτα τὸ μέγεθος παρ᾽ ἀνδρῶν οἷς οὐδὲ πώποτε πρότερον οὔτε διελέχθην οὔτε συνήθης ἐγενόμην, ἀκούσαντες ταῦτα πολὺ μᾶλλον ἐλιπάρουν. [2] Ὡς δ᾽ οὐδὲν αὐτοῖς ἀπέβαινεν ὧν ἤλπιζον, ἅπασιν ἦσαν καταφανεῖς ἀηδῶς διακείμενοι καὶ χαλεπῶς φέροντες. Ὁρῶν δ᾽ αὐτοὺς λυπουμένους μᾶλλον τοῦ προσήκοντος, τελευτῶν ὑπεσχόμην γράψειν τὴν ἐπιστολὴν καὶ πέμψειν ὑμῖν. Ὑπὲρ μὲν οὖν τοῦ μὴ δικαίως ἂν δοκεῖν μωρὸς εἶναι μηδ᾽ ὀχληρὸς ταῦτ᾽ ἔχω λέγειν.

[3] Ἡγοῦμαι δὲ καλῶς ὑμᾶς βεβουλεῦσθαι καὶ διαλλαττομένους τοῖς πολίταις τοῖς ὑμετέροις, καὶ πειρωμένους τοὺς μὲν φεύγοντας ὀλίγους ποιεῖν, τοὺς δὲ συμπολιτευομένους πολλούς, καὶ μιμουμένους τὰ περὶ τὴν στάσιν τὴν πόλιν τὴν ἡμετέραν. Μάλιστα δ᾽ ἄν τις ὑμᾶς ἐπαινέσειεν ὅτι τοῖς κατιοῦσιν ἀποδίδοτε τὴν οὐσίαν· ἐπιδείκνυσθε γὰρ καὶ ποιεῖτε πᾶσι φανερὸν ὡς οὐ τῶν κτημάτων ἐπιθυμήσαντες τῶν ἀλλοτρίων, ἀλλ᾽ ὑπὲρ τῆς πόλεως δείσαντες ἐποιήσασθε τὴν ἐκβολὴν αὐτῶν.

[4] Οὐ μὴν ἀλλ᾽ εἰ καὶ μηδὲν ὑμῖν ἔδοξε τούτων μηδὲ προσεδέχεσθε μηδένα τῶν φυγάδων, τούτους γε νομίζω συμφέρειν ὑμῖν κατάγειν. Αἰσχρὸν γὰρ τὴν μὲν πόλιν ὑμῶν ὑπὸ πάντων ὁμολογεῖσθαι μουσικωτάτην εἶναι καὶ τοὺς ὀνομαστοτάτους ἐν αὐτῇ παρ᾽ ὑμῖν τυγχάνειν γεγονότας, τὸν δὲ προέχοντα τῶν νῦν ὄντων περὶ τὴν ἱστορίαν τῆς παιδείας ταύτης φεύγειν ἐκ τῆς τοιαύτης πόλεως, καὶ τοὺς μὲν ἄλλους Ἕλληνας τοὺς διαφέροντας περί τι τῶν καλῶν ἐπιτηδευμάτων, κἂν μηδὲν προσήκωσι, ποιεῖσθαι πολίτας, ὑμᾶς δὲ τοὺς εὐδοκιμοῦντάς τε παρὰ τοῖς ἄλλοις καὶ μετασχόντας τῆς αὐτῆς φύσεως περιορᾶν παρ᾽ ἑτέροις μετοικοῦντας. [5] Θαυμάζω δ᾽ ὅσαι τῶν πόλεων μειζόνων δωρεῶν ἀξιοῦσι τοὺς ἐν τοῖς γυμνικοῖς ἀγῶσι κατορθοῦντας μᾶλλον ἢ τοὺς τῇ φρονήσει καὶ τῇ φιλοπονίᾳ τι τῶν χρησίμων εὑρίσκοντας, καὶ μὴ συνορῶσιν ὅτι πεφύκασιν αἱ μὲν περὶ τὴν ῥώμην καὶ τὸ τάχος δυνάμεις συναποθνῄσκειν τοῖς σώμασιν, αἱ δ᾽ ἐπιστῆμαι παραμένειν ἅπαντα τὸν χρόνον ὠφελοῦσαι τοὺς χρωμένους αὐταῖς. [6] Ὧν ἐνθυμουμένους χρὴ τοὺς νοῦν ἔχοντας περὶ πλείστου μὲν ποιεῖσθαι τοὺς καλῶς καὶ δικαίως τῆς αὑτῶν πόλεως ἐπιστατοῦντας, δευτέρους δὲ τοὺς τιμὴν καὶ δόξαν αὐτῇ καλὴν συμβαλέσθαι δυναμένους· ἅπαντες γὰρ ὥσπερ δείγματι τοῖς τοιούτοις χρώμενοι καὶ τοὺς ἄλλους τοὺς συμπολιτευομένους ὁμοίους εἶναι τούτοις νομίζουσιν.

[7] Ἴσως οὖν εἴποι τις ἂν ὅτι προσήκει τοὺς εὑρέσθαι τι βουλομένους μὴ τὸ πρᾶγμα μόνον ἐπαινεῖν ἀλλὰ καὶ σφᾶς αὐτοὺς ἐπιδεικνύναι δικαίως ἂν τυγχάνοντας, περὶ ὧν ποιοῦνται τοὺς λόγους.

Ἔχει δ᾽ οὕτως. Ἐγὼ τοῦ μὲν πολιτεύεσθαι καὶ ῥητορεύειν ἀπέστην· οὔτε γὰρ φωνὴν ἔσχον ἱκανὴν οὔτε τόλμαν· οὐ μὴν παντάπασιν ἄχρηστος ἔφυν οὐδ᾽ ἀδόκιμος, ἀλλὰ τοῖς τε λέγειν προῃρημένοις ἀγαθόν τι περὶ ὑμῶν καὶ τῶν ἄλλων συμμάχων φανείην ἂν καὶ σύμβουλος καὶ συναγωνιστὴς γεγενημένος, αὐτός τε πλείους λόγους πεποιημένος ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας καὶ τῆς αὐτονομίας τῆς τῶν Ἑλλήνων ἢ σύμπαντες οἱ τὰ βήματα κατατετριφότες. [8] Ὑπὲρ ὧν ὑμεῖς ἄν μοι δικαίως πλείστην ἔχοιτε χάριν· μάλιστα γὰρ ἐπιθυμοῦντες διατελεῖτε τῆς τοιαύτης καταστάσεως. Οἶμαι δ᾽ ἄν, εἰ Κόνων μὲν καὶ Τιμόθεος ἐτύγχανον ζῶντες, Διόφαντος δ᾽ ἧκεν ἐκ τῆς Ἀσίας, πολλὴν ἂν αὐτοὺς ποιήσασθαι σπουδήν, εὑρέσθαι με βουλομένους ὧν τυγχάνω δεόμενος. Περὶ ὧν οὐκ οἶδ᾽ ὅ τι δεῖ πλείω λέγειν· οὐδεὶς γὰρ ὑμῶν οὕτως ἐστὶ νέος οὐδ᾽ ἐπιλήσμων, ὅστις οὐκ οἶδε τὰς ἐκείνων εὐεργεσίας.

[9] Οὕτω δ᾽ ἄν μοι δοκεῖτε κάλλιστα βουλεύσασθαι περὶ τούτων, εἰ σκέψαισθε, τίς ἐστιν ὁ δεόμενος καὶ ὑπὲρ ποίων τινῶν ἀνθρώπων. Εὑρήσετε γὰρ ἐμὲ μὲν οἰκειότατα κεχρημένον τοῖς μεγίστων ἀγαθῶν αἰτίοις γεγενημένοις ὑμῖν τε καὶ τοῖς ἄλλοις, ὑπὲρ ὧν δὲ δέομαι τοιούτους ὄντας, οἵους τοὺς μὲν πρεσβυτέρους καὶ τοὺς περὶ τὴν πολιτείαν ὄντας μὴ λυπεῖν, τοῖς δὲ νεωτέροις διατριβὴν παρέχειν ἡδεῖαν καὶ χρησίμην καὶ πρέπουσαν τοῖς τηλικούτοις.

[10] Μὴ θαυμάζετε δ᾽ εἰ προθυμότερον καὶ διὰ μακροτέρων γέγραφα τὴν ἐπιστολήν· βούλομαι γὰρ ἀμφότερα, τοῖς τε παισὶν ἡμῶν χαρίσασθαι καὶ ποιῆσαι φανερὸν αὐτοῖς ὅτι, κἂν μὴ δημηγορῶσι μηδὲ στρατηγῶσιν ἀλλὰ μόνον μιμῶνται τὸν τρόπον τὸν ἐμόν, οὐκ ἠμελημένως διάξουσιν ἐν τοῖς Ἕλλησιν. Ἓν ἔτι λοιπόν· ἂν ἄρα δόξῃ τι τούτων ὑμῖν πράττειν, Ἀγήνορί τε δηλώσατε καὶ τοῖς ἀδελφοῖς ὅτι μέρος τι καὶ δι᾽ ἐμὲ τυγχάνουσιν ὧν ἐπεθύμουν.

8

AUX ARCHONTES DE MYTILÈNE.

1. [1] Les enfants d'Aphareus, qui sont mes petits-enfants, et qui ont appris la musique par les soins d'Agénor, m'ont supplié de vous écrire pour vous demander, puisque vous rappeliez quelques-uns de vos exilés, de recevoir aussi Agénor, avec son père et ses frères. J'ai répondu que je craignais de paraître ridicule et indiscret, en demandant une aussi grande faveur à des hommes auxquels je n'avais jamais parlé, et avec qui je n'avais jamais eu de relations; mais, après m'avoir entendu, ils ont renouvelé leurs prières avec plus d'instance. [2] Comme ils n'obtenaient pas de moi ce. qu'ils avaient espéré, il était évident pour tout le monde qu'ils étaient blessés de mon refus et qu'ils le supportaient impatiemment. Les voyant plus affligés que la circonstance ne semblait le comporter, j'ai fini par leur promettre d'écrire cette lettre et de vous l'envoyer. Voilà ce que je puis dire pour éviter de paraître justement importun et insensé.

2 [3] Je crois que vous avez suivi un conseil sage en vous réconciliant avec vos concitoyens ; en cherchant à diminuer le nombre des exilés, à augmenter celui des hommes qui participent aux droits politiques, et à imiter la conduite de notre ville en ce qui concerne les discordes civiles. Vous obtiendrez surtout des louanges four avoir rendu à ceux qui rentraient dans leur pays les biens dont ils avaient été dépouillés ; car vous montrez par là et vous rendez évident à tous les yeux que vous les aviez bannis, non parce que vous désiriez vous emparer de biens qui ne vous appartenaient pas, mais par crainte pour le salut de la République.

3. [4] Lors même que vous n'auriez pris aucune de ces résolutions et que vous ne rappelleriez aucun de vos exilés, je croirais encore qu'il y a un grand intérêt pour vous à recevoir ceux que je vous recommande. Il serait honteux, quand tout le monde reconnaît que votre ville est celle où la musique est cultivée avec le plus de succès, et quand les hommes les plus célèbres dans cet art ont pris naissance parmi vous, que celui qui se montre le plus habile des musiciens de notre temps restât banni de votre ville, et que, tandis que les autres Grecs donnent le droit de cité à ceux qui, sans leur appartenir en rien, excellent dans les beaux-arts, on vous vît laisser s'établir à l'étranger des hommes du même sang que vous et qui jouissent au dehors d'une grande renommée. [5] J'admire les villes qui croient devoir accorder aux athlètes vainqueurs dans les combats gymniques de plus grandes récompenses qu'aux hommes conduits à des découvertes utiles par leur génie et par leur amour du travail; elles ne s'aperçoivent pas que les facultés physiques, telles que la force et la vitesse, meurent avec les corps qui en sont doués ; tandis que les sciences leur survivent, pour être toujours utiles à ceux qui s'y attachent. [6] Convaincus de ces vérités, les hommes sages doivent avant tout honorer ceux qui dirigent avec habileté et justice le gouvernement de leur pays ; mais le second rang appartient aux hommes qui peuvent lui procurer la célébrité et une noble gloire ; car on les considère comme une sorte de modèle et on suppose volontiers que tous les autres citoyens leur ressemblent.

4. [7] Mais, me dira-t-on peut-être, il ne suffit pas pour ceux qui demandent une faveur d'en faire l'éloge, ils doivent prouver aussi qu'ils obtiendraient avec justice ce qu'ils demandent dans leurs discours.

5. Telle est la vérité de la situation. Je me suis abstenu de prendre part aux affaires publiques et de haranguer le peuple, parce que je n'avais pas reçu de la nature une voix et une assurance suffisantes ; mais je n'ai été ni tout à fait inutile ni sans quelque renommée, car on m'a vu le conseil et l'auxiliaire de ceux qui, les premiers, ont parlé pour vos intérêts, et pour les intérêts des autres alliés : el j'ai fait plus de discours en faveur de la liberté et de l'indépendance des Grecs que tous les orateurs qui assiègent la tribune. [8] Or ce sont là des services pour lesquels j'ai droit, de votre part, à la plus grande reconnaissance, puisque jamais vous n'avez cessé de désirer le maintien de ces principes. Enfin je crois que, si Conon et Timothée existaient encore, et si Diophante revenait d'Asie, ils réuniraient leurs efforts pour assurer le succès des demandes que je vous adresse. Je ne crois pas devoir m'étendre davantage sur ce qui les concerne, car personne parmi vous n'est assez jeune ou assez dépourvu de mémoire pour ignorer les services qu'ils ont rendus.

6. [9] Il me semble donc que vous prendrez la résolution la plus sage sur les affaires actuelles, si vous considérez quel est celui qui vous sollicite, et en faveur de qui vous sont adressées ses supplications Vous trouverez que j'ai vécu dans la plus étroite intimité avec ceux qui ont été pour vous et pour les autres Grecs la cause des plus grandes prospérités : et vous reconnaîtrez que ceux pour qui je réclame votre appui, loin d'insulter vos vieillards ou les chefs de votre gouvernement, ont offert aux jeunes gens les moyens de se livrer à une étude agréable, utile et d'accord avec leur âge.

7. [10] Ne vous étonnez pas si je vous écris avec plus de chaleur et plus d'étendue qu'il n'est d'usage de le faire dans une lettre. Je veux être agréable à mes enfants, et rendre évident pour eux que, lors même qu'ils ne seraient pas destinés à être des orateurs politiques ou à commander des armées, s'ils imitent seulement l'usage que j'ai fait de ma vie, ils ne seront pas considérés par les Grecs comme des hommes sans valeur. Il ne me reste plus qu'un mot à dire : S'il vous paraît convenable de faire quelques-unes des choses que je vous ai demandées, montrez à Agénor et à ses frères que c'est en partie à cause de moi qu'ils ont obtenu ce qu'ils désiraient.

 

 

Ἀρχιδάμῳ

[1] Εἰδώς, ὦ Ἀρχίδαμε, πολλοὺς ὡρμημένους ἐγκωμιάζειν σὲ καὶ τὸν πατέρα καὶ τὸ γένος ὑμῶν, εἱλόμην τοῦτον μὲν τὸν λόγον, ἐπειδὴ λίαν ῥᾴδιος ἦν, ἐκείνοις παραλιπεῖν, αὐτὸς δέ σε διανοοῦμαι παρακαλεῖν ἐπὶ στρατηγίας καὶ στρατείας οὐδὲν ὁμοίας ταῖς νῦν ἐνεστηκυίαις, ἀλλ᾽ ἐξ ὧν μεγάλων ἀγαθῶν αἴτιος γενήσει καὶ τῇ πόλει τῇ σαυτοῦ καὶ τοῖς Ἕλλησιν ἅπασιν. [2] Ταύτην δ᾽ ἐποιησάμην τὴν αἵρεσιν, οὐκ ἀγνοῶν τῶν λόγων τὸν εὐμεταχειριστότερον, ἀλλ᾽ ἀκριβῶς εἰδὼς ὅτι πράξεις μὲν εὑρεῖν καλὰς καὶ μεγάλας καὶ συμφερούσας χαλεπὸν καὶ σπάνιόν ἐστιν, ἐπαινέσαι δὲ τὰς ἀρετὰς τὰς ὑμετέρας ῥᾳδίως οἷός τ᾽ ἂν ἐγενόμην. Οὐ γὰρ ἔδει με παρ᾽ ἐμαυτοῦ πορίζεσθαι τὰ λεχθησόμενα περὶ αὐτῶν, ἀλλ᾽ ἐκ τῶν ὑμῖν πεπραγμένων τοσαύτας ἂν καὶ τοιαύτας ἀφορμὰς ἔλαβον ὥστε τὰς περὶ τῶν ἄλλων εὐλογίας μηδὲ κατὰ μικρὸν ἐναμίλλους γενέσθαι τῇ περὶ ὑμᾶς ῥηθείσῃ.

[3] Πῶς γὰρ ἄν τις ἢ τὴν εὐγένειαν ὑπερεβάλετο τῶν γεγονότων ἀφ᾽ Ἡρακλέους καὶ Διὸς ἣν πάντες ἴσασι μόνοις ὑμῖν ὁμολογουμένως ὑπάρχουσαν, ἢ τὴν ἀρετὴν τῶν ἐν Πελοποννήσῳ τὰς Δωρικὰς πόλεις κτισάντων καὶ τὴν χώραν ταύτην κατασχόντων, ἢ τὸ πλῆθος τῶν κινδύνων καὶ τῶν τροπαίων τῶν διὰ τὴν ὑμετέραν ἡγεμονίαν καὶ βασιλείαν σταθέντων; [4] Τίς δ᾽ ἂν ἠπόρησε, διεξιέναι βουληθεὶς τὴν ἀνδρίαν ὅλης τῆς πόλεως καὶ σωφροσύνην καὶ πολιτείαν τὴν ὑπὸ τῶν προγόνων τῶν ὑμετέρων συνταχθεῖσαν; πόσοις δ᾽ ἂν λόγοις ἐξεγένετο χρήσασθαι περὶ τὴν φρόνησιν τοῦ σοῦ πατρὸς καὶ τὴν ἐν ταῖς συμφοραῖς διοίκησιν καὶ τὴν μάχην τὴν ἐν τῇ πόλει γενομένην ἧς ἡγεμὼν σὺ καταστὰς καὶ μετ᾽ ὀλίγων πρὸς πολλοὺς κινδυνεύσας καὶ πάντων διενεγκὼν αἴτιος ἐγένου τῇ πόλει τῆς σωτηρίας, οὗ κάλλιον ἔργον οὐδεὶς ἂν ἐπιδείξειεν; [5] οὔτε γὰρ πόλεις ἑλεῖν οὔτε πολλοὺς ἀποκτεῖναι τῶν πολεμίων οὕτω μέγα καὶ σεμνόν ἐστιν ὡς ἐκ τῶν τοιούτων κινδύνων σῶσαι τὴν πατρίδα, μὴ τὴν τυχοῦσαν ἀλλὰ τὴν τοσοῦτον ἐπ᾽ ἀρετῇ διενεγκοῦσαν. Περὶ ὧν μὴ κομψῶς, ἀλλ᾽ ἁπλῶς διελθών, μηδὲ τῇ λέξει κοσμήσας, ἀλλ᾽ ἐξαριθμήσας μόνον καὶ χύδην εἰπὼν οὐδεὶς ὅστις οὐκ ἂν εὐδοκιμήσειεν.

[6] Ἐγὼ τοίνυν δυνηθεὶς ἂν καὶ περὶ τούτων ἐξαρκούντως διαλεχθῆναι, κἀκεῖνο γιγνώσκων, πρῶτον μὲν ὅτι ῥᾷόν ἐστι περὶ τῶν γεγενημένων εὐπόρως ἐπιδραμεῖν ἢ περὶ τῶν μελλόντων νουνεχόντως εἰπεῖν, ἔπειθ᾽ ὅτι πάντες ἄνθρωποι πλείω χάριν ἔχουσι τοῖς ἐπαινοῦσιν ἢ τοῖς συμβουλεύουσι, τοὺς μὲν γὰρ ὡς εὔνους ὄντας ἀποδέχονται, τοὺς δ᾽ ἂν μὴ κελευσθέντες παραινῶσιν, [7] ἐνοχλεῖν νομίζουσιν, ἀλλ᾽ ὅμως ἅπαντα ταῦτα προειδὼς τῶν μὲν πρὸς χάριν ἂν ῥηθέντων ἀπεσχόμην, περὶ δὲ τοιούτων μέλλω λέγειν, περὶ ὧν οὐδεὶς ἂν ἄλλος τολμήσειεν, ἡγούμενος δεῖν τοὺς ἐπιεικείας καὶ φρονήσεως ἀμφισβητοῦντας μὴ τοὺς ῥᾴστους προαιρεῖσθαι τῶν λόγων, ἀλλὰ τοὺς ἐργωδεστάτους, μηδὲ τοὺς ἡδίστους τοῖς ἀκούουσιν, ἀλλ᾽ ἐξ ὧν ὠφελήσουσι καὶ τὰς πόλεις τὰς αὑτῶν τοὺς ἄλλους Ἕλληνας: ἐφ᾽ οἷσπερ ἐγὼ τυγχάνω νῦν ἐφεστηκώς.

[8] Θαυμάζω δὲ καὶ τῶν ἄλλων τῶν πράττειν ἢ λέγειν δυναμένων, εἰ μηδὲ πώποτ᾽ αὐτοῖς ἐπῆλθεν ἐνθυμηθῆναι περὶ τῶν κοινῶν πραγμάτων, μηδ᾽ ἐλεῆσαι τὰς τῆς Ἑλλάδος δυσπραξίας οὕτως αἰσχρῶς καὶ δεινῶς διατιθεμένης, ἧς οὐδεὶς παραλέλειπται τόπος, ὃς οὐ γέμει καὶ μεστός ἐστι πολέμου καὶ στάσεων καὶ σφαγῶν καὶ κακῶν ἀναριθμήτων: ὧν πλεῖστον μέρος μετειλήφασιν οἱ τῆς Ἀσίας τὴν παραλίαν οἰκοῦντες, οὓς ἐν τοῖς συνθήκαις ἅπαντας ἐκδεδώκαμεν οὐ μόνον τοῖς βαρβάροις ἀλλὰ καὶ τῶν Ἑλλήνων τοῖς τῆς μὲν φωνῆς τῆς ἡμετέρας κοινωνοῦσι, τῷ δὲ τρόπῳ τῷ τῶν βαρβάρων χρωμένοις· οὕς, [9] εἰ νοῦν εἴχομεν, οὐκ ἂν περιεωρῶμεν ἀθροιζομένους οὐδ᾽ ὑπὸ τῶν τυχόντων στρατηγουμένους, οὐδὲ μείζους καὶ κρείττους συντάξεις στρατοπέδων γιγνομένας ἐκ τῶν πλανωμένων ἢ τῶν πολιτευομένων· οἳ τῆς μὲν βασιλέως χώρας μικρὸν μέρος λυμαίνονται, τὰς δὲ πόλεις τὰς Ἑλληνίδας, εἰς ἣν ἂν εἰσέλθωσιν, ἀναστάτους ποιοῦσι, τοὺς μὲν ἀποκτείνοντες, τοὺς δὲ φυγαδεύοντες, [10] τῶν δὲ τὰς οὐσίας διαρπάζοντες, ἔτι δὲ παῖδας καὶ γυναῖκας ὑβρίζοντες, καὶ τὰς μὲν εὐπρεπεστάτας καταισχύνοντες, τῶν δ᾽ ἄλλων ἃ περὶ τοῖς σώμασιν ἔχουσι περισπῶντες, ὥσθ᾽ ἃς πρότερον οὐδὲ κεκοσμημένας ἦν ἰδεῖν τοῖς ἀλλοτρίοις, ταύτας ὑπὸ πολλῶν ὁρᾶσθαι γυμνάς, ἐνίας δ᾽ αὐτῶν ἐν ῥάκεσι περιφθειρομένας δι᾽ ἔνδειαν τῶν ἀναγκαίων.

[11] Ὑπὲρ ὧν πολὺν ἤδη χρόνον γιγνομένων οὔτε πόλις οὐδεμία τῶν προεστάναι τῶν Ἐλλήνων ἀξιουσῶν ἠγανάκτησεν, οὔτ᾽ ἀνὴρ τῶν πρωτευόντων οὐδεὶς βαρέως ἤνεγκε, πλὴν ὁ σὸς πατήρ· μόνος γὰρ Ἀγησίλαος ὧν ἡμεῖς ἴσμεν ἐπιθυμῶν ἅπαντα τὸν χρόνον διετέλεσε τοὺς μὲν Ἕλληνας ἐλευθερῶσαι, πρὸς δὲ τοὺς βαρβάρους πόλεμον ἐξενεγκεῖν. Οὐ μὴν ἀλλὰ κἀκεῖνος ἑνὸς πράγματος διήμαρτεν. Καὶ μὴ θαυμάσῃς, [12] εἰ πρὸς σὲ διαλεγόμενος μνησθήσομαι τῶν οὐκ ὀρθῶς ὑπ᾽ αὐτοῦ γνωσθέντων· εἴθισμαί τε γὰρ μετὰ παρρησίας ἀεὶ ποιεῖσθαι τοὺς λόγους, καὶ δεξαίμην ἂν δικαίως ἐπιτιμήσας ἀπεχθέσθαι μᾶλλον ἢ παρὰ τὸ προσῆκον ἐπαινέσας χαρίσασθαι. [13] Τὸ μὲν οὖν ἐμὸν οὕτως ἔχον ἐστίν, ἐκεῖνος δ᾽ ἐν ἅπασι τοῖς ἄλλοις διενεγκὼν καὶ γενόμενος ἐγκρατέστατος καὶ δικαιότατος καὶ πολιτικώτατος διττὰς ἔσχεν ἐπιθυμίας, χωρὶς μὲν ἑκατέραν καλὴν εἶναι δοκοῦσαν, οὐ συμφωνούσας δ᾽ ἀλλήλαις οὐδ᾽ ἅμα πράττεσθαι δυναμένας· ἠβούλετο γὰρ βασιλεῖ τε πολεμεῖν καὶ τῶν φίλων τοὺς φεύγοντας εἰς τὰς πόλεις καταγαγεῖν καὶ κυρίους καταστῆσαι τῶν πραγμάτων. [14] Συνέβαινεν οὖν ἐκ μὲν τῆς πραγματείας τῆς ὑπὲρ τῶν ἑταίρων ἐν κακοῖς καὶ κινδύνοις εἶναι τοὺς Ἕλληνας, διὰ δὲ τὴν ταραχὴν τὴν ἐνθάδε γιγνομένην μὴ σχολὴν ἄγειν μηδὲ δύνασθαι πολεμεῖν τοῖς βαρβάροις. Ὥστ᾽ ἐκ τῶν ἀγνοηθέντων κατ᾽ ἐκεῖνον τὸν χρόνον ῥᾴδιον καταμαθεῖν ὅτι δεῖ τοὺς ὀρθῶς βουλευομένους μὴ πρότερον ἐκφέρειν πρὸς βασιλέα πόλεμον, πρὶν ἂν διαλλάξῃ τις τοὺς Ἕλληνας καὶ παύσῃ τῆς μανίας καὶ τῆς φιλονικίας ἡμᾶς. Περὶ ὧν ἐγὼ καὶ πρότερον εἴρηκα καὶ νῦν ποιήσομαι τοὺς λόγους.

[15] Καίτοι τινὲς τῶν οὐδεμιᾶς μὲν παιδείας μετεσχηκότων, δύνασθαι δὲ παιδεύειν τοὺς ἄλλους ὑπισχνουμένων, καὶ ψέγειν μὲν τἀμὰ τολμώντων, μιμεῖσθαι δὲ γλιχομένων, τάχ᾽ ἂν μανίαν εἶναι φήσειαν τὸ μέλειν ἐμοὶ τῶν τῆς Ἑλλάδος συμφορῶν, ὥσπερ παρὰ τοὺς ἐμοὺς λόγους ἢ βέλτιον ἢ χεῖρον αὐτὴν πράξουσαν.

Ὧν δικαίως ἂν ἅπαντες πολλὴν ἀνανδρίαν καὶ μικροψυχίαν καταγνοῖεν, ὅτι προσποιούμενοι φιλοσοφεῖν αὐτοὶ μὲν ἐπὶ μικροῖς φιλοτιμοῦνται, τοῖς δὲ δυναμένοις περὶ τῶν μεγίστων συμβουλεύειν φθονοῦντες διατελοῦσιν. [16] Οὗτοι μὲν οὖν βοηθοῦντες ταῖς αὑτῶν ἀσθενείαις καὶ ῥᾳθυμίαις ἴσως τοιαῦτ᾽ ἐροῦσιν· ἐγὼ δ᾽ οὕτως ἐπ᾽ ἐμαυτῷ μέγα φρονῶ, καίπερ ἔτη γεγονὼς ὀγδοήκοντα καὶ παντάπασιν ἀπειρηκώς, ὥστ᾽ οἶμαι καὶ λέγειν ἐμοὶ προσήκειν μάλιστα περὶ τούτων καὶ καλῶς βεβουλεῦσθαι πρὸς σὲ ποιούμενον τοὺς λόγους, καὶ τυχὸν ἀπ᾽ αὐτῶν γενήσεσθαί τι τῶν δεόντων. [17] Ἡγοῦμαι δὲ καὶ τοὺς ἄλλους Ἕλληνας, εἰ δεήσειεν αὐτοὺς ἐξ ἁπάντων ἐκλέξασθαι τόν τε τῷ λόγῳ κάλλιστ᾽ ἂν δυνηθέντα παρακαλέσαι τοὺς Ἕλληνας ἐπὶ τὴν τῶν βαρβάρων στρατείαν καὶ τὸν τάχιστα μέλλοντα τὰς πράξεις ἐπιτελεῖν τὰς συμφέρειν δοξάσας, οὐκ ἂν ἄλλους ἀνθ᾽ ἡμῶν προκριθῆναι. Καίτοι πῶς οὐκ ἂν αἰσχρὸν ποιήσαιμεν, εἰ τούτων ἀμελήσαιμεν οὕτως ἐντίμων ὄντων ὧν ἅπαντες ἂν ἡμᾶς ἀξιώσαιεν; [18] τὸ μὲν οὖν ἐμὸν ἔλαττόν ἐστιν· ἀποφήνασθαι γὰρ ἃ γιγνώσκει τις οὐ πάνυ τῶν χαλεπῶν πέφυκεν· σοὶ δὲ προσήκει προσέχοντι τὸν νοῦν τοῖς ὑπ᾽ ἐμοῦ λεγομένοις βουλεύσασθαι, πότερον ὀλιγωρητέον ἐστὶ τῶν Ἑλληνικῶν πραγμάτων γεγονότι μέν, ὥσπερ ὀλίγῳ πρότερον ἐγὼ διῆλθον, ἡγεμόνι δὲ Λακεδαιμονίων ὄντι, βασιλεῖ δὲ προσαγορευομένῳ, μεγίστην δὲ τῶν Ἑλλήνων ἔχοντι δόξαν, ἢ τῶν μὲν ἐνεστώτων πραγμάτων ὑπεροπτέον, μείζοσι δ᾽ ἐπιχειρητέον.

[19] Ἐγὼ μὲν γάρ φημι χρῆναί σε πάντων ἀφέμενον τῶν ἄλλων δυοῖν τούτοιν προσέχειν τὸν νοῦν, ὅπως τοὺς μὲν Ἕλληνας ἀπαλλάξεις τῶν πολέμων καὶ τῶν ἄλλων κακῶν τῶν νῦν αὐτοῖς παρόντων, τοὺς δὲ βαρβάρους παύσεις ὑβρίζοντας καὶ πλείω κεκτημένους ἀγαθὰ τοῦ προσήκοντος. Ὡς δ᾽ ἐστὶ ταῦτα δυνατὰ καὶ συμφέροντα καὶ σοὶ καὶ τῇ πόλει καὶ τοῖς ἄλλοις ἅπασιν, ἐμὸν ἔργον ἤδη διδάξαι περὶ αὐτῶν ἐστιν ...

9.

A ARCHIDAMUS.

1. [1] Archidamus, sachant qu'un grand nombre d'orateurs se disposaient à vous louer, vous, votre père et votre race, j'ai résolu de leur abandonner un sujet trop facile, et mon intention est aujourd'hui de vous engager à entreprendre des expéditions et des guerres qui ne ressembleront en rien à celles de notre temps, mais qui vous rendront l'auteur des plus brillantes prospérités pour votre patrie et pour tous les Grecs. [2] J'ai fait ce choix, n'ignorant pas quel était, de ces deux sujets, le plus facile à traiter, et sachant très bien à quel point il était rare et difficile de rencontrer des actions nobles, grandes et utiles; tandis que je pouvais sans peine louer vos vertus et celles de votre famille. Je n'aurais pas alors été obligé de tirer de mon propre fonds les choses que j'avais à dire ; les hauts faits accomplis par vos auteurs et par vous m'auraient offert de telles et de si abondantes ressources, qu'il n'est personne dont les louanges eussent pu rivaliser avec celles dont vous auriez été l'objet.

2 . [3] Qui pourrait, en effet, surpasser la noble origine de ceux qui descendent d'Hercule et de Jupiter, origine que tous, d'un consentement unanime, reconnaissent n'appartenir qu'à votre race ? ou la vertu des hommes qui ont fondé les villes doriennes dans le Péloponnèse, et se sont rendus les maîtres du pays? ou la multitude des combats livrés et des trophées élevés, lorsque vos ancêtres étaient à la tête des armées et du gouvernement de l'État? [4] Qui hésiterait à vanter le courage de votre patrie tout entière, sa sagesse et le gouvernement organisé par vos auteurs? Combien de louanges ne pourrait-on pas employer pour célébrer l'habileté de votre père, sa prudence dans les revers, et ce combat li\ré au sein de votre ville, dans lequel vous commandiez vous-même, et où, luttant avec un petit nombre d'hommes contre une multitude d'ennemis, vous vous êtes montré supérieur à tous, et vous avez été le sauveur de votre pays? Exploit tel que personne ne pourrait en citer un plus glorieux ! [5] Prendre des villes, immoler des ennemis nombreux, sont des actions moins grandes, moins dignes de renommée, que d'arracher à de si terribles dangers, non pas une patrie obscure, mais une patrie élevée par sa vertu à un si haut degré au-dessus des autres. En présentant de tels faits simplement, sans ostentation, sans les orner du prestige de l'éloquence, en les énumérant pour ainsi dire, et laissant au hasard le choix des expressions, il n'est personne qui ne puisse acquérir une brillante réputation.

3. [6] Je pouvais donc m'exprimer sur ce sujet d'une manière convenable, et je savais qu'il est plus aisé de parler avec abondance sur des événements accomplis que de parler avec sagesse sur l'avenir ; je savais encore que les hommes éprouvent plus de reconnaissance pour leurs adulateurs que pour ceux qui leur offrent des conseils, regardant les premiers comme des amis dévoués, les autres comme des importuns  quand ils leur donnent des avis sans y avoir été invités ; [7] et cependant, malgré toutes ces prévisions, je me suis abstenu des discours composés dans le but de plaire, et j'ai résolu de traiter des sujets que nul autre n'oserait aborder, convaincu que les hommes jaloux de se distinguer par la justice et la raison doivent rechercher non pas les discours les plus faciles, mais les plus laborieux; non pas ceux qui sont les plus agréables pour leurs auditeurs, mais ceux par lesquels ils seront les plus utiles à leur patrie et à la Grèce ; tel est le but que je me propose aujourd'hui.

4. [8] Je m'étonne que des hommes capables d'agir ou de parler n'aient jamais eu la pensée de s'occuper des intérêts communs de leur pays, et de jeter un regard de compassion sur les malheurs de la Grèce, tombée dans une situation si humiliée et si déplorable qu'il n'y reste pas une contrée exempte de guerres, de séditions, de massacres, de calamités sans nombre, et dont la plus grande partie retombe sur les Grecs du littoral de l'Asie, livrés par nos traités, non seulement aux Barbares, mais à ceux des Grecs qui, bien que conservant avec nous une langue commune, ont adopté les moeurs des Barbares. [9] Certes, si nous avions quelque prudence, nous ne laisserions pas ces Grecs se réunir, se placer sous le commandement du premier qui se présente, et former des bandes de vagabonds plus nombreuses et plus redoutables que les armées régulières. Ils ravagent, il est vrai, une faible partie du territoire du Roi ; mais aussi ils détruisent de fond en comble les villes grecques dans lesquelles ils parviennent à s'introduire ; massacrent une partie des habitants, chassent les autres de leur patrie, [10] leur enlèvent ce qu'ils possèdent ; outragent les enfants et les femmes; déshonorent celles qui se distinguent par leur beauté; arrachent aux autres les vêtements qui les couvrent et sont cause que des femmes qui, même revêtues de leurs parures, ne se seraient pas montrées aux yeux des étrangers, se trouvent exposées nues aux regards de la multitude, qu'enfin un grand nombre, couvertes de haillons, périssent épuisées par la privation  des choses nécessaires à la vie.

5. [11] De telles indignités durent déjà depuis longtemps, sans qu'aucune des villes parmi celles qui prétendent au premier rang parmi les Grecs ait fait éclater son indignation, et sans qu'aucun des hommes placés à la tête des gouvernements, à l'exception de votre père, s'en soit irrité! Seul, en effet, parmi ceux que nous connaissons, Agésilas n'a pas cessé un instant de vouloir donner la liberté aux Grecs, et porter la guerre chez les Barbares. Il est un point, toutefois, sur lequel Agésilas s'est trompé. Ne vous étonnez pas [12] si, m'adressant à vous, je rappelle les fautes de sa politique ; j'ai pour habitude de parler toujours avec liberté, et je consentirais plutôt à m'attirer la haine pour un blâme conforme à la justice, qu'à me rendre agréable par des louanges contraires à la vérité. [13] Tel est mon caractère. Agésilas, prince supérieur dans tout le reste, Agésilas, le plus modéré des hommes, le plus juste, le plus habile dans la conduite du gouvernement, était dominé par deux désirs, tous deux nobles et sages, en les considérant à part, mais qui, ne s'accordant point entre eux, ne pouvaient se réaliser ensemble. Il voulait faire la guerre au Roi, et en même temps faire rentrer dans leur patrie ses amis exilés, pour les placer à la tête des affaires. [14] Mais alors, par suite des efforts qu'il faisait en faveur de ses amis, il arriva que les Grecs se trouvèrent engagés dans des dissensions et des guerres, sources de perturbations qui ne lui laissèrent ni le temps ni la possibilité de faire la guerre aux Barbares. De sorte qu'on peut aisément reconnaître, d'après l'erreur commise à cette époque, que, pour agir avec sagesse, il ne faut pas porter la guerre sur le territoire du Roi avant d'avoir réconcilié les Grecs entre eux, et mis un terme à cette fureur insensée, à cette ambition jalouse, dont nous sommes possédés. Je l'ai déjà dit autrefois, et je veux le redire encore.

6. [15] Quelques hommes parmi ceux qui, n'ayant reçu aucune instruction, promettent de faire l'éducation des autres, et osent critiquer mes ouvrages, tout en s'efforçant de les imiter, diront peut-être qu'il y a folie de ma part à m'occuper des malheurs de la Grèce, comme si mes discours devaient, soit en bien, soit en mal, influer sur ses destinées.

7. Il serait juste qu'une réprobation universelle frappât la lâcheté et la bassesse de ces hommes, qui ont la prétention d'être philosophes, et qui, mettant leur orgueil dans des objets sans valeur, poursuivent de leur incessante jalousie les citoyens capables de donner des conseils sur les plus grands intérêts. [16] Ces hommes tiennent peut-être un tel langage afin de protéger leur faiblesse et leur lâcheté ; pour moi, j'ai de moi-même un sentiment si élevé que, parvenu à quatre-vingts ans et succombant sous le poids de la vieillesse, j'ai la confiance de croire que plus que tout autre je dois traiter ces questions, et que j'ai pris une noble résolution en vous adressant des conseils, dont il sortira peut-être quelque heureux effet. [17] Je crois aussi que les Grecs, s'ils devaient choisir entre tous, d'une part, l'homme le plus capable d'exciter par son éloquence la Grèce à faire une expédition contre les Barbares, de l'autre, celui qui pourrait le plus rapidement exécuter les mesures utiles, leur choix ne se porterait pas sur d'autres que sur nous. Comment serait-il possible, sans nous couvrir de honte, de négliger un tel honneur, lorsque tous nous en jugeraient dignes? [18] Ma tâche est la plus légère, car il n'est pas essentiellement difficile d'exprimer ce que l'on pense ; mais pour vous, il s'agit de décider, lorsque vous aurez donné toute votre attention à mes paroles, si vous devez abandonner les intérêts de la Grèce, vous, sorti de l'origine que j'ai signalée tout à l'heure, chef des Lacédémoniens, salué du titre de roi, et possédant la plus haute renommée parmi les Grecs, ou si, renonçant aux affaires qui vous occupent aujourd'hui, vous voulez vous honorer par de plus nobles exploits.

8. [19] En un mot, je dis qu'il faut, abandonnant tout le reste, vous attacher à poursuivre résolument un double but : d'abord délivrer les Grecs des guerres et des autres calamités qui pèsent aujourd'hui sur eux ; en second lieu, mettre un terme à l'insolence des Barbares, et à l'excès des prospérités dont ils jouissent. Et quant à la possibilité et l'utilité de cette entreprise pour vous, pour notre patrie, pour la Grèce tout entière, c'est à moi qu'il appartient de les établir.

 

Χ.

ΔΙΟΝΥΣΙῼ

Πρόπομποί καὶ ῥαβδοῦχοι καὶ κήρυκες καὶ θρόνων ὑψηλοτάτων ἐπίτευξις φιλοσοφίας εἰσὶν ἀχλὺς, καὶ διαιρετικώτατος πέφυκε τῶν ἀρετῶν χωρισμός. Οὐκ ἤμειψας μετὰ τῆς τύχης την φύσιν. Ἔτι τὸν θύλακον ἔχεις δερμάτινον· θνητὴν γὰρ ἔχεις ἐκ προοιμίου τὴν σύστασιν. Τί δῆτα τὸ κενὸν τοῦυτο δοξάριον ἐπὶ τοσοῦτον τὸν πήλινον ἀσκὸν διεφύσησε; Μεγάλης ἀνοίας ἐνεφορήθης, ὦ δύστηνε,, καὶ τῆς φύσεως γνώσιν ἀφήρησαι. Οὕτω τὰ μετέωρα τῆς τύχης κινήματα ἐκστῆναί σε τῆς πάλαι θεωρίας ἠνάγκασαν, καὶ τῆς σώφρονος ἐκείνης μανίας ἀπαναχωρειν παρεσκεύασαν; Ἦν σοι πάλαι μεετάρσιον τὸ χαμαίζηλον, νῦν δὲ καὶ χθαμαλὸν καὶ περίγειον ὁ τῆς τύχης ὄρος ἀκρότατος. Οὐκοῦν τῆς ψευδοῦς εὐδαιμονίας ἀφίστασο, καὶ τὴν δραπέτιν τύχην δραπέτευε· προφθάνων γὰρ τὴν ἀγνώμονα, ἄφνω τὴν μεταβολην οὐ δυσφορήσεις προσπίπτουσαν.
 

10.

A DENYS.

Les gardes, les licteurs, les hérauts, l'éclat des trônes les plus élevés, sont autant de nuages qui obscurcissent la philosophie, et forment la plus infranchissable barrière qui puisse nous séparer de la vertu. Vous n'avez pas changé de nature en changeant de fortune. Vous êtes revêtu de la même enveloppe mortelle, et vous vivez toujours de la vie périssable que vous aviez en naissant. Pourquoi donc un vain orgueil a-t-il si fortement gonflé l'outre née du limon? Malheureux ! vous êtes tombé dans l'excès de la démence ; et vous avez perdu le sentiment de votre propre nature. Les mouvements ascendants de la fortune vous ont forcé d'abandonner la contemplation de la vérité, et vous ont disposé à vous éloigner de votre sage enthousiasme. Votre modestie faisait autrefois votre grandeur : aujourd'hui l'élévation de votre destinée vous abaisse et vous rapproche de la terre. Répudiez une félicité trompeuse, et fuyez une fortune toujours prête à vous fuir ; en prévenant sa perfidie, vous subirez sans peine son changement injuste et inattendu.