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table des matières de l'œuvre d'ISOCRATE

 

ŒUVRES

COMPLÈTES

D'ISOCRATE

TRADUCTION  NOUVELLE

AVEC    TEXTE   EN   REGARD

LE DUC DE CLERMONT-TONNERRE

(AIMÉ-MARIE-GASPARD)

Ancien Ministre de la guerre et de la marine

Ancien élève de l'École polytechnique

TOME DEUXIÈME

PARIS

LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES,   FILS  ET Cie

Imprimeur de l'Institut, rue Jacob, 56.

M  DCCC LXIII

 

ÉLOGE DE BUSIRIS.

 

Βούσιρις

 

ARGUMENT (a).

Un sophiste, nommé Polycrate, avait entrepris , comme exercice d'esprit, de faire l'éloge de Busiris ; Isocrate veut lui apprendre, en traitant le même sujet, de quelle manière il convient de faire un éloge.

Exorde. — Isocrate s'efforce, avec urbanité et avec adresse, de se concilier la bienveillance de Polycrate, en même temps qu'il veut censurer et qu'il censure en effet son accusation de Socrate et son éloge dé Busiris ; il montre que Polycrate s'est trompé sur beaucoup de choses, dans son discours, en louant Busiris, et il entreprend alors de louer cet homme que Virgile, non sans raison, appelle illaudatum, c'est-à-dire un homme qui jamais n'a été loué sérieusement par personne.

Confirmation. — Il loue Busiris,

1° A cause de sa noble origine ; 2° à cause de sa grandeur d'âme et de sa prudence, qui l'ont conduit à choisir l'Égypte pour siège de sa puissance, et, à cette occasion, il décrit avec pompe le site elles divers avantages qu'offre ce pays célèbre; 3° à cause de la manière dont il a administré l'Égypte; et là se trouve un long tableau de l'excellente politique des Égyptiens, politique qui est attribuée à Busiris.

En ce qui concerne les Égyptiens, il vante, 1° leur industrie et leur habileté dans la culture des arts, soit de la paix , soit de la guerre; 2° leur zèle et leur ardeur dans l'application des sciences ; 3° leur religion , leur piété, et, de là, il tire une excuse adroite des superstitions égyptiennes, et une mention très honorable de Pythagore, disciple des Égyptiens.

Objection. — Biais, dit Polycrate, les Égyptiens sont loués à cause des avantages dont jouit leur pays, de leurs lois, de leur piété, de leur sagesse, mais il n'est pas prouvé que Busiris ait été l'auteur de tous ces biens.

Réponse. — 1° Polycrate lui-même, dans l'éloge de Busiris, a produit des faits qu'il n'a pas prouvés et qui sont même démontrés impossibles ; 2° il est beaucoup plus probable pour Busiris que pour aucun autre qu'il a été l'auteur de ce que l'on raconte touchant les Égyptiens; 3° les principaux crimes reprochés à Busiris sont réfutés ; 4° l'orateur critique alors les fables des poètes, qui ont faussement attribué des actes impies aux dieux et aux. fils des dieux, et il conseille à ceux qui les lisent, et surtout à Polycrate, d'avoir des sentiments de piété envers les dieux.

L'orateur conclut en reprenant le même sophiste avec véhémence pour avoir entrepris l'éloge de Busiris, et pour avoir traité d'autres sujets de la même nature, l'exhortant à écrire sur des choses qui aient plus de valeur littéraire, qui soient de quelque utilité pour les lecteurs, et qui lui concilient plus d'estime.

On ne sait pas à quel âge Isocrate a écrit ce discours; il parait toutefois qu'il n'était pas encore d'un âge avancé.

(a) Édition complète des œuvres d'Isocrate par Auger, t. II, p. 374, édit. de 1782.

SOMMAIRE.

1. Polycrate, ayant lu quelques-uns de vos discours, j'éprouverais un grand plaisir à converser librement avec vous sur toutes les parties de l'art de la rhétorique, mais j'ai résolu de différer jusqu'à un temps plus opportun, et de vous entretenir aujourd'hui, par lettres, des choses que je regarde comme pouvant vous être utiles. Je crains toutefois de vous offenser, comme il a coutume d'arriver à tous ceux qui donnent des conseils ; mais je ferai en sorte d'éloigner de vous une telle disposition d'esprit, et de vous donner la preuve que je suis animé à votre égard d'une bienveillance sincère. — 2. M'étant donc aperçu que vous attachiez une gloire spéciale à la défense de Busiris, et à l'accusation de Socrate, que vous avez publiées, je m'efforcerai de rendre évident à vos yeux, que vous avez moins défendu qu'accusé Busiris, et que vous avez, au contraire, loué Socrate que vous prétendiez accuser. — 3. Vous dites que Busiris a été l'émule de gloire d'Aeolus et d'Orphée, et vous lui attribuez rétablissement d'institutions contraires à celles qu'ils ont fondées. Aeolus a pris soin de renvoyer dans leur patrie ceux de ses hôtes qui en avaient été chassés : s'il faut en croire vos paroles, Busiris aurait dévoré les siens après les avoir immolés. Orphée a ramené les morts des enfers, Busiris y aurait envoyé les vivants, avant l'heure marquée par la destinée. Enfin vous avancez une chose absurde, quand vous écrivez, contrairement à l'ordre des temps, qu'il a rivalisé avec des hommes dont les pères mêmes n'étaient pas nés lorsqu'il vivait.— 4. Mais, pour ne pas me borner seulement à relever les erreurs dans lesquelles vous êtes tombé, j'essayerai en peu de mots de vous montrer ici de quelle manière il convient de louer ou de défendre. — Confirmation. 5. Busiris a eu pour père Neptune ; pour mère Libye, qui, la première, ayant possédé le royaume de Libye, a, selon la tradition, donné son nom au pays. Busiris, bien qu'il fût né de si nobles parents, au lieu de s'enorgueillir de la splendeur de son origine, pensa qu'il devait laisser de sa propre vertu un monument éternel. — 6. Abandonnant le royaume qu'il tenait de sa mère, il établit en Égypte, par la force des armes, le siège de son empire. Il préféra l'Égypte à toutes les autres contrées de la terre, à cause de sa situation, de la beauté de son ciel, de sa fertilité et de l'appui que lui prêtait le fleuve du Nil. Le Nil, en donnant à l'Égypte la fécondité d'un continent, et tous les avantages que peut offrir une île, assurant à ses habitants le moyen d'importer ce qui leur manque, d'exporter ce qui est surabondant chez eux, place cette contrée au-dessus de toutes les autres ; et Busiris fit un choix habile, puisqu'il s'établit dans un pays plein d'agrément et susceptible de satisfaire à tous les besoins de ceux qui l'habitent. —7. Il partagea les citoyens en diverses classes. Il confia aux uns ce qui concernait le culte des dieux, en désigna d'autres pour la pratique des arts, et donna à d'autres l'ordre de se livrer à tout ce qui regarde l'art militaire. Il pensait que les nécessités et les commodités de la vie, qui s'obtiennent par la culture de la terre et par celle des arts, étaient surtout garanties par les institutions militaires et par la piété envers les dieux. — 8. Comme il avait observé que les hommes qui sont constamment occupés des mêmes travaux excellaient dans leur genre, il ordonna que les mêmes hommes se livrassent toujours à la pratique des mêmes arts. C'est de là qu'est sortie la supériorité des Égyptiens dans les arts, ainsi que leur haute habileté dans l'administration de l'État. De là aussi est résulté que les lacédémoniens, qui ont transporté chez eux une partie des institutions égyptiennes, administrent parfaitement leur ville; avec cette différence, toutefois, que les Égyptiens ne se livrent pas tous à la profession des armes, et ne sont pas obliges, par le manque de subsistances, de s'emparer de ce qui appartient aux autres. La paresse et la rapacité des Lacédémoniens, si elles étaient communes au reste des hommes, engendreraient la misère et des guerres continuelles; tandis que le travail actif des Égyptiens et le soin qu'ils prennent de maintenir l'ordre dans leurs propriétés produirait partout une vie calme et heureuse. — 9. L'histoire rapporte également que Busiris attachait une grande importance à la culture de l'esprit, car il pourvut à ce que les prêtres eussent de la tranquillité, du loisir et des richesses ; et c'est à l'aide de ces secours qu'ils ont trouvé l'art de la médecine. Il introduisit la philosophie dans ses États; il confia aux hommes mûris par l'âge les emplois les plus importants; il persuada aux jeunes gens de s'appliquer à l'astronomie, à l'arithmétique, à la géométrie, qui offrent de véritables ressources, non seulement pour beaucoup d'autres choses, mais aussi pour arriver à la vertu. — 10. On doit surtout admirer la piété des Égyptiens et le culte des dieux institué par Busiris. Dans toute espèce d'art ou d'institution, ceux qui trompent nuisent à ceux qui sont trompés ; ceux qui enseignent que les dieux sont toujours prêts à récompenser et à punir, ont été cause que, dans le commencement, les hommes n'ont pas venu entre eux à la manière des bêtes sauvages; delà est venue la sainteté du serment chez les Égyptiens, qui croient que le châtiment des crimes ne se fait pas attendre, mais qu'il est infligé sur-le-champ. Voulant, de plus, accoutumer le peuple à se conformer à tous les édits des princes, et lui faire manifester par des actes apparents ses sentiments sur les choses cachées, il ordonna de rendre un culte à un grand nombre d'animaux qui sont méprisés parmi nom. — 11. La piété des Égyptiens, sur laquelle je pourrais ajouter beaucoup de choses, fut d'abord constatée par Pythagore, qui rapporta d'Égypte le complément de la philosophie, et étudia avec tant de soin ce qui concernait les sacrifices et les consécrations dans les temples, qu'il surpassa tous les Grecs par la célébrité de son nom, et que ses disciples, même alors qu'ils se taisent, sont pour nom l'objet de plut d'admiration que les hommes les plus renommés par leur éloquence.— 12. Que si vous niez qu'il soit possible de démontrer que Busiris ait été l'auteur des choses que j'ai louées, — 13. j'ai le droit de vous dire que cela ne vous est pas permis, puisque vous-même vous ne donnez pas la preuve des choses que vous rapportez de lui ; et que vous lui attribuez des actes tels qu'ils ne peuvent se concilier ni avec la faiblesse, ni avec la bonté naturelle de l'homme. Et de plus, même alors que vos assertions et les miennes seraient contraires à la vérité, du moins, je le loue; tandis que vous l'injuriez, et que vous commettez ainsi une double faute. — 14. Les faits que j'établis sont les plus vraisemblables, car il est impossible qu'aucun homme, excepté Busiris, fils de Neptune, et de Libye, ait été l'auteur des institutions de l'Égypte. — 15. Enfin les reproches que l'on fait à Busiris ne concordent pas avec les temps ; on dit qu'il a été mis à mort par Hercule, parce qu'il immolait ses hôtes ; or il est constant qu'Hercule était plus jeune que lui de quatre générations, et je m'étonne qu'un fait de cette nature ait été négligé par vous. — 16. Mais, sans tenir aucun compte de la vérité, vous avez suivi les calomnies des poètes, qui ont inventé contre les dieux immortels et contre leurs fils de telles fables que personne n'oserait en produire de semblables contre ses propres ennemis. Et, encore que les poètes n'aient pas reçu les châtiments qu'ils méritaient, si nous sommes sages, nous n'imiterons pas leur folie, regardant comme également répréhensibles, et ceux qui croient ces fables, et ceux qui les publient. — 17. Pour moi, je suis convaincu que non seulement les dieux, mais les enfants des dieux, sont étrangers à toute espèce de crimes, et qu'ils sont les meilleurs guides comme les meilleurs maîtres pour tout ce qu'il y a de bien. Lorsque nous regardons la prospérité de notre race comme un bienfait des dieux, lorsque nous souhaitons que nos enfants soient probes et honnêtes, et que nous nous efforçons de les rendre tels, il serait absurde de croire que les dieux ne prissent aucun soin de leurs enfants, et permissent que des êtres qui sont nés d'eux fussent à ce point impies et pervers. Que si les dieux ne veulent pas que leurs enfants soient honnêtes et vertueux, leur génie est plus dépravé que celui des hommes ; et, s'ils ne peuvent pas l'obtenir, ils sont moins puissants que les sophistes, qui ont reçu le pouvoir de corriger les défauts de leurs disciples. — 18. Je pourrais certainement donner plus de développement à l'éloge et à la défense de Busiris, mais ce qui précède doit suffire, quand surtout je l'ai écrit, non pour faire ostentation d'éloquence, mais pour vous apprendre de quelle manière on doit faire un éloge et une apologie ; car votre discours ne pourrait pas être appelé une défense, mais plutôt l'aveu d'une suite de crimes. — 19. Je voudrais que vous pussiez apprécier vous-même dans quelle disposition d'esprit vous seriez à l'égard de votre apologiste, si vous étiez défendu de cette manière. — 20. Considérez encore combien un discours est coupable lorsqu'il peut nuire à l'un quelconque de ses auditeurs. — 21. Et si vous dites que vous avez eu l'intention de montrer, dans ce discours, comment il faut agir pour purger la société de crimes infâmes, vous comprendrez maintenant qu'il est meilleur de se taire que de défendre quelqu'un par de tels moyens, lorsque surtout par des discours de ce genre on provoque l'animadversion contre l'art oratoire. — 22. Je vous engage donc pour l'avenir à ne plus traiter des sujets aussi répréhensibles. — 13. Et ne soyez pas étonné si, étant plus jeune que vous, et ne vous étant uni par aucun lien de parenté, je me suis déterminé à vous adresser des avertissements; car il appartient de donner des conseils, sur les choses de cette nature, aux hommes qui eu possèdent une connaissance approfondie, et qui ont le désir de se rendre utiles. (LANGE.)



 

 

Βούσιρις

[1] Τὴν μὲν ἐπιείκειαν τὴν σήν, ὦ Πολύκρατες, καὶ τὴν τοῦ βίου μεταβολὴν παρ' ἄλλων πυνθανόμενος οἶδα· τῶν δὲ λόγων τινὰς ὧν γέγραφας, αὐτὸς ἀνεγνωκὼς ἥδιστα μὲν ἄν σοι περὶ ὅλης ἐπαρρησιασάμην τῆς παιδεύσεως περὶ ἣν ἠνάγκασαι διατρίβειν· ἡγοῦμαι γὰρ τοῖς ἀναξίως μὲν δυστυχοῦσιν, ἐκ δὲ φιλοσοφίας χρηματίζεσθαι ζητοῦσιν, ἅπαντας τοὺς πλείω πεπραγματευμένους καὶ μᾶλλον ἀπηκριβωμένους προσήκειν ἐθελοντὰς τοῦτον εἰσφέρειν τὸν ἔρανον· [2] ἐπειδὴ δ' οὔπω περιτετυχήκαμεν ἀλλήλοις, περὶ μὲν τῶν ἄλλων, ἤν ποτ' εἰς ταὐτὸν ἔλθωμεν, τόθ' ἡμῖν ἐξέσται διὰ πλειόνων ποιήσασθαι τὴν συνουσίαν, ἃ δ' ἐν τῷ παρόντι δυναίμην ἂν εὐεργετῆσαί σε, ταῦτα δ'10 ᾠήθην χρῆναι σοὶ μὲν ἐπιστεῖλαι, πρὸς δὲ τοὺς ἄλλους ὡς οἷόν τε μάλιστ' ἀποκρύψασθαι. [3] Γιγνώσκω μὲν οὖν ὅτι τοῖς πλείστοις τῶν νουθετουμένων ἔμφυτόν ἐστι μὴ πρὸς τὰς ὠφελείας ἀποβλέπειν, ἀλλὰ τοσούτῳ χαλεπώτερον ἀκούειν τῶν λεγομένων, ὅσῳ περ ἂν αὐτῶν τις ἀκριβέστερον ἐξετάζῃ τὰς ἁμαρτίας· ὅμως δ' οὐκ ὀκνητέον ὑπομένειν τὴν ἀπέχθειαν ταύτην τοῖς εὐνοϊκῶς πρός τινας ἔχουσιν, ἀλλὰ πειρατέον μεθιστάναι τὴν δόξαν τῶν οὕτω πρὸς τοὺς συμβουλεύοντας διακειμένων.

[4] Αἰσθόμενος οὖν οὐχ ἥκιστά σε μεγαλαυχούμενον ἐπί τε τῇ Βουσίριδος ἀπολογίᾳ καὶ τῇ Σωκράτους κατηγορίᾳ, πειράσομαί σοι ποιῆσαι καταφανὲς ὅτι πολὺ τοῦ δέοντος ἐν ἀμφοτέροις τοῖς λόγοις διήμαρτες. Ἁπάντων γὰρ εἰδότων ὅτι δεῖ τοὺς μὲν εὐλογεῖν τινὰς βουλομένους πλείω τῶν ὑπαρχόντων ἀγαθῶν αὐτοῖς προσόντ' ἀποφαίνειν, τοὺς δὲ κατηγοροῦντας τἀναντία τούτων ποιεῖν, [5] τοσούτου δεῖς οὕτω κεχρῆσθαι τοῖς λόγοις, ὥσθ' ὑπὲρ μὲν Βουσίριδος ἀπολογήσασθαι φάσκων, οὐχ ὅπως τῆς ὑπαρχούσης αὐτὸν διαβολῆς ἀπήλλαξας, ἀλλὰ καὶ τηλικαύτην αὐτῷ τὸ μέγεθος παρανομίαν προσῆψας ἧς οὐκ ἔσθ' ὅπως ἄν τις δεινοτέραν ἐξευρεῖν δυνηθείη· τῶν γὰρ ἄλλων τῶν ἐπιχειρησάντων ἐκεῖνον λοιδορεῖν τοσοῦτον μόνον περὶ αὐτοῦ βλασφημούντων, ὡς ἔθυε τῶν ξένων τοὺς ἀφικνουμένους, σὺ καὶ κατεσθίειν αὐτὸν τοὺς ἀνθρώπους ᾐτιάσω· Σωκράτους δὲ κατηγορεῖν ἐπιχειρήσας, ὥσπερ ἐγκωμιάσαι βουλόμενος Ἀλκιβιάδην ἔδωκας αὐτῷ μαθητήν, ὃν ὑπ' ἐκείνου μὲν οὐδεὶς ᾔσθετο παιδευόμενον, ὅτι δὲ πολὺ διήνεγκε τῶν ἄλλων ἅπαντες ἂν ὁμολογήσειαν. [6] Τοιγαροῦν εἰ γένοιτ' ἐξουσία τοῖς τετελευτηκόσι βουλεύσασθαι περὶ τῶν εἰρημένων, ὁ μὲν ἄν σοι τοσαύτην ἔχοι χάριν ὑπὲρ τῆς κατηγορίας, ὅσην οὐδενὶ τῶν ἐπαινεῖν αὐτὸν εἰθισμένων, ὁ δ' εἰ καὶ περὶ τοὺς ἄλλους πραότατος ἦν, ἀλλ' οὖν ἐπί γε τοῖς ὑπὸ σοῦ λεγομένοις οὕτως ἂν ἀγανακτήσειεν ὥστε μηδεμιᾶς ἀποσχέσθαι τιμωρίας. Καίτοι πῶς οὐκ αἰσχύνεσθαι μᾶλλον ἢ σεμνύνεσθαι προσήκει τὸν παρὰ τοῖς λοιδορουμένοις ὑφ' αὑτοῦ μᾶλλον ἀγαπώμενον ἢ παρὰ τοῖς ἐγκωμιαζομένοις;

[7] Οὕτω δ' ἠμέλησας εἰ μηδὲν ὁμολογούμενον ἐρεῖς, ὥστε φῂς μὲν αὐτὸν τὴν Αἰόλου καὶ τὴν Ὀρφέως ζηλῶσαι δόξαν, ἀποφαίνεις δ' οὐδὲν τῶν αὐτῶν ἐκείνοις ἐπιτηδεύσαντα. Πότερα γὰρ τοῖς περὶ Αἰόλου λεγομένοις αὐτὸν παρατάξωμεν; Ἀλλ' ἐκεῖνος μὲν τῶν ξένων τοὺς ἐπὶ τὴν χώραν ἐκπίπτοντας εἰς τὰς αὑτῶν πατρίδας ἀπέστελλεν, ὁ δ' εἰ χρὴ τοῖς ὑπὸ σοῦ λεγομένοις πιστεύειν, θύσας κατήσθιεν. [8] Ἢ τοῖς Ὀρφέως ἔργοις ὁμοιώσωμεν; Ἀλλ' ὁ μὲν ἐξ Ἅιδου τοὺς τεθνεῶτας ἀνῆγεν, ὁ δὲ πρὸ μοίρας τοὺς ζῶντας ἀπώλλυεν. Ὥσθ' ἡδέως ἂν εἰδείην τί ποτ' ἂν ἐποίησεν, εἰ καταφρονῶν αὐτῶν ἐτύγχανεν, ὃς θαυμάζων τὴν ἀρετὴν τὴν ἐκείνων ἅπαντα φαίνεται τἀναντία διαπραττόμενος. Ὃ δὲ πάντων ἀτοπώτατον, ὅτι περὶ τὰς γενεαλογίας ἐσπουδακὼς ἐτόλμησας εἰπεῖν, ὡς τούτους ἐζήλωσεν ὧν οὐδ' οἱ πατέρες πω κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον γεγονότες ἦσαν.

[9] Ἵνα δὲ μὴ δοκῶ τὸ προχειρότατον ποιεῖν, ἐπιλαμβάνεσθαι τῶν εἰρημένων μηδὲν ἐπιδεικνὺς τῶν ἐμαυτοῦ, πειράσομαί σοι διὰ βραχέων δηλῶσαι περὶ τὴν αὐτὴν ὑπόθεσιν, καίπερ οὐ σπουδαίαν οὖσαν οὐδὲ σεμνοὺς λόγους ἔχουσαν, ἐξ ὧν ἔδει καὶ τὸν ἔπαινον καὶ τὴν ἀπολογίαν ποιήσασθαι.

[10] Περὶ μὲν οὖν τῆς Βουσίριδος εὐγενείας τίς οὐκ ἂν δυνηθείη ῥᾳδίως εἰπεῖν; Ὃς πατρὸς μὲν ἦν Ποσειδῶνος, μητρὸς δὲ Λιβύης τῆς Ἐπάφου τοῦ Διός, ἥν φασι πρώτην γυναῖκα βασιλεύσασαν ὁμώνυμον αὑτῇ τὴν χώραν καταστῆσαι. Τυχὼν δὲ τοιούτων προγόνων οὐκ ἐπὶ τούτοις μόνοις μέγ' ἐφρόνησεν, ἀλλ' ᾠήθη δεῖν καὶ τῆς ἀρετῆς τῆς αὑτοῦ μνημεῖον εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον καταλιπεῖν.

[11] Τὴν μὲν οὖν μητρῴαν ἀρχὴν ὑπερεῖδεν ἐλάττω νομίσας ἢ κατὰ τὴν αὑτοῦ φύσιν εἶναι, πλείστους δὲ καταστρεψάμενος καὶ μεγίστην δύναμιν κτησάμενος ἐν Αἰγύπτῳ κατεστήσατο τὴν βασιλείαν, οὐκ ἐκ τῶν παρουσῶν μόνον ἀλλ' ἐξ ἁπασῶν προκρίνας τὴν ἐκεῖ πολὺ διαφέρειν οἴκησιν. [12] Ἑώρα γὰρ τοὺς μὲν ἄλλους τόπους οὐκ εὐκαίρως οὐδ' εὐαρμόστως πρὸς τὴν τοῦ σύμπαντος φύσιν ἔχοντας, ἀλλὰ τοὺς μὲν ὑπ' ὄμβρων κατακλυζομένους, τοὺς δ' ὑπὸ καυμάτων διαφθειρομένους, ταύτην δὲ τὴν χώραν ἐν καλλίστῳ μὲν τοῦ κόσμου κειμένην, πλεῖστα δὲ καὶ παντοδαπώτατα φέρειν δυναμένην, ἀθανάτῳ δὲ τείχει τῷ Νείλῳ τετειχισμένην, [13] ὃς οὐ μόνον φυλακὴν ἀλλὰ καὶ τροφὴν ἱκανὴν αὐτῇ παρέχειν πέφυκεν, ἀνάλωτος μὲν ὢν καὶ δύσμαχος τοῖς ἐπιβουλεύουσιν, εὐαγωγὸς δὲ καὶ πρὸς πολλὰ χρήσιμος τοῖς ἐντὸς αὐτοῦ κατοικοῦσιν. Πρὸς γὰρ τοῖς προειρημένοις καὶ τὴν δύναμιν αὐτῶν πρὸς τὴν τῆς γῆς ἐργασίαν ἰσόθεον πεποίηκεν· τῶν γὰρ ὄμβρων καὶ τῶν αὐχμῶν τοῖς μὲν ἄλλοις ὁ Ζεὺς ταμίας ἐστίν, ἐκείνων δ' ἕκαστος ἀμφοτέρων τούτων αὐτὸς αὑτῷ κύριος καθέστηκεν. [14] Εἰς τοσαύτην δ' ὑπερβολὴν εὐδαιμονίας ἥκουσιν, ὥστε τῇ μὲν ἀρετῇ καὶ τῇ φύσει τῆς χώρας καὶ τῷ πλήθει τῶν πεδίων ἤπειρον καρποῦνται, τῇ δὲ τῶν περιόντων διαθέσει καὶ τῇ τῶν ἐλλειπόντων κομιδῇ διὰ τὴν τοῦ ποταμοῦ δύναμιν νῆσον οἰκοῦσιν· κύκλῳ γὰρ αὐτὴν περιέχων καὶ πᾶσαν διαρρέων πολλὴν αὐτοῖς εὐπορίαν ἀμφοτέρων τούτων πεποίηκεν.

[15] Ἤρξατο μὲν οὖν ἐντεῦθεν, ὅθεν περ χρὴ τοὺς εὖ φρονοῦντας, ἅμα τόν τε τόπον ὡς κάλλιστον καταλαβεῖν καὶ τροφὴν ἱκανὴν τοῖς περὶ αὑτὸν ἐξευρεῖν. Μετὰ δὲ ταῦτα διελόμενος χωρὶς ἑκάστους τοὺς μὲν ἐπὶ τὰς ἱερωσύνας κατέστησε, τοὺς δ' ἐπὶ τὰς τέχνας ἔτρεψε, τοὺς δὲ τὰ περὶ τὸν πόλεμον μελετᾶν ἠνάγκασεν, ἡγούμενος τὰ μὲν ἀναγκαῖα καὶ τὰς περιουσίας ἔκ τε τῆς χώρας καὶ τῶν τεχνῶν δεῖν ὑπάρχειν, τούτων δ' εἶναι φυλακὴν ἀσφαλεστάτην τήν τε περὶ τὸν πόλεμον ἐπιμέλειαν καὶ τὴν πρὸς τοὺς θεοὺς εὐσέβειαν.

[16] Ἅπαντας δὲ τοὺς ἀριθμοὺς περιλαβὼν ἐξ ὧν ἄριστ' ἄν τις τὰ κοινὰ διοικήσειεν, ἀεὶ τοῖς αὐτοῖς τὰς αὐτὰς πράξεις μεταχειρίζεσθαι προσέταξεν, εἰδὼς τοὺς μὲν μεταβαλλομένους τὰς ἐργασίας οὐδὲ πρὸς ἓν τῶν ἔργων ἀκριβῶς ἔχοντας, τοὺς δ' ἐπὶ ταῖς αὐταῖς πράξεσι συνεχῶς διαμένοντας εἰς ὑπερβολὴν ἕκαστον ἀποτελοῦντας. [17] Τοιγαροῦν καὶ πρὸς τὰς τέχνας εὑρήσομεν αὐτοὺς πλέον διαφέροντας τῶν περὶ τὰς αὐτὰς ἐπιστήμας ἢ τοὺς ἄλλους δημιουργοὺς τῶν ἰδιωτῶν, καὶ πρὸς τὴν σύνταξιν δι' ἧς τήν τε βασιλείαν καὶ τὴν ἄλλην πολιτείαν διαφυλάττουσιν, οὕτω καλῶς ἔχοντας ὥστε καὶ τῶν φιλοσόφων τοὺς ὑπὲρ τῶν τοιούτων λέγειν ἐπιχειροῦντας καὶ μάλιστ' εὐδοκιμοῦντας τὴν ἐν Αἰγύπτῳ προαιρεῖσθαι πολιτείαν, καὶ Λακεδαιμονίους μέρος τι τῶν ἐκεῖθεν μιμουμένους ἄριστα διοικεῖν τὴν αὑτῶν πόλιν. [18] Καὶ γὰρ τὸ μηδένα τῶν μαχίμων ἄνευ τῆς τῶν ἀρχόντων γνώμης ἀποδημεῖν καὶ τὰ συσσίτια καὶ τὴν τῶν σωμάτων ἄσκησιν, ἔτι δὲ τὸ μηδενὸς τῶν ἀναγκαίων ἀποροῦντας τῶν κοινῶν προσταγμάτων ἀμελεῖν, μηδ' ἐπὶ ταῖς ἄλλαις τέχναις διατρίβειν, ἀλλὰ τοῖς ὅλοις καὶ ταῖς στρατείαις προσέχειν τὸν νοῦν, ἐκεῖθεν ἅπαντα ταῦτ' εἰλήφασιν. [19] Τοσούτῳ δὲ χεῖρον κέχρηνται τούτοις τοῖς ἐπιτηδεύμασιν, ὅσον οὗτοι μὲν ἅπαντες στρατιῶται καταστάντες βίᾳ τὰ τῶν ἄλλων λαμβάνειν ἀξιοῦσιν, ἐκεῖνοι δ' οὕτως οἰκοῦσιν ὥσπερ χρὴ τοὺς μήτε τῶν ἰδίων ἀμελοῦντας μήτε τοῖς ἀλλοτρίοις ἐπιβουλεύοντας. Γνοίη δ' ἄν τις ἐνθένδε τὸ διάφορον ἑκατέρας τῆς πολιτείας. [20] Εἰ μὲν γὰρ ἅπαντες μιμησαίμεθα τὴν Λακεδαιμονίων ἀργίαν καὶ πλεονεξίαν, εὐθὺς ἂν ἀπολοίμεθα καὶ διὰ τὴν ἔνδειαν τῶν καθ' ἡμέραν καὶ διὰ τὸν πόλεμον τὸν πρὸς ἡμᾶς αὐτούς· εἰ δὲ τοῖς Αἰγυπτίων νόμοις χρῆσθαι βουληθεῖμεν, καὶ τοῖς μὲν ἐργάζεσθαι, τοῖς δὲ τὰ τούτων σῴζειν δόξειεν, ἕκαστοι τὴν αὑτῶν ἔχοντες εὐδαιμόνως ἂν τὸν βίον διατελοῖμεν.

[21] Καὶ μὲν δὴ καὶ τῆς περὶ τὴν φρόνησιν ἐπιμελείας εἰκότως ἄν τις ἐκεῖνον αἴτιον νομίσειεν. Τοῖς γὰρ ἱερεῦσι παρεσκεύασεν εὐπορίαν μὲν ταῖς ἐκ τῶν ἱερῶν προσόδοις, σωφροσύνην δὲ ταῖς ἁγνείαις ταῖς ὑπὸ τῶν νόμων προστεταγμέναις, σχολὴν δὲ ταῖς ἀποθανεῖν· [22] μεθ' ὧν ἐκεῖνοι βιοτεύοντες τοῖς μὲν σώμασιν ἰατρικὴν ἐξεῦρον ἐπικουρίαν, οὐ διακεκινδυνευμένοις φαρμάκοις χρωμένην ἀλλὰ τοιούτοις, ἃ τὴν μὲν ἀσφάλειαν ὁμοίαν ἔχει τῇ τροφῇ τῇ καθ' ἡμέραν, τὰς δ' ὠφελείας τηλικαύτας ὥστ' ἐκείνους ὁμολογουμένως ὑγιεινοτάτους εἶναι καὶ μακροβιωτάτους, ταῖς δὲ ψυχαῖς φιλοσοφίας ἄσκησιν κατέδειξαν, ἣ καὶ νομοθετῆσαι καὶ τὴν φύσιν τῶν ὄντων ζητῆσαι δύναται. [23] Καὶ τοὺς μὲν πρεσβυτέρους ἐπὶ τὰ μέγιστα τῶν πραγμάτων ἔταξεν, τοὺς δὲ νεωτέρους ἀμελήσαντας τῶν ἡδονῶν ἐπ' ἀστρολογίᾳ καὶ λογισμοῖς καὶ γεωμετρίᾳ διατρίβειν ἔπεισεν, ὧν τὰς δυνάμεις οἱ μὲν ὡς πρὸς ἔνια χρησίμους ἐπαινοῦσιν, οἱ δ' ὡς πλεῖστα πρὸς ἀρετὴν συμβαλλομένας ἀποφαίνειν ἐπιχειροῦσιν.

[24] Μάλιστα δ' ἄξιον ἐπαινεῖν καὶ θαυμάζειν τὴν εὐσέβειαν αὐτῶν καὶ τὴν περὶ τοὺς θεοὺς θεραπείαν. Ὅσοι μὲν γὰρ σφᾶς αὐτοὺς οὕτω κατεσχημάτισαν ὥστ' ἢ κατὰ σοφίαν ἢ κατ' ἄλλην τιν' ἀρετὴν ὑπολαμβάνεσθαι μειζόνως ἢ κατὰ τὴν ἀξίαν, οὗτοι μὲν βλάπτουσι τοὺς ἐξαπατηθέντας· ὅσοι δὲ τῶν θείων πραγμάτων οὕτω προέστησαν ὥστε καὶ τὰς ἐπιμελείας καὶ τὰς τιμωρίας εἶναι δοκεῖν ἀκριβεστέρας τῶν συμβαινόντων, οἱ δὲ τοιοῦτοι πλεῖστα τὸν βίον τὸν τῶν ἀνθρώπων ὠφελοῦσιν. [25] Καὶ γὰρ τὴν ἀρχὴν οἱ τὸν φόβον ἡμῖν ἐνεργασάμενοι τοῦτον αἴτιοι γεγόνασι τοῦ μὴ παντάπασι θηριωδῶς διακεῖσθαι πρὸς ἀλλήλους. Ἐκεῖνοι τοίνυν οὕτως ἁγίως περὶ ταῦτα καὶ σεμνῶς ἔχουσιν ὥστε καὶ τοὺς ὅρκους πιστοτέρους εἶναι τοὺς ἐν τοῖς ἐκείνων ἱεροῖς ἢ τοὺς παρὰ τοῖς ἄλλοις καθεστῶτας, καὶ τῶν ἁμαρτημάτων ἕκαστον οἴεσθαι παραχρῆμα δώσειν δίκην, ἀλλ' οὐ διαλήσειν τὸν παρόντα χρόνον, οὐδ' εἰς τοὺς παῖδας ἀναβληθήσεσθαι τὰς τιμωρίας. [26] Καὶ ταῦτ' εἰκότως δοξάζουσιν· πολλὰς γὰρ αὐτοῖς καὶ παντοδαπὰς ἀσκήσεις τῆς ὁσιότητος ἐκεῖνος κατέστησεν, ὅστις καὶ τῶν ζῴων τῶν παρ' ἡμῖν καταφρονουμένων ἔστιν ἃ σέβεσθαι καὶ τιμᾶν ἐνομοθέτησεν, οὐκ ἀγνοῶν τὴν δύναμιν αὐτῶν, ἀλλ' ἅμα μὲν ἐθίζειν οἰόμενος δεῖν τὸν ὄχλον ἐμμένειν ἅπασι τοῖς ὑπὸ τῶν ἀρχόντων παραγγελλομένοις, [27] ἅμα δὲ βουλόμενος πεῖραν λαμβάνειν ἐν τοῖς φανεροῖς, ἥντινα περὶ τῶν ἀφανῶν διάνοιαν ἔχουσιν. Ἐνόμιζε γὰρ τοὺς μὲν τούτων ὀλιγωροῦντας τυχὸν καὶ τῶν μειζόνων καταφρονήσειν, τοὺς δ' ἐπὶ πάντων ὁμοίως ἐμμένοντας τῇ τάξει βεβαίως ἔσεσθαι τὴν αὑτῶν εὐσέβειαν ἐπιδεδειγμένους.

[28] Ἔχοι δ' ἄν τις μὴ σπεύδειν ὡρμημένος πολλὰ καὶ θαυμαστὰ περὶ τῆς ὁσιότητος αὐτῶν διελθεῖν, ἣν οὔτε μόνος οὔτε πρῶτος ἐγὼ τυγχάνω καθεωρακώς, ἀλλὰ πολλοὶ καὶ τῶν ὄντων καὶ τῶν προγεγενημένων, ὧν καὶ Πυθαγόρας ὁ Σάμιός ἐστιν· ὃς ἀφικόμενος εἰς Αἴγυπτον καὶ μαθητὴς ἐκείνων γενόμενος τήν τ' ἄλλην φιλοσοφίαν πρῶτος εἰς τοὺς Ἕλληνας ἐκόμισε, καὶ τὰ περὶ τὰς θυσίας καὶ τὰς ἁγιστείας τὰς ἐν τοῖς ἱεροῖς ἐπιφανέστερον τῶν ἄλλων ἐσπούδασεν, ἡγούμενος, εἰ καὶ μηδὲν αὐτῷ διὰ ταῦτα πλέον γίγνοιτο παρὰ τῶν θεῶν, ἀλλ' οὖν παρά γε τοῖς ἀνθρώποις ἐκ τούτων μάλιστ' εὐδοκιμήσειν. [29] Ὅπερ αὐτῷ καὶ συνέβη· τοσοῦτον γὰρ εὐδοξίᾳ τοὺς ἄλλους ὑπερέβαλεν, ὥστε καὶ τοὺς νεωτέρους ἅπαντας ἐπιθυμεῖν αὐτοῦ μαθητὰς εἶναι, καὶ τοὺς πρεσβυτέρους ἥδιον ὁρᾶν τοὺς παῖδας τοὺς αὑτῶν ἐκείνῳ συγγιγνομένους ἢ τῶν οἰκείων ἐπιμελουμένους. Καὶ τούτοις οὐχ οἷόν τ' ἀπιστεῖν· ἔτι γὰρ καὶ νῦν τοὺς προσποιουμένους ἐκείνου μαθητὰς εἶναι μᾶλλον σιγῶντας θαυμάζουσιν ἢ τοὺς ἐπὶ τῷ λέγειν μεγίστην δόξαν ἔχοντας.

[30] Ἴσως ἂν οὖν τοῖς εἰρημένοις ἀπαντήσειας, ὅτι τὴν μὲν χώραν καὶ τοὺς νόμους καὶ τὴν εὐσέβειαν, ἔτι δὲ τὴν φιλοσοφίαν ἐπαινῶ τὴν Αἰγυπτίων, ὡς δὲ τούτων αἴτιος ἦν, ὃν ὑπεθέμην, οὐδεμίαν ἔχω λέγειν ἀπόδειξιν.

Ἐγὼ δ' εἰ μὲν ἄλλος τίς μοι τὸν τρόπον τοῦτον ἐπέπληττεν, ἡγούμην ἂν αὐτὸν πεπαιδευμένως ἐπιτιμᾶν· σοὶ δ' οὐ προσήκει ταύτην ποιεῖσθαι τὴν ἐπίληψιν. [31] Βουληθεὶς γὰρ Βούσιριν εὐλογεῖν προείλου λέγειν, ὡς τόν τε Νεῖλον περὶ τὴν χώραν περιέρρηξε καὶ τῶν ξένων τοὺς ἀφικνουμένους θύων κατήσθιεν· ὡς δὲ ταῦτ' ἐποίησεν οὐδεμίαν πίστιν εἴρηκας. Καίτοι πῶς οὐ καταγέλαστόν ἐστι ταῦτα παρὰ τῶν ἄλλων ἀπαιτεῖν, οἷς αὐτὸς μηδὲ κατὰ μικρὸν τυγχάνεις κεχρημένος; [32] Ἀλλὰ τοσούτῳ πλέον ἡμῶν ἀπέχεις τοῦ πιστὰ λέγειν, ὅσον ἐγὼ μὲν οὐδενὸς αὐτὸν αἰτιῶμαι τῶν ἀδυνάτων ἀλλὰ νόμων καὶ πολιτείας, αἵπερ εἰσὶ πράξεις τῶν ἀνδρῶν τῶν καλῶν κἀγαθῶν· σὺ δὲ τοιούτων δημιουργὸν ἀποφαίνεις, ὧν οὐδέτερον οὐδεὶς ἂν ἀνθρώπων ποιήσειεν, ἀλλὰ τὸ μὲν τῆς τῶν θηρίων ὠμότητος, τὸ δὲ τῆς τῶν θεῶν δυνάμεως ἔργον ἐστίν. [33] Ἔπειτ' εἰ καὶ τυγχάνομεν ἀμφότεροι ψευδῆ λέγοντες, ἀλλ' οὖν ἐγὼ μὲν κέχρημαι τούτοις τοῖς λόγοις, οἷσπερ χρὴ τοὺς ἐπαινοῦντας, σὺ δ' οἷς προσήκει τοὺς λοιδοροῦντας· ὥστ' οὐ μόνον τῆς ἀληθείας αὐτῶν ἀλλὰ καὶ τῆς ἰδέας ὅλης δι' ἧς εὐλογεῖν δεῖ, φαίνει διημαρτηκώς.

[34] Χωρὶς δὲ τούτων εἰ δεῖ τῶν σῶν ἀπαλλαγέντα τὸν ἐμὸν λόγον ἐξετάζειν, οὐδεὶς ἂν αὐτῷ δικαίως ἐπιπλήξειεν. Εἰ μὲν γὰρ ἄλλος τις ἦν φανερὸς ὁ ταῦτα πράξας, ἁγώ φημι γεγενῆσθαι δι' ἐκεῖνον, ὁμολογῶ λίαν εἶναι τολμηρός, εἰ περὶ ὧν ἅπαντες ἐπίστανται, [35] περὶ τούτων μεταπείθειν ἐπιχειρῶ. Νῦν δ' ἐν κοινῷ τῶν πραγμάτων ὄντων καὶ δοξάσαι δέον περὶ αὐτῶν, τίν' ἄν τις τῶν ἐκεῖ καθεστώτων ἐκ τῶν εἰκότων σκοπούμενος αἰτιώτερον εἶναι νομίσειεν ἢ τὸν ἐκ Ποσειδῶνος μὲν γεγονότα, πρὸς δὲ μητρὸς ἀπὸ Διὸς ὄντα, μεγίστην δὲ δύναμιν τῶν καθ' αὑτὸν κτησάμενον καὶ παρὰ τοῖς ἄλλοις ὀνομαστότατον γεγενημένον; Οὐ γὰρ δή που τοὺς ἁπάντων τούτων ἀπολελειμμένους προσήκει μᾶλλον ἢ κεῖνον τηλικούτων ἀγαθῶν εὑρετὰς γενέσθαι.

[36] Καὶ μὲν δὴ καὶ τοῖς χρόνοις ῥᾳδίως ἄν τις τοὺς λόγους τοὺς τῶν λοιδορούντων ἐκεῖνον ψευδεῖς ὄντας ἐπιδείξειεν. Οἱ γὰρ αὐτοὶ τῆς τε Βουσίριδος ξενοφονίας κατηγοροῦσι καί φασιν αὐτὸν ὑφ' Ἡρακλέους ἀποθανεῖν· [37] ὁμολογεῖται δὲ παρὰ πάντων τῶν λογοποιῶν Περσέως τοῦ Διὸς καὶ Δανάης Ἡρακλέα μὲν εἶναι τέτταρσι γενεαῖς νεώτερον, Βούσιριν δὲ πλέον ἢ διακοσίοις ἔτεσι πρεσβύτερον. Καίτοι τὸν βουλόμενον ἀπολύσασθαι τὴν ὑπὲρ ἐκείνου διαβολὴν πῶς οὐκ ἄτοπόν ἐστι ταύτην τὴν πίστιν παραλιπεῖν, τὴν οὕτως ἐναργῆ καὶ τηλικαύτην δύναμιν ἔχουσαν;

[38] Ἀλλὰ γὰρ οὐδέν σοι τῆς ἀληθείας ἐμέλησεν, ἀλλὰ ταῖς τῶν ποιητῶν βλασφημίαις ἐπηκολούθησας, οἳ δεινότερα μὲν πεποιηκότας καὶ πεπονθότας ἀποφαίνουσι τοὺς ἐκ τῶν ἀθανάτων γεγονότας ἢ τοὺς ἐκ τῶν ἀνθρώπων τῶν ἀνοσιωτάτων, τοιούτους δὲ λόγους περὶ αὐτῶν τῶν θεῶν εἰρήκασιν, οἵους οὐδεὶς ἂν περὶ τῶν ἐχθρῶν εἰπεῖν τολμήσειεν· οὐ γὰρ μόνον κλοπὰς καὶ μοιχείας καὶ παρ' ἀνθρώποις θητείας αὐτοῖς ὠνείδισαν, ἀλλὰ καὶ παίδων βρώσεις καὶ πατέρων ἐκτομὰς καὶ μητέρων δεσμοὺς καὶ πολλὰς ἄλλας ἀνομίας κατ' αὐτῶν ἐλογοποίησαν. [39] Ὑπὲρ ὧν τὴν μὲν ἀξίαν δίκην οὐκ ἔδοσαν, οὐ μὴν ἀτιμώρητοί γε διέφυγον, ἀλλ' οἱ μὲν αὐτῶν ἀλῆται καὶ τῶν καθ' ἡμέραν ἐνδεεῖς κατέστησαν, οἱ δ' ἐτυφλώθησαν, ἄλλος δὲ φεύγων τὴν πατρίδα καὶ τοῖς οἰκειοτάτοις πολεμῶν ἅπαντα τὸν χρόνον διετέλεσεν, Ὀρφεὺς δ' ὁ μάλιστα τούτων τῶν λόγων ἁψάμενος, διασπασθεὶς τὸν βίον ἐτελεύτησεν· ὥστ' ἢν σωφρονῶμεν, [40] οὐ μιμησόμεθα τοὺς λόγους τοὺς ἐκείνων, οὐδὲ περὶ μὲν τῆς πρὸς ἀλλήλους κακηγορίας νομοθετήσομεν, τῆς δ' εἰς τοὺς θεοὺς παρρησίας ὀλιγωρήσομεν, ἀλλὰ φυλαξόμεθα καὶ νομιοῦμεν ὁμοίως ἀσεβεῖν τούς τε λέγοντας τὰ τοιαῦτα καὶ τοὺς πιστεύοντας αὐτοῖς.

[41] Ἐγὼ μὲν οὖν οὐχ ὅπως τοὺς θεούς, ἀλλ' οὐδὲ τοὺς ἐξ ἐκείνων γεγονότας οὐδεμιᾶς ἡγοῦμαι κακίας μετασχεῖν, ἀλλ' αὐτούς τε πάσας ἔχοντας τὰς ἀρετὰς φῦναι καὶ τοῖς ἄλλοις τῶν καλλίστων ἐπιτηδευμάτων ἡγεμόνας καὶ διδασκάλους γεγενῆσθαι. Καὶ γὰρ ἄλογον, εἰ τῆς μὲν ἡμετέρας εὐπαιδίας εἰς τοὺς θεοὺς τὴν αἰτίαν ἀναφέρομεν, τῆς δὲ σφετέρας αὐτῶν μηδὲν αὐτοὺς φροντίζειν νομίζοιμεν. [42] Ἀλλ' εἰ μὲν ἡμῶν τις τῆς τῶν ἀνθρώπων φύσεως κατασταίη κύριος, οὐδ' ἂν τοὺς οἰκέτας ἐάσειεν εἶναι πονηρούς· ἐκείνων δὲ καταγιγνώσκομεν ὡς καὶ τοὺς ἐξ αὑτῶν γεγονότας περιεῖδον οὕτως ἀσεβεῖς καὶ παρανόμους ὄντας. Καὶ σὺ μὲν οἴει καὶ τοὺς μηδὲν προσήκοντας, ἤν σοι πλησιάσωσι, βελτίους ποιήσειν, τοὺς δὲ θεοὺς οὐδεμίαν ἡγεῖ τῆς τῶν παίδων ἀρετῆς ἔχειν ἐπιμέλειαν. [43] Καίτοι κατὰ τὸν σὸν λόγον δυοῖν τοῖν αἰσχίστοιν οὐ διαμαρτάνουσιν· εἰ μὲν γὰρ μηδὲν δέονται χρηστοὺς αὐτοὺς εἶναι, χείρους εἰσὶ τῶν ἀνθρώπων τὴν διάνοιαν, εἰ δὲ βούλονται μέν, ἀποροῦσι δ' ὅπως ποιήσωσιν, ἐλάττω τῶν σοφιστῶν τὴν δύναμιν ἔχουσιν.

[44] Πολλῶν δ' ἐνόντων εἰπεῖν ἐξ ὧν ἄν τις καὶ τὸν ἔπαινον καὶ τὴν ἀπολογίαν μηκύνειεν, οὐχ ἡγοῦμαι δεῖν μακρολογεῖν· οὐ γὰρ ἐπίδειξιν τοῖς ἄλλοις ποιούμενος, ἀλλ' ὑποδεῖξαί σοι βουλόμενος ὡς χρὴ τούτων ἑκάτερον ποιεῖν, διείλεγμαι περὶ αὐτῶν, ἐπεὶ τόν γε λόγον ὃν σὺ γέγραφας, οὐκ ἀπολογίαν ὑπὲρ Βουσίριδος, ἀλλ' ὁμολογίαν τῶν ἐπικαλουμένων δικαίως ἄν τις εἶναι νομίσειεν. [45] Οὐ γὰρ ἀπολύεις αὐτὸν τῶν αἰτιῶν, ἀλλ' ἀποφαίνεις ὡς καὶ τῶν ἄλλων τινὲς ταὐτὰ πεποιήκασι, ῥᾳθυμοτάτην τοῖς ἁμαρτάνουσιν εὑρίσκων καταφυγήν. Εἰ γὰρ τῶν μὲν ἀδικημάτων μὴ ῥᾴδιον εὑρεῖν ὃ μήπω τυγχάνει γεγενημένον, τοὺς δ' ἐφ' ἑκάστοις αὐτῶν ἁλισκομένους μηδὲν ἡγοίμεθα δεινὸν ποιεῖν, ὅταν ἕτεροι ταὐτὰ φαίνωνται διαπεπραγμένοι, πῶς οὐκ ἂν καὶ τὰς ἀπολογίας ἅπασι ῥᾳδίας ποιήσαιμεν, καὶ τοῖς βουλομένοις εἶναι πονηροῖς πολλὴν ἐξουσίαν παρασκευάσαιμεν;

[46] Μάλιστα δ' ἂν κατίδοις τὴν εὐήθειαν τῶν εἰρημένων ἐπὶ σαυτοῦ θεωρήσας. Ἐνθυμήθητι γάρ· εἰ μεγάλων καὶ δεινῶν αἰτιῶν περὶ σὲ γεγονυιῶν τοῦτόν τις τὸν τρόπον σοι συνείποι, πῶς ἂν διατεθείης; Ἐγὼ μὲν γὰρ οἶδ' ὅτι μᾶλλον ἂν αὐτὸν μισήσειας ἢ τοὺς κατηγοροῦντας. Καίτοι πῶς οὐκ αἰσχρὸν τοιαύτας ὑπὲρ τῶν ἄλλων ποιεῖσθαι τὰς ἀπολογίας, ἐφ' αἷς ὑπὲρ σαυτοῦ λεγομέναις μάλιστ' ἂν ὀργισθείης;

[47] Σκέψαι δὲ κἀκεῖνο καὶ δίελθε πρὸς αὑτόν. Εἴ τις τῶν σοι συνόντων ἐπαρθείη ποιεῖν ἃ σὺ τυγχάνεις εὐλογῶν, πῶς οὐκ ἂν ἀθλιώτατος εἴη καὶ τῶν νῦν ὄντων καὶ τῶν πώποτε γεγενημένων; Ἆρ' οὖν χρὴ τοιούτους λόγους γράφειν οἷς τοῦτο προσέσται μέγιστον ἀγαθόν, ἢν μηδένα πεῖσαι τῶν ἀκουσάντων δυνηθῶσιν;

[48] Ἀλλὰ γὰρ ἴσως ἂν εἴποις ὡς οὐδὲ σὲ τοῦτο παρέλαθεν, ἀλλ' ἐβουλήθης τοῖς φιλοσόφοις παράδειγμα καταλιπεῖν ὡς χρὴ περὶ τῶν αἰσχρῶν αἰτιῶν καὶ δυσχερῶν πραγμάτων ποιεῖσθαι τὰς ἀπολογίας. Ἀλλ' εἰ καὶ πρότερον ἠγνόεις, οἶμαί σοι νῦν γεγενῆσθαι φανερὸν ὅτι πολὺ θᾶττον ἄν τις σωθείη μηδὲν φθεγξάμενος ἢ τοῦτον τὸν τρόπον ἀπολογησάμενος. [49] Καὶ μὲν δὴ καὶ τοῦτο δῆλον, ὅτι τῆς φιλοσοφίας ἐπικήρως διακειμένης καὶ φθονουμένης διὰ τοὺς τοιούτους τῶν λόγων ἔτι μᾶλλον αὐτὴν μισήσουσιν.

Ἢν οὖν ἐμοὶ πείθῃ, μάλιστα μὲν οὐ ποιήσει τοῦ λοιποῦ πονηρὰς ὑποθέσεις, εἰ δὲ μή, τοιαῦτα ζητήσεις λέγειν ἐξ ὧν μήτ' αὐτὸς χείρων εἶναι δόξεις μήτε τοὺς μιμουμένους λυμανεῖ μήτε τὴν περὶ τοὺς λόγους παίδευσιν διαβαλεῖς.

[50] Καὶ μὴ θαυμάσῃς, εἰ νεώτερος ὢν καὶ μηδέν σοι προσήκων οὕτω προχείρως ἐπιχειρῶ σε νουθετεῖν· ἡγοῦμαι γὰρ οὐ τῶν πρεσβυτάτων οὐδὲ τῶν οἰκειοτάτων, ἀλλὰ τῶν πλεῖστ' εἰδότων καὶ βουλομένων ὠφελεῖν ἔργον εἶναι περὶ τῶν τοιούτων συμβουλεύειν.

XI. ÉLOGE DE BUSIRIS.

[1] 1. Polycrate, connaissant par des témoignages étrangers la modération de votre caractère, comme aussi le changement qui s'est opéré dans votre vie, et ayant, lu quelques-uns de vos discours, j'éprouverais la plus grande satisfaction à m'entretenir librement avec vous sur tout ce qui concerne l'art de renseignement, auquel vous êtes obligé de vous livrer (car je crois que c'est un devoir, pour tous ceux qui ont travaillé plus longtemps et avec plus de soin que les autres, d'offrir de leur propre mouvement le tribut de leur expérience à ceux qui sont malheureux sans l'avoir mérité et qui cherchent à se procurer des ressources à l'aide de la philosophie); [2] mais, puisque nous ne nous sommes jamais rencontrés, il faut attendre que quelque jour, nous trouvant dans le même lieu , nous puissions conférer à loisir sur un grand nombre de sujets. Quant aux choses qui peuvent vous être utiles présentement, j'ai cru convenable de vous les envoyer, en les dérobant, autant que possible, à des yeux étrangers. [3] Je sais qu'il est dans la nature de la plupart des hommes auxquels on adresse des avis, de ne pas considérer l'utilité qu'ils peuvent avoir, et de les écouter avec un sentiment d'irritation d'autant plus vif qu'on apporte plus de soin dans l'examen de leurs erreurs. Mais il ne faut pas craindre d'encourir ce genre d'animadversion, lorsqu'on est animé d'un véritable dévouement; on doit au contraire s'efforcer de rectifier l'opinion de ceux qui sont dans une telle disposition d'esprit à l'égard des hommes qui leur offrent des conseils.

[4] 2. M'étant donc aperçu que vous n'éprouviez pas moins d'orgueil pour l'apologie que vous avez faite de Busiris que pour l'accusation de Socrate, j'essayerai de rendre évident que, dans l'un comme dans l'autre de ces discours, vous vous êtes sensiblement écarté des devoirs de l'orateur. Personne n'ignore que, lorsqu'on veut écrire des éloges, on doit attribuer aux hommes qui en sont l'objet des avantages supérieurs à ceux qu'ils possèdent réellement, et que, lorsqu'il s'agit d'accuser, on doit faire le contraire : [5] or vous êtes si loin d'avoir suivi ce système, qu'après avoir promis de faire l'apologie de Busiris, non seulement vous ne l'affranchissez pas de l'accusation qui pèse sur lui, mais vous lui imputez un crime tellement énorme qu'il est impossible d'en imaginer un plus odieux. Ceux qui avaient entre pris de l'outrager lui avaient reproché d'immoler les étrangers qui arrivaient dans ses États, tandis que vous l'accusez de les avoir dévorés ; et lorsque , d'un autre côté, vous vous proposiez, d'accuser Socrate, vous lui avez donné pour disciple Alcibiade, comme si voire intention eût été de le louer. Or personne n'a jamais entendu dire qu'Alcibiade ait été formé à l'école de Socrate, bien que tout le monde s'accorde à le reconnaître comme ayant été de beaucoup supérieur aux autres hommes. [6] Par conséquent, si les morts pouvaient prononcer un jugement sur les choses que vous avez dites , Socrate éprouverait pour vous, à cause de votre accusation, la même reconnaissance que pour ceux qui avaient coutume de célébrer ses louanges; et Busiris, en supposant qu'il eut été le plus doux des mortels, ressentirait à votre égard une telle indignation qu'il n'existe pas de supplice auquel il ne voulut vous condamner. Comment l'homme qui inspire plus de reconnaissance et d'affection à ceux qu'il accable d'injures qu'à ceux qu'il comble de louanges, ne devrait-il pas rougir plutôt que de se glorifier ?

[7] 3. Vous avez attaché si peu de prix à n'articuler que des faits qui puissent s'accorder entre eux, que vous présentez Busiris comme s'étant fait l'émule de gloire d'Aeolus et d'Orphée, en même temps que vous démontrez que Busiris n'a donné aucune attention aux choses dont ils s'occupaient. Comment d'ailleurs pour rions-nous comparer les actions de Busiris à celles que l'on attribue à Aeolus ? Aeolus renvoyait dans leur patrie les étrangers que le hasard amenait dans ses États ; et Busiris, s'il faut s'en rapporter à ce que vous avez dit, les aurait dévorés, après les avoir immolés. [8] Comparerons-nous maintenant ses actions à celles d'Orphée ? Orphée ramenait les morts des enfers, et Busiris y précipitait des hommes vivants , avant le terme marqué par la destinée. De sorte que j'apprendrais avec plaisir quelle conduite Busiris aurait tenue, s'il eut méprisé ces grands hommes, puisqu'en admirant leur vertu, il a fait le contraire de ce qu'ils ont fait. Mais ce qu'il y a de plus étrange, c'est qu'après avoir étudié avec soin les généalogies, vous avez osé affirmer que Busiris s'était proposé pour modèles des hommes dont les pères n'étaient pas même nés de son temps.

[9] 4. Afin qu'on ne m'accuse pas de faire ce qu'il y a de plus facile, c'est-à-dire de blâmer ce qui a été dit par les autres sans rien offrir de moi-même, je vais essayer en peu de mots de traiter le même sujet, afin de vous montrer comment on doit faire un éloge ou présenter une apologie, encore que ce sujet soit peu digne d'intérêt, et qu'il manque de noblesse.

[10] 5. Relativement à la haute origine de Busiris, quel est celui qui ne pourrait en parler avec facilité? N'avait-il pas pour père Neptune, et pour mère Libye, fille d'Epaphus, qui lui-même était fils de Jupiter ; Libye, dont la tradition nous apprend qu'elle est la première entre toutes les femmes qui, ayant possédé un royaume, ait donné son nom au pays qu'elle gouvernait? Issu de si nobles aïeux, Busiris ne se borna pas à s'enorgueillir de son origine, mais il crut qu'il devait laisser un éternel monument de sa propre vertu.

[11] 6. Dédaignant le royaume qu'il avait reçu de sa mère, ne le trouvant pas en rapport avec la grandeur de son génie, et devenu maître d'une grande puissance après avoir vaincu un grand nombre de nations, il établit en Égypte le siège de sa royauté, jugeant que l'Égypte était préférable de beaucoup, non seulement aux contrées qu'il possédait, mais à toutes les contrées de la terre. [12] Il voyait que les autres pays n'étaient ni convenablement situés, ni placés sous un ciel favorable à l'ensemble des productions de la nature; que les uns étaient inondés par les pluies, les autres dévorés par l'ardeur du soleil; tandis que l'Égypte, placée sous le plus beau ciel de l'univers, pouvait offrir les productions les plus abondantes et les plus variées ; il la voyait couverte comme d'un rempart éternel par le Nil , [13] qui non seulement assure sa défense, mais lui garantit des moyens d'existence suffisants, car ce fleuve, impossible à forcer, difficile à attaquer, se prête avec facilité aux arrosements et à une foule de choses utiles pour ceux qui habitent l'intérieur du pays. Nous ajouterons encore que, pour la culture de la terre, le Nil donne aux habitants de l'Égypte une puissance presque divine, car Jupiter est, pour les autres pays, le dispensateur de l'humidité et de la sécheresse, tandis que, chez les Égyptiens, chacun est maître de se procurer soi-même l'une et l'autre. [14] Les Égyptiens sont parvenus à un tel degré de félicité que, par suite de la fécondité naturelle de la terre comme de la vaste étendue des plaines, ils jouissent des avantages d'un continent, en même temps que, par les facilités que leur offre le Nil pour exporter leur superflu et pour rapporter chez eux les productions qui leur manquent, ils habitent en quelque sorte une île; parce que le fleuve, entourant le pays comme d'un cercle et le parcourant tout entier, leur assure les bienfaits de cette double situation.

[15] 7. Busiris commença donc comme doivent commencer les hommes sages, puisqu'après s'être emparé de la plus belle contrée de l'univers, il assura l'existence de ses peuples. Il partagea ensuite les Égyptiens en diverses classes. Aux uns il confia les fonctions sacerdotales ; d'autres furent dirigés vers les arts; et il obligea les autres à prendre la profession des armes, persuadé que les nécessités, comme les superfluités de la vie, doivent être satisfaites par l'agriculture et par les arts, mais que leur plus sure garantie se trouve dans les soins donnés à ce qui concerne la guerre, et dans la piété envers les dieux.

[16] 8. Embrassant, dans sa pensée, toutes les conditions d'une parfaite administration des intérêts publics, Busiris ordonna que les mêmes soins fussent toujours confiés aux mêmes hommes. Il savait que ceux qui s'occupent de travaux divers ne peuvent exceller dans aucun genre, tandis que ceux qui s'attachent constamment aux mêmes objets finissent par les porter à la perfection. [17] Aussi trouverons-nous plus de supériorité chez les artisans égyptiens , relativement aux étrangers qui s'occupent des mêmes arts, que ceux-ci n'en ont sur les hommes qui ne les ont jamais étudiés. Quant à l'organisation qui maintient la royauté et tout le système politique, il existe chez eux un ordre si parfait, qu'entre tous les philosophes, ceux qui ont traité cette matière, et surtout les plus renommés, ont toujours loué le gouvernement de l'Égypte de préférence à toutes les constitutions, et que c'est en imitant une partie des institutions égyptiennes que les Lacédémoniens ont si fortement organisé la puissance de leur ville. [18] C'est de l'Égypte qu'ils ont tiré et la loi qui interdit à tout homme en état de porter les armes de s'absenter du pays sans la permission des magistrats , et l'usage des repas en commun, et les exercices gymnastiques , et la défense faite à tout citoyen manquant du nécessaire de s'exempter de ses devoirs publics pour s'appliquer à une autre profession que celle de la guerre et des armes. [19] Mais les Lacédémoniens ont si mal usé de ces sages institutions que tous, devenus soldats, ils regardent comme un droit de s'emparer par la violence de ce qui appartient aux autres ; tandis que les Égyptiens agissent comme des hommes qui, sans négliger ce qui est à eux, ne cherchent point à usurper une possession étrangère. On pourrait, d'après ce que je vais dire, apprécier la différence qui existe entre les deux gouvernements. [20] Si nous voulions tous imiter l'oisiveté et l'ambitieuse cupidité des Lacédémoniens, nous péririons à l'instant, et par la privation des nécessités de chaque jour, et par la guerre que nous nous ferions entre nous ; tandis que, si nous voulions, au contraire, nous servir des lois égyptiennes, et s'il convenait aux uns de se livrer au travail, aux autres de garantir les possessions des premiers, chacun, tout en restant maître de ce qui lui appartient, accomplirait sa vie au sein d'une félicité parfaite.

[21] 9. On pourrait encore avec raison attribuer à Busiris le soin que les Égyptiens apportent à l'étude de la sagesse. C'est lui qui a préparé pour les prêtres l'abondance dans le produit des sacrifices, la vertu dans la chasteté imposée par les lois, le loisir dans l'exemption des dangers de la guerre et des travaux de la paix ; [22] et c'est grâce à de si précieux avantages que les prêtres égyptiens ont découvert un art de guérir qui, se servant de remèdes toujours sans danger, et présentant la même sécurité que les aliments ordinaires, exerce une influence tellement salutaire que, d'un consentement unanime, les Égyptiens sont, de tous les peuples, ceux qui jouissent de la meilleure santé et chez qui la longévité est la plus grande, en même temps que leurs esprits sont disposés à l'étude de cette philosophie également capable d'établir des lois pour les empires et de pénétrer les secrets delà nature. [23] Ajoutons encore que les Égyptiens confiaient aux vieillards les emplois les plus importants, et qu'ils persuadaient aux jeunes gens de négliger les plaisirs pour s'adonner à l'étude de l'astrologie, de l'arithmétique et de la géométrie, sciences qui sont louées par les uns comme utiles pour s'élever à de nouvelles connaissances, et que d'autres s'efforcent de montrer comme ayant la plus grande influence pour arriver à la vertu.

[24] 10. Mais c'est principalement pour leur piété et pour le culte qu'ils rendent à la divinité qu'il est juste de louer et «l'admirer les Égyptiens. Tous ceux qui cherchent à obtenir, sous le rapport de la sagesse ou de toute autre vertu, une réputation supérieure à celle qu'ils méritent, nuisent à ceux qu'ils trompent ; ceux qui président aux choses saintes de manière à nous faire croire que les soins protecteurs de la divinité et les châtiments qu'elle inflige sont réglés avec une plus grande exactitude qu'ils ne le sont en réalité, contribuent puissamment à l'amélioration de la vie humaine;  [25] et nous devons aux sages qui ont su dès l'origine inspirer la crainte des châtiments immédiats, de ne pas vivre entre nous comme des animaux sauvages. Les Égyptiens traitent tout ce qui a rapport à la religion avec tant de sainteté et de majesté, que les serments religieux sont plus sacrés chez eux que chez les autres peuples; ils croient que chaque faute recevra immédiatement sa punition, et personne n'a la pensée que, cette faute échappant à la connaissance du temps présent, le châtiment en soit reporté sur les enfants des coupables. Ce n'est point au hasard que les Égyptiens se sont formé cette opinion, c'est parce que Busiris a établi parmi eux des pratiques de piété aussi variées que nombreuses ; c'est lui qui leur a fait une loi d'honorer et de révérer des animaux méprises parmi nous, non qu'il ignorât le peu de puissance de ces animaux, mais parce qu'il croyait devoir accoutumer les peuples à se conformer à toutes les prescriptions des magistrats, [27] en même temps qu'il voulait saisir dans les choses apparentes l'indication de leurs dispositions à l'égard de celles qui étaient cachées. Il était convaincu que ceux qui négligeaient les premières pourraient peut-être mépriser aussi celles qui avaient plus d'importance : tandis que ceux qui demeuraient en toutes choses fidèles observateurs de la loi donnaient la preuve que leur piété serait inébranlable.

[28] 11. Celui qui ne serait pas obligé de se hâter pourrait rappeler touchant la piété des Égyptiens beaucoup de choses admirables; et je ne suis ni le seul ni le premier qui l'ait remarquée. Beaucoup d'autres l'ont signalée, soit parmi ceux qui vivent, soit parmi ceux qui ont existé autrefois, et Pythagore de Samos est de ce nombre. Ayant été en Égypte et s'étant fait le disciple des Égyptiens, il apporta le premier chez les Grecs celte philosophie étrangère , et acquit une grande célébrité par l'étude de ce qui concerne les sacrifices et les cérémonies observées dans les temples; il pensait que, quand bien même il n'obtiendrait par ce moyen aucune autre faveur des dieux, il recueillerait au moins une grande renommée parmi les hommes. [29] C'est ce qui lui est arrivé : car il a tellement surpassé les philosophes de son temps par sa réputation que tous les jeunes gens désiraient être ses disciples , et que les vieillards éprouvaient plus de plaisir à voir leurs enfants fréquenter son école qu'à les voir occupés de soins domestiques. Il est impossible d'en douter, puisqu'encore aujourd'hui, alors même qu'ils se taisent, on admire ceux qui se donnent pour ses disciples, plus que ceux qui jouissent de la plus haute célébrité par leur éloquence.

[30] 12. Peut-être m'objecterez-vous que, dans les choses que j'ai dites, je loue le pays, les lois, la piété, la philosophie des Égyptiens , sans pouvoir établir la preuve que Busiris, à qui j'attribue tous ces biens, en ait été l'auteur.

13. Si un autre que vous m'adressait ce reproche, je pourrais croire qu'il s'appuie, pour me blâmer, sur une érudition véritable; mais une pareille supposition ne peut vous convenir. [31] Lorsque vous avez voulu louer Busiris, vous avez dit qu'il avait forcé le Nil à couler autour de l'Égypte, et qu'il dévorait, après les avoir immolés, les étrangers qui arrivaient dans ses États ; or vous n'avez donné aucune preuve de votre assertion. N'est-il pas ridicule d'exiger que les autres fassent pour vous ce dont vous n'avez pas inclue fait pour eux la plus petite partie? [32] Vous êtes d'ailleurs, comparativement à nous, d'autant plus loin d'avoir dit des choses digues de confiance que je n'ai rien attribué d'impossible à Busiris ; que je lui ai attribué dos lois, des institutions politiques, qui conviennent à des hommes distingués par leur caractère; tandis que vous le représentez comme l'auteur de deux actes qui ne peuvent appartenir à aucune créature humaine, puisque l'un est digne de la cruauté des bêtes féroces, et que l'autre exigerait la puissance des dieux. [33] De plus, en supposant même que, tous deux, nous eussions mis en avant des faits contraires à la vérité, du moins me suis-je servi d'expressions qui conviennent à ceux qui veulent donner des louanges , tandis que celles dont vous vous servez appartiennent aux hommes qui veulent flétrir par des injures; en sorte que non seulement vous vous êtes écarte de la vérité, mais vous avez entièrement manqué aux formes qu'il est convenable d'observer lorsqu'on fait un éloge.

[34] 14. Indépendamment de ces observations , et lors même que mon discours devrait être examiné sans le comparer avec le vôtre, personne encore ne pourrait le blâmer avec justice. S'il était constant qu'un autre eût été l'auteur des choses que j'attribue à Busiris, je conviens qu'il y aurait de ma part un excès de témérité à entreprendre de changer les convictions sur des faits connus de tout le monde. [35] Mais, quand ces faits sont livrés à l'investigation commune, et quand il faut, à leur égard, procéder par conjecture, à qui, en jugeant d'après les probabilités, pourrait-on attribuer les institutions fondées dans ce pays plutôt qu'au fils de Neptune, qui descend de Jupiter par sa mère, à l'homme enfin qui s'est créé une puissance supérieure à celle de tous les hommes de son temps, et qui a joui chez, les Grecs de la plus haute renommée ? Il est impossible de penser que ceux qui lui étaient inférieurs à tous ces titres aient été, plutôt que lui, les auteurs de si grands bienfaits.

[36] 15. Au reste, il est facile, par le rapprochement des époques, de montrer que les discours de ceux qui attaquent Busiris sont des discours mensongers. Les intimes hommes qui l'accusent du meurtre de ses hôtes prétendent qu'il est mort de la main d'Hercule. [37] Or il est reconnu par tous les historiens qu'Hercule est moins ancien de quatre générations que Persée, fils de Jupiter et de Danaé, et que Busiris vivait plus de deux siècles avant Persée. N'est-il donc pas étrange, lorsqu'on veut détruire l'accusation dirigée contre Busiris. de négliger une preuve si forte et si évidente ?

[38] 16. Mais, pour vous, loin de tenir compte de la vérité, vous vous êtes attaché aux calomnies inventées par les poètes, qui ont accusé les enfants des dieux d'avoir commis et supporté de plus grandes indignités que les enfants des hommes les plus impies, et qui ont employé à l'égard des dieux eux-mêmes des paroles telles qu'aucun homme n'oserait en proférer de semblables à l'égard de ses ennemis. Les poètes, en effet, ont accusé les dieux non seulement de larcin, d'adultère, de service mercenaire chez les hommes; ils les ont aussi représentés comme ayant mangé leurs enfants, mutilé leurs pères, enchaîné leurs mères, et s'étant rendus coupables d'une foule d'autres énormités. [39] Ils n'ont pas reçu des châtiments proportionnés à leurs crimes; mais du moins n'ont-ils pas entièrement échappé à la punition. Les uns ont été réduits à errer dans l'indigence, d'autres ont perdu la lumière des cieux ; un autre, exilé de sa patrie, a combattu jusqu'au terme de sa vie contre les hommes de son sang ; enfin le principal auteur de ces fictions impies, Orphée , a péri déchiré et mis en pièces. Par conséquent, si nous sommes sages, [40] nous n'imiterons pas leurs blasphèmes; et, quand nous faisons des lois pour empocher les calomnies réciproques entre les citoyens, nous ne tolérerons pas une telle insolence envers les dieux; nous veillerons sur nous-mêmes, nous considérerons comme également impies les auteurs de ces fables et ceux qui les croient.

17. Pour moi, je suis convaincu que non seulement les dieux, mais les fils des dieux, ne participent à aucune perversité; qu'ils sont, au contraire, dès leur naissance, possesseurs de toutes les vertus, et qu'ils donnent le précepte et l'exemple des mœurs les plus nobles et les plus pures. En effet, ce serait outrager la raison, lorsque nous attribuons à la protection des dieux les heureuses dispositions de nos enfants, de croire qu'ils ne mettent aucun soin à cultiver celles des leurs. [42] Quoi ! si quelqu'un de nous se trouvait établi maître de la nature, il ne permettrait pas que les esclaves mêmes fussent des hommes méchants; et nous condamnerions les dieux comme ayant toléré dans ceux à qui ils ont donné le jour, un tel excès d'impiété et de perversité ! Vous-même, vous avez l'intention de rendre plus vertueux, s'ils fréquentent votre école, des hommes qui ne vous appartiennent à aucun titre, et vous pourriez supposer que les dieux n'ont aucun soin de la vertu de leurs enfants ! [43] Mais, d'après votre jugement, les dieux ne pourraient échapper à l'une de ces deux accusations également flétrissantes : car, s'ils ne veulent pas que leurs fils soient des êtres vertueux, leurs sentiments sont au-dessous des sentiments des hommes, et, s'ils le veulent et qu'ils n'aient pas le pouvoir de le faire, ils ont moins de puissance que les sophistes.

[44] 18. Bien qu'il soit possible de dire beaucoup de choses qui ajouteraient à l'éloge et à l'apologie de Busiris, je ne crois pas devoir donner plus d'étendue à mon discours; mon but n'étant pas de faire ostentation d'éloquence, mais uniquement de vous montrer comment chacun de ces deux genres d'ouvrages doit être traité : car le discours que vous avez écrit pourrait avec justice être considéré, non comme l'apologie de Busiris, mais comme l'aveu des crimes qui lui sont imputés. [45] Au lieu de le disculper des accusations intentées contre lui, vous vous contentez de faire voir que d'autres ont fait des actes semblables, ouvrant ainsi au crime le refuge le plus facile. Et en effet, si, parmi les crimes, il est difficile d'en trouver un qui soit encore sans exemple, et si nous admettons que ceux qui ont été surpris dans des actes coupables n'ont rien fait qui doive exciter l'indignation du moment où il est reconnu que d'autres ont commis des fautes semblables, comment n'aurions-nous pas rendu les apologies faciles pour tous , et préparé aux hommes qui veulent être pervers la possibilité de le devenir ?

[46] 19. Vous reconnaîtriez surtout l'excessive simplicité de vos paroles, si vous vouliez faire un retour sur vous-même. Réfléchissez, et voyez dans quelle disposition d'esprit vous seriez si, étant accusé de faits graves et odieux, quelqu'un entreprenait de vous défendre en se servant du moyen que vous avez employé. Quant à moi, je sais qu'un pareil défenseur vous inspirerait plus de haine que vos accusateurs mêmes. Comment donc ne serait-il pas honteux de faire en faveur des autres des apologies telles que, si on les employait pour vous, elles vous inspireraient nécessairement l'irritation la plus vive ?

[47] 20. Examinez encore et réfléchissez en vous-même. Si quelqu'un de vos disciples, exalté par vos paroles, se laissait entraîner à faire des actes semblables à ceux que vous louez, ne serait-il pas le plus misérable des hommes, aussi bien de ceux qui existent que de ceux qui ont jamais existé? Faut-il donc composer des discours dont l'effet le plus heureux serait qu'ils ne pussent persuader aucun des auditeurs ?

[48] 21. Peut-être direz-vous que cette observation ne vous a pas échappé, mais que vous avez voulu laisser aux orateurs un exemple de la manière dont il faut défendre les causes honteuses et faire l'apologie des actes difficiles à justifier. Mais, en admettant que vous l'ayez, ignoré auparavant, je crois qu'il est aujourd'hui devenu évident pour vous qu'on serait bien plutôt préservé par le silence que par une apologie de cette nature. [49] De plus, il est évident que l'art oratoire, déjà faible et en butte à tant de jalousie, deviendrait, par de semblables discours , l'objet d'une haine encore plus vive.

22. Si donc vous voulez me croire, vous vous abstiendrez à l'avenir de traiter des sujets odieux, ou du moins vous essayerez de composer des ouvrages qui n'aient pas pour effet de nuire à votre réputation et à celle des hommes qui voudraient vous imiter, et de calomnier l'étude de l'éloquence.

[50] 23. Ne vous étonnez pas si, étant plus jeune que vous, et sans vous appartenir à aucun titre, je me permets avec tant de témérité de vous adresser des observations : je crois qu'il ne convient ni aux vieillards, ni à nos plus intimes amis, de donner des conseils sur de semblables sujets, mais que ce droit est le privilège de ceux qui réunissent à beaucoup de science la volonté d'être utiles.