VII. DISCOURS ARÉOPAGITIQUE. - Ἀρεοπαγιτικός
VIII. Discours sur la paix
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DISCOURS ARÉOPAGITIQUE.
ARGUMENT.
Le Discours aréopagitique est, comme le Discours panégyrique, le Discours à Philippe et la plupart des oeuvres d'Isocrate, un monument de son amour pour sa patrie, et en même temps une preuve de la conviction où il était qu'à cette époque elle marchait vers sa décadence par l'altération de ses anciennes institutions. Dans le Discours panégyrique, on le voit pénétré de la pensée que les divisions des Grecs, leurs jalousies et surtout la rivalité de Sparte et d'Athènes, doivent perdre la Grèce. Il aperçoit dans une guerre nationale, faite en commun contre les Barbares, un moyen de relever chez les Grecs le sentiment patriotique qui partout et toujours enfante des prodiges ; il s'efforce de persuader à sa patrie de réconcilier les Grecs entre eux, de renoncer à l'égard de Lacédémone à toute rivalité, excepté celle de la gloire, et d'entraîner la Grèce entière à la conquête de l'Asie sous la direction de Sparte et d'Athènes. Dans le Discours à Philippe, que quarante années séparent du Panégyrique, il voit ce prince au moment de subjuguer la Grèce par la puissance de sa politique et par sa supériorité dans l'art de diriger les armées; il offre à son ambition un but plus noble, plus grand, il l'engage à donner la paix aux Grecs, à les réconcilier entre eux et à devenir à la fois leur vengeur et leur bienfaiteur, en se plaçant à leur tête pour renverser l'empire du Grand Roi. Dans l'Aréopagitique, il reconnaît, sous les apparences d'une prospérité trompeuse, d'une sécurité sans garantie, un état réel d'affaiblissement, d'humiliation et de danger pour sa patrie; il en aperçoit la cause dans l'altération de l'ancienne forme de gouvernement fondée par Solon, dans l'abandon des moeurs antiques, et, en particulier, dans la diminution du pouvoir de l'Aréopage dont il demande que l'autorité soit rétablie dans sa force primitive.
Telle est la pensée et tel est le but du Discours aréopagitique. Et d'abord, on se demande si, dans l'état de dégradation morale où Athènes était tombée par le développement du pouvoir populaire, la puissance de l'Aréopage pouvait être assez grande pour faire revivre l'ancienne organisation politique où l'aristocratie, par ses vertus, exerçait une si heureuse influence; et lorsque ensuite on appesantit sa pensée sur le tableau que fait Isocrate de la corruption des moeurs chez les Athéniens, de l'affaiblissement du sentiment religieux, de l'altération des principes qui font l'honneur et la puissance des nations; quand on voit l'amour du luxe substitué à la simplicité des moeurs antiques, l'amour du repos à l'amour de la gloire, et l'égoïsme expulsant de tous les coeurs le dévouement à la patrie, on est forcé de reconnaître qu'Athènes était arrivée à une de ces positions dans lesquelles les peuples, fatalement entraînés vers l'anarchie, sont contraints de subir un pouvoir absolu, jusqu'au jour où ils deviennent la proie de la conquête. Mais il n'en est pas moins vrai qu'à chacune des trois époques que nous avons indiquées, Isocrate a signalé le seul moyen qui pût être employé pour sauver son pays, si son pays avait pu l'être. Isocrate prévoit d'abord un argument qu'il se hâte d'écarter. On pouvait lui représenter qu'il venait engager Athènes à pourvoir à son salut dans le présent, à sa sécurité dans l'avenir, lorsqu'elle jouissait d'une véritable tranquillité, d'une paix que rien ne semblait menacer, et quand sa puissance était si grande qu'il appartenait à ses ennemis de trembler plutôt qu'à elle : mais il établit que rien n'est stable dans les choses humaines ; que ceux qui se trouvent dans la prospérité, se croyant loin des dangers, les appellent par leur orgueil, par une confiance insensée qui leur fait négliger le soin de leurs affaires, tandis que les peuples que la fortune semble avoir abattus pour jamais, se relèvent par leur énergie, par le retour aux sentiments et aux vertus de leurs ancêtres, et renversent à leur tour ceux qui les avaient accablés. Il cite alors pour exemple Athènes et Lacédémone : Athènes qui, après avoir vaincu les Barbares et s'être placée à la tête de la Grèce, se trouva presque réduite en esclavage par les Lacédémoniens ; et les Lacédémoniens qui, après avoir été pendant un temps les maîtres de la Grèce, virent leur territoire envahi, Sparte elle-même insultée, et furent sauvés par Athènes d'une perte qui semblait inévitable.
Ce point une fois établi, il reproche aux Athéniens, avec une grande énergie, leur profonde indifférence pour les intérêts de leur pays ; il leur montre que le principal élément de la destinée des peuples est l'organisation politique ; il attribue les dangers de la patrie à l'état de dégradation morale où elle est tombée sous la démocratie nouvelle ; il ne voit de salut que dans le retour à l'ancienne forme de gouvernement, et, déclarant qu'il est monté à la tribune pour en proposer le rétablissement, il demande aux Athéniens leur attention tout entière pour le rapprochement qu'il va faire entre les deux démocraties, aussi diverses dans leurs effets qu'opposées par leurs principes.
Entrant alors en matière, il fait l'éloge des anciens Athéniens ; mais il ne le fait pas directement; il le fait, en quelque sorte, par opposition, il montre ce qu'ils n'étaient pas, et ce qu'ils n'étaient pas était précisément ce qu'il reproche d'être aux Athéniens de son époque. Il dit que leurs ancêtres n'avaient pas institué un gouvernement modéré et populaire seulement de nom ; que pour eux la liberté n'était pas le mépris des lois, et qu'au lieu d'accorder les mêmes droits aux bons et aux méchants, en livrant les emplois publics à des magistrats tirés au sort, ils choisissaient les hommes les plus dignes et les plus capables; que ceux-ci, ne considérant pas l'administration des intérêts publics comme un trafic, mais comme une charge, au lieu d'accroître leur fortune aux dépens de l'État, savaient la sacrifier, quand cela était nécessaire, pour le service du pays, afin de se rendre favorable le sentiment populaire.
Plaçant le culte de la divinité en tète de tous les devoirs, il loue la piété des anciens Athéniens ; il trouve la preuve de cette piété dans leur fidélité aux rites qui leur avaient été transmis par leurs ancêtres, et il voit sa récompense dans la régularité avec laquelle les bienfaits des saisons se produisaient pour eux.
Il fait ensuite le tableau de l'harmonie qui existait, sous l'ancienne république, entre les Athéniens unis pour leurs intérêts personnels, comme pour l'intérêt du pays : il montre la générosité des riches envers ceux qui étaient dans l'indigence, et le dévouement de ceux-ci pour leurs bienfaiteurs ; il montre enfin les pauvres sans jalousie à l'égard de l'opulence, les riches sans mépris pour la pauvreté ; la propriété rendue commune à tous par les capitaux que les riches confiaient aux pauvres, par les terres qu'ils leur donnaient à cultiver, par les travaux auxquels ils les employaient.
Après avoir signalé ces résultats, Isocrate en aperçoit la cause dans l'usage des anciens Athéniens d'entourer les jeunes gens de plus de soin dans leur virilité que dans leur enfance ; il la voit dans la mission qu'ils avaient donnée à l'Aréopage de veiller au maintien des moeurs ; il la voit surtout dans la composition de ce sénat, où nul ne pouvait être admis s'il n'était né dans un rang distingué, et si, dans le cours de sa vie, il n'avait pas donné des preuves d'une haute vertu. Mais, afin de ne pas blesser l'Aréopage actuel et de soutenir, cependant, tout ce qu'il a avancé, il se hâte de déclarer que si aujourd'hui le choix des membres de l'Aréopage n'est l'objet d'aucun soin particulier, ceux qui, à cause de leur conduite, n'étaient pas dignes d'y entrer, dès qu'ils y sont parvenus renoncent à la perversité de leurs moeurs, sous l'influence de leur haute position.
Insistant avec force sur la nécessité où se trouvent les Athéniens de multiplier les lois pour mettre un frein à la multitude des crimes, il aperçoit encore dans cette circonstance une marque de l'état de dégradation où est tombée la république, et il établit en principe que ce sont les moeurs et non les lois qui font la prospérité des empires ; il montre qu'autrefois les Athéniens, moins occupés de punir les crimes que de les prévenir, s'attachaient principalement à élever les jeunes gens dans l'habitude des moeurs honnêtes, et à régler leur éducation en raison de leur rang et de leur fortune. Il les montre pleins de décence et de modestie, n'osant jamais contester avec les vieillards, et fuyant les maisons de jeu, les sociétés licencieuses, où la jeunesse de son temps consumait ses plus belles années. Mais, pour qu'on ne lui reproche pas d'être défavorablement disposé à l'égard des jeunes gens, il déclare que ce n'est pas à eux qu'il impute les désordres auxquels ils se livrent, mais à ceux qui ont gouverné dans les temps qui ont précédé son époque, et qui ont anéanti l'autorité de l'Aréopage.
Il fait ensuite le tableau du bonheur d'Athènes, de sa sécurité au-dedans, du respect qu'elle inspirait au dehors, de l'absence de tout désordre, comme de toute pauvreté, lorsque le sénat de l'Aréopage était chargé du maintien des moeurs ; et il accuse avec énergie le luxe mêlé de misère qui fait la honte de son temps. Prévoyant toutefois qu'on essayera de le présenter comme cherchant à soumettre son pays au pouvoir oligarchique, il repousse ce reproche en faisant observer que, loin de proposer d'abandonner le gouvernement à des hommes semblables à ceux par lesquels la démocratie a été détruite, il demande au contraire le rétablissement d'un système qui exerçait une action salutaire sur tous les intérêts sociaux, et qui a été pour Athènes et pour la Grèce la cause des plus grandes prospérités.
Isocrate rappelle encore qu'il a constamment déversé le blâme sur les oligarchies et loué les démocraties ; il dit que même la démocratie telle qu'elle existait de son temps, s'il fallait la comparer au gouvernement des Trente, lui semblerait un présent des dieux, et alors, pour détourner l'objection que le gouvernement qu'il prétend rétablir était une démocratie plus aristocratique que populaire, il rapproche les résultats des deux gouvernements et prend pour point de départ la bataille d'Aegos-Potamos ; il oppose la lâcheté des fauteurs de l'oligarchie, qui se courbaient sous l'esclavage de Sparte, à la noble détermination des hommes populaires, qui s'exilaient plutôt que de se soumettre, et qui, les armes à la main, rentraient dans leur patrie ; il oppose à la barbarie de ceux qui ont fait périr quinze cents citoyens sans jugement, la modération du peuple, qui laisse ses ennemis jouir, après sa victoire, de la protection des lois ; et il termine ce tableau par ce qu'il appelle avec raison le plus beau témoignage de la générosité du peuple, en rappelant la loi Épobélia par laquelle il décida que la dette contractée envers Lacédémone sous le gouvernement des Trente, serait payée en commun par tous les citoyens.
Il a, dit- il, rappelé ces faits, afin de prouver qu'il ne veut ni oligarchies, ni privilèges, mais que les démocraties sagement organisées doivent être préférées à tous les autres gouvernements ; et comme on lui demandera peut-être pourquoi, changeant de pensée, il exalte la démocratie après avoir blâmé avec tant d'amertume l'ordre de choses établi, il répond que, de même qu'il blâme dans les positions privées ceux qui, étant nés de parents loyaux et honnêtes, ont seulement un peu plus de probité que les autres ; de même, il croit que les citoyens d'Athènes ne doivent pas s'enorgueillir parce qu'ils sont plus fidèles aux lois que les insensés et les furieux.
Après avoir établi que les systèmes semblables doivent donner des résultats de même nature, l'orateur annonce qu'il va rapprocher les principales conséquences des deux organisations politiques dont il a fait le tableau ; plaçant en première ligne les dispositions des Grecs et des Barbares, il rappelle que les Grecs avaient une telle confiance dans l'ancienne république qu'ils se rangeaient volontairement sous l'autorité d'Athènes, et que les Barbares, au contraire, redoutaient tellement sa puissance que leurs vaisseaux n'osaient pas même se présenter en deçà de Phasélis, ni leurs armées au delà du neuve Halys ; tandis qu'aujourd'hui les Grecs poursuivent Athènes de leur inimitié, et le Barbare la poursuit de ses mépris.
Il ajoute encore que, sous l'ancienne république, les Athéniens vivaient entre eux dans la plus constante harmonie, et, les armes à la main, triomphaient de leurs ennemis ; tandis que, sous le système actuel, ils se dressent mutuellement des embûches ; et que, pour ce qui touche à la guerre, ils en ont entièrement perdu l'usage.
De même que relativement aux autres discours d'Isocrate, rien n'indique l'époque précise à laquelle l'Aréopagitique a été composé ; et l'on est obligé de recourir à des conjectures pour la fixer d'une manière plus ou moins approximative.
Voici ce que l'on trouve de plus positif à cet égard : Isocrate parle dans l'Aréopagitique des secours donnés à Lacédémone, par les Athéniens, après la bataille de Leuctres ; cette bataille a été livrée 371 ans avant J.-C. ; l'Aréopagitique est donc postérieur à l'année 371 avant J.-C.
Wolf, d'après diverses considérations appuyées en général sur des circonstances qu'Isocrate n'a pas rappelées, pense qu'on pourrait placer l'époque où l'Aréopagitique a été composé vers l'an 308 avant J.-C, et nous croyons pouvoir nous rattacher à cette opinion.
Ainsi Isocrate aurait composé l'Aréopagitique à soixante-huit ans.
SOMMAIRE.
1. Bien que la république semble placée en ce moment dans les conditions les plus prospères, à cause de la paix dont elle jouit, et à cause de sa puissance, néanmoins son salut (beaucoup d'entre vous s'en étonneront) fera le sujet de ce discours. — 2. La confiance que vous avez dans vos forces m'inspire des craintes pour vous, lorsque surtout les exemples des Lacédémoniens et les nôtres nous montrent que l'aberration et la licence sont les compagnes ordinaires de la puissance et des richesses, tandis que la modération et la prudence marchent, pour ainsi dire, de conserve avec la faiblesse et la pauvreté. — 3. Une administration active et vigilante nous avait placés à la tête de la Grèce, et, par suite d'une trop grande confiance dans nos forces, nous avons avec peine échappé à la servitude; le même changement s'est, pour ainsi dire, produit chez les Lacédémoniens. Par conséquent, se confier dans sa fortune présente, est un acte insensé. — 4. Après avoir perdu les villes de la Thrace, après avoir dépensé plus de mille talents pour payer des soldats, en butte aux soupçons des Grecs, devenus les ennemis du Barbare, dépouillés de vos alliés, vous avez déjà deux fois, comme si la fortune vous eût été favorable, décrété des supplications et des actions de grâces ; de sorte que vous ne vous apercevez pas du désordi e dans lequel notre patrie est plongée, ou que du moins vous ne paraissez en avoir aucun souci. — 5. Notre organisation politique est la cause de ces résultats ; et en effet, l'organisation politique a, pour une ville, la même puissance que la force de l'intelligence a pour l'homme ; c'est elle qui, donnant la vie aux délibérations dans toutes les circonstances, assure les prospérités, écarte les malheurs. La nôtre est profondément altérée, nous la blâmons dans nos paroles, et cependant nous la préférons en réalité à celle que avons reçue de nos ancêtres. — 6. Nous n'avons qu'un seul moyen d'éviter les périls qui nous menacent dans l'avenir et d'écarter ceux du présent, c'est de répudier la démocratie actuelle et de revenir à celle que Solon a constituée, que Clisthène a rétablie, et qui est telle qu'il ne nous serait pas possible d'en trouver une plus populaire et plus utile au pays. — 7. J'essayerai de vous présenter dans le moins de mots possible le tableau de l'une et de l'autre, c'est-à-dire, de celle qui nous régit aujourd'hui et de celle des temps anciens. — 8. Celle-ci n'apprenait point aux citoyens à placer la démocratie dans l'insolence, la liberté dans le mépris des lois, l'égalité dans l'audace de tout dire, le bonheur dans la faculté de tout faire : mais elle rendait les citoyens plus modestes et plus vertueux, en introduisant parmi eux l'égalité qui punit et récompense chacun selon son mérite ; elle n'appelait pas indistinctement tous les citoyens à prendre part à la désignation des magistrats par la voie du sort, mais elle choisisse les plus capables et les plus propres pour chaque emploi. — 9. Le pouvoir souverain résidait dans le peuple, et les citoyens les plus riches administraient les affaires de la république comme leur propre fortune. S'ils les administraient bien, ils se contentaient pour toute récompense d'être loués par leurs concitoyens: s'ils les administraient mal, ils étaient punis conformément à la justice; et de là il résultait que les magistratures n'étaient point un objet de luttes et d'intrigues comme elles le sont aujourd'hui, et que le peuple était satisfait. — 10. De même que la république était sagement ordonnée dans son ensemble, de même le plus grand ordre apparaissait dans les rapports journaliers des citoyens entre eux. — 11. Ils n'honoraient pas les dieux au hasard et avec une sorte de désordre, mais, de même qu'ils rendaient aux dieux des hommages sincères, de même ils étaient favorablement accueillis par eux. — 12 Ils avaient les uns pour les autres des sentiments analogues à ceux qui les animaient relativement aux dieux. Les pauvres ne donnaient pas moins de soin aux intérêts des familles opulentes qu'à leurs propres intérêts, et les plus riches, se reposant sur l'équité des magistrats pour la sécurité de leurs possessions, secouraient les pauvres dans leurs nécessités. — 13. Quoique j'aie déjà indiqué la cause de cette vie si tranquille à l'intérieur et de ce gouvernement si glorieux au dehors, afin qu'on ne m'accuse pas d'omission à cet égard, j'essayerai de m'expliquer d'une manière plus claire et plus complète encore. — 14. Nos ancêtres, qui prenaient un soin plus grand des hommes faits que de l'enfance, avaient confié au sénat de l'Aréopage la censure des moeurs; ce conseil, ne recevant dans son sein que les hommes les plus remarquables par leur vertu et la pureté de leurs moeurs, l'emportait, par la considération dont il jouissait, sur tous les conseils de la Grèce. — 15. On peut chercher le témoignage de ce que je viens d'avancer dans ce qui arrive de nos jours. Tous ceux qui sont élevés au conseil de l'Aréopage, lors même que, sous divers rapports, ils se sont montrés moins recommandables qu'ils n'auraient dû l'être, n'osent plus s'abandonner aux instincts de leur nature, et adoptent les moeurs qui sont consacrées dans cette enceinte. — 16. Nos ancêtres, ayant jugé que l'intégrité des moeurs ne dépendait ni du nombre des lois, ni de l'habileté avec laquelle elles étaient rédigées, ne croyaient pas devoir en couvrir leurs portiques ; ils préféraient ennoblir les âmes par le sentiment de la justice, et, au lieu de chercher de quelle manière il fallait punir les citoyens qui commettaient des fautes contre les moeurs, ils mettaient tous leurs soins à empêcher qu'ils méritassent d'être punis, convaincus que les hommes dont l'éducation n'a pas été réglée d'après des principes sages, transgressent les lois, même les meilleures, tandis que ceux qui ont été élevés d'une manière convenable, ne négligent pas de se conformer même à celles qui sont défectueuses. — 17. Bien que leurs soins s'étendissent à tous les âges, ils surveillaient les jeunes gens d'une manière plus spéciale, comme étant agités de passions plus turbulentes, de désirs plus ardents et plus nombreux : ils les dirigeaient, chacun selon ses facultés, vers les études honnêtes, eu les accoutumant à des travaux qui ne fussent pas dépourvus d'agrément, parce qu'ils regardaient la paresse comme la mère de l'indigence, l'indigence comme l'instigatrice de tous les crimes. — 18. Enfin, pour ne négliger aucune époque de la vie, après avoir distribué la ville en tribus, les campagnes en dèmes ou cantons, ils tenaient note de la conduite de chaque citoyen et traduisaient devant l'Aréopage ceux qui commettaient des fautes contre la décence ; l'Aréopage avertissait les uns, menaçait les autres, et sévissait contre ceux qui avaient mérité d'être punis; ils pensaient que la vigilance seule ne suffit pas et que le secours du châtiment est nécessaire ; de là il résultait que la manière de vivre des jeunes gens était alors entièrement différente de ce qu'elle est aujourd hui, et qu'elle était ce quelle devait être. — 19. Que si je blâme la conduite de la jeunesse actuelle, il faut qu'elle sache que je ne suis pas irrité contre elle, mais contre ceux qui, peu de temps avant nous, administraient la république, et qui ont détruit l'autorité de l'Aréopage.— 20. Sous l'autorité de ce conseil, la république jouissait au dedans et au dehors d'un véritable repos, elle était fidèle aux Grecs, en même temps que redoutée des Barbares : les citoyens, tranquilles et heureux dans les campagnes, vivaient d'une vie modeste à la ville; l'éclat d'un faste insolent n'était pas pour eux la mesure du bonheur, mais ils le plaçaient dans une abondance des choses nécessaires à la vie, telle qu'aucun citoyen n'était dans le besoin : aujourd'hui, avec le système d'administration qui nous régit, beaucoup de choses sont en opposition avec elles-mêmes, et deviennent un sujet de honte pour la république. — 21. Rien de semblable ne se produisait sous l'autorité de l'Aréopage ; il faisait cesser la misère des pauvres, mettait un frein à l'avarice des magistrats, forçait la jeunesse à la tempérance, éloignait la cupidité du coeur des citoyens, ranimait l'engourdissement de la vieillesse, prenait en un mot le soin le plus diligent de tous les intérêts. — 22. On comprend aisément, d'après ce que j'ai dit, que l'Aréopage donnait la même attention à toutes les choses que j'ai pu omettre. — 23. Quelques personnes m'ont représenté que jamais vous ne consentiriez à la proposition que je suis venu vous faire, et qu'entraînés par l'habitude, vous seriez toujours disposés à préférer l'état actuel à une république mieux organisée et plus prospère; qu'ainsi, perdant mes efforts, je n'obtiendrais d'autre résultat que de me rendre odieux au peuple et de paraître désirer l'établissement de l'oligarchie. — 24. A cela je répondrai que je ne viens pas faire l'éloge d'un système de gouvernement nouveau et ignoré, mais d'un système connu, qui a son origine dans le pays, qui a produit une foule d'avantages pour notre république comme pour le reste des Grecs; que je blâme toute domination injuste, en même temps que je loue l'égalité véritable et une démocratie coordonnée avec tant de sagesse, que ceux qui ont vécu sous son empire ont toujours été les plus heureux des hommes. — 25. Je dis de plus qu'une démocratie, même défectueuse et telle que nous la possédons maintenant, est infiniment préférable à l'oligarchie. — 26. J'exposerai en peu de mots la différence qui les sépare, quoique ce point puisse paraître étranger à mon sujet, parce que je ne veux pas signaler les défauts de notre démocratie et passer ses avantages sous silence. — 27. Après le désastre d'Aegos-Potamos, les hommes qui soutenaient la démocratie étaient disposés à tout souffrir pour le maintien de la liberté : les partisans de l'oligarchie acceptaient, au contraire, le joug de la servitude. 'Pendant tout le temps que la démocratie a fleuri, nous avons mis des garnisons dans les citadelles étrangères ; sous le gouvernement des Trente, les ennemis ont occupé la nôtre. L'oligarchie nous a enlevé la suprématie sur la Grèce, la démocratie nous l'a rendue. La démocratie a orné la ville d'édifices sacrés et profanes, l'oligarchie les a négligés, spoliés et détruits. L'oligarchie a mis à mort, elle a envoyé en exil un nombre immense de citoyens : la démocratie a traité les citoyens avec humanité et douceur. — 28. La démocratie a donné la preuve la plus grande et la plus noble de douceur et d'équité en ordonnant, lorsque la ville fut rentrée dans sa position normale, que les sommes empruntées aux Lacédémoniens pour assiéger les hommes du parti populaire, seraient payées en commun ; d'où il est résulté une telle concorde entre les citoyens, que les Lacédémoniens qui, sous l'oligarchie, nous donnaient des ordres, ont imploré, sous la démocratie, notre secours contre les Thébains. — 29. Tout ce que je viens de dire a pour objet de constater, d'abord que je ne suis pas un fauteur de l'oligarchie ; et, en second lieu, que la démocratie, même alors qu'elle est mal constituée, est de beaucoup préférable à l'oligarchie. — 30. Si quelqu'un s'étonnait et demandait pourquoi je voudrais substituer une autre organisation à celle qui a produit de si nombreux et de si grands résultats, et pourquoi j'approuve maintenant ce que j'ai blâmé dans d'autres occasions; — 31. Qu'il sache que la forme de république que nous avons aujourd'hui peut être préférable pour d'autres peuples ; mais que, relativement à nous qui sommes issus des plus illustres ancêtres, elle mérite d'être fortement blâmée ; de même que je loue bien moins que je ne blâme ceux qui, étant nés de parents pleins d'intégrité et de vertu, se contentent d'être un peu moins vicieux que les hommes les plus pervers. — 32. Nous ajouterons encore que notre terre a le privilège d'engendrer et de nourrir des hommes non seulement remplis d'habileté pour les arts et de sagesse pour les affaires, mais remarquables par leur valeur et par toutes les autres vertus, comme le montrent assez les combats qu'ils ont livrés dans les temps anciens.— 33. Au reste, cette observation est moins à notre honneur qu'à notre honte, puisque, par notre lâcheté et les indignités de notre conduite, nous flétrissons la noblesse de notre origine. J'en ai dit assez à cet égard, et je ne veux pas m'écarter plus loin de mon sujet. -- 34, J'ajouterai uniquement quelques mots sur les choses que j'ai établies en commençant, et je céderai la tribune à ceux qui voudront y monter -- 35. Si, à l'avenir, nous gouvernons la république comme nous la gouvernons aujourd'hui, il sera presque impossible que nous obtenions des résultats heureux ; mais si nous la ramenons à son organisation primitive, il est certain que nos affaires se replaceront dans la position où elles ont été du temps de nos ancêtres. — 36. Pour mettre cette vérité en évidence, il suffit de comparer entre eux les résultats des deux systèmes d'administration, celui de nos ancêtres et le nôtre. Voyons d'abord de quelle manière les Grecs et les Barbares étaient disposés à l'égard de l'ancienne république, et de quels sentiments ils sont animés aujourd'hui relativement à nous. — 37. Les Grecs alors avaient en nous une telle confiance qu'un grand nombre remettaient spontanément leurs intérêts entre nos mains, tandis que les Barbares nous redoutaient ; maintenant les uns nous haïssent et les autres nous méprisent. — 38. Il faut ajouter aussi que, conservant chez eux la tranquillité et la paix, nos ancêtres ont repoussé victorieusement tous ceux qui ont osé envahir l'Attique; que nous, au contraire, nous nous provoquons mutuellement chaque jour, nous négligeons complètement ce qui a rapport à la guerre, et, demandant des secours au premier qui se présente, nous couvrons notre ville d'opprobre, nous sommes dans la misère et nous perdons la république. — 39. Je suis monté à la tribune dans l'espoir que, délivrés de tous ces maux, nous deviendrions une cause de salut, non seulement pour notre ville, mais pour la Grèce entière. C'est à vous qu'il appartient désormais de prononcer dans l'intérêt de la république. (Lange.)
Ἀρεοπαγιτικός
[1] Πολλοὺς ὑμῶν οἶμαι θαυμάζειν ἥντινά ποτε γνώμην ἔχων περὶ σωτηρίας τὴν πρόσοδον ἐποιησάμην, ὥσπερ τῆς πόλεως ἐν κινδύνοις οὔσης ἢ σφαλερῶς αὐτῇ τῶν πραγμάτων καθεστηκότων, ἀλλ᾽ οὐ πλείους μὲν τριήρεις ἢ διακοσίας κεκτημένης, εἰρήνην δὲ καὶ τὰ περὶ τὴν χώραν ἀγούσης, καὶ τῶν κατὰ θάλατταν ἀρχούσης, [2] ἔτι δὲ συμμάχους ἐχούσης πολλοὺς μὲν τοὺς ἑτοίμως ἡμῖν, ἤν τι δέῃ, βοηθήσοντας, πολὺ δὲ πλείους τοὺς τὰς συντάξεις ὑποτελοῦντας καὶ τὸ προσταττόμενον ποιοῦντας· ὧν ὑπαρχόντων ἡμᾶς μὲν ἄν τις φήσειεν ἐικὸς εἶναι θαρρεῖν ὡς πόρρω τῶν κινδύνων ὄντας, τοῖς δ᾽ ἐχθροῖς τοῖς ἡμετέροις προσήκειν δεδιέναι καὶ βουλεύεσθαι περὶ τῆς αὑτῶν σωτηρίας. [3] Ὑμεῖς μὲν οὖν οἶδ᾽ ὅτι τούτῳ χρώμενοι τῷ λογισμῷ καὶ τῆς ἐμῆς προσόδου καταφθονεῖτε, καὶ πᾶσαν ἐλπίζετε τὴν Ἑλλάδα ταύτῃ τῇ δυνάμει κατασχήσειν· ἐγὼ δὲ δι᾽ αὐτὰ ταῦτα τυγχάνω δεδιώς. Ὁρῶ γὰρ τῶν πόλεων τὰς ἄριστα πράττειν οἰομένας κάκιστα βουλευομένας καὶ τὰς μάλιστα θαρρούσας εἰς πλείστους κινδύνους καθισταμένας. Αἴτιον δὲ τούτων ἐστίν, [4] ὅτι τῶν ἀγαθῶν καὶ τῶν κακῶν οὐδὲν αὐτὸ καθ᾽ αὑτὸ παραγίγνεται τοῖς ἀνθρώποις, ἀλλὰ συντέτακται καὶ συνακολουθεῖ τοῖς μὲν πλούτοις καὶ ταῖς δυναστείαις ἄνοια καὶ μετὰ ταύτης ἀκολασία, ταῖς δ᾽ ἐνδείαις καὶ ταῖς ταπεινότησι σωφροσύνη καὶ πολλὴ μετριότης, [5] ὥστε χαλεπὸν εἶναι διαγνῶναι ποτέραν ἄν τις δέξαιτο τῶν μερίδων τούτων τοῖς παισὶ τοῖς αὑτοῦ καταλιπεῖν. Ἴδοιμεν γὰρ ἂν ἐκ μὲν τῆς φαυλοτέρας εἶναι δοκούσης ἐπὶ τὸ βέλτιον ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τὰς πράξεις ἐπιδιδούσας, ἐκ δὲ τῆς κρείττονος φαινομένης ἐπὶ τὸ χεῖρον εἰθισμένας μεταπίπτειν. [6] Καὶ τούτων ἐνεγκεῖν ἔχω παραδείγματα πλεῖστα μὲν ἐκ τῶν ἰδιωτικῶν πραγμάτων, πυκνοτάτας γὰρ ταῦτα λαμβάνει τὰς μεταβολάς, οὐ μὴν ἀλλὰ μείζω γε καὶ φανερώτερα τοῖς ἀκούουσιν ἐκ τῶν ἡμῖν καὶ Λακεδαιμονίοις συμβάντων. Ἡμεῖς τε γὰρ ἀναστάτου μὲν τῆς πόλεως ὑπὸ τῶν βαρβάρων γεγενημένης διὰ τὸ δεδιέναι καὶ προσέχειν τὸν νοῦν τοῖς πράγμασιν ἐπρωτεύσαμεν τῶν Ἑλλήνων, ἐπειδὴ δ᾽ ἀνυπέρβλητον ᾠήθημεν τὴν δύναμιν ἔχειν, παρὰ μικρὸν ἤλθομεν ἐξανδραποδισθῆναι· [7] Λακεδαιμόνιοί τε τὸ μὲν παλαιὸν ἐκ φαύλων καὶ ταπεινῶν πόλεων ὁρμηθέντες διὰ τὸ σωφρόνως ζῆν καὶ στρατιωτικῶς κατέσχον Πελοπόννησον, μετὰ δὲ ταῦτα μεῖζον φρονήσαντες τοῦ δέοντος, καὶ λαβόντες καὶ τὴν κατὰ γῆν καὶ τὴν κατὰ θάλατταν ἀρχήν, εἰς τοὺς αὐτοὺς κινδύνους κατέστησαν ἡμῖν. [8] Ὅστις οὖν εἰδὼς τοσαύτας μεταβολὰς γεγενημένας καὶ τηλικαύτας δυνάμεις οὕτω ταχέως ἀναιρεθείσας πιστεύει τοῖς παροῦσι, λίαν ἀνόητός ἐστιν, ἄλλως τε καὶ τῆς μὲν πόλεως ἡμῶν πολὺ καταδεέστερον νῦν πραττούσης ἢ κατ᾽ ἐκεῖνον τὸν χρόνον, τοῦ δὲ μίσους τοῦ τῶν Ἑλλήνων καὶ τῆς ἔχθρας τῆς πρὸς βασιλέα πάλιν ἀνακεκαινισμένης, ἃ τότε κατεπολέμησεν ἡμᾶς. [9] Ἀπορῶ δὲ πότερον ὑπολάβω μηδὲν μέλειν ὑμῖν τῶν κοινῶν πραγμάτων ἢ φροντίζειν μὲν αὐτῶν, εἰς τοῦτο δ᾽ ἀναισθησίας ἥκειν ὥστε λανθάνειν ὑμᾶς εἰς ὅσην ταραχὴν ἡ πόλις καθέστηκεν. Ἐοίκατε γὰρ οὕτω διακειμένοις ἀνθρώποις, οἵτινες ἁπάσας μὲν τὰς πόλεις τὰς ἐπὶ Θρᾴκης ἀπολωλεκότες, πλείω δ᾽ ἢ χίλια τάλαντα μάτην εἰς τοὺς ξένους ἀνηλωκότες, [10] πρὸς δὲ τοὺς Ἕλληνας διαβεβλημένοι καὶ τῷ βαρβάρῳ πολέμιοι γεγονότες, ἔτι δὲ τοὺς μὲν Θηβαίων φίλους σώζειν ἠναγκασμένοι, τοὺς δ᾽ ἡμετέρους αὐτῶν συμμάχους ἀπολωλεκότες, ἐπὶ τοιαύταις πράξεσιν εὐαγγέλια μὲν δὶς ἤδη τεθύκαμεν, ῥᾳθυμότερον δὲ περὶ αὐτῶν ἐκκλησιάζομεν τῶν πάντα τὰ δέοντα πραττόντων. [11] Καὶ ταῦτ᾽ εἰκότως καὶ ποιοῦμεν καὶ πάσχομεν· οὐδὲν γὰρ οἷόν τε γίγνεσθαι κατὰ τρόπον τοῖς μὴ καλῶς περὶ ὅλης τῆς διοικήσεως βεβουλευμένοις, ἀλλ᾽ ἐὰν καὶ κατορθώσωσι περί τινας τῶν πράξεων ἢ διὰ τύχην ἢ δι᾽ ἀνδρὸς ἀρετήν, μικρὸν διαλιπόντες πάλιν εἰς τὰς αὐτὰς ἀπορίας κατέστησαν. Καὶ ταῦτα γνοίη τις ἂν ἐκ τῶν περὶ ἡμᾶς γεγενημένων· [12] Ἁπάσης γὰρ τῆς Ἑλλάδος ὑπὸ τὴν πόλιν ἡμῶν ὑποπεσούσης καὶ μετὰ τὴν Κόνωνος ναυμαχίαν καὶ μετὰ τὴν Τιμοθέου στρατηγίαν, οὐδένα χρόνον τὰς εὐτυχίας κατασχεῖν ἠδυνήθημεν, ἀλλὰ ταχέως διεσκαριφησάμεθα καὶ διελύσαμεν αὐτάς. Πολιτείαν γὰρ τὴν ὀρθῶς ἂν τοῖς πράγμασι χρησαμένην οὔτ᾽ ἔχομεν οὔτε καλῶς ζητοῦμεν. [13] Καίτοι τὰς εὐπραγίας ἅπαντες ἴσμεν καὶ παραγιγνομένας καὶ παραμενούσας οὐ τοῖς τὰ τείχη κάλλιστα καὶ μέγιστα περιβεβλημένοις, οὐδὲ τοῖς μετὰ πλείστων ἀνθρώπων εἰς τὸν αὐτὸν τόπον συνηθροισμένοις, ἀλλὰ τοῖς ἄριστα καὶ σωφρονέστατα τὴν αὑτῶν πόλιν διοικοῦσιν. [14] Ἔστι γὰρ ψυχὴ πόλεως οὐδὲν ἔτερον ἢ πολιτεία, τοσαύτην ἔχουσα δύναμιν ὅσην περ ἐν σώματι φρόνησις. Αὕτη γάρ ἐστιν ἡ βουλευομένη περὶ ἁπάντων, καὶ τὰ μὲν ἀγαθὰ διαφυλάττουσα, τὰς δὲ συμφορὰς διαφεύγουσα. Ταύτῃ καὶ τοὺς νόμους καὶ τοὺς ῥήτορας καὶ τοὺς ἰδιώτας ἀναγκαῖόν ἐστιν ὁμοιοῦσθαι, καὶ πράττειν οὕτως ἑκάστους οἵαν περ ἂν ταύτην ἔχωσιν. [15] Ἧς ἡμεῖς διεφθαρμένης οὐδὲν φροντίζομεν, οὐδὲ σκοποῦμεν ὅπως ἐπανορθώσομεν αὐτήν· ἀλλ᾽ ἐπὶ μὲν τῶν ἐργαστηρίων καθίζοντες κατηγοροῦμεν τῶν καθεστώτων, καὶ λέγομεν ὡς οὐδέποτ᾽ ἐν δημοκρατίᾳ κάκιον ἐπολιτεύθημεν, ἐν δὲ τοῖς πράγμασι καὶ ταῖς διανοίαις αἷς ἔχομεν μᾶλλον αὐτὴν ἀγαπῶμεν τῆς ὑπὸ τῶν προγόνων καταλειφθείσης. Ὑπὲρ ἧς ἐγὼ καὶ τοὺς λόγους μέλλω ποιεῖσθαι καὶ τὴν πρόσοδον ἀπεγραψάμην. [16] Εὑρίσκω γὰρ ταύτην μόνην ἂν γενομένην καὶ τῶν μελλόντων κινδύνων ἀποτροπὴν καὶ τῶν παρόντων κακῶν ἀπαλλαγήν, ἢν ἐθελήσωμεν ἐκείνην τὴν δημοκρατίαν ἀναλαβεῖν, ἢν Σόλων μὲν ὁ δημοτικώτατος γενόμενος ἐνομοθέτησε, Κλεισθένης δὲ ὁ τοὺς τυράννους ἐκβαλὼν καὶ τὸν δῆμον καταγαγὼν πάλιν ἐξ ἀρχῆς κατέστησεν. [17] Ἧς οὐκ ἂν εὕροιμεν οὔτε δημοτικωτέραν οὔτε τῇ πόλει μᾶλλον συμφέρουσαν. Τεκμήριον δὲ μέγιστον· οἱ μὲν γὰρ ἐκείνῃ χρώμενοι, πολλὰ καὶ καλὰ διαπραξάμενοι καὶ παρὰ πᾶσιν ἀνθρώποις εὐδοκιμήσαντες, παρ᾽ ἑκόντων τῶν Ἑλλήνων τὴν ἡγεμονίαν ἔλαβον, οἱ δὲ τῆς νῦν παρούσης ἐπιθυμήσαντες, ὑπὸ πάντων μισηθέντες καὶ πολλὰ καὶ δεινὰ παθόντες, μικρὸν ἀπέλιπον τοῦ μὴ ταῖς ἐσχάταις συμφοραῖς περιπεσεῖν. [18] Καίτοι πῶς χρὴ ταύτην τὴν πολιτείαν ἐπαινεῖν ἢ στέργειν τὴν τοσούτων μὲν κακῶν αἰτίαν πρότερον γενομένην, νῦν δὲ καθ᾽ ἕκαστον τὸν ἐνιαυτὸν ἐπὶ τὸ χεῖρον φερομένην; πῶς δ᾽ οὐ χρὴ δεδιέναι μὴ τοιαύτης ἐπιδόσεως γιγνομένης τελευτῶντες εἰς τραχύτερα πράγματα τῶν τότε γενομένων ἐξοκείλωμεν; [19] ἵνα δὲ μὴ συλλήβδην μόνον ἀκηκοότες, ἀλλ᾽ ἀκριβῶς εἰδότες ποιῆσθε καὶ τὴν αἵρεσιν καὶ τὴν κρίσιν αὐτῶν, ὑμέτερον μὲν ἔργον ἐστὶ παρασχεῖν ὑμᾶς αὐτοὺς προσέχοντας τὸν νοῦν τοῖς ὑπ᾽ ἐμοῦ λεγομένοις, ἐγὼ δ᾽ ὡς ἂν δύνωμαι συντομώτατα περὶ ἀμφοτέρων τούτων πειράσομαι διελθεῖν πρὸς ὑμᾶς. [20] Οἱ γὰρ κατ᾽ ἐκεῖνον τὸν χρόνον τὴν πόλιν διοικοῦντες κατεστήσαντο πολιτείαν οὐκ ὀνόματι μὲν τῷ κοινοτάτῳ καὶ πραοτάτῳ προσαγορευομένην, ἐπὶ δὲ τῶν πράξεων οὐ τοιαύτην τοῖς ἐντυγχάνουσι φαινομένην, οὐδ᾽ ἣ τοῦτον τὸν τρόπον ἐπαίδευε τοὺς πολίτας ὥσθ᾽ ἡγεῖσθαι τὴν μὲν ἀκολασίαν δημοκρατίαν, τὴν δὲ παρανομίαν ἐλευθερίαν, τὴν δὲ παρρησίαν ἰσονομίαν, τὴν δ᾽ ἐξουσίαν τοῦ πάνταπάντα ταῦτα ποιεῖν εὐδαιμονίαν, ἀλλὰ μισοῦσα καὶ κολάζουσα τοὺς τοιούτους βελτίους καὶ σωφρονεστέρους ἅπαντας τοὺς πολίτας ἐποίησεν. [21] Μέγιστον δ᾽ αὐτοῖς συνεβάλετο πρὸς τὸ καλῶς οἰκεῖν τὴν πόλιν, ὅτι δυοῖν ἰσοτήτοιν νομιζομέναιν εἶναι, καὶ τῆς μὲν ταὐτὸν ἅπασιν ἀπονεμούσης τῆς δὲ τὸ προσῆκον ἑκάστοις, οὐκ ἠγνόουν τὴν χρησιμωτέραν, ἀλλὰ τὴν μὲν τῶν αὐτῶν ἀξιοῦσαν τοὺς χρηστοὺς καὶ τοὺς πονηροὺς ἀπεδοκίμαζον ὡς οὐ δικαίαν οὖσαν, [22] τὴν δὲ κατὰ τὴν ἀξίαν ἕκαστον τιμῶσαν καὶ κολάζουσαν προῃροῦντο, καὶ διὰ ταύτης ᾤκουν τὴν πόλιν, οὐκ ἐξ ἁπάντων τὰς ἀρχὰς κληροῦντες, ἀλλὰ τοὺς βελτίστους καὶ τοὺς ἱκανωτάτους ἐφ᾽ ἕκαστον τῶν ἔργων προκρίνοντες. Τοιούτους γὰρ ἤλπιζον ἔσεσθαι καὶ τοὺς ἄλλους, οἷοί περ ἂν ὦσιν οἱ τῶν πραγμάτων ἐπιστατοῦντες. [23] Ἔπειτα καὶ δημοτικωτέραν ἐνόμιζον εἶναι ταύτην τὴν κατάστασιν ἢ τὴν διὰ τοῦ λαγχάνειν γιγνομένην ἐν μὲν γὰρ τῇ κληρώσει τὴν τύχην βραβεύσειν, καὶ πολλάκις λήψεσθαι τὰς ἀρχὰς τοὺς ὀλιγαρχίας ἐπιθυμοῦντας, ἐν δὲ τῷ προκρίνειν τοὺς ἐπιεικεστάτους τὸν δῆμον ἔσεσθαι κύριον ἑλέσθαι τοὺς ἀγαπῶντας μάλιστα τὴν καθεστῶσαν πολιτείαν. [24] Αἴτιον δ᾽ ἦν τοῦ ταῦτα τοῖς πολλοῖς ἀρέσκειν καὶ μὴ περιμαχήτους εἶναι τὰς ἀρχάς, ὅτι μεμαθηκότες ἦσαν ἐργάζεσθαι καὶ φείδεσθαι, καὶ μὴ τῶν μὲν οἰκείων ἀμελεῖν τοῖς δ᾽ ἀλλοτρίοις ἐπιβουλεύειν, μηδ᾽ ἐκ τῶν δημοσίων τὰ σφέτερ᾽ αὐτῶν διοικεῖν, ἀλλ᾽ ἐκ τῶν ἑκάστοις ὑπαρχόντων, εἴ ποτε δεήσειε, τοῖς κοινοῖς ἐπαρκεῖν, μηδ᾽ ἀκριβέστερον εἰδέναι τὰς ἐκ τῶν ἀρχείων προσόδους ἢ τὰς ἐκ τῶν ἰδίων γιγνομένας αὑτοῖς. Οὕτω δ᾽ ἀπείχοντο σφόδρα τῶν τῆς πόλεως, [25] ὥστε χαλεπώτερον ἦν ἐν ἐκείνοις τοῖς χρόνοις εὑρεῖν τοὺς βουλομένους ἄρχειν ἢ νῦν τοὺς μηδὲν δεομένους· οὐ γὰρ ἐμπορίαν ἀλλὰ λειτουργίαν ἐνόμιζον εἶναι τὴν τῶν κοινῶν ἐπιμέλειαν, οὐδ᾽ ἀπὸ τῆς πρώτης ἡμέρας ἐσκόπουν ἐλθόντες εἴ τι λῆμμα παραλελοίπασιν οἱ πρότερον ἄρχοντες, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον εἴ τινος πράγματος κατημελήκασι τῶν τέλος ἔχειν κατεπειγόντων. [26] Ὡς δὲ συντόμως εἰπεῖν, ἐκεῖνοι διεγνωκότες ἦσαν ὅτι δεῖ τὸν μὲν δῆμον ὥσπερ τύραννον καθιστάναι τὰς ἀρχὰς καὶ κολάζειν τοὺς ἐξαμαρτάνοντας καὶ κρίνειν περὶ τῶν ἀμφισβητουμένων, τοὺς δὲ σχολὴν ἄγειν δυναμένους καὶ βίον ἱκανὸν κεκτημένους ἐπιμελεῖσθαι τῶν κοινῶν ὥσπερ οἰκέτας, [27] Καὶ δικαίους μὲν γενομένους ἐπαινεῖσθαι καὶ στέργειν ταύτῃ τῇ τιμῇ, κακῶς δὲ διοικήσαντας μηδεμιᾶς συγγνώμης τυγχάνειν ἀλλὰ ταῖς μεγίσταις ζημίαις περιπίπτειν. Καίτοι πῶς ἄν τις εὕροι ταύτης βεβαιοτέραν ἢ δικαιοτέραν δημοκρατίαν, τῆς τοὺς μὲν δυνατωτάτους ἐπὶ τὰς πράξεις καθιστάσης, αὐτῶν δὲ τούτων τὸν δῆμον κύριον ποιούσης; [28] Τὸ μὲν οὖν σύνταγμα τῆς πολιτείας τοιοῦτον ἦν αὐτοῖς· ῥᾴδιον δ᾽ ἐκ τούτων καταμαθεῖν ὡς καὶ τὰ καθ᾽ ἡμέραν ἑκάστην ὀρθῶς καὶ νομίμως πράττοντες διετέλεσαν. Ἀνάγκη γὰρ τοῖς περὶ ὅλων τῶν πραγμάτων καλὰς τὰς ὑποθέσεις πεποιημένοις καὶ τὰ μέρη τὸν αὐτὸν τρόπον ἔχειν ἐκείνοις. |
ISOCRATE. DISCOURS ARÉOPAGITIQUE. VII 1. [1] Un grand nombre d'entre vous se demandent peut-être avec étonnement quelle est ma pensée en me présentant à la tribune pour vous entretenir des moyens de sauver notre patrie, comme si elle était entourée de dangers ; que ses affaires fussent dans une situation incertaine ; qu'elle ne possédât pas une flotte de plus de deux cents vaisseaux; qu'elle ne fût pas en paix sur terre et maîtresse de la mer ; [2] qu'elle n'eut pas de nombreux alliés prêts à lui offrir des secours si elle en avait besoin, et des tributaires plus nombreux encore qui obéissent à ses ordres. Ne pourrait-on pas, au contraire, dans un tel état de choses, dire que, les périls étant loin de nous, il est naturel de nous livrer à la sécurité, et que c'est à nos ennemis qu'il appartient de craindre et de délibérer sur leurs moyens de salut? 2. [3] Je sais que, vous plaçant à ce point de vue, vous éprouvez un sentiment de dédain en me voyant paraître à la tribune ; et qu'armés d'une si grande puissance, vous nourrissez l'espoir de soumettre la Grèce ; mais, pour moi, cette puissance même est un motif de redouter l'avenir ; car les villes qui se croient dans la position la plus prospère suivent les plus funestes conseils, et celles qui se livrent le plus à la sécurité sont les plus environnées de périls. On en trouve la raison dans cette vérité, [4] que jamais les biens et les maux ne se présentent isolément chez les hommes ; que l'imprudence unie à la licence des moeurs marche, pour ainsi dire, de conserve avec les richesses et la puissance; tandis que la sagesse et la modération accompagnent la faiblesse et la pauvreté ; [5] en sorte qu'il serait difficile de reconnaître lequel de ces deux états on voudrait, de préférence, transmettre à ses enfants. Nous voyons, la plupart du temps, sortir d'une position qui paraissait désespérée des circonstances qui l'améliorent, de même que nous voyons habituellement celle qui semblait offrir les chances les plus heureuses subir de funestes changements. [6] Je pourrais produire de cette vérité un grand nombre d'exemples tirés de la vie privée (car c'est dans la vie privée que les inconstances de la fortune se manifestent le plus fréquemment), mais nous en trouvons de plus grands, de plus frappants encore, dans notre histoire et dans celle de Lacédémone. 3. Notre ville avait été détruite de fond en comble par les Barbares ; mais, comme nous avons agi alors avec une sage circonspection et donné toute notre attention à la conduite de nos affaires, nous nous sommes trouvés bientôt placés à la tête de la Grèce; lorsque ensuite nous avons considéré notre puissance comme invincible, nous nous sommes vus au moment d'être réduits en esclavage. [7] Les Lacédémoniens, sortis dans les temps anciens de villes pauvres et obscures, s'étaient rendus les maîtres du Péloponnèse par l'ascendant de la discipline militaire et d'une vie sage et réglée ; dominés plus tard par un excès d'orgueil, et après s'être emparés du commandement sur terre et sur mer, ils ont été exposés à des dangers semblables aux nôtres. [8] Par conséquent. celui qui, ayant la connaissance de telles vicissitudes et de l'anéantissement rapide de foi ces si considérables, se confie dans le présent, est un insensé; surtout quand la position de notre patrie est beaucoup moins favorable qu'elle ne l'était alors et quand la haine des Grecs et l'inimitié du Roi, qui avaient fait notre perte, se sont rallumées contre nous. 4. [9] Je ne sais si je dois penser que vous n'avez aucun souci des intérêts publics, ou si, lors même que vous vous en occupez, vous n'êtes pas arrivés à un degré d'indifférence tel qu'il ne vous permet pas de reconnaître dans quel désordre notre patrie est tombée. Vous ressemblez à des boni mes qui seraient dans l'une ou dans l'autre de ces dispositions, puisque, après avoir perdu toutes les villes de la Thrace, après avoir dépensé sans résultat plus de mille talents pour solder des troupes mercenaires, [10] calomniés chez les Grecs, traités en ennemis par le Barbare, obligés de sauver les amis des Thébains, privés enfin de nos alliés, nous avons déjà deux fois offert aux dieux, pour de si brillants avantages, des sacrifices d'actions de grâce; et nous nous réunissons pour délibérer sur ces graves événements, avec plus d'insouciance que des hommes heureux dans toutes leurs entreprises. [11] Or il est naturel, lorsque nous agissons ainsi, que nous recueillions les fruits de notre imprudence, car rien ne peut réussira ceux qui n'ont pas réglé l'ensemble de leur politique sur les conseils de la sagesse, ou si quelquefois ils ont obtenu des résultats avantageux, soit par une faveur de la fortune, soit par l'ascendant d'un homme de génie, il est certain qu'ils sont, peu de temps après, retombés dans les mêmes difficultés. On peut s'en convaincre par les faits qui remplissent notre histoire. 5. [12] La Grèce entière avait fléchi sous la puissance d'Athènes après le combat naval livré par Conon et après l'époque où Timothée commandait nos armées ; mais nous n'avons pas su maintenir nos prospérités ; nous les avons bientôt sapées et détruites. En effet, nous n'avons pas, nous ne cherchons pas sincèrement à avoir un gouvernement qui se serve avec sagesse des ressources qu'il possède. [13] Cependant nous savons tous que la prospérité s'obtient et se conserve, non pas en entourant les villes de hautes et magnifiques murailles, ou en réunissant beaucoup de soldats dans une même enceinte; mais en gouvernant avec prudence et habileté les affaires. [14] L'âme d'un État n'est pas autre chose que son organisation politique, dont la puissance est semblable à celle que la raison exerce sur l'homme. C'est l'organisation politique qui donne la vie à toutes les délibérations, qui garantit les prospérités, qui écarte les malheurs. Les lois, les orateurs, les simples citoyens doivent se régler sur elle, et leur sort dépend nécessairement de leur fidélité à s'y conformer. [15] Mais nous n'avons aucun souci de la dégradation où la nôtre est tombée ; nous ne cherchons pas à la relever ; assis dans nos ateliers, nous accusons l'état présent des choses ; nous disons que jamais notre démocratie n'a été plus mal organisée ; et si l'on en vient aux faits, si l'on descend dans le fond de nos pensées, nous préférons cette démocratie à celle qui nous avait été transmise par nos ancêtres. C'est donc en faveur de celle-ci que je vais prendre la parole, et tel est le motif pour lequel j'ai demandé de paraître à la tribune. 6. [16] Je n'aperçois qu'un seul moyen de détourner les dangers qui nous menacent et de nous affranchir des maux que nous souffrons, c'est de prendre la ferme résolution de rétablir la démocratie dont Solon, que personne n'a surpassé dans son zèle pour les intérêts du peuple, a été le législateur, et que Clisthène, qui a chassé les tyrans et ramené le peuple dans la ville, a replacée sur ses fondements. [17] Nous ne pourrions trouver une démocratie plus populaire plus, utile pour le pays. Ceux qui ont vécu sous son empire nous en offrent la preuve la plus évidente ; car, après avoir fait un grand nombre d'actions glorieuses et avoir rempli la terre du bruit de leur renommée, ils ont reçu spontanément de la main des Grecs le droit de les commander ; tandis que les partisans de la démocratie actuelle, haïs de tous, accablés de revers terribles, n'ont échappé qu'avec peine aux derniers malheurs. [18] Comment louer et aimer un gouvernement qui, dans le passé, a causé tant de maux, et qui, chaque année, est entraîné vers une détérioration nouvelle? Comment ne pas craindre qu'un si grand mal croissant toujours, nous ne finissions par tomber dans des calamités plus redoutables encore que celles qui nous ont frappés? 7. [19] Mais afin que vous puissiez faire un choix et porter un jugement, non sur de simples indications, mais avec une connaissance exacte, il importe que vous donniez à mes paroles votre attention tout entière ; de mon côté, je m'efforcerai de rendre le plus court possible l'examen de ces deux organisations politiques. 8. [20] Les hommes qui gouvernaient alors la république n'avaient pas établi une forme de gouvernement qui ne fût modérée et populaire que de nom, mais qui, dans l'application, parût d'une nature différente à ceux qui lui étaient soumis ; qui apprît aux citoyens à croire que la démocratie est la licence ; la liberté, le mépris des lois; l'égalité, l'insolence; la félicité, le droit de s'abandonner à tous les désordres. Repoussant et haïssant les hommes qui professaient de semblables maximes, un tel gouvernement rendait tous les citoyens meilleurs et plus sages. [21] Ce qui contribuait le plus au bonheur de la république, c'est que, de deux égalités, l'une qui accorde sans distinction les mêmes avantages à tous, l'autre qui donne à chacun ce qu'il a droit d'obtenir, les Athéniens n'ignoraient pas quelle est la plus utile ; que, répudiant comme contraire à la justice celle qui reconnaissait aux bons et aux méchants les mêmes droits, [22] ils donnaient la préférence à celle qui punit et récompense chacun selon son mérite, et que, gouvernant d'après ce système, ils ne confiaient pas l'administration de l'État à des magistrats tirés au sort entre tous les citoyens, mais désignaient d'avance avec discernement, pour tous les emplois, les hommes à la fois les plus honnêtes et les plus capables. Ils espéraient que les citoyens deviendraient ainsi semblables à ceux qui seraient investis de l'autorité. [23] Ils regardaient ce système comme plus avantageux pour le peuple que celui qui donne les emplois au sort; parce que, si le sort est seul consulté, c'est le hasard qui décide, et souvent les magistratures deviennent la proie des hommes qui aspirent à l'oligarchie, tandis que si un premier choix désigne les hommes les plus estimés, le peuple est le maître de préférer ceux qui sont le plus sincèrement attachés au gouvernement établi. 9. [24] Ce qui rendait ce système populaire et empêchait en même temps les magistratures d'être un objet de lutte, c'est que les Athéniens avaient appris à travailler, à vivre d'économie, à ne pas négliger le soin de leurs affaires pour dresser des embûches à la fortune des autres, à ne pas chercher dans les revenus de l'État des ressources personnelles, mais à subvenir, quand cela était nécessaire, avec leur propre fortune, aux besoins du pays ; enfin à ne point connaître les profits que l'on pouvait tirer des emplois publics, mieux que les revenus de leurs propriétés. Ils étaient si peu avides de la fortune publique, [25] qu'on avait alors plus de peine à trouver des citoyens qui voulussent occuper des emplois, qu'on n'en éprouve aujourd'hui à rencontrer des hommes qui ne sollicitent rien; ils considéraient l'administration, non comme un trafic, mais comme une charge, ils ne s'occupaient pas dès le premier jour à rechercher si ceux qui les avaient précédés n'avaient pas négligé quelque profit, mais si quelque affaire urgente n'avait pas été mise en oubli. [26] Pour tout dire en peu de mots, ils avaient admis comme principe que le peuple, maître absolu, devait élire ses magistrats, punir ceux qui manquaient à leur devoir, juger dans les cas controversés; et que, d'un autre côté, les citoyens qui pouvaient avoir du loisir et possédaient une fortune suffisante, devaient soigner les intérêts du peuple comme s'ils étaient ses esclaves ; [27] être loués, s'ils administraient loyalement, et se contenter de cette récompense ; mais s'ils se rendaient coupables de quelque malversation, ils devaient subir, sans aucun ménagement, les châtiments les plus sévères. Pourrait -on trouver une démocratie plus juste et plus assurée que celle qui, chargeant du soin de ses affaires les hommes les plus puissants, leur donnait le peuple pour maître ? 10. Tel était, chez les Athéniens, l'ordre établi dans l'organisation de lu république, et il est facile d'en conclure que, dans leur vie de chaque jour, ils observaient constamment les lois et les règles de la probité. Car lorsqu'on a posé des principes sages sur l'ensemble, ces principes influent nécessairement sur chacune des parties.
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[29] Καὶ πρῶτον μὲν τὰ περὶ τοὺς θεούς, ἐντεῦθεν γὰρ ἄρχεσθαι δίκαιον, οὐκ ἀνωμάλως οὐδ᾽ ἀτάκτως οὔτ᾽ ἐθεράπευον οὔτ᾽ ὠργίαζον· οὐδ᾽ ὁπότε μὲν δόξειεν αὐτοῖς, τριακοσίους βοῦς ἔπεμπον, ὁπότε δὲ τύχοιεν, τὰς πατρίους θυσίας ἐξέλειπον· οὐδὲ τὰς μὲν ἐπιθέτους ἑορτάς, αἷς ἑστίασίς τις προσείη, μεγαλοπρεπῶς ἦγον, ἐν δὲ τοῖς ἁγιωτάτοις τῶν ἱερῶν ἀπὸ μισθωμάτων ἔθυον· [30] ἀλλ᾽ ἐκεῖνο μόνον ἐτήρουν, ὅπως μηδὲν μήτε τῶν πατρίων καταλύσουσι μήτ᾽ ἔξω τῶν νομιζομένων προσθήσουσιν· οὐ γὰρ ἐν ταῖς πολυτελείαις ἐνόμιζον εἶναι τὴν εὐσέβειαν, ἀλλ᾽ ἐν τῷ μηδὲν κινεῖν ὧν αὐτοῖς οἱ πρόγονοι παρέδοσαν. Καὶ γάρ τοι καὶ τὰ παρὰ τῶν θεῶν οὐκ ἐμπλήκτως οὐδὲ ταραχωδῶς αὐτοῖς συνέβαινεν, ἀλλ᾽ εὐκαίρως καὶ πρὸς τὴν ἐργασίαν τῆς χώρας καὶ πρὸς τὴν συγκομιδὴν τῶν καρπῶν. [31] Παραπλησίως δὲ τοῖς εἰρημένοις καὶ τὰ πρὸς σφᾶς αὐτοὺς διῴκουν. Οὐ γὰρ μόνον μερὶ τῶν κοινῶν ὡμονόουν, ἀλλὰ καὶ περὶ τὸν ἴδιον βίον τοσαύτην ἐποιοῦντο πρόνοιαν ἀλλήλων, ὅσην περ χρὴ τοὺς εὖ φρονοῦντας καὶ πατρίδος κοινωνοῦντας. Οἵ τε γὰρ πενέστεροι τῶν πολιτῶν τοσοῦτον ἀπεῖχον τοῦ φθονεῖν τοῖς πλείω κεκτημένοις, [32] ὥσθ᾽ ὁμοίως ἐκήδοντο τῶν οἴκων τῶν μεγάλων ὥσπερ τῶν σφετέρων αὐτῶν, ἡγούμενοι τὴν ἐκείνων εὐδαιμονίαν αὑτοῖς εὐπορίαν ὑπάρχειν· οἵ τε τὰς οὐσίας ἔχοντες οὐχ ὅπως ὑπερεώρων τοὺς καταδεέστερον πράττοντας, ἀλλ᾽ ὑπολαμβάνοντες αἰσχύνην αὑτοῖς εἶναι τὴν τῶν πολιτῶν ἀπορίαν ἐπήμυνον ταῖς ἐνδείαις, τοῖς μὲν γεωργίας ἐπὶ μετρίαις μισθώσεσι παραδιδόντες, τοὺς δὲ κατ᾽ ἐμπορίαν ἐκπέμποντες, τοῖς δ᾽ εἰς τὰς ἄλλας ἐργασίας ἀφορμὴν παρέχοντες. [33] Οὐ γὰρ ἐδεδίεσαν μὴ δυοῖν θάτερον πάθοιεν, ἢ πάντων στερηθεῖεν, ἢ πολλὰ πράγματα σχόντες μέρος τι κομίσαιντο τῶν προεθέντων· ἀλλ᾽ ὁμοίως ἐθάρρουν περὶ τῶν ἔξω δεδομένων ὥσπερ περὶ τῶν ἔνδον κειμένων. ἑώρων γὰρ τοὺς περὶ τῶν συμβολαίων κρίνοντας οὐ ταῖς ἐπιεικείαις χρωμένους, ἀλλὰ τοῖς νόμοις πειθομένους, [34] Οὐδ᾽ ἐν τοῖς τῶν ἄλλων ἀγῶσιν αὑτοῖς ἀδικεῖν ἐξουσίαν παρασκευάζοντας, ἀλλὰ μᾶλλον ὀργιζομένους τοῖς ἀποστεροῦσιν αὐτῶν τῶν ἀδικουμένων, καὶ νομίζοντας διὰ τοὺς ἄπιστα τὰ συμβόλαια ποιοῦντας μείζω βλάπτεσθαι τοὺς πένητας τῶν πολλὰ κεκτημένων· τοὺς μὲν γάρ, ἢν παύσωνται προϊέμενοι, μικρῶν προσόδων ἀποστερηθήσεσθαι, τοὺς δ᾽, ἢν ἀπορήσωσι τῶν ἐπαρκούντων, εἰς τὴν ἐσχάτην ἔνδειαν καταστήσεσθαι. [35] Καὶ γάρ τοι διὰ τὴν γνώμην ταύτην οὐδεὶς οὔτ᾽ ἀπεκρύπτετο τὴν οὐσίαν οὔτ᾽ ὤκνει συμβάλλειν, ἀλλ᾽ ἥδιον ἑώρων τοὺς δανειζομένους ἢ τοὺς ἀποδιδόντας. Ἀμφότερα γὰρ αὐτοῖς συνέβαινεν, ἅπερ ἂν βουληθεῖεν ἄνθρωποι νοῦν ἔχοντες· ἅμα γὰρ τούς τε πολίτας ὠφέλουν καὶ τὰ σφέτερ᾽ αὐτῶν ἐνεργὰ καθίστασαν. Κεφάλαιον δὲ τοῦ καλῶς ἀλλήλοις ὁμιλεῖν· αἱ μὲν γὰρ κτήσεις ἀσφαλεῖς ἦσαν, οἷσπερ κατὰ τὸ δίκαιον ὑπῆρχον, αἱ δὲ χρήσεις κοιναὶ πᾶσι τοῖς δεομένοις τῶν πολιτῶν. [36] Ἴσως ἂν οὖν τις ἐπιτιμήσειε τοῖς εἰρημένοις, ὅτι τὰς μὲν πράξεις ἐπαινῶ τὰς ἐν ἐκείνοις τοῖς χρόνοις γεγενημένας, τὰς δ᾽ αἰτίας οὐ φράζω, δι᾽ ἃς οὕτω καλῶς καὶ τὰ πρὸς σφᾶς αὐτοὺς εἶχον καὶ τὴν πόλιν διῴκουν. Ἐγὼ δ᾽ οἶμαι μὲν εἰρηκέναι τι καὶ τοιοῦτον, οὐ μὴν ἀλλ᾽ ἔτι πλείω καὶ σαφέστερον πειράσομαι διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν. [37] Ἐκεῖνοι γὰρ οὐκ ἐν μὲν ταῖς παιδείαις πολλοὺς τοὺς ἐπιστατοῦντας εἶχον, ἐπειδὴ δ᾽ εἰς ἄνδρας δοκιμασθεῖεν, ἐξῆν αὐτοῖς ποιεῖν ὅ τι βουληθεῖεν, ἀλλ᾽ ἐν αὐταῖς ταῖς ἀκμαῖς πλέονος ἐπιμελείας ἐτύγχανον ἢ παῖδες ὄντες. Οὕτω γὰρ ἡμῶν οἱ πρόγονοι σφόδρα περὶ τὴν σωφροσύνην ἐσπούδαζον, ὥστε τὴν ἐξ Ἀρείου πάγου βουλὴν ἐπέστησαν ἐπιμελεῖσθαι τῆς εὐκοσμίας, ἧς οὐχ οἷόν τ᾽ ἦν μετασχεῖν πλὴν τοῖς καλῶς γεγονόσι καὶ πολλὴν ἀρετὴν ἐν τῷ βίω καὶ σωφροσύνην ἐνδεδειγμένοις, ὥστ᾽ εἰκότως αὐτὴν διενεγκεῖν τῶν ἐν τοῖς Ἕλλησι συνεδρίων. [38] Σημείοις δ᾽ ἄν τις χρήσαιτο περὶ τῶν τότε καθεστώτων καὶ τοῖς ἐν τῷ παρόντι γιγνομένοις· ἔτι γὰρ καὶ νῦν ἁπάντων τῶν περὶ τὴν αἵρεσιν καὶ τὴν δοκιμασίαν κατημελημένων ἴδοιμεν ἂν τοὺς ἐν τοῖς ἄλλοις πράγμασιν οὐκ ἀνεκτοὺς ὄντας, ἐπειδὰν εἰς Ἄρειον πάγον ἀναβῶσιν, ὀκνοῦντας τῇ φύσει χρῆσθαι καὶ μᾶλλον τοῖς ἐκεῖ νομίμοις ἢ ταῖς αὑτῶν κακίαις ἐμμένοντας. Τοσοῦτον φόβον ἐκεῖνοι τοῖς πονηροῖς ἐνειργάσαντο, καὶ τοιοῦτο μνημεῖον ἐν τῷ τόπῳ τῆς αὑτῶν ἀρετῆς καὶ σωφροσύνης ἐγκατέλιπον. [39] Τὴν δὴ τοιαύτην, ὥσπερ εἶπον, κυρίαν ἐποίησαν τῆς εὐταξίας ἐπιμελεῖσθαι, ἣ τοὺς μὲν οἰομένους ἐνταῦθα βελτίστους ἄνδρας γίγνεσθαι, παρ᾽ οἷς οἱ νόμοι μετὰ πλείστης ἀκριβείας κείμενοι τυγχάνουσιν, ἀγνοεῖν ἐνόμιζεν· οὐδὲν γὰρ ἂν κωλύειν ὁμοίους ἅπαντας εἶναι τοὺς Ἕλληνας ἕνεκά γε τοῦ ῥᾴδιον εἶναι τὰ γράμματα λαβεῖν παρ᾽ ἀλλήλων. [40] Ἀλλὰ γὰρ οὐκ ἐκ τούτων τὴν ἐπίδοσιν εἶναι τῆς ἀρετῆς, ἀλλ᾽ ἐκ τῶν καθ᾽ ἑκάστην τὴν ἡμέραν ἐπιτηδευμάτων· τοὺς γὰρ πολλοὺς ὁμοίους τοῖς ἤθεσιν ἀποβαίνειν, ἐν οἷς ἂν ἕκαστοι παιδευθῶσιν. ἔπειτα τά γεἔπειτα τά γεSchneider·ἐπεὶ τά γε. Πλήθη καὶ τὰς ἀκριβείας τῶν νόμων σημεῖον εἶναι τοῦ κακῶς οἰκεῖσθαι τὴν πόλιν ταύτην· ἐμφράγματα γὰρ αὐτοὺς ποιουμένους τῶν ἁμαρτημάτων πολλοὺς τίθεσθαι τοὺς νόμους ἀναγκάζεσθαι. [41] Δεῖν δὲ τοὺς ὀρθῶς πολιτευομένους οὐ τὰς στοὰς ἐμπιπλάναι γραμμάτων, ἀλλ᾽ ἐν ταῖς ψυχαῖς ἔχειν τὸ δίκαιον· οὐ γὰρ τοῖς ψηφίσμασιν ἀλλὰ τοῖς ἤθεσι καλῶς οἰκεῖσθαι τὰς πόλεις, καὶ τοὺς μὲν κακῶς τεθραμμένους καὶ τοὺς ἀκριβῶς τῶν νόμων ἀναγεγραμμένους τολμήσειν παραβαίνειν, τοὺς δὲ καλῶς πεπαιδευμένους καὶ τοῖς ἁπλῶς κειμένοις ἐθελήσειν ἐμμένειν. [42] Ταῦτα διανοηθέντες οὐ τοῦτο πρῶτον ἐσκόπουν, δι᾽ ὧν κολάσουσι τοὺς ἀκοσμοῦντας, ἀλλ᾽ ἐξ ὧν παρασκευάσουσι μηδὲν αὐτοὺς ἄξιον ζημίας ἐξαμαρτάνειν· ἡγοῦντο γὰρ τοῦτο μὲν αὑτῶν ἔργον εἶναι, τὸ δὲ περὶ τὰς τιμωρίας σπουδάζειν τοῖς ἐχθροῖς προσήκειν. [43] Ἁπάντων μὲν οὖν ἐφρόντιζον τῶν πολιτῶν, μάλιστα δὲ τῶν νεωτέρων. ἑώρων γὰρ τοὺς τηλικούτους ταραχωδέστατα διακειμένους καὶ πλείστων γέμοντας ἐπιθυμιῶν, καὶ τὰς ψυχὰς αὐτῶν μάλιστα δαμασθῆναι δεομένας ἐπιμελείαις καλῶν ἐπιτηδευμάτων καὶ πόνοις ἡδονὰς ἔχουσιν· ἐν μόνοις γὰρ ἂν τούτοις ἐμμεῖναι τοὺς ἐλευθέρως τεθραμμένους καὶ μεγαλοφρονεῖν εἰθισμένους. [44] Ἅπαντας μὲν οὖν ἐπὶ τὰς αὐτὰς ἄγειν διατριβὰς οὐχ οἷόν τ᾽ ἦν, ἀνωμάλως τὰ περὶ τὸν βίον ἔχοντας· ὡς δὲ πρὸς τὴν οὐσίαν ἥρμοττεν, οὕτως ἑκάστοις προσέταττον. Τοὺς μὲν γὰρ ὑποδεέστερον πράττοντας ἐπὶ τὰς γεωργίας καὶ τὰς ἐμπορίας ἔτρεπον, εἰδότες τὰς ἀπορίας μὲν διὰ τὰς ἀργίας γιγνομένας, [45] τὰς δὲ κακουργίας διὰ τὰς ἀπορίας· ἀπορίας· ἀναιροῦντες οὖν τὴν ἀρχὴν τῶν κακῶν ἀπαλλάξειν ᾤοντο καὶ τῶν ἄλλων ἁμαρτημάτων τῶν μετ᾽ ἐκείνην γιγνομένων. Τοὺς δὲ βίον ἱκανὸν κεκτημένους περὶ τὴν ἱππικὴν καὶ τὰ γυμνάσια καὶ τὰ κυνηγέσια καὶ τὴν φιλοσοφίαν ἠνάγκασαν διατρίβειν, ὁρῶντες ἐκ τούτων τοὺς μὲν διαφέροντας γιγνομένους, τοὺς δὲ τῶν πλείστων κακῶν ἀπεχομένους. [46] Καὶ ταῦτα νομοθετήσαντες οὐδὲ τὸν λοιπὸν χρόνον ὠλιγώρουν, ἀλλὰ διελόμενοι τὴν μὲν πόλιν κατὰ κώμας τὴν δὲ χώραν κατὰ δήμους ἐθεώρουν τὸν βίον τὸν ἑκάστου, καὶ τοὺς ἀκοσμοῦντας ἀνῆγον εἰς τὴν βουλήν. ἡ δὲ τοὺς μὲν ἐνουθέτει, τοῖς δ᾽ ἠπείλει, τοὺς δ᾽ ὡς προσῆκεν ἐκόλαζεν. ἠπίσταντο γὰρ ὅτι δύο τρόποι τυγχάνουσιν ὄντες οἱ καὶ προτρέποντες ἐπὶ τὰς ἀδικίας καὶ παύοντες τῶν πονηριῶν· [47] παρ᾽ οἷς μὲν γὰρ μήτε φυλακὴ μηδεμία τῶν τοιούτων καθέστηκε μήθ᾽ αἱ κρίσεις ἀκριβεῖς εἰσι, παρὰ τούτοις μὲν διαφθείρεσθαι καὶ τὰς ἐπιεικεῖς τῶν φύσεων, ὅπου δὲ μήτε λαθεῖν τοῖς ἀδικοῦσι ῥᾴδιόν ἐστι μήτε φανεροῖς γενομένοις συγγνώμης τυχεῖν, ἐνταῦθα δ᾽ ἐξιτήλους γίγνεσθαι τὰς κακοηθείας. ἅπερ ἐκεῖνοι γιγνώσκοντες ἀμφοτέροις κατεῖχον τοὺς πολίτας, καὶ ταῖς τιμωρίαις καὶ ταῖς ἐπιμελείαις· τοσούτου γὰρ ἔδεον αὐτοὺς λανθάνειν οἱ κακόν τι δεδρακότες, ὥστε καὶ τοὺς ἐπιδόξους ἁμαρτήσεσθαί τι προῃσθάνοντο. [48] Τοιγαροῦν οὐκ ἐν τοῖς σκιραφείοις οἱ νεώτεροι διέτριβον, οὐδ᾽ ἐν ταῖς αὐλητρίσιν, οὐδ᾽ ἐν τοῖς τοιούτοις συλλόγοις ἐν οἷς νῦν διημερεύουσιν· ἀλλ᾽ ἐν τοῖς ἐπιτηδεύμασιν ἔμενον ἐν οἷς ἐτάχθησαν, θαυμάζοντες καὶ ζηλοῦντες τοὺς ἐν τούτοις πρωτεύοντας. Οὕτω δ᾽ ἔφευγον τὴν ἀγοράν, ὥστ᾽ εἰ καί ποτε διελθεῖν ἀναγκασθεῖεν, μετὰ πολλῆς αἰδοῦς καὶ σωφροσύνης ἐφαίνοντο τοῦτο ποιοῦντες. [49] Ἀντειπεῖν δὲ τοῖς πρεσβυτέροις ἢ λοιδορήσασθαι δεινότερον ἐνόμιζον ἢ νῦν περὶ τοὺς γονέας ἐξαμαρτεῖν. Ἐν καπηλείῳ δὲ φαγεῖν ἢ πιεῖν οὐδεὶς οὐδ᾽ ἂν οἰκέτης ἐπιεικὴς ἐτόλμησεν· σεμνύνεσθαι γὰρ ἐμελέτων, ἀλλ᾽ οὐ βωμολοχεύεσθαι. Καὶ τοὺς εὐτραπέλους δὲ καὶ τοὺς σκώπτειν δυναμένους, οὓς νῦν εὐφυεῖς προσαγορεύουσιν, ἐκεῖνοι δυστυχεῖς ἐνόμιζον. [50] Καὶ μηδεὶς οἰέσθω με δυσκόλως διακεῖσθαι πρὸς τοὺς ταύτην ἔχοντας τὴν ἡλικίαν. Οὔτε γὰρ ἡγοῦμαι τούτους αἰτίους εἶναι τῶν γιγνομένων, σύνοιδά τε τοῖς πλείστοις αὐτῶν ἥκιστα χαίρουσι ταύτῃ τῇ καταστάσει, δι᾽ ἣν ἔξεστιν αὐτοῖς ἐν ταῖς ἀκολασίαις ταύταις διατρίβειν· ὥστ᾽ οὐκ ἂν εἰκότως τούτοις ἐπιτιμῴην, ἀλλὰ πολὺ δικαιότερον τοῖς ὀλίγῳ πρὸ ἡμῶν τὴν πόλιν διοικήσασιν. [51] Ἐκεῖνοι γὰρ ἦσαν οἱ προτρέψαντες ἐπὶ ταύτας τὰς ὀλιγωρίας καὶ καταλύσαντες τῆς βουλῆς δύναμιν. ἧς ἐπιστατούσης οὐ δικῶν οὐδ᾽ ἐγκλημάτων οὐδ᾽ εἰσφορῶν οὐδὲ πενίας οὐδὲ πολέμων ἡ πόλις ἔγεμεν, ἀλλὰ καὶ πρὸς ἀλλήλους ἡσυχίαν εἶχον καὶ πρὸς τοὺς ἄλλους ἅπαντας εἰρήνην ἦγον. Παρεῖχον γὰρ σφᾶς αὐτοὺς τοῖς μὲν Ἕλλησι πιστούς, [52] τοῖς δὲ βαρβάροις φοβερούς· τοὺς μὲν γὰρ σεσωκότες ἦσαν, παρὰ δὲ τῶν δίκην τηλικαύτην εἰληφότες, ὥστ᾽ ἀγαπᾶν ἐκείνους εἰ μηδὲν ἔτι κακὸν πάσχοιεν. Τοιγάρτοι διὰ ταῦτα μετὰ τοσαύτης ἀσφαλείας διῆγον, ὥστε καλλίους εἶναι καὶ πολυτελεστέρας τὰς οἰκήσεις καὶ τὰς κατασκευὰς τὰς ἐπὶ τῶν ἀγρῶν ἢ τὰς ἐντὸς τείχους, καὶ πολλοὺς τῶν πολιτῶν μηδ᾽ εἰς τὰς ἑορτὰς εἰς ἄστυ καταβαίνειν, ἀλλ᾽ αἱρεῖσθαι μένειν ἐπὶ τοῖς ἰδίοις ἀγαθοῖς μᾶλλον ἢ τῶν κοινῶν ἀπολαύειν. [53] Οὐδὲ γὰρ τὰ περὶ τὰς θεωρίας, ὧν ἕνεκ᾽ ἄν τις ἦλθεν, ἀσελγῶς οὐδ᾽ ὑπερηφάνως ἀλλὰ νοῦν ἐχόντως ἐποίουν. Οὐ γὰρ ἐκ τῶν πομπῶν οὐδ᾽ ἐκ τῶν περὶ τὰς χορηγίας φιλονεικιῶν οὐδ᾽ ἐκ τῶν τοιούτων ἀλαζονειῶν τὴν εὐδαιμονίαν ἐδοκίμαζον, ἀλλ᾽ ἐκ τοῦ σωφρόνως οἰκεῖν καὶ τοῦ βίου τοῦ καθ᾽ ἡμέραν καὶ τοῦ μηδένα τῶν πολιτῶν ἀπορεῖν τῶν ἐπιτηδείων. Ἐξ ὧνπερ χρὴ κρίνειν τοὺς ὡς ἀληθῶς εὖ πράττοντας καὶ μὴ φορτικῶς πολιτευομένους· [54] ἐπεὶ νῦν γε τίς οὐκ ἂν ἐπὶ τοῖς γιγνομένοις τῶν εὖ φρονούντων ἀλγήσειεν, ὅταν ἴδῃ πολλοὺς τῶν πολιτῶν αὐτοὺς μὲν περὶ τῶν ἀναγκαίων, εἴθ᾽ ἕξουσιν εἴτε μή, πρὸ τῶν δικαστηρίων κληρουμένους, τῶν δ᾽ Ἑλλήνων τοὺς ἐλαύνειν τὰς ναῦς βουλομένους τρέφειν ἀξιοῦντας, καὶ χορεύοντας μὲν ἐν χρυσοῖς ἱματίοις, χειμάζοντας δ᾽ ἐν τοιούτοις ἐν οἷς οὐ βούλομαι λέγειν, καὶ τοιαύτας ἄλλας ἐναντιώσεις περὶ τὴν διοίκησιν γιγνομένας, αἳ μεγάλην αἰσχύνην τῇ πόλει ποιοῦσιν;
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11. [29] Et d'abord, pour parler de ce qui concerne les dieux (car il est juste de commencer par la divinité), nos ancêtres ne les honoraient point, ne solennisaient point leurs fêtes sans ordre et sans régularité ; on ne les voyait point immoler par caprice jusqu'à trois cents boeufs à la fois, et négliger ensuite, pour les causes les plus légères, les sacrifices institués par leurs ancêtres ; on ne les voyait pas non plus célébrer avec magnificence les fêtes accompagnées de festins, importées de l'étranger, et se borner, pour subvenir aux sacrifices dans les temples les plus saints, au produit de la location de leur enceinte; [30] mais ils apportaient le plus grand soin à n'abolir aucun des usages établis par leurs pères, comme aussi à ne rien ajouter aux anciens règlements. Ils ne faisaient pas consister la piété dans le luxe des sacrifices, mais ils la plaçaient dans la fidélité à ne rien changer aux coutumes que leurs ancêtres leur avaient transmises. Aussi les bienfaits des dieux, sous le rapport des saisons, ne se répandaient pas sur eux d'une manière désordonnée et confuse, mais dans les temps les plus propices à la culture de la terre comme à la récolte des fruits. 12. [31] Nos ancêtres suivaient à peu près les mêmes principes dans leurs rapports particuliers. Ils n'étaient pas seulement animés d'un même esprit dans le soin des intérêts publics, mais ils s'entraidaient pour leurs intérêts privés avec une prévoyance mutuelle, comme il convient à des hommes sages, citoyens d'une même patrie. Les plus pauvres étaient si loin de porter envie aux plus riches, [32] qu'ils soignaient les intérêts des maisons puissantes comme ceux de leurs propres familles, convaincus que l'opulence des riches était pour eux une source d'abondance ; de leur côté, ceux qui possédaient des richesses, non seulement ne méprisaient pas ceux qui vivaient dans l'indigence, mais, voyant une honte pour eux dans la misère de leurs concitoyens, ils soulageaient leurs besoins, soit en leur donnant des terres à cultiver pour un prix modéré, soit en les employant au dehors pour leurs affaires commerciales, soit enfin en leur fournissant les moyens de se livrer à d'autres occupations. [33] Loin d'éprouver la crainte d'être exposés à perdre la totalité de leurs capitaux, ou de n'en recouvrer qu'avec peine une partie, ils vivaient dans la même sécurité pour les fonds qu'ils avaient placés au dehors, que pour ceux qu'ils conservaient dans leurs maisons. Ils voyaient, en effet, que les juges chargés de prononcer sur la validité des contrats, au lieu de s'abandonner à une indulgence abusive, se conformaient strictement aux lois; [34] qu'au lieu de se ménager, à travers les contestations des parties, la faculté de manquer à la justice, ils s'irritaient contre les auteurs d'une spoliation plus que ceux qui en étaient les victimes, et considéraient ceux qui altéraient la fidélité des transactions comme faisant plus de tort aux pauvres qu'aux possesseurs de grandes richesses, parce que ceux-ci, lorsqu'ils cessent de prêter, ne perdent qu'un médiocre intérêt, tandis que les autres, privés de leur secours, tombent dans le dernier degré de la misère et du besoin. [35] Par suite de ce sentiment, personne ne dissimulait sa fortune et personne n'hésitait à prêter ses capitaux; les prêteurs voyaient même avec plus de faveur ceux qui empruntaient que ceux qui se libéraient, parce qu'ils réunissaient, en prêtant, deux choses qu'ambitionnent les hommes sensés : ils étaient à la fois utiles à leurs concitoyens et rendaient leurs capitaux productifs. Pour résumer en un mot ce qui faisait parmi nous l'honneur de la vie sociale, les propriétés étaient assurées dans les mains de ceux qui les possédaient justement, et l'usage en était rendu commun à tous ceux qui en ressentaient le besoin. 13. [36] On me blâmera peut-être d'avoir, dans ce qui précède, loué les actes des temps anciens, sans indiquer pour quelles raisons les hommes alors vivaient entre eux dans des rapports si honorables et administraient l'État avec une si noble loyauté. Je crois avoir déjà dit quelque chose à cet égard, mais je vais essayer de m'expliquer avec plus d'étendue et de clarté. 14. [37] Les Athéniens, à cette époque, n'étaient pas, dans leur première jeunesse, entourés d'une foule d'instituteurs, pour être ensuite abandonnés à la fougue de leurs passions lorsqu'ils étaient parvenus à l'âge d'homme ; mais ils devenaient l'objet de plus de soins dans leur virilité que dans leur enfance. Nos ancêtres étaient animés d'un zèle si ardent pour la vertu, qu'ils avaient chargé le sénat de l'aréopage de veiller sur le maintien des moeurs; et nul ne pouvait être admis à en faire partie sans être d'une naissance illustre et sans avoir déployé, dans tout le cours de sa vie, une grande vertu et une grande sagesse ; de sorte qu'il ne faut pas s'étonner si le sénat de l'aréopage l'emportait sur tous les conseils de la Grèce. 15. [38] On peut juger par ce qui se passe de nos jours de ce que devait être alors cette institution; bien que le choix des membres de l'aréopage ne soit en réalité maintenant l'objet d'aucun soin, d'aucune épreuve, nous voyons cependant des hommes, dont la conduite était intolérable dans d'autres positions, craindre, lorsqu'ils montent à l'aréopage, de suivre l'impulsion de leur nature, et se conformer aux règles établies dans cette assemblée, plutôt que de persévérer dans leurs écarts, tant est grande la terreur que nos ancêtres ont su imprimer aux méchants; tant est admirable le monument de sagesse et de vertu qu'ils ont laissé dans cette enceinte ! 16. [39] C'était, ainsi que je l'ai dit, à une telle magistrature que nos ancêtres avaient confié le pouvoir de veiller sur les moeurs, et elle regardait comme une erreur de croire que les meilleurs citoyens se rencontrent dans les pays où les lois sont faites avec le plus de soin ; car rien n'empêcherait alors que tous les Grecs fussent égaux en vertu, puisqu'il leur serait facile d'emprunter réciproquement les uns chez les autres les lois inscrites sur les registres publics. [40] Ce n'est pas dans les lois, c'est dans les moeurs qui règlent la conduite de chaque jour, que la vertu peut trouver son accroissement, car les hommes, en général, se modèlent sur les moeurs au milieu desquelles leur éducation s'accomplit. La multiplicité des lois, comme le soin avec lequel elles sont rédigées, est l'indication d'une mauvaise organisation de l'état social, car elles prouvent la nécessité d'opposer par le grand nombre des lois un rempart à la multitude des crimes. [41] Les peuples sagement gouvernés ne doivent pas couvrir de lois leurs portiques, mais ils doivent avoir la justice dans le coeur. Ce ne sont pas les lois, ce sont les moeurs qui assurent la félicité des États, et les hommes nourris dans de mauvais principes oseront toujours transgresser les lois les plus habilement rédigées ; tandis que ceux qui auront été élevés dans des principes sages, voudront toujours obéir aux lois, même les plus simples. [42] Nos ancêtres, convaincus de ces vérités, ne cherchaient pas avant tout de quelles peines ils puniraient les délits, mais par quels moyens ils amèneraient les citoyens à ne vouloir commettre aucune action digne de châtiment. Ils croyaient que telle était leur mission, et qu'il n'appartenait qu'à des ennemis de s'attacher à réprimer par des supplices.. 17. [43] Leurs soins s'étendaient sur tous les citoyens, mais les jeunes gens étaient le principal objet de leur sollicitude. Ils voyaient que les hommes dans leur jeunesse étaient disposés au désordre, que leur coeur était rempli d'une foule de désirs et que leur âme avait surtout besoin d'être dirigée vers l'amour des moeurs honnêtes et des travaux que le plaisir adoucit, parce que ce système est le seul auquel puissent rester fidèles les hommes élevés dans des principes de liberté et accoutumés aux pensées généreuses. [44] L'inégalité des fortunes ne permettant pas d'appliquer tous les jeunes gens aux mêmes travaux, ni aux mêmes études, ils donnaient à chacun une direction en rapport avec ses moyens d'existence. Ils portaient vers l'agriculture et le commerce ceux qui avaient le moins de ressources, convaincus que, si la misère naît de l'oisiveté, les mauvaises actions proviennent de la misère ; [45] ils croyaient, en faisant disparaître le principe des vices, éloigner les fautes qui découlent de ce principe. Quant à ceux qui possédaient une fortune suffisante, ils les obligeaient à s'occuper des exercices du cheval, du gymnase, de la chasse et de la philosophie, parce qu'ils avaient remarqué qu'à l'aide de ces occupations, les uns devenaient des hommes distingués, et les autres s'abstenaient de la plupart des actions coupables. 18. [46] Après avoir établi ces sages règlements pour la jeunesse, nos ancêtres ne négligeaient pas les temps qui devaient la suivre ; ils avaient divisé leur ville en quartiers, leur territoire en dèmes, et, surveillant la vie de chaque citoyen, ils traduisaient devant le sénat de l'aréopage ceux qui violaient les convenances sociales. L'aréopage alors avertissait les uns, menaçait les autres ou les punissait conformément aux lois. Ils savaient qu'il existe deux manières d'agir sur les hommes, l'une qui les encourage au mal, l'autre qui les arrête dans la voie du crime ; [47] que chez les peuples où il n'existe pas de surveillance, et où les règles de la justice ne sont pas suivies avec exactitude, les natures, même les meilleures, se laissent entraîner à la corruption ; tandis que, s'il est difficile de se soustraire à la lumière en se livrant à un acte répréhensible, comme aussi d'échapper au châtiment après avoir été découvert, les mauvaises moeurs disparaissent. Convaincus de cette vérité, nos ancêtres contenaient à la fois les citoyens par la répression et par la surveillance ; de telle sorte que les hommes qui avaient commis des fautes devaient d'autant moins s'attendre à échapper à la justice que les magistrats avaient pressenti d'avance ceux qui devaient en commettre. [48] Aussi ne voyait-on pas alors les jeunes gens fréquenter les maisons de jeu, la société des joueuses de flûte et les réunions semblables à celles où ils passent aujourd'hui leur temps; mais, conservant fidèlement les moeurs au sein desquelles ils avaient été formés, ils témoignaient de l'admiration pour ceux qui se distinguaient sous ce rapport. Ils fuyaient tellement la place publique que, s'il arrivait qu'ils fussent contraints de la traverser, ils le faisaient avec une décence et une modestie remarquables. [49] Contester avec des vieillards, les outrager par des paroles, leur paraissait plus odieux qu'il ne le semble aujourd'hui d'insulter ses parents. Personne, pas même un esclave honnête, n'aurait osé manger ou boire dans une taverne ; tous s'étudiaient à parler avec gravité et non à dire des bouffonneries. Enfin les hommes d'un esprit souple et léger, et ceux qui sont habiles à manier le sarcasme, que l'on regarde aujourd'hui comme doués d'un heureux naturel, étaient considérés comme des hommes funestes. 19. [50] Et que personne ne croie que je suis mal disposé pour la jeunesse. Je ne la considère pas comme coupable des changements qui ont eu lieu parmi nous; je sais que la plupart des jeunes gens sont loin de se réjouir d'un état de choses qui leur donne la liberté de s'abandonner à tous ces désordres, et ce ne serait pas d'ailleurs à eux que j'aurais le droit d'adresser des reproches, mais bien plus justement à ceux qui ont gouverné peu de temps avant nous.
20. [51] Ce sont eux qui ont introduit
parmi nous le mépris des moeurs honnêtes, et qui ont anéanti
l'autorité de l'aréopage. Lorsque le sénat de l'aréopage réglait nos
moeurs, la ville n'était pas remplie de procès, d'accusations,
d'exactions, d'indigence et de guerres ; les Athéniens entre eux
vivaient en bonne intelligence et ils étaient en paix avec les
autres peuples. Loyaux et fidèles envers les Grecs, [52] redoutés
par les Barbares, ils avaient sauvé les uns et fait des autres une
si éclatante justice, que ceux-ci s'estimaient heureux de ne pas
éprouver de nouvelles calamités. Ils vivaient dans une si complète
sécurité, que leurs habitations et leurs ameublements étaient plus
riches, plus somptueux au milieu des champs que dans l'enceinte de
leurs murailles, et qu'un grand nombre de citoyens, même aux jours
de solennité, au lieu de se rendre à la ville, préféraient se
reposer au sein de leur bonheur domestique, plutôt que de jouir des
spectacles publics. [53] La modestie, et non la licence et
l'orgueil, présidait aux fêtes qui attiraient les citoyens. Loin de
placer le bonheur dans les pompes et dans les rivalités pour la
magnificence des choeurs et dans les vanités de cette nature, ils le
trouvaient dans une sage organisation de la vie de chaque jour, et
dans le soin qu'ils apportaient à ce qu'aucun citoyen ne manquât du
nécessaire. C'est à de tels caractères que l'on reconnaît les
peuples véritablement heureux, les peuples que n'accable pas un
gouvernement oppresseur. [54] Mais aujourd'hui, quel homme doué de
raison ne déplorerait l'état dans lequel nous sommes tombés ? Qui ne
s'affligerait en voyant devant les tribunaux des citoyens en grand
nombre tirer au sort pour savoir s'ils auront ou non la faculté de
pourvoir à leurs premiers besoins, et demander en même temps que
des Grecs soient entretenus pour ramer sur nos vaisseaux? Qui ne
gémirait en les voyant au milieu des fêtes, publiques danser avec
des vêtements couverts d'or, pour supporter ensuite l'hiver dans un
costume que je ne veux pas même décrire? Qui ne rougirait enfin de
voir les nombreuses contradictions introduites dans l'administration
de l'État, et qui font l'opprobre de notre patrie ? |
[55] Ὧν οὐδὲν ἦν ἐπ᾽ ἐκείνης τῆς βουλῆς· ἀπήλλαξε γὰρ τοὺς μὲν πένητας τῶν ἀποριῶν ταῖς ἐργασίαις καὶ ταῖς παρὰ τῶν ἐχόντων ὠφελίαις, τοὺς δὲ νεωτέρους τῶν ἀκολασιῶν τοῖς ἐπιτηδεύμασι καὶ ταῖς αὐτῶν ἐπιμελείαις, τοὺς δὲ πολιτευομένους τῶν πλεονεξιῶν ταῖς τιμωρίαις καὶ τῷ μὴ λανθάνειν τοὺς ἀδικοῦντας, τοὺς δὲ πρεσβυτέρους τῶν ἀθυμιῶν ταῖς τιμαῖς ταῖς πολιτικαῖς καὶ ταῖς παρὰ τῶν νεωτέρων θεραπείαις. Καίτοι πῶς ἂν γένοιτο ταύτης πλείονος ἀξία πολιτεία, τῆς οὕτω καλῶς ἁπάντων τῶν πραγμάτων ἐπιμεληθείσης; [56] Περὶ μὲν οὖν τῶν ποτὲ καθεστώτων τὰ μὲν πλεῖστα διεληλύθαμεν· ὅσα δὲ παραλελοίπαμεν, ἐκ τῶν εἰρημένων, ὅτι κἀκεῖνα τὸν αὐτὸν τρόπον εἶχε τούτοις, ῥᾴδιόν ἐστι καταμαθεῖν. Ἤδη δέ τινες ἀκούσαντές μου ταῦτα διεξιόντος ἐπῄνεσαν μὲν ὡς οἷόν τε μάλιστα, καὶ τοὺς προγόνους ἐμακάρισαν ὅτι τὸν τρόπον τοῦτον τὴν πόλιν διῴκουν, [57] Οὐ μὴν ὑμᾶς γε ᾤοντο πεισθήσεσθαι χρῆσθαι τούτοις, ἀλλ᾽ αἱρήσεσθαι διὰ τὴν συνήθειαν ἐν τοῖς καθεστηκόσι πράγμασι κακοπαθεῖν μᾶλλον ἢ μετὰ πολιτείας ἀκριβεστέρας ἄμεινον τὸν βίον διάγειν. εἶναι δ᾽ ἔφασαν ἐμοὶ καὶ κίνδυνον, μὴ τὰ βέλτιστα συμβουλεύων μισόδημος εἶναι δόξω καὶ τὴν πόλιν ζητεῖν εἰς ὀλιγαρχίαν ἐμβαλεῖν. [58] Ἐγὼ δ᾽ εἰ μὲν περὶ πραγμάτων ἀγνοουμένων καὶ μὴ κοινῶν τοὺς λόγους ἐποιούμην, καὶ περὶ τούτων ἐκέλευον ὑμᾶς ἑλέσθαι συνέδρους ἢ συγγραφέας, δι᾽ ὧν ὁ δῆμος κατελύθη τὸ πρότερον, εἰκότως ἂν εἶχον ταύτην τὴν αἰτίαν· νῦν δ᾽ οὐδὲν εἴρηκα τοιοῦτον, ἀλλὰ διείλεγμαι περὶ διοικήσεως οὐκ ἀποκεκρυμμένης ἀλλὰ πᾶσι φανερᾶς, [59] ἣν πάντες ἴστε καὶ πατρίαν ἡμῖν οὖσαν καὶ πλείστων ἀγαθῶν καὶ τῇ πόλει καὶ τοῖς ἄλλοις Ἕλλησιν αἰτίαν γεγενημένην, πρὸς δὲ τούτοις ὑπὸ τοιούτων ἀνδρῶν νομοθετηθεῖσαν καὶ κατασταθεῖσαν, οὓς οὐδεὶς ὅστις οὐκ ἂν ὁμολογήσειε δημοτικωτάτους γεγενῆσθαι τῶν πολιτῶν. ὥστε πάντων ἄν μοι συμβαίη δεινότατον, εἰ τοιαύτην πολιτείαν εἰσηγούμενος νεωτέρων δόξαιμι πραγμάτων ἐπιθυμεῖν. [60] Ἔπειτα κἀκεῖθεν ῥᾴδιον γνῶναι τὴν ἐμὴν διάνοιαν· ἐν γὰρ τοῖς πλείστοις τῶν λόγων τῶν εἰρημένων ὑπ᾽ ἐμοῦ φανήσομαι ταῖς μὲν ὀλιγαρχίαις καὶ ταῖς πλεονεξίαις ἐπιτιμῶν, τὰς δ᾽ ἰσότητας καὶ τὰς δημοκρατίας ἐπαινῶν, οὐ πάσας, ἀλλὰ τὰς καλῶς καθεστηκυίας, οὐδ᾽ ὡς ἔτυχον, ἀλλὰ δικαίως καὶ λόγον ἐχόντως. [61] Οἶδα γὰρ τούς τε προγόνους τοὺς ἡμετέρους ἐν ταύτῃ τῇ καταστάσει πολὺ τῶν ἄλλων διενεγκόντας, καὶ Λακεδαιμονίους διὰ τοῦτο κάλλιστα πολιτευομένους, ὅτι μάλιστα δημοκρατούμενοι τυγχάνουσιν. Ἐν γὰρ τῇ τῶν ἀρχῶν αἱρέσει καὶ τῷ βίῳ τῷ καθ᾽ ἡμέραν καὶ τοῖς ἄλλοις ἐπιτηδεύμασιν ἴδοιμεν ἂν παρ᾽ αὐτοῖς τὰς ἰσότητας καὶ τὰς ὁμοιότητας μᾶλλον ἢ παρὰ τοῖς ἄλλοις ἰσχυούσας· οἷς αἱ μὲν ὀλιγαρχίαι πολεμοῦσιν, οἱ δὲ καλῶς δημοκρατούμενοι χρώμενοι διατελοῦσιν. [62] Τῶν τοίνυν ἄλλων πόλεων ταῖς ἐπιφανεστάταις καὶ μεγίσταις, ἢν ἐξετάζειν βουληθῶμεν, εὑρήσομεν τὰς δημοκρατίας μᾶλλον ἢ τὰς ὀλιγαρχίας συμφερούσας· ἐπεὶ καὶ τὴν ἡμετέραν πολιτείαν, ᾗ πάντες ἐπιτιμῶσιν, ἢν παραβάλωμεν αὐτὴν μὴ πρὸς τὴν ὑπ᾽ ἐμοῦ ῥηθεῖσαν ἀλλὰ πρὸς τὴν ὑπὸ τῶν τριάκοντα καταστᾶσαν, οὐδεὶς ὅστις οὐκ ἂν θεοποίητον εἶναι νομίσειεν. [63] Βούλομαι δ᾽, εἰ καί τινές με φήσουσιν ἔξω τῆς ὑποθέσεως λέγειν, δηλῶσαι καὶ διελθεῖν ὅσον αὕτη τῆς τότε διήνεγκεν, ἵνα μηδεὶς οἴηταί με τὰ μὲν ἁμαρτήματα τοῦ δήμου λίαν ἀκριβῶς ἐξετάζειν, εἰ δέ τι καλὸν ἢ σεμνὸν διαπέπρακται, ταῦτα δὲ παραλείπειν. ἔσται δ᾽ ὁ λόγος οὔτε μακρὸς οὔτ᾽ ἀνωφελὴς τοῖς ἀκούουσιν. [64] Ἐπειδὴ γὰρ τὰς ναῦς τὰς περὶ Ἑλλήσποντον ἀπωλέσαμεν καὶ ταῖς συμφοραῖς ἐκείναις ἡ πόλις περιέπεσε, τίς οὐκ οἶδε τῶν πρεσβυτέρων τοὺς μὲν δημοτικοὺς καλουμένους ἑτοίμους ὄντας ὁτιοῦν πάσχειν ὑπὲρ τοῦ μὴ ποιεῖν τὸ προσταττόμενον, καὶ δεινὸν ἡγουμένους εἴ τις ὄψεται τὴν πόλιν τὴν τῶν Ἑλλήνων ἄρξασαν, ταύτην ὑφ᾽ ἑτέροις οὖσαν, τοὺς δὲ τῆς ὀλιγαρχίας ἐπιθυμήσαντας ἑτοίμως καὶ τὰ τείχη καθαιροῦντας καὶ τὴν δουλείαν ὑπομένοντας; [65] Καὶ τότε μέν, ὅτε τὸ πλῆθος ἦν κύριον τῶν πραγμάτων, ἡμᾶς τὰς τῶν ἄλλων ἀκροπόλεις φρουροῦντας, ἐπειδὴ δ᾽ οἱ τριάκοντα παρέλαβον τὴν πολιτείαν, τοὺς πολεμίους τὴν ἡμετέραν ἔχοντας; καὶ κατὰ μὲν ἐκεῖνον τὸν χρόνον δεσπότας ἡμῶν ὄντας Λακεδαιμονίους, ἐπειδὴ δ᾽ οἱ φεύγοντες κατελθόντες πολεμεῖν ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας ἐτόλμησαν καὶ Κόνων ναυμαχῶν ἐνίκησε, πρέσβεις ἐλθόντας παρ᾽ αὐτῶν καὶ διδόντας τῇ πόλει τὴν ἀρχὴν τὴν τῆς θαλάττης; [66] Καὶ μὲν δὴ καὶ τάδε τίς οὐ μνημονεύει τῶν ἡλικιωτῶν τῶν ἐμῶν, τὴν μὲν δημοκρατίαν οὕτω κοσμήσασαν τὴν πόλιν καὶ τοῖς ἱεροῖς καὶ τοῖς ὁσίοις, ὥστ᾽ ἔτι καὶ νῦν τοὺς ἀφικνουμένους νομίζειν αὐτὴν ἀξίαν εἶναι μὴ μόνον τῶν Ἑλλήνων ἄρχειν ἀλλὰ καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων, τοὺς δὲ τριάκοντα τῶν μὲν ἀμελήσαντας, τὰ δὲ συλήσαντας, τοὺς δὲ νεωσοίκους ἐπὶ καθαιρέσει τριῶν ταλάντων ἀποδομένους, εἰς οὓς ἡ πόλις ἀνήλωσεν οὐκ ἐλάττω χιλίων ταλάντων; [67] Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ τὴν πραότητα δικαίως ἄν τις ἐπαινέσειε τὴν ἐκείνων μᾶλλον ἢ τὴν τοῦ δήμου. Οἱ μὲν γὰρ ψηφίσματι παραλαβόντες τὴν πόλιν πεντακοσίους μὲν καὶ χιλίους τῶν πολιτῶν ἀκρίτους ἀπέκτειναν, εἰς δὲ τὸν Πειραιᾶ φυγεῖν πλείους ἢ πεντακισχιλίους ἠνάγκασαν· οἱ δὲ κρατήσαντες καὶ μεθ᾽ ὅπλων κατιόντες, αὐτοὺς τοὺς αἰτιωτάτους τῶν κακῶν ἀνελόντες, οὕτω τὰ πρὸς τοὺς ἄλλους καλῶς καὶ νομίμως διῴκησαν, ὥστε μηδὲν ἔλαττον ἔχειν τοὺς ἐκβαλόντας τῶν κατελθόντων. [ [68] Ὃ δὲ πάντων κάλλιστον καὶ μέγιστον τεκμήριον τῆς ἐπιεικείας τοῦ δήμου· δανεισαμένων γὰρ τῶν ἐν ἄστει μεινάντων ἑκατὸν τάλαντα παρὰ Λακεδαιμονίων εἰς τὴν πολιορκίαν τῶν τὸν Πειραιᾶ κατασχόντων, ἐκκλησίας γενομένης περὶ ἀποδόσεως τῶν χρημάτων, καὶ λεγόντων πολλῶν ὡς δίκαιόν ἐστι διαλύειν τὰ πρὸς Λακεδαιμονίους μὴ τοὺς πολιορκουμένους ἀλλὰ τοὺς δανεισαμένους, ἔδοξε τῷ δήμῳ κοινὴν ποιήσασθαι τὴν ἀπόδοσιν. [69] Καὶ γάρ τοι διὰ ταύτην τὴν γνώμην εἰς τοιαύτην ἡμᾶς ὁμόνοιαν κατέστησαν καὶ τοσοῦτον ἐπιδοῦναι τὴν πόλιν ἐποίησαν, ὥστε Λακεδαιμονίους, τοὺς ἐπὶ τῆς ὀλιγαρχίας ὀλίγου δεῖν καθ᾽ ἑκάστην τὴν ἡμέραν προστάττοντας ἡμῖν, ἐλθεῖν ἐπὶ τῆς δημοκρατίας ἱκετεύσοντας καὶ δεησομένους μὴ περιιδεῖν αὐτοὺς ἀναστάτους γενομένους. Τὸ δ᾽ οὖν κεφάλαιον τῆς ἑκατέρων διανοίας τοιοῦτον ἦν· οἱ μὲν γὰρ ἠξίουν τῶν μὲν πολιτῶν ἄρχειν, τοῖς δὲ πολεμίοις δουλεύειν, οἱ δὲ τῶν μὲν ἄλλων ἄρχειν, τοῖς δὲ πολίταις ἴσον ἔχειν. [70] Ταῦτα δὲ διῆλθον δυοῖν ἕνεκα, πρῶτον μὲν ἐμαυτὸν ἐπιδεῖξαι βουλόμενος οὐκ ὀλιγαρχιῶν οὐδὲ πλεονεξιῶν ἀλλὰ δικαίας καὶ κοσμίας ἐπιθυμοῦντα πολιτείας, ἔπειτα τὰς δημοκρατίας τάς τε κακῶς καθεστηκυίας ἐλαττόνων συμφορῶν αἰτίας γιγνομένας, τὰς τε καλῶς πολιτευομένας προεχούσας τῷ δικαιοτέρας εἶναι καὶ κοινοτέρας καὶ τοῖς χρωμένοις ἡδίους. [71] Τάχ᾽ οὖν ἄν τις θαυμάσειε, τί βουλόμενος ἀντὶ τῆς πολιτείας τῆς οὕτω πολλὰ καὶ καλὰ διαπεπραγμένης ἑτέραν ὑμᾶς πείθω μεταλαβεῖν, καὶ τίνος ἕνεκα νῦν μὲν οὕτω καλῶς ἐγκεκωμίακα τὴν δημοκρατίαν, ὅταν δὲ τύχω, πάλιν μεταβαλὼν ἐπιτιμῶ καὶ κατηγορῶ τῶν καθεστώτων.
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21. [55] Aucun de ces désordres n'était à déplorer sous le pouvoir de l'aréopage : les pauvres se trouvaient à l'abri du besoin par les travaux qu'il leur procurait et par les secours qu'ils recevaient des riches ; la jeunesse était préservée de la dissolution et du libertinage par de sages institutions et par une surveillance active; la cupidité des hommes investis des emplois publics était réprimée par la sévérité des peines et par l'impossibilité de cacher les malversations. L'énergie des vieillards était soutenue par les honneurs politiques et par les soins respectueux qu'on obligeait les jeunes gens à leur rendre. Quel gouvernement pourrait être préférable à celui qui exerçait une action si salutaire sur tous les intérêts ? 22. [56] Nous avons rappelé la plupart des institutions de cette époque ; quant à celles que nous avons passées sous silence, il est facile, d'après ce qui a été dit, de se convaincre qu'elles étaient avec les premières dans une harmonie complète. 23. Déjà parmi ceux qui m'ont entendu parler sur les choses dont je viens de vous entretenir, plusieurs m'ont donné les plus grands éloges et ont vanté le bonheur de nos ancêtres, pour avoir si heureusement constitué leur république; [57] ils n'ont pas cru néanmoins que l'on pût vous persuader d'adopter la même manière de gouverner; ils ont pensé que, dominés par l'habitude, vous préféreriez supporter les inconvénients de l'état présent des choses, plutôt que de chercher à jouir d'une existence plus heureuse sous une meilleure organisation politique. Ils ajoutaient qu'en vous donnant les conseils les plus utiles à vos intérêts, je m'exposais au danger d'être considéré comme l'ennemi du peuple et comme cherchant à précipiter la république dans l'oligarchie. 24. [58] Si je vous avais parlé d'institutions inconnues ou peu conformes à l'intérêt de tous ; et si, pour les établir, je vous proposais de remettre le pouvoir à des assesseurs ou à des greffiers, comme ceux qui ont détruit la démocratie à une autre époque, je pourrais, avec justice, encourir une telle accusation. Mais je n'ai rien dit de semblable; je vous ai entretenu d'une organisation politique qui n'a rien de secret, qui se montre à découvert, [59] que vous connaissez tous pour avoir été celle de vos pères; qui, pour nous et pour les autres Grecs, a été la source de nombreuses prospérités ; et qui, de plus, a été établie et fondée par des hommes que tout le monde reconnaît comme ayant été les plus populaires de tous les citoyens. On commettrait envers moi la plus cruelle injustice si, lorsque je cherche à vous faire adopter une telle organisation politique, j'étais regardé comme un homme qui aspire à des nouveautés. [60] Ce que je vais ajouter vous fera mieux encore comprendre ma pensée. On peut voir dans la plupart des discours que j'ai prononcés, que je blâme les oligarchies et les privilèges, en même temps que je loue l'égalité des droits ainsi que les démocraties ; non pas toutes, mais celles qui sont sagement constituées ; et que, de plus, je ne le fais pas au hasard, mais selon la justice et la raison. [61] Je sais, d'ailleurs, que nos ancêtres, sous cette démocratie, ont acquis une grande supériorité sur les autres Grecs, et que si les Lacédémoniens ont été parfaitement gouvernés, c'est surtout parce que la démocratie était au fond de leurs institutions politiques. Aussi, dans le choix de leurs magistrats comme dans leur vie de chaque jour, et dans tout ce qui se rattache à leurs moeurs, on voit régner parmi eux, plus que chez les autres peuples, l'égalité et l'équité, contre lesquelles les oligarchies luttent sans cesse, tandis qu'elles sont toujours le partage des démocraties bien organisées. 25. [62] Que si nous voulons examiner les villes les plus grandes et les plus illustres, nous trouverons que les démocraties produisent des résultats meilleurs que les oligarchies ; et que notre gouvernement lui-même, notre gouvernement blâmé de tout le monde, si nous le comparions, non pas avec celui dont j*ai parlé, mais avec la constitution établie par les Trente, il n'est personne qui ne le considérât comme une oeuvre divine. 26. [63] Je veux encore, dût-on me reprocher de sortir de mon sujet, montrer et faire apprécier à quel point la différence est grande entre le gouvernement actuel et celui qui nous régissait alors, afin que personne ne croie que, recherchant avec trop de sévérité les fautes du peuple, je passe sous silence ce qu'il a fait de noble et de grand. Mes réflexions seront courtes, et ne seront point inutiles à ceux qui m'entendront. 27. [64] Après la perte de nos vaisseaux dans les parages de l'Hellespont, et lorsque notre patrie était accablée sous le poids de ce désastre, qui ne sait, parmi nos vieillards, que les partisans de la démocratie étaient prêts à tout souffrir plutôt que d'obéir aux vainqueurs; qu'ils trouvaient indigne d'une ville qui avait commandé à la Grèce de subir un joug étranger, tandis que les fauteurs de l'oligarchie consentaient à la destruction de nos murailles, et acceptaient la servitude? [65] que dans les temps où le peuple était maître des affaires, nous avions des garnisons dans les citadelles étrangères, et que, plus tard, lorsque les Trente se furent emparés du pouvoir, nos ennemis s'établirent dans la nôtre? qu'à cette époque les Lacédémoniens étaient nos maîtres, mais qu'ensuite, quand les exilés furent revenus dans la ville, qu'ils eurent osé combattre pour la liberté, que Conon eut remporté une victoire navale, les ambassadeurs de Sparte vinrent nous offrir le commandement sur la mer ? [66] Quel est enfin celui des hommes de mon âge qui peut avoir oublié que, sous la démocratie, notre ville a été ornée d'un si grand nombre de temples et d'édifices sacrés, que, même encore aujourd'hui, ceux qui viennent la visiter la jugent digne de commander, non seulement à la Grèce, mais à l'univers? que les Trente, au contraire, parmi ces édifices, négligeant les uns, spoliant les autres, vendaient pour trois talents, afin qu'on les détruisît, les arsenaux, pour lesquels la république n'en avait pas dépensé moins de mille? [67] Certes, il serait injuste aussi de louer pour sa douceur et de mettre au-dessus de la démocratie le gouvernement de pareils hommes ; car, après s'être emparés du pouvoir suprême, par un décret, ils ont fait mettre à mort sans jugement quinze cents citoyens, et en ont forcé plus de cinq mille à se réfugier au Pirée; tandis que ceux-ci, après les avoir vaincus et après être rentrés dans leur patrie les armes à la main, se sont bornés à punir les principaux auteurs des maux de leur pays, et se sont montrés, à l'égard des autres, modérés et généreux jusqu'à laisser ceux qui avaient chassé leurs concitoyens jouir des mêmes avantages que ceux qui étaient revenus de l'exil. 28. [68] Mais voici le témoignage le plus grand, le plus beau, de la modération du peuple. Les Athéniens qui étaient restés dans la ville avaient emprunté des Lacédémoniens cent talents pour assiéger leurs concitoyens retranchés dans le Pirée : l'assemblée générale s'étant réunie pour délibérer sur le payement de cette dette, un grand nombre de voix s'élevèrent pour établir qu'il était juste que l'engagement pris envers Lacédémone fût acquitté, non par ceux qui avaient été assiégés, mais par ceux qui avaient contracté l'emprunt ; le peuple décida que la dette serait payée en commun. [69] Par suite de cette décision, une telle harmonie fut rétablie au milieu de nous, et la puissance de notre ville prit un tel accroissement, que les Lacédémoniens qui, pour ainsi dire, chaque jour nous donnaient des ordres sous l'oligarchie, vinrent nous conjurer et nous supplier, sous la démocratie, de ne pas permettre qu'ils fussent anéantis. Voici, en résumé, quel sentiment dominait les Athéniens dans chacun des deux partis : dans l'un, ils voulaient commander à leurs concitoyens, en subissant le joug de leurs ennemis; dans l'autre, ils voulaient commander aux étrangers, en restant les égaux de leurs concitoyens. 29. [70] J'ai rappelé ces faits pour deux motifs ; le premier, afin de montrer que je ne désire ni oligarchies, ni privilèges, mais que j'appelle de mes voeux une république juste et sagement dirigée ; le second, pour établir que les démocraties, même alors qu'elles sont mal constituées, produisent de moindres malheurs que les gouvernements oligarchiques, et que les démocraties bien organisées l'emportent sur les autres constitutions pour la justice, le soin des intérêts communs et la douceur de leur gouvernement. 30. Peut-être quelqu'un d'entre vous se demandera-t-il avec étonnement dans quelle vue je vous conseille de changer contre un autre gouvernement celui qui a donné de si nombreux, de si nobles résultats, et pourquoi je fais maintenant un si pompeux éloge de la démocratie, tandis que, changeant de pensée au hasard, je blâme et j'accuse l'ordre actuellement établi. |
[72] Ἐγὼ δὲ καὶ τῶν ἰδιωτῶν τοὺς ὀλίγα μὲν κατορθοῦντας πολλὰ δ᾽ ἐξαμαρτάνοντας μέμφομαι καὶ νομίζω φαυλοτέρους εἶναι τοῦ δέοντος, καὶ πρός γε τούτοις τοὺς γεγονότας ἐκ καλῶν κἀγαθῶν ἀνδρῶν, καὶ μικρῷ μὲν ὄντας ἐπιεικεστέρους τῶν ὑπερβαλλόντων ταῖς πονηρίαις, πολὺ δὲ χείρους τῶν πατέρων, λοιδορῶ, καὶ συμβουλεύσαιμ᾽ ἂν αὐτοῖς παύσασθαι τοιούτοις οὖσιν. [73] Τὴν αὐτὴν οὖν γνώμην ἔχω καὶ περὶ τῶν κοινῶν· ἡγοῦμαι γὰρ δεῖν ἡμᾶς οὐ μέγα φρονεῖν οὐδ᾽ ἀγαπᾶν, εἰ κακοδαιμονησάντων καὶ μανέντων ἀνθρώπων νομιμώτεροι γεγόναμεν, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον ἀγανακτεῖν καὶ βαρέως φέρειν, εἰ χείρους τῶν προγόνων τυγχάνοιμεν ὄντες· πρὸς γὰρ τὴν ἐκείνων ἀρετὴν ἀλλ᾽ οὐ πρὸς τὴν τῶν τριάκοντα πονηρίαν ἁμιλλητέον ἡμῖν ἐστιν, ἄλλως τε καὶ προσῆκον ἡμῖν βελτίστοις ἁπάντων ἀνθρώπων εἶναι. [74] Καὶ τοῦτον εἴρηκα τὸν λόγον οὐ νῦν πρῶτον, ἀλλὰ πολλάκις ἤδη καὶ πρὸς πολλούς. Ἐπίσταμαι γὰρ ἐν μὲν τοῖς ἄλλοις τόποις φύσεις ἐγγιγνομένας καρπῶν καὶ δένδρων καὶ ζώων ἰδίας ἐν ἑκάστοις καὶ πολὺ τῶν ἄλλων διαφερούσας, τὴν δ᾽ ἡμετέραν χώραν ἄνδρας φέρειν καὶ τρέφειν δυναμένην οὐ μόνον πρὸς τὰς τέχνας καὶ τὰς πράξεις καὶ τοὺς λόγους εὐφυεστάτους, ἀλλὰ καὶ πρὸς ἀνδρίαν καὶ πρὸς ἀρετὴν πολὺ διαφέροντας. [75] Τεκμαίρεσθαι δὲ δίκαιόν ἐστι τοῖς τε παλαιοῖς ἀγῶσιν, οὓς ἐποιήσαντο πρὸς Ἀμαζόνας καὶ Θρᾷκας καὶ Πελοποννησίους ἅπαντας, καὶ τοῖς κινδύνοις τοῖς περὶ τὰ Περσικὰ γενομένοις, ἐν οἷς καὶ μόνοι καὶ μετὰ Πελοποννησίων, καὶ πεζομαχοῦντες καὶ ναυμαχοῦντες, νικήσαντες τοὺς βαρβάρους ἀριστείων ἠξιώθησαν· ὧν οὐδὲν ἂν ἔπραξαν, εἰ μὴ πολὺ τὴν φύσιν διήνεγκαν. [76] Καὶ μηδεὶς οἰέσθω ταύτην τὴν εὐλογίαν ἡμῖν προσήκειν τοῖς νῦν πολιτευομένοις, ἀλλὰ πολὺ τοὐναντίον. εἰσὶ γὰρ οἱ τοιοῦτοι τῶν λόγων ἔπαινος μὲν τῶν ἀξίους σφᾶς αὐτοὺς τῆς τῶν προγόνων ἀρετῆς παρεχόντων, κατηγορία δὲ τῶν τὰς εὐγενείας ταῖς αὑτῶν ῥᾳθυμίαις καὶ κακίαις καταισχυνόντων. Ὅπερ ἡμεῖς ποιοῦμεν· εἰρήσεται γὰρ τἀληθές. Τοιαύτης γὰρ ἡμῖν τῆς φύσεως ὑπαρχούσης, οὐ διεφυλάξαμεν αὐτήν, ἀλλ᾽ ἐμπεπτώκαμεν εἰς ἄνοιαν καὶ ταραχὴν καὶ πονηρῶν πραγμάτων ἐπιθυμίαν. [77] Ἀλλὰ γὰρ ἢν ἐπακολουθῶ τοῖς ἐνοῦσιν ἐπιτιμῆσαι καὶ κατηγορῆσαι τῶν ἐνεστώτων πραγμάτων, δέδοικα μὴ πόρρω λίαν τῆς ὑποθέσεως ἀποπλανηθῶ. Περὶ μὲν οὖν τούτων καὶ πρότερον εἰρήκαμεν, καὶ πάλιν ἐροῦμεν, ἢν μὴ πείσωμεν ὑμᾶς παύσασθαι τοιαῦτ᾽ ἐξαμαρτάνοντας· περὶ δ᾽ ὧν ἐξ ἀρχῆς τὸν λόγον κατεστησάμην, βραχέα διαλεχθεὶς παραχωρῶ τοῖς βουλομένοις ἔτι συμβουλεύειν περὶ τούτων. [78] Ἡμεῖς γὰρ ἢν μὲν οὕτως οἰκῶμεν τὴν πόλιν ὥσπερ νῦν, οὐκ ἔστιν ὅπως οὐ καὶ βουλευσόμεθα καὶ πολεμήσομεν καὶ βιωσόμεθα καὶ σχεδὸν ἅπαντα καὶ πεισόμεθα καὶ πράξομεν, ἅπερ ἐν τῷ παρόντι καιρῷ καὶ τοῖς παρελθοῦσι χρόνοις· ἢν δὲ μεταβάλωμεν τὴν πολιτείαν, δῆλον ὅτι κατὰ τὸν αὐτὸν λόγον, οἷά περ ἦν τοῖς προγόνοις τὰ πράγματα, τοιαῦτ᾽ ἔσται καὶ περὶ ἡμᾶς· ἀνάγκη γὰρ ἐκ τῶν αὐτῶν πολιτευμάτων καὶ τὰς πράξεις ὁμοίας ἀεὶ καὶ παραπλησίας ἀποβαίνειν. [79] Δεῖ δὲ τὰς μεγίστας αὐτῶν παρ᾽ ἀλλήλας θέντας βουλεύσασθαι, ποτέρας ἡμῖν αἱρετέον ἐστίν. Καὶ πρῶτον μὲν σκεψώμεθα τοὺς Ἕλληνας καὶ τοὺς βαρβάρους, πῶς πρὸς ἐκείνην τὴν πολιτείαν διέκειντο καὶ πῶς νῦν ἔχουσι πρὸς ἡμᾶς. Οὐ γὰρ ἐλάχιστον μέρος τὰ γένη ταῦτα συμβάλλεται πρὸς εὐδαιμονίαν, [80] ὅταν ἔχῃ κατὰ τρόπον ἡμῖν. Οἱ μὲν τοίνυν Ἕλληνες οὕτως ἐπίστευον τοῖς κατ᾽ ἐκεῖνον τὸν χρόνον πολιτευομένοις, ὥστε τοὺς πλείστους αὐτῶν ἑκόντας ἐγχειρίσαι τῇ πόλει σφᾶς αὐτούς· οἱ δὲ βάρβαροι τοσοῦτον ἀπεῖχον τοῦ πολυπραγμονεῖν περὶ τῶν Ἑλληνικῶν πραγμάτων, ὥστε οὔτε μακροῖς πλοίοις ἐπὶ τάδε Φασήλιδος ἔπλεον οὔτε στρατοπέδοις ἐντὸς Ἅλυος ποταμοῦ κατέβαινον, [81] ἀλλὰ πολλὴν ἡσυχίαν ἦγον. νῦν δ᾽ εἰς τοῦτο τὰ πράγματα περιέστηκεν, ὥσθ᾽ οἱ μὲν μισοῦσι τὴν πόλιν, οἱ δὲ καταφρονοῦσιν ἡμῶν· καὶ περὶ μὲν τοῦ μίσους τῶν Ἑλλήνων αὐτῶν ἀκηκόατε τῶν στρατηγῶν· ὡς δὲ βασιλεὺς ἔχει πρὸς ἡμᾶς, ἐκ τῶν ἐπιστολῶν ὧν ἔπεμψεν ἐδήλωσεν. [82] Ἔτι πρὸς τούτοις ὑπὸ μὲν ἐκείνης τῆς εὐταξίας οὕτως ἐπαιδεύθησαν οἱ πολῖται πρὸς ἀρετήν, ὥστε σφᾶς μὲν αὐτοὺς μὴ λυπεῖν, τοὺς δ᾽ εἰς τὴν χώραν εἰσβάλλοντας ἅπαντας μαχόμενοι νικᾶν. ἡμεῖς δὲ τοὐναντίον· ἀλλήλοις μὲν γὰρ κακὰ παρέχοντες οὐδεμίαν ἡμέραν διαλείπομεν, τῶν δὲ περὶ τὸν πόλεμον οὕτω κατημελήκαμεν, ὥστ᾽ οὐδ᾽ εἰς ἐξετάσεις ἰέναι τολμῶμεν ἢν μὴ λαμβάνωμεν ἀργύριον. [83] Τὸ δὲ μέγιστον· τότε μὲν οὐδεὶς ἦν τῶν πολιτῶν ἐνδεὴς τῶν ἀναγκαίων, οὐδὲ προσαιτῶν τοὺς ἐντυγχάνοντας τὴν πόλιν κατῄσχυνε, νῦν δὲ πλείους εἰσὶν οἱ σπανίζοντες τῶν ἐχόντων· οἷς ἄξιόν ἐστι πολλὴν συγγνώμην ἔχειν, εἰ μηδὲν τῶν κοινῶν φροντίζουσιν, ἀλλὰ τοῦτο σκοποῦσιν ὁπόθεν τὴν ἀεὶ παροῦσαν ἡμέραν διάξουσιν. [84] Ἐγὼ μὲν οὖν ἡγούμενος, ἢν μιμησώμεθα τοὺς προγόνους, καὶ τῶν κακῶν ἡμᾶς τούτων ἀπαλλαγήσεσθαι καὶ σωτῆρας οὐ μόνον τῆς πόλεως ἀλλὰ καὶ τῶν Ἐλλήνων ἁπάντων γενήσεσθαι, τήν τε πρόσοδον ἐποιησάμην καὶ τοὺς λόγους εἴρηκα τούτους· ὑμεῖς δὲ πάντα λογισάμενοι ταῦτα χειροτονεῖθ᾽ ὅ τι ἂν ὑμῖν δοκῇ μάλιστα συμφέρειν τῇ πόλει. |
31. [72] A cela je répondrai que, parmi les simples citoyens, je blâme et je regarde comme au-dessous de ce qu'ils doivent être ceux qui, rétablissant l'ordre sur un petit nombre de points, commettent d'un autre côté un grand nombre de fautes; et que j'adresse d'amers reproches aux hommes qui, nés de parents vertueux et distingués, se contentent de montrer un peu plus de probité que ceux dont la perversité dépasse les limites ordinaires et restent à une grande distance delà vertu de leurs pères; en même temps que je leur donne le conseil de cesser d'être ce qu'ils sont. [73] Or, je suis de la même opinion en ce qui concerne la république ; je crois que nous ne devons ni beaucoup nous enorgueillir, ni beaucoup nous féliciter d'être plus fidèles aux lois que les insensés et les furieux; et que nous devons bien plutôt nous indigner, nous affliger de notre infériorité à l'égard de nos ancêtres ; car c'est avec leur vertu et non avec la perversité des Trente que nous devons rivaliser ; quand surtout il nous appartient de nous montrer supérieurs aux autres hommes. 32. [74] Ce n'est pas la première fois que j'exprime cette opinion, et, dans beaucoup de circonstances, j'ai tenu le même langage devant un grand nombre d'auditeurs. Je n'ignore pas que, s'il existe pour certains pays des natures de fruits, d'arbres et d'animaux, qui leur sont particulières, et qui sont très supérieures à celles que d'autres contrées produisent, il est donné à notre patrie d'enfanter et de nourrir non seulement les plus heureux talents pour les arts, pour les affaires et pour l'éloquence, mais des hommes d'une grande supériorité sous le rapport du courage et de la vertu. [75] Il est juste d'en chercher la preuve dans les luttes que nos ancêtres ont soutenues autrefois, et contre les Amazones, et contre les Thraces, et contre tous les peuples du Péloponnèse réunis ; comme aussi dans les combats qu'ils ont livrés à l'époque des guerres persiques, et dans lesquels, soit seuls, soit avec les Péloponnésiens, ils ont obtenu le prix de la valeur, pour avoir vaincu les Barbares sur terre et sur mer, exploits qu'ils n'auraient pas accomplis s'ils n'avaient pas été d'une nature très supérieure à celle des autres hommes. 33. [76] Mais que personne ne croie que nous méritions de semblables louanges, lorsque nous nous gouvernons comme nous le faisons aujourd'hui, car c'est précisément le contraire ; de tels éloges sont un honneur pour ceux qui savent se montrer dignes de la vertu de leurs ancêtres ; ils sont une accusation pour ceux qui, par leur mollesse et par leur perversité, déshonorent leur noble origine. C'est cependant ce que nous faisons, car la vérité sera dite, lorsque après avoir reçu une nature si généreuse, au lieu d'y rester fidèles, nous tombons dans le désordre, dans la démence, dans une funeste passion pour tout ce qui peut nous nuire. 34. [77] Mais, si je continuais à déverser le blâme et l'accusation sur l'état dans lequel nous sommes, je craindrais de me laisser entraîner trop loin de mon sujet. J'ai déjà traité ces questions et j'y reviendrai de nouveau, si je ne puis vous persuader aujourd'hui de mettre un terme à des fautes aussi graves. Je vais encore ajouter quelques mots sur ce que j'ai dit en commençant ce discours, et je céderai la tribune à ceux qui voudront présenter des conseils sur le même objet. 35. [78] Si nous persistons à gouverner nos affaires comme nous le faisons maintenant, il est impossible que nous ne soyons pas destinés à délibérer, à combattre, à vivre, en un mot, à agir et à souffrir, à peu près de la même manière que maintenant et dans les temps qui nous ont précédés; tandis que, si nous réformons notre gouvernement, il est évident, par la même raison, que les résultats seront pour nous tels qu'ils ont été pour nos ancêtres ; car de la même conduite politique doivent sortir nécessairement des effets toujours semblables et de même nature. Il faut donc mettre en regard les résultats principaux des deux systèmes, et délibérer sur ceux qu'il nous conviendra de choisir. 36. [79] Et d'abord examinons quels étaient autrefois les sentiments des Grecs et des Barbares envers la république, et ce qu'ils sont maintenant pour nous, car les dispositions de ces deux races d'hommes n'exercent pas une faible influence sur notre prospérité, [80] lorsqu'elles sont ce qu'elles doivent être. 37. Les Grecs avaient une telle confiance dans les hommes qui dirigeaient alors le gouvernement d'Athènes, que la plupart venaient, de leur propre mouvement, se placer sous l'autorité de notre patrie : de leur côté, les Barbares étaient si loin de s'immiscer dans les affaires de la Grèce, qu'ils n'osaient pas naviguer avec de longs vaisseaux en deçà de Phasélis, que jamais leurs armées ne s'avançaient au delà du fleuve Halys, [81] et qu'ils restaient dans la plus complète inaction. Aujourd hui, les choses en sont à ce point, que les uns haïssent notre ville et que les autres nous méprisent. Vous avez entendu vos généraux eux-mêmes s'exprimer sur la haine que nous portent les Grecs : quant au Roi, il a montré, dans les lettres qu'il a écrites, les sentiments qui l'animent à notre égard. 38. [82] J'ajoute encore que, par une conséquence de l'ordre qui existait dans l'État, les citoyens étaient tellement formés à la vertu, que jamais ils ne cherchaient à se nuire, et que, les armes à la main, ils triomphaient de tous ceux qui attaquaient notre territoire. Nous, au contraire, nous ne passons pas un jour sans nous causer des torts réciproques ; et nous négligeons tellement ce qui a rapport à la guerre, que nous n'avons pas même le courage de nous présenter aux revues, à moins d'avoir reçu une rétribution. [83] Enfin, et c'est ce qu'il y a de plus déplorable, aucun citoyen ne manquait autrefois du nécessaire et ne faisait honte à sa patrie en sollicitant la générosité des passants; tandis qu'aujourd'hui ceux que l'indigence accable sont plus nombreux que ceux qui possèdent quelque bien; certes, ils ont droit à l'indulgence, lorsqu'ils se montrent peu touchés des intérêts publics, et uniquement occupés du soin de chercher les moyens d'apaiser la faim de chaque jour. 39. Pour moi, profondément convaincu qu'en imitant nos ancêtres, nous nous affranchirons des maux que j'ai signalés, et que nous deviendrons ainsi les sauveurs, non seulement de notre patrie, mais de la Grèce entière, je me suis présenté à la tribune, et j'ai prononcé le discours que vous avez entendu. Pesez maintenant toutes mes paroles et consacrez par votre suffrage ce qui vous paraîtra le plus conforme à l'intérêt de l'État. |