Isocrate : oeuvres complètes, tome III

ISOCRATE

OEUVRES COMPLÈTES.

 

 XV. DISCOURS SUR LA PERMUTATION. - Περὶ ἀντιδόσεως

 

ŒUVRES COMPLÈTES D'ISOCRATE TRADUCTION NOUVELLE AVEC TEXTE EN REGARD LE DUC DE CLERMONT-TONNERRE (AIMÉ-MARIE-GASPARD) Ancien Ministre de la guerre et de la marine Ancien élève de l'École polytechnique TOME TROISIÈME PARIS LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie Imprimeur de l'Institut, rue Jacob, 56. ET CHEZ AUGUSTE DURAND, LIBRAIRE Rue des Grès. 7 M DCCC LXIV

XVI DISCOURS SUR LE COUPLE DE CHEVAUX

 

 

 

 

 

DISCOURS SUR LA PERMUTATION. - Περὶ ἀντιδόσεως

ARGUMENT.

Celui qui se ferait des anciennes républiques grecques une idée semblable à celle de nos gouvernements modernes tomberait dans une grave erreur. Ainsi la marine, pour prendre cet exemple, forme chez nous un service distinct, ayant son organisation spéciale, son administration particulière, pourvoyant aux besoins de chaque jour comme aux besoins imprévus. Chez les Athéniens, il n'en était pas de même; ce n'était pas ce que nous appelons l'État, c'étaient les particuliers qui pourvoyaient à toutes ces nécessités. Fallait-il armer des vaisseaux, on s'adressait aux citoyens réputés les plus riches et les plus capables de supporter la dépense, et on les forçait d'en équiper à leurs frais. Une pareille loi, on le sent, devait donner naissance à bien des abus; Démosthène en a signalé quelques-uns dans son discours sur la Couronne. Mais, par une bizarrerie singulière, bizarrerie à laquelle nous devons le discours d'Isocrate qu'on va lire, cette même loi, pour corriger ce qu'il y avait de trop arbitraire dans une semblable disposition, permettait au citoyen ainsi désigné pour être triérarque (c'est l'expression grecque) de demander à échanger ses biens contre ceux d'un autre citoyen qu'il prétendait être plus riche que lui, et celui-ci était forcé d'accepter cet échange (ἀντίδοσις) ou d'armer à ses frais.

Les ennemis d'Isocrate le firent citer deux fois en justice, par des citoyens chargés d'équiper des vaisseaux. Le premier qui l'attaqua fut un nommé Mégaclès; mais Apharéus, son fils, adoptif, le défendit avec tant de succès que l'on n'eut pas égard à la demande de Mégaclês. Le second fut Lysimaque, qui réussit. On peut inférer du discours même d'Isocrate que, voyant les juges mal disposés pour lui, il se laissa volontairement condamner. Dans la suite, Isocrate composa un discours justificatif en forme de plaidoyer. Aussi ce discours porterait-il avec plus de raison, comme on l'a déjà remarqué, le titre d'Apologie d'Isocrate par lui-même, que celui de Discours sur la Permutation.

Isocrate commence par expliquer de quelle manière il a été amené à composer ce discours d'un genre nouveau. Appelé devant la justice pour une permutation de biens, il a reconnu que beaucoup d'hommes parmi le peuple avaient de lui une fausse .opinion, et que d'autres, plus instruits, lui portaient envie; c'est pour cette raison qu'il a voulu supporter la charge qui lui était imposée par la décision des juges. Mais il désire faire connaître à son siècle et à la postérité quels ont été ses sentiments et sa conduite; il suppose donc qu'il est cité en justice par Lysimaque. De longues réflexions sur la difficulté de cette apologie et sur la manière dont elle doit être lue, sur Lysimaque qui lui reproche l'art de ses discours et qui se présente lui-même avec des discours étudiés et pleins d'artifices, sur la calomnie, sur l'impartialité qui convient aux juges, enfin sur lui-même qui, vers la fin de sa vie, se trouve accusé devant un tribunal, quand il a toujours fui les procès, quand il n'a jamais cité personne en justice, voilà ce qui forme le commencement de ce discours.

Isocrate fait ensuite lire l'acte d'accusation, qui n'est point rapporté. Dans cet acte, son adversaire lui reprochait de pervertir la jeunesse en lui enseignant à soutenir devant les tribunaux une mauvaise cause, et à faire triompher le coupable de l'innocent. Isocrate répond que, lors même qu'il se serait occupé d'affaires juridiques, il mériterait encore des éloges pour sa modération, n'ayant jamais fait tort à personne. Car, ajoute-t-il, les citoyens qui auraient eu à se plaindre de lui l'auraient déjà attaqué, ou viendraient du moins aujourd'hui se joindre à son accusateur. Or personne ne s'est présenté, et jamais il ne s'est occupé de ces sortes d'affaires, comme le prouvent son genre de vie et les disciples qui se sont attachés à lui. La morale, la politique, les grands intérêts de la Grèce, lui ont fourni les sujets sur lesquels il s'est exercé. Est-ce pervertir la jeunesse? Non, certes, et celui qui compose de tels discours mérite d'être récompensé plutôt que d'être blâmé; car, loin de corrompre la jeunesse, il excite, il développe ce qu'il y a en elle de sentiments nobles et généreux. Afin de mettre encore mieux en lumière la vérité de ce qu'il avance, Isocrate fait lire des extraits de plusieurs des discours qu'il a publiés précédemment, du Panégyrique, du discours sur la Paix, du discours à Nicoclès, enfin du discours contre les Sophistes. Tous ces extraits sont accompagnés d'analyses et de réflexions destinées à faire valoir l'intention de l'auteur.

Après ces diverses citations, Isocrate prie ses jugés d'excuser les longueurs dans lesquelles il. peut être tombé, et se plaint de la licence accordée aux calomniateurs et des maux causés par cet excès de liberté. Il termine en protestant contre l'emploi des moyens ordinaires aux accusés pour gagner leurs juges; quelle que soit leur décision à son sujet, il est persuadé que les dieux la feront tourner à son plus grand avantage, et il est tranquille sur le sort qui l'attend.

Ce discours d'Isocrate a été composé trois cent cinquante-cinq ans avant J.-C, Isocrate ayant quatre-vingt-deux ans.

Longtemps ce discours a été incomplet. Auger, Lange, Coray lui-même, n'en ont pas connu une partie considérable, et ce n'est qu'en 1812 que M. André Mustoxydes a publié, à Milan, les pages jusqu'alors inédites qu'il avait trouvées dans un manuscrit de la bibliothèque de Florence. Aucun doute ne peut s'élever sur l'authenticité de ces pages, dont plusieurs lignes se trouvaient citées dans le livre III de la Rhétorique d'Aristote et dans Harpocration, lignes qui ne se rencontrent que dans le supplément de M. Mustoxydes; Photius affirme que le discours sur la Permutation est le plus long de tous ceux d'Isocrate, assertion qui ne peut se justifiée si l'on s'en tient aux anciennes éditions où il est tronqué de plus de moitié. A ces raisons données par M. Mustoxydes, il faut ajouter Élien qui, dans ses Histoires variées (XII, 52), cite presque textuellement, comme d'Isocrate, un endroit qui né se trouve que là · Androtion, disciple d'Isocrate, et à qui les savants attribuent l'Ἐρωτικός, ordinairement publié parmi les discours de Démosthène, a transporté dans son œuvre quelques traits de ce supplément. Cornélius Népos, Vie de Timothée, en a fait autant, sans toutefois nommer Isocrate.

P. S. Cet argument était écrit et déjà livré aux imprimeurs, lorsque nous avons reçu de M. Ernest Havet une publication dont voici le titre · Le discours d'Isocrate sur lui-même, intitulésur l'Antidosis, traduit en français pour la première fois par Auguste Cartelier, revu et publié avec une introduction et des notes, par Ernest Havet. Paris, Imprimerie impériale, 1862. Cette publication, qui est d'un grand intérêt, aura ainsi précédé la nôtre de quelques mois seulement.

SOMMAIRE..

1. Si ce discours n'était pas d'une nature particulière et d'un genre absolument nouveau, il n'aurait pas besoin d'introduction ; mais je dois, avant tout, rendre compte de ce qui le distingue de mes autres discours. — 2. Je n'ignorais pas que quelques sophistes calomniaient mes travaux, en disant que je m'occupais uniquement à écrire des discours juridiques, comparant ainsi les petites choses aux grandes. Je n'ai voulu tirer aucune vengeance, de cette atténuation qu'on cherchait à faire subir à mon caractère ; je pensais que le genre de discours auquel je consacrais mes veilles était connu de tout le monde, et que ma manière de vivre, mon amour pour une existence paisible me rendaient digue de la bienveillance de tous mes concitoyens. Mais vers le déclin de ma vie, appelé devant la justice pour une permutation de biens, j'ai reconnu que beaucoup d'hommes parmi le peuple avaient de moi une opinion contraire à la vérité, et que ceux qui étaient mieux instruits se laissaient dominer par l'envie; car, bien que les motifs mis en avant par mon adversaire fussent d'une évidente futilité, les juges décidèrent que je devais supporter la charge qui m'était imposée, et j'y ai consenti. — 3. Réfléchissant donc et délibérant à cette occasion sur les moyens que je pourrais employer afin de placer en quelque sorte sous les yeux de mes contemporains et de la postérité ma vie et mes travaux, j'ai trouvé que j'y parviendrais plus sûrement par un discours qui présenterait, pour ainsi dire, l'image de mon esprit et des choses qui se rattachent à mon existence morale, que par un tableau qui reproduirait les traits de mon visage. — 4. Mais, préoccupé de la crainte qu'en écrivant mon apologie, je ne fusse obligé d'omettre beaucoup de choses qui mériteraient d'être dites, et craignant en même temps d'exciter l'envie, j'ai composé ce discours sous la forme d'une défense présentée à des juges, contre les calomnies d'un adversaire. — 5. Ce discours ayant été écrit dans la quatre-vingt-deuxième année de mon âge et étant à la fois compliqué dans ses circonstances et difficile dans sa composition, je sollicite l'indulgence de mes lecteurs, s'il leur paraît écrit avec moins de chaleur que ceux que j'ai publiés dans d'autres temps. — 6. Que, par conséquent, le lecteur considère la variété des objets renfermés dans ce discours, et, pour s'assurer s'il est écrit d'une manière digne de nous, qu'il le lise, non pas tout entier, d'un seul trait, mais par parties. — 7. Supposez que ce discours est prononcé devant des juges et qu'il dit la vérité en ce qui me touche, vous comprendrez qu'il est de nature à faire connaître à ceux qui les ignorent les circonstances de ma vie et à rendre les envieux plus envieux encore. — 8. Comme mon adversaire s'attache principalement à accuser mon éloquence, en disant qu'elle a le pouvoir de faire triompher une cause qui aurait dû succomber, crime dont il est réellement coupable lui-même, et non pas moi, attendu que cet artifice me place, que je me défende bien ou mal, dans la nécessité d'être vaincu, je vous supplie, magistrats, lorsque des deux côtés, et non exclusivement d'un seul, on peut à peine faire sortir la vérité, de ne prononcer aucun jugement avant d'avoir entendu ma défense tout entière. — 9. La calomnie est la source des plus grands maux, car elle a quelquefois fait condamner des hommes complètement innocents, des hommes que notre ville attacherait un grand prix à pouvoir rappeler à la vie, si elle en avait la puissance. Il ne faut donc pas s'étonner si, lorsque les accusations sont dirigées contre les calomniateurs qui trompent les juges, quelques accusés emploient plus de temps qu'il n'en faudrait s'il ne s'agissait que de leur propre défense. — 10. De là résulte pour les juges la nécessité de ne pas prêter une oreille plus favorable aux accusateurs qu'aux accusés, parce que, dans de semblables jugements, l'iniquité et la perversité ne seraient pas seulement opposées à la réputation de mansuétude, qui est une des gloires de notre patrie, mais seraient contraires à la justice, et surtout à l'intérêt des particuliers. —11. Car les hommes méprisables qui ont pour usage de ne pas tenir compte de leur fortune et d'attenter à celle des autres extorquent de l'argent des scélérats qui les payent, afin d'obtenir qu'ils ne les accusent pas, et en même temps ils accusent les citoyens honnêtes et les appellent devant la justice, pour montrer leur puissance et se faire craindre par eux. —12. Lysimaque est du nombre de ces hommes, et, malgré ma complète innocence, voyant les juges si prompts à écouter les calomnies, il m'a créé ce danger qui lui ouvre une large voie pour m'arracher de l'argent, parce qu'il espère me vaincre facilement à cause de mon âge et à cause de mon inexpérience dans les luttes de cette nature. Je me suis toujours conduit de manière à n'offenser personne ; et, quand j'ai reçu quelque injure, j'ai laissé les amis de ce!ui qui m'avait offensé régler les différends. Mais je n'ai retiré aucun fruit de cette conduite ; car ayant passé ma vie, jusqu'à l'âge où je suis parvenu, sans donner aucun sujet de plainte, je me vois aujourd'hui exposé au même péril que si j'eusse offensé tout le monde ; j'espère néanmoins, si vous voulez m'entendre avec bienveillance, pouvoir ramener à la vérité l'opinion dé ceux qui s'en sont écartés à mon égard, et confirmer celle des hommes qui ont de moi une connaissance plus exacte. Pour ne pas vous retarder davantage, veuillez écouter l'exposé de ce qui fait l'objet du jugement. — 13. Je suis accusé de corrompre les jeunes gens par les préceptes d'éloquence que je leur enseigne et de leur faire connaître les moyens de l'emporter dans les luttes judiciaires, même contre le droit, or mon adversaire en m'imputant ce crime, et en me mettant ainsi au-dessus de tous les orateurs et de tous les avocats; a évidemment pour but d'exciter contre moi votre colère et l'envie de mes auditeurs. —14. J'espère qu'il me sera facile, si vous voulez suspendre votre jugement jusqu'à ce que vous ayez entendu ma défense, de vous démontrer, d'une part, qu'il articule des mensonges, de l'autre qu'il se livre à une exagération sans bornes. — 15. Aucun citoyen n'a jamais été blessé ni par mes paroles ni par mes écrits, et en voici la preuve : si quelqu'un l'avait été et eût gardé jusque-là le silence, il n'aurait pas négligé l'occasion de se venger, en voyant un homme que je n'ai pas même froissé dans mes paroles se porter mon accusateur. Mais, ni maintenant, ni jamais, il ne m'est rien arrivé de pareil; de sorte que si j'étais, comme le prétend mon adversaire, l'homme le plus versé dans les discours nuisibles, je mériterais plutôt des louanges qu'un châtiment, puisque j'aurais toujours usé avec modération de cette faculté. — 10. Vous pouvez, par les habitudes de ma vie de chaque jour, reconnaître que jamais je n'ai écrit de tels discours. Personne ne m'a vu dans les lieux que j'eusse nécessairement fréquentés si j'eusse tiré mon existence d'un travail relatif à vos transactions. Pour ce qui touche à mes richesses dont mon adversaire vous a parlé, je les ai acquises des étrangers plutôt que de vous, et mes disciples, loin de vivre dans le besoin, comme ceux des hommes qui m'accusent, sont les plus opulents des Grecs et ceux qui jouissent de plus de loisir. Qui voudrait croire que Nicoclès, le roi de Salamine, m'ait fait de si riches présents pour apprendre à plaider devant un tribunal? Enfin, lorsqu'il n'est pas un avocat à la foi duquel on puisse confier des disciples, j'en ai réuni, comme l'a dit mon accusateur, un plus grand nombre que tous les rhéteurs. — 17. Je pense vous avoir démontré à quel point ma vie a été différente de celle des hommes qui se livrent aux luttes du barreau, en vous faisant voir que je n'ai pas eu de disciples pour l'enseignement des choses dont parle mon accusateur, et que moi-même je n'ai jamais été regardé comme un homme supérieur dans la composition des discours judiciaires. Je crois aussi que vous apprendrez avec empressement par la composition de quels discours j'ai acquis une si haute renommée. Des extraits vous en seront présentés, recevez-les comme expri-, mant la vérité et comme n'ayant, dussent-ils me nuire, éprouvé aucune altération. — 18. Entre les discours de divers genres qui ne le cèdent aux ouvrages de poésie, ni pour le nombre ni pour l'harmonie, il en est un qui traite de l'état de la Grèce et des intérêts publics, qui est surtout préparé pour être lu dans les grandes assemblées, qui rivalise avec les poèmes et ne charme pas moins les oreilles des auditeurs ; discours qu'ils se communiquent entre eux avec le désir d'en faire une règle et un modèle parce qu'ils le regardent comme plus utile, plus brillant, plus digne d'être approfondi et plus noble que les œuvres poétiques : c'est celui qui a été pour moi la source d'une grande faveur et d'une grande célébrité.—-10. Que ceci soit dit, une fois pour toutes, sur mon talent, mon éloquence, ou sur l'habitude que j'ai acquise dans l'art de parler. Pour ce qui me touche personnellement, je vais m'exprimer avec plus de gravité et de hardiesse, car non seulement je vous demande, si j'écris des discours nuisibles, de n'obtenir de vous aucune indulgence ; mais, si mes discours ne sont pas élaborés d'une manière telle que personne, autre que moi, n'ait le pouvoir de le faire, je consens à subir les peines les plus graves. — 20. Afin que vous ne puissiez avoir d'incertitude sur la vérité de mes assertions, ce qu'il faut toujours éviter, quand il s'agit de prononcer sur des faits, je ne vous donnerai pas l'analyse de mes discours, je les placerai sous vos yeux, non dans leur entier, mais par fractions, pour que vous puissiez apprécier mes mœurs et vous former un jugement sur les autres discours que j'ai pu composer. Je vous prie de ne pas éprouver une impression défavorable, si je les reproduis tels qu'ils ont été écrits, parce que tout changement nuirait à l'opinion que vous pourriez en concevoir ; qu'il me soit seulement permis de les faire précéder de courtes explications, propres à faciliter l'intelligence de chacun d'eux.—21. Le premier qui vous sera présenté a pour but d'engager les Grecs à se réconcilier entre eux, et à faire en commun la guerre aux Barbares; il conteste aux Lacédémoniens le droit de suprématie, et démontre que notre république a été la cause de toutes les prospérités de la Grèce, dans la paix comme dans la guerre. Mais de peur que les forces ne viennent à me manquer, parce qu'il me reste encore beaucoup de choses à dire, un autre que moi en fera la lecture.

(Citations tirées du Panégyrique d'Athènes, du § 14 au § 28.)

Ainsi, non seulement dans la paix, mais dans la guerre même, les bienfaits des Athéniens méritent d'être célébrés, car ils ont bravé de grands et de nobles dangers pour leur patrie et pour la liberté des autres peuples ; et ils ont préféré secourir les plus faibles, au lieu de seconder l'injustice des. plus puissants. Leur promptitude à donner des secours aux plus faibles est assez attestée, ainsi que leur puissance, par ceux qui, dans les temps les plus anciens, se sont faits leurs suppliants et ont eu recours à Athènes comme à l'autel commun de la miséricorde. Je passerai sous silence les faits les moins importants, mais je rappellerai Adraste, roi des Argiens, réclamant notre secours contre les Thébains qui refusaient de lui rendre, pour les ensevelir, les corps de ses soldats morts sous les murs de la Cadmée ; et les enfants d'Hercule qui imploraient notre secours contre Eurysthée ; les uns et les autres le firent avec tant de succès, qu'aidé par les Athéniens, Adraste força les Thébains à lui remettre les corps de ses guerriers, et que les enfants d'Hercule triomphèrent de la férocité d'Eurysthée. Adraste quitta Thèbes après avoir obtenu avec notre appui ce qu'il désirait, et Eurysthée, qui par ses ordres et ses injures avait persécuté, pendant tout le cours de sa vie mortelle Hercule, fils de Jupiter, doué d'une force divine, Eurysthée, dès qu'il nous attaqua, fait prisonnier par les enfants, de ce dieu, mourut d'une mort honteuse. Nous ajouterons que, les Héraclides plus tard ayant fondé la ville de Sparte et étant devenus ses rois, ce fut encore par suite du bienfait qu'ils avaient reçu d'Athènes, qu'ils se trouvèrent les auteurs de toutes les prospérités de leur patrie. Si, dans les temps les plus reculés, notre ville a forcé les Thébains a exécuter, ses ordres, si elle a sauvé les Lacédémoniens, si, déplus, elle a vaincu les Argiens, si, enfin, ces trois peuples ont été les plus sa puissants des Grecs, il est évident que nos ancêtres dès le commencement ont été supérieurs à tous les peuples de la Grèce. On pourrait presque en dire autant des Barbares, dont ils ont vaincu les nations les plus anciennes et les plus puissantes. Les incursions des Thraces et des Amazones, qui croyaient que, les Athéniens une fois soumis à leur puissance, tous les Grecs seraient subjugués, furent repoussées avec un succès si complet que les Thraces se virent obligés d'abandonner leur territoire aux Grecs, et qu'aucune des Amazones ne survécut à leur défaite. Dans la guerre contre Darius et Xerxès, le courage et la puissance de nos ancêtres se signalèrent avec une telle énergie que, dès le premier moment, ils furent jugés dignes de recevoir le prix de la valeur, et que bientôt après ils obtinrent, d'un consentement unanime, le commandement sur la mer, sans aucune opposition de la part des Lacédémoniens. Je vais essayer de parler de ces derniers et de la ville d'Athènes, avec un peu plus d'étendue, bien que plusieurs de nos orateurs les plus éloquents aient autrefois traité cette matière ; mais il ne serait pas juste de passer ici sous silence les hommes qui, avant celte guerre, ont administré l'une et l'autre ville, parce qu'on leur doit les nobles institutions et les mœurs qui ont préparé les deux peuples à la vertu manifestée par eux dans la guerre contre les Perses. Éprouvant à l'égard des autres villes les mêmes sentiments qu'ils éprouvaient pour eux-mêmes, ils pensèrent qu'il était plus convenable de se les attacher par des bienfaits, que de les soumettre par la force. Leurs descendants, formés et améliorés par de telles institutions, s'élevèrent à une telle hauteur dans la guerre persique, qu'ayant détruit en peu de temps les forces entières de l'Asie, ils se placèrent au-dessus de toute louange, et qu'aucun poète, aucun orateur, ne pourrait assez dignement célébrer leurs vertus. Une noble émulation et une rivalité de gloire ont toujours existé entre les Athéniens et les Lacédémoniens ; mais alors ils combattaient pour le salut des Grecs, et non pour leur asservissement. Ils avaient surtout manifesté celte rivalité dès le commencement par la célérité avec laquelle ils s'étaient efforcés de se prévenir pour repousser la première irruption des Perses sur le territoire de la Grèce. L'émulation qui enflammait les deux villes se montra dans tout son éclat à l'époque delà seconde expédition que Xerxès dirigeait en personne. Les Athéniens voulurent, avec un petit nombre de vaisseaux, engager presque seuls le combat devant Artémisium, contre la' flotte des Barbares ; tandis que les Lacédémoniens accouraient aux Thermopyles, aidés de quelques alliés, pour arrêter l'innombrable infanterie des Perses. Toutefois les uns et les autres ne furent pas également favorises parla fortune. Aux Thermopyles, les Lacédémoniens périrent, entourés par leurs ennemis : les Athéniens remportèrent la victoire sur les Barbares à Artémisium ; mais, lorsqu'ils eurent appris que les Thermopyles étaient forcées, ils revinrent vers leur patrie, et, abandonnés de tous leurs alliés, ils entreprirent de repousser par terre et par mer, avec les seules forces (le leur pays, l'immense multitude des ennemis. Ils rejetèrent généreusement les avantages que les Perses leur offraient, s'ils renonçaient a la guerre; sans s'irriter contre les Grecs qui les avaient abandonnés honteusement, ils pensèrent que, même seuls, ils devaient, comme chefs de la Grèce, mourir pour leur patrie les armes à la main, et, livrant leur ville pour la détruire à la fureur de l'ennemi, ils montèrent sur leurs vaisseaux. Les Barbares ayant été vaincus par la flotte réunie à Salamine, les Athéniens, qui avaient présenté au combat le plus grand nombre de vaisseaux, doivent être regardés comme les auteurs du salut de la Grèce. Ceux qui dans les guerres anciennes ont acquis la plus grande gloire, qui ont plus souvent que les autres bravé des périls pour le salut de tous ; ceux qui, dans les dangers communs, ont reçu le prix de la valeur, qui ont abandonné leur ville pour le salut des Grecs; qui enfin, dans les premiers temps, ont fondé le plus grand nombre de villes et les ont préservées des plus grands dangers, ceux-là n'ont-ils pas de justes droits à recevoir le commandement dans une guerre contre les Barbares? — 22. Réfléchissez donc en vous-mêmes, et voyez si je corromps l'esprit des jeunes gens par mes discours, ou si plutôt je ne les porte pas à la vertu et si je ne suis pas digne de recevoir une récompense au lieu d'un châtiment, moi qui ai tellement exalté notre ville et nos ancêtres, que personne ne croira avoir rien, dit dans le passé sur cette matière, de même que personne n'oserait la traiter aujourd'hui. — 23. D'envieux détracteurs néanmoins prétendront qu'il faut préférer les discours qui ont moins pour objet de célébrer les faits anciens que de corriger les fautes du présent. — 24. Pour répondre à. cette objection, je vous présenterai une partie du discours dans lequel je démontre qu'il faut mettre un terme à la guerre contre les alliés, je blâme la suprématie sur les Grecs comme inutile à notre ville, et j'appuie cette opinion par des exemples. Après avoir traité ce sujet, déploré les calamités de la Grèce et averti les citoyens qu'ils doivent chercher un remède à de si grands maux, je termine en les exhortant à cultiver la justice, je désapprouve les fautes commises, et je donne des conseils dans l'intérêt de l'avenir. Lisez maintenant cette partie du discours.

(Citations tirées du discours sur la paix, du § 10 au § 17, et du § 42 au § 48.)

Et, non seulement il est nécessaire que nous fassions la paix, mais nous devons délibérer sur les moyens de la conserver, afin que celte paix ne soit,pas un ajournement, mais un affranchissement véritable des maux présents. Cela ne peut avoir lieu, à moins que vous ne soyez persuadés que le repos est préférable à l'agitation inquiète, la justice â l'improbité, le soin de ses intérêts au désir d'entreprendre sur ceux des autres. Or, ce sont des choses dont, aucun de vos orateurs n'a jamais essayé de! parler devant vous. Tous les hommes portent leurs regards vers ce qui leur est utile, mais, parce qu'ils ignorent le chemin qui y conduit, ils s'engagent dans des voies diverses ; ainsi, lorsque, nous écartant de la droiture, nous avons ambitionné la suprématie sur les Grecs, nous n'ayons rien. préparé pour nous, sinon des inimitiés, des guerres, des dépenses énormes. Ceux qui disent que la justice est à la vérité une chose estimable, mais qu'elle est inutile, ou qui croient que les hommes vertueux sont plus à plaindre que les fauteurs de l'iniquité, sont engagés dans une. erreur profonde. La vertu seule, dont la justice est un attribut, nous rend, heureux, non pas toujours, mais du moins la plupart du temps, et non pas seulement pour le présent, mais pour l'éternité tout entière. Plût au ciel qu'il fût également facile de louer la vertu et d'amener à. la pratiquer les auditeurs égarés par des hommes dont l'unique talent est de tromper, et qui, corrompus par des largesses, osent dire, lorsqu'ils veulent exciter quelque guerre, que nous devons imiter nos ancêtres, etc., etc.! Je leur demanderais volontiers quels sont, parmi nos ancêtres, ceux qu'ils nous exhortent à imiter; si ce sont les hommes qui ont vécu à l'époque de la guerre persique, ou ceux qui, avant la guerre de Décélie, ont gouverné la république. Ici j'hésite si je dois parler ou me taire. Mais, quoique vous éprouviez plus d'irritation contre ceux qui vous reprochent vos fautes que contre les auteurs de vos maux, comme il n'existe pour des esprits mal» disposés d'autre remède qu'un discours qui blâme avec liberté, mon amour pour mon pays me force à parler et à blâmer. Nous donnons des louanges à nos ancêtres, et nous faisons le contraire de ce qu'ils ont fait. Ils combattaient contre les Barbares; ils donnaient la liberté aux Grecs; ils abandonnaient leur patrie pour le salut de la Grèce; et nous, en commun avec des Grecs, nous faisons la guerre à d'autres Grecs. Nous faisons porter à la Grèce le poids de la servitude, et nous ne voulons pas même combattre pour l'agrandissement de notre puissance; nous manquons des choses nécessaires à la vie, et nous nous efforçons de nourrir des soldats-étrangers souillés de crimes ; nous confions à des mercenaires nos pesantes armures, pendant que nous forçons les citoyens à ramer sur nos vaisseaux; et ce n'est pas seulement pour ce qui concerne,la guerre, c'est dans l'intérieur de la république que nous administrons nos affaires de la manière la plus funeste et la plus désordonnée. Nous accordons le droit de citoyen dont nous sommes si fiers au premier qui le demande : nous négligeons partout les lois que nous multiplions avec excès ; nous regardons les hommes qui nous excitent à la guerre comme les partisans de la démocratie ; nous changeons à chaque instant les résolutions que nous avons prises dans l'assemblée générale; nous admettons dans nos délibérations les plus mauvais conseillers ; nous considérons les hommes les plus corrompus comme les gardiens les plus fidèles de la république ; enfin, nous envoyons au dehors, en les investissant de la suprême puissance des hommes dont personne ne voudrait prendre les conseils, ni sur ses intérêts privés, ni sur les intérêts publics. -- Vous rétablirez les affaires de la république, d'abord, si vous cessez de considérer les calomniateurs comme les amis du peuple, les hommes loyaux et honnêtes comme les fauteurs de l'oligarchie ; et ensuite si vous vous attachez vos alliés par vos bienfaits, et si, à l'exception de la piété envers les dieux, vous n'estimez rien au-dessus d'une bonne renommée parmi les Grecs, si enfin, vous vous montrez belliqueux par des exercices militaires et par l'appareil de la guerre, tandis qu'en réalité vous serez amis de la paix et de la justice, vous assurerez non seulement la félicité de votre patrie, mais celle de tous les Grecs. Les villes les plus puissantes, qui auraient la volonté de nuire à quelque ville plus faible qu'elles, lorsqu'elles verront la nôtre toujours prête à secourir les opprimés, s'abstiendront de toute injustice, et celles qui se trouveront dans une situation difficile se réfugieront vers nous. Ni les amis, ni les richesses, ni la puissance, ni la gloire, ne nous manqueront, si, au milieu de la démence des autres peuples, revenus les premiers à la raison, et recouvrant la renommée de nos ancêtres, nous méritons d'être appelés les vengeurs de la liberté de la Grèce, et non ses destructeurs. L'objet le plus important, si nous voulons mettre un terme aux malédictions qui nous poursuivent, faire cesser des guerres témérairement entreprises, et conserver à jamais notre suprématie, serait de ne pas faire de notre puissance un pouvoir tyrannique, mais de rendre ce pouvoir semblable à celui des rois de Lacédémone, qui ont coutume de protéger et non d'opprimer leurs concitoyens, et qui s'assurent ainsi au plus haut degré leur amour et leur respect. Enfin j'exhorte les jeunes gens qui jouissent, par le bénéfice de l'âge, de toute l'énergie de leurs moyens, à dire et à écrire des vérités qui portent à la vertu et à la droiture les grandes villes accoutumées à l'injustice envers les autres, et je leur demande de se pénétrer de la pensée que leur prospérité et leur fortune dépendent du salut commun de la Grèce. — 25. Mais afin qu'il soit encore plus évident pour vous que tous mes discours ont pour objet la vertu et la justice, lisez quelques passages du troisième discours, de celui qui est adressé à Nicoclès, et qui traite des devoirs d'un roi. J'ai voulu dans ce discours, composé de préceptes séparés, et qui diffère en cela des autres, être utile à l'intelligence de ce prince et faire connaître en même temps mes sentiments et mes mœurs. En défendant la cause du peuple, je me suis attaché, autant qu'il était en moi, à présenter le gouvernement royal comme le gouvernement le plus doux possible, et je l'ai fait avec cette liberté qui convient à un citoyen d'Athènes. - 26. Après avoir blâmé les princes, parce que la culture de leur esprit est habituellement inférieure, à celle des hommes d'une condition privée, j'exhorte Nicoclès à mépriser les voluptés et à appliquer son esprit aux affaires, parce qu'il est honteux que les insensés commandent aux hommes sages.— 27. Je crains que l'abondance de mes paroles n'ait pour résultat de vous fatiguer, et je supprime, pour cette raison, beaucoup de choses que j'aurais à dire. Il m'est impossible cependant de ne pas ajouter encore quelques courtes observations. — 28. Ce qui m'afflige surtout, c'est votre mépris pour la sagesse, je ne veux pas dire votre admiration pour la calomnie ; il en était autrement chez vos ancêtres dans les temps de Solon ; car ils entouraient d'honneurs les hommes sensés et punissaient les calomniateurs des peines les plus graves, comme étant les auteurs des plus grands maux. — 29. Vous êtes si loin de les imiter que vous admettez comme législateurs ceux qui font profession d'accuser les citoyens. La cause d'une telle erreur doit être attribuée à ceux de vos pères qui vivaient dans le temps où la force et la puissance de la république avaient acquis leur plus grand développement : jaloux du crédit des hommes éminents qui ajoutaient à la grandeur de la république, ils mirent à sa tête des hommes remplis d'improbité et d'audace, et, par suite de leurs intrigues, notre ville se vit précipitée dans les plus grandes calamités ; à tel point que deux fois le gouvernement populaire fut dissous, et que, nos murailles ayant été détruites, il s'en est fallu de peu que notre ville ne fût renversée.— 30. Mais je sens que le temps s'est écoulé, et que, me laissant entraîner, je suis tombé dans des discours remplis de longues accusations. Abandonnant donc tout le reste, j'ajouterai seulement quelques mots et je cesserai déparier. — 31. Je ne veux pas chercher, d'autre secours, d'autre appui que les discours que j'ai écrits, et qui viennent de vous être lus, discours dans lesquels j'ai parlé de nos ancêtres et des dieux avec tant de piété et de justice que, quelle que puisse être la sentence que vous porterez à mon égard, j'ai la confiance que, par l'effet de la volonté divine, j'obtiendrai ce qu'il peut y avoir de plus avantageux pour moi.

Lange (voir l'argument) n'a pas connu le discours complet, et ce sommaire résume seulement la partie qu'il avait entre les mains.
 

 

 

 

Περὶ ἀντιδόσεως

Εἰ μὲν ὅμοιος ἦν ὁ λόγος ὁ μέλλων ἀναγνωσθήσεσθαι τοῖς ἢ πρὸς τοὺς ἀγῶνας ἢ πρὸς τὰς ἐπιδείξεις γιγνομένοις, οὐδὲν ἂν οἶμαι προδιαλεχθῆναι περὶ αὐτοῦ· νῦν δὲ διὰ τὴν καινότητα καὶ τὴν διαφορὰν ἀναγκαῖόν ἐστι προειπεῖν τὰς αἰτίας, δι' ἃς οὕτως ἀνόμοιον αὐτὸν ὄντα τοῖς ἄλλοις γράφειν προειλόμην· μὴ γὰρ τούτων δηλωθεισῶν πολλοῖς ἂν ἴσως ἄτοπος εἶναι δόξειεν.

[2] Ἐγὼ γὰρ εἰδὼς ἐνίους τῶν σοφιστῶν βλασφημοῦντας περὶ τῆς ἐμῆς διατριβῆς, καὶ λέγοντας ὡς ἔστι περὶ δικογραφίαν, καὶ παραπλήσιον ποιοῦντας ὥσπερ ἂν εἴ τις Φειδίαν τὸν τὸ τῆς Ἀθηνᾶς ἕδος ἐργασάμενον τολμῴη καλεῖν κοροπλάθον, ἢ Ζεῦξιν καὶ Παρράσιον τὴν αὐτὴν ἔχειν φαίη τέχνην τοῖς τὰ πινάκια γράφουσιν, ὅμως οὐδὲ πώποτε τὴν μικρολογίαν ταύτην ἠμυνάμην αὐτῶν, [3] ἡγούμενος τὰς μὲν ἐκείνων φλυαρίας οὐδεμίαν δύναμιν ἔχειν, αὐτὸς δὲ πᾶσι τοῦτο πεποιηκέναι φανερόν, ὅτι προῄρημαι καὶ λέγειν καὶ γράφειν οὐ περὶ τῶν ἰδίων συμβολαίων, ἀλλ' ὑπὲρ τηλικούτων τὸ μέγεθος καὶ τοιούτων πραγμάτων, ὑπὲρ ὧν οὐδεὶς ἂν ἄλλος ἐπιχειρήσειε, πλὴν τῶν ἐμοὶ πεπλησιακότων ἢ τῶν τούτους μιμεῖσθαι βουλομένων. [4] Μέχρι μὲν οὖν πόρρω τῆς ἡλικίας ᾠόμην καὶ διὰ τὴν προαίρεσιν ταύτην καὶ διὰ τὴν ἄλλην ἀπραγμοσύνην ἐπιεικῶς ἔχειν πρὸς ἅπαντας τοὺς ἰδιώτας· ἤδη δ' ὑπογυίου μοι τῆς τοῦ βίου τελευτῆς οὔσης, ἀντιδόσεως γενομένης περὶ τριηραρχίας καὶ περὶ ταύτης ἀγῶνος ἔγνων καὶ τούτων τινὰς οὐχ οὕτω πρός με διακειμένους ὥσπερ ἤλπιζον, ἀλλὰ τοὺς μὲν πολὺ διεΨευσμένους τῶν ἐμῶν ἐπιτηδευμάτων καὶ ῥέποντας ἐπὶ τὸ πείθεσθαι τοῖς ἀνεπιτήδειόν τι λέγουσι, τοὺς δὲ σαφῶς μὲν εἰδότας περὶ ἃ τυγχάνω διατρίβων, φθονοῦντας δὲ καὶ ταὐτὸν πεπονθότας τοῖς σοφισταῖς καὶ χαίροντας ἐπὶ τοῖς Ψευδῆ περί μου δόξαν ἔχουσιν. [5] Ἐδήλωσαν δ' οὕτω διακείμενοι· τοῦ γὰρ ἀντιδίκου περὶ μὲν ὧν ἡ κρίσις ἦν οὐδὲν λέγοντος δίκαιον, διαβάλλοντος δὲ τὴν τῶν λόγων τῶν ἐμῶν δύναμιν καὶ καταλαζονευομένου περί τε τοῦ πλούτου καὶ τοῦ πλήθους τῶν μαθητῶν, ἔγνωσαν ἐμὴν εἶναι τὴν λειτουργίαν. Τὴν μὲν οὖν δαπάνην οὕτως ἠνέγκαμεν, ὥσπερ προσήκει τοὺς μήτε λίαν ὑπὸ τῶν τοιούτων ἐκταραττομένους μήτε παντάπασιν ἀσώτως μηδ' ὀλιγώρως πρὸς χρήματα διακειμένους·

[6] ᾐσθημένος δ' ὥσπερ εἶπον πλείους ὄντας ὧν ᾠόμην τοὺς οὐκ ὀρθῶς περί μου γιγνώσκοντας, ἐνεθυμούμην πῶς ἂν δηλώσαιμι καὶ τούτοις καὶ τοῖς ἐπιγιγνομένοις καὶ τὸν τρόπον ὃν ἔχω καὶ τὸν βίον ὃν ζῶ καὶ τὴν παιδείαν περὶ ἣν διατρίβω, καὶ μὴ περιίδοιμι περὶ τῶν τοιούτων ἄκριτον ἐμαυτὸν ὄντα, μηδ' ἐπὶ τοῖς βλασφημεῖν εἰθισμένοις ὥσπερ νῦν γενόμενον. [7] Σκοπούμενος οὖν εὕρισκον οὐδαμῶς ἂν ἄλλως τοῦτο διαπραξόμενος, πλὴν εἰ γραφείη λόγος ὥσπερ εἰκὼν τῆς ἐμῆς διανοίας καὶ τῶν ἄλλων τῶν ἐμοὶ βεβιωμένων· διὰ τούτου γὰρ ἤλπιζον καὶ τὰ περὶ ἐμὲ μάλιστα γνωσθήσεσθαι, καὶ τὸν αὐτὸν τοῦτον μνημεῖόν μου καταλειφθήσεσθαι πολὺ κάλλιον τῶν χαλκῶν ἀναθημάτων.

[8] Εἰ μὲν οὖν ἐπαινεῖν ἐμαυτὸν ἐπιχειροίην, ἑώρων οὔτε περιλαβεῖν ἅπαντα περὶ ὧν διελθεῖν προῃρούμην οἷός τε γενησόμενος, οὔτ' ἐπιχαρίτως οὐδ' ἀνεπιφθόνως εἰπεῖν περὶ αὐτῶν δυνησόμενος· εἰ δ' ὑποθείμην ἀγῶνα μὲν καὶ κίνδυνόν τινα περὶ ἐμὲ γιγνόμενον, συκοφάντην δ' ὄντα τὸν γεγραμμένον καὶ τὸν πράγματά μοι παρέχοντα, κἀκεῖνον μὲν ταῖς διαβολαῖς χρώμενον ταῖς ἐπὶ τῆς ἀντιδόσεως ῥηθείσαις, ἐμαυτὸν δ' ἐν ἀπολογίας σχήματι τοὺς λόγους ποιούμενον, οὕτως ἂν ἐκγενέσθαι μοι μάλιστα διαλεχθῆναι περὶ ἁπάντων ὧν τυγχάνω βουλόμενος.

[9] Ταῦτα δὲ διανοηθεὶς ἔγραφον τὸν λόγον τοῦτον, οὐκ ἀκμάζων, ἀλλ' ἔτη γεγονὼς δύο καὶ ὀγδοήκοντα. Διόπερ χρὴ συγγνώμην ἔχειν, ἢν μαλακώτερος ὢν φαίνηται τῶν παρ' ἐμοῦ πρότερον ἐκδεδομένων. Καὶ γὰρ οὐδὲ ῥᾴδιος ἦν οὐδ' ἁπλοῦς, ἀλλὰ πολλὴν ἔχων πραγματείαν. [10] Ἔστι γὰρ τῶν γεγραμμένων ἔνια μὲν ἐν δικαστηρίῳ πρέποντα ῥηθῆναι, τὰ δὲ πρὸς μὲν τοὺς τοιούτους ἀγῶνας οὐχ ἁρμόττοντα, περὶ δὲ φιλοσοφίας πεπαρρησιασμένα καὶ δεδηλωκότα τὴν δύναμιν αὐτῆς· ἔστι δέ τι καὶ τοιοῦτον ὃ τῶν νεωτέρων τοῖς ἐπὶ τὰ μαθήματα καὶ τὴν παιδείαν ὁρμῶσιν ἀκούσασιν ἂν συνενέγκοι, πολλὰ δὲ καὶ τῶν ὑπ' ἐμοῦ πάλαι γεγραμμένων ἐγκαταμεμιγμένα τοῖς νῦν λεγομένοις οὐκ ἀλόγως οὐδ' ἀκαίρως, ἀλλὰ προσηκόντως τοῖς ὑποκειμένοις. [11] Τοσοῦτον οὖν μῆκος λόγου συνιδεῖν, καὶ τοσαύτας ἰδέας καὶ τοσοῦτον ἀλλήλων ἀφεστώσας συναρμόσαι καὶ συναγαγεῖν, καὶ τὰς ἐπιφερομένας οἰκειῶσαι ταῖς προειρημέναις, καὶ πάσας ποιῆσαι σφίσιν αὐταῖς ὁμολογουμένας, οὐ πάνυ μικρὸν ἦν ἔργον. Ὅμως δ' οὐκ ἀπέστην, καίπερ τηλικοῦτος ὤν. Πρὶν αὐτὸν ἀπετέλεσα, μετὰ πολλῆς μὲν ἀληθείας εἰρημένον, τὰ δ' ἄλλα τοιοῦτον οἷος ἂν εἶναι δόξη τοῖς ἀκροωμένοις.

[12] Χρὴ δὲ τοὺς διεξιόντας αὐτὸν πρῶτον μὲν ὡς ὄντος μικτοῦ τοῦ λόγου καὶ πρὸς ἁπάσας τὰς ὑποθέσεις ταύτας γεγραμμένου ποιεῖσθαι τὴν ἀκρόασιν, ἔπειτα προσέχειν τὸν νοῦν ἔτι μᾶλλον τοῖς λέγεσθαι μέλλουσιν ἢ τοῖς ἤδη προειρημένοις, πρὸς δὲ τούτοις μὴ ζητεῖν εὐθὺς ἐπελθόντας ὅλον αὐτὸν διελθεῖν, ἀλλὰ τοσοῦτον μέρος ὅσον μὴ λυπήσει τοὺς παρόντας. Ἐὰν γὰρ ἐμμείνητε τούτοις, μᾶλλον δυνήσεσθε κατιδεῖν εἴ τι τυγχάνομεν λέγοντες ἄξιον ἡμῶν αὐτῶν.

[13] Ἃ μὲν οὖν ἀναγκαῖον ἦν προειπεῖν, ταῦτ' ἐστίν· ἤδη δ' ἀναγιγνώσκετε τὴν ἀπολογίαν τὴν προσποιουμένην μὲν περὶ κρίσεως γεγράφθαι, βουλομένην δὲ περὶ ἐμοῦ δηλῶσαι τὴν ἀλήθειαν, καὶ τοὺς μὲν ἀγνοοῦντας εἰδέναι ποιῆσαι, τοὺς δὲ φθονοῦντας ἔτι μᾶλλον ὑπὸ τῆς νόσου ταύτης λυπεῖσθαι· μείζω γὰρ δίκην οὐκ ἂν δυναίμην λαβεῖν παρ' αὐτῶν.

[14] Πάντων ἡγοῦμαι πονηροτάτους εἶναι καὶ μεγίστης ζημίας ἀξίους, οἵτινες οἷς αὐτοὶ τυγχάνουσιν ὄντες ἔνοχοι, ταῦτα τῶν ἄλλων τολμῶσι κατηγορεῖν· ὅπερ Λυσίμαχος πεποίηκεν. Οὗτος γὰρ αὐτὸς συγγεγραμμένα λέγων περὶ τῶν ἐμῶν συγγραμμάτων πλείω πεποίηται λόγον ἢ περὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων, ὅμοιον ἐργαζόμενος ὥσπερ ἂν εἴ τις ἱεροσυλίας ἕτερον διώκων αὐτὸς τὰ τῶν θεῶν ἐν τοῖν χεροῖν ἔχων φανείη. [15] Πρὸ πολλοῦ δ' ἂν ἐποιησάμην οὕτως αὐτὸν νομίζειν εἶναί με δεινόν, ὥσπερ ἐν ὑμῖν εἴρηκεν· οὐ γὰρ ἄν ποτέ μοι πράγματα ποιεῖν ἐπεχείρησε. Νῦν δὲ λέγει μὲν ὡς ἐγὼ τοὺς ἥττους λόγους κρείττους δύναμαι ποιεῖν, τοσοῦτον δέ μου καταπεφρόνηκεν, ὥστε αὐτὸς ψευδόμενος ἐμοῦ τἀληθῆ λέγοντος ἐλπίζει ῥᾳδίως ἐπικρατήσειν. [16] Οὕτω δέ μοι δυσκόλως ἅπαντα συμβέβηκεν, ὥσθ' οἱ μὲν ἄλλοι τοῖς λόγοις διαλύονται τὰς διαβολάς, ἐμοῦ δὲ Λυσίμαχος αὐτοὺς τοὺς λόγους μάλιστα διαβέβληκεν, ἵν' ἢν μὲν ἱκανῶς δόξω λέγειν, ἔνοχος ὢν φανῶ τοῖς ὑπὸ τούτου περὶ τῆς δεινότητος τῆς ἐμῆς προειρημένοις, ἢν δ' ἐνδεέστερον τύχω διαλεχθεὶς ὧν οὗτος ὑμᾶς προσδοκᾶν πεποίηκε, τὰς πράξεις ἡγῆσθέ μου χείρους εἶναι. [17] Δέομαι οὖν ὑμῶν μήτε πιστεύειν πω μήτ' ἀπιστεῖν τοῖς εἰρημένοις, πρὶν ἂν διὰ τέλους ἀκούσητε καὶ τὰ παρ' ἡμῶν, ἐνθυμουμένους ὅτι οὐδὲν ἂν ἔδει δίδοσθαι τοῖς φεύγουσιν ἀπολογίαν, εἴπερ οἷόν τ' ἦν ἐκ τῶν τοῦ διώκοντος λόγων ἐψηφίσθαι τὰ δίκαια. Νῦν δ' εἰ μὲν εὖ τυγχάνει κατηγορηκὼς ἢ κακῶς, οὐδεὶς ἂν τῶν παρόντων ἀγνοήσειεν· εἰ δ' ἀληθέσι κέχρηται τοῖς λόγοις, οὐκέτι τοῦτο τοῖς κρίνουσι γνῶναι ῥᾴδιον ἐξ ὧν ὁ πρότερος εἴρηκεν, ἀλλ' ἀγαπητὸν ἢν ἐξ ἀμφοτέρων τῶν λόγων ἐκλαβεῖν δυνηθῶσι τὸ δίκαιον.

[18] Οὐ θαυμάζω δὲ τῶν πλείω χρόνον διατριβόντων ἐπὶ ταῖς τῶν ἐξαπατώντων κατηγορίαις ἢ ταῖς ὑπὲρ αὑτῶν ἀπολογίαις, οὐδὲ τῶν λεγόντων ὡς ἔστι μέγιστον κακὸν διαβολή· τί γὰρ ἂν γένοιτο ταύτης κακουργότερον, ἣ ποιεῖ τοὺς μὲν ψευδομένους εὐδοκιμεῖν, τοὺς δὲ δικάζοντας ἐπιορκεῖν, ὅλως δὲ τὴν μὲν ἀλήθειαν ἀφανίζει, ψευδῆ δὲ δόξαν παραστήσασα τοῖς ἀκούουσιν ὃν ἂν τύχῃ τῶν πολιτῶν ἀδίκως ἀπόλλυσιν; [19] Ἃ φυλακτέον ἐστίν, ὅπως μηδὲν ὑμῖν συμβήσεται τοιοῦτον, μηδ' ἃ τοῖς ἄλλοις ἂν ἐπιτιμήσαιτε τούτοις αὐτοὶ φανήσεσθε περιπίπτοντες. Οἶμαι δ' ὑμᾶς οὐκ ἀγνοεῖν ὅτι τῇ πόλει πολλάκις οὕτως ἤδη μετεμέλησε τῶν κρίσεων τῶν μετ' ὀργῆς καὶ μὴ μετ' ἐλέγχου γενομένων, ὥστ' οὐ πολὺν χρόνον διαλιποῦσα παρὰ μὲν τῶν ἐξαπατησάντων δίκην λαβεῖν ἐπεθύμησε, τοὺς δὲ διαβληθέντας ἡδέως ἂν εἶδεν ἄμεινον ἢ πρότερον πράττοντας.

[20] Ὧν χρὴ μεμνημένους μὴ προπετῶς πιστεύειν τοῖς τῶν κατηγόρων λόγοις, μηδὲ μετὰ θορύβου καὶ χαλεπότητος ἀκροᾶσθαι τῶν ἀπολογουμένων. Καὶ γὰρ αἰσχρὸν ἐπὶ μὲν τῶν ἄλλων πραγμάτων ἐλεημονεστάτους ὁμολογεῖσθαι καὶ πραοτάτους ἁπάντων εἶναι τῶν Ἑλλήνων, ἐπὶ δὲ τοῖς ἀγῶσι τοῖς ἐνθάδε γιγνομένοις τἀναντία τῇ δόξῃ ταύτῃ φαίνεσθαι πράττοντας· [21] καὶ παρ' ἑτέροις μὲν ἐπειδὰν περὶ ψυχῆς ἀνθρώπου δικάζωσι, μέρος τι τῶν ψήφων ὑποβάλλεσθαι τοῖς φεύγουσι, παρ' ὑμῖν δὲ μηδὲ τῶν ἴσων τυγχάνειν τοὺς κινδυνεύοντας τοῖς συκοφαντοῦσιν, ἀλλ' ὀμνύναι μὲν καθ' ἕκαστον τὸν ἐνιαυτὸν ἦ μὴν ὁμοίως ἀκροάσεσθαι τῶν κατηγορούντων καὶ τῶν ἀπολογουμένων, [22] τοσοῦτον δὲ τὸ μεταξὺ ποιεῖν, ὥστε τῶν μὲν αἰτιωμένων ὅ τι ἂν λέγωσιν ἀποδέχεσθαι, τῶν δὲ τούτους ἐξελέγχειν πειρωμένων ἐνίοτε μηδὲ τὴν φωνὴν ἀκούοντας ἀνέχεσθαι, καὶ νομίζειν μὲν ἀοικήτους εἶναι ταύτας τῶν πόλεων ἐν αἷς ἄκριτοί τινες ἀπόλλυνται τῶν πολιτῶν, ἀγνοεῖν δ' ὅτι τοῦτο ποιοῦσιν οἱ μὴ κοινὴν τὴν εὔνοιαν τοῖς ἀγωνιζομένοις παρέχοντες. [23] Ὃ δὲ πάντων δεινότατον, ὅταν τις αὐτὸς μὲν κινδυνεύων κατηγορῇ τῶν διαβαλλόντων, ἑτέρῳ δὲ δικάζων μὴ τὴν αὐτὴν ἔχῃ γνώμην περὶ αὐτῶν. Καίτοι χρὴ τοὺς νοῦν ἔχοντας τοιούτους εἶναι κριτὰς τοῖς ἄλλοις, οἵων περ ἂν αὐτοὶ τυγχάνειν ἀξιώσαιεν, λογιζομένους ὅτι διὰ τοὺς συκοφαντεῖν τολμῶντας ἄδηλον ὅστις εἰς κίνδυνον καταστὰς ἀναγκασθήσεται λέγειν ἅπερ ἐγὼ νῦν πρὸς τοὺς μέλλοντας περὶ αὐτοῦ τὴν ψῆφον διοίσειν.

 XV. DISCOURS SUR LA PERMUTATION.

[1] 1. Si le discours qui va être lu devant vous était semblable à ceux qui retentissent dans les luttes judiciaires, ou qui ont pour objet de faire ostentation d'éloquence, je me serais abstenu de tout préliminaire. Mais à cause de sa nouveauté et des particularités qui le distinguent, je suis obligé d'expliquer les motifs qui m'ont déterminé à l'écrire, bien qu'il s'éloigne des règles ordinaires. J'aurais craint que, sans, ces éclaircissements, il ne parût peut-être, aux yeux de beaucoup de personnes, contraire aux convenances.

[2] 2. Je savais que quelques sophistes calomniaient mes travaux et leur attribuaient pour objet l'art d'écrire des plaidoyers, faisant à peu près la même chose que celui qui oserait appeler Phidias, l'auteur. de la statue de Minerve, un sculpteur de poupées; ou comme si l'on prétendait que l'art de Zeuxis et de Parrhasius est le même que celui des peintres les plus vulgaires. [3] Néanmoins je n'avais jamais entrepris de repousser ces puérilités parce que j'étais convaincu que les vaines paroles de ces sophistes étaient sans aucune puissance, et qu'il me semblait avoir rendu évident pour tout le monde le parti que j'avais pris de parler et d écrire, non sur les transactions particulières, mais sur des sujets tels et d'une telle importance qu'aucun autre n'essayerait de les aborder, à l'exception de mes disciples ou de ceux qui voudraient les imiter. [4] Je m'étais donc persuadé, jusqu'à l'âge où je suis parvenu, que ma détermination et l'éloignement où je vivais de toute intrigue m'avaient obtenu quelque bienveillance de la part de mes concitoyens ; mais, à une époque où déjà je touche aux limites de la vie, une demande en permutation, pour la construction d'une galère, ayant été dirigée, contre moi et un procès en ayant été la suite, j'ai pu reconnaître que, même parmi les hommes que je viens de désigner, un certain nombre ne m'était pas aussi favorable que je l'espérais ; que les uns, complètement trompés sur les habitudes de ma vie, inclinaient à se laisser persuader par mes détracteurs, et que les autres, sachant, très bien à quelle nature de travaux je voue mon existence, mais dominés par la jalousie, éprouvaient à mon égard le même sentiment que les sophistes, et se plaisaient aux discours de ceux dont l'opinion relativement à moi était contraire à la vérité. [5] Ils ont donné la preuve de cette disposition d'esprit, puisque mon adversaire n'ayant rien articulé de conforme à la justice sur le fond du procès et s'étant borné à accuser la puissance de mes discours, à exagérer ma fortune et le nombre, de mes disciples, ils ont décidé que cette charge me resterait imposée. Quant à moi, je l'ai supportée comme il convient aux hommes que ne troublent pas de semblables sacrifices et qui pourtant ne sont disposés ni à la prodigalité ni au mépris des richesses.

[6] 3. M'étant aperçu, comme je l'ai dit, que ceux qui portaient de moi un faux jugement étaient plus nombreux que je ne le supposais, je cherchai dans mon esprit, comment je pourrais faire connaître, à eux et à la postérité, mes mœurs, la manière dont je vis et les travaux auxquels je me livre. Je ne pouvais d'ailleurs consentir à être condamné dans une affaire aussi grave, sans que ma cause eût été entendue, et à rester abandonné, comme je le suis maintenant, à la merci des calomniateurs. [7] Examinant donc ma situation, je compris qu'il me serait impossible d'arriver au but que je voulais atteindre, si je ne composais un discours qui fût comme l'image de ma pensée et le tableau de ma vie. J'espérais, de cette manière, faire mieux connaître ce qui me concernait et laisser de moi un monument beaucoup plus glorieux que les statues d'airain.

[8] 4. Et si cependant j'entreprenais de me louer moi-même, je sentais l'impossibilité de placer dans mon discours toutes les choses que je voulais faire connaître, d'en parler sans déplaire et sans irriter l'envie; au lieu que si je me supposais engagé dans un procès et menacé d'un danger, je pourrais montrer que mon adversaire est un sycophante, un homme qui cherche à me susciter des difficultés, et qui renouvelle contre moi les calomnies dont il s'est servi dans le plaidoyer de la permutation. Enfin, il me semblait que, si je donnais à mes paroles la forme d'une apologie, je pourrais développer toutes les vérités qu'il m'importait de faire entendre.

[9] 5. Telles sont les pensées qui m'occupaient lorsque j'écrivis ce discours, non dans la vigueur delà jeunesse, mais déjà parvenu à l'âge de quatre-vingt-deux ans. Il faut donc m'accorder quelque indulgence, s'il ne paraît pas avoir toute l'énergie de ceux que j'ai publiés dans d'autres temps. Il n'était, d'ailleurs, ni simple ni facile à composer; mais il exigeait beaucoup de travail et de soin. [10] En effet, une partie des choses qu'il contient sont de nature à être dites avec convenance devant un tribunal ; d'autres seraient déplacées dans ces sortes de luttes, tandis qu'appliquées à la philosophie et exprimées librement, elles servent à manifester sa puissance. Il y a même telle partie de ce discours qui pourrait être entendue utilement par les jeunes gens qui se livrent à l'étude des sciences et des lettres; enfin, on y rencontre beaucoup de passages des discours que j'ai écrits à d'autres époques, et qui se trouvent mêlés aux choses que je viens de dire, non sans raison, non sans convenance, mais de manière à être en harmonie avec l'objet que je me suis proposé. [11] Embrasser d'un coup d'oeil l'ensemble d'un si long travail, réunir et concilier entre elles tant de formes et d'idées si éloignées les unes des autres ; marier, pour ainsi dire, celles qui survenaient avec celles qui déjà avaient trouvé leur place, et les faire concorder entre elles, n'était pas, sans doute, une tâche légère ; et pourtant, malgré mon grand âge, je ne me suis point découragé; j'ai terminé ce discours écrit avec une complète vérité, et que du reste je livre au jugement de mes auditeurs.

[12] 6. Il est important pour ceux qui prendront connaissance de ce discours, que la lecture en soit faite comme celle d'une œuvre mixte et préparée pour toutes les conditions que nous avons indiquées; il faut ensuite que leur pensée se dirige vers ce qui doit être lu, plus que vers ce qui l'a déjà été; il faut, en outre, ne pas chercher dès le début à lire l'ouvrage entier d'un seul trait, mais en séparer à chaque fois une partie assez restreinte pour ne pas fatiguer les auditeurs. C'est en restant fidèles à ces recommandations, que vous pourrez surtout reconnaître si nous avons parlé d'une manière digne de nous.

[13] 7. Voilà ce qu'il était nécessaire d'indiquer à l'avance. Lisez maintenant cette apologie, qui est supposée écrite pour un jugement, mais dont le but réel est d'établir la vérité en ce qui me concerne ; de la faire connaître à ceux qui l'ignorent, et d'ajouter au tourment de la jalousie, pour ceux que cette maladie dévore; car je ne puis tirer d'eux une plus éclatante vengeance.

[14] 8. Je regarde comme les plus méchants des hommes, et comme dignes des plus sévères châtiments, ceux qui sont eux-mêmes coupables des choses dont ils osent accuser les autres, et c'est ce qu'a fait Lysimaque. Il se sert de discours écrits et il emploie plus de paroles pour attaquer les miens à cet égard que sous tous les autres rapports, agissant en cela de la même manière qu'un homme qui en poursuivrait un autre pour vol sacrilège, et qui se présenterait devant le tribunal ayant encore dans les mains des objets appartenant aux dieux. [15] J'attacherais un grand prix à ce que Lysimaque me crût réellement aussi redoutable qu'il l'a affirmé devant vous, car alors il n'entreprendrait pas de m'attaquer. Il dit que des arguments les plus faibles je puis faire des arguments victorieux ; et cependant il me redoute si peu, qu'il espère me vaincre aisément en articulant des mensonges quand je dis la vérité. [16] Tout est devenu si difficile pour moi, que les autres peuvent détruire les accusations par des discours, tandis que ce sont mes discours eux-mêmes que Lysimaque poursuit de ses accusations avec le plus de violence, afin que, si mes paroles paraissent suffire à ma justification, je demeure coupable du crime reproché par lui à mon éloquence; et, que, s'il arrive, au contraire, que mes paroles soient au-dessous de l'opinion qu'il vous en a donnée, mes actions vous paraissent d'autant plus mauvaises. [17] Je vous demande donc de ne pas accorder, comme aussi de ne pas refuser votre confiance à ce qui a été dit, avant d'avoir entendu jusqu'à la fin ma défense, convaincus qu'il serait complètement superflu de laisser aux accusés la faculté de se justifier, s'il était possible de prononcer avec justice sur le seul plaidoyer de l'accusateur. Aucun des assistants n'ignore maintenant si Lysimaque a bien ou mal établi ses accusations ; mais lorsqu'il s'agit de savoir s'il a dit la vérité, ce n'est pas une chose facile pour les juges de s'en rendre compte d'après les paroles de celui qui a parlé le premier i et ils doivent s'estimer heureux s'ils peuvent, des discours des»deux parties, faire ressortir la justice.

[18] 9. Je ne suis pas surpris qu'il y ait des hommes obligés d'employer plus de temps pour confondre les imposteurs que pour faire leur propre apologie; comme aussi je comprends ceux qui disent que la calomnie est le plus grand de tous les maux. Qu'y a-t-il, en effet, de plus pernicieux ? Elle entoure d'une brillante renommée ceux qui publient des mensonges ; elle fait paraître coupables ceux qui n'ont commis aucun crime ; elle entraîne les juges à fausser leurs serments; en un mot, elle efface la vérité de dessus la terre ; et en égarant le jugement de ceux qui l'écoutent, elle fait périr injustement le citoyen auquel elle s'attache. [19] C'est un danger contre lequel vous devez vous mettre en garde, afin que rien de semblable ne vous arrive, et que vous ne tombiez pas dans les fautes que vous blâmeriez chez les autres. Vous n'ignorez pas, je pense, que souvent notre ville a éprouvé, un tel repentir des jugements rendus par elle sous l'influence de la colère, et non sur des preuves suffisamment acquises, que bientôt après, elle a voulu tirer vengeance de ceux qui l'avaient, trompée, et qu'elle aurait vu avec joie les victimes de la calomnie plus heureuses qu'elles n'étaient auparavant.

[20] 10. Il faut donc, pleins du souvenir de ces vérités, ne pas donner, témérairement votre confiance aux paroles dès accusateurs, et ne pas écouter en tumulte et avec irritation ceux qui sont obligés de se justifier. Ce serait une chose honteuse, si, lorsque, dans toutes les autres circonstances, vous êtes reconnus pour les plus compatissants des Grecs et les plus accessibles à la pitié, on vous voyait, dans les luttes qui ont lieu parmi vous, faire des actes contraires à la renommée dont vous jouissez ; [21] si, lorsque d'autres peuples accordent aux accusés un certain nombre de suffrages, dans les jugements où la vie est engagée, ceux qui comparaissent devant vous n'obtenaient pas même les avantages que vous accordez aux calomniateurs ; si, lorsque vous faites, chaque année, le serment d'écouter avec une égale impartialité les accusateurs et les accusés, [22] vous mettiez entre eux une telle distance, qu'on vous vît accueillir favorablement les discours des accusateurs, et quelquefois ne pas même supporter la voix de ceux qui essayent de les confondre; enfin, si, lorsque vous regardez comme indignes d'être habitées les villes où quelques citoyens ont été mis à mort sans jugement, vous ignoriez que ceux-là font une action semblable qui n'accordent pas une bienveillance égale aux hommes qui soutiennent des intérêts opposés. [23] Mais voici quelque chose de plus odieux encore : celui qui, appelé devant la justice, s'élève contre les délateurs, ne conserve plus le même sentiment lorsqu'il est chargé de la rendre. Les hommes raisonnables devraient être cependant pour les autres des juges tels -qu'ils désireraient en rencontrer pour eux-mêmes ; et penser que, par suite de l'audace des sycophantes, il est impossible de prévoir quel est celui qui, exposé aux mêmes ! chances que moi, ne sera pas obligé de dire ce que je dis maintenant à ceux qui doivent prononcer sur mon sort.

[24] Οὐ γὰρ δὴ τῷ γε κοσμίως ζῆν ἄξιον πιστεύειν ὡς ἀδεῶς ἐξέσται τὴν πόλιν οἰκεῖν· οἱ γὰρ προῃρημένοι τῶν μὲν ἰδίων ἀμελεῖν τοῖς δ' ἀλλοτρίοις ἐπιβουλεύειν οὐ τῶν μὲν σωφρόνως πολιτευομένων ἀπέχονται, τοὺς δὲ κακόν τι δρῶντας εἰς ὑμᾶς εἰσάγουσιν, ἀλλ' ἐν τοῖς μηδὲν ἀδικοῦσιν ἐπιδειξάμενοι τὰς αὑτῶν δυνάμεις παρὰ τῶν φανερῶς ἐξημαρτηκότων πλέον λαμβάνουσιν ἀργύριον.

[25] Ἅπερ Λυσίμαχος διανοηθεὶς εἰς τουτονὶ τὸν κίνδυνόν με κατέστησεν, ἡγούμενος τὸν ἀγῶνα τὸν πρὸς ἐμὲ παρ' ἑτέρων αὑτῷ χρηματισμὸν ποιήσειν, καὶ προσδοκῶν, ἢν ἐμοῦ περιγένηται τοῖς λόγοις, ὅν φησι διδάσκαλον εἶναι τῶν ἄλλων, ἀνυπόστατον τὴν αὑτοῦ δύναμιν ἅπασιν εἶναι δόξειν. [26] Ἐλπίζει δὲ ῥᾳδίως τοῦτο ποιήσειν· ὁρᾷ γὰρ ὑμᾶς μὲν λίαν ταχέως ἀποδεχομένους τὰς αἰτίας καὶ τὰς διαβολάς, ἐμὲ δ' ὑπὲρ αὐτῶν οὐ δυνησόμενον ἀξίως τῆς δόξης ἀπολογήσασθαι καὶ διὰ τὸ γῆρας καὶ διὰ τὴν ἀπειρίαν τῶν τοιούτων ἀγώνων. [27] Οὕτω γὰρ βεβίωκα τὸν παρελθόντα χρόνον, ὥστε μηδένα μοι πώποτε μήτ' ἐν ὀλιγαρχία μήτ' ἐν δημοκρατία μήθ' ὕβριν μήτ' ἀδικίαν ἐγκαλέσαι, μηδ' εἶναι μήτε διαιτητὴν μήτε δικαστὴν ὅστις περὶ τῶν ἐμοὶ πεπραγμένων φανήσεται κριτὴς γεγενημένος· ἠπιστάμην γὰρ αὐτὸς μὲν εἰς τοὺς ἄλλους μηδὲν ἐξαμαρτάνειν, ἀδικούμενος δὲ μὴ μετὰ δικαστηρίου ποιεῖσθαι τὰς τιμωρίας, ἀλλ' ἐν τοῖς φίλοις τοῖς ἐκείνων διαλύεσθαι περὶ τῶν ἀμφισβητουμένων. Ὧν οὐδέν μοι πλέον γέγονεν, [28] ἀλλ' ἀνεγκλητεὶ μέχρι ταυτησὶ τῆς ἡλικίας βεβιωκὼς εἰς τὸν αὐτὸν καθέστηκα κίνδυνον, εἰς ὅνπερ ἂν εἰ πάντας ἐτύγχανον ἠδικηκώς. Οὐ μὴν παντάπασιν ἀθυμῶ διὰ τὸ μέγεθος τοῦ τιμήματος, ἀλλ' ἐάν περ ἐθελήσητε μετ' εὐνοίας ἀκροάσασθαι, πολλὰς ἐλπίδας ἔχω τοὺς μὲν διεψευσμένους τῶν ἐμῶν ἐπιτηδευμάτων καὶ πεπεισμένους ὑπὸ τῶν βουλομένων βλασφημεῖν ταχέως μεταπεισθήσεσθαι περὶ αὐτῶν, τοὺς δὲ τοιοῦτον εἶναί με νομίζοντας οἷός περ εἰμί, βεβαιότερον ἔτι ταύτην ἕξειν τὴν διάνοιαν. [29] Ἵνα δὲ μὴ λίαν ἐνοχλῶ πολλὰ πρὸ τοῦ πράγματος λέγων, ἀφέμενος τούτων, περὶ ὧν οἴσετε τὴν ψῆφον, ἤδη πειράσομαι διδάσκειν ὑμᾶς.

Καί μοι ἀνάγνωθι τὴν γραφήν.

Γραφή

[30] Ἐκ μὲν τοίνυν τῆς γραφῆς πειρᾶταί με διαβάλλειν ὁ κατήγορος ὡς διαφθείρω τοὺς νεωτέρους λέγειν διδάσκων καὶ παρὰ τὸ δίκαιον ἐν τοῖς ἀγῶσι πλεονεκτεῖν, ἐκ δὲ τῶν ἄλλων λόγων ποιεῖ με τηλικοῦτον, ὅσος οὐδεὶς πώποτε γέγονεν οὔτε τῶν περὶ τὰ δικαστήρια καλινδουμένων οὔτε τῶν περὶ τὴν φιλοσοφίαν διατριψάντων· οὐ γὰρ μόνον ἰδιώτας φησί μου γεγενῆσθαι μαθητάς, ἀλλὰ καὶ ῥήτορας καὶ στρατηγοὺς καὶ βασιλέας καὶ τυράννους, καὶ χρήματα παρ' αὐτῶν παμπληθῆ τὰ μὲν εἰληφέναι τὰ δ' ἔτι καὶ νῦν λαμβάνειν. [31] Τοῦτον δὲ τὸν τρόπον πεποίηται τὴν κατηγορίαν, ἡγούμενος ἐκ μὲν ὧν καταλαζονεύεται περί μου καὶ τοῦ πλούτου καὶ τοῦ πλήθους τῶν μαθητῶν φθόνον ἅπασι τοῖς ἀκούουσιν ἐμποιήσειν, ἐκ δὲ τῆς περὶ τὰ δικαστήρια πραγματείας εἰς ὀργὴν καὶ μῖσος ὑμᾶς καταστήσειν· ἅπερ ὅταν πάθωσιν οἱ κρίνοντες, χαλεπώτατοι τοῖς ἀγωνιζομένοις εἰσίν.

Ὡς οὖν τὰ μὲν μείζω τοῦ προσήκοντος εἴρηκε, τὰ δ' ὅλως ψεύδεται, ῥᾳδίως οἶμαι φανερὸν ποιήσειν. [32] Ἀξιῶ δ' ὑμᾶς τοῖς μὲν λόγοις οἷς πρότερον ἀκηκόατε περί μου τῶν βλασφημεῖν καὶ διαβάλλειν βουλομένων, μὴ προσέχειν τὸν νοῦν, μηδὲ πιστεύειν τοῖς μήτε μετ' ἐλέγχου μήτε μετὰ κρίσεως εἰρημένοις, μηδὲ ταῖς δόξαις χρῆσθαι ταῖς ἀδίκως ὑπ' ἐκείνων ὑμῖν ἐγγεγενημέναις, ἀλλ' ὁποῖός τις ἂν ἐκ τῆς κατηγορίας τῆς νῦν καὶ τῆς ἀπολογίας φαίνωμαι, τοιοῦτον εἶναί με νομίζειν· οὕτω γὰρ γιγνώσκοντες αὐτοί τε δόξετε καλῶς κρίνειν καὶ νομίμως, ἐγώ τε τεύξομαι πάντων τῶν δικαίων.

[33] Ὅτι μὲν οὖν οὐδεὶς οὔθ' ὑπὸ τῆς δεινότητος τῆς ἐμῆς οὔθ' ὑπὸ τῶν συγγραμμάτων βέβλαπται τῶν πολιτῶν, τὸν ἐνεστῶτα κίνδυνον ἡγοῦμαι μέγιστον εἶναι τεκμήριον. Εἰ γάρ τις ἦν ἠδικημένος, εἰ καὶ τὸν ἄλλον χρόνον ἡσυχίαν εἶχεν, οὐκ ἂν ἠμέλησε τοῦ καιροῦ τοῦ παρόντος, ἀλλ' ἦλθεν ἂν ἤτοι κατηγορήσων ἢ καταμαρτυρήσων. Ὅπου γὰρ ὁ μηδ' ἀκηκοὼς μηδὲν πώποτε φλαῦρον εἰς ἀγῶνά με τηλικουτονὶ κατέστησεν, ἦ που σφόδρ' ἂν οἱ κακῶς πεπονθότες ἐπειρῶντ' ἂν δίκην παρ' ἐμοῦ λαμβάνειν. [34] Οὐ γὰρ δὴ τοῦτό γ' ἐστὶν οὔτ' εἰκὸς οὔτε δυνατόν, ἐμὲ μὲν περὶ πολλοὺς ἡμαρτηκέναι, τοὺς δὲ ταῖς συμφοραῖς δι' ἐμὲ περιπεπτωκότας ἡσυχίαν ἔχειν καὶ μὴ τολμᾶν ἐγκαλεῖν, ἀλλὰ πραοτέρους ἐν τοῖς ἐμοῖς εἶναι κινδύνοις τῶν μηδὲν ἠδικημένων, ἐξὸν αὐτοῖς δηλώσασιν ἃ πεπόνθασι τὴν μεγίστην παρ' ἐμοῦ λαβεῖν τιμωρίαν. [35] Ἀλλὰ γὰρ οὔτε πρότερον οὔτε νῦν οὐδείς μοι φανήσεται τοιοῦτον οὐδὲν ἐγκαλέσας. Ὥστ' εἰ συγχωρήσαιμι τῷ κατηγόρῳ καὶ προσομολογήσαιμι πάντων ἀνθρώπων εἶναι δεινότατος, καὶ συγγραφεὺς τῶν λόγων τῶν λυπούντων ὑμᾶς τοιοῦτος οἷος οὐδεὶς ἄλλος γέγονε, πολὺ ἂν δικαιότερον ἐπιεικὴς εἶναι δοκοίην ἢ ζημιωθείην. [36] Τοῦ μὲν γὰρ γενέσθαι προέχοντα τῶν ἄλλων ἢ περὶ τοὺς λόγους ἢ περὶ τὰς πράξεις εἰκότως ἄν τις τὴν τύχην αἰτιάσαιτο, τοῦ δὲ καλῶς καὶ μετρίως κεχρῆσθαι τῇ φύσει δικαίως ἂν ἅπαντες τὸν τρόπον τὸν ἐμὸν ἐπαινέσειαν.

Οὐ μὴν οὐδ' εἰ ταῦτ' ἔχων περὶ ἐμαυτοῦ λέγειν, οὐδ' οὕτω φανήσομαι περὶ τοὺς λόγους τοὺς τοιούτους γεγενημένος.

[37] Γνώσεσθε δ' ἐκ τῶν ἐπιτηδευμάτων τῶν ἐμῶν, ἐξ ὧνπερ οἷόν τ' ἐστὶν εἰδέναι τὴν ἀλήθειαν πολὺ μᾶλλον ἢ παρὰ τῶν διαβαλλόντων. Οἶμαι γὰρ οὐδένα τοῦτ' ἀγνοεῖν, ὅτι πάντες ἄνθρωποι περὶ τὸν τόπον τοῦτον εἰώθασι διατρίβειν, ὅθεν ἂν προέλωνται τὸν βίον πορίζεσθαι. [38] Τοὺς μὲν τοίνυν ἀπὸ τῶν συμβολαίων τῶν ὑμετέρων ζῶντας καὶ τῆς περὶ ταῦτα πραγματείας ἴδοιτ' ἂν μόνον οὐκ ἐν τοῖς δικαστηρίοις οἰκοῦντας, ἐμὲ δ' οὐδεὶς πώποθ' ἑώρακεν οὔτ' ἐν τοῖς συνεδρίοις οὔτε περὶ τὰς ἀνακρίσεις οὔτ' ἐπὶ τοῖς δικαστηρίοις οὔτε πρὸς τοῖς διαιτηταῖς, ἀλλ' οὕτως ἀπέχομαι τούτων ἁπάντων ὡς οὐδεὶς ἄλλος τῶν πολιτῶν. [39] Ἔπειτ' ἐκείνους μὲν ἂν εὕροιτε παρ' ὑμῖν μόνοις χρηματίζεσθαι δυναμένους, εἰ δ' ἄλλοσέ ποι πλεύσειαν, ἐνδεεῖς ἂν ὄντας τῶν καθ' ἡμέραν, ἐμοὶ δὲ τὰς εὐπορίας, περὶ ὧν οὗτος μειζόνως εἴρηκεν, ἔξωθεν ἁπάσας γεγενημένας· ἔτι δὲ τοῖς μὲν πλησιάζοντας ἢ τοὺς ἐν κακοῖς αὐτοὺς ὄντας ἢ τοὺς ἑτέροις πράγματα παρέχειν βουλομένους, ἐμοὶ δὲ τοὺς πλείστην σχολὴν τῶν Ἑλλήνων ἄγοντας. [40] Ἠκούσατε δὲ καὶ τοῦ κατηγόρου λέγοντος ὅτι παρὰ Νικοκλέους τοῦ Σαλαμινίων βασιλέως πολλὰς ἔλαβον καὶ μεγάλας δωρεάς. Καίτοι τίνι πιστὸν ὑμῶν ἐστιν ὡς Νικοκλῆς ἔδωκέ μοι ταύτας, ἵνα δίκας μανθάνῃ λέγειν, ὃς καὶ τοῖς ἄλλοις περὶ τῶν ἀμφισβητουμένων ὥσπερ δεσπότης ἐδίκαζεν; Ὥστ' ἐξ ὧν αὐτὸς οὗτος εἴρηκε, ῥᾴδιον καταμαθεῖν ὅτι πόρρω τῶν πραγματειῶν εἰμι τῶν περὶ τὰ συμβόλαια γιγνομένων. [41] Ἀλλὰ μὴν κἀκεῖνο πᾶσι φανερόν ἐστιν ὅτι παμπληθεῖς εἰσιν οἱ παρασκευάζοντες τοὺς λόγους τοῖς ἐν τοῖς δικαστηρίοις ἀγωνιζομένοις. Τούτων μὲν τοίνυν τοσούτων ὄντων οὐδεὶς πώποτε φανήσεται μαθητῶν ἠξιωμένος, ἐγὼ δὲ πλείους εἰληφώς, ὥς φησιν ὁ κατήγορος, ἢ σύμπαντες οἱ περὶ τὴν φιλοσοφίαν διατρίβοντες. Καίτοι πῶς εἰκὸς τοὺς τοσοῦτον τοῖς ἐπιτηδεύμασιν ἀλλήλων ἀφεστῶτας περὶ τὰς αὐτὰς πράξεις ἡγεῖσθαι διατρίβειν;

[24] 11. Et en effet, vivre d'une vie sans reproche n'est pas un motif suffisant pour espérer habiter sans crainte notre ville : les hommes qui, par système, négligent le soin de leur propre fortune et cherchent à envahir le bien des autres n'ont pas pour habitude de respecter ceux qui remplissent avec sagesse les devoirs de la vie civile, et d'amener devant vous ceux qui ont commis des crimes ; mais de montrer ce qu'ils peuvent contre les innocents, afin de pouvoir arracher des sommes plus considérables de ceux qui évidemment sont coupables.

[25] 12. Telle a été la pensée de Lysimaque lorsqu'il m'a créé ce danger. Il a regardé la lutte qu'il engageait contre moi comme un moyen de se faire donner de l'argent par d'autres citoyens, persuadé, que si la force de son éloquence l'emportait sur moi, qu'il dit être le précepteur des autres, la puissance de ses discours paraîtrait irrésistible à tous. [26] Il compte d'ailleurs sur un succès facile, en voyant, d'une part, la promptitude, avec laquelle vous accueillez les accusations et les calomnies, et, de l'autre, l'impossibilité où je serai de lui opposer sur ce terrain une défense digne de ma réputation, à cause de ma vieillesse et à cause de mon. inexpérience dans les luttes de cette nature. [27] En effet, pendant tout le cours de ma vie passée, soit durant l'oligarchie, soit sous la démocratie, j'ai réglé mon existence dételle manière que personne ne m'a jamais accusé de violence ou d'injustice, et qu'on ne trouvera pas un juge, pas un arbitre légal, appelé à prononcer sur mes actions. Je savais m'abstenir de toute injure envers mes concitoyens, et moi-même, lorsque j'étais victime d'une injustice, je n'en poursuivais pas la vengeance devant un tribunal, mais je m'adressais aux amis de ceux qui m'avaient offensé, pour terminer nos différends. Je n'ai recueilli néanmoins aucun avantage de ma conduite : [28] et, après avoir vécu jusqu'à l'âge avancé où je suis parvenu, sans avoir été l'objet d'une seule attaque, je me vois aujourd'hui exposé au même danger que si j'eusse offensé tout le monde. Quoi qu'il en soit, je ne me sens pas découragé par la valeur considérable de l'amende, et si vous voulez m'écouter avec bienveillance, j'ai l'espoir le plus complet que ceux, qui ont été trompés sur la manière dont je vis, et qui se sont laissé persuader par mes calomniateurs, changeront bientôt de pensée à leur égard, en même temps que l'opinion de ceux qui me voient tel que je suis, se trouvera confirmée. [29] Mais afin de ne pas vous fatiguer outre mesure par des considérations préliminaires, je les abandonne désormais pour essayer de vous montrer la vérité relativement au débat sur lequel vous donnerez votre suffrage. Lisez-moi l'accusation.

ACCUSATION.

[30] 13. Ainsi, dans l'accusation, mon adversaire s'efforce de me noircir en établissant que je corromps les jeunes gens, et que je leur enseigne avec les principes de l'éloquence l'art de triompher de la justice dans les procès ; et, dans ses autres discours, il me présente comme un homme tel que jamais il n'en exista un semblable, ni parmi ceux qui fréquentent les tribunaux, ni parmi ceux qui se vouent à l'étude des lettres et de la philosophie. Il dit que je n'ai pas seulement pour disciples de simples particuliers, mais des orateurs, des généraux, des rois et des tyrans ; que j'ai reçu d'eux des sommes considérables, et que j'en reçois même encore aujourd'hui. [31] Il organise ainsi l'accusation, dans la pensée que les faits qu'il exagère en parlant de moi, de mes richesses et du grand nombre de mes disciples, inspireront un sentiment de jalousie à tous ses auditeurs ; en même temps que, par l'habitude qu'il m'attribue des subtilités de la chicane, il espère faire naître en vous ces dispositions de colère et de haine qui entraînent les juges à un excès de sévérité.

14. Je crois qu'il me sera facile de vous montrer que les paroles de Lysimaque sont, les unes exagérées, les autres entièrement contraires à la vérité. [32] Je vous demande donc de ne pas vous arrêter aux discours que vous avez d'abord entendu articuler contre moi par des hommes qui veulent m'avilir en me calomniant, et de ne pas accorder votre attention et votre confiance à des faits avancés sans discernement et sans preuves, comme aussi je vous demande de ne pas vous abandonner aux injustes impressions que ces hommes ont pu faire naître en vous, mais de me croire tel que je vous paraîtrai, lorsque vous aurez entendu et l'attaque et la défense. Après avoir ainsi formé votre opinion, vous pourrez prononcer un jugement conforme aux lois, conforme à l'équité, et j'obtiendrai, quant à moi, tout ce que j'ai droit d'attendre de la justice.

[33] 15. La preuve la plus évidente qu'aucun de mes concitoyens n'a été blessé ni par mon éloquence, ni par mes écrits, me semble ressortir du danger qui me menace aujourd'hui. Car, si un homme, quel qu'il soit, eût reçu de moi une offense, lors même; que le reste du temps il eût gardé le silence, il n'aurait pas négligé l'occasion actuelle, et il serait venu m'accuser ou déposer contre moi. Certes, lorsque mon accusateur, que je n'ai jamais offensé, me met dans la nécessité de soutenir une lutte aussi redoutable, à plus forte raison ceux auxquels j'aurais fait éprouver de graves injustices se seraient efforcés de m'en punir. [34] J'ajoute que non seulement il n'est pas probable, mais qu'il n'est pas même possible que, si j'eusse offensé un grand nombre de personnes, ceux dont le malheur eût été mon ouvrage gardassent aujourd'hui le silence, qu'ils n'osassent pas m'accuser, qu'ils fussent, dans mes dangers, plus bienveillants à mon égard que ceux qui n'auraient pas eu à se plaindre de moi ; et cela, quand il serait en leur pouvoir de montrer ce qu'ils ont souffert, et d'obtenir la plus éclatante vengeance. [35] Or, ni dans le passé, ni maintenant, on ne trouvera personne qui ait dirigé contre moi une imputation de cette nature. Si donc j'accordais, si je concédais à mon adversaire que je suis le plus éloquent des hommes, un orateur dont les discours ont la puissance de vous nuire et tel que jamais il n'en a existé, il y aurait encore plus de justice à me considérer comme un homme modéré, qu'à m'infliger un châtiment. [36] Être supérieur aux autres par ses discours ou par ses actions, est un don qu'il convient d'attribuer à la fortune ; mais user avec modération, avec générosité, des avantages reçus de la nature, est une chose pour laquelle tout le monde devrait rendre hommage à mon caractère;

et cependant, même alors que je pourrais m'exprimer ainsi relativement à moi, on ne trouvera jamais que je me sois servi de discours tels que ceux dont on m'accuse.

[37] 16. Vous pourrez d'ailleurs vous en convaincre par les habitudes de ma vie, qui font connaître la vérité beaucoup mieux que les assertions de mes calomniateurs. Personne, en effet, ne peut ignorer que tous les hommes fréquentent d'habitude le lieu qu'ils choisissent pour se procurer leurs moyens d'existence. [38] Ainsi ceux qui vivent de vos discussions d'intérêt, et des travaux qui s'y rattachent, habitent, pour ainsi dire, les tribunaux, tandis que jamais personne ne m'a vu dans les assemblées, dans les débats judiciaires, dans les jugements, ou près des arbitres publics ; et que je me tiens éloigné des réunions de cette nature, plus qu'aucun autre citoyen. [39] Vous reconnaîtrez ensuite que les hommes dont je viens de parler ne peuvent trouver à s'enrichir qu'auprès de vous, et que, s'ils traversaient les mers dans ce but, ils manqueraient aussitôt des nécessités de chaque jour; tandis que les richesses dont Lysimaque vous a fait un si pompeux tableau, me sont toutes venues du dehors : vous trouverez, en outre, que ceux qui fréquentent les tribunaux sont, ou des hommes dans la détresse, ou des hommes qui veulent y précipiter les autres, tandis que ceux qui m'approchent sont les hommes de la Grèce qui ont le plus de richesses et de loisirs. [40] Vous avez entendu mon accusateur vous dire que j'avais reçu de Nicoclès, roi de Salamine, de riches et nombreux présents. Or, qui d'entre vous pourrait croire que Nicoclès m'eût fait de telles largesses pour apprendre à plaider devant un tribunal, lui qui jugeait souverainement les contestations de ses sujets ? Il est donc facile de reconnaître, par les allégations mêmes de Lysimaque, que je vis loin des affaires et des transactions judiciaires. [41] C'est un fait également connu de tout le monde, que les hommes qui préparent des discours pour ceux qui plaident devant la justice, sont en grand nombre. Eh bien, quelque grand que soit leur nombre, on n'en verra pas un qui à aucune époque ait été jugé digne d'avoir des disciples ; tandis que, seul, comme le dit mon accusateur, j'en ai plus que tous ceux qui se consacrent à l'étude de l'éloquence. Comment serait-il raisonnable de croire que des hommes si éloignés les uns des autres par leurs habitudes et si différents entre eux pussent s'occuper des mêmes objets ?

[45] Πρῶτον μὲν οὖν ἐκεῖνο δεῖ μαθεῖν ὑμᾶς, ὅτι τρόποι τῶν λόγων εἰσὶν οὐκ ἐλάττους ἢ τῶν μετὰ μέτρου ποιημάτων. Οἱ μὲν γὰρ τὰ γένη τὰ τῶν ἡμιθέων ἀναζητοῦντες τὸν βίον τὸν αὑτῶν κατέτριψαν, οἱ δὲ περὶ τοὺς ποιητὰς ἐφιλοσόφησαν, ἕτεροι δὲ τὰς πράξεις τὰς ἐν τοῖς πολέμοις συναγαγεῖν ἐβουλήθησαν, ἄλλοι δέ τινες περὶ τὰς ἐρωτήσεις καὶ τὰς ἀποκρίσεις γεγόνασιν, οὓς ἀντιλογικοὺς καλοῦσιν. [46] Εἴη δ' ἂν οὐ μικρὸν ἔργον, εἰ πάσας τις τὰς ἰδέας τὰς τῶν λόγων ἐξαριθμεῖν ἐπιχειρήσειεν· ἧς δ' οὖν ἐμοὶ προσήκει, ταύτης μνησθεὶς ἐάσω τὰς ἄλλας. Εἰσὶ γάρ τινες οἳ τῶν μὲν προειρημένων οὐκ ἀπείρως ἔχουσι, γράφειν δὲ προῄρηνται λόγους οὐ περὶ τῶν ἰδίων συμβολαίων, ἀλλ' Ἑλληνικοὺς καὶ πολιτικοὺς καὶ πανηγυρικούς, οὓς ἅπαντες ἂν φήσαιεν ὁμοιοτέρους εἶναι τοῖς μετὰ μουσικῆς καὶ ῥυθμῶν πεποιημένοις ἢ τοῖς ἐν δικαστηρίῳ λεγομένοις. [47] Καὶ γὰρ τῇ λέξει ποιητικωτέρᾳ καὶ ποικιλωτέρᾳ τὰς πράξεις δηλοῦσι, καὶ τοῖς ἐνθυμήμασιν ὀγκωδεστέροις καὶ καινοτέροις χρῆσθαι ζητοῦσιν, ἔτι δὲ ταῖς ἄλλαις ἰδέαις ἐπιφανεστέραις καὶ πλείοσιν ὅλον τὸν λόγον διοικοῦσιν. Ὧν ἅπαντες μὲν ἀκούοντες χαίρουσιν οὐδὲν ἧττον ἢ τῶν ἐν τοῖς μέτροις πεποιημένων, πολλοὶ δὲ καὶ μαθηταὶ γίγνεσθαι βούλονται, νομίζοντες τοὺς ἐν τούτοις πρωτεύοντας πολὺ σοφωτέρους καὶ βελτίους καὶ μᾶλλον ὠφελεῖν δυναμένους εἶναι τῶν τὰς δίκας εὖ λεγόντων. [48] Συνίσασι γὰρ τοῖς μὲν διὰ πολυπραγμοσύνην ἠπείροις τῶν ἀγώνων γεγενημένοις, τοὺς δ' ἐκ φιλοσοφίας ἐκείνων τῶν λόγων ὧν ἄρτι προεῖπον τὴν δύναμιν εἰληφότας, καὶ τοὺς μὲν δικανικοὺς δοκοῦντας εἶναι ταύτην τὴν ἡμέραν μόνην ἀνεκτοὺς ὄντας ἐν ᾗ περ ἂν ἀγωνιζόμενοι τυγχάνωσι, τοὺς δ' ἐν ἁπάσαις ταῖς ὁμιλίαις καὶ παρὰ πάντα τὸν χρόνον ἐντίμους ὄντας καὶ δόξης ἐπιεικοῦς τυγχάνοντας· ἔτι δὲ τοὺς μέν, [49] ἢν ὀφθῶσι δὶς ἢ τρὶς ἐπὶ τῶν δικαστηρίων, μισουμένους καὶ διαβαλλομένους, τοὺς δ' ὅσῳ περ ἂν πλείοσι καὶ πλεονάκις συγγίγνωνται, τοσούτῳ μᾶλλον θαυμαζομένους· πρὸς δὲ τούτοις τοὺς μὲν περὶ τὰς δίκας δεινοὺς πόρρω τῶν λόγων ἐκείνων ὄντας, τοὺς δ' εἰ βουληθεῖεν ταχέως ἂν ἑλεῖν καὶ τοὺτους δυνηθέντας. [50] Ταῦτα λογιζόμενοι καὶ πολὺ κρείττω νομίζοντες εἶναι τὴν αἵρεσιν, βούλονται μετασχεῖν τῆς παιδείας ταύτης, ἧς οὐδ' ἂν ἐγὼ φανείην ἀπεληλαμένος, ἀλλὰ πολλῷ χαριεστέραν δόξαν εἰληφώς.

Περὶ μὲν οὖν τῆς ἐμῆς εἴτε βούλεσθε καλεῖν δυνάμεως εἴτε φιλοσοφίας εἴτε διατριβῆς, ἀκηκόατε πᾶσαν τὴν ἀλήθειαν. [51] Βούλομαι δὲ περὶ ἐμαυτοῦ καὶ νόμον θεῖναι χαλεπώτερον ἢ περὶ τῶν ἄλλων, καὶ λόγον εἰπεῖν θρασύτερον ἢ κατὰ τὴν ἐμὴν ἡλικίαν. Ἀξιῶ γὰρ οὐ μόνον, εἰ βλαβεροῖς χρῶμαι τοῖς λόγοις, μηδεμιᾶς συγγνώμης τυγχάνειν παρ' ὑμῶν, ἀλλ' εἰ μὴ τοιούτοις, οἵοις οὐδεὶς ἄλλος, τὴν μεγίστην ὑποσχεῖν τιμωρίαν. Οὐχ οὕτω δ' ἂν τολμηρὰν ἐποιησάμην τὴν ὑπόσχεσιν, εἰ μὴ καὶ δείξειν ἤμελλον ὑμῖν καὶ ῥᾳδίαν ποιήσειν τὴν διάγνωσιν αὐτῶν.

[52] Ἔχει γὰρ οὕτως· ἐγὼ καλλίστην ἡγοῦμαι καὶ δικαιοτάτην εἶναι τὴν τοιαύτην ἀπολογίαν, ἥτις εἰδέναι ποιεῖ τοὺς δικάζοντας ὡς δυνατὸν μάλιστα, περὶ ὧν τὴν ψῆφον οἴσουσι, καὶ μὴ πλανᾶσθαι τῇ διανοίᾳ μηδ' ἀμφιγνοεῖν τοὺς τἀληθῆ λέγοντας. [53] Εἰ μὲν τοίνυν ἠγωνιζόμην ὡς περὶ πράξεις τινὰς ἡμαρτηκώς, οὐκ ἂν οἷός τ' ἦν ἰδεῖν ὑμῖν αὐτὰς παρασχεῖν, ἀλλ' ἀναγκαίως εἶχεν εἰκάζοντας ὑμᾶς ἐκ τῶν εἰρημένων διαγιγνώσκειν ὅπως ἐτύχετε περὶ τῶν πεπραγμένων· ἐπειδὴ δὲ περὶ τοὺς λόγους ἔχω τὴν αἰτίαν, οἶμαι μᾶλλον ὑμῖν ἐμφανιεῖν τὴν ἀλήθειαν. [54] Αὐτοὺς γὰρ ὑμῖν δείξω τοὺς εἰρημένους ὑπ' ἐμοῦ καὶ γεγραμμένους, ὥστ' οὐ δοξάσαντες ἀλλὰ σαφῶς εἰδότες ὁποῖοί τινές εἰσι τὴν ψῆφον οἴσετε περὶ αὐτῶν. Ἅπαντας μὲν οὖν διὰ τέλους εἰπεῖν οὐκ ἂν δυναίμην· ὁ γὰρ χρόνος ὁ δεδομένος ἡμῖν ὀλίγος ἐστίν· ὥσπερ δὲ τῶν καρπῶν, ἐξενεγκεῖν ἑκάστου δεῖγμα πειράσομαι. Μικρὸν γὰρ μέρος ἀκούσαντες ῥᾳδίως τό τ' ἐμὸν ἦθος γνωριεῖτε καὶ τῶν λόγων τὴν δύναμιν ἁπάντων μαθήσεσθε.

[55] Δέομαι δὲ τῶν πολλάκις ἀνεγνωκότων τὰ μέλλοντα ῥηθήσεσθαι μὴ ζητεῖν ἐν τῷ παρόντι παρ' ἐμοῦ καινοὺς λόγους, μηδ' ὀχληρόν με νομίζειν, ὅτι λέγω τοὺς πάλαι παρ' ὑμῖν διατεθρυλημένους. Εἰ μὲν γὰρ ἐπίδειξιν ποιούμενος ἔλεγον αὐτούς, εἰκότως ἂν εἶχον τὴν αἰτίαν ταύτην· νῦν δὲ κρινόμενος καὶ κινδυνεύων ἀναγκάζομαι χρῆσθαι τοῦτον τὸν τρόπον αὐτοῖς. [56] Καὶ γὰρ ἂν πάντων εἴην καταγελαστότατος, εἰ τοῦ κατηγόρου διαβάλλοντος ὅτι τοιούτους γράφω λόγους οἳ καὶ τὴν πόλιν βλάπτουσι καὶ τοὺς νεωτέρους διαφθείρουσι, δι' ἑτέρων ποιοίμην τὴν ἀπολογίαν, ἐξὸν αὐτοὺς δείξαντι τούτους ἀπολύσασθαι τὴν διαβολὴν τὴν λεγομένην περὶ ἡμῶν. Ὑμᾶς μὲν οὖν ἀξιῶ μοι διὰ ταῦτα συγγνώμην ἔχειν καὶ συναγωνιστὰς γίγνεσθαι, τοῖς δὲ ἄλλοις ἤδη περαίνειν ἐπιχειρήσω, μικρὸν ἔτι4 προειπών, ἵνα ῥᾷον ἐπακολουθῶσι τοῖς λεγομένοις.

[57] Ὁ μὲν γὰρ λόγος ὁ μέλλων πρῶτος ὑμῖν δειχθήσεσθαι κατ' ἐκείνους ἐγράφη τοὺς χρόνους, ὅτε Λακεδαιμόνιοι μὲν ἦρχον τῶν Ἑλλήνων, ἡμεῖς δὲ ταπεινῶς ἐπράττομεν. Ἔστι δὲ τοὺς μὲν Ἕλληνας παρακαλῶν ἐπὶ τὴν τῶν βαρβάρων στρατείαν, Λακεδαιμονίοις δὲ περὶ τῆς ἡγεμονίας ἀμφισβητῶν. Τοιαύτην δὲ τὴν ὑπόθεσιν ποιησάμενος, [58] ἀποφαίνω τὴν πόλιν ἁπάντων τῶν ὑπαρχόντων τοῖς Ἕλλησιν ἀγαθῶν αἰτίαν γεγενημένην. Ἀφορισάμενος δὲ τὸν λόγον τὸν περὶ τῶν τοιούτων εὐεργεσιῶν, καὶ βουλόμενος τὴν ἡγεμονίαν ἔτι σαφέστερον ἀποφαίνειν ὡς ἔστι τῆς πόλεως, ἐνθένδε ποθὲν ἐπιχειρῶ διδάσκειν περὶ τούτων, ὡς τῇ πόλει τιμᾶσθαι προσήκει πολὺ μᾶλλον ἐκ τῶν περὶ τὸν πόλεμον κινδύνων ἢ τῶν ἄλλων εὐεργεσιῶν.

[59] Ὤιμην μὲν οὖν αὐτὸς δυνήσεσθαι διελθεῖν περὶ αὐτῶν· νῦν δέ με τὸ γῆρας ἐμποδίζει καὶ ποιεῖ προαπαγορεύειν. Ἵν' οὖν μὴ παντάπασιν ἐκλυθῶ πολλῶν ἔτι μοι λεκτέων ὄντων, ἀρξάμενος ἀπὸ τῆς παραγραφῆς ἀνάγνωθι τὰ περὶ τῆς ἡγεμονίας αὐτοῖς.

[45] 18. Et d'abord, vous devez savoir que les divers genres de discours ne sont pas moins nombreux que ceux des poèmes soumis aux règles delà mesure. Ainsi, certains auteurs ont épuisé leur vie à des recherches sur les races des demi-dieux ; d'autres ont écrit des dissertations sur les poètes, d'autres ont préféré, réunir les faits accomplis dans la guerre; quelques-uns enfin, que l'on nomme antilogiciens, ont procédé par interrogations et par réponses. [46] Ce ne serait pas une faible entreprise, d'énumérer les diverses formes employées pour les discours ; rappelant donc seulement celle qui me concerne, j'abandonnerai les autres. Il y a des hommes qui, sans être étrangers aux choses dont nous venons de parler, ont préféré, non pas écrire sur les transactions particulières, mais composer sur les affaires politiques de la Grèce, sur ses intérêts généraux, des discours préparés pour les grandes assemblées, discours dans lesquels tout le monde reconnaîtrait plus d'analogie avec les compositions soumises aux règles du rythme et de l'harmonie, qu'avec les plaidoyers prononcés devant les tribunaux. [47] Ces hommes, en général, présentent les faits sous un jour plus poétique et plus varié que les autres écrivains ; ils s'efforcent de produire des pensées plus élevées et plus neuves ; ils ornent leurs discours de formes plus multipliées et plus brillantes. Il en résulte que non seulement tous leurs auditeurs n'éprouvent pas moins de plaisir à les écouter qu'à entendre des ouvrages de poésie, mais qu'un grand nombre d'entre eux s'efforcent de devenir leurs disciples, convaincus que les hommes qui excellent dans ce genre sont beaucoup plus sages, sont meilleurs, sont plus susceptibles d'être utiles, que ceux qui brillent par l'éloquence judiciaire. [48] Ils comprennent que si l'intrigue et l'ardeur de la chicane ont fait acquérir à ceux-ci l'expérience des procès, les autres, par une étude réfléchie, acquièrent le talent de composer des discours tels que ceux dont j'ai parlé tout à l'heure; ils n'ignorent pas que les hommes qui ont la réputation d'être habiles dans les affaires judiciaires ne sont supportables que le jour où ils ont une cause à plaider, tandis que les autres, accueillis avec faveur dans toutes les réunions, sont honorés dans tous les temps d'une renommée qu'accompagne la bienveillance ; [49] ils savent que les premiers ont à peine paru avec succès deux ou trois fois devant les tribunaux, qu'aussitôt la haine et la calomnie s'attachent à leurs pas, et que les autres sont d'autant plus admirés qu'ils se sont montrés plus souvent dans les grandes assemblées. Ils savent, enfin, que ceux qui excellent dans les débats judiciaires sont loin de pouvoir atteindre la hauteur de la véritable éloquence, tandis que les autres, s'ils en avaient la volonté, pourraient bientôt les surpasser. [50] C'est en raisonnant de cette manière, comme aussi parce qu'ils ont la conviction que ce choix est le meilleur, qu'ils veulent participer à un talent auquel je suis loin d'être étranger, puisque je lui dois ce qu'il y a de plus flatteur dans ma renommée.

19. Ainsi donc, relativement à la puissance de ma parole, à ma philosophie, à mes études habituelles, quelle que soit l'expression qu'il vous plaise d'employer, vous avez entendu toute la vérité. [51] Je veux maintenant établir pour moi une loi plus sévère que pour les autres, et me servir de paroles qui auront peut-être quelque chose de plus hardi que mon âge ne semble le comporter. Je demande non seulement, si je me sers de discours nuisibles, de n'obtenir de vous aucune indulgence ; mais si je ne me sers pas de discours tels qu'aucun autre ne pourrait en employer de semblables, je consens à subir les plus rigoureux châtiments. Certes, je ne prendrais pas un engagement aussi périlleux, si je n'avais la certitude de vous montrer la vérité de mes assertions et d'entendre pour vous l'appréciation facile.

[52] 20. Tel est l'état de la question, et je regarde comme la plus belle et la plus juste des apologies celle qui présente le plus clairement aux yeux des juges les faits sur lesquels ils doivent prononcer; qui les empêche de flotter au hasard dans leur opinion, et qui ne leur laisse aucune incertitude sur ceux qui disent la vérité. [53] Si j'étais traduit devant votre tribunal comme ayant commis quelques actions coupables, il me serait impossible de placer ces actions elles-mêmes sous vos yeux, vous seriez obligés de juger par conjecture et d'après le récit des faits, de quelle manière ils se seraient accomplis ; mais, puisque je suis accusé à cause de mes discours, je crois pouvoir vous montrer plus exactement la vérité. [54] Je vous les soumettrai, tant ceux que j'ai prononcés que ceux que j'ai écrits, et ce ne sera plus par conjecture, mais avec une pleine connaissance de ce qu'ils sont, que vous porterez un jugement sur eux. Je ne pourrai pas vous les réciter tous dans leur entier, le temps qui nous est accordé est trop court; mais, de même qu'il est d'usage de le faire pour les fruits, j'essayerai de vous montrer en quelque sorte un échantillon de chacun d'eux. Une faible partie de ces discours vous fera connaître facilement mes mœurs, et vous apprécierez la puissance de tous ceux que j'ai prononcés. Je prie ceux qui ont déjà lu plusieurs fois les passages qui vont être présentés, de ne pas exiger de moi, en ce moment, des expressions nouvelles et de ne pas me considérer comme abusant de votre patience parce que je reproduis devant vous des paroles que vous avez déjà souvent entendues. Si mon but était de faire ostentation d'éloquence, je mériterais ce reproche ; mais, traduit devant la justice et exposé aux chances d'un jugement, je suis forcé de les mettre sous vos yeux, de la manière dont je le fais maintenant. Je serais, en effet, le plus insensé des hommes si, lorsque mon adversaire m'accuse d'écrire des discours qui nuisent à la République et qui corrompent la jeunesse, j'en employais d'autres pour me justifier, quand je puis, en les montrant, détruire la calomnie dirigée contre moi. Je vous demande donc, par ce motif, de m'accorder votre indulgence et votre appui ; j'essayerai, pour mes autres auditeurs,de compléter ma défense, après quelques observations préliminaires destinées,à leur faire plus facilement comprendre l'enchaînement des pensées.

[57] 21. Le discours qui, le premier, doit vous être lu, a été écrit dans ces temps où les Lacédémoniens marchaient à la tête de la Grèce, et où nous étions accablés par les rigueurs de la fortune. Il encourage les Grecs à faire une expédition contre lès Barbares et conteste aux Lacédémoniens le droit à la suprématie. Ayant posé mon argumentation sur ce principe, [58] je montre qu'Athènes à été la cause de toutes les prospérités des Grecs, et après avoir termine la partie de mon discours qui se rattache à de si grands bienfaits, pour prouver avec une plus grande évidence que le droit de commander appartient à notre république, je m'efforce d'établir qu'il est juste de l'honorer pour les périls qu'elle a bravés dans la guerre, plus encore que pour ses autres services. Je croyais pouvoir lire moi-même ce que j'ai écrit sur ce sujet; mais la vieillesse y met obstacle et m'oblige à y renoncer; afin donc de ne pas m'épuiser entièrement, lorsqu'il me reste encore beaucoup de choses à dire, lisez, greffier, ce qui touche au droit du commandement, en commençant à l'endroit noté en marge.

[1] Ε Ἐκ τοῦ Πανηγυρικοῦ

Isoc. 4.51-99

[51] ... ἡγοῦμαι δὲ τοῖς προγόνοις ἡμῶν οὐχ ἧττον ἐκ τῶν κινδύνων τιμᾶσθαι προσήκειν ἢ τῶν ἄλλων εὐεργεσιῶν. [52] Οὐ γὰρ μικροὺς οὐδ' ὀλίγους οὐδ' ἀφανεῖς ἀγῶνας ὑπέμειναν, ἀλλὰ πολλοὺς καὶ δεινοὺς καὶ μεγάλους, τοὺς μὲν ὑπὲρ τῆς αὑτῶν χώρας, τοὺς δ' ὑπὲρ τῆς τῶν ἄλλων ἐλευθερίας· ἅπαντα γὰρ τὸν χρόνον διετέλεσαν κοινὴν τὴν πόλιν παρέχοντες καὶ τοῖς ἀδικουμένοις ἀεὶ τῶν Ἑλλήνων ἐπαμύνουσαν. [53] Διὸ δὴ καὶ κατηγοροῦσίν τινες ἡμῶν ὡς οὐκ ὀρθῶς βουλευομένων, ὅτι τοὺς ἀσθενεστέρους εἰθίσμεθα θεραπεύειν, ὥσπερ οὐ μετὰ τῶν ἐπαινεῖν βουλομένων ἡμᾶς τοὺς λόγους ὄντας τοὺς τοιούτους. Οὐ γὰρ ἀγνοοῦντες ὅσον διαφέρουσιν αἱ μείζους τῶν συμμαχιῶν πρὸς τὴν ἀσφάλειαν, οὕτως ἐβουλευόμεθα περὶ αὐτῶν, ἀλλὰ πολὺ τῶν ἄλλων ἀκριβέστερον εἰδότες τὰ συμβαίνοντ' ἐκ τῶν τοιούτων ὅμως ᾑρούμεθα τοῖς ἀσθενεστέροις καὶ παρὰ τὸ συμφέρον βοηθεῖν μᾶλλον ἢ τοῖς κρείττοσιν τοῦ λυσιτελοῦντος ἕνεκα συναδικεῖν.

[54] Γνοίη δ' ἄν τις καὶ τὸν τρόπον καὶ τὴν ῥώμην τὴν τῆς πόλεως ἐκ τῶν ἱκετειῶν ἃς ἤδη τινὲς ἡμῖν ἐποιήσαντο. Τὰς μὲν οὖν ἢ νεωστὶ γεγενημένας ἢ περὶ μικρῶν ἐλθούσας παραλείψω· πολὺ δὲ πρὸ τῶν Τρωϊκῶν, ἐκεῖθεν γὰρ δίκαιον τὰς πίστεις λαμβάνειν τοὺς ὑπὲρ τῶν πατρίων ἀμφισβητοῦντας, ἦλθον οἵ θ' Ἡρακλέους παῖδες καὶ μικρὸν πρὸ τούτων Ἄδραστος ὁ Ταλαοῦ, βασιλεὺς ὢν Ἄργους, [55] οὗτος μὲν ἐκ τῆς στρατείας τῆς ἐπὶ Θήβας δεδυστυχηκὼς, καὶ τοὺς ὑπὸ τῇ Καδμείᾳ τελευτήσαντας αὐτὸς μὲν οὐ δυνάμενος ἀνελέσθαι, τὴν δὲ πόλιν ἀξιῶν βοηθεῖν ταῖς κοιναῖς τύχαις καὶ μὴ περιορᾶν τοὺς ἐν τοῖς πολέμοις ἀποθνῄσκοντας ἀτάφους γιγνομένους μηδὲ παλαιὸν ἔθος καὶ πάτριον νόμον καταλυόμενον, [56] οἱ δ' Ἡρακλέους παῖδες φεύγοντες τὴν Εὐρυσθέως ἔχθραν, καὶ τὰς μὲν ἄλλας πόλεις ὑπερορῶντες ὡς οὐκ ἂν δυναμένας βοηθῆσαι ταῖς αὑτῶν συμφοραῖς, τὴν δ' ἡμετέραν ἱκανὴν νομίζοντες εἶναι μόνην ἀποδοῦναι χάριν ὑπὲρ ὧν ὁ πατὴρ αὐτῶν ἅπαντας ἀνθρώπους εὐεργέτησεν. [57] Ἐκ δὴ τούτων ῥᾴδιον κατιδεῖν ὅτι καὶ κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον ἡ πόλις ἡμῶν ἡγεμονικῶς εἶχεν· τίς γὰρ ἂν ἱκετεύειν τολμήσειεν ἢ τοὺς ἥττους αὑτῶν ἢ τοὺς ὑφ' ἑτέροις ὄντας, παραλιπὼν τοὺς μείζω δύναμιν ἔχοντας, ἄλλως τε καὶ περὶ πραγμάτων οὐκ ἰδίων, ἀλλὰ κοινῶν καὶ περὶ ὧν οὐδένας ἄλλους εἰκὸς ἦν ἐπιμεληθῆναι πλὴν τοὺς προεστάναι τῶν Ἑλλήνων ἀξιοῦντας; [58] Ἔπειτ' οὐδὲ ψευσθέντες φαίνονται τῶν ἐλπίδων δι' ἃς κατέφυγον ἐπὶ τοὺς προγόνους ἡμῶν. Ἀνελόμενοι γὰρ πόλεμον ὑπὲρ μὲν τῶν τελευτησάντων πρὸς Θηβαίους, ὑπὲρ δὲ τῶν παίδων τῶν Ἡρακλέους πρὸς τὴν Εὐρυσθέως δύναμιν, τοὺς μὲν ἐπιστρατεύσαντες ἠνάγκασαν ἀποδοῦναι θάψαι τοὺς νεκροὺς τοῖς προσήκουσιν, Πελοποννησίων δὲ τοὺς μετ' Εὐρυσθέως εἰς τὴν χώραν ἡμῶν εἰσβαλόντας ἐπεξελθόντες ἐνίκησαν μαχόμενοι κἀκεῖνον τῆς ὕβρεως ἔπαυσαν. [59] Θαυμαζόμενοι δὲ καὶ διὰ τὰς ἄλλας πράξεις ἐκ τούτων τῶν ἔργων ἔτι μᾶλλον εὐδοκίμη σαν. Οὐ γὰρ παρὰ μικρὸν ἐποίησαν, ἀλλὰ τοσοῦτον τὰς τύχας ἑκατέρων μετήλλαξαν ὥσθ' ὁ μὲν ἱκετεύειν ἡμᾶς ἀξιώσας βίᾳ τῶν ἐχθρῶν ἅπανθ' ὅσων ἐδεήθη διαπραξάμενος ἀπῆλθεν, Εὐρυσθεὺς δὲ βιάσεσθαι προσδοκήσας αὐτὸς αἰχμάλωτος γενόμενος ἱκέτης ἠναγκάσθη καταστῆναι, [60] καὶ τῷ μὲν ὑπερενεγκόντι τὴν ἀνθρωπίνην φύσιν, ὃς ἐκ Διὸς μὲν γεγονὼς, ἔτι δὲ θνητὸς ὢν θεοῦ ῥώμην ἔσχεν, τούτῳ μὲν ἐπιτάττων καὶ λυμαινόμενος ἅπαντα τὸν χρόνον διετέλεσεν, ἐπειδὴ δ' εἰς ἡμᾶς ἐξήμαρτεν, εἰς τοσαύτην κατέστη μεταβολὴν ὥστ' ἐπὶ τοῖς παισὶ τοῖς ἐκείνου γενόμενος ἐπονειδίστως τὸν βίον ἐτελεύτησεν.

[61] Πολλῶν δ' ὑπαρχουσῶν ἡμῖν εὐεργεσιῶν εἰς τὴν πόλιν τὴν Λακεδαιμονίων περὶ ταύτης μόνης μοι συμβέβηκεν εἰπεῖν· ἀφορμὴν γὰρ λαβόντες τὴν δι' ἡμῶν αὐτοῖς γενομένην σωτηρίαν οἱ πρόγονοι μὲν τῶν νῦν ἐν Λακεδαίμονι βασιλευόντων, ἔκγονοι δ' Ἡρακλέους, κατῆλθον μὲν εἰς Πελοπόννησον, κατέσχον δ' Ἄργος καὶ Λακεδαίμονα καὶ Μεσσήνην, οἰκισταὶ δὲ Σπάρτης ἐγένοντο, καὶ τῶν παρόντων ἀγαθῶν αὐτοῖς ἁπάντων ἀρχηγοὶ κατέστησαν. [62] Ὧν ἐχρῆν ἐκείνους μεμνημένους μηδέποτ' εἰς τὴν χώραν ταύτην εἰσβαλεῖν, ἐξ ἧς ὁρμηθέντες τοσαύτην εὐδαιμονίαν κατεκτήσαντο, μηδ' εἰς κινδύνους καθιστάναι τὴν πόλιν τὴν ὑπὲρ τῶν παίδων τῶν Ἡρακλέους προκινδυνεύσασαν, μηδὲ τοῖς μὲν ἀπ' ἐκείνου γεγονόσιν διδόναι τὴν βασιλείαν, τὴν δὲ τῷ γένει τῆς σωτηρίας αἰτίαν οὖσαν δουλεύειν αὑτοῖς ἀξιοῦν. [63] Εἰ δὲ δεῖ τὰς χάριτας καὶ τὰς ἐπιεικείας ἀνελόντας ἐπὶ τὴν ὑπόθεσιν πάλιν ἐπανελθεῖν καὶ τὸν ἀκριβέστατον τῶν λόγων εἰπεῖν, οὐ δή που πάτριόν ἐστιν ἡγεῖσθαι τοὺς ἐπήλυδας τῶν αὐτοχθόνων, οὐδὲ τοὺς εὖ παθόντας τῶν εὖ ποιησάντων, οὐδὲ τοὺς ἱκέτας γενομένους τῶν ὑποδεξαμένων.

[64] Ἔτι δὲ συντομώτερον ἔχω δηλῶσαι περὶ αὐτῶν. Τῶν μὲν γὰρ Ἑλληνίδων πόλεων χωρὶς τῆς ἡμετέρας Ἄργος καὶ Θῆβαι καὶ Λακεδαίμων καὶ τότ' ἦσαν μέγισται καὶ νῦν ἔτι διατελοῦσιν. Φαίνονται δ' ἡμῶν οἱ πρόγονοι τοσοῦτον ἁπάντων διενεγκόντες ὥσθ' ὑπὲρ μὲν Ἀργείων δυστυχησάντων Θηβαίοις, ὅτε μέγιστον ἐφρόνησαν, ἐπιτάττοντες, [65] ὑπὲρ δὲ τῶν παίδων τῶν Ἡρακλέους Ἀργείους καὶ τοὺς ἄλλους Πελοποννησίους μάχῃ κρατήσαντες, ἐκ δὲ τῶν πρὸς Εὐρυσθέα κινδύνων τοὺς οἰκιστὰς καὶ τοὺς ἡγεμόνας τοὺς Λακεδαιμονίων διασώσαντες. Ὥστε περὶ μὲν τῆς ἐν τοῖς Ἕλλησι δυναστείας οὐκ οἶδ' ὅπως ἄν τις σαφέστερον ἐπιδεῖξαι δυνηθείη.

[66] Δοκεῖ δέ μοι καὶ περὶ τῶν πρὸς τοὺς βαρβάρους τῇ πόλει πεπραγμένων προσήκειν εἰπεῖν, ἄλλως τ' ἐπειδὴ καὶ τὸν λόγον κατεστησάμην περὶ τῆς ἡγεμονίας τῆς ἐπ' ἐκείνους. Ἅπαντας μὲν οὖν ἐξαριθμῶν τοὺς κινδύνους λίαν ἂν μακρολογοίην· ἐπὶ δὲ τῶν μεγίστων τὸν αὐτὸν τρόπον ὅνπερ ὀλίγῳ πρότερον πειράσομαι καὶ περὶ τούτων διελθεῖν.

[67] Ἔστιν γὰρ ἀρχικώτατα μὲν τῶν γενῶν καὶ μεγίστας δυναστείας ἔχοντα Σκύθαι καὶ Θρᾷκες καὶ Πέρσαι, τυγχά νουσι δ' οὗτοι μὲν ἅπαντες ἡμῖν ἐπιβουλεύσαντες, ἡ δὲ πόλις πρὸς ἅπαντας τούτους διακινδυνεύσασα. Καίτοι τί λοιπὸν ἔσται τοῖς ἀντιλέγουσιν, ἢν ἐπιδειχθῶσι τῶν μὲν Ἑλλήνων οἱ μὴ δυνάμενοι τυγχάνειν τῶν δικαίων ἡμᾶς ἱκετεύειν ἀξιοῦντες, τῶν δὲ βαρβάρων οἱ βουλόμενοι καταδουλώσασθαι τοὺς Ἕλληνας ἐφ' ἡμᾶς πρώτους ἰόντες;

[68] Ἐπιφανέστατος μὲν οὖν τῶν πολέμων ὁ Περσικὸς γέγονεν, οὐ μὴν ἐλάττω τεκμήρια τὰ παλαιὰ τῶν ἔργων ἐστὶν τοῖς περὶ τῶν πατρίων ἀμφισβητοῦσιν. Ἔτι γὰρ ταπεινῆς οὔσης τῆς Ἑλλάδος ἦλθον εἰς τὴν χώραν ἡμῶν Θρᾷκες μὲν μετ' Εὐμόλπου τοῦ Ποσειδῶνος, Σκύθαι δὲ μετ' Ἀμαζόνων τῶν Ἄρεως θυγατέρων, οὐ κατὰ τὸν αὐτὸν χρόνον, ἀλλὰ καθ' ὃν ἑκάτεροι τῆς Εὐρώπης ἐπῆρχον, μισοῦντες μὲν ἅπαν τὸ τῶν Ἑλλήνων γένος, ἰδίᾳ δὲ πρὸς ἡμᾶς ἐγκλήματα ποιησάμενοι, νομίζοντες ἐκ τούτου τοῦ τρόπου πρὸς μίαν μὲν πόλιν κινδυνεύσειν, ἁπασῶν δ' ἅμα κρατήσειν. [69] Οὐ μὴν κατώρθωσαν, ἀλλὰ πρὸς μόνους τοὺς προγόνους τοὺς ἡμετέρους συμβαλόντες ὁμοίως διεφθάρησαν ὥσπερ ἂν εἰ πρὸς ἅπαντας ἀνθρώπους ἐπολέμησαν. Δῆλον δὲ τὸ μέγεθος τῶν κακῶν τῶν γενομένων ἐκείνοις· οὐ γὰρ ἄν ποθ' οἱ λόγοι περὶ αὐτῶν τοσοῦτον χρόνον διέμειναν εἰ μὴ καὶ τὰ πραχθέντα πολὺ τῶν ἄλλων διήνεγκεν. [70] Λέγεται δ' οὖν περὶ μὲν Ἀμαζόνων ὡς τῶν μὲν ἐλθουσῶν οὐδεμία πάλιν ἀπῆλθεν, αἱ δ' ὑπολειφθεῖσαι διὰ τὴν ἐνθάδε συμφορὰν ἐκ τῆς ἀρχῆς ἐξεβλήθησαν, περὶ δὲ Θρᾳκῶν ὅτι τὸν ἄλλον χρόνον ὅμοροι προσοικοῦντες ἡμῖν τοσοῦτον διὰ τὴν τότε στρατείαν διέλιπον ὥστ' ἐν τῷ μεταξὺ τῆς χώρας ἔθνη πολλὰ καὶ γένη παντοδαπὰ καὶ πόλεις μεγάλας κατοικισθῆναι.

[71] Καλὰ μὲν οὖν καὶ ταῦτα καὶ πρέποντα τοῖς περὶ τῆς ἡγεμονίας ἀμφισβητοῦσιν, ἀδελφὰ δὲ τῶν εἰρημένων καὶ τοιαῦθ' οἷά περ εἰκὸς τοὺς ἐκ τοιούτων γεγονότας οἱ πρὸς Δαρεῖον καὶ Ξέρξην πολεμήσαντες ἔπραξαν. Μεγίστου γὰρ πολέμου συστάντος ἐκείνου καὶ πλείστων κινδύνων εἰς τὸν αὐτὸν χρόνον συμπεσόντων, καὶ τῶν μὲν πολεμίων ἀνυποστάτων οἰομένων εἶναι διὰ τὸ πλῆθος, τῶν δὲ συμμάχων ἀνυπέρβλητον ἡγουμένων ἔχειν τὴν ἀρετὴν, [72] ἀμφοτέρων κρατήσαντες ὡς ἑκατέρων προσῆκεν, καὶ πρὸς ἅπαντας τοὺς κινδύνους διενεγκόντες, εὐθὺς μὲν τῶν ἀριστείων ἠξιώθησαν, οὐ πολλῷ δ' ὕστερον τὴν ἀρχὴν τῆς θαλάττης ἔλαβον, δόντων μὲν τῶν ἄλλων Ἑλλήνων, οὐκ ἀμφισβητούντων δὲ τῶν νῦν ἡμᾶς ἀφαιρεῖσθαι ζητούντων.

[73] Καὶ μηδεὶς οἰέσθω μ' ἀγνοεῖν ὅτι καὶ Λακεδαιμόνιοι περὶ τοὺς καιροὺς τούτους πολλῶν ἀγαθῶν αἴτιοι τοῖς Ἕλλησιν κατέστησαν· ἀλλὰ διὰ τοῦτο καὶ μᾶλλον ἐπαινεῖν ἔχω τὴν πόλιν, ὅτι τοιούτων ἀνταγωνιστῶν τυχοῦσα τοσοῦτον αὐτῶν διήνεγκεν. Βούλομαι δ' ὀλίγῳ μακρότερα περὶ τοῖν πολέοιν εἰπεῖν καὶ μὴ ταχὺ λίαν παραδραμεῖν, ἵν' ἀμφοτέρων ἡμῖν ὑπομνήματα γένηται, τῆς τε τῶν προγόνων ἀρετῆς καὶ τῆς πρὸς τοὺς βαρβάρους ἔχθρας. [74] Καίτοι μ' οὐ λέληθεν ὅτι χαλεπόν ἐστιν ὕστατον ἐπελθόντα λέγειν περὶ πραγμάτων πάλαι προκατειλημμένων καὶ περὶ ὧν οἱ μάλιστα δυνηθέντες τῶν πολιτῶν εἰπεῖν ἐπὶ τοῖς δημοσίᾳ θαπτομένοις πολλάκις εἰρήκασιν· ἀνάγκη γὰρ τὰ μὲν μέγιστ' αὐτῶν ἤδη κατακεχρῆσθαι, μικρὰ δ' ἔτι παραλελεῖφθαι. Ὅμως δ' ἐκ τῶν ὑπολοίπων, ἐπειδὴ συμφέρει τοῖς πράγμασιν, οὐκ ὀκνητέον μνησθῆναι περὶ αὐτῶν.

[75] Πλείστων μὲν οὖν ἀγαθῶν αἰτίους καὶ μεγίστων ἐπαίνων ἀξίους ἡγοῦμαι γεγενῆσθαι τοὺς τοῖς σώμασιν ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος προκινδυνεύσαντας· οὐ μὴν οὐδὲ τῶν πρὸ τοῦ πολέμου τούτου γενομένων καὶ δυναστευσάντων ἐν ἑκατέρᾳ τοῖν πολέοιν δίκαιον ἀμνημονεῖν· ἐκεῖνοι γὰρ ἦσαν οἱ προασκήσαντες τοὺς ἐπιγιγνομένους καὶ τὰ πλήθη προτρέψαντες ἐπ' ἀρετὴν καὶ χαλεποὺς ἀνταγωνιστὰς τοῖς βαρβάροις ποιήσαντες. [76] Οὐ γὰρ ὠλιγώρουν τῶν κοινῶν, οὐδ' ἀπέλαυον μὲν ὡς ἰδίων, ἠμέλουν δ' ὡς ἀλλοτρίων, ἀλλ' ἐκήδοντο μὲν ὡς οἰκείων, ἀπείχοντο δ' ὥσπερ χρὴ τῶν μηδὲν προσηκόντων· οὐδὲ πρὸς ἀργύριον τὴν εὐδαιμονίαν ἔκρινον, ἀλλ' οὗτος ἐδόκει πλοῦτον ἀσφαλέστατον κεκτῆσθαι καὶ κάλλιστον, ὅστις τοιαῦτα τυγχάνοι πράττων ἐξ ὧν αὐτός τε μέλλοι μάλιστ' εὐδοκιμήσειν καὶ τοῖς παισὶν μεγίστην δόξαν καταλείψειν. [77] Οὐδὲ τὰς θρασύτητας τὰς ἀλλήλων ἐζήλουν, οὐδὲ τὰς τόλμας τὰς αὑτῶν ἤσκουν, ἀλλὰ δεινότερον μὲν ἐνόμιζον εἶναι κακῶς ὑπὸ τῶν πολιτῶν ἀκούειν ἢ καλῶς ὑπὲρ τῆς πόλεως ἀποθνῄσκειν, μᾶλλον δ' ᾐσχύνοντ' ἐπὶ τοῖς κοινοῖς ἁμαρτήμασιν ἢ νῦν ἐπὶ τοῖς ἰδίοις τοῖς σφετέροις αὐτῶν.

[78] Τούτων δ' ἦν αἴτιον, ὅτι τοὺς νόμους ἐσκόπουν ὅπως ἀκριβῶς καὶ καλῶς ἕξουσιν, οὐχ οὕτω τοὺς περὶ τῶν ἰδίων συμβολαίων ὡς τοὺς περὶ τῶν καθ' ἑκάστην τὴν ἡμέραν ἐπιτηδευμάτων· ἠπίσταντο γὰρ ὅτι τοῖς καλοῖς κἀγαθοῖς τῶν ἀνθρώπων οὐδὲν δεήσει πολλῶν γραμμάτων, ἀλλ' ἀπ' ὀλίγων συνθημάτων ῥᾳδίως καὶ περὶ τῶν ἰδίων καὶ περὶ τῶν κοινῶν ὁμονοήσουσιν. [79] Οὕτω δὲ πολιτικῶς εἶχον ὥστε καὶ τὰς στάσεις ἐποιοῦντο πρὸς ἀλλήλους, οὐχ ὁπότεροι τοὺς ἑτέρους ἀπολέσαντες τῶν λοιπῶν ἄρξουσιν, ἀλλ' ὁπότεροι φθήσονται τὴν πόλιν ἀγαθόν τι ποιήσαντες· καὶ τὰς ἑταιρείας συνῆγον οὐχ ὑπὲρ τῶν ἰδίᾳ συμφ<ε>ρόντων, ἀλλ' ἐπὶ τῇ τοῦ πλήθους ὠφελείᾳ. [80] Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ τὰ τῶν ἄλλων διῴκουν, θεραπεύοντες, ἀλλ' οὐχ ὑβρίζοντες τοὺς Ἕλληνας, καὶ στρατηγεῖν οἰόμενοι δεῖν, ἀλλὰ μὴ τυραννεῖν αὐτῶν, καὶ μᾶλλον ἐπιθυμοῦντες ἡγεμόνες ἢ δεσπόται προσαγορεύεσθαι καὶ σωτῆρες, ἀλλὰ μὴ λυμεῶνες ἀποκαλεῖσθαι, τῷ ποιεῖν εὖ προσαγόμενοι τὰς πόλεις, ἀλλ' οὐ βίᾳ καταστρεφόμενοι, [81] πιστοτέροις μὲν τοῖς λόγοις ἢ νῦν τοῖς ὅρκοις χρώμενοι, ταῖς δὲ συνθήκαις ὥσπερ ἀνάγκαις ἐμμένειν ἀξιοῦντες, οὐχ οὕτως ἐπὶ ταῖς δυναστείαις μέγα φρονοῦντες ὡς ἐπὶ τῷ σωφρόνως ζῆν φιλοτιμούμενοι, τὴν αὐτὴν ἀξιοῦντες γνώμην ἔχειν πρὸς τοὺς ἥττους ἥνπερ τοὺς κρείττους πρὸς σφᾶς αὐτοὺς, ἴδια μὲν ἄστη τὰς αὑτῶν πόλεις ἡγούμενοι, κοινὴν δὲ πατρίδα τὴν Ἑλλάδα νομίζοντες εἶναι.

[82] Τοιαύταις διανοίαις χρώμενοι καὶ τοὺς νεωτέρους ἐν τοῖς τοιούτοις ἤθεσιν παιδεύοντες οὕτως ἄνδρας ἀγαθοὺς ἀπέδειξαν τοὺς πολεμήσαντας πρὸς τοὺς ἐκ τῆς Ἀσίας ὥστε μηδένα πώποτε δυνηθῆναι περὶ αὐτῶν μήτε τῶν ποιητῶν μήτε τῶν σοφιστῶν ἀξίως τῶν ἐκείνοις πεπραγμένων εἰπεῖν. Καὶ πολλὴν αὐτοῖς ἔχω συγγνώμην· ὁμοίως γάρ ἐστιν χαλεπὸν ἐπαινεῖν τοὺς ὑπερβεβληκότας τὰς τῶν ἄλλων ἀρετὰς ὥσπερ τοὺς μηδὲν ἀγαθὸν πεποιηκότας· τοῖς μὲν γὰρ οὐχ ὕπεισι πράξεις, περὶ δὲ τοὺς οὐκ εἰσὶν ἁρμόττοντες λόγοι. [83] Πῶς γὰρ ἂν γένοιντο σύμμετροι τοιούτοις ἀνδράσιν, οἳ τοσοῦτον μὲν τῶν ἐπὶ Τροίαν στρατευσαμένων διήνεγκαν ὅσον οἱ μὲν περὶ μίαν πόλιν στρατεύσαντες ἔτη δέκα διέτριψαν, οἱ δὲ τὴν ἐξ ἁπάσης τῆς Ἀσίας δύναμιν ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ κατεπολέμησαν, οὐ μόνον δὲ τὰς αὑτῶν πατρίδας διέσωσαν, ἀλλὰ καὶ τὴν σύμπασαν Ἑλλάδ' ἠλευθέρωσαν; Ποίων δ' ἂν ἔργων ἢ πόνων ἢ κινδύνων ἀπέστησαν ὥστε ζῶντες εὐδοκιμεῖν, οἵτινες ὑπὲρ τῆς δόξης ἧς ἤμελλον τελευτήσαντες ἕξειν οὕτως ἑτοίμως ἤθελον ἀποθνῄσκειν; [84] Οἶμαι δὲ καὶ τὸν πόλεμον θεῶν τινὰ συναγαγεῖν ἀγασθέντα τὴν ἀρετὴν αὐτῶν, ἵνα μὴ τοιοῦτοι γενόμενοι τὴν φύσιν διαλάθοιεν μηδ' ἀκλεῶς τὸν βίον τελευτήσαιεν, ἀλλὰ τῶν αὐτῶν τοῖς ἐκ τῶν θεῶν γεγονόσιν καὶ καλουμένοις ἡμιθέοις ἀξιωθεῖεν· καὶ γὰρ ἐκείνων τὰ μὲν σώματα ταῖς τῆς φύσεως ἀνάγκαις ἀπέδοσαν, τῆς δ' ἀρετῆς ἀθάνατον τὴν μνήμην ἐποίησαν.

[85] Ἀεὶ μὲν οὖν οἵ θ' ἡμέτεροι πρόγονοι καὶ Λακεδαιμόνιοι φιλοτίμως πρὸς ἀλλήλους εἶχον, οὐ μὴν ἀλλὰ περὶ καλλίστων ἐν ἐκείνοις τοῖς χρόνοις ἐφιλονίκησαν, οὐκ ἐχθροὺς, ἀλλ' ἀνταγωνιστὰς σφᾶς αὐτοὺς εἶναι νομίζοντες, οὐδ' ἐπὶ δουλείᾳ τῇ τῶν Ἑλλήνων τὸν βάρβαρον θεραπεύοντες, ἀλλὰ περὶ μὲν τῆς κοινῆς σωτηρίας ὁμονοοῦντες, ὁπότεροι δὲ ταύτης αἴτιοι γενήσονται, περὶ τούτου ποιούμενοι τὴν ἅμιλλαν. Ἐπεδείξαντο δὲ τὰς αὑτῶν ἀρετὰς πρῶτον μὲν ἐν τοῖς ὑπὸ Δαρείου πεμφθεῖσιν. [86] Ἀποβάντων γὰρ αὐτῶν εἰς τὴν Ἀττικὴν οἱ μὲν οὐ περιέμειναν τοὺς συμμάχους, ἀλλὰ τὸν κοινὸν πόλεμον ἴδιον ποιησάμενοι πρὸς τοὺς ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος καταφρονήσαντας ἀπήντων τὴν οἰκείαν δύναμιν ἔχοντες, ὀλίγοι πρὸς πολλὰς μυριάδας, ὥσπερ ἐν ἀλλοτρίαις ψυχαῖς μέλλοντες κινδυνεύσειν, οἱ δ' οὐκ ἔφθασαν πυθόμενοι τὸν περὶ τὴν Ἀττικὴν πόλεμον καὶ πάντων τῶν ἄλλων ἀμελήσαντες ἧκον ἡμῖν ἀμυνοῦντες, τοσαύτην ποιησάμενοι σπουδὴν ὅσην περ ἂν τῆς αὑτῶν χώρας πορθουμένης. [87] Σημεῖον δὲ τοῦ τάχους καὶ τῆς ἁμίλλης· τοὺς μὲν γὰρ ἡμετέρους προγόνους φασὶν τῆς αὐτῆς ἡμέρας πυθέσθαι τε τὴν ἀπόβασιν τὴν τῶν βαρβάρων καὶ βοηθήσαντας ἐπὶ τοὺς ὅρους τῆς χώρας μάχῃ νικήσαντας τρόπαιον στῆσαι τῶν πολεμίων, τοὺς δ' ἐν τρισὶν ἡμέραις καὶ τοσαύταις νυξὶ διακόσια καὶ χίλια στάδια διελθεῖν στρατοπέδῳ πορευομένους· οὕτω σφόδρ' ἠπείχθησαν οἱ μὲν μετασχεῖν τῶν κινδύνων, οἱ δὲ φθῆναι συμβαλόντες πρὶν ἐλθεῖν τοὺς βοηθήσοντας.

[88] Μετὰ δὲ ταῦτα γενομένης τῆς ὕστερον στρατείας, ἣν αὐτὸς Ξέρξης ἤγαγεν, ἐκλιπὼν μὲν τὰ βασίλεια, στρατηγὸς δὲ καταστῆναι τολμήσας, ἅπαντας δὲ τοὺς ἐκ τῆς Ἀσίας συναγείρας· περὶ οὗ τίς οὐχ ὑπερβολὰς προθυμηθεὶς εἰπεῖν ἐλάττω τῶν ὑπαρχόντων εἴρηκεν; [89] Ὃς εἰς τοσοῦτον ἦλθεν ὑπερηφανίας ὥστε μικρὸν μὲν ἡγησάμενος ἔργον εἶναι τὴν Ἑλλάδα χειρώσασθαι, βουληθεὶς δὲ τοιοῦτον μνημεῖον καταλιπεῖν ὃ μὴ τῆς ἀνθρωπίνης φύσεώς ἐστιν, οὐ πρότερον ἐπαύσατο πρὶν ἐξεῦρε καὶ συνηνάγκασεν ὃ πάντες θρυλοῦσιν, ὥστε τῷ στρατοπέδῳ πλεῦσαι μὲν διὰ τῆς ἠπείρου, πεζεῦσαι δὲ διὰ τῆς θαλάττης, τὸν μὲν Ἑλλήσποντον ζεύξας, τὸν δ' Ἄθω διορύξας. [90] Πρὸς δὴ τὸν οὕτω μέγα φρονήσαντα καὶ τηλικαῦτα διαπραξάμενον καὶ τοσούτων δεσπότην γενόμενον ἀπήντων διελόμενοι τὸν κίνδυνον, Λακεδαιμόνιοι μὲν εἰς Θερμοπύλας πρὸς τὸ πεζὸν, χιλίους αὑτῶν ἐπιλέξαντες καὶ τῶν συμμάχων ὀλίγους παραλαβόντες, ὡς ἐν τοῖς στενοῖς κωλύσοντες αὐτοὺς περαιτέρω προελθεῖν, οἱ δ' ἡμέτεροι πατέρες ἐπ' Ἀρτεμίσιον, ἑξήκοντα τριήρεις πληρώσαντες πρὸς ἅπαν τὸ τῶν πολεμίων ναυτικόν. [91] Ταῦτα δὲ ποιεῖν ἐτόλμων οὐχ οὕτω τῶν πολεμίων καταφρονοῦντες ὡς πρὸς ἀλλήλους ἀγωνιῶντες, Λακεδαιμόνιοι μὲν ζηλοῦντες τὴν πόλιν τῆς Μαραθῶνι μάχης καὶ ζητοῦντες αὑτοὺς ἐξισῶσαι καὶ δεδιότες μὴ δὶς ἐφεξῆς ἡ πόλις ἡμῶν αἰτία γένηται τοῖς Ἕλλησιν τῆς σωτηρίας, οἱ δ' ἡμέτεροι πρόγονοι μάλιστα μὲν βουλόμενοι διαφυλάξαι τὴν παροῦσαν δόξαν καὶ πᾶσι ποιῆσαι φανερὸν ὅτι καὶ τὸ πρότερον δι' ἀρετὴν, ἀλλ' οὐ διὰ τύχην ἐνίκησαν, ἔπειτα καὶ προαγαγέσθαι τοὺς Ἕλληνας ἐπὶ τὸ διαναυμαχεῖν, ἐπιδείξαντες αὐτοῖς ὁμοίως ἐν τοῖς ναυτικοῖς κινδύνοις ὥσπερ ἐν τοῖς πεζοῖς τὴν ἀρετὴν τοῦ πλήθους περιγιγνομένην.

[92] Ἴσας δὲ τὰς τόλμας παρασχόντες οὐχ ὁμοίαις ἐχρήσαντο ταῖς τύχαις, ἀλλ' οἱ μὲν διεφθάρησαν καὶ ταῖς ψυχαῖς νικῶντες τοῖς σώμασιν ἀπεῖπον, οὐ γὰρ δὴ τοῦτό γε θέμις εἰπεῖν ὡς ἡττήθησαν· οὐδεὶς γὰρ αὐτῶν φυγεῖν ἠξίωσεν· οἱ δ' ἡμέτεροι τὰς μὲν πρόπλους ἐνίκησαν, ἐπειδὴ δ' ἤκουσαν τῆς παρόδου τοὺς πολεμίους κρατοῦντας, οἴκαδε καταπλεύσαντες καὶ κατασκευάσαντες τὰ περὶ τὴν πόλιν οὕτως ἐβουλεύσαντο περὶ τῶν λοιπῶν ὥστε πολλῶν καὶ καλῶν αὐτοῖς προειργασμένων ἐν τοῖς τελευταίοις τῶν κινδύνων ἔτι πλέον διήνεγκαν. [93] Ἀθύμως γὰρ ἁπάντων τῶν συμμάχων διακειμένων, καὶ Πελοποννησίων μὲν διατειχιζόντων τὸν Ἰσθμὸν καὶ ζητούντων ἰδίαν αὑτοῖς σωτηρίαν, τῶν δ' ἄλλων πόλεων ὑπὸ τοῖς βαρβάροις γεγενημένων καὶ συστρατευομένων ἐκείνοις πλὴν εἴ τις διὰ μικρότητα παρημελήθη, προσπλεουσῶν δὲ τριήρων διακοσίων καὶ χιλίων καὶ πεζῆς στρατιᾶς ἀναριθμήτου μελλούσης εἰς τὴν Ἀττικὴν εἰσβάλλειν, οὐδεμιᾶς σωτηρίας αὐτοῖς ὑποφαινομένης, ἀλλ' ἔρημοι συμμάχων γεγενημένοι καὶ τῶν ἐλπίδων ἁπασῶν διημαρτηκότες, [94] ἐξὸν αὐτοῖς μὴ μόνον τοὺς παρόντας κινδύνους διαφυγεῖν, ἀλλὰ καὶ τιμὰς ἐξαιρέτους λαβεῖν ἃς αὐτοῖς ἐδίδου βασιλεὺς ἡγούμενος, εἰ τὸ τῆς πόλεως προσλάβοι ναυτικὸν, παραχρῆμα καὶ Πελοποννήσου κρατήσειν, οὐχ ὑπέμειναν τὰς παρ' ἐκείνου δωρεὰς οὐδ', ὀργισθέντες τοῖς Ἕλλησιν ὅτι προυδόθησαν, ἀσμένως ἐπὶ τὰς διαλλαγὰς τὰς πρὸς τοὺς βαρβάρους ὥρμησαν, [95] ἀλλ' αὐτοὶ μὲν ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας πολεμεῖν παρεσκευάζοντο, τοῖς δ' ἄλλοις τὴν δουλείαν αἱρουμένοις συγγνώμην εἶχον. Ἡγοῦντο γὰρ ταῖς μὲν ταπειναῖς τῶν πόλεων προσήκειν ἐκ παντὸς τρόπου ζητεῖν τὴν σωτηρίαν, ταῖς δὲ προεστάναι τῆς Ἑλλάδος ἀξιούσαις οὐχ οἷόν τ' εἶναι διαφεύγειν τοὺς κινδύνους, ἀλλ' ὥσπερ τῶν ἀνδρῶν τοῖς καλοῖς κἀγαθοῖς αἱρετώτερόν ἐστιν καλῶς ἀποθανεῖν ἢ ζῆν αἰσχρῶς, οὕτω καὶ τῶν πόλεων ταῖς ὑπερεχούσαις λυσιτελεῖν ἐξ ἀνθρώπων ἀφανισθῆναι μᾶλλον ἢ δούλαις ὀφθῆναι γενομέναις. [96] Δῆλον δ' ὅτι ταῦτα διενοήθησαν· ἐπειδὴ γὰρ οὐχ οἷοί τ' ἦσαν πρὸς ἀμφοτέρας ἅμα παρατάξασθαι τὰς δυνάμεις, παραλαβόντες ἅπαντα τὸν ὄχλον τὸν ἐκ τῆς πόλεως, εἰς τὴν ἐχομένην νῆσον ἐξέπλευσαν ἵν' ἐν μέρει πρὸς ἑκατέραν κινδυνεύσωσιν.

Καίτοι πῶς ἂν ἐκείνων ἄνδρες ἀμείνους ἢ μᾶλλον φιλέλληνες ὄντες ἐπιδειχθεῖεν οἵτινες ἔτλησαν ἐπιδεῖν, ὥστε μὴ τοῖς λοιποῖς αἴτιοι γενέσθαι τῆς δουλείας, ἐρήμην μὲν τὴν πόλιν γενομένην, τὴν δὲ χώραν πορθουμένην, ἱερὰ δὲ συλώμενα καὶ νεὼς ἐμπιπραμένους, ἅπαντα δὲ τὸν πόλεμον περὶ τὴν πατρίδα τὴν αὑτῶν γιγνόμενον; [97] Καὶ οὐδὲ ταῦτ' ἀπέχρησεν αὐτοῖς, ἀλλὰ πρὸς χιλίας καὶ διακοσίας τριήρεις μόνοι διαναυμαχεῖν ἐμέλλησαν. Οὐ μὴν εἰάθησαν· καταισχυνθέντες γὰρ Πελοποννήσιοι τὴν ἀρετὴν αὐτῶν, καὶ νομίσαντες προδιαφθαρέντων μὲν τῶν ἡμετέρων οὐδ' αὐτοὶ σωθήσεσθαι, κατορθωσάντων δ' εἰς ἀτιμίαν τὰς αὑτῶν πόλεις καταστήσειν, ἠναγκάσθησαν μετασχεῖν τῶν κινδύνων. Καὶ τοὺς μὲν θορύβους τοὺς ἐν τῷ πράγματι γενομένους καὶ τὰς κραυγὰς καὶ τὰς παρακελεύσεις, ἃ κοινὰ πάντων ἐστὶ τῶν ναυμαχούντων, οὐκ οἶδ' ὅ τι δεῖ λέγοντα διατρίβειν· [98] ἃ δ' ἐστὶν ἴδια καὶ τῆς ἡγεμονίας ἄξια καὶ τοῖς προειρημένοις ὁμολογούμενα, ταῦτα δ' ἐμὸν ἔργον ἐστὶν εἰπεῖν. Τοσοῦτον γὰρ ἡ πόλις ἡμῶν διέφερεν, ὅτ' ἦν ἀκέραιος, ὥστ' ἀνάστατος γενομένη πλείους μὲν συνεβάλετο τριήρεις εἰς τὸν κίνδυνον τὸν ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος ἢ σύμπαντες οἱ ναυμαχήσαντες, οὐδεὶς δὲ πρὸς ἡμᾶς οὕτως ἔχει δυσμενῶς ὅστις οὐκ ἂν ὁμολογήσειεν διὰ μὲν τὴν ναυμαχίαν ἡμᾶς τῷ πολέμῳ κρατῆσαι, ταύτης δὲ τὴν πόλιν αἰτίαν γενέσθαι.

[99] Καίτοι μελλούσης στρατείας ἐπὶ τοὺς βαρβάρους ἔσεσθαι τίνας χρὴ τὴν ἡγεμονίαν ἔχειν; Οὐ τοὺς ἐν τῷ προτέρῳ πολέμῳ μάλιστ' εὐδοκιμήσαντας καὶ πολλάκις μὲν ἰδίᾳ προκινδυνεύσαντας, ἐν δὲ τοῖς κοινοῖς τῶν ἀγώνων ἀριστείων ἀξιωθέντας; Οὐ τοὺς τὴν αὑτῶν ἐκλιπόντας ὑπὲρ τῆς τῶν ἄλλων σωτηρίας καὶ τό τε παλαιὸν οἰκιστὰς τῶν πλείστων πόλεων γενομένους καὶ πάλιν αὐτὰς ἐκ τῶν μεγίστων συμφορῶν διασώσαντας; Πῶς δ' οὐκ ἂν δεινὰ πάθοιμεν, εἰ τῶν κακῶν πλεῖστον μέρος μετασχόντες, ἐν ταῖς τιμαῖς ἔλαττον ἔχειν ἀξιωθεῖμεν καὶ τότε προταχθέντες ὑπὲρ ἁπάντων νῦν ἑτέροις ἀκολουθεῖν ἀναγκασθεῖμεν;

EXTRAIT DU DISCOURS PANÉGYRIQUE.

[51] « 14 ....Quant à moi, je prétends que nos ancêtres n'ont pas acquis de moindres titres d'honneur par les dangers qu'ils ont bravés pour la Grèce que par les nombreux bienfaits qu'ils ont répandus sur elle. [52] Les combats qu'ils ont livrés n'ont été ni sans importance, ni rares, ni obscurs; ils ont été multipliés, grands, terribles, soit qu'ils aient eu pour objet la défense de leur « pays ou la liberté des autres peuples; car, dans tous les temps, on les a vus faire de leur patrie la protectrice commune et l'appui des opprimés. [53] C'est donc parce que nous sommes dans l'habitude de protéger les faibles que quelques hommes nous accusent de suivre des conseils peu sages, comme si de tels discours ne conviendraient pas mieux à ceux qui voudraient nous donner des louanges. Mais nous n'avons pas adopté cette politique par ignorance des avantages que l'alliance des plus forts présente sous le rapport de la sécurité : nous l'avons fait en appréciant au contraire mieux que les autres peuples les conséquences qui pouvaient en résulter, et nous avons préféré donner des secours aux plus faibles, contre notre intérêt, plutôt que de nous « unir à l'injustice des plus puissants, à cause de l'utilité que nous en eussions retirée.

[54] « 15. On peut reconnaître et la générosité et la puissance d'Athènes dans les supplications qui nous furent souvent adressées. Je passerai sous silence celles dont la date est récente ou l'objet peu important; mais, longtemps avant la guerre de Troie (car c'est à cette époque que doivent remonter ceux qui veulent établir sur des témoignages certains les droits de leur pays), les enfants d'Hercule, et, peu de temps avant eux, Adraste, fils de Talatis, roi d'Argos, vinrent implorer notre appui. [55] Adraste, trahi par la fortune dans une expédition contre les Thébains, ne pouvant enlever les corps de ses soldats tombés sous les murs de la Cadmée, supplia notre patrie de le secourir dans un malheur qui devait intéresser tous les peuples, la conjurant de ne pas voir avec indifférence les honneurs de la sépulture refusés à des hommes morts en combattant, et l'usage de nos ancêtres, la loi de la patrie, violés à leur égard. [56] D'un autre côté, les enfants d'Hercule, fuyant la haine d'Eurysthée et dédaignant de s'adresser aux autres villes, qu'ils regardaient comme incapables de les secourir dans leur infortune, jugèrent que nous étions les seuls qui pussent leur payer le prix des bienfaits que leur père avait répandus sur la race humaine. [57] En présence de tels faits, il est facile de reconnaître que déjà, à cette époque, notre ville jouissait de la prépondérance entre les villes de la Grèce. Quel est, en effet, celui qui, négligeant de s'adresser aux peuples les plus puissants, voudrait demander l'appui de peuples plus faibles que lui, ou soumis à une domination étrangère, quand surtout il ne s'agit pas d'intérêts particuliers, mais d'intérêts généraux, dont le soin appartient uniquement à ceux qui regardent comme un droit de se placer au premier rang parmi les Grecs? [58] L'histoire, d'ailleurs, nous apprend que ni les uns ni les autres n'ont été trompés dans les espérances qui les avaient jetés dans les bras de nos ancêtres; car ceux-ci ayant entrepris la guerre, d'une part contre les Thébains pour les soldats d'Adraste morts les armes à la main, de l'autre pour les enfants d'Hercule contre le puissant Eurysthée, ils contraignirent les Thébains, en marchant contre leur pays, à remettre les morts à leurs parents, pour leur rendre les devoirs de la sépulture ; et, marchant ensuite contre les Péloponnésiens, qui, sous la conduite d'Eurysthée, avaient envahi l'Attique, ils les vainquirent, et mirent par leur victoire un terme à l'insolence d'Eurysthée. [59] Admirés auparavant pour d'autres faits glorieux, nos ancêtres virent encore leur renommée s'accroître par ces nouveaux exploits. Ils n'avaient pas, en effet, obtenu des résultats de peu d'importance ; ils avaient tellement changé la fortune des uns et des autres, qu'Adraste, qui avait cru devoir implorer notre secours, se retira, après avoir par la force arraché à ses ennemis ce qu'il avait vainement sollicité par ses prières ; et qu'Eurysthée, qui s'était flatté de nous vaincre, tombé en notre pouvoir, fut obligé de se faire notre suppliant. Il avait constamment donné des ordres et imposé les plus pénibles travaux à celui qui, par sa nature, [60] était supérieur à l'humanité, qui était fils de Jupiter, et qui, bien que mortel encore, avait la force d'un dieu ; mais, dès qu'il nous eut bravés, il éprouva un tel retour de fortune, que, réduit à obéir aux enfants de ce héros, il termina sa carrière dans l'humiliation et l'opprobre.

[61] « 16. Nos bienfaits sont nombreux envers Lacédémone, mais celui dont je viens, de parler est le seul dont j'aie voulu rappeler le souvenir, parce que c'est en prenant pour point de départ leur salut, qui fut notre « ouvrage, que les ancêtres des rois qui règnent à Lacédémone, que les descendants d'Hercule sont rentrés dans le Péloponnèse, se sont rendus maîtres d'Argos, de Lacédémone, de Messène, ont fondé la ville de Sparte et sont devenus pour leur pays les auteurs de tous les biens dont il jouit. [62] Certes, ce sont des services dont les Lacédémoniens devaient garder la mémoire, et jamais ils n'auraient dû envahir là terre d'où leurs ancêtres étaient sortis pour parvenir à une si grande prospérité. Ils ne devaient pas mettre en danger de périr la ville qui s'était exposée aux chances de la guerre pour les enfants d'Hercule ; et, lorsqu'ils remettaient le sceptre aux mains de ses descendants, ils ne devaient pas s'efforcer de réduire en esclavage la ville qui avait sauvé sa race. [63] Enfin si, laissant de côté la justice et la reconnaissance, il faut revenir au point d'où nous sommes partis et nous exprimer avec une entière précision, nous dirons qu'il n'existe chez aucun peuple un usage héréditaire qui autorise les étrangers à commander aux hommes du pays ; ceux qui ont reçu des services, a ceux qui les ont rendus ; ceux qui ont imploré des secours, à ceux qui les ont accordés.

[64] « 17. Mais je puis encore présenter ma pensée sous une forme plus concise. De toutes les villes de la Grèce, la nôtre exceptée, les plus puissantes étaient alors et sont encore aujourd'hui Argos, Thèbes et Lacédémone, or, nos ancêtres se montrent, à cette époque, tellement supérieurs à tous les autres peuples, qu'on les voit dicter des lois aux Thébains dont l'orgueil était à son comble, en faveur des Argiens vaincus; vaincre ensuite les Argiens réunis aux autres peuples du Péloponnèse, [65] dans un combat livré pour les enfants d'Hercule ; sauver enfin les fondateurs de Sparte et es chefs de Lacédémone des dangers dont les menaçait Eurysthée. J'ignore comment on pourrait produire un témoignage plus évident de prééminence sur la Grèce.

[66] « 18. Je crois devoir rappeler aussi les hauts faits qui ont illustré Athènes dans nos luttes contre les Barbares, alors surtout qu'il s'agit du droit de marcher contre eux à la tête de la Grèce. Je donnerais trop d'étendue à mon discours, si je voulais énumérer tous les combats que nous avons livrés; j'essayerai seulement de signaler les principaux, en restant fidèle au système que j'ai suivi jusqu'ici.

[67] « Les nations les plus fières, les États les plus puissants, sont les Scythes, les Thraces et les Perses ; tous «nous ont attaqués les premiers, et notre ville a bravé les dangers de la guerre contre eux. Que restera-t-il à nos adversaires, lorsqu'il sera démontré que, parmi les Grecs, ceux qui n'étaient pas assez forts pour obtenir justice eux-mêmes imploraient notre assistance, et que, parmi les Barbares, ceux qui prétendaient asservir la Grèce nous attaquaient avant tous les autres Grecs ?

[68] « 19. La guerre des Perses est la plus célèbre de toutes, et cependant il y a dans les faits anciens des témoignages non moins importants pour ceux qui. revendiquent les droits de leur patrie. La Grèce était encore faible lorsque les Thraces avec Eumolpus, fils de Neptune, les Scythes avec les Amazones, filles de Mars, envahirent notre territoire, non dans le même temps, mais aux époques où chacun de ces peuples prétendit dominer l'Europe. Ils haïssaient la race entière des Grecs, mais c'était particulièrement contre nous que leurs plaintes étaient dirigées ; ils croyaient qu'en s'exposant aux chances de la guerre contre une seule ville, ils vaincraient en elle toutes les autres. [69] Le succès ne répondit point à leur attente ; et, bien qu'ils n'eussent à combattre que nos seuls ancêtres, leur défaite fut aussi entière que s'ils avaient eu à lutter contre tous les peuples de la terre. La grandeur des désastres qu'ils éprouvèrent ne peut être mise en doute ; car, si les événements qui se sont accomplis alors n'avaient pas été beaucoup plus importants que tous les autres, la renommée n'en aurait pas subsisté aussi longtemps. [70] L'histoire, en effet, nous apprend qu'aucune des Amazones venues pour nous attaquer ne retourna dans son pays; que, par suite de cette catastrophe, celles qui y étaient restées furent dépouillées de leur empire ; et, pour ce qui concerne les Thraces, que cette nation dont les frontières touchaient auparavant aux nôtres, a depuis laissé entre elle et nous, une telle, distance, que des peuples nombreux et des races diverses se sont établis et ont fondé des villes considérables dans l'intervalle qui nous sépare.

[71] « 20. Certes, de tels faits sont glorieux ; ils sont dignes d'être invoqués par ceux qui aspirent à l'honneur de commander; ils sont en quelque sorte les frères de ceux que nous avons signalés, et, tels qu'on devait les attendre d'hommes qui ont donné le jour aux vainqueurs des armées de Darius et de Xerxès. Dans cette guerre, la plus grande qui fut jamais et où de nombreux périls nous menaçaient à la fois, nos ennemis étaient convaincus que leur nombre les rendait supérieurs à toute résistance; nos; alliés se croyaient doués d'un courage que personne ne pouvait surpasser; mais nos ancêtres, [72] et il devait en être ainsi, triomphèrent des uns et des autres, en montrant dans tous les combats une telle supériorité, que le prix dé la valeur leur fut à l'instant décerné, et que peu de temps après ils reçurent des autres Grecs l'empire de la mer, que ne leur contestaient pas alors ceux qui s'efforcent aujourd'hui de nous l'enlever.

[73] « 21. Et que personne ne croie que j'ignore les nombreux services rendus aux Grecs, à cette époque, par les Lacédémoniens ; car ces services sont pour moi un motif d'insister avec plus de force sur les louanges que je donne à ma patrie, puisqu'ayant rencontré de tels rivaux, elle a obtenu sur eux de si glorieux avantages. Je veux maintenant parler avec un peu plus d'étendue de ce qui concerne l'une et l'autre ville, et ne pas passer trop rapidement sur cet objet, afin qu'il nous reste un double souvenir et de la vertu de nos ancêtres et de leur haine contre les Barbares. [74] Je ne me suis pas dissimulé combien il était difficile, surtout arrivant le dernier, d'aborder des sujets dont beaucoup d'orateurs se sont emparés depuis longtemps, et que, parmi mes concitoyens, les hommes les plus puissants par la parole ont souvent traités dans les discours prononcés en l'honneur de ceux qui étaient inhumés aux frais de l'État. D'où il suit que, les considérations principales étant épuisées, celles qui me restent sont, pour ainsi dire, secondaires. Quoi qu'il en soit, l'intérêt public l'exige, et je n'hésiterai pas à me servir de ce qui m'a été laissé.

[75] « 22. Je regarde comme les auteurs de la plupart des biens dont nous jouissons, et comme dignes des plus magnifiques éloges, les hommes qui ont exposé leur vie pour la défense de la Grèce; mais il serait injuste de condamner à l'oubli ceux qui antérieurement à cette mémorable guerre ont gouverné les deux villes. Ce sont eux qui formèrent les hommes destinés à leur succéder ; ce sont eux qui ont dirigé l'esprit des peuples vers la vertu et ont préparé aux Barbares de si terribles adversaires. [76] Ces hommes n'abandonnaient point au hasard le soin de la fortune publique, ils ne s'en attribuaient pas la jouissance comme si elle leur eût appartenu, et cependant ils ne la négligeaient pas comme une propriété qui leur fût étrangère; mais ils la soignaient comme on soigne sa propre fortune « et s'abstenaient d'y toucher comme à un bien sur lequel on ne possède aucun droit. Ils ne regardaient pas l'opulence comme la mesure du bonheur, et l'on obtenait à leurs yeux la richesse la plus noble et la plus sûre, lorsqu'on savait acquérir par sa conduite une grande considération et transmettre une illustre renommée pour héritage à ses enfants. [77] On ne les voyait point rivaliser d'impudence et se livrer à des violences réciproques. Une réputation flétrie parmi leurs concitoyens leur paraissait plus redoutable que la mort reçue en combattant noblement pour leur patrie et ils rougissaient davantage d'une faute publique à laquelle ils avaient pris part qu'on n'a honte aujourd'hui d'une faute personnelle.

[78] « Ils obtenaient ce résultat par le soin qu'ils apportaient à faire des lois rédigées avec clarté, des lois empreintes d'une noble pensée, et bien moins destinées à régler les transactions particulières qu'à exercer une salutaire influence sur les mœurs et les intérêts publics. Ils savaient que, pour des hommes loyaux et honnêtes, il n'était pas nécessaire de multiplier les écritures, et qu'à l'aide d'un petit nombre de conventions, ils pouvaient aisément s'entendre sur les intérêts publics comme sur les intérêts privés. [79] Ils étaient animés d'un zèle si sincère pour le bonheur de leur patrie, que, même divisés en factions rivales, ils luttaient, non pour savoir qui s'emparerait de l'autorité après avoir anéanti ses adversaires, mais quels seraient ceux qui les premiers pourraient faire une chose utile à leur pays ; enfin, lorsqu'ils formaient entre eux des associations, ce n'était pas dans un but d'utilité personnelle, mais pour l'avantage de l'État. [80] Ils suivaient le même principe pour les intérêts étrangers, servant les Grecs et ne les insultant jamais, croyant devoir les guider et non les tyranniser, et préférant être appelés leurs chefs plutôt que leurs maîtres, leurs sauveurs plutôt que les dévastateurs de leur pays. Ils attiraient les villes par leurs bienfaits, et ne les contraignaient pas par la violence. [81] Leur parole était plus sûre que les serments ne le sont aujourd'hui, et ils croyaient devoir obéir aux traités qu'ils avaient conclus comme à la nécessité même. Moins orgueilleux de leur grandeur que fiers d'une vie sage et modeste, ils regardaient comme digne, de leur caractère de montrer pour les plus faibles les sentiments qu'ils exigeaient des plus puissants; et, considérant leurs propres cités comme des villes particulières, ils voyaient dans la Grèce,la patrie commune.

[82] « 25. Animés de ces généreux sentiments, c'était dans a ces principes qu'ils élevaient la jeunesse, et c'est ainsi qu'ils ont formé ces hommes courageux qui ont lutté contre toutes les armées, de l'Asie avec une telle valeur que jamais aucun poète, aucun orateur n'a dignement célébré leurs exploits. J'éprouve néanmoins pour ceux qui l'ont tenté un profond sentiment d'indulgence, car il est aussi difficile de louer les hommes qui ont dépassé les limites de la vertu que ceux dont la vie n'offre rien qui soit digne de mémoire. Si les faits manquent pour ceux-ci, il n'existe pas pour les autres d'expressions en harmonie avec leur gloire. [83] Comment d'ailleurs un discours pourrait-il s'élever à la hauteur de ces héros, bien supérieurs à ceux qui ont combattu sous les murs de Troie, puisque ceux-ci ont employé dix années sous les murailles d'une seule ville, tandis que dans un court espace de temps les autres ont vaincu l'Asie entière et ont sauvé non seulement leur patrie, mais rendu la liberté à toute la Grèce? Quels travaux, quelles fatigues, quels dangers n'auraient pas affrontés pour vivre couverts de gloire ceux qui, pour acquérir une célébrité qu'ils ne devaient posséder qu'après avoir quitté la vie, se dévouaient à la mort avec une si noble ardeur ! [84] Quant à moi, je suis convaincu qu'un dieu qui admirait leur vertu a suscité cette guerre pour empêcher que des hommes d'une nature si généreuse, échappant à la renommée, n'accomplissent leur vie sans gloire, et pour qu'ils pussent recueillir les mêmes honneurs que ces héros appelés demi-dieux parce qu'une divinité leur a donné l'existence : car ils ont remis leur corps à la nécessité que la nature impose, et laissé de leur vertu un souvenir « qui ne périra jamais.

[85] « 24. Dans tous les temps, nos ancêtres et les Lacédémoniens ont rivalisé de gloire, mais leur émulation à cette époque se fondait sur les plus nobles motifs. Rivaux, et non ennemis, ils ne flattaient pas le Barbare afin d'asservir les Grecs; ils n'avaient qu'une seule pensée, celle du salut commun, et en devenir les auteurs était l'unique objet de leur ambition. La première circonstance où leur vertu se manifesta, fut l'invasion de l'armée envoyée par Darius. [86] Cette armée était descendue sur les rivages de l'Attique ; les Athéniens, sans attendre leurs alliés, appelant sur eux seuls les dangers de la guerre commune, marchèrent avec les forces de leur pays contre ces masses innombrables qui regardaient avec mépris la Grèce entière, opposant ainsi un petit nombre d'hommes à des myriades de soldats, comme si chacun d'eux eût exposé une autre vie que la sienne. Et, d'un autre côté, les Lacédémoniens n'eurent pas plutôt appris que la guerre avait envahi l'Attique, que, négligeant tout autre soin, ils volèrent à notre secours, transportés de la même ardeur que si leur propre pays eût été ravagé par l'ennemi. [87] C'est ici que l'on peut juger le noble élan et l'ardente émulation des deux peuples. Dans un même jour, selon le témoignage de l'histoire, nos ancêtres furent avertis de la descente des Barbares, se portèrent à la limite du territoire athénien, vainquirent l'ennemi, élevèrent un trophée ; et les Lacédémoniens, qui marchaient en corps d'armée, franchirent en trois jours et trois nuits un intervalle de 1200 stades, tant était grande l'ardeur qui enflammait les deux nations, les Lacédémoniens, pour prendre part au combat, nos ancêtres, afin de livrer bataille avant l'arrivée de ceux qui venaient les secourir.

[88] « 25. Ce fut après ces grands événements qu'eut lieu la seconde invasion. Xerxès la dirigeait en personne; il avait quitté son palais ; il s'était mis audacieusement à la tête de son armée; il avait réuni autour de lui les forces de toute l'Asie. [89] Mais quel orateur n'est pas resté au-dessous de la vérité, en employant les plus pompeuses hyperboles, pour parler de ce roi qui, dans l'excès de son orgueil, regardant comme un faible exploit de subjuguer la Grèce entière, et voulant laisser de sa puissance un monument supérieur à la nature humaine, n'eut pas un instant de repos qu'il n'eût conçu et exécuté ce que la renommée répète dans tout l'univers, qu'il n'eût navigué à travers le continent et marché avec son armée sur la mer, en unissant les deux rives de l'Hellespont et en perçant le mont Athos? [90] C'est donc contre ce roi si orgueilleux, contre ce roi qui avait fait de si grandes choses et qui tenait sous sa domination un si grand nombre de peuples, que nos ancêtres et les Lacédémoniens s'avancèrent en se partageant le péril. Mille Lacédémoniens choisis parmi les plus braves, et un petit nombre d'alliés, coururent aux Thermopyles pour empêcher l'armée ennemie de franchir les défilés; et, de leur côté, nos pères, ayant armé soixante galères, firent voile vers Artémisium, pour s'opposer à toute la flotte des Perses. [91] Voilà ce que les uns et les autres ont osé entreprendre, bien moins par mépris pour leurs ennemis que par l'effet de la noble rivalité dont ils étaient animés. Les Lacédémoniens, jaloux de la gloire de Marathon, et cherchant à nous égaler, craignaient que deux fois notre ville seule ne sauvât la Grèce entière ; nos ancêtres, déterminés avant tout à conserver la gloire qu'ils avaient acquise, et à rendre évident à tous les yeux qu'ils avaient vaincu la première fois par leur courage et non par une faveur de la fortune, voulaient amener les Grecs à tenter les chances d'un combat naval, et leur montrer que, sur mer comme sur terre, la valeur triomphe du « nombre.

[92] « 26. En déployant toutefois le même courage, ils n'obtinrent pas le même succès; les uns succombèrent, ou plutôt, vainqueurs par l'énergie de leurs âmes, ils « sentirent leurs corps défaillir au sein même de la victoire. Dire qu'ils ont été vaincus serait offenser la justice, puisque aucun d'eux n'a pensé à fuir. Et pour ce qui touche à nos ancêtres, déjà ils avaient vaincu l'avant-garde de la flotte ennemie, lorsque, apprenant que les Barbares étaient maîtres du défilé, ils firent immédiatement voile vers leur patrie, et prirent de telles dispositions pour la suite de la guerre que, bien qu'ils se fussent signalés dans les temps antérieurs par un grand nombre de grandes actions, ils ont tout surpassé par leurs derniers exploits. [93] Leurs alliés avaient entièrement perdu courage ; les Péloponnésiens fortifiaient l'Isthme et s'occupaient de pourvoir séparément à leur salut ; les autres peuples s'étaient soumis aux Barbares et marchaient avec eux, à l'exception de ceux que leur faiblesse avait fait négliger ; douze cents bâtiments de guerre faisaient voile vers l'Attique, et une armée innombrable se disposait à envahir le pays. Abandonnés de leurs alliés, trompés dans toutes leurs espérances, aucune chance de salut ne semblait s'offrir à eux, [94] et cependant il était en leur pouvoir, non seulement de se soustraire au danger qui les menaçait, mais de s'assurer les plus magnifiques avantages ; le Roi les leur garantissait, convaincu que, s'il pouvait ajouter notre flotte à ses vaisseaux, il se rendrait à l'instant maître du Péloponnèse ; mais ils rejetèrent ses offres, et l'indignation qu'ils éprouvaient contre les Grecs qui les avaient trahis ne put les porter à accepter avec empressement la paix que leur présentaient les Barbares; [95] ils se préparèrent à combattre seuls pour la cause de la liberté, et pardonnèrent aux autres peuples d'avoir préféré l'esclavage. Ils pensaient que, s'il était permis à de faibles villes de pourvoir à leur salut par des moyens de toute nature, il n'était pas possible à celles qui avaient la noble ambition de se placer à la tête de la Grèce de se dérober aux dangers; et que, semblables à ces hommes généreux qui préfèrent une mort glorieuse à une vie chargée d'opprobre, les villes supérieures par leur puissance devaient consentir à disparaître delà surface de la terre plutôt que de subir le joug de la servitude. [96] Il est certain que telle était leur pensée ; car, ne pouvant à la fois faire face aux deux attaques, ils prirent avec eux le peuple entier, et le transportèrent dans l'île qui touche au rivage de l'Attique, afin de tenter séparément la fortune des combats contre l'une et l'autre armée.

« 27. Comment serait-il possible de présenter à l'admiration universelle des hommes plus généreux, plus amis des Grecs que ceux qui, pour ne pas livrer les autres peuples au joug de la servitude, n'ont pas craint de voir leur ville saccagée et déserte, leur pays dévasté, leurs autels dépouillés, leurs temples incendiés, et tout le poids de la guerre supporté par leur patrie? [97] Et, comme si ce n'était pas assez de tant de sacrifices, ils se disposaient à lutter, seuls, sur la mer contre douze cents vaisseaux ; mais il ne leur fut pas permis de le faire, parce que les Péloponnésiens, honteux à l'aspect de tant de vertu, et comprenant, d'une part, que si nous devions succomber, ils ne pourraient pas se sauver eux-mêmes; de l'autre, que si nous étions vainqueurs, leurs villes seraient déshonorées, se virent obligés de partager nos périls. Que servirait de nous arrêter pour peindre le tumulte de l'action, les cris des soldats et des matelots, les exhortations des chefs ? Ce sont des circonstances qui appartiennent à tous les combats sur mer ; [98] et mon devoir est uniquement d'exposer les faits qui peuvent donner des droits à la suprématie de la Grèce, et qui sont conformes à ceux que j'ai déjà signalés. Notre ville, à l'époque où elle possédait l'intégralité de ses forces, était tellement supérieure à toutes les autres villes, que, même après avoir été détruite de fond en comble, elle engageait plus de vaisseaux dans le combat livré pour le salut des Grecs que tous les peuples, qui, avec elle, ont pris part à cette immortelle journée, et il n'existe pas un homme animé à notre égard de sentiments assez hostiles pour ne pas reconnaître que le combat naval livré alors non seulement a décidé du succès de toute la guerre, mais que c'est à notre ville que l'honneur en appartient.

[99] « 28. En résumé, lorsqu'il s'agit d'une expédition contre les Barbares, à qui doit être réservé l'honneur de la diriger? N'est-ce pas à ceux qui, lors de la première guerre, ont mérité la plus haute renommée ; qui se sont souvent exposés seuls pour la défense de la Grèce, et qui, dans les dangers communs, ont obtenu le prix de la valeur? N'est-ce pas à ceux qui ont abandonné leur patrie pour le salut des autres peuples, et qui, après avoir été jadis les fondateurs de la plupart des villes, les ont ensuite arrachées aux plus grandes calamités? Comment ne subirions-nous pas une cruelle injustice, si, après avoir eu la plus grande part dans les maux de la guerre, nous avions la plus faible dans les honneurs; et si, après avoir, dans l'intérêt de tous, marché alors à la tête des Grecs, nous étions forcés aujourd'hui de suivre ceux auxquels nous avons montré le chemin ? »

 [60] Περὶ μὲν οὖν τῆς ἡγεμονίας, ὡς δικαίως ἂν εἴη τῆς πόλεως, ῥᾴδιον ἐκ τῶν εἰρημένων καταμαθεῖν. Ἐνθυμήθητε δὲ πρὸς ὑμᾶς αὐτούς, εἰ δοκῶ τοῖς λόγοις διαφθείρειν τοὺς νεωτέρους, ἀλλὰ μὴ προτρέπειν ἐπ' ἀρετὴν καὶ τοὺς ὑπὲρ τῆς πόλεως κινδύνους, ἢ δικαίως ἂν δοῦναι δίκην ὑπὲρ τῶν εἰρημένων, ἀλλ' οὐκ ἂν χάριν κομίσασθαι παρ' ὑμῶν τὴν μεγίστην, [61] ὃς οὕτως ἐγκεκωμίακα τὴν πόλιν καὶ τοὺς προγόνους καὶ τοὺς κινδύνους τοὺς ἐν ἐκείνοις τοῖς χρόνοις γεγενημένους, ὥστε τούς τε πρότερον γράψαντας περὶ τὴν ὑπόθεσιν ταύτην ἅπαντας ἠφανικέναι τοὺς λόγους, αἰσχυνομένους ὑπὲρ τῶν εἰρημένων αὑτοῖς, τούς τε νῦν δοκοῦντας εἶναι δεινοὺς μὴ τολμᾶν ἔτι λέγειν περὶ τούτων, ἀλλὰ καταμέμφεσθαι τὴν δύναμιν τὴν σφετέραν αὐτῶν.

[62] Ἀλλ' ὅμως, τούτων οὕτως ἐχόντων, φανήσονταί τινες τῶν εὑρεῖν μὲν οὐδὲν οὐδ' εἰπεῖν ἄξιον λόγου δυναμένων, ἐπιτιμᾶν δὲ καὶ βασκαίνειν τὰ τῶν ἄλλων μεμελετηκότων, οἳ χαριέντως μὲν εἰρῆσθαι ταῦτα φήσουσι ̔τὸ γὰρ εὖ φθονήσουσιν εἰπεῖν̓, πολὺ μέντοι χρησιμωτέρους εἶναι τῶν λόγων καὶ κρείττους τοὺς ἐπιπλήττοντας τοῖς νῦν ἁμαρτανομένοις ἢ τοὺς τὰ πεπραγμένα πρότερον ἐπαινοῦντας, καὶ τοὺς ὑπὲρ ὧν δεῖ πράττειν συμβουλεύοντας ἢ τοὺς τὰ παλαιὰ τῶν ἔργων διεξιόντας.

[63] Ἵν' οὖν μηδὲ ταῦτ' ἔχωσιν εἰπεῖν, ἀφέμενος τοῦ βοηθεῖν τοῖς εἰρημένοις πειράσομαι μέρος ἑτέρου λόγου τοσοῦτον, ὅσον περ ἄρτι, διελθεῖν ὑμῖν, ἐν ᾧ φανήσομαι περὶ τούτων ἁπάντων πολλὴν ἐπιμέλειαν πεποιημένος. Ἔστι δὲ τὰ μὲν ἐν ἀρχῇ λεγόμενα περὶ τῆς εἰρήνης τῆς πρὸς Χίους καὶ Ῥοδίους καὶ Βυζαντίους, [64] ἐπιδείξας δ' ὡς συμφέρει τῇ πόλει διαλύσασθαι τὸν πόλεμον, κατηγορῶ τῆς δυναστείας τῆς ἐν τοῖς Ἕλλησι καὶ τῆς ἀρχῆς τῆς κατὰ θάλατταν, ἀποφαίνων αὐτὴν οὐδὲν διαφέρουσαν οὔτε ταῖς πράξεσιν οὔτε τοῖς πάθεσι τῶν μοναρχιῶν· ἀναμιμνήσκω δὲ καὶ τὰ συμβάντα δι' αὐτὴν τῇ πόλει καὶ Λακεδαιμονίοις καὶ τοῖς ἄλλοις ἅπασι. Διαλεχθεὶς δὲ περὶ τούτων, [65] καὶ τὰς τῆς Ἑλλάδος συμφορὰς ὀδυράμενος, καὶ τῇ πόλει παραινέσας ὡς χρὴ μὴ περιορᾶν αὐτὴν οὕτω πράττουσαν, ἐπὶ τελευτῆς ἐπί τε τὴν δικαιοσύνην παρακαλῶ καὶ τοῖς ἁμαρτανομένοις ἐπιπλήττω καὶ περὶ τῶν μελλόντων συμβουλεύω.

Λαβὼν οὖν ἀρχὴν ταύτην ὅθεν διαλέγομαι περὶ αὐτῶν, ἀνάγνωθι καὶ τοῦτο τὸ μέρος αὐτοῖς.

[60] 22. Ainsi donc, pour ce qui touche à la suprématie de la Grèce, il est facile de reconnaître, dans ce qui précède, qu'elle appartient en toute justice à notre ville. Réfléchissez maintenant, et voyez si nies discours sont de nature à corrompre la jeunesse, ou si, plutôt, ils ne doivent pas la porter à cultiver la vertu et à braver les dangers pour leur pays; voyez si, loin de mériter un châtiment à cause de mes paroles, je n'ai pas droit de votre part à la plus grande reconnaissance, moi qui ai loué votre ville, vos ancêtres et les combats de ces temps glorieux, avec une telle supériorité que tous ceux qui avaient écrit avant moi sur ce sujet, honteux de ce qu'ils avaient produit, ont fait disparaître leurs discours ; et que ceux qui, aujourd'hui, se font remarquer par leur éloquence, n'osant plus aborder ces grandes actions, confessent ainsi l'infériorité de leur talent.

[62] 23. Dans cette situation, cependant, il se présentera quelques-uns de ces hommes qui, ne sachant ni rien penser, ni rien produire qui mérite l'attention, emploient tout leur talent à blâmer et à déprécier les œuvres des autres ; ils diront que sans doute mes discours sont écrits avec élégance, car ils hésiteront toujours à leur accorder un suffrage complet; mais ils ajouteront en même temps que les discours qui blâment les fautes du présent sont plus utiles et meilleurs que ceux qui vantent les actes du passé ; ceux qui donnent des conseils sur ce qu'il convient de faire, plus que ceux qui rappellent les événements des temps anciens.

[63] 24. Afin qu'ils ne puissent pas même se servir de cet argument, j'abandonne la défense de ce que j'ai dit, plus haut, et je vais essayer de vous lire une partie d'un autre discours, de la même étendue que celle qui vous a été récitée, dans laquelle vous pourrez voir que j'ai pris un grand soin de tous les intérêts du pays. Je parle d'abord de la paix avec Chio, Rhodes et Byzance, [64] et, après avoir montré qu'il est utile à la République de mettre un terme à la guerre, j'attaque sa domination sur les Grecs et sa suprématie sur la mer, en montrant que cette suprématie ne diffère en rien des monarchies, ni par les actes, ni par les calamités qu'elle engendre; je rappelle même les malheurs dont elle a été la cause pour nous, pour les Lacédémoniens et pour tous les autres Grecs. Enfin, après avoir établi ces considérations, [65] après avoir déploré les malheurs de la Grèce et après avoir engagé notre patrie à ne pas voir avec indifférence les maux qui accablent le pays, je l'exhorte, en terminant, à suivre le parti de la justice : je blâme dans le passé les fautes qui ont été commises, et je donne des conseils pour l'avenir. — Commencez à l'endroit où je traite ce sujet et lisez toute cette partie.

[1] Ε [66] Ἐκ τοῦ περὶ Εἰρήνης

Ἡγοῦμαι δὲ δεῖν ἡμᾶς οὐ μόνον ψηφισαμένους τὴν εἰρήνην ἐκ τῆς ἐκκλησίας ἀπελθεῖν, ἀλλὰ καὶ βουλευσαμένους ὅπως ἄξομεν αὐτήν, καὶ μὴ ποιήσομεν ὅπερ εἰώθαμεν, ὀλίγον χρόνον διαλιπόντες πάλιν εἰς τὰς αὐτὰς καταστησόμεθα ταραχάς, μηδ' ἀναβολὴν ἀλλ' ἀπαλλαγὴν εὑρήσομέν τινα τῶν κακῶν τῶν παρόντων. [26] Οὐδὲν δὲ τούτων οἷόν τ' ἐστὶ γενέσθαι πρότερον, πρὶν ἂν πεισθῆτε τὴν μὲν ἡσυχίαν ὠφελιμωτέραν καὶ κερδαλεωτέραν εἶναι τῆς πολυπραγμοσύνης, τὴν δὲ δικαιοσύνην τῆς ἀδικίας, τὴν δὲ τῶν ἰδίων ἐπιμέλειαν τῆς τῶν ἀλλοτρίων ἐπιθυμίας. Περὶ ὧν οὐδεὶς πώποτε τῶν ῥητόρων εἰπεῖν ἐν ὑμῖν ἐτόλμησεν· ἐγὼ δὲ περὶ αὐτῶν τούτων τοὺς πλείστους τῶν λόγων μέλλω ποιεῖσθαι πρὸς ὑμᾶς· ὁρῶ γὰρ τὴν εὐδαιμονίαν ἐν τούτοις ἐνοῦσαν, ἀλλ' οὐκ ἐν οἷς νῦν τυγχάνομεν πράττοντες. [27] Ἀνάγκη δὲ τὸν ἔξω τῶν εἰθισμένων ἐπιχειροῦντα δημηγορεῖν καὶ τὰς ὑμετέρας γνώμας μεταστῆσαι βουλόμενον πολλῶν πραγμάτων ἅψασθαι καὶ διὰ μακροτέρων τοὺς λόγους ποιήσασθαι, καὶ τὰ μὲν ἀναμνῆσαι, τῶν δὲ κατηγορῆσαι, τὰ δ' ἐπαινέσαι, περὶ δὲ τῶν συμβουλεῦσαι· μόλις γὰρ ἄν τις ὑμᾶς ἐξ ἁπάντων τούτων ἐπὶ τὸ βέλτιον φρονῆσαι δυνηθείη προαγαγεῖν.

[28] Ἔχει γὰρ οὕτως. Ἐμοὶ δοκοῦσιν ἅπαντες μὲν ἐπιθυμεῖν τοῦ συμφέροντος καὶ τοῦ πλέον ἔχειν τῶν ἄλλων, οὑκ εἰδέναι δὲ τὰς πράξεις τὰς ἐπὶ ταῦτα φερούσας, ἀλλὰ ταῖς δόξαις διαφέρεν ἀλλήλων· οἱ μὲν γὰρ ἔχειν ἐπιεικεῖς καὶ στοχάζεσθαι τοῦ δέοντος δυναμένας, οἱ δ' ὡς οἷόν τε πλεῖστον τοῦ συμφέροντος διαμαρτανούσας. [29] Ὅπερ καὶ τῇ πόλει συμβέβηκεν. Ἡμεῖς γὰρ οἰόμεθα μέν, ἢν τὴν θάλατταν πλέωμεν πολλαῖς τριήρεσι καὶ βιαζώμεθα τὰς πόλεις συντάξεις διδόναι καὶ δεόντων· πλεῖστον διεψεύσμεθα τῆς ἀληθείας. Ὦ μὲν γὰρ ἠλπίζομεν, οὐδὲν ἀποβέβηκεν, ἔχθραι δ' ἡμῖν ἐξ αὐτῶν καὶ πόλεμοι καὶ δαπάναι μεγάλαι γεγόνασιν, [30] εἰκότως· καὶ γὰρ τὸ πρότερον ἐκ μὲν τῆς τοιαύτης πολυπραγμοσύνης εἰς τοὺς ἐσχάτους κινδύνους κατέστημεν, ἐκ δὲ τοῦ δικαίαν τὴν πόλιν παρέχειν καὶ βοηθεῖν τοῖς ἀδικουμένοις καὶ μὴ τῶν ἀλλοτρίων ἐπιθυμεῖν παρ' ἑκόντων τῶν Ἑλλήνων τὴν ἡγεμονίαν ἐλάβομεν· ὧν νῦν ἀλογίστως καὶ λίαν εἰκῇ πολὺν ἤδη χρόνον καταφρονοῦμεν.

[31] Εἰς τοῦτο γάρ τινες ἀνοίας ἐληλύθασιν, ὥσθ' ὑπειλήφασι τὴν ἀδικίαν ἐπονείδιστον μὲν εἶναι, κερδαλέαν δὲ καὶ πρὸς τὸν βίον τὸν καθ' ἡμέραν συμφέρουσαν, τὴν δὲ δικαιοσύνην εὐδόκιμον μέν, ἀλυσιτελῆ δὲ καὶ μᾶλλον δυναμένην τοὺς ἄλλους ὠφελεῖν ἢ τοὺς ἔχοντας αὐτήν, [32] κακῶς εἰδότες ὡς οὔτε πρὸς χρηματισμὸν οὔτε πρὸς δόξαν οὔτε πρὸς ἃ δεῖ πράττειν οὔθ' ὅλως πρὸς εὐδαιμονίαν οὐδὲν ἂν συμβάλοιτο τηλικαύτην δύναμιν ὅσην περ ἀρετὴ καὶ τὰ μέρη ταύτης. Τοῖς γὰρ ἀγαθοῖς οἷς ἔχομεν ἐν τῇ ψυχῇ, τούτοις κτώμεθα καὶ τὰς ἄλλας ὠφελείας, ὧν δεόμενοι τυγχάνομεν· ὥσθ' οἱ τῆς αὑτῶν διανοίας ἀμελοῦντες λελήθασι σφᾶς αὐτοὺς ἅμα τοῦ τε φρονεῖν ἄμεινον καὶ τοῦ πράττειν βέλτιον τῶν ἄλλων ὀλιγωροῦντες. [33] Θαυμάζω δ' εἴ τις οἴεται τοὺς τὴν εὐσέβειαν καὶ τὴν δικαιοσύνην ἀσκοῦντας καρτερεῖν καὶ μένειν ἐν τούτοις ἐλπίζοντας ἔλαττον ἕξειν τῶν πονηρῶν, ἀλλ' οὐχ ἡγουμένους καὶ παρὰ θεοῖς καὶ παρ' ἀνθρώποις πλέον οἴσεσθαι τῶν ἄλλων. Ἐγὼ μὲν γὰρ πέπεισμαι τούτους μόνους ὧν δεῖ πλεονεκτεῖν, τοὺς δ' ἄλλους ὧν οὐ βέλτιόν ἐστιν. [34] Ὁρῶ γὰρ τοὺς μὲν τὴν ἀδικίαν προτιμῶντας καὶ τὸ λαβεῖν τι τῶν ἀλλοτρίων μέγιστον ἀγαθὸν νομίζοντας ὅμοια πάσχοντας τοῖς δελεαζομένοις τῶν ζώων, καὶ κατ' ἀρχὰς μὲν ἀπολαύοντας ὧν ἂν λάβωσιν, ὀλίγῳ δ' ὕστερον ἐν τοῖς μεγίστοις κακοῖς ὄντας, τοὺς δὲ μετ' εὐσεβείας καὶ δικαιοσύνης ζῶντας ἔν τε τοῖς παροῦσι χρόνοις ἀσφαλῶς διάγοντας καὶ περὶ τοῦ σύμπαντος αἰῶνος ἡδίους τὰς ἐλπίδας ἔχοντας. [35] Καὶ ταῦτ' εἰ μὴ κατὰ πάντων οὕτως εἴθισται συμβαίνειν, ἀλλὰ τό γ' ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τοῦτον γίγνεται τὸν τρόπον. Χρὴ δὲ τοὺς εὖ φρονοῦντας, ἐπειδὴ τὸ μέλλον ἀεὶ συνοίσειν οὐ καθορῶμεν, τὸ πολλάκις ὠφελοῦς, τοῦτο φαίνεσθαι προαιρουμένους. Πάντων δ' ἀλογώτατον πεπόνθασιν ὅσοι κάλλιον μὲν ἐπιτήδευμα νομίζουσιν εἶναι καὶ θεοφιλέστερον τὴν δικαιοσύνην τῆς ἀδικίας, χεῖρον δ' οἴονται βιώσεσθαι τοὺς ταύτῃ χρωμένους τῶν τὴν πονηρίαν προῃρημένων.

[36] Ἠβουλόμην δ' ἄν, ὥσπερ πρόχειρόν ἐστιν ἐπαινέσαι τὴν ἀρετήν, οὕτω ῥᾴδιον εἶναι πεῖσαι τοὺς ἀκούοντας ἀσκεῖν αὐτήν· νῦν δὲ δέδοικα μὴ μάτην τὰ τοιαῦτα λέγω. Διεφθάρμεθα γὰρ πολὺν ἤδη χρόνον ὑπ' ἀνθρώπων οὐδὲν ἀλλ' ἢ φενακίζειν δυναμένων, οἳ τοσοῦτον τοῦ πλήθους καταπεφρονήκασιν ὥσθ', ὁπόταν βουληθῶσι πόλεμον πρός τινας ἐξενεγκεῖν, αὐτοὶ χρήματα λαμβάνοντες λέγειν τολμῶσιν ὡς χρὴ τοὺς προγόνους μιμεῖσθαι, καὶ μὴ περιορᾶν ἡμᾶς αὐτοὺς καταγελωμένους μηδὲ τὴν θάλατταν πλέοντας τοὺς μὴ τὰς συντάξεις ἐθέλοντας ἡμῖν ὑποτελεῖν.

[37] Ἡδέως ἂν οὖν αὐτῶν πυθοίμην, τίσιν ἡμᾶς τῶν προγεγενημένων κελεύουσιν ὁμοίους γίγνεσθαι, πότερον τοῖς περὶ τὰ Περσικὰ γενομένοις, ἢ τοῖς πρὸ τοῦ πολέμου τοῦ Δεκελεικοῦ τὴν πόλιν διοικήσασιν; Εἰ μὲν γὰρ τούτοις, οὐδὲν ἀλλ' ἢ συμβουλεύουσιν ἡμῖν πάλιν περὶ ἀνδραποδισμοῦ κινδυνεύειν· [38] εἰ δὲ τοῖς ἐν Μαραθῶνι τοὺς βαρβάρους νικήσασι καὶ τοῖς πρὸ τούτων γενομένοις, πῶς οὐ πάντων ἀναισχυντότατοι τυγχάνουσιν ὄντες, εἰ τοὺς τότε πολιτευομένους ἐπαινοῦντες τἀναντία πράττειν ἐκείνοις πείθουσιν ἡμᾶς, καὶ τοιαῦτ' ἐξαμαρτάνειν περὶ ὧν ἀπορῶ τί ποιήσω, πότερα χρήσωμαι ταῖς ἀληθείαις ὥσπερ περὶ τῶν ἄλλων, ἢ κατασιωπήσω, δείσας τὴν πρὸς ὑμᾶς ἀπέχθειαν; Δοκεῖ μὲν γάρ μοι βέλτιον εἶναι διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν, ὁρῶ δ' ὑμᾶς χαλεπώτερον διατιθεμένους πρὸς τοὺς ἐπιτιμῶντας ἢ πρὸς αἰτίους τῶν κακῶν γεγενημένους.

Οὐ μὴν ἀλλ' αἰσχυνθείην ἄν, [39] εἰ φανείην μᾶλλον φροντίζων τῆς ἐμαυτοῦ δόξης ἢ τῆς κοινῆς σωτηρίας. Ἐμὸν μὲν οὖν ἔργον ἐστί, καὶ τῶν ἄλλων τῶν κηδομένων τῆς πόλεως, προαιρεῖσθαι τῶν λόγων μὴ τοὺς ἡδίστους ἀλλὰ τοὺς ὠφελιμωτάτους· ὑμᾶς δὲ χρὴ πρῶτον μὲν τοῦτο γιγνώσκειν, ὅτι τῶν μὲν περὶ τὸ σῶμα νοσημάτων πολλαὶ θεραπεῖαι καὶ παντοδαπαὶ τοῖς ἰατροῖς εὕρηνται, ταῖς δὲ ψυχαῖς ταῖς ἀγνοούσαις καὶ γεμούσαις πονηρῶν ἐπιθυμιῶν οὐδέν ἐστιν ἄλλο φάρμακον πλὴν λόγος ὁ τολμῶν τοῖς ἁμαρτανομένοις ἐπιπλήττειν, [40] ἔπειθ' ὅτι καταγέλαστόν ἐστι τὰς μὲν καύσεις καὶ τὰς τομὰς τῶν ἰατρῶν ὑπομένειν, ἵνα πλειόνων ἀλγηδόνων ἀπαλλαγῶμεν, τοὺς δὲ λόγους ἀποδοκιμάζειν πρὶν εἰδέναι σαφῶς εἰ τοιαύτην ἔχουσι τὴν δύναμιν ὥστ' ὠφελῆσαι τοὺς ἀκούοντας.

[41] Τούτου δ' ἕνεκα ταῦτα προεῖπον, ὅτι περὶ τῶν λοιπῶν οὐδὲν ὑποστειλάμενος ἀλλὰ παντάπασιν ἀνειμένως μέλλω τοὺς λόγους ποιεῖσθαι πρὸς ὑμᾶς. Τίς γὰρ ἄλλοθεν ἐπελθὼν καὶ μήπω συνδιεφθαρμένος ἡμῖν, ἀλλ' ἐξαίφνης ἐπιστὰς τοῖς γιγνομένοις, οὐκ ἂν μαίνεσθαι καὶ παραφρονεῖν ἡμᾶς νομίσειεν, οἳ φιλοτιμούμεθα μὲν ἐπὶ τοῖς τῶν προγόνων ἔργοις καὶ τὴν πόλιν ἐκ τῶν τότε πραχθέντων ἐγκωμιάζειν ἀξιοῦμεν, οὐδὲν δὲ τῶν αὐτῶν ἐκείνοις πράττομεν, [42] ἀλλὰ πᾶν τοὐναντίον; Οἱ μὲν γὰρ ὑπὲρ τῶν Ἑλλήνων τοῖς βαρβάροις πολεμοῦντες διετέλεσαν, ἡμεῖς δὲ τοὺς ἐκ τῆς Ἀσίας τὸν βίον ποριζομένους ἐκεῖθεν ἀναστήσαντες ἐπὶ τοὺς Ἕλληνας ἠγάγομεν· κἀκεῖνοι μὲν ἐλευθεροῦντες τὰς πόλεις τὰς Ἑλληνίδας καὶ βοηθοῦντες αὐταῖς τῆς ἡγεμονίας ἠξιώθησαν, ἡμεῖς δὲ καταδουλούμενοι καὶ τἀναντία τοῖς τότε πράττοντες ἀγανακτοῦμεν, εἰ μὴ τὴν αὐτὴν τιμὴν ἐκείνοις ἕξομεν, [43] οἳ τοσοῦτον ἀπολελείμμεθα καὶ τοῖς ἔργοις καὶ ταῖς διανοίαις τῶν κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον γενομένων, ὅσον οἱ μὲν ὑπὲρ τῆς τῶν Ἑλλήνων σωτηρίας τήν τε πατρίδα τὴν αὑτῶν ἐκλιπεῖν ἐτόλμησαν, καὶ μαχόμενοι καὶ ναυμαχοῦντες τοὺς βαρβάρους ἐνίκησαν, ἡμεῖς δ' οὐδ' ὑπὲρ τῆς ἡμετέρας αὐτῶν πλεονεξίας κινδυνεύειν ἀξιοῦμεν, ἀλλ' ἄρχειν μὲν ἁπάντων ζητοῦμεν, [44] στρατεύεσθαι δ' οὐκ ἐθέλομεν, καὶ πόλεμον μὲν μικροῦ δεῖν πρὸς ἅπαντας ἀνθρώπους ἀναιρούμεθα, πρὸς δὲ τοῦτον οὐχ ἡμᾶς αὐτοὺς ἀσκοῦμεν, ἀλλ' ἀνθρώπους τοὺς μὲν ἀπόλιδας τοὺς δ' αὐτομόλους τοὺς δ' ἐκ τῶν ἄλλων κακουργιῶν συνερρυηκότας, οἷς ὁπόταν τις διδῷ πλείω μισθόν, μετ' ἐκείνων ἐφ' ἡμᾶς ἀκολουθήσουσιν. [45] Ἀλλ' ὅμως οὕτως αὐτοὺς ἀγαπῶμεν ὥσθ' ὑπὲρ μὲν τῶν παίδων τῶν ἡμετέρων, εἰ περί τινας ἐξαμάρτοιεν, οὐκ ἂν ἐθελήσαιμεν δίκας ὑποσχεῖν, ὑπὲρ δὲ τῆς ἐκείνων ἁρπαγῆς καὶ βίας καὶ παρανομίας μελλόντων τῶν ἐγκλημάτων ἐφ' ἡμᾶς ἥξειν οὐχ ὅπως ἀγανακτοῦμεν, ἀλλὰ καὶ χαίρομεν ὅταν ἀκούσωμεν αὐτοὺς τοιοῦτόν τι διαπεπραγμένους. [46] Εἰς τοῦτο δὲ μωρίας ἐληλύθαμεν, ὥστ' αὐτοὶ μὲν ἐνδεεῖς τῶν καθ' ἡμέραν ἐσμέν, ξενοτροφεῖν δ' ἐπικεχειρήκαμεν, καὶ τοὺς συμμάχους τοὺς ἡμετέρους αὐτῶν ἰδίους λυμαινόμεθα καὶ δασμολογοῦμεν, ἵνα τοῖς ἁπάντων ἀνθρώπων κοινοῖς ἐχθροῖς τὸν μισθὸν ἐκπορίζωμεν. [47] Τοσούτῳ δὲ χείρους ἐσμὲν τῶν προγόνων, οὐ μόνον τῶν εὐδοκιμησάντων ἀλλὰ καὶ τῶν μισηθέντων, ὅσον ἐκεῖνοι μὲν εἰ πολεμεῖν πρός τινας ψηφίσαιντο, μεστῆς οὔσης ἀργυρίου καὶ χρυσίου τῆς ἀκροπόλεως ὅμως ὑπὲρ τῶν δοξάντων τοῖς αὑτῶν σώμασιν ὤοντο δεῖν κινδυνεύειν, ἡμεῖς δ' εἰς τοσαύτην ἀπορίαν ἐληλυθότες καὶ τοσοῦτοι τὸ πλῆθος ὄντες ὥσπερ βασιλεὺς ὁ μέγας μισθωτοῖς χρώμεθα τοῖς στρατοπέδοις. [48] Καὶ τότε μὲν εἰ τριήρεις πληροῖεν, τοὺς μὲν ξένους καὶ τοὺς δούλους ναύτας εἰσεβίβαζον, τοὺς δὲ πολίτας μεθ' ὅπλων ἐξέπεμπον· νῦν δὲ τοῖς μὲν ξένοις ὁπλίταις χρώμεθα, τοὺς δὲ πολίτας ἐλαύνειν ἀναγκάζομεν, ὥσθ' ὁπόταν ἀποβαίνωσιν εἰς τὴν τῶν πολεμίων, οἱ μὲν ἄρχειν τῶν Ἑλλήνων ἀξιοῦντες ὑπηρέσιον ἔχοντες ἐκβαίνουσιν, οἱ δὲ τοιοῦτοι τὰς φύσεις ὄντες οἵους ὀλίγῳ πρότερον διῆλθον, μεθ' ὅπλων κινδυνεύουσιν.

[49] Ἀλλὰ γὰρ τὰ κατὰ τὴν πόλιν ἄν τις ἰδὼν καλῶς διοικούμενα περὶ τῶν ἄλλων θαρρήσειεν, ἀλλ' οὐκ ἂν ἐπ' αὐτοῖς τούτοις μάλιστ' ἀγανακτήσειεν; Οἵτινες αὐτόχθονες μὲν εἶναί φαμεν καὶ τὴν πόλιν ταύτην προτέραν οἰκισθῆναι τῶν ἄλλων, προσῆκον δ' ἡμᾶς ἅπασιν εἶναι παράδειγμα τοῦ καλῶς καὶ τεταγμένως πολιτεύεσθαι, χεῖρον καὶ ταραχωδέστερον τὴν ἡμετέραν αὐτῶν διοικοῦμεν τῶν ἄρτι τὰς πόλεις οἰκιζόντων, [50] καὶ σεμνυνόμεθα μὲν καὶ μέγα φρονοῦμεν ἐπὶ τῷ βέλτιον γεγονέναι τῶν ἄλλων, ῥᾴδιον δὲ μεταδίδομεν τοῖς βουλομένοις ταύτης τῆς εὐγενείας ἢ Τριβαλλοὶ καὶ Λευκανοὶ τῆς δυσγενείας· πλείστους δὲ τιθέμενοι νόμους οὕτως ὀλίγον αὐτῶν φροντίζομεν, ἓν γὰρ ἀκούσαντες γνώσεσθε καὶ περὶ τῶν ἄλλων, ὥστε θανάτου τῆς ζημίας ἐπικειμένης, ἤν τις ἁλῷ δεκάζων, τοὺς τοῦτο φανερώτατα ποιοῦντας στρατηγοὺς χειροτονοῦμεν, καὶ τὸν πλείστους διαφθεῖραι τῶν πολιτῶν δυνηθέντα, τοῦτον ἐπὶ τὰ μέγιστα τῶν πραγμάτων καθίσταμεν· [51] σπουδάζοντες δὲ περὶ τὴν πολιτείαν οὐκ ἧττον ἢ περὶ τὴν σωτηρίαν ὅλης τῆς πόλεως, καὶ τὴν δημοκρατίαν εἰδότες ἐν μὲν ταῖς ἡσυχίαις καὶ ταῖς ἀσφαλείαις αὐξανομένην καὶ διαμένουσαν, ἐν δὲ τοῖς πολέμοις δὶς ἤδη καταλυθεῖσαν, πρὸς μὲν τοὺς τῆς εἰρήνης ἐπιθυμοῦντας ὡς πρὸς ὀλιγαρχικοὺς ὄντας δυσκόλως ἔχομεν, τοὺς δὲ τὸν πόλεμον ποιοῦντας ὡς τῆς δημοκρατίας κηδομένους εὔνους εἶναι νομίζομεν· [52] ἐμπειρότατοι δὲ λόγων καὶ πραγμάτων ὄντες οὕτως ἀλογίστως ἔχομεν, ὥστε περὶ τῶν αὐτῶν τῆς αὐτῆς ἡμέρας οὐ ταὐτὰ γιγνώσκομεν, ἀλλ' ὧν μὲν πρὶν εἰς τὴν ἐκκλησίαν ἀναβῆναι κατηγοροῦμεν, ταῦτα συνελθόντες χειροτονοῦμεν, οὐ πολὺν δὲ χρόνον διαλιπόντες τοῖς ἐνθάδε ψηφισθεῖσιν, ἐπειδὰν ἀπίωμεν, πάλιν ἐπιτιμῶμεν· προσποιούμενοι δὲ σοφώτατοι τῶν Ἑλλήνων εἶναι τοιούτοις χρώμεθα συμβούλοις, ὧν οὐκ ἔστιν ὅστις οὐκ ἂν καταφρονήσειεν, καὶ τοὺς αὐτοὺς τούτους κυρίους ἁπάντων τῶν κοινῶν καθίσταμεν, οἷς οὐδεὶς ἂν οὐδὲν τῶν ἰδίων ἐπιτρέψειεν. [53] Ὃ δὲ πάντων σχετλιώτατον· οὓς γὰρ ὁμολογήσαιμεν ἂν πονηροτάτους εἶναι τῶν πολιτῶν, τούτους πιστοτάτους φύλακας ἡγούμεθα τῆς πολιτείας εἶναι· καὶ τοὺς μὲν μετοίκους τοιούτους εἶναι νομίζομεν, οἵους περ ἂν τοὺς προστάτας νέμωσιν, αὐτοὶ δ' οὐκ οἰόμεθα τὴν αὐτὴν λήψεσθαι δόξαν τοῖς προεστῶσιν ἡμῶν. [54] Τοσοῦτον δὲ διαφέρομεν τῶν προγόνων, ὅσον ἐκεῖνοι μὲν τοὺς αὐτοὺς προστάτας τε τῆς πόλεως ἐποιοῦντο καὶ στρατηγοὺς ᾑροῦντο, νομίζοντες τὸν ἐπὶ τοῦ βήματος τὰ βέλτιστα συμβουλεῦσαι δυνάμενον, τὸν αὐτὸν τοῦτον ἄριστ' ἂν βουλεύσασθαι καὶ καθ' αὑτὸν γενόμενον, ἡμεῖς δὲ τοὐναντίον τούτων ποιοῦμεν· [55] οἷς μὲν γὰρ περὶ τῶν μεγίστων συμβούλοις χρώμεθα, τούτους μὲν οὐκ ἀξιοῦμεν στρατηγοὺς χειροτονεῖν ὡς νοῦν οὐκ ἔχοντας, οἷς δ' οὐδεὶς ἂν οὔτε περὶ τῶν ἰδίων οὔτε περὶ τῶν κοινῶν συμβουλεύσαιτο, τούτους δ' αὐτοκράτορας ἐκπέμπομεν ὡς ἐκεῖ σοφωτέρους ἐσομένους καὶ ῥᾷον βουλευσομένους περὶ τῶν Ἑλληνικῶν πραγμάτων ἢ περὶ τῶν ἐνθάδε προτιθεμένων. [56] Λέγω δὲ ταῦτ' οὐ κατὰ πάντων, ἀλλὰ κατὰ τῶν ἐνόχων τοῖς λεγομένοις ὄντων. Ἐπιλίποι δ' ἄν με τὸ λοιπὸν μέρος τῆς ἡμέρας, εἰ πάσας τὰς πλημμελείας τὰς ἐν τοῖς πράγμασιν ἐγγεγενημένας ἐξετάζειν ἐπιχειροίην.

[132] Τίς οὖν ἀπαλλαγὴ γενήσεται τῆς ταραχῆς ταύτης, καὶ πῶς ἂν ἐπανορθωσαίσθαι τὰ τῆς πόλεως πράγματα καὶ βελτίω ποιήσαμεν ; Πρῶτον μὲν ἢν

παυσώμεθα δημοτικοὺς μὲν εἶναι νομίζοντες τοὺς συκοφάντας, ὀλιγαρχικοὺς δὲ τοὺς καλοὺς κἀγαθοὺς τῶν ἀνδρῶν, γνόντες ὅτι φύσει μὲν οὐδεὶς οὐδέτερον τούτων ἐστίν, ἐν ᾗ δ' ἂν ἕκαστοι τιμῶνται, ταύτην βούλονται καθεστάναι τὴν πολιτείαν·

[134] δεύτερον δ' ἢν ἐθελήσωμεν χρῆσθαι τοῖς συμμάχοις ὁμοίως ὥσπερ τοῖς φίλοις, καὶ μὴ λόγῳ μὲν αὐτονόμους ἀφιῶμεν, ἔργῳ δὲ τοῖς στρατηγοῖς αὐτοὺς ὅ τι ἂν βούλωνται ποιεῖν ἐκδιδῶμεν, μηδὲ δεσποτικῶς ἀλλὰ συμμαχικῶς αὐτῶν ἐπιστατῶμεν, ἐκεῖνο καταμαθόντες, ὅτι μιᾶς μὲν ἑκάστης τῶν πόλεων κρείττους ἐσμέν, [135] ἁπασῶν δ' ἥττους·

τρίτον ἢν μηδὲν περὶ πλείονος ἡγῆσθε, μετά γε τὴν περὶ τοὺς θεοὺς εὐσέβειαν, τοῦ παρὰ τοῖς Ἕλλησιν εὐδοκιμεῖν· τοῖς γὰρ οὕτω διακειμένοις ἑκόντες καὶ τὰς δυναστείας καὶ τὰς ἡγεμονίας διδόασιν.

[136] Ἢν οὖν ἐμμείνητε τοῖς εἰρημένοις, καὶ πρὸς τούτοις ὑμᾶς αὐτοὺς παράσχητε πολεμικοὺς μὲν ὄντας ταῖς μελέταις καὶ ταῖς παρασκευαῖς, εἰρηνικοὺς δὲ τῷ μηδὲν παρὰ τὸ δίκαιον πράττειν, οὐ μόνον εὐδαίμονα ποιήσετε ταύτην τὴν πόλιν, ἀλλὰ καὶ τοὺς Ἕλληνας ἅπαντας. [137] Οὐδὲ γὰρ ἄλλη τῶν πόλεων οὐδεμία τολμήσει περὶ αὐτοὺς ἐξαμαρτάνειν, ἀλλ' ὀκνήσουσι καὶ πολλὴν ἡσυχίαν ἄξουσιν, ὅταν ἴδωσιν ἐφεδρεύουσαν τὴν δύναμιν τὴν ἡμετέραν καὶ παρεσκευασμένην τοῖς ἀδικουμένοις βοηθεῖν. Οὐ μὴν ἀλλ' ὁπότερον ἂν ποιήσωσι, τό γ' ἡμέτερον καλῶς ἕξει καὶ συμφερόντως. [138] Ἤν τε γὰρ δόξῃ τῶν πόλεων ταῖς προεχούσαις ἀπέχεσθαι τῶν ἀδικημάτων, ἡμεῖς τούτων τῶν ἀγαθῶν τὴν αἰτίαν ἕξομεν· ἤν τ' ἐπιχειρῶσιν ἀδικεῖν, ἐφ' ἡμᾶς ἅπαντες οἱ δεδιότες καὶ κακῶς πάσχοντες καταφεύξονται, πολλὰς ἱκετείας καὶ δεήσεις ποιούμενοι, καὶ διδόντες οὐ μόνον τὴν ἡγεμονίαν ἀλλὰ καὶ σφᾶς αὐτούς. [139] Ὥστ' οὐκ ἀπορήσομεν μεθ' ὧν κωλύσομεν τοὺς ἐξαμαρτάνοντας, ἀλλὰ πολλοὺς ἕξομεν τοὺς ἑτοίμως καὶ προθύμως συναγωνιζομένους ἡμῖν. Ποία γὰρ πόλις ἢ τίς ἀνθρώπων οὐκ ἐπιθυμήσει μετασχεῖν τῆς φιλίας καὶ τῆς συμμαχίας τῆς ἡμετέρας, ὅταν ὁρῶσι τοὺς αὐτούς, ἀμφότερα, καὶ δικαιοτάτους ὄντας καὶ μεγίστην δύναμιν κεκτημένους, καὶ τοὺς μὲν ἄλλους σώζειν καὶ βουλομένους καὶ δυναμένους, αὐτοὺς δὲ μηδεμιᾶς βοηθείας δεομένους; [140] Πόσην δὲ χρὴ προσδοκᾶν ἐπίδοσιν τὰ τῆς πόλεως λήψεσθαι, τοιαύτης εὐνοίας ἡμῖν παρὰ τῶν ἄλλων ὑπαρξάσης; Πόσον δὲ πλοῦτον εἰς τὴν πόλιν εἰσρυήσεσθαι, δι' ἡμῶν ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος σωζομένης; Τίνας δ' οὐκ ἐπαινέσεσθαι τοὺς τοσούτων καὶ τηλικούτων ἀγαθῶν αἰτίους γεγενημένους; [141] Ἀλλὰ γὰρ οὐ δύναμαι διὰ τὴν ἡλικίαν ἅπαντα τῷ λόγῳ περιλαβεῖν, ἃ τυγχάνω τῇ διανοίᾳ καθορῶν, πλὴν ὅτι καλόν ἐστιν ἐν ταῖς τῶν ἄλλων ἀδικίαις καὶ μανίαις πρώτους εὖ φρονήσαντας προστῆναι τῆς τῶν Ἑλλήνων ἐλευθερίας, καὶ σωτῆρας ἀλλὰ μὴ λυμεῶνας αὐτῶν κληθῆναι, καὶ περιβλέπτους ἐπ' ἀρετῇ γενομένους τὴν δόξαν τὴν τῶν προγόνων ἀναλαβεῖν.

[142] Κεφάλαιον δὲ τούτων ἐκεῖν' ἔχω λέγειν, εἰς ὃ πάντα τὰ προειρημένα συντείνει καὶ πρὸς ὃ χρὴ βλέποντας τὰς πράξεις τὰς τῆς πόλεως δοκιμάζειν. Δεῖ γὰρ ἡμᾶς, εἴπερ βουλόμεθα διαλύσασθαι μὲν τὰς διαβολὰς ἃς ἔχομεν ἐν τῷ παρόντι, παύσασθαι δὲ τῶν πολέμων τῶν μάτην γιγνομένων, κτήσασθαι δὲ τῇ πόλει τὴν ἡγεμονίαν εἰς τὸν ἅπαντα χρόνον, μισῆσαι μὲν ἁπάσας τὰς τυραννικὰς ἀρχὰς καὶ τὰς δυναστείας, ἀναλογισαμένους τὰς συμφορὰς τὰς ἐξ αὐτῶν γεγενημένας, ζηλῶσαι δὲ καὶ μιμήσασθαι τὰς ἐν Λακεδαίμονι βασιλείας. [143] Ἐκείνοις γὰρ ἀδικεῖν μὲν ἧττον ἔξεστιν ἢ τοῖς ἰδιώταις, τοσούτῳ δὲ μακαριστότεροι τυγχάνουσιν ὄντες τῶν βία τὰς τυραννίδας κατεχόντων, ὅσον οἱ μὲν τοὺς τοιούτους ἀποκτείναντες τὰς μεγίστας δωρεὰς παρὰ τῶν συμπολιτευομένων λαμβάνουσιν, ὑπὲρ ἐκείνων δ' οἱ μὴ τολμῶντες ἐν ταῖς μάχαις ἀποθνήσκειν ἀτιμότεροι γίγνονται τῶν τὰς τάξεις λειπόντων καὶ τὰς ἀσπίδας ἀποβαλλόντων. [144] Ἄξιον οὖν ὀρέγεσθαι τῆς τοιαύτης ἡγεμονίας. Ἔνεστι δὲ τοῖς πράγμασιν ἡμῶν τυχεῖν παρὰ τῶν Ἑλλήνων τῆς τιμῆς ταύτης, ἥνπερ ἐκεῖνοι παρὰ τῶν πολιτῶν ἔχουσιν, ἢν ὑπολάβωσι τὴν δύναμιν τὴν ἡμετέραν μὴ δουλείας ἀλλὰ σωτηρίας αἰτίαν αὑτοῖς ἔσεσθαι.

[145] Πολλῶν δὲ καὶ καλῶν λόγων ἐνόντων περὶ τὴν ὑπόθεσιν ταύτην, ἐμοὶ μὲν ἀμφότερα συμβουλεύει παύσασθαι λέγοντι, καὶ τὸ μῆκος τοῦ λόγου καὶ τὸ πλῆθος τῶν ἐτῶν τῶν ἐμῶν· τοῖς δὲ νεωτέροις καὶ μᾶλλον ἀκμάζουσιν ἢ ἐγὼ παραινῶ καὶ παρακελεύομαι τοιαῦτα καὶ λέγειν καὶ γράφειν, ἐξ ὧν τὰς μεγίστας τῶν πόλεων καὶ τὰς εἰθισμένας ταῖς ἄλλαις κακὰ παρέχειν προτρέψουσιν ἐπ' ἀρετὴν καὶ δικαιοσύνην, ὡς ἐν ταῖς τῆς Ἑλλάδος εὐπραγίαις συμβαίνει καὶ τὰ τῶν φιλοσόφων πράγματα πολλῷ βελτίω γίγνεσθαι.

CITATION DU DISCOURS SUR LA PAIX.

[25] 10. Pour ce qui touche aux propositions apportées par les ambassadeurs, ce qui précède suffit, et pourtant il serait possible d'ajouter encore beaucoup de choses. Je crois que nous ne devons nous séparer qu'après avoir non seulement décrété la paix, mais délibéré sur les moyens de la rendre durable, afin de ne pas, selon notre coutume, après quelque temps écoulé, replonger notre pays dans les mêmes embarras, et qu'ainsi nous arriverons, non à un simple ajournement, mais à la délivrance des maux que nous souffrons. [26] Aucun de ces avantages ne peut se réaliser, si vous n'êtes pas convaincus que le repos est plus profitable et plus utile que l'agitation inquiète, l'équité plus que l'injustice, le soin de vos intérêts plus que le désir d'usurper des possessions étrangères. Mais ce sont là des vérités dont jamais aucun de vos orateurs n'a osé vous entretenir; et moi, je prétends leur consacrer la plus grande partie de mes discours, car j'aperçois dans ces vérités le gage d'une félicité que nous ne pouvons obtenir avec le système que nous suivons aujourd'hui. [27] Il est indispensable toutefois pour l'orateur qui entreprend de sortir du cercle des discussions ordinaires, et qui veut vous faire adopter des opinions nouvelles, d'aborder un grand nombre de questions, de donner un plus grand développement à ses paroles, de réveiller vos souvenirs, de blâmer certaines choses, d'en louer d'autres, d'offrir des conseils sur quelques-unes, et encore c'est à peine s'il parviendra, à l'aide de toutes ces ressources, à vous inspirer des pensées plus sages.

[28] 11. Telle est la vérité. Tous les hommes me paraissent désirer ce qui leur est utile, et vouloir s'assurer des avantages qui les élèvent au-dessus de leurs semblables ; mais tous ne connaissent pas les moyens d'y parvenir et diffèrent dans leurs opinions: les uns possèdent un jugement sain, capable d'apprécier ce qu'il faut faire; les autres manquent autant qu'il est possible le but qu'il faut atteindre. [29] C'est ce qui est arrivé à notre patrie. Nous nous sommes persuadés qu'en couvrant la mer de nos vaisseaux, en contraignant par la violence les villes à nous payer des tributs, à envoyer vers nous des hommes qui les représentent, nous faisions un calcul habile, et nous nous sommes gravement trompés ! Nous n'avons vu se réaliser aucune de nos espérances ; des haines, des guerres, des dépenses énormes, ont été pour nous les seuls fruits de cette politique, [30] et c'est avec raison, car, dès les premiers moments, l'ardeur qui nous portait à nous jeter au milieu des embarras et des affaires nous avait précipités dans les derniers dangers ; mais lorsque ensuite notre ville s'est montrée fidèle observatrice de la justice, et prête à secourir les opprimés, lorsqu'elle s'est abstenue de convoiter les possessions étrangères, les Grecs nous ont offert spontanément le droit décommander, ces mêmes Grecs, que maintenant et déjà depuis longtemps, sans raison comme sans prudence, nous accablons de nos mépris.

[31] 12. Quelques hommes eu sont venus à un tel point de démence que, tout en reconnaissant que l'injustice est blâmable, ils pensent qu'elle peut être utile aux intérêts journaliers de la vie et donner d'heureux résultats, tandis que, considérant la justice comme honorable en elle-même, ils la regardent comme privée de toute utilité et pouvant plutôt servir les autres que ceux qui la possèdent; [32] ignorant apparemment que, pour accroître sa fortune, pour acquérir de la gloire, pour réussir dans ses entreprises, pour s'assurer, en un mot, le bonheur sur la terre, rien ne donne autant de force que la vertu et tout ce qui s'y rapporte. C'est par les qualités de notre âme que nous obtenons les biens dont nous sentons le besoin, d'où il résulte que ceux qui négligent le soin de leur intelligence ne s'aperçoivent pas qu'ils laissent échapper eux-mêmes le véritable moyen de penser et d'agir plus sagement que les autres. [33] Je m'étonne que l'on puisse croire que ceux qui pratiquent la piété et la justice s'y attachent et y persévèrent avec la pensée de recueillir des résultats moins utiles que les méchants, et non avec la confiance d'obtenir des avantages plus grands de la part des dieux et des hommes. Pour moi, je suis convaincu que les premiers sont les seuls qui obtiennent les biens vraiment désirables, et que les autres réussissent dans les choses où le succès ne mérite pas d'être ambitionné. [34] Je vois d'ailleurs que ceux qui préfèrent l'injustice et qui regardent comme le plus grand des biens de s'emparer de ce qui appartient aux autres, sont comme les animaux que leur voracité a attirés dans un piège : ils commencent par jouir de la chose dont ils se sont rendus les maîtres, et bientôt après ils tombent dans l'excès du malheur; tandis que les hommes qui restent fidèles à la piété et à la justice vivent dans le présent avec sécurité, et se livrent, pour l'éternité tout entière, à de plus douces espérances. [35] Si les choses ne se produisent pas toujours ainsi, du moins la plupart du temps elles arrivent de cette manière, et comme il ne nous est pas donné de reconnaître toujours ce qui doit nous être le plus utile, la prudence veut que les hommes sages choisissent ce qui réussit le plus souvent. Rien donc ne me paraît plus opposé à la raison que l'opinion de ceux qui, regardant l'équité comme une règle de conduite plus noble que l'injustice et plus agréable aux dieux, croient cependant ceux qui lui restent fidèles moins heureux que ceux qui préfèrent l'iniquité.

[36] 13. Je voudrais qu'il fût également facile de louer la vertu et d'en faire observer les préceptes à ceux qui m'écoutent; mais je crains de parler en vain. Nous sommes, et depuis longtemps, corrompus par des hommes qui ne possèdent de puissance que pour tromper, et qui méprisent le peuple à tel point que lorsque, gagnés à prix d'argent, ils veulent allumer quelque guerre, ils osent lui dire qu'il faut imiter nos ancêtres, ne pas permettre qu'on se joue de notre puissance, et ne pas souffrir que la mer reste ouverte aux peuples qui refusent de nous payer des tributs.

[37] 14. Je demanderais volontiers à ces hommes quels sont, parmi nos ancêtres, ceux qu'ils nous conseillent d'imiter, et s'ils nous offrent pour modèles ceux qui vivaient à l'époque des guerres persiques, ou ceux qui gouvernaient l'État dans les temps qui ont précédé la guerre de Décélie. Si ce sont les derniers, de tels conseils ne nous conduiraient à rien moins qu'à nous exposer de nouveau au danger d'être réduits en esclavage, [38] et s'ils nous offrent, au contraire, pour exemple les vainqueurs de Marathon ou la génération qui les a précédés, comment ne seraient-ils pas les plus impudents des hommes, puisqu'en même temps qu'ils loueraient ceux qui nous gouvernaient alors, ils nous conseilleraient d'adopter une conduite entièrement opposée à celle qu'ils ont suivie, et à commettre des fautes telles que je suis incertain sur le parti que je dois prendre, ou de dire la vérité comme je l'ai fait pour tout le reste, ou de garder le silence dans la crainte de m'attirer votre haine ? Quoi qu'il en soit, il me semble préférable de parler, encore que je ne puisse pas ignorer que vous êtes plus disposés à vous irriter contre ceux qui vous reprochent vos fautes que contre les auteurs de vos maux.

15. Je rougirais [39] de paraître plus occupé de ma renommée que du salut de mon pays ; c'est donc un devoir pour moi, comme pour tous les hommes qui prennent soin des intérêts publics, de préférer aux discours les plus agréables ceux qui ont le plus d'utilité. Vous devez savoir d'abord que, s'il existe pour les maladies du corps des moyens de guérison divers et multipliés, dont les médecins ont découvert le secret, il n'existe, pour les esprits malades, pour les âmes remplies de funestes désirs, d'autre remède qu'une parole qui ose les réprimander; [40] et que, si l'ordre des médecins suffit pour nous faire supporter, afin d'éviter de plus grands maux, des opérations qui s'accomplissent par le feu et par le fer, rien ne serait plus contraire à la raison que de rejeter un discours avant de s'être assuré s'il n'aura pas la puissance d'être utile à ceux qui l'entendront.

[41] 16. Je vous ai présenté ces réflexions préliminaires parce que je dois vous entretenir avec un entier abandon, cl sans rien dissimuler, sur les objets qui me restent à traiter. Quel homme arrivant d'un pays étranger, n'ayant pas encore participé à notre corruption et se trouvant tout à coup placé au milieu de nos désordres, ne nous croirait tombés dans une sorte de fureur et de délire, nous qui nous enorgueillissons des œuvres de nos ancêtres, nous qui vantons notre patrie pour les grandes choses accomplies de leur temps, et qui, loin de les imiter, [42] marchons dans une voie absolument contraire ? Nos ancêtres faisaient aux Barbares une guerre incessante dans l'intérêt de la Grèce, tandis que nous avons appelé, pour les conduire contre les Grecs, les malfaiteurs qui vivaient aux dépens de l'Asie ; nos ancêtres, en donnant la liberté aux villes grecques, en les secourant dans leurs dangers, ont mérité d'être placés à leur tête; et nous, qui réduisons les villes en esclavage, nous qui faisons des actes contraires à ceux dont ils se glorifiaient, nous nous indignons de ne pas obtenir le même honneur ! [43] Nous sommes si loin des hommes de cette époque, par nos actions comme par nos sentiments, que, lorsqu'ils n'ont pas craint d'abandonner leur patrie pour le salut de la Grèce, qu'ils ont combattu les Barbares sur terre et sur mer, qu'ils les ont vaincus partout, nous ne voulons pas même exposer notre vie dans l'intérêt de notre ambition. Nous prétendons commander à tous les peuples, [44] et nous ne voulons pas prendre les armes ; nous entreprenons la guerre pour ainsi dire contre tous les peuples, et, au lieu de nous livrer aux exercices militaires, qui pourraient nous rendre capables de la soutenir, nous remplissons nos armées de transfuges, d'hommes sans patrie, de brigands qui affluent vers notre ville et qui marcheront contre nous avec celui qui leur offrira une solde meilleure. [45] Nous éprouvons pour ces misérables une telle sympathie que, si nos enfants avaient commis quelques fautes, nous refuserions d'en accepter la responsabilité, tandis que lorsqu'il s'agit des brigandages, des violences, des excès auxquels ces hommes se livrent, et dont le blâme retombe sur nous, loin de nous irriter, nous nous réjouissons d'entendre dire qu'ils ont commis quelque crime de cette nature. [46] Nous en sommes arrivés à un tel point de folie que, manquant nous-mêmes du nécessaire de chaque jour, nous faisons les derniers efforts pour entretenir des mercenaires, et nous opprimons nos alliés, nous les chargeons de tributs pour assurer le salaire de ces communs ennemis de tous les hommes. [47] Nous sommes tellement inférieurs à nos ancêtres, non seulement à ceux qui se sont couverts de gloire, mais à ceux qui ont encouru la haine des Grecs, que, lorsqu'ils avaient décrété d'entreprendre quelque guerre, ils regardaient comme un devoir, bien que l'acropole regorgeât d'argent et d'or, de s'exposer au danger pour assurer le succès de leur résolution; tandis que maintenant, dans l'état de pauvreté où nous sommes réduits, et lorsque nous possédons une population si nombreuse, on nous voit, à l'exemple du Grand Roi, recruter nos armées avec des soldats mercenaires. [48] Lorsqu'ils armaient des galères, ils embarquaient, pour le service maritime, les étrangers et les esclaves, et envoyaient les citoyens armés combattre l'ennemi; tandis qu'aujourd'hui, couvrant les soldats étrangers de nos armures, nous forçons les citoyens à ramer sur les galères; et lorsque nous descendons sur le territoire ennemi, ces hommes, qui prétendent commander à. la Grèce, se montrent sur le rivage emportant sous leur bras le coussin du rameur, pendant que les misérables dont je viens de présenter le tableau s'avancent au combat les armes à la main.

[49] 17. Si cependant on nous voyait administrer avec sagesse le gouvernement intérieur de notre ville, on pourrait peut-être s'abandonner à la confiance pour le reste de nos intérêts; mais n'est-ce pas sous ce rapport que l'on doit avant tout s'indigner? Nous nous enorgueillissons d'être nés sur la terre que nous habitons ; nous prétendons que notre ville a été bâtie avant toutes les autres, et, lorsque nous devrions offrir à tous les peuples le modèle d'un gouvernement sage et régulier, nous administrons notre ville avec plus de désordre et de confusion qu'un peuple qui viendrait de jeter à l'instant les fondements d'une nouvelle patrie. [50] Nous sommes fiers de notre origine ; nous nous croyons, à cet égard, très supérieurs aux autres peuples, et nous admettons les premiers qui se présentent à partager cette illustration avec plus de facilité que ne le font les Triballes et les Lucaniens pour leur obscure nationalité. Nous faisons une multitude de lois, et nous les respectons si peu (un seul exemple vous permettra d'apprécier tout le reste), que, dans un pays où la peine de mort est établie contre le citoyen convaincu d'avoir acheté des suffrages, nous choisissons pour commander nos armées ceux qui se sont rendus le plus ouvertement coupables de ce crime; de sorte que l'homme qui a pu corrompre le plus grand nombre de citoyens est celui que nous chargeons de veiller sur nos plus grands intérêts. [51] Nous ressentons pour la forme de notre gouvernement la même sollicitude que pour le salut de la ville entière; nous savons que la démocratie s'accroît et se perpétue dans le repos et dans la sécurité; nous savons que déjà deux fois la nôtre a péri par la guerre, et néanmoins nous éprouvons la même colère contre ceux qui désirent la paix que contre les fauteurs de l'oligarchie, en même temps que nous considérons les hommes qui nous excitent à la guerre comme dévoues au gouvernement populaire. [52] Plus que les autres nations, nous possédons le don de la parole et l'expérience des affaires, et nous avons si peu de raison que nous ne conservons pas même un jour la même opinion sur les mêmes objets ; que, réunis, nous approuvons par nos suffrages ce que nous condamnions avant de nous assembler, et qu'à peine séparés, nous condamnons de nouveau ce que nous avons voté sur la place publique. Nous avons la prétention d'être les plus sages des Grecs, et, prenant pour conseillers des hommes que tout le monde méprise, nous plaçons à la tête des affaires publiques ces mêmes hommes auxquels personne ne voudrait confier le soin de ses intérêts privés. [53] Mais voici ce qu'il y a de plus déplorable : nous considérons comme les gardiens les plus fidèles de nos intérêts les hommes qui, de notre aveu, sont les plus pervers entre tous les citoyens; et quand nous jugeons les étrangers qui viennent habiter parmi nous, d'après ceux qu'ils choisissent pour protecteurs, nous nous refusons à croire que notre réputation sera analogue à celle des hommes qui nous gouvernent. [54] Enfin nous différons tellement de nos ancêtres, que ceux-ci confiaient le commandement de leurs armées aux mêmes hommes qu'ils investissaient du gouvernement de l'État, convaincus que celui qui peut donner les meilleurs conseils du haut de la tribune prendra aussi les meilleures résolutions le jour où il agira d'après les inspirations de son génie ; nous, au contraire, [55] évitant de désigner pour généraux, comme s'ils étaient des insensés, ceux dont nous suivons les avis dans les affaires les plus importantes, nous envoyons de préférence pour commander nos armées, avec des pouvoirs illimités, des hommes que personne ne voudrait consulter ni sûr les intérêts publics, ni sur sep intérêts particuliers ; comme si, dans cette position, de tels hommes devaient être plus sages qu'ils ne le sont au milieu de nous, et qu'il leur fut plus facile d'apprécier les intérêts généraux de la Grèce que les questions discutées dans nos assemblées! [56] Mes paroles ne s'adressent pas à tous, elles s'adressent à ceux qui sont coupables des choses que je viens d'indiquer. Ce qui reste de jour ne me suffirait pas, si je voulais rechercher toutes les fautes qui ont été commises dans la conduite de nos affaires. »

[132] 42. Comment sortirons-nous d'un aussi grand désordre, et comment pourrons-nous relever et améliorer les affaires de notre patrie? Le premier moyen serait

« de ne plus regarder les sycophantes comme les amis du peuple ; les hommes loyaux et intègres comme les partisans de l'oligarchie ; bien convaincus que personne n'est par nature ami de l'oligarchie ou du pouvoir populaire ; mais que chacun veut établir la forme de gouvernement qui lui offre le plus de chance pour parvenir aux honneurs.

[134] 44. Le second moyen est d'agir avec nos alliés comme avec des amis ; de ne pas leur donner la liberté seulement en paroles, les livrant en réalité à la merci de nos généraux, et de nous placer à leur tête, non comme des maîtres, mais comme des alliés véritables, convaincus que, si nous sommes plus forts que chaque ville prise à part, nous sommes plus faibles [135] que toutes les villes réunies.

45. Le troisième moyen est, après la piété envers les dieux, de ne rien estimer plus qu'une bonne renommée parmi les Grecs; car, de leur propre mouvement, ils remettent la suprématie et se remettent eux-mêmes entre les mains de ceux qui sont animés de ces nobles sentiments.

[136] 46. Si donc vous vous attachez aux principes que j'ai développés, et si, de plus, vous vous montrez belliqueux, par les exercices et l'appareil militaire; pacifiques, par le soin que vous mettrez à ne rien entreprendre contre la justice, vous ferez non seulement le bonheur de votre patrie, mais celui de tous les Grecs. [137] Aucune ville n'osera essayer de leur nuire; toutes seront retenues par la crainte, toutes resteront dans une paix profonde, lorsqu'elles verront notre puissance veiller sans cesse sur le salut commun, et se tenir toujours prête à secourir les opprimés. Quelle que soit d'ailleurs la conduite que ces villes adopteront, la nôtre sera toujours aussi noble qu'avantageuse ; [138] car si les États prépondérants s'abstiennent de toute injustice, c'est à nous qu'on attribuera la cause de ce bienfait ; et, s'ils font des entreprises injustes, tous ceux qui éprouveront de leur part des craintes ou des injures se réfugieront vers nous, et nous adresseront des supplications et des prières, remettant entre nos mains, non seulement le commandement, mais leurs propres destinées ; [139] de sorte que, loin de manquer d'auxiliaires pour réprimer les tentatives criminelles, nous aurons de nombreux alliés disposés à s'unir à nous et à nous seconder avec zèle. Quelle ville, quel homme pourrait ne pas désirer d'avoir part à notre amitié et à notre alliance, lorsqu'on verra que nous sommes les plus justes des mortels et les plus puissants à la fois ; et qu'unissant à la volonté le pouvoir de sauver les autres, nous n'avons besoin du secours de personne ? [140] A quel accroissement de prospérité ne devons-nous pas nous attendre pour notre ville, lorsque des sentiments si bienveillants existeront chez, tous les Grecs? Quelles richesses ne verrons-nous pas affluer vers notre patrie, lorsque la Grèce tout entière aura été sauvée par nous? Qui pourrait ne pas combler de louanges les auteurs de tant et de si grands bienfaits ? [141] Il ne m'est pas donné, à cause de mon grand âge, de renfermer dans mon discours tout ce que j'aperçois dans ma pensée ; mais, du moins, puis-je affirmer qu'il serait glorieux pour nous, au milieu des injustices et des violences des autres peuples, de donner, les premiers, l'exemple du retour à une sage modération, de nous présenter comme les gardiens de la liberté des Grecs, d'être appelés leurs sauveurs plutôt que leurs destructeurs, et, en nous illustrant par notre vertu, de faire revivre en nous la gloire de nos ancêtres.

[142] 47. Pour terminer mon discours, je vous rappellerai le but vers lequel tendent toutes mes paroles, et sur lequel nous devons avoir les yeux fixés pour apprécier les actes de notre patrie. Si nous voulons détruire les accusations qui pèsent aujourd'hui sur nous, faire cesser les guerres entreprises sans motif, acquérir à notre patrie la prééminence pour toujours, il nous faut haïr tous les pouvoirs tyranniques, toutes les suprématies, nous rappeler les malheurs qu'elles enfantent, et prendre pour objet de notre rivalité comme de notre imitation la double royauté établie chez, les Lacédémoniens. [143] Les rois de Lacédémone ont, pour commettre une injustice, moins de pouvoir que les simples particuliers; et leur sort est d'autant plus digne d'envie, si on le compare à celui des princes qui maintiennent par la force un pouvoir tyrannique, que les meurtriers de ceux-ci reçoivent de leurs concitoyens les plus magnifiques récompenses, tandis qu'à Lacédémone, ceux qui n'ont pas le courage de mourir, en combattant, pour sauver la vie de leurs rois, sont converti de plus d'opprobre que ceux qui abandonnent leur rang, ou qui jettent leur bouclier. [144] C'est donc à une telle suprématie qu'il nous convient d'aspirer. Dans l'état présent des choses, nous pouvons obtenir, de la part des Grecs, le même honneur que les rois de Lacédémone reçoivent de leurs concitoyens ; il suffit pour cela qu'ils reconnaissent que notre puissance ne sera pas pour eux une cause d'esclavage, mais un gage de salut.

[145] 48. De nombreux et puissants arguments pourraient encore être produits sur le sujet que j'ai traité, mais deux choses, l'étendue de mon discours et le nombre de mes années, m'avertissent que je dois cesser de parler. J'engage donc et j'exhorte ceux qui sont plus jeunes que moi, et qui ont une force que je n'ai plus, à prononcer et à écrire des discours qui puissent déterminer les États les plus puissants, comme aussi ceux qui ont pour habitude d'opprimer les autres, à diriger leurs pensées vers la vertu et la justice; car les prospérités de la Grèce sont aussi une source abondante de prospérités pour les hommes qui se vouent aux lettres et à la philosophie.

[67] Δυοῖν μὲν τοίνυν λόγοιν ἀκηκόατε· βούλομαι δὲ καὶ τοῦ τρίτου μικρὰ διελθεῖν, ἵν' ὑμῖν ἔτι μᾶλλον γένηται καταφανὲς ὅτι πάντες οἱ λόγοι πρὸς ἀρετὴν καὶ δικαιοσύνην συντείνουσιν. Ἔστι δ' ὁ μέλλων δειχθήσεσθαι Νικοκλεῖ τῷ Κυπρίῳ, τῷ κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον βασιλεύοντι, συμβουλεύων ὡς δεῖ τῶν πολιτῶν ἄρχειν· οὐχ ὁμοίως δὲ γέγραπται τοῖς ἀνεγνωσμένοις. [68] Οὗτοι μὲν γὰρ τὸ λεγόμενον ὁμολογούμενον ἀεὶ τῷ προειρημένῳ καὶ συγκεκλειμένον ἔχουσιν, ἐν δὲ τούτῳ τοὐναντίον· ἀπολύσας γὰρ ἀπὸ τοῦ προτέρου καὶ χωρίς, ὥσπερ τὰ καλούμενα κεφάλαια, ποιήσας, πειρῶμαι διὰ βραχέων ἕκαστον ὧν συμβουλεύω φράζειν. Τούτου δ' ἕνεκα ταύτην ἐποιησάμην τὴν ὑπόθεσιν, [69] ἡγούμενος ἐκ τοῦ παραινεῖν τήν τε διάνοιαν τὴν ἐκείνου μάλιστ' ὠφελήσειν καὶ τὸν τρόπον τὸν ἐμαυτοῦ τάχιστα δηλώσειν. Διὰ τὴν αὐτὴν δὲ ταύτην πρόφασιν καὶ νῦν αὐτὸν αὐτὸν ὑμῖν δεῖξαι προειλόμην, οὐχ ὡς ἄριστα τῶν λοιπῶν γεγραμμένον, ἀλλ' ὡς ἐκ τούτου μάλιστα φανερὸς γενησόμενος, ὃν τρόπον εἴθισμαι καὶ τοῖς ἰδιώταις καὶ τοῖς δυνάσταις πλησιάζειν· [70] φανήσομαι γὰρ πρὸς αὐτὸν ἐλευθέρως καὶ τῆς πόλεως ἀξίως διειλεγμένος, καὶ οὐ τὸν ἐκείνου πλοῦτον οὐδὲ τὴν δύναμιν θεραπεύων ἀλλὰ τοῖς ἀρχομένοις ἐπαμύνων, καὶ παρασκευάζων καθ' ὅσον ἠδυνάμην τὴν πολιτείαν αὐτοῖς ὡς οἷόν τε πραοτάτην. Ὅπου δὲ βασιλεῖ διαλεψόμενος ὑπὲρ τοῦ δήμου τοὺς λόγους ἐποιούμην, ἦπου τοῖς ἐν δημοκρατία πολιτευομένοις σφόδρ' ἃ παρακελευσαίμην τὸ πλῆθος θεραπεύειν.

[71] Ἐν μὲν οὖν τῷ προοιμίῳ καὶ τοῖς πρώτοις λεγομένοις ἐπιτιμῶ ταῖς μοναρχίαις, ὅτι δέον αὐτοὺς τὴν φρόνησιν ἀσκεῖν μᾶλλον τῶν ἄλλων, οἱ δὲ χεῖρον παιδεύονται τῶν ἰδιωτῶν. Διαλεχθεὶς δὲ περὶ τούτων, παραινῶ τῷ Νικοκλεῖ μὴ ῥᾳθυμεῖν μηδ', ὥς περ ἱερωσύνην εἰληφότα τὴν βασιλείαν, οὕτω τὴν γνώμην ἔχειν, ἀλλὰ τῶν ἡδονῶν ἀμελήσαντα προσέχειν τὸν νοῦν τοῖς πράγμασιν. [72] Ἐπιχειρῶ δὲ καὶ τοῦτο πείθειν αὐτόν, ὡς χρὴ δεινὸν νομίζειν, ὅταν ὁρᾷ τοὺς μὲν χείρους τῶν βελτιόνων ἄρχοντας καὶ τοὺς ἀνοητοτέρους τοῖς φρονιμωτέροις προστάττοντας, λέγων ὡς ὅσῳ περ ἂν ἐρρωμενέστερον τὴν τῶν ἄλλων ἄνοιαν ἀτιμάσῃ, τοσούτῳ μᾶλλον τὴν ἑαυτοῦ διάνοιαν ἀσκήσει.

Ποιησάμενος οὖν ἀρχὴν ἣν ἐγὼ τελευτήν, ἀνάγνωθι καὶ τούτου τοῦ λόγου τὸ λοιπὸν μέρος αὐτοῖς.

[67] 25. Vous avez entendu des citations tirées de deux de mes discours ; je veux maintenant vous lire quelques passages d'un troisième, afin de rendre encore plus évident à vos yeux que ces discours ont tous pour objet la vertu et la justice. Celui qui va être lu devant vous offre à Nicoclès, qui alors régnait à Cypre, des conseils sur la manière dont-il doit gouverner ses concitoyens. Il n'est pas écrit d'après la même méthode que ceux qui vous ont été lus. [68] Dans ceux-ci la pensée est toujours en harmonie avec ce qui précède ; dans celui-là, c'est tout le contraire; séparant et isolant les choses que je dis, et leur donnant en quelque sorte la forme de tête de chapitre, je m'efforce d'exprimer en peu de mots chacun des conseils que je donne. J'ai suivi cette méthode [69] dans l'espoir d'agir plus utilement sur la pensée de Nicoclès en lui donnant de sages préceptes, et de lui faire mieux connaître mes mœurs et mon caractère. C'est par le même motif que je me suis déterminé à vous soumettre encore ce discours, non parce qu'il est écrit avec plus d'élégance que les autres, mais parce qu'il montrera surtout de quelle manière j'ai coutume de traiter avec les particuliers et les princes. [70] On y verra que je parle à Nicoclès avec liberté et d'une manière digne de ma patrie ; que je ne flatte ni sa richesse, ni sa puissance ; que je défends les intérêts de ceux qui obéissent, et que je leur prépare, autant qu'il est en moi, le gouvernement le plus doux possible. Si donc, en parlant à un roi, j'ai défendu la cause du peuple, à bien plus forte raison exhorterais-je avec force ceux qui gouvernent l'État dans une démocratie à soutenir les intérêts populaires.

[71] 26. Dans l'exorde et au début de ce discours, je déverse un blâme sur les monarchies, parce que les rois, qui devraient travailler plus que les autres, à développer leur intelligence, reçoivent une éducation inférieure à celle des simples particuliers. Après ces considérations, j'exhorte Nicoclès à ne pas s'abandonner à la mollesse, et à ne pas entretenir dans son âme l'insouciance d'un homme qui aurait reçu la royauté comme un sacerdoce purement honorifique, mais à mépriser les plaisirs pour s'attacher aux affaires, [72] je m'efforce de lui faire comprendre qu'on doit éprouver de l'indignation en voyant les méchants régner sur les gens de bien et les insensés commander aux sages : j'ajoute, enfin, que plus il mettra d'énergie à manifester son mépris pour l'incapacité des autres, plus il sentira le besoin de cultiver lui-même les facultés de son esprit.

Commencez à partir du point où je termine la première partie, et lisez à mes auditeurs le reste du discours.

[1] Ε [73] Ἐκ τοῦ πρὸς Νικόκλεα

Isoc. 3.14-39

... Μάλιστα δ' ἂν αὐτὸς ὑπὸ σαυτοῦ παρακληθείης, [14] εἰ δεινὸν ἡγήσαιο τοὺς χείρους τῶν βελτιόνων ἄρχειν καὶ τοὺς ἀνοητοτέρους τοῖς φρονιμωτέροις προστάττειν· ὅσῳ γὰρ ἂν ἐρρωμενεστέρως τὴν τῶν ἄλλων ἄνοιαν ἀτιμάσῃς, τοσούτῳ μᾶλλον τὴν αὑτοῦ διάνοιαν ἀσκήσεις.

[15] Ἄρχεσθαι μὲν οὖν ἐντεῦθεν χρὴ τοὺς μέλλοντάς τι τῶν δεόντων ποιήσειν, πρὸς δὲ τούτοις φιλάνθρωπον εἶναι δεῖ καὶ φιλόπολιν· οὔτε γὰρ ἵππων οὔτε κυνῶν οὔτ' ἄλλου πράγματος οὐδενὸς οἷόν τε καλῶς ἄρχειν, ἂν μή τις χαίρῃ τούτοις ὧν αὐτὸν δεῖ ποιεῖσθαι τὴν ἐπιμέλειαν. Μελέτω σοι τοῦ πλήθους, καὶ περὶ παντὸς ποιοῦ κεχαρισμένως αὐτοῖς ἄρχειν, [16] γιγνώσκων ὅτι καὶ τῶν ὀλιγαρχιῶν καὶ τῶν ἄλλων πολιτειῶν αὗται πλεῖτον χρόνον διαμένουσιν, αἵ τινες ἂν ἄριστα τὸ πλῆθος θεραπεύωσιν. Καλῶς δὲ δημαγωγήσεις, ἔαν μήθ' ὑβρίζειν τὸν ὄχλον ἐᾷς μήθ' ὑβριζόμενον περιορᾷς, ἀλλὰ σκοπῇς ὅπως οἱ βέλτιστοι μὲν τὰς τιμὰς ἕξουσιν, οἱ δ' ἄλλοι μηδὲν ἀδικήσονται· ταῦτα γὰρ στοιχεῖα πρῶτα καὶ μέγιστα χρηστῆς πολιτείας ἐστίν. [17] Τῶν προσταγμάτων καὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων κίνει καὶ μετατίθει τὰ μὴ καλῶς καθεστῶτα, καὶ μάλιστα μὲν εὑρετὴς γίγνου τῶν βελτίστων, εἰ δὲ μή, μιμοῦ τὰ παρὰ τοῖς ἄλλοις ὀρθῶς ἔχοντα.

Ζήτει νόμους τὸ μὲν σύμπαν δικαίους καὶ συμφέροντας καὶ σφίσιν αὐτοῖς ὁμολογουμένους, πρὸς δὲ τούτοις οἵ τινες τὰς μὲν ἀμφισβητήσεις ὡς ἐλαχίστας τὰς δὲ διαλύσεις ὡς οἷόν τε ταχίστας τοῖς πολίταις ποιοῦσι· ταῦτα γὰρ ἅπαντα προσεῖναι δεῖ τοῖς καλῶς κειμένοις νόμοις. [18] Τὰς μὲν ἐργασίας αὐτοῖς καθίστη κερδαλέας, τὰς δὲ πραγματείας ἐπιζημίους, ἵνα τὰς μὲν φεύγωσι, πρὸς δὲ τὰς προθυμότερον ἔχωσιν. Τὰς κρίσεις ποιοῦ περὶ ὧν ἂν πρὸς ἀλλήλους ἀμφισβητῶσι, μὴ πρὸς χάριν μηδ' ἐναντίας ἀλλήλαις, ἀλλ' ἀεὶ ταὐτὰ περὶ τῶν αὐτῶν γίγνωσκε· καὶ γὰρ πρέπει καὶ συμφέρει τὴν τῶν βασιλέων γνώμην ἀκινήτως ἔχειν περὶ τῶν δικαίων, ὥσπερ τοὺς νόμους τοὺς καλῶς κειμένους. Οἴκει τὴν πόλιν ὁμοίως ὥσπερ τὸν πατρῷον οἶκον, [19] ταῖς μὲν κατασκευαῖς λαμπρῶς καὶ βασιλικῶς, ταῖς δὲ πράξεσιν ἀκριβῶς, ἵν' εὐδοκιμῇς ἅμα καὶ διαρκῇς. Τὴν μεγαλοπρέπειαν ἐπιδείκνυσο μηδ' ἐν μιᾷ τῶν πολυτελειῶν τῶν εὐθὺς ἀφανιζομένων, ἀλλ' ἔν τε τοῖς προειρημένοις καὶ τῷ κάλλει τῶν κτημάτων καὶ ταῖς τῶν φίλων εὐεργεσίαις· τὰ γὰρ τοιαῦτα τῶν ἀναλωμάτων αὐτῷ τε σοὶ παραμενεῖ, καὶ τοῖς ἐπιγιγνομένοις πλείονος ἄξια τῶν δεδαπανημένων καταλείψεις.

[20] Τὰ μὲν πρὸς τοὺς θεοὺς ποίει μὲν ὡς οἱ πρόγονοι κατέδειξαν, ἡγοῦ δὲ θῦμα τοῦτο κάλλιστον εἶναι καὶ θεραπείαν μεγίστην, ἂν ὡς βέλτιστον καὶ δικαιότατον σαυτὸν παρέχῃς· μᾶλλον γὰρ ἐλπὶς τοὺς τοιούτους ἢ τοὺς ἱερεῖα πολλὰ καταβάλλοντας πράξειν τι παρὰ τῶν θεῶν ἀγαθόν.

Τίμα ταῖς μὲν ἀρχαῖς τῶν φίλων τοὺς οἰκειοτάτους, ταῖς δ' ἀληθείαις αὐταῖς τοὺς εὐνουστάτους.

[21] Φυλακὴν ἀσφαλεστάτην ἡγοῦ τοῦ σώματος εἶναι τήν τε τῶν φίλων ἀρετὴν καὶ τὴν τῶν πολιτῶν εὔνοιαν καὶ τὴν σαυτοῦ φρόνησιν· διὰ γὰρ τούτων καὶ κτᾶσθαι καὶ σώζειν τὰς τυραννίδας μάλιστ' ἄν τις δύναιτο.

Κήδου τῶν οἴκων τῶν πολιτικῶν, καὶ νόμιζε καὶ τοὺς δαπανῶντας ἀπὸ τῶν σῶν ἀναλίσκειν καὶ τοὺς ἐργαζομένους τὰ σὰ πλείω ποιεῖν· ἅπαντα γὰρ τὰ τῶν οἰκούντων τὴν πόλιν οἰκεῖα τῶν καλῶς βασιλευόντων ἐστί.

[22] Διὰ παντὸς τοῦ χρόνου τὴν ἀλήθειαν οὕτω φαίνου προτιμῶν, ὥστε πιστοτέρους εἶναι τοὺς σοὺς λόγους μᾶλλον ἢ τοὺς τῶν ἄλλων ὅρκους.

Ἅπασι μὲν τοῖς ξένοις ἀσφαλῆ τὴν πόλιν πάρεχε καὶ πρὸς τὰ συμβόλαια νόμιμον, περὶ πλείστου δὲ ποιοῦ τῶν ἀφικνουμένων μὴ τοὺς σοὶ δωρεὰς ἄγοντας, ἀλλὰ τοὺς παρὰ σοῦ λαμβάνειν ἀξιοῦντας· τιμῶν γὰρ τοὺς τοιούτους μᾶλλον παρὰ τοῖς ἄλλοις εὐδοκιμήσεις.

[23] Τοὺς πολλοὺς φόβους ἐξαίρει τῶν πολιτῶν, καὶ μὴ βούλου περιδεεῖς εἶναι τοὺς μηδὲν ἀδικοῦντας· ὅπως γὰρ ἂν τοὺς ἄλλους πρὸς σαυτὸν διαθῇς, οὕτω καὶ σὺ πρὸς ἐκείνους ἕξεις.

Ποίει μὲν μηδὲν μετ' ὀργῆς, δόκει δὲ τοῖς ἄλλοις, ὅταν σοι καιρὸς ᾖ.

Δεινὸς μὲν φαίνου τῷ μηδέν σε λανθάνειν τῶν γιγνομένων, πρᾶος δὲ τῷ τὰς τιμωρίας ἐλάττους ποιεῖσθαι τῶν ἁμαρτανομένων.

[24] Ἀρχικὸς εἶναι βούλου μὴ χαλεπότητι μηδὲ τῷ σφόδρα κολάζειν, ἀλλὰ τῷ πάντας ἡττᾶσθαι τῆς σῆς διανοίας καὶ νομίζειν ὑπὲρ τῆς αὑτῶν σωτηρίας ἄμεινον ἑαυτῶν σὲ βουλεύεσθαι.

Πολεμικὸς μὲν ἴσθι ταῖς ἐπιστήμαις καὶ ταῖς παρασκευαῖς, εἰρηνικὸς δὲ τῷ μηδὲν παρὰ τὸ δίκαιον πλεονεκτεῖν.

Οὕτως ὁμίλει τῶν πόλεων πρὸς τὰς ἥττους, ὥσπερ ἂν τὰς κρείττους πρὸς ἑαυτὸν ἀξιώσειας.

[25] Φιλονείκει μὴ περὶ πάντων, ἀλλὰ περὶ ὧν ἂν κρατήσαντί σοι μέλλῃ συνοίσειν.

Φαύλους ἡγοῦ μὴ τοὺς συμφερόντως ἡττωμένους, ἀλλὰ τοὺς μετὰ βλάβης περιγιγνομένους.

Μεγαλόφρονας νόμιζε μὴ τοὺς μείζω περιβαλλομένους ὧν οἷοί τ' εἰσι*̀ κατασχεῖν, ἀλλὰ τοὺς καλῶν μὲν ἐφιεμένους, ἐξεργάζεσθαι δὲ δυναμένους οἷς ἂν ἐπιχειρῶσιν.

[26] Ζήλου μὴ τοὺς μεγίστην ἀρχὴν κτησαμένους, ἀλλὰ τοὺς ἄριστα τῇ παρούσῃ χρησαμένους, καὶ νόμιζε τελέως εὐδαιμονήσειν οὐκ ἐὰν πάντων ἀνθρώπων μετὰ φόβων καὶ κινδύνων καὶ κακίας ἄρξῃς, ἀλλ' ἂν τοιοῦτος ὢν οἷον χρὴ καὶ πράττων ὥσπερ ἐν τῷ παρόντι μετρίων ἐπιθυμῇς καὶ μηδενὸς τούτων ἀτυχῇς.

[27] Φίλους κτῶ μὴ πάντας τοὺς βουλομένους, ἀλλὰ τοὺς τῆς σῆς φύσεως ἀξίους ὄντας, μηδὲ μεθ' ὧν ἥδιστα συνδιατρίψεις, ἀλλὰ μεθ' ὧν ἄριστα τὴν πόλιν διοικήσεις.

Ἀκριβεῖς ποιοῦ τὰς δοκιμασίας τῶν συνόντων, εἰδὼς ὅτι πάντες οἱ μή σοι πλησιάσαντες ὅμοιόν σε τοῖς χρωμένοις εἶναι νομιοῦσιν.

Τοιούτους ἐφίστη τοῖς πράγμασι τοῖς μὴ διὰ σοῦ γιγνομένοις, ὡς αὐτὸς τὰς αἰτίας ἕξων ὧν ἂν ἐκεῖνοι πράξωσιν.

[28] Πιστοὺς ἡγοῦ μὴ τοὺς ἅπαν ὁ τι ἂν λέγῃς ἢ ποιῇς ἐπαινοῦντας, ἀλλὰ τοὺς τοῖς ἁμαρτανομένοις ἐπιτιμῶντας.

Δίδου παρρησίαν τοῖς εὖ φρονοῦσιν, ἵνα περὶ ὧν ἂν ἀμφιγνοῇς, ἔχῃς τοὺς συνδοκιμάσοντας.

Διόρα καὶ τοὺς τέχνῃ κολακεύοντας καὶ τοὺς μετ' εὐνοίας θεραπεύοντας, ἵνα μὴ πλέον οἱ πονηροὶ τῶν χρηστῶν ἔχωσιν.

Ἄκουε τοὺς λόγους τοὺς περὶ ἀλλήλων, καὶ πειρῶ γνωρίζειν ἅμα τούς τε λέγοντας, ὁποῖοί τινές εἰσι, καὶ περὶ ὧν ἂν λέγωσιν.

[29] Ταῖς αὐταῖς κόλαζε ζημίαις τοὺς ψευδῶς διαβάλλοντας, αἷσπερ τοὺς ἐξαμαρτάνοντας.

Ἄρχε σαυτοῦ μηδὲν ἧττον ἢ τῶν ἄλλων, καὶ τοῦθ' ἡγοῦ βασιλικώτατον, ἂν μηδεμιᾷ δουλεύῃς τῶν ἡδονῶν, ἀλλὰ κρατῆς τῶν ἐπιθυμιῶν μᾶλλον ἢ τῶν πολιτῶν.

Μηδεμίαν συνουσίαν εἰκῇ προσδέχου μηδ' ἀλογίστως, ἀλλ' ἐπ' ἐκείναις ταῖς διατριβαῖς ἔθιζε σαυτὸν χαίρειν, ἐξ ὧν αὐτός τ' ἐπιδώσεις καὶ τοῖς ἄλλοις βελτίων εἶναι δόξεις.

[30] Μὴ φαίνου φιλοτιμούμενος ἐπὶ τοῖς τοιούτοις ἃ καὶ τοῖς κακοῖς διαπράξασθαι δυνατόν ἐστιν, ἀλλ' ἐπ' ἀρετῇ μέγα φρονῶν, ἧς οὐδὲν μέρος τοῖς πονηροῖς μέτεστιν.

Νόμιζε τῶν τιμῶν ἀληθεστάτας εἶναι μὴ τὰς ἐν τῷ φανερῷ μετὰ δέους γιγνομένας, ἀλλ' ὅταν αὐτοὶ παρ' αὑτοῖς ὄντες μᾶλλόν σου τὴν γνώμην ἢ τὴν τύχην θαυμάζωσιν.

Λάνθανε μέν, ἢν ἐπὶ τῴ σοι συμβῇ τῶν φαύλων χαίρειν, ἐνδείκνυσο δὲ περὶ τὰ μέγιστα σπουδάζων.

[31] Μὴ τοὺς μὲν ἄλλους ἀξίου κοσμίως ζῆν τοὺς δὲ βασιλεῖς ἀτάκτως, ἀλλὰ τὴν σαυτοῦ σωφροσύνην παράδειγμα τοῖς ἄλλοις καθίστη, γιγνώσκων ὅτι τὸ τῆς πόλεως ὅλης ἦθος ὁμοιοῦται τοῖς ἄρχουσιν.

Σημεῖον ἔστω σοι τοῦ καλῶς βασιλεύειν, ἂν τοὺς ἀρχομένους ὁρᾷς εὐπορωτέρους καὶ σωφρονεστέρους γιγνομένους διὰ τὴν σὴν ἐπιμέλειαν.

[32] Περὶ πλείονος ποιοῦ δόξαν καλὴν ἢ πλοῦτον μέγαν τοῖς παισὶ καταλιπεῖν· ὁ μὲν γὰρ θνητός, ἡ δ' ἀθάνατος, καὶ δόξῃ μὲν χρήματα κτητά, δόξα δὲ χρημάτων οὐκ ὠνητή, καὶ τὰ μὲν καὶ φαύλοις παραγίγνεται, τὴν δ' οὐχ οἷόν τε ἀλλ' ἢ τοὺς διενεγκόντας κτήσασθαι.

Τρύφα μὲν ἐν ταῖς ἐσθῆσι καὶ τοῖς περὶ τὸ σῶμα κόσμοις, καρτέρει δὲ ὡς χρὴ τοὺς βασιλεύοντας ἐν τοῖς ἄλλοις ἐπιτηδεύμασιν, ἵν' οἱ μὲν ὁρῶντες διὰ τὴν ὄψιν ἄξιόν σε τῆς ἀρχῆς εἶναι νομίζωσιν, οἱ δὲ συνόντες διὰ τὴν τῆς ψυχῆς ῥώμην τὴν αὐτὴν ἐκείνοις γνώμην ἔχωσιν.

[33] Ἐπισκόπει τοὺς λόγους ἀεὶ τοὺς σαυτοῦ καὶ τὰς πράξεις, ἵν' ὡς ἐλαχίστοις ἁμαρτήμασι περιπίπτῃς.

Κράτιστον μὲν τῆς ἀκμῆς τῶν καιρῶν τυγχάνειν, ἐπειδὴ δὲ δυσκαταμαθήτως ἔχουσιν, ἐλλείπειν αἱροῦ καὶ μὴ πλεονάζειν· αἱ γὰρ μετριότητες μᾶλλον ἐν ταῖς ἐνδείαις ἢ ταῖς ὑπερβολαῖς ἔνεισιν.

[34] Ἀστεῖος εἶναι πειρῶ καὶ σεμνός· τὸ μὲν γὰρ τῇ τυραννίδι πρέπει, τὸ δὲ πρὸς τὰς συνουσίας ἁρμόττει. Χαλεπώτατον δὲ τοῦτο πάντων ἐστὶ τῶν προσταγμάτων· εὑρήσεις γὰρ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τοὺς μὲν σεμνυνομένους ψυχροὺς ὄντας, τοὺς δὲ βουλομένους μένους ἀστείους εἶναι ταπεινοὺς φαινομένους. Δεῖ δὲ χρῆσθαι μὲν ἀμφοτέραις ταῖς ἰδέαις ταύταις, τὴν δὲ συμφορὰν τὴν ἑκατέρᾳ προσοῦσαν διαφεύγειν.

[35] Ὅ τι ἂν ἀκριβῶσαι βουληθῇς ὧν ἐπίστασθαι προσήκει τοὺς βασιλεῖς, ἐμπειρίᾳ μέτιθι καὶ φιλοσοφίᾳ· τὸ μὲν γὰρ φιλοσοφεῖν τὰς ὁδούς σοι δείξει, τὸ δ' ἐπ' αὐτῶν τῶν ἔργων γυμνάζεσθαι δύνασθαί σε χρῆσθαι τοῖς πράγμασι ποιήσει.

Θεώρει τὰ γιγνόμενα καὶ τὰ συμπίπτοντα καὶ τοῖς ἰδιώταις καὶ τοῖς τυράννοις· ἂν γὰρ τὰ παρεληλυθότα μνημονεύῃς, ἄμεινον περὶ τῶν μελλόντων βουλεύσει.

[36] Δεινὸν ἡγοῦ τῶν μὲν ἰδιωτῶν τινας ἐθέλειν ἀποθνήσκειν, ἵνα τελευτήσαντες ἐπαινεθῶσι, τοὺς δὲ βασιλεῖς μὴ τολμᾶν χρῆσθαι τοῖς ἐπιτηδεύμασι τούτοις, ἐξ ὧν ζῶντες εὐδοκιμήσουσιν.

Βούλου τὰς εἰκόνας τῆς ἀρετῆς ὑπόμνημα μᾶλλον ἢ τοῦ σώματος καταλιπεῖν.

Μάλιστα μὲν πειρῶ τὴν ἀσφάλειαν καὶ σαυτῷ καὶ τῇ πόλει διαφυλάττειν· ἐὰν δ' ἀναγκασθῇς κινδυνεύειν, αἱροῦ καλῶς τεθνάναι μᾶλλον ἢ ζῆν αἰσχρῶς.

[37] Ἐκ πᾶσι τοῖς ἔργοις μέμνησο τῆς βασιλείας, καὶ φρόντιζε ὅπως μηδὲν ἀνάξιον τῆς τιμῆς ταύτης πράξεις.

Μὴ περιίδῃς τὴν σαυτοῦ φύσιν ἅπασαν ἅμα διαλυθεῖσαν· ἀλλ' ἐπειδὴ θνητοῦ σώματος ἔτυχες, πειρῶ τῆς ψυχῆς ἀθάνατον τὴν μνήμην καταλιπεῖν.

[38] Μελέτα περὶ καλῶν ἐπιτηδευμάτων λέγειν, ἵνα συνεθισθῇς ὅμοια τοῖς εἰρημένοις φρονεῖν. Ἅττ' ἄν σοι λογιζομένῳ φαίνηται βέλτιστα, ταῦτα τοῖς ἔργοις ἐπιτέλει. Ὧν τὰς δόξας ζηλοῖς, μιμοῦ τὰς πράξεις.

 τοῖς αὑτοῦ παισὶν ἂν συμβουλεύσειας, τούτοις αὐτὸς ἐμμένειν ἀξίου.

Χρῶ τοῖς εἰρημένοις ἢ ζήτει βελτίω τούτων.

[39] Σοφοὺς νόμιζε μὴ τοὺς ἀκριβῶς περὶ μικρῶν ἐρίζοντας, ἀλλὰ τοὺς εὖ περὶ τῶν μεγίστων λέγοντας, μηδὲ τοὺς τοῖς μὲν ἄλλοις εὐδαιμονίαν ὑπισχνουμένους, αὐτοὺς δ' ἐν πολλαῖς ἀπορίαις ὄντας, ἀλλὰ τοὺς μέτρια μὲν περὶ αὑτῶν λέγοντας, ὁμιλεῖν δὲ καὶ τοῖς πράγμασι καὶ τοῖς ἀνθρώποις δυναμένους, καὶ μὴ διαταραττομένους ἐν ταῖς τοῦ βίου μεταβολαῖς, ἀλλὰ καλῶς καὶ μετρίως καὶ τὰς συμφορὰς καὶ τὰς εὐτυχίας φέρειν ἐπισταμένους.

[73] EXTRAIT DU DISCOURS A NICΟCLÈS.

Vous trouverez en vous-même un puissant motif d'émulation, [14] si vous regardez comme une chose contraire à la raison que le méchant règne sur l'homme de bien et que l'insensé commande au sage ; plus vous aurez de mépris pour l'incapacité des autres, plus vous apporterez de soin à exercer votre propre intelligence.

[15] 5. C'est par là que doivent commencer ceux qui sont destinés à bien gouverner; et, de plus, ils doivent être amis de l'humanité et amis de leur patrie. Les hommes, les chevaux, les chiens, les êtres de toute nature, ne peuvent être bien dirigés, si l'affection ne préside aux soins dont ils sont l'objet. Prenez donc soin du peuple, et attachez-vous surtout à lui faire aimer votre autorité, [16] convaincu que de tous les gouvernements, soit oligarchiques, soit d'une autre nature, les plus durables sont ceux qui savent le mieux ménager les intérêts du peuple. Vous exercerez sur lui une noble et utile influence, si vous ne souffrez pas qu'il insulte personne ni qu'il soit lui-même insulté; et si, assurant toujours les honneurs aux plus dignes, vous avez soin de protéger les autres citoyens contre l'injustice. Tels sont les premiers principes, les principes les plus essentiels d'un bon gouvernement. Supprimez et changez les lois et les coutumes vicieuses ; [17] employez surtout vos efforts à découvrir quelles lois conviennent le mieux à votre pays, ou du moins imitez celles qui ont été reconnues bonnes chez les autres peuples.

6. Cherchez des lois qui soient justes et utiles dans leur ensemble, des lois qui s'accordent avec elles-mêmes, des lois telles que les procès deviennent rares et leur solution rapide. Les lois, pour être bonnes, doivent remplir toutes ces conditions. [18] Rendez les transactions avantageuses et les procès préjudiciables, afin que les citoyens évitent les uns et se portent avec empressement vers les autres. Prononcez, dans les différends qui s'élèvent entre les particuliers, des jugements qui ne soient ni dictés par la faveur ni contradictoires entre eux, et décidez toujours de la même manière dans les affaires semblables. L'utilité publique et la dignité royale sont également intéressées à ce que les jugements des rois soient immuables, comme les lois sagement faites. Administrez votre royaume comme vous administrez l'héritage que vous avez reçu de votre père. [19] Soyez magnifique et royal dans toutes vos dispositions, et apportez un soin exact dans la levée des impôts, afin de briller d'un grand éclat et de suffire à toutes vos dépenses. Ne montrez jamais votre magnificence dans des profusions éphémères, mais dans les choses que nous avons signalées, dans la somptuosité de vos palais, dans les bienfaits que vous répandez sur vos amis. En usant ainsi de vos richesses, vous en conserverez le fruit et vous laisserez à ceux qui vous succéderont des avantages plus précieux que les trésors dont vous aurez fait un noble usage.

[20] Rendez aux dieux le culte qui leur est dû, en vous conformant aux exemples que vous ont laissés vos ancêtres ; mais croyez que le plus beau sacrifice, l'hommage le plus grand, sera de vous montrer juste et vertueux. L'homme animé de ces nobles sentiments peut compter sur la faveur divine plus que celui qui immole de nombreuses victimes.

7. Honorez par les fonctions brillantes vos parents les plus proches, et confiez les emplois qui donnent un pouvoir véritable à vos amis les plus dévoués.

[21] Considérez comme la garantie la plus certaine de votre sûreté la vertu de vos amis, la bienveillance de vos concitoyens et votre propre sagesse ; c'est à l'aide de tels secours que l'on peut acquérir le pouvoir et qu'on peut le conserver.

Veillez sur la manière dont les citoyens administrent leur fortune; regardez ceux qui dépensent avec profusion comme des hommes prodigues de votre bien, et croyez que ceux qui s'enrichissent par leur travail ajoutent à vos trésors. La fortune des citoyens fait la richesse des rois qui gouvernent avec sagesse.

[22] Montrez dans toute votre vie un tel respect pour la vérité, que vos paroles inspirent plus de confiance que les serments des autres hommes.

Offrez à tous les étrangers un asile dans votre ville, et qu'ils y trouvent le respect des lois dans toutes les transactions. Préférez à ceux qui vous apportent des présents ceux qui désirent en recevoir de vous. Les faveurs que vous leur accorderez accroîtront votre renommée.

[23] Bannissez la terreur du milieu de votre peuple, et ne souffrez pas que l'innocent soit réduit à trembler, car les sentiments que vous inspirerez à vos concitoyens, vous les éprouverez vous-même à leur égard.

Ne faites rien avec colère, mais montrez-vous irrité quand l'occasion l'exige.

Montrez-vous redoutable par une surveillance à laquelle rien n'échappe ; indulgent par le soin que vous mettrez à n'infliger que des châtiments qui soient au-dessous des fautes.

[24] Faites respecter votre autorité, non par la dureté du commandement et la rigueur des supplices, mais en vous montrant supérieur aux autres hommes par votre sagesse, et en leur inspirant la conviction que vous garantissez leur sécurité mieux qu'ils ne la garantiraient eux-mêmes.

Que la science militaire et les appareils de la guerre montrent en vous un roi belliqueux ; votre éloignement pour tout agrandissement injuste, un prince ami de la paix.

Comportez-vous envers les États plus faibles comme vous désireriez que les États plus puissants se comportassent envers vous.

[25] N'élevez pas de contestations sur toute espèce de sujet; bornez-vous à celles qui peuvent, si vous l'emportez, vous procurer quelque avantage.

Ne regardez pas comme dignes de mépris ceux qui succombent en atteignant un résultat utile, mais ceux qui obtiennent une victoire nuisible à leurs intérêts.

Croyez que la grandeur d'âme n'existe pas chez les hommes qui entreprennent plus qu'ils ne peuvent exécuter, mais chez ceux qui, se portant avec ardeur vers ce qui est noble et grand, peuvent exécuter ce qu'ils entreprennent.

[26] Ne rivalisez pas avec les hommes qui ont étendu au loin leur puissance, mais avec ceux qui font le meilleur usage de celle qui leur appartient ; et croyez que vous serez heureux, non si vous commandez à tous les hommes au milieu des terreurs, des dangers et des souffrances, mais si, étant tel que vous devez être, et agissant comme vous le faites aujourd'hui, vous n'éprouvez que des désirs modérés, toujours couronnés par le succès.

[27] 8. Admettez au rang de vos amis, non pas tous ceux qui recherchent votre affection, mais ceux qui sont dignes de l'obtenir; non pas ceux dont la société vous est la plus agréable, mais ceux qui pourront le mieux vous aider à gouverner votre pays avec sagesse.

Faites en sorte d'être toujours éclairé sur la valeur des personnes qui vous entourent, convaincu que ceux qui ne peuvent vous approcher vous croiront semblable aux hommes qui jouissent de votre intimité.

Dans le choix de ceux auxquels vous confiez le soin des affaires que vous ne dirigerez pas par vous-même, ne perdez jamais de vue que la responsabilité de leurs actes retombera sur vous.

[28] Regardez comme vos amis les plus fidèles non pas ceux qui approuvent toutes vos paroles et qui louent toutes vos actions, mais ceux qui blâment vos fautes.

Donnez aux gens sages la liberté d'exprimer leur opinion, afin d'avoir, dans les affaires douteuses, des conseillers qui puissent les examiner utilement avec vous.

Sachez discerner les courtisans qui flattent avec art des amis qui servent par dévouement, afin que les méchants ne puissent pas obtenir près de vous plus de crédit que les hommes vertueux.

Écoutez ce que les hommes disent les uns des autres, et tâchez de vous éclairer à la fois sur ceux qui parlent et sur ceux dont ils parlent.

[29] Punissez les calomniateurs des peines qui seraient infligées aux coupables.

N'ayez pas moins d'empire sur vous que sur les autres hommes ; croyez qu'il n'est rien de plus royal que de vous affranchir du joug de vos passions, et soyez maître de vos désirs plus encore que de vos concitoyens.

Ne contractez aucune liaison au hasard et sans réflexion, mais accoutumez-vous à trouver du plaisir dans les entretiens qui ajoutent à votre sagesse et à votre réputation.

[30] 9. Ne cherchez pas à vous distinguer dans les actes que les hommes vicieux peuvent accomplir comme vous, mais soyez fier de la vertu, à laquelle les méchants ne peuvent avoir aucune part.

Songez que les véritables honneurs ne se rencontrent pas dans les hommages rendus en public et inspirés par la crainte, mais dans les sentiments de ceux qui, au sein de leur famille, admirent votre sagesse encore plus que votre fortune.

S'il vous arrive de prendre plaisir à quelque chose de frivole, dérobez cette faiblesse aux yeux du public ; montrez-lui seulement votre zèle pour ce qui est noble et grand.

[31] Ne croyez pas qu'une vie décente et honnête soit le partage du vulgaire, et que vivre dans le désordre soit le privilège des rois. Offrez la régularité de votre vie comme un modèle à vos concitoyens, et n'oubliez pas que les moeurs des peuples se forment sur celles des hommes qui les gouvernent.

Vous aurez une preuve de la sagesse de votre gouvernement, si vous voyez que vos soins ont assuré aux peuples sur lesquels vous régnez une plus grande aisance et des moeurs plus honnêtes.

[32] Attachez plus de prix à transmettre à vos enfants un nom glorieux qu'à leur laisser de grandes richesses. Les richesses sont périssables, la gloire est immortelle. Les richesses peuvent s'acquérir par la gloire, la gloire ne s'achète point par les richesses. Les richesses sont quelquefois le partage des méchants, la gloire ne peut être acquise que par les hommes d'une vertu supérieure.

Ayez de la magnificence dans vos vêtements comme dans tout ce qui peut contribuer à l'éclat de votre personne, mais soyez simple et austère dans le reste de vos habitudes, comme il convient aux hommes qui gouvernent, afin que ceux qui aperçoivent la magnificence qui vous environne vous croient digne de régner, et que ceux qui vous approchent, voyant la force de votre âme, conçoivent de vous la même opinion.

[33] Veillez sans cesse sur vos paroles et sur vos actions, afin de commettre le moins de fautes possible.

Le plus important dans les affaires, c'est de saisir le point qui décide du succès ; ce point étant difficile à reconnaître, il vaut mieux ne pas l'atteindre que de le dépasser. La véritable sagesse demeure en deçà du but plutôt que d'aller au delà.

[34] 10. Efforcez-vous d'unir la politesse à la gravité. La gravité convient à la puissance souveraine ; la politesse est l'ornement de la société. Ce double précepte est, de tous, le plus difficile à observer; presque toujours ceux qui affectent la gravité tombent dans la froideur, et, en cherchant à être poli, on peut paraître humble et rampant. Il faut, en réunissant les deux qualités que nous avons indiquées, éviter l'inconvénient qui s'attache à chacune d'elles.

[35] Si vous voulez approfondir les connaissances qu'il convient aux rois de posséder, unissez l'expérience à la théorie ; la théorie vous tracera le chemin, l'expérience vous donnera le moyen d'y marcher d'un pas assuré.

Réfléchissez sur les vicissitudes et les malheurs qui atteignent les particuliers et les rois ; les souvenirs du passé ajouteront à la sagesse de vos conseils pour l'avenir.

[36] Soyez convaincu que, lorsque de simples particuliers consentent à sacrifier leur vie pour être loués après leur mort, il est honteux pour les rois de ne pas avoir le courage de se signaler par des actes qui les feront jouir d'une honorable renommée pendant leur vie.

Faites en sorte que vos statues restent comme un monument de votre vertu plus encore que comme un souvenir de votre personne.

Efforcez-vous avant tout de garantir votre sécurité et celle de votre royaume; mais, s'il faut braver les dangers, préférez mourir avec gloire plutôt que de vivre avec honte.

[37] Dans toutes vos actions, souvenez-vous que vous êtes roi, et employez tous vos soins à ne rien faire qui soit indigne de ce rang suprême.

11. Craignez de mourir tout entier; et, puisque vous avez reçu de la nature un corps périssable et une âme immortelle, efforcez-vous de laisser de votre âme un souvenir qui ne meure pas.

[38] Accoutumez-vous à parler de moeurs et d'actions honorables, afin de nourrir dans votre coeur des sentiments qui répondent à l'objet de vos entretiens. Les choses qui vous paraissent les meilleures lorsque vous réfléchissez en vous-même, réalisez-les dans vos actions. Imitez les hommes dont la gloire excite votre émulation.

Les conseils que vous donneriez à vos enfants, croyez qu'il est digne de vous de les suivre.

Usez des préceptes que je vous offre, ou cherchez à en découvrir de meilleurs.

[39] Considérez comme sages, non pas les hommes qui engagent sur des sujets frivoles des discussions minutieuses, mais ceux qui traitent habilement les questions importantes ; non pas ceux qui promettent aux autres le bonheur et qui vivent eux-mêmes au sein de la misère, mais ceux qui, ne parlant de ce qui les concerne qu'avec réserve, sont capables de se mêler utilement aux hommes et aux affaires, et qui, n'étant jamais troublés par les vicissitudes de la vie, savent soutenir avec la même noblesse et la même modération la bonne et la mauvaise fortune.

Les doubles numéros proviennent de la portion du texte d'Isocrate retrouvée par André Mustoxides à Milan, en 1812.

[74] Τῶν μὲν τοίνυν λόγων ἅλις ἡμῖν ἔστω τῶν ἀναγιγνωσκομένων καὶ τηλικοῦτο μῆκος ἐχόντων· ἐπεὶ μικροῦ γε μέρους τῶν πάλαι γεγραμμένων οὐκ ἂν ἀποσχοίμην, ἀλλ' εἴποιμ' ἂν εἴ τί μοι δόξειε πρέπον εἶναι τῶ παρόντι καιρῷ· καὶ γὰρ ἂν ἄτοπος εἴην, εἰ τοὺς ἄλλους ὁρῶν τοῖς ἐμοῖς χρωμένους ἐγὼ μόνος ἀπεχοίμην τῶν ὑπ' ἐμοῦ πρότερον εἰρημένων, ἄλλως τε καὶ νῦν ὅτ' οὐ μόνον μικροῖς μέρεσιν ἀλλ' ὅλοις εἴδεσι προειλόμην χρῆσθαι πρὸς ὑμᾶς. Ταῦτα μὲν οὖν, ὅπως ἂν ἡμῖν συμπίπτῃ, ποιήσομεν. [75] Εἶπον δέ που, πρὶν ἀναγιγνώσκεσθαι τούτους, ὡς ἄξιος εἴην οὐ μόνον, εἰ βλαβεροῖς χρῶμαι τοῖς λόγοις, δοῦναι δίκην ὑμῖν, ἀλλ' εἰ μὴ τοιούτοις οἵοις οὐδεὶς ἄλλος, τῆς μεγίστης τυχεῖν τιμωρίας. Εἴ τινες οὖν ὑμῶν ὑπέλαβον τότε λίαν ἀλαζονικὸν εἶναι καὶ μέγα τὸ ῥηθέν, οὐκ ἂν δικαίως ἔτι τὴν γνώμην ταύτην ἔχοιεν· οἶμαι γὰρ ἀποδεδωκέναι τὴν ὑπόσχεσιν καὶ τοιούτους εἶναι τοὺς λόγους τοὺς ἀναγνωσθέντας οἵους περ ἐξ ἀρχῆς ὑπεθέμην. [76] Βούλομαι δ' ὑμῖν διὰ βραχέων ἀπολογήσασθαι περὶ ἑκάστου, καὶ ποιῆσαι μᾶλλον ἔτι καταφανὲς ὡς ἀληθῆ καὶ τότε προεῖπον καὶ νῦν λέγω περὶ αὐτῶν.

Καὶ πρῶτον μὲν ποῖος γένοιτ' ἂν λόγος ὁσιώτερος ἢ δικαιότερος τοῦ τοὺς προγόνους ἐγκωμιάζοντος ἀξίως τῆς ἀρετῆς τῆς ἐκείνων καὶ τῶν ἔργων τῶν πεπραγμένων αὐτοῖς; [77] Ἔπειτα τίς ἂν πολιτικώτερος καὶ μᾶλλον πρέπων τῇ πόλει τοῦ τὴν ἡγεμονίαν ἀποφαίνοντος ἔκ τε τῶν ἄλλων εὐεργεσιῶν καὶ τῶν κινδύνων ἡμετέραν οὖσαν μᾶλλον ἢ Λακεδαιμονίων; Ἔτι δὲ τίς ἂν περὶ καλλιόνων καὶ μειζόνων πραγμάτων τοῦ τοὺς Ἕλληνας ἐπί τε τὴν τῶν βαρβάρων στρατείαν παρακαλοῦντος καὶ περὶ τῆς πρὸς ἀλλήλους ὁμονοίας συμβουλεύοντος; [78] Ἐν μὲν τοίνυν τῷ πρώτῳ λόγῳ περὶ τούτων τυγχάνω διειλεγμένος, ἐν δὲ τοῖς ὑστέροις περὶ ἐλαττόνων μὲν ἢ τηλικούτων, οὐ μὴν περὶ ἀχρηστοτέρων οὐδ' ἧττον τῇ πόλει συμφερόντων. Γνώσεσθε δὲ τὴν δύναμιν αὐτῶν, ἢν παραβάλλητε πρὸς ἕτερα τῶν εὐδοκιμούντων καὶ τῶν ὠφελίμων εἶναι δοκούντων. [79] Οἶμαι δὴ πάντας ἂν ὁμολογῆσαι τοὺς νόμους πλείστων καὶ μεγίστων ἀγαθῶν αἰτίους εἶναι τῷ βίῳ τῶν ἀνθρώπων· ἀλλ' ἡ μὲν τούτων χρῆσις τοῦτ' ὠφελεῖν μόνον πέφυκε, τὰ κατὰ τὴν πόλιν καὶ τὰ συμβόλαια τὰ γιγνόμενα πρὸς ἡμᾶς αὐτούς· εἰ δὲ τοῖς λόγοις πείθοισθε τοῖς ἐμοῖς, ὅλην τὴν Ἑλλάδα καλῶς ἂν διοικοῖτε καὶ δικαίως καὶ τῇ πόλει συμφερόντως. [80] Χρὴ δὲ τοὺς νοῦν ἔχοντας περὶ ἀμφότερα μὲν ταῦτα σπουδάζειν, αὐτοῖν δὲ τούτοιν τὸ μεῖζον καὶ τὸ πλέονος ἄξιον προτιμᾶν, ἔπειτα κἀκεῖνο γιγνώσκειν, ὅτι νόμους μὲν θεῖναι μυρίοι καὶ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων καὶ τῶν βαρβάρων ἱκανοὶ γεγόνασιν, εἰπεῖν δὲ περὶ τῶν συμφερόντων ἀξίως τῆς πόλεως καὶ τῆς Ἑλλάδος οὐκ ἂν πολλοὶ δυνηθεῖεν. [81] Ὧν ἕνεκα τοὺς ἔργον ποιουμένους τοὺς τοιούτους λόγους εὑρίσκειν τοσούτῳ χρὴ περὶ πλείονος ποιεῖσθαι τῶν τοὺς νόμους τιθέντων καὶ γραφόντων, ὅσῳ πέρ εἰσι σπανιώτεροι καὶ χαλεπώτεροι καὶ ψυχῆς φρονιμωτέρας δεόμενοι τυγχάνουσιν, ἄλλως τε δὴ καὶ νῦν. [82] Ὅτε μὲν γὰρ ἤρχετο τὸ γένος τὸ τῶν ἀνθρώπων γίγνεσθαι καὶ συνοικίζεσθαι κατὰ πόλεις, εἰκὸς ἦν παραπλησίαν εἶναι τὴν ζήτησιν αὐτῶν· ἐπειδὴ δ' ἐνταῦθα προεληλύθαμεν ὥστε καὶ τοὺς λόγους τοὺς εἰρημένους καὶ τοὺς νόμους τοὺς κειμένους ἀναριθμήτους εἶναι, καὶ τῶν μὲν νόμων ἐπαινεῖσθαι τοὺς ἀρχαιοτάτους τῶν δὲ λόγων τοὺς καινοτάτους, οὐκέτι τῆς αὐτῆς διανοίας ἔργον ἐστίν, [83] ἀλλὰ τοῖς μὲν τοὺς νόμους τιθέναι προαιρουμένοις προὔργου γέγονε τὸ πλῆθος τῶν κειμένων ̔οὐδὲν γὰρ αὐτοὺς δεῖ ζητεῖν ἑτέρους, ἀλλὰ τοὺς παρὰ τοῖς ἄλλοις εὐδοκιμοῦντας πειραθῆναι συναγαγεῖν, ὃ ῥᾳδίως ὅστις ἂν οὖν βουληθεὶς ποιήσειἐ, τοῖς δὲ περὶ τοὺς λόγους πραγματευομένοις διὰ τὸ προκατειλῆφθαι τὰ πλεῖστα τοὐναντίον συμβέβηκε· λέγοντες μὲν γὰρ ταὐτὰ τοῖς πρότερον εἰρημένοις ἀναισχυντεῖν καὶ ληρεῖν δόξουσι, καινὰ δὲ ζητοῦντες ἐπιπόνως εὑρήσουσι. Διόπερ ἔφασκον ἀμφοτέροις μὲν ἐπαινεῖσθαι προσήκειν, πολὺ δὲ μᾶλλον τοῖς τὸ χαλεπώτερον ἐξεργάζεσθαι δυναμένοις.

[84] Ἀλλὰ μὴν καὶ τῶν ἐπὶ τὴν σωφροσύνην καὶ τὴν δικαιοσύνην προσποιουμένων προτρέπειν ἡμεῖς ἂν ἀληθέστεροι καὶ χρησιμώτεροι φανεῖμεν ὄντες. Οἱ μὲν γὰρ παρακαλοῦσιν ἐπὶ τὴν ἀρετὴν καὶ τὴν φρόνησιν τὴν ὑπὸ τῶν ἄλλων μὲν ἀγνοουμένην, ὑπ' αὐτῶν δὲ τούτων ἀντιλεγομένην, ἐγὼ δ' ἐπὶ τὴν ὑπὸ πάντων ὁμολογουμένην. [85] Κἀκείνοις μὲν ἀπόχρη τοσοῦτον, ἢν ἐπαγαγέσθαι τινὰς τῇ δόξῃ τῇ τῶν ὀνομάτων δυνηθῶσιν εἰς τὴν αὑτῶν ὁμιλίαν, ἐγὼ δὲ τῶν μὲν ἰδιωτῶν οὐδένα πώποτε φανήσομαι παρακαλέσας ἐπ' ἐμαυτόν, τὴν δὲ πόλιν ὅλην πειρῶμαι πείθειν τοιούτοις πράγμασιν ἐπιχειρεῖν, ἐξ ὧν αὐτοί τε εὐδαιμονήσουσι καὶ τοὺς ἄλλους Ἕλληνας τῶν παρόντων κακῶν ἀπαλλάξουσι. [86] Καί τοι τὸν πάντας τοὺς πολίτας προτρέπειν προθυμούμενον πρὸς τὸ βέλτιον καὶ δικαιότερον προστῆναι τῶν Ἑλλήνων, πῶς εἰκὸς τοῦτον τοὺς συνόντας διαφθείρειν; Τίς δὲ τοιούτους λόγους εὑρίσκειν δυνάμενος πονηροὺς ἂν καὶ περὶ πονηρῶν πραγμάτων ζητεῖν ἐπιχειρήσειεν, ἄλλως τε καὶ διαπεπραγμένος ἀπ' αὐτῶν ἅπερ ἐγώ;

[87] Τούτων γὰρ γραφέντων καὶ διαδοθέντων καὶ δόξαν ἔσχον παρὰ πολλοῖς καὶ μαθητὰς πολλοὺς ἔλαβον, ὧν οὐδεὶς ἂν παρέμεινεν, εἰ μὴ τοιοῦτον ὄντα με κατέλαβον οἷόν περ προσεδόκησαν· νῦν δὲ τοσούτων γεγενημένων, καὶ τῶν μὲν ἔτη τρία τῶν δὲ τέτταρα συνδιαιτηθέντων, οὐδεὶς οὐδὲν φανήσεται τῶν παρ' ἐμοὶ μεμψάμενος, [88] ἀλλ' ἐπὶ τελευτῆς, ὅτ' ἤδη μέλλοιεν ἀποπλεῖν ὡς τοὺς γονέας καὶ τοὺς φίλους τοὺς ἑαυτῶν, οὕτως ἠγάπων τὴν διατριβὴν ὥστε μετὰ πόθου καὶ δακρύων ποιεῖσθαι τὴν ἀπαλλαγήν. Καὶ τοι πότερα χρὴ πιστεύειν ὑμᾶς τοῖς σαφῶς ἐπισταμένοις καὶ τοὺς λόγους καὶ τὸν τρόπον τὸν ἐμόν, ἢ τῷ μηδὲν μὲν εἰδότι τῶν ἐμῶν, προῃρημένῳ δὲ συκοφαντεῖν; Ὃς εἰς τοσοῦτο πονηρίας καὶ τόλμης ἐλήλυθεν, [89] ὥστε γραψάμενος ὡς λόγους διδάσκω δι' ὧν πλεονεκτήσουσι παρὰ τὸ δίκαιον ἀπόδειξιν μὲν οὐδεμίαν τούτων ἤνεγκε, λέγων δὲ διατετέλεκεν ὡς δεινόν ἐστι διαφθείρεσθαι τοὺς τηλικούτους, ὥσπερ ἀντιλέγοντός τινος περὶ τούτων, ἢ τοῦτο δέον αὐτὸν ἀποφαίνειν ὃ πάντες ὁμολογοῦσιν, ἀλλ' οὐκ ἐκεῖνο μόνον διδάσκειν ὡς ἐγὼ τυγχάνω ταῦτα διαπραττόμενος. [90] Καὶ εἰ μέν τις τοῦτον ἀπαγαγὼν ἀνδραποδιστὴν καὶ κλέπτην καὶ λωποδύτην μηδὲν μὲν αὐτὸν ἀποφαίνοι τούτων εἰργασμένον, διεξίοι δ' ὡς δεινὸν ἕκαστόν ἐστι τῶν κακουργημάτων, ληρεῖν ἂν φαίη καὶ μαίνεσθαι τὸν κατήγορον, αὐτὸς δὲ τοιούτοις λόγοις κεχρημένος οἴεται λανθάνειν ὑμᾶς. [91] Ἐγὼ δ' ἡγοῦμαι τοῦτό γε καὶ τοὺς ἀμαθεστάτους γιγνώσκειν, ὅτι δεῖ πιστὰς εἶναι καὶ μέγα δυναμένας τῶν κατηγοριῶν οὐχ αἷς ἔξεστι χρήσασθαι καὶ περὶ τῶν μηδὲν ἠδικηκότων, ἀλλ' ἃς οὐχ οἷόν τ' εἰπεῖν ἀλλ' ἤ κατὰ τῶν ἡμαρτηκότων· ὧν αὐτὸς ὀλιγωρήσας οὐδὲν προσήκοντας τῇ γραφῇ λόγους εἴρηκεν· [92] ἔδει γὰρ αὐτὸν καὶ τοὺς λόγους δεικνύναι τοὺς ἐμούς, οἷς διαφθείρω τοὺς συνόντας, καὶ τοὺς μαθητὰς φράζειν τοὺς χείρους διὰ τὴν συνουσίαν τὴν ἐμὴν γεγενημένους· νῦν δὲ τούτων μὲν οὐδέτερον πεποίηκε, παραλιπὼν δὲ τὴν δικαιοτάτην τῶν κατηγοριῶν ἐξαπατᾶν ὑμᾶς ἐπεχείρησεν. Ἐγὼ δ' ἐξ αὐτῶν τούτων ἐξ ὧν περ προσήκει καὶ δίκαιόν ἐστι, ποιήσομαι τὴν ἀπολογίαν.

[93] Καὶ τοὺς μὲν λόγους ὀλίγῳ πρότερον ἀνέγνωμεν ὑμῖν, τοὺς δὲ κεχρημένους ἐκ μειρακίων μοι μέχρι γήρως δηλώσω, καὶ μάρτυρας ὑμῶν αὐτῶν παρέξομαι περὶ ὧν ἂν λέγω τοὺς κατὰ τὴν ἡλικίαν τὴν ἐμὴν γεγενημένους. Ἤρξαντο μὲν οὖν ἐν πρώτοις Εὔνομός μοι καὶ Λυσιθείδης καὶ Κάλλιππος πλησιάζειν, μετὰ δὲ τούτους Ὀνήτωρ, Ἀντικλῆς, Φιλωνίδης, Φιλόμηλος, [94] Χαρμαντίδης. Τούτους ἅπαντας ἡ πόλις χρυσοῖς στεφάνοις ἐστεφάνωσεν, οὐχ ὡς τῶν ἀλλοτρίων ἐφιεμένους, ἀλλ' ὡς ἄνδρας ἀγαθοὺς ὄντας καὶ πολλὰ τῶν ἰδίων εἰς τὴν πόλιν ἀνηλωκότας. Πρὸς οὓς ὅπως βούλεσθε θέτε με διακεῖσθαι· πρὸς γὰρ τὸ παρὸν πανταχῶς ἕξει μοι καλῶς. [95] Ἤν τε γὰρ ὑπολάβητε σύμβουλον εἶναί με καὶ διδάσκαλον τούτων, δικαίως ἂν ἔχοιτέ μοι πλείω χάριν ἢ τοῖς δι' ἀρετὴν ἐν πρυτανείῳ σιτουμένοις· τούτων μὲν γὰρ ἕκαστος αὑτὸν μόνον παρέσχε καλὸν κἀγαθόν, ἐγὼ δὲ τοσούτους τὸ πλῆθος ὅσους ὀλίγῳ πρότερον διῆλθον ὑμῖν. [96] Εἴ τε τῶν μὲν πεπραγμένων ἐκείνοις μηδὲν συναίτιος ἐγενόμην, ὡς ἑταίροις δὲ καὶ φίλοις αὐτοῖς ἐχρώμην, ἱκανὴν ὑπὲρ ὧν φεύγω τὴν γραφὴν ἡγοῦμαι καὶ ταύτην εἶναι τὴν ἀπολογίαν· εἰ γὰρ τοῖς μὲν δι' ἀρετὴν δωρεὰς εἰληφόσιν ἤρεσκον, τῷ δὲ συκοφάντῃ μὴ τὴν αὐτὴν ἔχω γνώμην, πῶς ἂν εἰκότως γνωσθείην τοὺς συνόντας διαφθείρειν; [97] Ἢ πάντων γ' ἂν εἴην δυστυχέστατος, εἰ τῶν ἄλλων ἀνθρώπων ἔκ τε τῶν ἐπιτηδευμάτων καὶ τῶν συνουσιῶν τῶν μὲν χείρω τῶν δὲ βελτίω δόξαν λαμβανόντων ἐγὼ μόνος μὴ τύχοιμι τῆς δοκιμασίας ταύτης, ἀλλὰ τοιούτοις μὲν ἀνδράσι συμβεβιωκώς, ἀνέγκλητον δ' ἐμαυτὸν μέχρι ταυτησὶ τῆς ἡλικίας παρεσχηκώς, ὅμοιος εἶναι δόξαιμι τοῖς ἔκ τε τῶν ἐπιτηδευμάτων καὶ τῶν ἄλλων συνουσιῶν διαβεβλημένοις. Ἡδέως δ' ἂν εἰδείην τί ποτ' ἂν ἔπαθον, εἴ τίς μοι τοιοῦτος ἦν συγγεγενημένος οἷός πέρ ἐστιν ὁ κατήγορος, ὃς μισῶν ἅπαντας τοὺς τοιούτους καὶ μισούμενος εἰς τουτονὶ καθέστηκα τὸν κίνδυνον.

[98] Καὶ μὴν οὐδ' ἐκεῖνος ὁ λόγος δικαίως ἄν με βλάψειεν, ὃν ἴσως ἄν τινες τολμήσαιεν εἰπεῖν τῶν παντάπασι πρός με δυσκόλως διακειμένων, ὡς τούτοις μὲν οἷς εἴρηκα τοσοῦτον μόνον ἐχρώμην ὅσον ὀφθῆναι διαλεγόμενος, ἕτεροι δέ τινές μοι πολλοὶ καὶ πολυπράγμονες μαθηταὶ γεγόνασιν, οὓς ἀποκρύπτομαι πρὸς ὑμᾶς. Ἔχω γὰρ λόγον ὃς ἐξελέγξει καὶ διαλύσει πάσας τὰς τοιάσδε βλασφημίας· ἀξιῶ γάρ, [99] εἰ μέν τινες τῶν ἐμοὶ συγγεγενημένων ἄνδρες ἀγαθοὶ γεγόνασι περὶ τὴν πόλιν καὶ τοὺς φίλους καὶ τὸν ἴδιον οἶκον, ἐκείνους ὑμᾶς ἐπαινεῖν, ἐμοὶ δὲ μηδεμίαν ὑπὲρ τούτων χάριν ἔχειν, εἰ δὲ πονηροὶ καὶ τοιοῦτοι τὰς φύσεις οἷοι φαίνειν καὶ γράφεσθαι καὶ τῶν ἀλλοτρίων ἐπιθυμεῖν, [100] παρ' ἐμοῦ δίκην λαμβάνειν. Καίτοι τίς ἂν πρόκλησις γένοιτο ταύτης ἀνεπιφθονωτέρα, καὶ δικαιοτέρα τῆς τῶν μὲν καλῶν κἀγαθῶν οὐκ ἀμφισβητούσης, εἰ δέ τινες πονηροὶ γεγόνασιν, ὑπὲρ τούτων δίκην ὑποσχεῖν ἐθελούσης; Καὶ ταῦτ' οὐ λόγος μάτην εἰρημένος ἐστίν, ἀλλὰ παραχωρῶ καὶ τῷ κατηγόρῳ καὶ τῷ βουλομένῳ τῶν ἄλλων, εἴ τις ἔχει τινὰ φράσαι τοιοῦτον, οὐχ ὡς οὐχ ἡδέως ἄν τινών μου καταψευσαμένων, ἀλλ' ὡς εὐθὺς φανερῶν ἐσομένων ὑμῖν καὶ τῆς ζημίας ἐκείνοις ἀλλ' οὐκ ἐμοὶ γενησομένης.

[74] 26-1. Les passages qui viennent d'être reproduits devant vous et dont l'étendue, peut-être, a dépassé de justes limites, devraient suffire à ma justification. Je n'hésiterai pas néanmoins à me servir encore de quelques parties peu étendues des discours que j'ai écrits à d'autres époques, et je les rappellerai toutes les fois que cela me paraîtra en harmonie avec les circonstances. Je blesserais la raison, lorsque je vois les autres faire usage de ce qui m'appartient, si je m'abstenais seul de tirer avantage des choses que j'ai dites autrefois, surtout lorsque déjà j'ai jugé utile de me servir devant vous, non seulement de quelques extraits, mais de parties entières. Je le ferai donc chaque fois que l'occasion m'en sera offerte. [75] J'ai dit, avant la lecture de ces passages, que non seulement je mériterais d'être condamné par vous, si j'avais composé des discours pernicieux, mais que si mes discours n'étaient pas tels que personne ne pourrait en produire de semblables, je me considérerais comme digne des plus sévères châtiments. Si donc quelques-uns parmi vous avaient vu dans cette parole un excès d'ostentation, un enivrement d'orgueil, ils ne pourraient maintenant, avec justice, conserver la même opinion, car je suis certain que j'ai tenu ma promesse, et que les discours qui ont été lus devant vous sont tels que d'abord je les avais annoncés. [76] Je vais maintenant faire en peu de mots l'apologie de chacun d'eux, et vous montrer encore avec plus d'évidence qu'alors j'ai dit la vérité, et que je la dis encore aujourd'hui en ce qui les concerne.

26-2. Et d'abord quel discours plus conforme à la piété et à la justice que celui qui donne à nos ancêtres des louanges dignes de leur vertu et des grandes actions qu'ils ont faites ? [77] Quel discours plus patriotique et plus digne d'Athènes, que celui qui montre a la fois, par les bienfaits que nous avons répandus et par les périls que nous avons bravés, que la suprématie appartient à notre patrie plutôt qu'à Lacédémone ? Quel discours plus grand, plus noble par le sujet qu'il traite, que celui qui exhorte les Grecs à marcher contre les Barbares et qui leur donne le conseil de mettre un terme à leurs discordes ? [78] Voilà les questions traitées dans le premier discours ; si, dans les autres, les sujets ne s'élèvent point à la même hauteur, ils n'offrent ni moins d'utilité ni moins d'avantages pour notre patrie. Vous apprécierez leur puissance, si vous voulez les comparer avec d'autres discours célèbres et dont l'utilité n'est pas contestée. [79] Tout le monde conviendra, je pense, que les lois sont la source des plus nombreuses et des plus grandes prospérités de la vie humaine ; leur utilité cependant se borne à l'enceinte de notre ville et à nos rapports entre nous, tandis que, si vous vous laissez convaincre par mes discours, vous dirigerez les affaires de la Grèce entière avec grandeur, avec justice, avec avantage pour notre patrie. [80] Certes, il appartient aux hommes sensés de s'attacher à ces deux choses ; mais ils doivent estimer davantage celle qui a le plus de grandeur et d'éclat ; et, ensuite, ils doivent savoir qu'instituer des lois est une oeuvre que des milliers d'hommes, parmi les autres Grecs comme parmi les Barbares, sont capables d'accomplir; mais que s'exprimer sur des questions d'utilité publique d'une manière digne à la fois d'Athènes et de la Grèce, est un talent que bien peu d'hommes possèdent ; [81] d'où il résulte que ceux qui consacrent leurs veilles à' composer de tels discours, doivent l'emporter d'autant plus dans l'estime des peuples sur ceux qui établissent ou qui rédigent des lois, qu'ils sont plus rares, se forment plus difficilement et ont besoin d'un esprit plus sage, surtout dans les temps où nous vivons. [82] Lorsque la race des hommes a commencé à exister et à se réunir pour habiter dans des villes, il était naturel que l'art de composer des discours et celui de rédiger des lois fussent placés à peu près sur la même ligne ; mais, depuis que nous en sommes arrivés à ce point que, les discours prononcés et les lois instituées étant devenus innombrables, on a préféré les lois les plus anciennes et les discours les plus nouveaux, ces études ne sont plus l'œuvre du même génie. [83] Ceux qui se vouent à l'établissement des lois, trouvant des ressources toutes prêtes dans la multitude de celles qui existent, ne sont pas obligés d'en chercher de nouvelles ; il leur suffit de réunir celles qui sont en honneur chez les autres peuples ; travail facile pour quiconque veut s'y livrer. Or le contraire arrive pour les hommes qui composent des discours, parce que la plus grande partie des ressources ayant été employées avant eux, s'ils répètent ce qui a été dit, on les accuse de radotage ou d'impudence ; et s'ils cherchent des choses nouvelles, il leur est difficile d'en trouver. Voilà pourquoi j'ai établi qu'il fallait louer les uns et les autres, mais plus particulièrement ceux qui ont la faculté de faire ce qui offre le plus de difficulté.

[84] On reconnaîtra d'ailleurs que, parmi ceux qui font profession de diriger les hommes vers la sagesse et la justice, nous sommes évidemment les plus sincères, les plus réellement utiles. Les autres exhortent à une vertu, à une sagesse ignorée du reste des hommes, qui, même parmi eux, est un objet de controverse, tandis que, moi, j'exhorte à une sagesse reconnue de tout le monde. [85] C'est assez pour eux s'ils parviennent à attirer par le retentissement de leur nom quelques disciples dans leur société intime, tandis qu'on ne verra jamais que j'aie engagé qui que ce soit à devenir mon disciple, et que l'unique but de mes efforts a été de persuader à notre ville tout entière de faire des entreprises qui pussent assurer son bonheur et délivrer les Grecs des maux dont ils sont accablés. [86] Comment serait-il possible de supposer qu'un homme qui s'efforce d'obtenir que ses concitoyens se mettent à la tête de la Grèce dans l'intérêt du bien et .de la justice puisse corrompre ses disciples? Et quel est celui qui, pouvant composer de tels discours, entreprendrait d'écrire des discours pernicieux sur des sujets pernicieux eux-mêmes, surtout si les premiers lui eussent offert des avantages pareils à ceux que j'ai recueillis ?

26-3. En effet, lorsque ces discours eurent été écrits et répandus dans le public, ma renommée s'étendit au loin, et je réunis bientôt un grand nombre de disciples, dont aucun n'eût persévéré s'ils ne m'eussent pas trouvé tel qu'ils s'y étaient attendus. Maintenant, parmi tant d'hommes qui ont vécu avec moi dans des rapports intimes, les uns trois ans, les autres quatre, on n'en verra pas un seul qui m'ait adressé un reproche, [88] et à la fin de leurs études, quand ils devaient mettre à la voile pour retourner vers leurs parents et leurs amis, ils étaient si attachés à notre vie commune qu'ils ne se séparaient de moi qu'avec des regrets et des larmes. En qui devez-vous cependant mettre votre confiance? Est-ce dans les hommes qui ont acquis une parfaite connaissance de mes discours et de mes mœurs, ou dans celui qui, ne sachant rien de ce qui me concerne, a résolu de me calomnier ; qui en est venu à ce point de perversité et d'audace, [89] qu'après avoir écrit, dans une accusation, que j'enseignais à composer des discours à l'aide desquels ou pouvait triompher de la justice, n'a pas produit un seul passage à l'appui de cette assertion, et qui répète sans cesse que c'est une action infâme de corrompre la jeunesse, comme si quelqu'un niait cette vérité, ou comme s'il était obligé de démontrer ce que tout le monde avoue, et non d'établir la preuve que je commets ces énormités ? [90] Si quelqu'un le traduisait en justice comme vendeur frauduleux d'esclaves, comme voleur, comme brigand, et se bornait à discourir sur ce qu'il y a d'odieux dans chacun des crimes dont il l'accuserait, sans montrer qu'il se soit rendu coupable d'un seul, il dirait que l'accusateur divague, qu'il a perdu la raison ; et c'est pourtant en se servant de discours semblables que Lysimaque croit vous tromper! [91] Pour moi, je suis convaincu que même les plus ignorants savent que les accusations dignes de foi et ayant une véritable autorité ne sont pas de vaines allégations dont on peut se servir même contre des hommes qui n'ont commis aucun crime, mais des inculpations qui ne peuvent être dirigées que contre des coupables. Or, celles-là, Lysimaque les dédaigne, en même temps qu'il débite des paroles qui n'ont pas le moindre rapport avec l'accusation. [92] Il aurait dû produire les discours à l'aide desquels je corromps les hommes qui vivent avec moi, et désigner les disciples qui se sont pervertis en fréquentant mon école. Mais il n'a fait ni l'un ni l'autre, et, s'écartant du genre d'accusation voulu par la justice, il a seulement cherché à vous induire en erreur. Quant à moi, c'est des preuves naturelles et légitimes de mon innocence que je ferai sortir mon apologie.

[93] Les discours vous ont été lus il y a peu d'instants ; je vais maintenant vous faire connaître les hommes qui ont eu avec moi des rapports intimes, depuis l'adolescence jusqu'à la vieillesse, et je produirai pour témoins ceux d'entre vous qui sont du même âge que moi. A leur tête se présentent Eunomus, Lysithéides, puis Callippus, puis Onétor, Anticlès, Philonides, Philomélus [94] et Charmantides. Notre ville leur a décerné, à tous, des couronnes d'or, non pas pour avoir convoité des richesses qui ne leur appartenaient pas, mais pour avoir été des citoyens vertueux, et pour avoir dépensé une partie considérable de leur fortune dans l'intérêt de leur patrie. Placez-moi à leur égard dans la situation qui vous conviendra, il en ressortira toujours de l'avantage pour ma cause ; [95] car, si vous croyez que j'ai été le conseil et le maître de ces hommes, ce sera avec justice que vous aurez pour moi plus de reconnaissance que pour les citoyens nourris dans le prytanée à cause de leur vertu, chacun d'eux s'étant produit isolément comme un bon et loyal citoyen ; tandis que, seul, j'ai formé ce grand nombre d'hommes distingués que je viens de vous signaler; [96] et si mes inspirations n'ont influé en rien sur ce qu'ils ont fait, si je n'ai eu de rapports avec eux qu'à titre de compagnon et d'ami, je crois encore que les choses que j'ai dites sont capables de détruire celles dont on m'accuse et forment en ma faveur une apologie suffisante ; car, si j'ai obtenu l'estime de ces hommes qui ont reçu des récompenses à cause de leur vertu, et si, d'un autre côté, je me trouve en opposition de sentiments avec un tel sycophante, comment pourrait-on justement me considérer comme capable de corrompre ceux qui vivent avec moi ? [97] Ne serais-je pas le plus infortuné des hommes si, lorsque les autres recueillent de leurs habitudes et des sociétés qu'ils fréquentent une renommée, les uns meilleure, les autres pire, j'étais le seul qui ne pût obtenir le bénéfice d'une pareille épreuve; et si, lorsque j'ai passé ma vie dans l'intimité de tels hommes, lorsque je me suis maintenu à l'abri de tout reproche jusqu'à un âge aussi avancé, je paraissais semblable à ceux que d'autres mœurs et d'autres relations sociales font accuser avec justice? J'apprendrais volontiers ce que j'aurais eu à subir, s'il se fût rencontré dans mon intimité quelqu'un de la nature de mon accusateur; moi qui, haïssant tous les hommes de ce caractère, et haï moi-même par eux, me vois exposé à un si grand péril.

[98] Je ne pourrais même pas être atteint par l'objection qu'oseront peut-êτre me faire plusieurs de mes ennemis les plus acharnés, savoir, que mes rapports avec les hommes que j'ai cités se bornaient strictement à ce qu'on m'ait vu converser avec eux, tandis qu'un grand nombre de mes autres disciples ont été des intrigants dont je tais les noms devant vous. [99] Et en effet je demande, si quelques-uns de ceux qui ont vécu familièrement avec moi ont été des hommes de probité et d'honneur envers leur pays, envers leurs amis, envers leur propre famille, de les louer pour eux-mêmes et de n'éprouver, à cause d'eux, aucune bienveillance pour moi ; et si, au contraire, quelques-uns ont été des hommes pervers, des hommes capables par leur nature de dénoncer, d'intenter des accusations mensongères, d'envier le bien des autres, [100] je vous demande de me punir. Quelle proposition pourrait être plus juste, plus à l'abri des traits de l'envie, que celle d'un homme qui, ne revendiquant aucun avantage à cause des citoyens vertueux et honnêtes qui ont vécu dans son intimité, consent, si l'on peut y rencontrer quelques hommes coupables, à être puni à cause d'eux ? Et ce n'est point là une vaine parole, car je permets à mon accusateur et à quiconque le voudra, s'il connaît un seul homme de ce genre parmi mes disciples, de le nommer devant vous ; non pas qu'il ne puisse se trouver des calomniateurs jaloux de m'attaquer, mais ils seraient à l'instant démasqués, et alors le châtiment retomberait sur eux, et non sur moi.

[101] Περὶ μὲν οὖν ὧν φεύγω τὴν γραφὴν καὶ τοῦ μὴ διαφθείρειν τοὺς συνόντας, οὐκ οἶδ' ὅπως ἂν σαφέστερον ἐπιδεῖξαι δυνηθείην.

Ἐμνήσθη δὲ καὶ τῆς πρὸς Τιμόθεόν μοι φιλίας γεγενημένης, καὶ διαβάλλειν ἡμᾶς ἀμφοτέρους ἐπεχείρησε, καὶ οὐκ ᾐσχύνθη περὶ ἀνδρὸς τετελευτηκότος καὶ πολλῶν ἀγαθῶν αἰτίου τῇ πόλει βλασφήμους καὶ λίαν ἀσελγεῖς λόγους εἰπών. Ἐγὼ δ' ᾤμην μέν, [102] εἰ καὶ φανερῶς ἐξηλεγχόμην ἀδικῶν, διὰ τὴν πρὸς ἐκεῖνον φιλίαν σώζεσθαί μοι προσήκειν· ἐπειδὴ δὲ Λυσίμαχος καὶ τοῖς τοιούτοις ἐπιχειρεῖ με βλάπτειν ἐξ ὧν δικαίως ἂν ὠφελοίμην, ἀναγκαίως ἔχει διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν.

Διὰ τοῦτο δ' οὐχ ἅμα περὶ τούτου καὶ τῶν ἄλλων ἐπιτηδείων ἐποιησάμην τὴν μνείαν, ὅτι πολὺ τὰ πράγματα διέφερεν αὐτῶν. [103] Περὶ μὲν γὰρ ἐκείνων οὐδὲν φλαῦρον εἰπεῖν ὁ κατήγορος ἐτόλμησε, περὶ δὲ τὴν Τιμοθέου κατηγορίαν μᾶλλον ἐσπούδασεν ἢ περὶ ὧν ἀπήνεγκε τὴν γραφήν· ἔπειθ' οἱ μὲν ὀλίγων ἐπεστάτησαν, τῶν δ' ἑκάστῳ προσταχθέντων οὕτως ἐπεμελήθησαν ὥστε τυχεῖν τῆς τιμῆς τῆς ὀλίγῳ πρότερον ὑπ' ἐμοῦ λεχθείσης, ὁ δὲ πολλῶν καὶ μεγάλων πραγμάτων καὶ πολὺν χρόνον κατέστη κύριος. Ὥστ' οὐκ ἂν ἥρμοσεν ἅμα περὶ τούτου καὶ τῶν ἄλλων χρήσασθαι τοῖς λόγοις, ἀλλ' ἀναγκαίως εἶχεν οὕτω διελέσθαι καὶ διατάξασθαι περὶ αὐτῶν. [104] Χρὴ δὲ τὸν ὑπὲρ ἐκείνου λόγον οὐκ ἀλλότριον εἶναι νομίζειν τοῖς ἐνεστῶσι πράγμασιν, οὐδ' ἐμὲ λέγειν ἔξω τῆς γραφῆς· τοῖς μὲν γὰρ ἰδιώταις ὑπὲρ ὧν ἕκαστος ἔπραξε προσήκει διαλεχθεῖσι καταβαίνειν ἢ δοκεῖν περιεργάζεσθαι, τοῖς δ' ὑπολαμβανομένοις συμβούλοις εἶναι καὶ διδασκάλοις ὁμοίως ὑπὲρ τῶν συγγεγενημένων ὥσπερ ὑπὲρ αὑτῶν ἀναγκαῖον ποιεῖσθαι τὴν ἀπολογίαν, ἄλλως τ' ἢν καὶ τύχῃ τις διὰ τὴν αἰτίαν ταύτην κρινόμενος· ὅ περ ἐμοὶ συμβέβηκεν. [105] Ἑτέρῳ μὲν οὖν ἀπέχρησεν ἂν τοῦτ' εἰπεῖν, ὡς οὐ δίκαιόν ἐστι μετέχειν εἴ τι Τιμόθεος πράττων μὴ κατώρθωσεν· οὐδὲ γὰρ τῶν δωρεῶν οὐδὲ τῶν τιμῶν οὐδεὶς αὐτῷ μετέδωκε τῶν ἐκείνῳ ψηφισθεισῶν, ἀλλ' οὐδ' ἐπαινέσαι τῶν ῥητόρων οὐδεὶς ἠξίωσεν ὡς σύμβουλον γεγενημένον· εἶναι δὲ δίκαιον ἢ καὶ τῶν ἀγαθῶν κοινωνεῖν ἢ μηδὲ τῶν ἀτυχιῶν ἀπολαύειν. [106] Ἐγὼ δὲ ταῦτα μὲν αἰσχυνθείην ἂν εἰπεῖν, τὴν αὐτὴν δὲ ποιοῦμαι πρόκλησιν ἥν περ καὶ περὶ τῶν ἄλλων· ἀξιῶ γάρ, εἰ μὲν κακὸς ἀνὴρ γέγονε Τιμόθεος καὶ πολλὰ περὶ ὑμᾶς ἐξήμαρτε, μετέχειν καὶ δίκην διδόναι καὶ πάσχειν ὅμοια τοῖς ἀδικοῦσιν· ἢν δ' ἐπιδειχθῇ καὶ πολίτης ὢν ἀγαθὸς καὶ στρατηγὸς τοιοῦτος οἷος οὐδεὶς ἄλλος ὧν ἡμεῖς ἴσμεν, ἐκεῖνον μὲν οἶμαι δεῖν ὑμᾶς ἐπαινεῖν καὶ χάριν ἔχειν αὐτῷ, περὶ δὲ ταυτησὶ τῆς γραφῆς ἐκ τῶν ἐμοὶ πεπραγμένων, ὅ τι ἂν ὑμῖν δίκαιον εἶναι δοκῇ, τοῦτο γιγνώσκειν.

[107] Ἀθροώτατον μὲν οὖν τοῦτ' εἰπεῖν ἔχω περὶ Τιμοθέου καὶ μάλιστα καθ' ἁπάντων, ὅτι τοσαύτας ᾕρηκε πόλεις κατὰ κράτος ὅσας οὐδεὶς πώποτε τῶν ἐστρατηγηκότων, οὔτε τῶν ἐκ ταύτης τῆς πόλεως οὔτε τῶν ἐκ τῆς ἄλλης Ἑλλάδος, καὶ τούτων ἐνίας, ὧν ληφθεισῶν ἅπας ὁ τόπος ὁ περιέχων οἰκεῖος ἠναγκάσθη τῇ πόλει γενέσθαι· τηλικαύτην ἑκάστη δύναμιν εἶχε. [108] Τίς γὰρ οὐκ οἶδε Κόρκυραν μὲν ἐν ἐπικαιροτάτῳ καὶ κάλλιστα κειμένην τῶν περὶ Πελοπόννησον, Σάμον δὲ τῶν ἐν Ἰωνίᾳ, Σηστὸν δὲ καὶ Κριθώτην τῶν ἐν Ἑλλησπόντῳ, πόντῳ, Ποτίδαιαν δὲ καὶ Τορώνην τῶν ἐπὶ Θρᾴκης; Ὃς ἐκεῖνος ἁπάσας κτησάμενος παρέδωκεν ὑμῖν, οὐ δαπάναις μεγάλαις, οὐδὲ τοὺς ὑπάρχοντας συμμάχους λυμηνάμενος, οὐδὲ πολλὰς ὑμᾶς εἰσφορὰς ἀναγκάσας εἰσενεγκεῖν, [109] ἀλλ' εἰς μὲν τὸν περίπλουν τὸν περὶ Πελοπόννησον τρία καὶ δέκα μόνον τάλαντα δούσης αὐτῷ τῆς πόλεως καὶ τριήρεις πεντήκοντα Κόρκυραν εἷλε, πόλιν ὀγδοήκοντα τριήρεις κεκτημένην, καὶ περὶ τὸν αὐτὸν χρόνον Λακεδαιμονίους ἐνίκησε ναυμαχῶν, καὶ ταύτην αὐτοὺς ἠνάγκασε συνθέσθαι τὴν εἰρήνην, ἣ τοσαύτην μεταβολὴν ἑκατέρᾳ τῶν πόλεων ἐποίησεν, [110] ὥσθ' ἡμᾶς μὲν ἀπ' ἐκείνης τῆς ἡμέρας θύειν αὐτῇ καθ' ἕκαστον τὸν ἐνιαυτὸν ὡς οὐδεμιᾶς ἄλλης οὕτω τῇ πόλει συνενεγκούσης, Λακεδαιμονίων δὲ μετ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον μηδ' ὑφ' ἑνὸς ἑωρᾶσθαι μήτε ναυτικὸν ἐντὸς Μαλέας περιπλέον μήτε πεζὸν στρατόπεδον διὰ τοῦ Ἰσθμοῦ πορευόμενον, ὅπερ αὐτοῖς τῆς περὶ Λεῦκτρα συμφορᾶς εὕροι τις ἂν αἴτιον γεγενημένον. [111] Μετὰ δὲ ταύτας τὰς πράξεις ἐπὶ Σάμον στρατεύσας, ἣν Περικλῆς ὁ μεγίστην ἐπὶ σοφίᾳ καὶ δικαιοσύνῃ καὶ σωφροσύνῃ δόξαν εἰληφὼς ἀπὸ διακοσίων νεῶν καὶ χιλίων ταλάντων κατεπολέμησε, ταύτην οὔτε πλέον οὔτ' ἔλαττον παρ' ὑμῶν λαβὼν οὔτε παρὰ τῶν συμμάχων ἐκλέξας, ἐν δέκα μησὶν ἐξεπολιόρκησεν ὀκτακισχιλίοις πελτασταῖς καὶ τριήρεσι τριάκοντα, καὶ τούτοις ἅπασιν ἐκ τῆς πολεμίας τὸν μισθὸν ἀπέδωκε. [112] Καί τοι τοιοῦτον ἔργον ἄν τις ἄλλος φανῇ πεποιηκώς, ὁμολογῶ ληρεῖν, ὅτι διαφερόντως ἐπαινεῖν ἐπιχειρῶ τὸν οὐδὲν περιττότερον τῶν ἄλλων διαπεπραγμένον. Ἐντεῦθεν τοίνυν ἀναπλεύσας Σηστὸν καὶ Κριθώτην ἔλαβε, καὶ τὸν ἄλλον χρόνον ἀμελουμένης Χερρονήσου προσέχειν ὑμᾶς αὐτῇ τὸν νοῦν ἐποίησε. Τὸ δὲ τελευταῖον Ποτίδαιαν, [113] εἰς ἣν ἡ πόλις τετρακόσια καὶ δισχίλια τάλαντα τὸ πρότερον ἀνήλωσε, ταύτην εἷλεν ἀπὸ τῶν χρημάτων ὧν αὐτὸς ἐπόρισε καὶ τῶν συντάξεων τῶν ἀπὸ Θρᾴκης· καὶ προσέτι Χαλκιδεῖς ἅπαντας κατεπολέμησεν. Εἰ δὲ δεῖ μὴ καθ' ἕκαστον ἀλλὰ διὰ βραχέων εἰπεῖν, τεττάρων καὶ εἴκοσι πόλεων κυρίους ὑμᾶς ἐποίησεν ἐλάττω δαπανήσας ὧν οἱ πατέρες ἡμῶν εἰς τὴν Μηλίων πολιορκίαν ἀνήλωσαν.

[114] Ἠβουλόμην δ' ἄν,ὥσπερ ἐξαριθμῆσαι τὰς πράξεις ῥᾴδιον γέγονεν, οὕτως οἷόν τ' εἶναι συντόμως δηλῶσαι τοὺς καιροὺς ἐν οἷς ἕκαστα τούτων ἐπράχθη, καὶ τὰ τῆς πόλεως ὡς εἶχε, καὶ τὴν τῶν πολεμίων δύναμιν· πολὺ γὰρ ἂν ὑμῖν αἵ τ' εὐεργεσίαι μείζους κἀκεῖνος πλείονος ἄξιος ἔδοξεν εἶναι. Νῦν δὲ ταῦτα μὲν ἐάσω διὰ τὸ πλῆθος.

[115] Ἡγοῦμαι δ' ὑμᾶς ἡδέως ἂν ἀκοῦσαι διὰ τί ποτε τῶν μὲν εὐδοκιμούντων ἀνδρῶν παρ' ὑμῖν καὶ πολεμικῶν εἶναι δοκούντων οὐδὲ κώμην ἔνιοι λαβεῖν ἠδυνήθησαν, Τιμόθεος δ' οὔτε τὴν τοῦ σώματος φύσιν ἔχων ἐρρωμένην οὔτ' ἐν τοῖς στρατοπέδοις τοῖς πλανωμένοις κατατετριμμένος, ἀλλ' ὁ μεθ' ὑμῶν πολιτευόμενος τηλικαῦτα διεπράξατο τὸ μέγεθος. Ἔστι δ' ὁ λόγος ὁ περὶ τούτων φιλαπεχθήμων μέν, ῥηθῆναι δ' οὐκ ἀσύμφορος. Ἐκεῖνος γὰρ τούτῳ τῶν ἄλλων διήνεγκεν, [116] ὅτι περὶ τῶν Ἑλληνικῶν καὶ συμμαχικῶν πραγμάτων καὶ τῆς ἐπιμελείας τῆς τούτων οὐ τὴν αὐτὴν ὑμῖν γνώμην εἶχεν. Ὑμεῖς μὲν γὰρ χειροτονεῖτε στρατηγοὺς τοὺς εὐρωστοτάτους τοῖς σώμασι καὶ πολλάκις ἐν τοῖς ξενικοῖς στρατεύμασι γεγενημένους, ὡς διὰ τούτων διαπραξόμενοί τι τῶν δεόντων. Ὁ δὲ τοῖς μὲν τοιούτοις λοχαγοῖς ἐχρῆτο καὶ ταξιάρχοις, [117] αὐτὸς δὲ περὶ ταῦτα δεινὸς ἦν, περὶ ἅπερ χρὴ φρόνιμον εἶναι τὸν στρατηγὸν τὸν ἀγαθόν. Ἔστι δὲ ταῦτα τίνα δύναμιν ἔχοντα; Δεῖ γὰρ οὐχ ἁπλῶς εἰπεῖν, ἀλλὰ σαφῶς φράσαι περὶ αὐτῶν. Πρῶτον μὲν δύνασθαι γνῶναι πρὸς τίνας πολεμητέον καὶ τίνας συμμάχους ποιητέον· ἀρχὴ γὰρ αὕτη στρατηγίας ἐστίν, ἧς ἢν διαμάρτῃ τις, ἀνάγκη τὸν πόλεμον ἀσύμφορον καὶ χαλεπὸν καὶ περίεργον εἶναι. [118] Περὶ τοίνυν τὴν τοιαύτην προαίρεσιν οὐ μόνον οὐδεὶς τοιοῦτος γέγονεν, ἀλλ' οὐδὲ παραπλήσιος. Ῥᾴδιον δ' ἐξ αὐτῶν τῶν ἔργων γνῶναι· πλείστους γὰρ πολέμους ἄνευ τῆς πόλεως ἀνελόμενος, ἅπαντας τούτους κατώρθωσε καὶ δικαίως ἅπασι τοῖς Ἕλλησιν ἔδοξεν αὐτοὺς ποιήσασθαι. Καί τοι τοῦ καλῶς βουλεύσασθαι τίς ἂν ἀπόδειξιν ἔχοι σαφεστέραν καὶ μείζω ταύτης παρασχέσθαι; [119] Δεύτερον τί προσήκει τὸν στρατηγὸν τὸν ἀγαθόν; Στρατόπεδον συναγαγεῖν ἁρμόττον τῷ πολέμῳ τῷ παρόντι, καὶ τοῦτο συντάξαι καὶ χρήσασθαι συμφερόντως. Ὡς μὲν τοίνυν ἠπίστατο χρῆσθαι καλῶς, αἱ πράξεις αὐταὶ δεδηλώκασιν· ὡς δὲ καὶ πρὸς τὸ παρασκευάσασθαι μεγαλοπρεπῶς καὶ τῆς πόλεως ἀξίως ἁπάντων διήνεγκεν, οὐδὲ τῶν ἐχθρῶν οὐδεὶς ἂν ἄλλως εἰπεῖν τολμήσειεν. [120] Ἔτι τοίνυν πρὸς τούτοις ἀπορίας ἐνεγκεῖν στρατοπέδου καὶ πενίας, καὶ πάλιν εὐπορίας εὑρεῖν, τίς οὐκ ἂν τῶν συνεστρατευμένων πρὸς ἀμφότερα ταῦτα διαφέρειν ἐκεῖνον προκρίνειεν; Συνίσασι γὰρ αὐτῷ κατὰ μὲν ἀρχὰς τῶν πολέμων διὰ τὸ μηδὲν παρὰ τῆς πόλεως λαμβάνειν εἰς τὰς ἐσχάτας ἐνδείας καθιστάμενον, ἐκ δὲ τούτων εἰς τοῦτο τὰ πράγματα περιιστάναι δυνάμενον, ὥστε καὶ τῶν πολεμίων6 περιγίγνεσθαι καὶ τοῖς στρατιώταις ἐντελεῖς ἀποδιδόναι τοὺς μισθούς. [121] Οὕτω τοίνυν τούτων μεγάλων ὄντων καὶ σφόδρα κατεπειγόντων, ἐπὶ τοῖς ἐχομένοις δικαίως ἄν τις αὐτὸν ἔτι μᾶλλον ἐπαινέσειεν. Ὁρῶν γὰρ ὑμᾶς τούτους μόνους ἄνδρας νομίζοντας, τοὺς ἀπειλοῦντας καὶ τοὺς ἐκφοβοῦντας τὰς ἄλλας πόλεις καὶ τοὺς ἀεί τι νεωτερίζοντας ἐν τοῖς συμμάχοις, οὐκ ἐπηκολούθησε ταῖς ὑμετέραις γνώμαις, οὐδ' ἠβουλήθη βλάπτων τὴν πόλιν εὐδοκιμεῖν, ἀλλὰ τοῦτ' ἐφιλοσόφει καὶ τοῦτ' ἔπραττεν, ὅπως μηδεμία τῶν πόλεων αὐτὸν φοβήσεται τῶν Ἑλληνίδων, ἀλλὰ πᾶσαι θαρρήσουσι πλὴν τῶν ἀδικουσῶν. [122] Ἠπίστατο γὰρ τούς τε δεδιότας ὅτι μισοῦσι δι' οὓς ἂν τοῦτο πεπονθότες τυγχάνωσι, τήν τε πόλιν διὰ μὲν τὴν φιλίαν τὴν τῶν ἄλλων εὐδαιμονεστάτην καὶ μεγίστην γενομένην, διὰ δὲ τὸ μῖσος μικρὸν ἀπολιποῦσαν τοῦ μὴ ταῖς ἐσχάταις συμφοραῖς περιπεσεῖν. Ὧν ἐνθυμούμενος τῇ μὲν δυνάμει τῇ τῆς πόλεως τοὺς πολεμίους κατεστρέφετο, τῷ δ' ἤθει τῷ αὑτοῦ τὴν εὔνοιαν τὴν τῶν ἄλλων προσήγετο, νομίζων τοῦτο στρατήγημα μεῖζον εἶναι καὶ κάλλιον ἢ πολλὰς πόλεις ἑλεῖν καὶ πολλάκις νικῆσαι μαχόμενος. [123] Οὕτω δ' ἐσπούδαζε περὶ τὸ μηδεμίαν τῶν πόλεων μηδὲ μικρὰν ὑποψίαν περὶ αὐτοῦ λαβεῖν ὡς ἐπιβουλεύοντος, ὥσθ' ὁπότε ὁπότε μέλλοι τινὰ παραπλεῖν τῶν μὴ τὰς συντάξεις διδουσῶν, πέμψας προηγόρευε τοῖς ἄρχουσιν, ἵνα μὴ πρὸ τῶν λιμένων ἐξαίφνης ὀφθεὶς εἰς θόρυβον καὶ ταραχὴν αὐτοὺς καταστήσειεν. [124] Εἰ δὲ τύχοι καθορμισθεὶς πρὸς τὴν χώραν, οὐκ ἂν ἐφῆκε τοῖς στρατιώταις ἁρπάζειν καὶ κλέπτειν καὶ πορθεῖν τὰς οἰκίας, ἀλλὰ τοσαύτην εἶχεν ἐπιμέλειαν ὑπὲρ τοῦ μηδὲν γίγνεσθαι τοιοῦτον, ὅσην περ οἱ δεσπόται τῶν χρημάτων· οὐ γὰρ τούτῳ προσεῖχε τὸν νοῦν, ὅπως ἐκ τῶν τοιούτων αὐτὸς εὐδοκιμήσει παρὰ τοῖς στρατιώταις, ἀλλ' ὅπως ἡ πόλις παρὰ τοῖς Ἕλλησιν. [125] Πρὸς δὲ τούτοις τὰς δοριαλώτους τῶν πόλεων οὕτω πράως διῴκει καὶ νομίμως ὡς οὐδεὶς ἄλλος τὰς συμμαχίδας, ἡγούμενος, εἰ τοιοῦτος ὢν φαίνοιτο περὶ τοὺς πολεμήσαντας, τὴν μεγίστην πίστιν ἔσεσθαι δεδωκὼς ὡς οὐδέποτ' ἂν περί γε τοὺς ἄλλους ἐξαμαρτεῖν τολμήσειεν. [126] Τοιγάρτοι διὰ τὴν δόξαν τὴν ἐκ τούτων γιγνομένην πολλαὶ τῶν πόλεων τῶν πρὸς ὑμᾶς δυσκόλως ἐχουσῶν ἀναπεπταμέναις αὐτὸν ἐδέχοντο ταῖς πύλαις· ἐν αἷς ἐκεῖνος οὐδεμίαν ταραχὴν ἐποίησεν, ἀλλ' ὥσπερ οἰκουμένας αὐτὰς εἰσιὼν κατέλαβεν, οὕτως ἐξιὼν κατέλειπεν. [127] Κεφάλαιον δὲ πάντων τούτων· εἰθισμένων γὰρ τὸν ἄλλον χρόνον πολλῶν γίγνεσθαι καὶ δεινῶν ἐν τοῖς Ἕλλησιν, ἐπὶ τῆς ἐκείνου στρατηγίας οὐδεὶς ἂν οὔτ' ἀναστάσεις εὕροι γεγενημένας οὔτε πολιτειῶν μεταβολὰς οὔτε σφαγὰς καὶ φυγὰς οὕτως ἄλλ' οὐδὲν τῶν κακῶν τῶν ἀνηκέστων, ἀλλ' οὕτως αἱ τοιαῦται συμφοραὶ κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον ἐλώφησαν, ὥστε μόνος ὧν ἡμεῖς μνημονεύομεν ἀνέγκλητον τὴν πόλιν τοῖς Ἕλλησι παρέσχε. [128] Καί τοι χρὴ στρατηγὸν ἄριστον νομίζειν οὐκ εἴ τις μιᾷ τύχῃ τηλικοῦτόν τι κατώρθωσεν ὥσπερ Λύσανδρος, ὃ μηδενὶ τῶν ἄλλων διαπράξασθαι συμβέβηκεν, ἀλλ' ὅστις ἐπὶ πολλῶν καὶ παντοδαπῶν καὶ δυσκόλων πραγμάτων ὀρθῶς ἀεὶ πράττων καὶ νοῦν ἐχόντως διατετέλεκεν· ὅπερ Τιμοθέῳ συμβέβηκεν.

[129] Οἶμαι οὖν ὑμῶν τοὺς πολλοὺς θαυμάζειν τὰ λεγόμενα καὶ νομίζειν τὸν ἔπαινον τὸν ἐκείνου κατηγορίαν εἶναι τῆς πόλεως, εἰ τοσαύτας μὲν πόλεις ἑλόντα μηδεμίαν δ' ἀπολέσαντα περὶ προδοσίας ἔκρινε, καὶ πάλιν εἰ διδόντος εὐθύνας αὐτοῦ, καὶ τὰς μὲν πράξεις Ἰφικράτους ἀναδεχομένου, τὸν δ' ὑπὲρ τῶν χρημάτων λόγον Μενεσθέως, τούτους μὲν ἀπέλυσε, Τιμόθεον δὲ τοσούτοις ἐζημίωσε χρήμασιν ὅσοις οὐδένα πώποτε τῶν προγεγενημένων. [130] Ἔχει δ' οὕτως· βούλομαι γὰρ καὶ τὸν ὑπὲρ τῆς πόλεως λόγον εἰπεῖν. Εἰ μὲν ὑμεῖς πρὸς αὐτὸ τὸ δίκαιον ἀποβλέποντες σκέψεσθε περὶ τούτων, οὐκ ἔστιν ὅπως οὐ δεινὰ καὶ σχέτλια πᾶσιν εἶναι δόξει τὰ πεπραγμένα περὶ Τιμόθεον· ἢν δ' ἀναλογίσησθε τὴν ἄγνοιαν ὅσην ἔχομεν πάντες ἄνθρωποι, καὶ τοὺς φθόνους τοὺς ἐπιγιγνομένους ἡμῖν, ἔτι δὲ τὰς ταραχὰς καὶ τὴν τύρβην ἐν ᾗ ζῶμεν, οὐδὲν τούτων ἀλόγως οὐδ' ἔξω τῆς ἀνθρωπίνης φύσεως εὑρεθήσεται γεγενημένον, ἀλλὰ καὶ Τιμόθεος μέρος τι συμβεβλημένος τοῦ μὴ κατὰ τρόπον γνωσθῆναι περὶ αὐτῶν. [131] Ἐκεῖνος γὰρ οὔτε μισόδημος ὢν οὔτε μισάνθρωπος οὔθ' ὑπερήφανος, οὔτ' ἄλλ' οὐδὲν ἔχων τῶν τοιούτων κακῶν, διὰ τὴν μεγαλοφροσύνην τὴν τῇ στρατηγίᾳ μὲν συμφέρουσαν, πρὸς δὲ τὰς χρείας τῶν ἀεὶ προσπιπτόντων οὐχ ἁρμόττουσαν, ἅπασιν ἔδοξεν ἔνοχος εἶναι τοῖς προειρημένοις· οὕτω γὰρ ἀφυὴς ἦν πρὸς τὴν τῶν ἀνθρώπων θεραπείαν ὥσπερ δεινὸς περὶ τὴν τῶν πραγμάτων ἐπιμέλειαν. [132] Καί τοι πολλάκις καὶ παρ' ἐμοῦ τοιούτους λόγους ἤκουσεν, ὡς χρὴ τοὺς πολιτευομένους καὶ βουλομένους ἀρέσκειν προαιρεῖσθαι μὲν τῶν τε πράξεων τὰς ὠφελιμωτάτας καὶ βελτίστας καὶ τῶν λόγων τοὺς ἀληθεστάτους καὶ δικαιοτάτους, οὐ μὴν ἀλλὰ κἀκεῖνο παρατηρεῖν καὶ σκοπεῖν, ὅπως ἐπιχαρίτως καὶ φιλανθρώπως ἅπαντα φανήσονται καὶ λέγοντες καὶ πράττοντες, ὡς οἱ τούτων ὀλιγωροῦντες ἐπαχθέστεροι καὶ βαρύτεροι δοκοῦσιν εἶναι τοῖς συμπολιτευομένοις. [133] “Ὁρᾷς δὲ τὴν φύσιν τὴν τῶν πολλῶν ὡς διάκειται πρὸς τὰς ἡδονάς, καὶ διότι μᾶλλον φιλοῦσι τοὺς πρὸς χάριν ὁμιλοῦντας ἢ τοὺς εὖ ποιοῦντας, καὶ τοὺς μετὰ φαιδρότητος καὶ φιλανθρωπίας φενακίζοντας ἢ τοὺς μετ' ὄγκου καὶ σεμνότητος ὠφελοῦντας. Ὧν οὐδέν σοι μεμέληκεν, ἀλλ' ἢν ἐπιεικῶς τῶν ἔξω πραγμάτων ἐπιμεληθῇς, οἴει σοι καὶ τοὺς ἐνθάδε πολιτευομένους καλῶς ἕξειν. [134] Τὸ δ' οὐχ οὕτως ἀλλὰ τοὐναντίον φιλεῖ συμβαίνειν. Ἢν γὰρ τούτοις ἀρέσκῃς, ἅπαν ὅ τι ἂν πράξῃς οὐ πρὸς τὴν ἀλήθειαν κρινοῦσιν ἀλλὰ πρὸς τὸ σοὶ συμφέρον ὑπολήψονται, καὶ τὰ μὲν ἁμαρτανόμενα παρόψονται, τὸ δὲ κατορθωθὲν οὐρανόμηκες ποιήσουσιν· ἡ γὰρ εὔνοια πάντας οὕτω διατίθησιν. [135] “Ἢν σὺ τῇ μὲν πόλει παρὰ τῶν ἄλλων ἐκ παντὸς τρόπου κτήσασθαι ζητεῖς, ἡγούμενος μέγιστον εἶναι τῶν ἀγαθῶν, αὐτὸς δὲ σαυτῷ παρὰ τῆς πόλεως οὐκ οἴει δεῖν τὴν αὐτὴν ταύτην παρασκευάζειν, ἀλλὰ πλείστων ἀγαθῶν αἴτιος γεγενημένος χεῖρον διάκεισαι τῶν οὐδὲν ἄξιον λόγου διαπεπραγμένων. [136] “Εἰκότως· οἱ μὲν γὰρ τοὺς ῥήτορας καὶ τοὺς ἐν τοῖς ἰδίοις συλλόγοις λογοποιεῖν δυναμένους καὶ πάντα προσποιουμένους εἰδέναι θεραπεύουσι, σὺ δ' οὐ μόνον ἀμελεῖς, ἀλλὰ καὶ πολεμεῖς τοῖς μέγιστον ἀεὶ δυναμένοις αὐτῶν. “Καί τοι πόσους οἴει διὰ τὰς τούτων ψευδολογίας τοὺς μὲν συμφοραῖς περιπεπτωκέναι, τοὺς δ' ἀτίμους εἶναι; Πόσους δὲ τῶν προγεγενημένων ἀνωνύμους εἶναι; Πολὺ σπουδαιοτέρους καὶ πλέονος ἀξίους γεγενημένους τῶν ᾀδομένων καὶ τραγῳδουμένων; [137] Ἀλλ' οἱ μέν, οἶμαι, ποιητῶν ἔτυχον καὶ λογοποιῶν, οἱ δ' οὐκ ἔσχον τοὺς ὑμνήσοντας. Ἢν οὖν ἐμοὶ πείθῃ καὶ νοῦν ἔχῃς, οὐ καταφρονήσεις τῶν ἀνδρῶν τούτων, οἷς τὸ πλῆθος εἴθισται πιστεύειν οὐ μόνον περὶ ἑνὸς ἑκάστου τῶν πολιτῶν ἀλλὰ καὶ περὶ ὅλων τῶν πραγμάτων, ἀλλ' ἐπιμέλειάν τινα ποιήσει καὶ θεραπείαν αὐτῶν, ἵν' εὐδοκιμήσῃς δι' ἀμφότερα, καὶ διὰ τὰς σαυτοῦ πράξεις καὶ διὰ τοὺς τούτων λόγους.” [138] Ταῦτα δ' ἀκούων ὀρθῶς μὲν ἔφασκέ με λέγειν, οὐ μὴν οἷός τ' ἦν τὴν φύσιν μεταβαλεῖν, ἀλλ' ἦν μὲν καλὸς κἀγαθὸς ἀνὴρ καὶ τῆς πόλεως καὶ τῆς Ἑλλάδος ἄξιος, οὐ μὴν σύμμετρός γε τοῖς τοιούτοις τῶν ἀνθρώπων, ὅσοι τοῖς ὑπὲρ αὑτοὺς πεφυκόσιν ἀχθόμενοι τυγχάνουσι. Τοιγαροῦν οἱ μὲν ῥήτορες ἔργον εἶχον αἰτίας περὶ αὐτοῦ πολλὰς καὶ ψευδεῖς πλάττειν, τὸ δὲ πλῆθος ἀποδέχεσθαι τὰς ὑπὸ τούτων λεγομένας. [139] Περὶ ὧν ἡδέως ἂν ἀπελογησάμην, εἰ καιρὸν εἶχον· οἶμαι γὰρ ἂν ὑμᾶς ἀκούσαντας μισῆσαι τούς τε προαγαγόντας τὴν πόλιν ἐπὶ τὴν ὀργὴν τὴν πρὸς ἐκεῖνον καὶ τοὺς φλαῦρόν τι περὶ αὐτοῦ λέγειν τολμῶντας.

Νῦν δὲ ταῦτα μὲν ἐάσω, περὶ ἐμαυτοῦ δὲ καὶ τῶν ἐνεστώτων πραγμάτων πάλιν ποιήσομαι τοὺς λόγους. [140] Ἀπορῶ δ' ὅ τι χρήσομαι τοῖς ὑπολοίποις, καὶ τίνος πρώτου μνησθῶ καὶ ποίου δευτέρου· τὸ γὰρ ἐφεξῆς με λέγειν διαπέφευγεν. Ἴσως μὲν οὖν ἀναγκαῖόν ἐστιν, ὡς ἂν ἕκαστον τύχῃ προσπεσόν, οὕτως εἰπεῖν περὶ αὐτῶν· ἃ δ' οὖν μοι νῦν ἐπελήλυθε, καὶ περὶ ὧν ἐγὼ μὲν ἐνόμιζον εἶναι δηλωτέον, ἄλλος δέ τίς μοι συνεβούλευε μὴ λέγειν, οὐκ ἀποκρύψομαι πρὸς ὑμᾶς. [141] Ἐπειδὴ γὰρ ἀπήνεγκε τὴν γραφήν, ἐσκόπουν περὶ αὐτῶν τούτων ὥσπερ ἂν ὑμῶν ἕκαστος, καὶ τόν τε βίον τὸν ἐμαυτοῦ καὶ τὰς πράξεις ἐξήταζον, καὶ πλεῖστον χρόνον περὶ τὰς τοιαύτας διέτριβον ἐφ' αἷς ᾠόμην ἐπαινεῖσθαί με προσήκειν. Ἀκροώμενος δέ τις τῶν ἐπιτηδείων ἐτόλμησεν εἰπεῖν πρός με λόγον πάντων σχετλιώτατον, ὡς ἄξια μὲν εἴη τὰ λεγόμενα φιλοτιμίας, οὐ μὴν ἀλλ' αὐτός γε δεδιέναι ταῦτα μάλιστα, μὴ πολλοὺς λυπήσῃ τῶν ἀκουόντων. [142] “Οὕτω γάρ” ἔφη “τινὲς ὑπὸ τοῦ φθόνου καὶ τῶν ἀποριῶν ἐξηγρίωνται καὶ δυσμενῶς ἔχουσιν, ὥστ' οὐ ταῖς πονηρίαις ἀλλὰ ταῖς εὐπραγίαις πολεμοῦσι, καὶ μισοῦσιν οὐ μόνον τῶν ἀνθρώπων τοὺς ἐπιεικεστάτους, ἀλλὰ καὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων τὰ βέλτιστα, καὶ πρὸς τοῖς ἄλλοις κακοῖς τοῖς μὲν ἀδικοῦσι συναγωνίζονται καὶ συγγνώμην ἔχουσιν, οἷς δ' ἂν φθονήσωσιν ἀπολλύουσιν, ἤν περ δυνηθῶσι. [143] Ταῦτα δὲ δρῶντες οὐκ ἀγνοοῦσι περὶ ὧν τὴν ψῆφον οἴσουσιν, ἀλλ' ἀδικήσειν μὲν ἐλπίζοντες, ὀφθήσεσθαι δ' οὐ προσδοκῶντες· σώζοντες οὖν τοὺς ὁμοίους σφίσιν αὐτοῖς βοηθεῖν νομίζουσι. “Τούτου δ' ἕνεκά σοι ταῦτα διῆλθον, ἵνα προειδὼς ἄμεινον προσφέρῃ καὶ τοῖς λόγοις ἀσφαλεστέροις χρῇ πρὸς αὐτούς, ἐπεὶ νῦν γε τίνα χρὴ προσδοκᾶν γνώμην ἕξειν τοὺς τοιούτους, ὅταν τόν τε βίον τὸν σαυτοῦ καὶ τὰς πράξεις διεξίῃς μηδὲ κατὰ μικρὸν ὁμοίας οὔσας ταῖς τούτων, ἀλλ' οἵας περ πρὸς ἐμὲ λέγειν ἐπιχειρεῖς; [144] Ἀποφαίνεις γὰρ τούς τε λόγους οὓς γέγραφας οὐ μέμψεως ἀλλὰ χάριτος τῆς μεγίστης ἀξίους ὄντας, τῶν τε πεπλησιακότων σοι τοὺς μὲν οὐδὲν ἠδικηκότας οὐδ' ἡμαρτηκότας, τοὺς δὲ δι' ἀρετὴν ὑπὸ τῆς πόλεως ἐστεφανωμένους, τά τε καθ' ἡμέραν οὕτω κοσμίως καὶ τεταγμένως βεβιωκότα σαυτὸν ὡς οὐκ οἶδ' εἴ τις ἄλλος τῶν πολιτῶν, ἔτι δὲ μήτε δεδικασμένον μηδενὶ μήτε πεφευγότα πλὴν περὶ ἀντιδόσεως, μήθ' ἑτέροις συνηγωνισμένον μήτε μεμαρτυρηκότα, μήτ' ἄλλο πεποιηκότα μηδέν, ἐν οἷς ἅπαντες πολιτευόμενοι τυγχάνουσι. [145] Πρὸς δὲ τούτοις οὕτως ἰδίοις οὖσι καὶ περιττοῖς κἀκεῖνο λέγεις, ὡς τῶν μὲν ἀρχῶν καὶ τῶν ὠφελιῶν τῶν ἐντεῦθεν γιγνομένων καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων τῶν κοινῶν ἐξέστηκας, εἰς δὲ τοὺς διακοσίους καὶ χιλίους τοὺς εἰσφέροντας καὶ λειτουργοῦντας οὐ μόνον αὑτὸν παρέχεις ἀλλὰ καὶ τὸν υἱόν, καὶ τρὶς μὲν ἤδη τετριηραρχήκατε, τὰς δ' ἄλλας λειτουργίας πολυτελέστερον λελειτουργήκατε καὶ κάλλιον ὧν οἱ νόμοι προστάττουσι. [146] “Ταῦτ' ἀκούοντας τοὺς τἀναντία πᾶσι τοῖς προειρημένοις ἐπιτετηδευκότας οὐκ οἴει βαρέως οἴσειν καὶ νομιεῖν ἐλέγχεσθαι τὸν βίον τὸν αὑτῶν οὐ σπουδαῖον ὄντα; Καὶ γὰρ εἰ μὲν μετὰ πόνου καὶ ταλαιπωρίας ᾐσθάνοντό σε ποριζόμενον εἴς τε τὰς λειτουργίας καὶ περὶ τὴν ἄλλην διοίκησιν, οὐκ ἂν ὁμοίως ἔμελεν αὐτοῖς· νῦν δὲ τά τε παρὰ τῶν ξένων σοι γιγνόμενα πολὺ πλείω νομίζουσιν εἶναι τῶν διδομένων, [147] αὐτόν τε σὲ ῥᾳθυμότερον ἡγοῦνται ζῆν οὐ μόνον τῶν ἄλλων ἀλλὰ καὶ τῶν περὶ τὴν φιλοσοφίαν καὶ τὴν αὐτὴν σοι πραγματείαν ὄντων. “Ὁρῶσι γὰρ ἐκείνων μὲν τοὺς πλείστους, πλὴν τῶν τὸν σὸν βίον καὶ τὸν τρόπον ἠγαπηκότων, ἔν τε ταῖς πανηγύρεσι καὶ τοῖς ἰδίοις συλλόγοις ἐπιδείξεις ποιουμένους, διαγωνιζομένους πρὸς ἀλλήλους, καθ' ὑπερβολὴν ὑπισχνουμένους, ἐρίζοντας, λοιδορουμένους, [148] οὐδὲν ἀπολείποντας κακῶν, ἀλλὰ σφίσι μὲν αὐτοῖς πράγματα παρέχοντας, τοῖς δ' ἀκροωμένοις ἐξουσίαν παραδιδόντας τοῖς μὲν καταγελάσαι τῶν λεγομένων, ἐνίοις δ' ἐπαινέσαι, τοῖς δὲ πλείστοις μισῆσαι, τοῖς δ' ὅπως ἕκαστοι βούλονται διατεθῆναι πρὸς αὐτούς· σὲ δ' οὐδενὸς μετέχοντα τούτων, ἀλλ' ἀνομοίως ζῶντα καὶ τοῖς σοφισταῖς καὶ τοῖς ἰδιώταις, καὶ τοῖς πολλὰ κεκτημένοις καὶ τοῖς ἀπόρως διακειμένοις. [149] Ἐφ' οἷς οἱ μὲν λογίζεσθαι δυνάμενοι καὶ νοῦν ἔχοντες ἴσως ἄν σε ζηλώσειαν, οἱ δὲ καταδεέστερον πράττοντες καὶ λυπεῖσθαι μᾶλλον εἰωθότες ἐπὶ ταῖς τῶν ἄλλων ἐπιεικείαις ἢ ταῖς ἑαυτῶν ἀτυχίαις οὐκ ἔστιν ὅπως οὐ δυσκολανοῦσι καὶ χαλεπῶς οἴσουσιν. Ὡς οὖν οὕτως αὐτῶν διατεθησομένων σκόπει τί σοι λεκτέον τούτων καὶ τί παραλειπτέον ἐστίν.”

[101] J'ignore comment je pourrais montrer avec plus d'évidence la vérité sur l'accusation que je combats, et prouver avec plus de certitude que je ne corromps pas mes disciples.

26-4. Lysimaque a aussi rappelé l'amitié qui m'unissait à Timothée, et s'est efforcé de nous calomnier l'un et l'autre ; il n'a pas rougi, lorsqu'il s'agissait d'un homme qui avait cessé de vivre et à qui sa patrie était redevable d'un grand nombre de services, de se livrer à des discours remplis d'insolence et d'outrage. J'aurais cru [102] qu'en supposant que l'on parvînt à prouver que j'eusse manqué à la justice, même alors il eût été convenable de m'absoudre par égard pour l'amitié qui m'attachait à Timothée; mais puisque Lysimaque, dans l'espoir de me nuire, essaye de se prévaloir contre moi de ce qui aurait dû me servir, je me vois dans l'obligation de m'expliquer sur ce sujet.

Si je n'ai pas fait une mention particulière de Timothée en même temps que de mes autres amis, c'est qu'il existe une grande différence entre les faits qui les concernent. [103] Et d'abord mon accusateur n'a osé proférer aucune parole de mépris à l'égard de ces derniers, tandis qu'à l'égard de Timothée, il a mis dans ses attaques plus d'ardeur qu'il n'en mettait pour l'accusation elle-même. Ensuite, mes amis ne s'étaient trouvés chargés que d'un petit nombre d'affaires, dans lesquelles, à la vérité, ils s'étaient acquittés des ordres qu'ils avaient reçus de manière à mériter les honneurs que j'ai indiqués il n'y a qu'un instant, au lieu que Timothée a dirigé pendant longtemps un grand nombre de grandes affaires. Il n'eût donc pas été convenable de parler de lui en même temps que des autres, il était nécessaire de diviser et de disposer séparément ce qui les concernait. [104] Il ne faut pas croire cependant que ce qui sera dit de Timothée soit étranger à la cause, et que je sorte des limites posées par l'accusation. Lorsque des hommes d'une condition ordinaire se sont expliqués chacun sur les faits qui les concernent, ils doivent descendre de la tribune, autrement leurs paroles seraient considérées comme superflues; mais ceux que l'on regarde comme les conseillers et les instituteurs des autres sont obligés de présenter pour les hommes qui ont avec eux des rapports intimes, aussi bien que pour eux-mêmes, une apologie complète, surtout lorsque quelqu'un d'entre eux est impliqué dans la cause, et c'est ce qui m'est arrivé. [105] Il aurait suffi à tout autre de dire qu'il n'était pas juste de le rendre responsable des entreprises dans lesquelles Timothée n'a pas réussi, puisque personne ne lui eût donné part aux récompenses et aux honneurs qui lui ont été décernés; de même qu'aucun orateur n'aurait jugé convenable de louer celui qui aurait été le conseil de Timothée, parce que l'équité voulait, ou qu'il partageât ses avantages, ou qu'il n'eût pas à subir les conséquences de ses revers. [106] Pour moi, j'aurais honte d'articuler de telles paroles, et je ferai, à l'égard de Timothée, la même déclaration que j'ai faite pour tous les autres. Je demande, si Timothée a été un homme pervers, et s'il s'est rendu coupable de torts nombreux à votre égard, de partager sa destinée et de souffrir les châtiments que l'on inflige aux criminels ; et si Timothée, au contraire, apparaît comme un bon citoyen, s'il a été un général supérieur à tous ceux que nous connaissons, vous devez lui accorder des louanges, et lui témoigner de la reconnaissance ; mais pour ce qui touche à l'accusation, vous devez prononcer votre jugement sur mes actes d'après ce que vous croirez conforme à la justice.

[107] 26-5. En général, et comme un fait qui domine tous les autres, je puis dire que Timothée a conquis autant de villes qu'aucun des généraux qui ont commandé, à une époque quelconque, les armées d'Athènes ou de la Grèce; et que parmi ces villes il s'en trouvait plusieurs dont la conquête, tant leur puissance était grande, soumettait à l'autorité de la République tout le pays qui les environnait. [108] Qui ne connaît Corcyre, la plus belle et la plus avantageusement située entre les îles qui entourent le Péloponnèse? et Samos, entre celles d'Ionie? et Sestos, et Crithoté, sur l'Hellespont, enfin Potidée et Toronée, dans les plaines de la Thrace ? Toutes ces villes, Timothée les a conquises, et il vous les a données sans vous imposer de fortes dépenses, sans fouler vos alliés, sans vous obliger vous-mêmes à fournir de nombreuses contributions; [109] et de plus c'est avec treize talents et cinquante galères que vous lui aviez confiés pour croiser autour du Péloponnèse, qu'il a pris Corcyre, dont la force navale s'élevait à quatre-vingts vaisseaux. Vers le même temps, il a vaincu les Lacédémoniens sur mer, et il les a obligés à conclure un traité de paix, qui a tellement changé la situation des deux villes, [110] qu'à partir de ce moment vous avez offert chaque année des sacrifices aux dieux en mémoire de ce traité, parce qu'aucun autre n'avait été jusque-là aussi avantageux pour notre patrie, et que depuis lors personne n'a vu les flottes de Lacédémone doubler le cap Malée, ni ses armées s'avancer à travers l'Isthme, ce qu'on peut considérer comme la cause de leur désastre à Leuctres. [111] C'est après de tels exploits que Timothée a fait une expédition contre Samos. Périclès, qui possède la plus haute renommée de prudence, de justice et de modération, avait employé deux cents vaisseaux et dépensé mille talents pour la soumettre ; Timothée, sans accroître vos dépenses, sans lever aucune contribution sur vos alliés, l'a réduite en dix mois, avec huit mille peltastes et une flotte de trente galères; et, de plus, il a fait payer par le pays ennemi la solde de la flotte et des troupes. [112] Si donc il se présente un autre homme qui ait fait de telles actions, je consens à reconnaître que j'ai perdu la raison lorsque j'ai entrepris de louer hors de toute comparaison celui qui n'a rien fait de plus que les autres. Timothée cependant met à la voile, prend Sestos et Crithoté, et dirige vos pensées vers la Chersonèse, que jusque-là vous aviez négligée. [113] Potidée avait autrefois coûté à la République deux mille quatre cents talents ; il s'en rend maître, en employant pour cette conquête des fonds qu'il fournit lui-même, réunis aux contributions qu'il fait payer par la Thrace, et soumet en outre tous les Chalcidiens. Enfin, si, laissant les détails, il faut s'exprimer en peu de mots, Timothée vous a rendus maîtres de vingt-quatre villes, en dépensant moins d'argent que nos pères n'en ont employé pour assiéger les Méliens.

[114] J'aurais voulu, de même qu'il m'a été facile d'énumérer les actions de Timothée, pouvoir vous présenter, dans un court résumé, et les circonstances au milieu desquelles chacun de ces faits s'est accompli, et la situation de notre patrie, et la puissance de nos ennemis : ses services vous auraient alors paru plus grands, et lui-même digne de plus d'estime. Mais, à cause de leur nombre, je passe ces faits sous silence.

[115] 26-6. Je crois, au reste, que vous entendrez avec plaisir pourquoi, tandis que des hommes qui jouissent parmi vous d'une brillante renommée, et qui sont regardés comme des hommes de guerre, n'ont pas même pu se rendre maîtres d'un village, Timothée, sans être doué d'une grande force corporelle, sans être rompu aux habitudes des armées actives, accoutumé, au contraire, à vivre au milieu de vous en remplissant ses devoirs de citoyen, a pu faire de si grandes choses. Un discours sur ce sujet peut sans doute provoquer des haines, mais n'est pas sans utilité. Timothée l'emportait sur les autres généraux, [116] parce qu'il n'avait pas, sur les intérêts des Grecs, sur ceux de vos alliés, et sur les soins dont ils doivent être l'objet, la même opinion que vous. Vos suffrages élèvent au commandement militaire les hommes qui se font le plus remarquer par leur force corporelle, et qui souvent ont servi dans les armées étrangères, comme si, avec de tels chefs, vous étiez sûrs d'obtenir des succès. Timothée employait les hommes de cette nature pour commander des compagnies ou des bataillons, [117] et, quant à lui, il excellait dans toutes les qualités qui font un général accompli. Quelles sont ces qualités, et quelle est leur valeur ? car il ne faut pas ici donner de simples indications, il faut s'expliquer avec clarté. C'est d'abord de savoir apprécier contre quels ennemis on doit faire la guerre, et quelles alliances il convient de contracter ; telle est la première condition de la stratégie, et, si cette condition n'est pas remplie, la guerre est inévitablement désavantageuse, difficile et sans résultat utile. [118] Or, dans cette appréciation si importante, aucun homme n'a égalé Timothée et n'a même approché de lui. Il est facile de le reconnaître par les faits, puisque, ayant entrepris la plupart des guerres sans la participation de la République, non seulement il les a toutes heureusement terminées, mais, au jugement de tous les Grecs, il les avait entreprises conformément à la justice. Quelle preuve plus grande, plus évidente, pourrait-on présenter de la sagesse de ses conseils ? [119] En second lieu, quelles qualités doit encore posséder un général accompli? Il doit savoir se composer une armée en rapport avec la guerre qu'il va faire, l'organiser et l'employer d'une manière avantageuse. Que Timothée ait su se servir avec gloire d'une armée, les faits mêmes l'ont établi, que, pour faire des dispositions avec grandeur et d'une manière digne de la République, il se soit montré supérieur à tous les autres généraux, aucun de ses ennemis n'oserait dire le contraire. [120] Quant à supporter les privations et la misère des camps, comme à y faire succéder l'abondance, quel est, parmi ses compagnons d'armes, celui qui se refuserait à reconnaître qu'il se distinguait également sous l'un et sous l'autre rapport? Ils savent tous qu'à l'ouverture de ses campagnes, en proie aux dernières nécessités, par suite de l'abandon dans lequel l'avait laissé la République, il trouvait, pour surmonter les embarras de sa position, des ressources telles que, non seulement il l'emportait sur ses ennemis, mais qu'il payait à ses troupes la totalité de leur solde. [121] Quelque grandes, cependant, quelque pressantes qu'aient été les circonstances de cette situation, il serait plus juste encore de le louer pour ce que je vais ajouter. Timotbée, vous voyant considérer comme les seuls hommes dignes de votre estime ceux qui menaçaient, qui effrayaient les autres villes, et qui par des innovations mettaient constamment le trouble parmi nos alliés, ne prit point vos opinions pour règle de sa conduite, et ne chercha point à accroître sa propre renommée aux dépens de sa patrie; il eut soin d'agir de manière qu'aucune ville grecque ne le redoutât, et que toutes se livrassent à la confiance, excepté celles qui avaient violé la justice. [122] Il savait que la crainte produit, dans ceux qui l'éprouvent, la haine de ceux qui la leur font éprouver, et que notre ville, après avoir été redevable à la bienveillance des autres peuples du plus haut degré de prospérité et de grandeur, avait été au moment de tomber dans les dernières calamités par l'effet de leur haine. Réfléchissant sur ces faits, en même temps qu'il employait la puissance de la République pour vaincre ses ennemis, il gagnait les autres peuples par la générosité de son caractère, certain que de tels exploits sont plus nobles, plus glorieux, que de prendre d'assaut un grand nombre de villes et de remporter de nombreuses victoires les armes à la main. [123] Il apportait une si grande attention à empêcher qu'aucune ville pût redouter la moindre surprise de sa part, que, lorsqu'il devait passer avec sa flotte près de quelques-unes de celles qui ne payaient pas leur tribut, il envoyait prévenir les magistrats, afin que son apparition subite devant les ports ne devînt pas pour eux une cause d'agitation et de trouble. [124] Lorsqu'il abordait sur quelque plage, il ne permettait pas à ses soldats de piller, de voler, de détruire les habitations ; et il mettait autant de soin à prévenir de tels désordres qu'auraient pu en apporter les possesseurs eux mêmes, parce que son but n'était pas d'augmenter sa renommée aux yeux de ses soldats, mais d'accroître celle de sa patrie aux yeux de tous les Grecs. [125] Enfin, il administrait les villes qu'il avait soumises par la force des armes avec une douceur et une régularité que les villes alliées ne trouvaient pas dans les autres généraux, parce qu'il était convaincu qu'en se montrant généreux envers ceux qui lui avaient été hostiles, il donnerait la plus sûre garantie qu'il ne se permettrait jamais d'être dur et injuste envers les autres peuples. [126] Aussi la renommée qu'il obtint par cette conduite fut si grande que beaucoup de villes mal disposées pour nous lui ouvrirent spontanément leurs portes ; quant à lui, sans leur causer aucun trouble, telles il les avait trouvées en arrivant, telles il les laissait lorsqu'il se retirait. [127] En résumé, tandis qu'à d'autres époques, on était accoutumé à voir de nombreuses et terribles infortunes se produire chez les Grecs, on ne trouve, sous le commandement de Timothée, ni séditions excitées, ni bouleversements dans les institutions, ni massacres, ni exils, ni malheurs irrémédiables ; les calamités de cette nature avaient alors tellement disparu que, seul entre les hommes dont nous gardons le souvenir, il a placé notre ville dans une situation sans reproche à l'égard des Grecs. [128] Or il est juste de regarder comme un général accompli, non pas celui qui, par une faveur unique de la fortune, a obtenu, comme Lysandre, un succès qu'aucun autre n'avait atteint, mais celui qui n'a pas cessé d'agir avec autant de sagesse que d'habileté dans des situations nombreuses, variées, difficiles ; et c'est ce qu'a fait Timothée.

[129] 26-7. Il me semble que beaucoup d'entre vous s'étonnent de mes paroles et voient dans la louange que je donne à Timothée l'accusation de notre patrie, parce qu'en effet cet homme, qui a pris un si grand nombre de villes, qui n'en a perdu aucune, elle l'a d'abord mis en jugement comme traître, et, lorsque ensuite il a rendu ses comptes, Iphicrate ayant pris la responsabilité de ses actes, Mnesthée celle de sa gestion, elle les a absous l'un et l'autre, et a frappé Timothée d'une plus forte amende qu'aucun de ceux qui avaient vécu avant lui. [130] Voilà les faits. Maintenant, je veux aussi parler en faveur de ma patrie. Si vous examinez ces faits en eux-mêmes, en ne considérant que la stricte équité, il est impossible que vous ne trouviez pas odieux et déplorable ce qui a eu lieu à l'égard de Timothée ; mais, si vous voulez tenir compte de l'ignorance qui est le partage de tous les hommes, des rivalités jalouses qui ont existé parmi nous, de l'état de trouble et de discorde au milieu duquel nous vivons, rien de ce qui est arrivé ne vous paraîtra en dehors de la raison et des conditions de la nature humaine ; et vous comprendrez que Timothée a lui-même contribué pour une partie à son injuste condamnation. [131] Sans éloignement pour le gouvernement populaire, sans haine pour les autres hommes, sans orgueil pour lui-même, sans aucun autre défaut de cette nature, la fierté de son caractère, cette qualité utile pour le commandement des armées, mais qui n'est pas en harmonie avec les relations habituelles de la vie civile, l'a fait paraître aux yeux de tous coupable des choses que nous avons indiquées, parce que la nature l'avait créé aussi impropre à flatter les hommes qu'habile à manier les affaires. [132] Il m'avait, cependant, plus d'une fois entendu répéter que ceux qui participent au gouvernement et qui veulent acquérir de la popularité, doivent sans doute s'attacher aux actions les meilleures et les plus utiles, aux discours les plus justes et les plus vrais, mais qu'ils doivent, en même temps, mettre leur application et employer leurs efforts pour se montrer affables et bienveillants dans leurs paroles, comme dans leurs actions, par la raison que ceux qui négligent ce soin sont regardés comme des hommes durs et blessants pour leurs concitoyens. [133] « Vous voyez, lui disais-je, ce qu'est la multitude, combien elle est entraînée par l'attrait des choses qui lui plaisent, et combien elle préfère ceux qui l'abordent pour la flatter à ceux qui la comblent de leurs bienfaits; ceux qui la trompent avec gaieté et affabilité, à ceux qui servent ses intérêts avec poids et gravité. Mais ce sont des considérations qui jamais ne vous ont touché, et, lorsque vous avez réussi ou obtenu des succès au dehors, vous croyez avoir acquis la faveur de vos concitoyens au dedans. [134] Or il n'en est pas ainsi, ou plutôt c'est le contraire qui a coutume de se produire. Si vous savez leur plaire, quelque chose que vous fassiez, ils ne la jugeront pas d'après la vérité ; ils l'interpréteront à votre avantage; ils détourneront les yeux des fautes que vous aurez pu commettre, et, si vous avez eu des succès, ils les porteront aux nues, parce que c'est ainsi que la bienveillance agit sur les hommes. [135] Ce sentiment que vous cherchez par tous les moyens possibles à obtenir des autres villes pour votre patrie dans la pensée qu'il n'existe pas de plus grand bien, vous ne croyez pas devoir le préparer pour vous-même de sa part : d'où il résulte qu'après avoir été pour elle la cause des plus grandes prospérités, vous vous trouvez moins bien placé dans son affection que des hommes qui n'ont rien fait de remarquable. [136] Et ce n'est pas sans raison : car ces hommes flattent les orateurs; ils flattent ceux qui ont le talent de parler dans les réunions particulières, et qui prétendent tout savoir; tandis que non seulement vous les négligez, mais vous attaquez les plus puissants d'entre eux. Et pourtant, quel n'est pas, dans votre opinion, le nombre de ceux qui, par suite de leurs calomnies, ont été précipités les uns dans le malheur, les autres dans l'opprobre ; tandis qu'ils étaient en réalité plus habiles, plus dignes d'estime, que ceux qui ont été chantés dans des poèmes ou célébrés dans des tragédies ! [137] Mais les uns avaient eu des poètes ou des orateurs pour faire retentir leurs louanges, et les autres n'avaient rencontré personne. Si donc vous voulez me croire et si vous écoutez la sagesse, vous ne dédaignerez pas les hommes en qui le peuple est habitué à placer sa confiance, non seulement pour ce qui touche à chaque citoyen en particulier, mais pour l'ensemble des affaires ; vous aurez pour eux des égards et des soins, afin d'obtenir une brillante renommée et par vos actions et par leurs louanges. » [138] Ayant entendu ces paroles, Timothée me répondit « que mes conseils étaient sages, mais qu'il lui était impossible de changer sa nature ; qu'il était homme de probité et d'honneur, digne de sa patrie et de la Grèce, et qu'il ne pouvait se réduire aux proportions de ceux qui ne supportent pas les hommes d'une nature supérieure à la leur. » Voilà donc pourquoi les orateurs s'attachaient à accumuler contre Timothée des accusations mensongères, et pour quelle raison le peuple admettait leurs calomnies. [139] J'éprouverais du plaisir, si le temps m'en était donné, à m'expliquer sur ce sujet; car j'ai la conviction qu'après m'avoir entendu, vous haïriez et ceux qui ont excité contre Timothée la colère du peuple, et ceux qui osent, dans leurs discours, s'élever contre lui.

26-8. Je quitte maintenant ce sujet, et de nouveau je parlerai de moi et des intérêts qui nous occupent. [140] Je suis incertain, toutefois, de l'ordre dans lequel je me servirai des arguments qui me restent. Quel sera le premier? quel sera le second? car déjà la faculté me manque de les disposer avec suite ; et peut-être dois-je présenter chacun d'eux comme le hasard l'offrira à mon esprit. Je ne vous cacherai donc pas les faits qui dans ce moment reviennent à ma mémoire ; faits que je crois de nature à devoir être produits au grand jour, et que quelqu'un cependant me donnait le conseil d'ensevelir dans le silence. [141] Lorsque Lysimaque eut introduit son accusation contre moi, j'examinai, comme l'a fait chacun de vous, tout ce qui s'y rattachait. Je scrutai ma vie et mes actions, et j'employai la plus grande partie de mon temps à rechercher les choses pour lesquelles je pensais mériter des louanges. Un de mes amis, ayant eu connaissance de mon travail, osa me tenir alors le langage le plus méprisable. Il avouait que les choses que j'avais dites étaient de nature à exciter une noble émulation, mais il était préoccupé de la pensée qu'elles blesseraient un grand nombre de mes auditeurs. [142] « Il est des hommes, me disait-il tellement exaspérés par l'envie et par le besoin, tellement animés de sentiments haineux, qu'ils ne font pas la guerre aux vices, mais qu'ils la font à toute espèce de prospérité ; qu'ils haïssent, non seulement les hommes les plus vertueux, mais les mœurs les plus honnêtes, et qu'indépendamment d'autres actions coupables, réservant pour les méchants leur indulgence et leur appui, ils s'attachent à perdre, s'ils le peuvent, ceux qui sont l'objet de leur jalousie. [143] En agissant de cette manière, ils n'ignorent pas la vérité relativement aux faits sur lesquels ils vont donner leurs suffrages, mais, pleins de l'espoir de réussir dans leur injustice, ils se flattent de n'être pas découverts, et ils croient se protéger eux-mêmes en sauvant ceux qui leur ressemblent. J'ai dû, ajouta-t-il, vous tenir ce langage, afin que, prévoyant l'avenir, et suivant un meilleur système, vous missiez dans vos discours plus de prudence à leur égard. Quels sentiments avez-vous le droit d'attendre de la part de pareils hommes, lorsque vous déroulez devant eux le tableau de votre vie et de vos actions, qui n'ont aucun trait de ressemblance avec les leurs, et qui sont telles que vous me les présentez? [144] Vous montrez les discours que vous avez écrits, discours qui, loin d'être dignes de blâme, devraient attirer sur vous la plus grande reconnaissance ; vous faites voir que, parmi les hommes qui ont vécu dans votre intimité, les uns n'ont commis aucun crime, aucune faute, et que les autres ont été couronnés par la République à cause de leur vertu ; vous établissez la preuve que votre vie de chaque jour a été tellement réglée, tellement pure, que j'ignore si un autre citoyen pourrait en présenter une semblable ; que jamais vous n'avez appelé personne en justice, et que vous n'y avez jamais été appelé vous-même, excepté pour le fait de la permutation; que vous n'avez appuyé aucune accusation, ni porté témoignage contre aucun citoyen; qu'enfin, vous n'avez fait aucun des actes répréhensibles auxquels se livrent les autres hommes qui participent aux affaires. [145] En outre de ces faits d'un ordre si relevé, qui vous sont personnels, vous dites que vous vous êtes tenu en dehors des fonctions publiques et des avantages qu'elles assurent, comme de tous les emplois rétribués; et que, non seulement vous vous êtes fait inscrire sur le registre des douze cents qui payent la taxe de guerre et qui supportent les charges imposées par l'État, mais que vous y avez fait inscrire votre fils ; que déjà tous les deux vous avez été trois fois triérarques et que vous avez satisfait aux autres obligations de cette nature, avec plus de somptuosité et de noblesse que les lois ne le commandent. [146] Or, quand de telles vérités viendront frapper les oreilles de ces hommes dont les habitudes sont entièrement opposées à celles que vous venez de présenter, ne pensez-vous pas qu'ils les supporteront avec peine, et qu'ils y verront la preuve que leur vie n'est pas digne d'estime? S'ils apprenaient que vous suffisez avec peine et difficulté aux charges publiques et aux autres devoirs imposés par l'administration, ils n'éprouveraient pas la même irritation ; [147] mais ils pensent que les dons que vous recevez du dehors sont beaucoup plus considérables qu'ils ne le sont en réalité, et ils demeurent convaincus que vous vivez dans une plus grande aisance, non seulement que les autres citoyens, mais que les hommes qui cultivent la philosophie et se consacrent aux mêmes travaux que vous. Ils voient, en outre, la plupart de ces derniers, à l'exception de ceux qui apprécient votre vie et vos mœurs, déployer avec ostentation leur éloquence dans les grandes assemblées et dans les réunions particulières ; ils les voient lutter entre eux, faire des promesses exagérées, contester, se répandre en injures, [148] ne s'abstenir d'aucun acte déloyal, se créer à eux-mêmes des embarras, et mettre ainsi leurs auditeurs en situation, les uns de tourner en dérision ce qu'ils disent; quelques autres de les louer, la plupart de les haïr ; d'autres, enfin, de se former à leur égard l'opinion qui leur convient ; tandis que vous ne participez à aucun de ces désordres, et que votre vie diffère de la vie des sophistes, comme de celle des hommes étrangers à l'étude; de la vie des hommes opulents, comme de celle des hommes qui sont dans le besoin. [149] Il résultera peut-être de tout cet ensemble de choses, que les hommes capables de raisonnement, les hommes sensés, envieront votre bonheur ; mais pour ceux qui sont placés dans une situation d'infériorité, et qui sont accoutumés à s'affliger des vertus de leurs semblables plus que de leurs propres misères, il est impossible qu'ils ne soient pas dominés par un sentiment de malveillance et d'aigreur. C'est donc avec la conviction qu'ils seront mal disposés à votre égard, que vous devez examiner ce qu'il faut dire et ce qu'il faut taire. »

[150] Ἐγὼ δὲ κἀκείνου τότε ταῦτα λέγοντος καὶ νῦν ἡγοῦμαι πάντων ἀνθρώπων ἀτοπωτάτους εἶναι καὶ σχετλιωτάτους, οἵτινες βαρέως ἂν ἀκούοιεν εἰ λειτουργοῦντα μὲν ἐμαυτὸν τῇ πόλει παρέχω καὶ ποιοῦντα τὸ προσταττόμενον, μηδὲν δὲ δέομαι μήτε κληροῦσθαι τῶν ἀρχῶν ἕνεκα, μήτε λαμβάνειν ἃ τοῖς ἄλλοις ἡ πόλις δίδωσι, μήτ' αὖ φεύγειν δίκας μήτε διώκειν. [151] Ταῦτα γὰρ συνεταξάμην οὐ διὰ πλοῦτον οὐδὲ δι' ὑπερηφανίαν, οὐδὲ καταφρονῶν τῶν μὴ τὸν αὐτὸν τρόπον ἐμοὶ ζώντων, ἀλλὰ τὴν μὲν ἡσυχίαν καὶ τὴν ἀπραγμοσύνην ἀγαπῶν, μάλιστα δ' ὁρῶν τοὺς τοιούτους καὶ παρ' ὑμῖν καὶ παρὰ τοῖς ἄλλοις εὐδοκιμοῦντας, ἔπειτα τὸν βίον ἡδίω νομίσας εἶναι τοῦτον ἢ τὸν τῶν πολλὰ πραττόντων, ἔτι δὲ ταῖς διατριβαῖς ταῖς ἐμαῖς πρεπωδέστερον, αἷς ἐξ ἀρχῆς κατεστησάμην. [152] Τούτων μὲν ἕνεκα τοῦτον τὸν τρόπον ζῆν προειλόμην· τῶν δὲ λημμάτων τῶν παρὰ τῆς πόλεως ἀπεσχόμην δεινὸν ἡγησάμενος, εἰ δυνάμενος ἐκ τῶν ἰδίων τρέφειν ἐμαυτὸν ἐμποδών τῳ γενήσομαι τῶν ἐντεῦθεν ζῆν ἠναγκασμένων, καὶ διὰ τὴν ἐμὴν παρουσίαν ἐνδεής τις γενήσεται τῶν ἀναγκαίων. Ὑπὲρ ὧν ἐπαίνου τυγχάνειν ἄξιος ἦν μᾶλλον ἢ διαβολῆς. [153] Νῦν δ' εἰς πολλὴν ἀπορίαν καθέστηκα, τί δρῶν ἀρέσαι δυνηθείην ἂν τοῖς τοιούτοις. Εἰ γὰρ ἅπαντα τὸν χρόνον ἔργον ποιούμενος ὅπως μηδένα μήτ' ἀδικήσω μήτ' ἐνοχλήσω μήτε λυπήσω, δι' αὐτὰ ταῦτα λυπῶ τινας, τί ποιῶν ἂν χαριζοίμην; Ἢ τί λοιπόν ἐστι πλὴν ἐμὲ μὲν ἀτυχῆ, τοὺς δὲ τοιούτους ἀμαθεῖς δοκεῖν εἶναι καὶ δυσκόλους τοῖς συμπολιτευομένοις;

[154] Πρὸς μὲν οὖν τοὺς μηδὲν τῶν αὐτῶν τοῖς ἄλλοις γιγνώσκοντας, ἀλλὰ χαλεπωτέρους ὄντας τοῖς μὴ κακῶς πράττουσιν ἢ τοῖς ἀδικοῦσι, μωρόν ἐστιν ἀπολογίαν ζητεῖν· ὅσω γὰρ ἄν τις ἐπιεικέστερον αὑτὸν ἐπιδείξῃ, δῆλον ὅτι τοσούτω χεῖρον ἀγωνιεῖται παρ' αὐτοῖς· πρὸς δὲ τοὺς ἄλλους, περὶ ὧν Λυσίμαχος διέβαλεν, ὡς παμπληθῆ κεκτήμεθα τὴν οὐσίαν, ἀναγκαῖόν ἐστιν εἰπεῖν, ἵνα μὴ πιστευθεὶς ὁ λόγος εἰς μείζους καὶ πλείους ἡμᾶς ἐμβάλῃ λειτουργίας ὧν ὑπενεγκεῖν ἂν δυνηθεῖμεν. [155] Ὅλως μὲν οὖν οὐδεὶς εὑρεθήσεται τῶν καλουμένων σοφιστῶν πολλὰ χρήματα συλλεξάμενος, ἀλλ' οἱ μὲν ἐν ὀλίγοις οἱ δ' ἐν πάνυ μετρίοις τὸν βίον διαγαγόντες· ὁ δὲ πλεῖστα κτησάμενος ὦν ἡμεῖς μνημονεύομεν, Γοργίας ὁ Λεοντῖνος, οὗτος διατρίψας μὲν περὶ Θετταλίαν, ὅτ' εὐδαιμονέστατοι τῶν Ἑλλήνων ἦσαν, πλεῖστον δὲ χρόνον βιοὺς καὶ περὶ τὸν χρηματισμὸν τοῦτον γενόμενος, [156] πόλιν δ' οὐδεμίαν καταπαγίως οἰκήσας οὐδὲ περὶ τὰ κοινὰ δαπανηθεὶς οὐδ' εἰσφορὰν εἰσενεγκεῖν ἀναγκασθείς, ἔτι δὲ πρὸς τούτοις οὔτε γυναῖκα γήμας οὔτε παῖδας ποιησάμενος, ἀλλ' ἀτελὴς γενόμενος καὶ ταύτης τῆς λειτουργίας τῆς ἐνδελεχεστάτης καὶ πολυτελεστάτης, τοσοῦτον προλαβὼν πρὸς τὸ πλείω κτήσασθαι τῶν ἄλλων, χιλίους μόνους στατῆρας κατέλιπε. [157] Καί τοι χρὴ περὶ τῆς οὐσίας τῆς ἀλλήλων μὴ τοῖς αἰτιωμένοις εἰκῇ πιστεύειν, μηδὲ τὰς ἐργασίας ἴσας νομίζειν τάς τε τῶν σοφιστῶν καὶ τὰς τῶν ὑποκριτῶν, ἀλλὰ τοὺς ἐν ταῖς αὐταῖς τέχναις ὄντας πρὸς ἀλλήλους κρίνειν, καὶ τοὺς ὁμοίαν ἐν ἑκάστῃ δύναμιν λαβόντας παραπλησίαν καὶ τὴν οὐσίαν ἔχειν νομίζειν. [158] Ἢν οὖν ἐξισώσητέ με τῷ πλεῖστον ἐξειργασμένῳ καὶ θῆτε πρὸς ἐκεῖνον, οὔθ' ὑμεῖς παντάπασιν ἀσκέπτως εἰκάζειν δόξετε περὶ τῶν τοιούτων, οὔθ' ἡμεῖς εὑρεθεῖμεν ἂν οὔτε τὰ περὶ τὴν πόλιν οὔτε τὰ περὶ ἡμᾶς αὐτοὺς κακῶς διῳκηκότες, ἀλλ' ἀπ' ἐλαττόνων ζῶντες ὧν εἰς τὰς λειτουργίας ἀνηλώκαμεν. Καί τοι τοὺς εὐτελεστέρους ἐν τοῖς ἰδίοις ἢ τοῖς κοινοῖς ὄντας δίκαιόν ἐστιν ἐπαινεῖν.

[159] Ἐνθυμοῦμαι δὲ μεταξὺ λέγων, ὅσον τὰ τῆς πόλεως μεταπέπτωκε, καὶ τὰς διανοίας ὡς οὐδὲν ὁμοίας περὶ τῶν πραγμάτων οἱ νῦν τοῖς πρότερον πεπολιτευμένοις ἔχουσιν. Ὅτε μὲν γὰρ ἐγὼ παῖς ἦν, οὕτως ἐνομίζετο τὸ πλουτεῖν ἀσφαλὲς εἶναι καὶ σεμνὸν ὥστ' ὀλίγου δεῖν πάντες προσεποιοῦντο πλείω κεκτῆσθαι τὴν οὐσίαν ἧς ἔχοντες ἐτύγχανον, [160] βουλόμενοι μετασχεῖν τῆς δόξης ταύτης· νῦν δ' ὑπὲρ τοῦ μὴ πλουτεῖν ὥσπερ τῶν μεγίστων ἀδικημάτων ἀπολογίαν δεῖ παρασκευάζεσθαι καὶ σκοπεῖν, εἰ μέλλει τις σωθήσεσθαι. Πολὺ γὰρ δεινότερον καθέστηκε τὸ δοκεῖν εὐπορεῖν ἢ τὸ φανερῶς ἀδικεῖν· οἱ μὲν γὰρ ἢ συγγνώμης ἔτυχον ἢ μικροῖς ἐζημιώθησαν, οἱ δ' ἄρδην ἀπόλλυνται, καὶ πλείους ἂν εὕροιμεν τοὺς ἐκ τῶν ὄντων ἐκπεπτωκότας ἢ τοὺς δίκην ὑπὲρ τῶν ἁμαρτημάτων δεδωκότας. [161] Καὶ τί δεῖ λέγειν περὶ τῶν κοινῶν; Αὐτὸς γὰρ οὐ μικρὸν διήμαρτον διὰ ταύτην τὴν μεταβολὴν τῶν ἐμαυτοῦ πραγμάτων. Ὅτε γὰρ ἐπαμύνειν ἠρχόμην τοῖς ἰδίοις, ἀπολομένων ἐν τῷ πολέμῳ τῷ πρὸς Λακεδαιμονίους ἁπάντων τῶν ὑπαρχόντων ἡμῖν, ἀφ' ὧν ὁ πατὴρ ἅμα τῇ τε πόλει χρήσιμον αὑτὸν παρεῖχεν, ἡμᾶς θ' οὕτως ἐπιμελῶς ἐπαίδευσεν ὥστ' ἐπιφανέστερον εἶναί με τότε καὶ γνωριμώτερον ἐν τοῖς ἡλικιώταις καὶ συμπαιδευομένοις ἢ νῦν ἐν τοῖς συμπολιτευομένοις-- [162] ὅτε δ' οὖν, ὥσπερ εἶπον, ἠρχόμην πλησιάζειν τισίν, ᾠόμην, εἰ δυνηθείην πλείω κτήσασθαι καὶ περιποιήσασθαι τῶν ἐπὶ τὸν αὐτὸν βίον ὁρμησάντων, ἀμφότερα δόξειν, καὶ περὶ τὴν φιλοσοφίαν διαφέρειν καὶ κοσμιώτερον βεβιωκέναι τῶν ἄλλων. Ἐμοὶ δὲ τοὐναντίον ἀποβέβηκεν. [163] Εἰ μὲν γὰρ μήτ' ἄξιος μηδενὸς ἐγενόμην μήτε περιεποιησάμην μηδέν, οὐδεὶς ἄν μοι πράγματα παρεῖχεν, ἀλλὰ φανερῶς ἀδικῶν ἀσφαλῶς ἂν ἔζων ἕνεκά γε τῶν συκοφαντῶν· νῦν δ' ἀντὶ τῆς δόξης ἧς προσεδόκων ἀγῶνες περί με καὶ κίνδυνοι καὶ φθόνοι καὶ διαβολαὶ γεγόνασιν. [164] Οὕτω γὰρ ἡ πόλις ἐν τῷ παρόντι χαίρει τοὺς μὲν ἐπιεικεῖς πιέζουσα καὶ ταπεινοὺς ποιοῦσα, τοῖς δὲ πονηροῖς ἐξουσίαν διδοῦσα καὶ λέγειν καὶ ποιεῖν ὅ τι ἂν βουληθῶσιν, ὥστε Λυσίμαχος μὲν ὁ προῃρημένος ζῆν ἐκ τοῦ συκοφαντεῖν καὶ κακῶς ἀεί τινα ποιεῖν τῶν πολιτῶν κατηγορήσων ἡμῶν ἀναβέβηκεν, ἐγὼ δ' ὃς οὐδὲ περὶ ἕνα πότ' ἐξήμαρτον, ἀλλὰ τῶν μὲν ἐνθένδε λημμάτων ἀπεσχόμην, παρὰ ξένων δὲ καὶ νομιζόντων εὖ πάσχειν ἐπορισάμην τὰς ὠφελίας, ὡς δεινὰ ποιῶν εἰς τηλικουτονὶ καθέστηκα κίνδυνον. [165] Καί τοι προσῆκε τοὺς εὖ φρονοῦντας εὔχεσθαι τοῖς θεοῖς ὡς πλείστοις τῶν πολιτῶν παραγενέσθαι τὴν δύναμιν ταύτην, δι' ἣν ἔμελλον παρ' ἑτέρων λαμβάνοντες χρησίμους αὑτούς, ὥσπερ ἐγώ, τῇ πόλει παρέξειν. Πολλῆς δ' ἀλογίας περί με γεγενημένης πάντων ἂν συμβαίη δεινότατον, εἰ οἱ μὲν δεδωκότες μοι χρήματα τοσαύτην ἔχοιεν χάριν, ὥστ' ἔτι καὶ νῦν με θεραπεύειν, [166] ὑμεῖς δ', εἰς οὓς ἀνήλωκα τἀμαυτοῦ, δίκην ἐπιθυμήσαιτε παρ' ἐμοῦ λαβεῖν. Ἔτι δὲ δεινότερον, εἰ Πίνδαρον μὲν τὸν ποιητὴν οἱ πρὸ ἡμῶν γεγονότες ὑπὲρ ἑνὸς μόνον ῥήματος, ὅτι τὴν πόλιν ἔρεισμα τῆς Ἑλλάδος ὠνόμασεν, οὕτως ἐτίμησαν ὥστε καὶ πρόξενον ποιήσασθαι καὶ δωρεὰν μυρίας αὐτῷ δοῦναι δραχμάς, ἐμοὶ δὲ πολὺ πλείω καὶ κάλλιον ἐγκεκωμιακότι καὶ τὴν πόλιν καὶ τοὺς προγόνους μηδ' ἀσφαλῶς ἐγγένοιτο ἐπιβιῶναι τὸν ἐπίλοιπον χρόνον. [167] Περὶ μὲν οὖν τούτων καὶ τῶν ἄλλων τῶν κατηγορηθέντων ἱκανὴν εἶναι νομίζω τὴν εἰρημένην ἀπολογίαν·

οὐκ ὀκνήσω δὲ πρὸς ὑμᾶς οὔθ' ὡς ἔχω νῦν πρὸς τὸν ἐνεστῶτα κίνδυνον κατειπεῖν τὴν ἀλήθειαν, οὔθ' ὡς τὸ πρῶτον διετέθην πρὸς αὐτόν. Ἐγὼ γὰρ ὑπὲρ μὲν τῶν ἰδίων πολλὰς ἐλπίδας εἶχον καλῶς ἀγωνιεῖσθαι· [168] καὶ γὰρ τοῖς βεβιωμένοις καὶ τοῖς πεπραγμένοις ἐπίστευον, καὶ πολλοὺς λόγους καὶ δικαίους ᾤμην ἔχειν ὑπὲρ αὐτῶν· ὁρῶν δ' οὐ μόνον δυσκόλως διακειμένους περὶ τὴν τῶν λόγων παιδείαν τοὺς εἰθισμένους ἅπασι χαλεπαίνειν, ἀλλὰ καὶ τῶν ἄλλων πολιτῶν πολλοὺς τραχέως πρὸς αὐτὴν διακειμένους, ἐφοβούμην μὴ τὰ μὲν ἴδιά μου παραμεληθῇ, τῆς δὲ κοινῆς τῆς περὶ τοὺς σοφιστὰς διαβολῆς ἀπολαύσω τι φλαῦρον. [169] Ἐπειδὴ δὲ χρόνων ἐγγιγνομένων εἰσέπεσον εἰς τὸ λογίζεσθαι καὶ σκοπεῖν τί χρήσομαι τοῖς παροῦσιν, ἐπαυσάμην τοῦ δέους καὶ τῆς ταραχῆς ταύτης, οὐκ ἀλόγως, ἀλλ' ἐκ τῶν εἰκότων λογισάμενος καὶ παραμυθησάμενος ἐμαυτόν· [170] τούς τε γὰρ ἐπιεικεῖς ὑμῶν, πρὸς οὕς περ ἐγὼ ποιήσομαι τοὺς λόγους, ἠπιστάμην οὐκ ἐμμένοντας ταῖς δόξαις ταῖς ἀδίκως ἐγγεγενημέναις, ἀλλ' ἐπακολουθοῦντας ταῖς ἀληθείαις καὶ μεταπειθομένους ὑπὸ τῶν λεγόντων τὰ δίκαια, τήν τε φιλοσοφίαν ἐκ πολλῶν ἐνόμιζον ἐπιδείξειν ἀδίκως διαβεβλημένην, καὶ πολὺ ἂν δικαιοτέρως ἀγαπωμένην αὐτὴν ἢ μισουμένην.Ἔχω δὲ καὶ νῦν ἔτι ταύτην τὴν γνώμην. [171] Οὐκ ἄξιον δὲ θαυμάζειν εἴ τι τῶν καλῶν ἐπιτηδευμάτων ἠγνόηται καὶ διαλέληθεν, οὐδ' εἰ διεψευσμένοι τινὲς αὐτοῦ τυγχάνουσι· καὶ γὰρ περὶ ἡμῶν αὐτῶν καὶ περὶ ἄλλων πραγμάτων ἀναριθμήτων οὕτως ἔχοντες ἂν εὑρεθεῖμεν. Ἡ γὰρ πόλις ἡμῶν πολλῶν ἀγαθῶν αἰτία καὶ νῦν οὖσα καὶ πρότερον γεγενημένη καὶ τοῖς πολίταις καὶ τοῖς ἄλλοις Ἕλλησι, καὶ πολλῶν ἡδονῶν γέμουσα, [172] τοῦτ' ἔχει δυσκολώτατον· διὰ γὰρ τὸ μέγεθος καὶ τὸ πλῆθος τῶν ἐνοικούντων οὐκ εὐσύνοπτός ἐστιν οὐδ' ἀκριβής, ἀλλ' ὥσπερ χειμάρρους, ὅπως ἂν ἕκαστον ὑπολαβοῦσα τύχῃ καὶ τῶν ἀνθρώπων καὶ τῶν πραγμάτων, οὕτω κατήνεγκε, καὶ δόξαν ἐνίοις τὴν ἐναντίαν τῆς προσηκούσης περιέθηκεν· ὅπερ καὶ τῇ παιδεία ταύτῃ συμβέβηκεν. [173] Ὧν ἐνθυμουμένους χρὴ μηδενὸς πράγματος ἄνευ λόγου καταγιγνώσκειν, μηδ' ὁμοίως διακεῖσθαι δικάζοντας ὥσπερ ἐν ταῖς ἰδίαις διατριβαῖς, ἀλλὰ διακριβοῦσθαι περὶ ἑκάστου καὶ τὴν ἀλήθειαν ζητεῖν, μεμνημένους τῶν ὅρκων καὶ τῶν νόμων καθ' οὓς συνεληλύθατε δικάσοντες· ἔστι δ' οὐ περὶ μικρῶν οὔθ' ὁ λόγος οὔθ' ἡ κρίσις ἐν ᾗ καθέσταμεν, ἀλλὰ περὶ τῶν μεγίστων· οὐ γὰρ περὶ ἐμοῦ μέλλετε μόνον τὴν ψῆφον διοίσειν, ἀλλὰ καὶ περὶ ἐπιτηδεύματος ᾧ πολλοὶ τῶν νεωτέρων προσέχουσι τὸν νοῦν. [174] Οἶμαι δ' ὑμᾶς οὐκ ἀγνοεῖν ὅτι τὰ πράγματα τῆς πόλεως τοῖς ἐπιγιγνομένοις καὶ τοῖς τοιούτοις οἱ πρεσβύτεροι παραδιδόασι. Τοιαύτης οὖν ἀεὶ τῆς περιόδου γιγνομένης ἀναγκαῖόν ἐστιν, ὅπως ἃ οἱ νεώτεροι παιδευθῶσιν, οὕτω τὴν πόλιν πράττουσαν διατελεῖν· ὥστ' σὺ ποιητέον τοὺς συκοφάντας κυρίους τηλικούτου πράγματος, οὐδὲ τοὺς μὲν μὴ διδόντας τούτοις ἀργύριον τιμωρητέον, παρ' ὧν δ' ἂν λάβωσιν ἐατέον ποιεῖν ὅ τι ἂν βουληθῶσιν, [175] ἀλλ' εἰ μὲν ἡ φιλοσοφία τοιαύτην ἔχει δύναμιν ὥστε διαφθείρειν τοὺς νεωτέρους, οὐ τοῦτον χρὴ μόνον κολάζειν ὃν ἂν γράψηταί τις τούτων, ἀλλὰ πάντας ἐκποδὼν ποιεῖσθαι τοὺς περὶ τὴν διατριβὴν ταύτην ὄντας· εἰ δὲ τοὐναντίον πέφυκεν ὥστ' ὠφελεῖν καὶ βελτίους ποιεῖν τοὺς πλησιάζοντας καὶ πλέονος ἀξίους, τοὺς μὲν διαβεβλημένους πρὸς αὐτὴν παυστέον, τοὺς δὲ συκοφαντοῦντας ἀτιμητέον, τοῖς δὲ νεωτέροις συμβουλευτέον ἐν ταύτῃ διατρίβειν μᾶλλον ἢ τοῖς ἄλλοις ἐπιτηδεύμασι.

[176] Πρὸ πολλῶν δ' ἂν ἐποιησάμην, εἴπερ ἦν εἱμαρμένον μοι φεύγειν τὴν γραφὴν ταύτην, ἀκμάζοντί μοι προσπεσεῖν τὸν κίνδυνον· οὐ γὰρ ἂν ἠθύμουν, ἀλλὰ μᾶλλον οἷός τ' ἂν ἐγενόμην καὶ τὸν κατήγορον ἀμύνασθαι καὶ τῇ φιλοσοφίᾳ βοηθῆσαι· νῦν δὲ φοβοῦμαι μὴ διὰ ταύτην ὑπὲρ ἄλλων πραγμάτων ἐπιεικῶς εἰρηκώς, περὶ αὐτῆς ταύτης χεῖρον τύχω διαλεχθεὶς ἢ περὶ ὧν ἧττόν μοι σπουδάσαι προσῆκε. [177] Καίτοι δεξαίμην ἄν, εἰρήσεται γὰρ τἀληθὲς εἰ καὶ μωρὸς ὁ λόγος ἐστίν, ἤδη τελευτῆσαι τὸν βίον ἀξίως εἰπὼν τῆς ὑποθέσεως καὶ πείσας ὑμᾶς τοιαύτην νομίζειν τὴν τῶν λόγων μελέτην οἵα πέρ ἐστι, μᾶλλον ἢ ζῆν πολυπλασίω χρόνον ἐφορῶν οὕτως αὐτὴν ὥσπερ νῦν παρ' ὑμῖν φερομένην. [178] Τῆς μὲν οὖν ἐπιθυμίας οἶδ' ὅτι πολὺ καταδεέστερον ἐροῦμεν· ὅμως δ' ὅπως ἂν δύνωμαι, πειράσομαι διελθεῖν τήν τε φύσιν αὐτῆς καὶ τὴν δύναμιν ἣν ἔχει, καὶ ποίᾳ τῶν ἄλλων τεχνῶν ὁμοιοειδής ἐστι, καὶ τί τοὺς συνόντας ὠφελεῖ, καὶ ποίας τινὰς ποιούμεθα ἡμεῖς τὰς ὑποσχέσεις· οἶμαι γὰρ ὑμᾶς μαθόντας τὴν ἀλήθειαν ἄμεινον καὶ βουλεύσεσθαι καὶ διαγνώσεσθαι περὶ αὐτῆς. [179] Ἀξιῶ δ' ὑμᾶς, ἢν ἄρα φαίνωμαι λόγους διεξιὼν πολὺ τῶν εἰθισμένων λέγεσθαι παρ' ὑμῖν ἐξηλλαγμένους, μὴ δυσχεραίνειν ἀλλ' ἔχειν συγγνώμην, ἐνθυμουμένους ὅτι τοὺς περὶ πραγμάτων ἀνομοίων τοῖς ἄλλοις ἀγωνιζομένους ἀναγκαῖόν ἐστι καὶ τοῖς λόγοις τοιούτοις χρῆσθαι περὶ αὐτῶν. Ὑπομείναντες οὖν τὸν τρόπον τῶν λεγομένων καὶ τὴν παρρησίαν, καὶ τὸν χρόνον ἐάσαντες ἀναλῶσαί με τὸν δεδομένον ταῖς ἀπολογίαις, ὅπως ἂν ὑμῶν ἑκάστῳ δοκῇ δίκαιον εἶναι καὶ νόμιμον, οὕτω φέρετε τὴν ψῆφον.

[180] Βούλομαι δὲ περὶ τῆς τῶν λόγων παιδείας ὥσπερ οἱ γενεαλογοῦντες πρῶτον διελθεῖν πρὸς ὑμᾶς. Ὁμολογεῖται μὲν γὰρ τὴν φύσιν ἡμῶν ἔκ τε τοῦ σώματος συγκεῖσθαι καὶ τῆς ψυχῆς, αὐτοῖν δὲ τούτοιν οὐδεὶς ἔστιν ὅστις οὐκ ἂν φήσειεν ἡγεμονικωτέραν πεφυκέναι τὴν ψυχὴν καὶ πλέονος ἀξίαν· τῆς μὲν γὰρ ἔργον εἶναι βουλεύσασθαι καὶ περὶ τῶν ἰδίων καὶ περὶ τῶν κοινῶν, τοῦ δὲ σώματος ὑπηρετῆσαι τοῖς ὑπὸ τῆς ψυχῆς γνωσθεῖσιν. [181] Οὕτω δὲ τούτων ἐχόντων ὁρῶντές τινες τῶν πολὺ πρὸ ἡμῶν γεγονότων περὶ μὲν τῶν ἄλλων πολλὰς τέχνας συνεστηκυίας, περὶ δὲ τὸ σῶμα καὶ τὴν ψυχὴν οὐδὲν τοιοῦτον συντεταγμένον, εὑρόντες διττὰς ἐπιμελείας κατέλιπον ἡμῖν, περὶ μὲν τὰ σώματα τὴν παιδοτριβικήν, ἧς ἡ γυμναστικὴ μέρος ἐστί, περὶ δὲ τὰς ψυχὰς τὴν φιλοσοφίαν, περὶ ἧς ἐγὼ μέλλω ποιεῖσθαι τοὺς λόγους, [182] ἀντιστρόφους καὶ σύζυγας καὶ σφίσιν αὐταῖς ὁμολογουμένας, δι' ὧν οἱ προεστῶτες αὐτῶν τάς τε ψυχὰς φρονιμωτέρας καὶ τὰ σώματα χρησιμώτερα παρασκευάζουσιν, οὐ πολὺ διαστησάμενοι τὰς παιδείας ἀπ' ἀλλήλων, ἀλλὰ παραπλησίαις χρώμενοι καὶ ταῖς διδασκαλίαις καὶ ταῖς γυμνασίαις καὶ ταῖς ἄλλαις ἐπιμελείαις. [183] Ἐπειδὰν γὰρ λάβωσι μαθητάς, οἱ μὲν παιδοτρίβαι τὰ σχήματα τὰ πρὸς τὴν ἀγωνίαν εὑρημένα τοὺς φοιτῶντας διδάσκουσιν, οἱ δὲ περὶ τὴν φιλοσοφίαν ὄντες τὰς ἰδέας ἁπάσας, αἷς ὁ λόγος τυγχάνει χρώμενος, [184] διεξέρχονται τοῖς μαθηταῖς. Ἐμπείρους δὲ τούτων ποιήσαντες καὶ διακριβώσαντες ἐν τούτοις πάλιν γυμνάζουσιν αὐτούς, καὶ πονεῖν ἐθίζουσι, καὶ συνείρειν καθ' ἓν ἕκαστον ὧν ἔμαθον ἀναγκάζουσιν, ἵνα ταῦτα βεβαιότερον κατάσχωσι καὶ τῶν καιρῶν ἐγγυτέρω ταῖς δόξαις γένωνται. Τῷ μὲν γὰρ εἰδέναι περιλαβεῖν αὐτοὺς οὐχ οἷόν τ' ἐστίν· ἐπὶ γὰρ ἁπάντων τῶν πραγμάτων διαφεύγουσι τὰς ἐπιστήμας, οἱ δὲ μάλιστα προσέχοντες τὸν νοῦν καὶ δυνάμενοι θεωρεῖν τὸ συμβαῖνον ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ πλειστάκις αὐτῶν τυγχάνουσι. [185] Τοῦτον δὲ τὸν τρόπον ἐπιμελόμενοι καὶ παιδεύοντες μέχρι μὲν τοῦ γενέσθαι βελτίους αὐτοὺς αὑτῶν τοὺς μαθητὰς καὶ ἔχειν ἄμεινον, τοὺς μὲν τὰς διανοίας τοὺς δὲ τὰς τῶν σωμάτων ἕξεις, ἀμφότεροι δύνανται προαγαγεῖν· ἐκείνην δὲ τὴν ἐπιστήμην οὐδέτεροι τυγχάνουσιν ἔχοντες, δι' ἧς ἂν οἱ μὲν ἀθλητὰς οὓς βουληθεῖεν, οἱ δὲ ῥήτορας ἱκανοὺς ποιήσαιεν, ἀλλὰ μέρος μὲν ἄν τι συμβάλοιντο, τὸ δ' ὅλον αἱ δυνάμεις αὗται παραγίγνονται τοῖς καὶ τῇ φύσει καὶ ταῖς ἐπιμελείαις διενεγκοῦσιν. [186] Ὁ μὲν οὖν τύπος τῆς φιλοσοφίας τοιοῦτός τίς ἐστιν·

ἡγοῦμαι δ' ὑμᾶς μᾶλλον ἂν ἔτι καταμαθεῖν τὴν δύναμιν αὐτῆς, εἰ διέλθοιμι τὰς ὑποσχέσεις ἃς ποιούμεθα πρὸς τοὺς πλησιάζειν ἡμῖν βουλομένους. [187] Λέγομεν γὰρ ὡς δεῖ τοὺς μέλλοντας διοίσειν ἢ περὶ τοὺς λόγους ἢ περὶ τὰς πράξεις ἢ περὶ τὰς ἄλλας ἐργασίας πρῶτον μὲν πρὸς τοῦτο πεφυκέναι καλῶς, πρὸς ὃ ἂν προῃρημένοι τυγχάνωσιν, ἔπειτα παιδευθῆναι καὶ λαβεῖν τὴν ἐπιστήμην, ἥτις ἂν ᾗ περὶ ἑκάστου, τρίτον ἐντριβεῖς γενέσθαι καὶ γυμνασθῆναι περὶ τὴν χρείαν καὶ τὴν ἐμπειρίαν αὐτῶν· ἐκ τούτων γὰρ ἐν ἁπάσαις ταῖς ἐργασίαις τελείους γίγνεσθαι καὶ πολὺ διαφέροντας τῶν ἄλλων. Εἶναι δὲ τούτων προσῆκον ἑκατέροις, [188] τοῖς τε διδάσκουσι καὶ τοῖς μανθάνουσιν, ἴδιον μὲν τοῖς μὲν εἰσενέγκασθαι τὴν φύσιν οἵαν δεῖ, τοῖς δὲ δύνασθαι παιδεῦσαι τοὺς τοιούτους, κοινὸν δ' ἀμφοτέρων τὸ περὶ τὴν ἐμπειρίαν γυμνάσιον· δεῖν γὰρ τοὺς μὲν ἐπιμελῶς ἐπιστατῆσαι τοῖς παιδευομένοις, τοὺς δ' ἐγκρατῶς ἐμμεῖναι τοῖς προσταττομένοις. [189] Ταῦτα μὲν οὖν ἐστιν ἃ κατὰ πασῶν λέγομεν τῶν τεχνῶν· εἰ δὲ δή τις ἀφέμενος τῶν ἄλλων ἔροιτό με τί τούτων μεγίστην ἔχει δύναμιν πρὸς τὴν τῶν λόγων παιδείαν, ἀποκριναίμην ἂν ὅτι τὸ τῆς φύσεως ἀνυπέρβλητόν ἐστι καὶ πολὺ πάντων διαφέρει· τὸν γὰρ ἔχοντα τὴν μὲν ψυχὴν εὑρεῖν καὶ μαθεῖν καὶ πονῆσαι καὶ μνημονεῦσαι δυναμένην, τὴν δὲ φωνὴν καὶ τὴν τοῦ στόματος σαφήνειαν τοιαύτην ὥστε μὴ μόνοις τοῖς λεγομένοις ἀλλὰ καὶ ταῖς τούτων εὐαρμοστίαις συμπείθειν τοὺς ἀκούοντας, [190] ἔτι δὲ τὴν τόλμαν μὴ τὴν ἀναισχυντίας σημεῖον γιγνομένην, ἀλλὰ τὴν μετὰ σωφροσύνης οὕτω παρασκευάζουσαν τὴν ψυχὴν ὥστε μηδὲν ἧττον θαρρεῖν ἐν δὴ πᾶσι τοῖς πολίταις τοὺς λόγους ποιούμενον ἢ πρὸς αὑτὸν διανοούμενον, τίς οὐκ οἶδεν ὅτι τυχὼν ὁ τοιοῦτος παιδείας μὴ τῆς ἀπηκριβωμένης, ἀλλὰ τῆς ἐπιπολαίου καὶ πᾶσι κοινῆς, τοιοῦτος ἂν εἴη ῥήτωρ οἷος οὐκ οἶδ' εἴ τις τῶν Ἑλλήνων γέγονεν; [191] Καὶ μὲν δὴ κἀκείνους ἴσμεν, τοὺς καταδεεστέραν μὲν τούτων τὴν φύσιν ἔχοντας, ταῖς δ' ἐμπειρίαις καὶ ταῖς ἐπιμελείαις προέχοντας, ὅτι γίγνονται κρείττους οὐ μόνον αὑτῶν ἀλλὰ καὶ τῶν εὖ μὲν πεφυκότων λίαν δ' αὑτῶν κατημεληκότων· ὥσθ' ἑκάτερόν τε τούτων δεινὸν ἂν καὶ λέγειν καὶ πράττειν ποιήσειεν, ἀμφότερά τε γενόμενα περὶ τὸν αὐτὸν ἀνυπέρβλητον ἂν τοῖς ἄλλοις ἀποτελέσειεν. [192] Περὶ μὲν οὖν τῆς φύσεως καὶ τῆς ἐμπειρίας ταῦτα γιγνώσκω· περὶ δὲ τῆς παιδείας οὐκ ἔχω τοιοῦτον λόγον εἰπεῖν· οὔτε γὰρ ὁμοίαν οὔτε παραπλησίαν ἔχει τούτοις τὴν δύναμιν. Εἰ γάρ τις διακούσειεν ἅπαντα τὰ περὶ τοὺς λόγους καὶ διακριβωθείη μᾶλλον τῶν ἄλλων, λόγων μὲν ποιητὴς τυχὸν ἂν χαριέστερος γένοιτο τῶν πολλῶν, εἰς ὄχλον δὲ καταστάς, τούτου μόνον ἀποστερηθείς, τοῦ τολμᾶν, οὐδ' ἂν φθέγξασθαι δυνηθείη.

[193] Καὶ μηδεὶς οἰέσθω με πρὸς μὲν ὑμᾶς συστέλλειν τὴν ὑπόσχεσιν, ἐπειδὰν δὲ διαλέγωμαι πρὸς τοὺς συνεῖναί μοι βουλομένους, ἅπασαν ὑπ' ἐμαυτῷ ποιεῖσθαι τὴν δύναμιν· φεύγων γὰρ τὰς τοιαύτας αἰτίας, ὅτ' ἠρχόμην περὶ ταύτην εἶναι τὴν πραγματείαν, λόγον διέδωκα γράψας ἐν ᾧ φανήσομαι τοῖς τε μείζους ποιουμένοις τὰς ὑποσχέσεις ἐπιτιμῶν καὶ τὴν ἐμαυτοῦ γνώμην ἀποφαινόμενος. [194] Ἃ μὲν οὖν κατηγορῶ τῶν ἄλλων παραλείψω· καὶ γάρ ἐστι πλείω τοῦ καιροῦ τοῦ παρόντος· ἃ δ' αὐτὸς ἀποφαίνομαι, πειράσομαι διελθεῖν ὑμῖν. Ἄρχομαι δ' ἐνθένδε ποθέν.

[150] Pendant que mon interlocuteur parlait ainsi, je pensais, et je pense encore, que les plus absurdes des hommes et les plus dignes de mépris pouvaient seuls m'entendre avec défaveur, lorsque je me présentais moi-même comme un citoyen qui rendait à sa patrie les services qu'elle exigeait de lui, qui obéissait à ses ordres, et qui ne voulait, ni courir les chances du sort pour arriver aux magistratures, ni participer aux avantages accordés par l'État, ni comparaître en justice, soit pour se défendre, soit pour attaquer. [151] Et j'ai adopté cette manière de vivre, non par un sentiment d'intérêt ou d'orgueil, non par mépris pour les hommes qui vivent d'une autre manière que moi, mais parce que j'aime le repos, le loisir, et surtout parce que je vois ceux qui partagent mes sentiments jouir de votre estime et de celle des autres; enfin, parce que j'ai cru que cette existence était plus douce que celle des hommes lancés dans le mouvement des affaires, et plus en harmonie avec les habitudes que j'avais adoptées dès l'origine. [152] Voilà pour quelles raisons j'ai préféré ce genre de vie ; et je me suis abstenu d'accepter les rétributions accordées par l'État, parce que je regardais comme une mauvaise action, lorsque mes propres ressources suffisaient à mes besoins, d'empêcher ceux que la nécessité force de pourvoir ainsi à leur existence, de recevoir les secours de la République, et d'obliger, par ma présence, un de mes concitoyens à manquer du nécessaire. [153] Certes, de semblables actions me rendaient digne de louange plutôt que d'accusation ; je me trouve placé dans une grande incertitude, ne comprenant pas quel moyen je puis employer pour plaire à de tels hommes. Car si dans tous les temps, m'étant fait un devoir de ne blesser, de ne troubler, de n'affliger personne, je froisse par cela même quelques-uns d'entre eux, que pourrais-je faire pour leur être agréable? Et alors que me reste-t-il, sinon d'accepter ma disgrâce et de les considérer comme des ignorants qui haïssent leurs concitoyens?

[154] 26-9. Il serait contraire à la raison d'essayer une apologie auprès de ceux qui n'ont aucun sentiment commun avec les autres, et qui éprouvent plus d'irritation contre les hommes qui ne sont pas dans l'infortune que contre ceux qui commettent des crimes, car plus un homme se montrera vertueux, plus il est évident qu'il se défendra avec défaveur devant de tels juges ; mais avec d'autres juges, et relativement à l'accusation mensongère dans laquelle Lysimaque a établi que je possédais une immense fortune, il est nécessaire que je m'explique, afin que ses assertions, considérées comme vraies, ne nous fassent pas imposer des fonctions plus onéreuses et en plus grand nombre que celles qu'il nous est possible de supporter. [155] En général, parmi les hommes que l'on désigne sous le nom de sophistes, on n'en trouvera pas un seul qui ait acquis de grandes richesses : on reconnaîtra, au contraire, que les uns ne possèdent que de faibles ressources, et que les autres passent leur vie dans un état de complète médiocrité. Celui qui s'est le plus enrichi, parmi ceux dont nous conservons la mémoire, est Gorgias le Léontin. Il habitait la Thessalie dans un temps où les Thessaliens étaient le peuple le plus riche de la Grèce ; il y passa la plus grande partie de sa vie, et se servit de son talent pour se créer une fortune. [156] N'ayant de domicile fixe dans aucune ville, il ne dépensait rien pour les charges publiques ; il n'était obligé de payer aucune taxe; de plus, n'étant pas marié et n'ayant pas eu d'enfant, il s'était ainsi trouvé exempt de cette charge la plus continue, la plus dispendieuse de toutes ; et cependant, avec de tels avantages pour acquérir plus de richesses que les autres, il n'a laissé que mille statères. [157] Il ne faut pas, d'ailleurs, en ce qui concerne la fortune des uns et des autres, donner légèrement sa confiance aux accusateurs, ni assimiler, par exemple, pour les résultats, les travaux des sophistes et ceux des comédiens; mais il faut comparer entre eux les hommes qui pratiquent des arts semblables, et croire que ceux qui sont doués de la même habileté jouissent à peu près de la même fortune. [158] Si donc, me comparant à Gorgias, qui a amassé le plus de richesses, vous me placez sur la même ligne, on ne vous accusera pas d'avoir porté, à cet égard, un jugement entièrement irréfléchi, et, d'un autre côté, on ne trouvera pas que nous ayons mal administré notre fortune, ni relativement à notre patrie, ni relativement à nous-mêmes ; car on reconnaîtra que, vivant avec des ressources minimes, nous avons supporté de grandes dépenses pour les fonctions publiques qui nous ont été imposées. Or il est juste de louer les hommes qui se montrent plus économes de leur fortune pour eux-mêmes que pour leur pays.

[159] 26-10. Mais, tandis que je parle, mon esprit est frappé de l'abaissement où est tombée la République, et de la différence complète qui existe, sous le rapport des intérêts de l'État, entre les pensées des hommes qui gouvernent aujourd'hui et celles des hommes qui dirigeaient autrefois nos affaires. Dans le temps de mon enfance, la fortune était regardée comme une chose si noble et si assurée, que presque tous les citoyens cherchaient à paraître plus riches qu'ils ne l'étaient réellement, [160] afin d'avoir une plus grande part à la considération qui résulte de la fortune ; maintenant il faut, lorsqu'on est accusé d'être riche, préparer une apologie pour se défendre, comme on se défend des plus grands crimes, et chercher à s'assurer des moyens de salut. Il y a, en effet, beaucoup plus de dangers à paraître dans l'opulence qu'à commettre ouvertement une mauvaise action ; car les coupables sont absous, ou punis d'une peine légère ; tandis que l'homme opulent est sacrifié sans pitié et on pourrait trouver beaucoup plus de citoyens dépouillés injustement de leur fortune, que de coupables ayant subi la peine de leurs crimes. [161] Mais pourquoi m'arrêter ici à parler de faits généraux, quand moi-même, par suite de ce changement, je n'ai pas éprouvé de faibles dommages dans ma position personnelle? A l'époque où je commençais à pouvoir défendre mes intérêts, la guerre contre Lacédémone nous ayant enlevé tous les biens que nous possédions, et à l'aide desquels mon père, non content de se rendre utile à son pays, nous élevait avec un tel soin que j'étais plus connu, plus remarqué parmi les jeunes gens de mon âge et parmi mes condisciples que je ne le suis aujourd'hui parmi mes concitoyens; [162] à l'époque, dis-je, où je commençais à me mêler aux autres hommes, je pensais que, si je pouvais acquérir plus de richesses et d'aisance que ceux qui embrassaient alors la même carrière que moi, je serais considéré comme un homme distingué à la fois par ses connaissances et par sa fortune. Or le contraire m'est arrivé. Si j'eusse été dépourvu de toute valeur, si je n'eusse acquis aucune richesse, personne n'aurait cherché à me nuire ; si même j'eusse commis ouvertement quelque crime, j'aurais vécu en sécurité, grâce à l'appui des sycophantes ; tandis que maintenant, au lieu de la renommée à laquelle je m'attendais, les luttes, les périls, les jalousies, les accusations, m'ont assailli de toutes parts. [164] Notre ville trouve aujourd'hui une telle satisfaction à opprimer, à humilier les gens de bien et à donner aux méchants la liberté de tout dire et de tout faire, que Lysimaque, qui a résolu de vivre de ses calomnies et du mal qu'il ne cesse de faire à ses concitoyens, est monté à la tribune pour m'accuser, et que moi, qui n'ai jamais offensé personne, qui me suis abstenu de recevoir aucun salaire de l'État, qui ai créé ma fortune avec les dons qui m'étaient offerts par les étrangers et par ceux qui croyaient avoir reçu de moi quelque service, je me suis trouvé engagé dans le même péril que si j'eusse commis des actions coupables. [165] Les hommes sages devraient plutôt adresser des prières aux dieux afin que le plus grand nombre de citoyens obtinssent de participer à une faculté à l'aide de laquelle ils pourraient, en recevant de l'argent des étrangers; se rendre, comme je l'ai fait, utiles à leur patrie. Parmi tant de choses contraires à la raison qui ont eu lieu, en ce qui me concerne, la plus révoltante serait sans doute que, d'une part, ceux qui m'ont enrichi de leurs dons éprouvassent à mon égard une telle reconnaissance que, même encore aujourd'hui, ils voulussent venir à mon secours, [166] et que de l'autre, vous, pour qui j'ai dépensé ma fortune, vous éprouvassiez l'envie de sévir à mon égard. Il y aurait pourtant encore quelque chose de plus odieux, ce serait que nos ancêtres eussent honoré le poète Pindare jusqu'à le nommer proxène, et à lui offrir un présent de dix mille drachmes pour cette seule parole qu'Athènes était le rempart de la Grèce, et que moi, qui ai célébré notre ville et nos ancêtres par des louanges beaucoup plus nobles et beaucoup plus étendues, je n'eusse pas même le pouvoir de passer en sécurité le temps qui me reste à vivre. [167] Je crois vous avoir présenté pour cet objet, comme pour les autres parties de l'accusation, une suffisante apologie.

26-11. Maintenant, je n'hésiterai pas à déclarer la vérité, et sur la manière dont j'envisage aujourd'hui le danger qui me menace, et sur le sentiment que ce danger m'avait d'abord fait éprouver. En ce qui m'était personnel, j'avais la meilleure espérance de me défendre avec avantage ; [168] je me confiais dans ma vie et dans mes actions, pour lesquelles je croyais pouvoir présenter de nombreuses et justes apologies. Voyant ensuite que l'enseignement de l'éloquence n'était pas seulement regardé avec défaveur par les hommes accoutumés à s'irriter contre tout le monde, mais qu'un grand nombre de citoyens était dans des dispositions hostiles à l'égard de cet enseignement, je craignais, d'une part, que ma cause personnelle ne fût examinée avec peu d'intérêt, et que, de l'autre, l'accusation universelle qui pèse sur les sophistes ne devînt pour moi l'occasion de quelque malheur. [169] Mais plus tard, le temps s'étant écoulé, je commençai à examiner et à calculer de quelle manière je pourrais agir utilement dans la situation où je me trouvais; je bannis alors, et non sans motif, le trouble et la crainte, cherchant dans les probabilités des raisons pour m'encourager moi-même. [170] Je savais que les hommes judicieux qui se trouvaient parmi vous et devant lesquels je devais parler ne s'arrêtaient pas à des opinions injustes, mais qu'ils s'attachaient à suivre la vérité et faisaient céder leurs préjugés devant la parole de ceux qui leur tenaient un langage d'accord avec l'équité ; en un mot, je croyais pouvoir montrer par un grand nombre de preuves que la philosophie, injustement accusée, devait être bien plutôt un objet d'amour que de haine. Je suis encore de ce sentiment. [171] Il ne faut pour tant pas s'étonner si, parmi les plus nobles études, il s'en trouve une qui soit oubliée ou ignorée, et s'il se rencontre des hommes qui se trompent dans leur jugement sur elle ; nous pourrions même nous surprendre dans de semblables erreurs sur nous et sur une infinité d'objets divers. Notre ville, qui est encore aujourd'hui, et qui a été autrefois la cause de tant de prospérités pour ses propres citoyens et pour les autres Grecs, notre ville, qui est remplie de toutes les choses qui contribuent à l'agrément de la vie, [172] a cela de funeste que, par suite de son étendue et du grand nombre de ses habitants, elle est incapable de juger les affaires dans leur ensemble, comme de les examiner avec soin, de sorte que, saisissant, à la manière des torrents, les affaires et les hommes selon qu'ils se présentent, elle les entraîne et se forme, sur plusieurs, une opinion erronée. Or, c'est ce qui est arrivé à la science philosophique. [173] Pénétrés de ces pensées, il ne faut donc rien condamner sans raison, et, quand vous rendez la justice, il ne faut pas être dans les mêmes dispositions que lorsque vous prenez part à des discussions privées ; il faut tout examiner avec soin ; il faut chercher la vérité sur chaque chose, et vous souvenir des serments et des lois d'après lesquels vous vous êtes réunis pour juger. Il ne s'agit pas dans ce discours, non plus que dans le débat auquel nous prenons part, d'objets d'une faible importance : il s'agit, au contraire, des plus grands intérêts. Car ce n'est pas seulement sur moi que vous donnerez vos suffrages, mais sur une science vers laquelle se porte une jeunesse nombreuse. [174] Vous n'ignorez pas, je pense, qu'un jour les vieillards remettront aux mains des jeunes gens, qui doivent les remplacer, le soin des intérêts publics. Ce cercle se renouvelant toujours, il s'ensuit nécessairement que l'avenir de la République dépend de la manière dont les jeunes gens sont élevés : il ne faut donc pas rendre les sycophantes arbitres d'un tel intérêt ; il ne faut pas punir les hommes qui se refusent à leur donner de l'argent ; il ne faut pas permettre à ceux dont ils reçoivent les dons de faire impunément ce qu'ils veulent; mais, si la philosophie possède une puissance capable de corrompre la jeunesse, il ne faut pas se contenter de châtier celui qu'un de ces hommes accuse, il faut purger la société de tous ceux qui s'attachent à cette étude; [175] si, au contraire, il est dans la nature de la philosophie d'être utile aux hommes, de rendre meilleurs et plus dignes d'estime ceux qui en font l'objet de leurs travaux, il faut imposer silence à ses détracteurs, couvrir d'opprobre les sycophantes, et conseiller aux jeunes gens de se consacrer à cette étude plus qu'à toute autre.

[176] 26-12. J'aurais préféré, puisque le destin voulait que j'eusse à me défendre contre cette accusation, que le danger se fût présenté à l'époque de ma jeunesse ; je ne me serais pas senti découragé et j'aurais eu plus de force pour réfuter mon accusateur et pour venir au secours de la philosophie. Maintenant, lorsque j'ai pu, avec son aide, parler convenablement sur d'autres sujets, je crains de m'exprimer, en parlant d'elle, moins bien que sur des choses qui devaient m'inspirer moins d'intérêt. [177] Aussi je consentirais, car la vérité sera dite, encore que l'expression puisse en paraître insensée, oui, je consentirais à mourir tout à l'heure, en vous parlant d'une manière digne du sujet, et après vous avoir persuadés de considérer l'étude de l'éloquence comme aussi importante qu'elle l'est en réalité, plutôt que de vivre encore longtemps, pour la voir jugée par vous comme elle l'est aujourd'hui. [178] Mes paroles, je le sais, resteront fort au-dessous de mon désir ; mais, autant que je le pourrai, j'essayerai d'exposer la nature de l'éloquence et sa puissance, le genre d'étude auquel on peut l'assimiler, enfin l'utilité qu'elle offre et les promesses que nous faisons : car je crois que vous délibérerez et que vous prononcerez avec plus de sagesse sur ce qui la concerne, du moment où la vérité vous sera connue. [179] Je vous demande, si mes discours vous semblent trop s'éloigner de ceux que l'on a coutume de prononcer devant vous, de ne pas vous irriter, mais d'avoir quelque indulgence, en considérant que ceux qui discutent sur des affaires différentes des affaires habituelles, sont obligés de se servir d'arguments analogues aux choses dont ils parlent. C'est donc après avoir supporté et la nature de mes discours et la liberté de mes paroles, et après m'avoir permis d'épuiser le temps accordé à ma justification, que vous donnerez vos suffrages selon ce que chacun de vous jugera conforme à la justice et aux lois.

[180] 26-13. Je veux d'abord, en vous exposant mes pensées sur l'enseignement de l'éloquence, suivre la méthode des généalogistes. Tout le monde reconnaît que notre nature est formée de la réunion de l'âme et du corps ; et entre ces deux éléments, il n'est personne qui n'affirme que l'âme est plus particulièrement destinée à commander, et qu'elle est digne de plus d'estime, parce que c'est à elle qu'il appartient de délibérer sur les intérêts privés, comme sur les intérêts publics, tandis que le corps doit obéir à ce qui a été résolu par l'âme. [181] Les choses étant ainsi établies, des hommes qui vivaient longtemps avant nous, et qui voyaient que pour tout le reste un grand nombre d'arts avaient été inventés, mais que rien de semblable n'avait été préparé dans l'intérêt de l'âme et du corps, imaginèrent deux sortes d'enseignements qu'ils nous ont transmis : pour le corps, l'art de développer ses facultés par des exercices, dont la gymnastique est une partie, et pour l'âme, la philosophie, dont je dois vous entretenir; [182] enseignements qui se correspondent, se lient, et sont dans un accord complet ; de sorte que les hommes qui sont à leur tête rendent les âmes plus intelligentes et les corps plus vigoureux, sans mettre une grande différence entre les deux méthodes d'enseignement, et en se servant d'instructions, d'exercices, de moyens à peu près semblables. [183] Et, en effet, lorsque les uns et les autres ont réuni des élèves, les maîtres de gymnastique enseignent à ceux qui fréquentent leurs écoles les poses inventées pour la lutte, et les professeurs de philosophie [184] expliquent à leurs disciples toutes les formes employées dans la composition du discours. Lorsque, ensuite, ils leur ont donné connaissance de ces premiers éléments, qu'ils ont perfectionné leur instruction sous ce rapport, ils les exercent de nouveau, leur font du travail une habitude, et les obligent à lier successivement entre elles chacune des choses qu'ils ont apprises, afin qu'ils les possèdent d'une manière plus assurée, et qu'ils puissent, par leurs conjectures, rapprocher davantage la théorie des circonstances réelles. Il n'est pas au pouvoir de la science d'embrasser toutes les applications ; elles échappent aux plus savantes théories, mais ceux qui savent le mieux fixer leur attention et observer ce qui arrive obtiennent ordinairement plus de succès. [185] Par ces soins et par cette éducation, les uns et les autres peuvent amener leurs disciples à se surpasser eux-mêmes et à développer, les uns leur intelligence, les autres leurs facultés corporelles ; mais ni les uns ni les autres ne possèdent l'art de créer à volonté des athlètes ou des orateurs parfaits ; ils y contribuent seulement pour une partie, et, dans la réalité, de telles facultés sont le partage des hommes qui se distinguent à la fois par leurs qualités naturelles et par le soin qu'ils mettent à les cultiver. [186] Voilà le caractère distinctif de la philosophie.

26-14. Je crois que vous comprendrez encore mieux en quoi consiste sa puissance, si j'explique devant vous les promesses que nous faisons à ceux qui ont le désir de fréquenter nos écoles. [187] Nous disons que les hommes destinés à se distinguer, soit par leurs discours, soit par leurs actions, soit par leur habileté dans un art quelconque, doivent, avant tout, être doués heureusement parla nature pour le but qu'ils se proposent; qu'ensuite, ils doivent avoir reçu une éducation convenable et posséder les connaissances qui sont propres à chaque objet; qu'en troisième lieu, ils doivent les approfondir et s'exercer de manière à en acquérir l'usage et l'expérience ; que c'est là, dans toute espèce de travaux, le moyen d'arriver à la perfection et de s'élever de beaucoup au-dessus des autres. [188] Il y a, d'ailleurs, pour les maîtres et pour les disciples, une condition particulière, savoir, que les derniers apportent une nature convenable, et que les premiers soient capables de former de pareils hommes ; et il existe aussi une condition qui doit leur être commune, c'est de s'être exercés pour acquérir l'expérience nécessaire ; les maîtres étant obligés d'apporter le plus grand soin dans les instructions qu'ils donnent à leurs élèves, et les élèves de s'attacher fortement aux prescriptions qu'ils reçoivent. [189] Voilà ce que nous disons pour toute espèce d'art ; et si quelqu'un, laissant de côté les autres questions, me demandait laquelle de toutes ces choses a le plus d'influence sur l'enseignement de l'éloquence, je répondrais que les dons de la nature occupent incontestablement le premier rang et l'emportent de beaucoup sur tous les autres avantages. Comment serait-il possible d'ignorer que l'homme qui aurait été doué d'un esprit capable d'inventer, d'apprendre, de méditer, de se souvenir, qui posséderait une voix, une élocution tellement pures qu'il pourrait, non seulement par ses paroles mêmes, mais encore par leur harmonie, persuader ses auditeurs ; [190] qui, de plus, joindrait à ces qualités l'assurance, non pas celle qui est un signe d'impudence, mais celle qui, unie à la modestie, dispose l'âme de telle manière qu'on n'a pas moins de confiance en parlant devant tons ses concitoyens que lorsqu'on pense avec soi-même ; qui peut ignorer, disons-nous, qu'un homme de cette nature, lors même qu'il n'aurait pas reçu une éducation spéciale, mais une éducation ordinaire, l'éducation commune à tous, serait un orateur tel que je ne sais pas s'il en a existé un semblable parmi les Grecs? [191] Mais, d'un autre côté, nous savons aussi que ceux à qui la nature a donné des dispositions moins brillantes qu'à leurs rivaux, et qui l'emportent par l'exercice et par les soins, deviennent supérieurs, non seulement à eux-mêmes, mais à ceux qui, étant heureusement nés, négligent de cultiver leur esprit; d'où il résulte que chacune de ces deux choses peut séparément produire un homme distingué par sa capacité, soit pour parler, soit pour agir; mais que la réunion des deux conditions dans la même personne en ferait un homme qu'aucun autre n'aurait le pouvoir de surpasser. [192] Voilà quelles sont mes pensées sur le génie et sur le travail. Quant à l'éducation, je ne puis pas tenir le même langage, car elle ne possède ni la même puissance, ni une puissance qui en approche. Et, en effet, celui qui aurait entendu tout ce que l'on peut dire sur l'art de composer des discours, qui s'en serait pénétré avec plus de soin que les autres, pourrait, peut-être, écrire avec plus d'agrément que la foule des orateurs; mais si, placé en présence du peuple, l'assurance seule lui manquait, il lui serait impossible d'articuler même une parole.

[193] 26-15. Et que personne ne croie que je veuille atténuer devant vous la valeur de mes promesses, et qu'ensuite, lorsque je parle devant ceux qui veulent s'attacher à moi, je m'attribue une puissance sans limites ; car, pour éviter de semblables accusations, à l'époque où j'ai commencé à me livrer à l'enseignement de l'éloquence, j'ai écrit et publié un discours dans lequel on verra que je blâme ceux qui font de grandes promesses, et que je déclare mon sentiment à cet égard. Je laisserai de côté les reproches que j'adresse à d'autres dans ce discours : il faudrait pour le lire un temps plus long que celui qui m'est accorde. Mais, quant aux promesses que je fais, j'essayerai de les exposer devant vous. Je commence à peu près dans cet endroit.

ἐκ τοῦ κατὰ Σοφιστῶν

Isoc. 13.14-18

[14] Εἰ δὲ δεῖ μὴ κατηγορεῖν τῶν ἄλλων ἀλλὰ καὶ τὴν ἐμαυτοῦ δηλῶσαι διάνοιαν, ἡγοῦμαι πάντας ἄν μοι τοὺς εὖ φρονοῦντας συνειπεῖν ὅτι πολλοὶ μὲν τῶν φιλοσοφησάντων ἰδιῶται* διετέλεσαν ὄντες, ἄλλοι δέ τινες οὐδενὶ πώποτε συγγενόμενοι τῶν σοφιστῶν καὶ λέγειν καὶ πολιτεύεσθαι δεινοὶ γεγόνασιν. Αἱ μὲν γὰρ δυνάμεις καὶ τῶν λόγων καὶ τῶν ἄλλων ἔργων ἁπάντων ἐν τοῖς εὐφυέσιν ἐγγίγνονται καὶ τοῖς περὶ τὰς ἐμπειρίας γεγυμνασμένοις: [15] ἡ δὲ παίδευσις τοὺς μὲν τοιούτους τεχνικωτέρους καὶ πρὸς τὸ ζητεῖν εὐπορωτέρους ἐποίησεν, οἷς γὰρ νῦν ἐντυγχάνουσι πλανώμενοι, ταῦτ' ἐξ ἑτοιμοτέρου λαμβάνειν αὐτοὺς ἐδίδαξεν*, τοὺς δὲ καταδεεστέραν τὴν φύσιν ἔχοντας ἀγωνιστὰς μὲν ἀγαθοὺς ἢ λόγων ποιητὰς οὐκ ἂν ἀποτελέσειεν, αὐτοὺς δ' ἂν αὑτῶν προαγάγοι καὶ πρὸς πολλὰ φρονιμωτέρως διακεῖσθαι ποιήσειεν.

[16] Βούλομαι δ', ἐπειδή περ εἰς τοῦτο προῆλθον, ἔτι σαφέστερον εἰπεῖν περὶ αὐτῶν. Φημὶ γὰρ ἐγὼ τῶν μὲν ἰδεῶν*, ἐξ ὧν τοὺς λόγους ἅπαντας καὶ λέγομεν καὶ συντίθεμεν, λαβεῖν τὴν ἐπιστήμην οὐκ εἶναι τῶν πάνυ χαλεπῶν, ἤν τις αὑτὸν παραδῷ μὴ τοῖς ῥᾳδίως ὑπισχνουμένοις ἀλλὰ τοῖς εἰδόσι τι περὶ αὐτῶν: τὸ δὲ τούτων* ἐφ' ἑκάστῳ τῶν πραγμάτων ἃς δεῖ προελέσθαι καὶ μῖξαι πρὸς ἀλλήλας καὶ τάξαι κατὰ τρόπον, ἔτι δὲ τῶν καιρῶν μὴ διαμαρτεῖν, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἐνθυμήμασι πρεπόντως ὅλον τὸν λόγον καταποικῖλαι καὶ τοῖς ὀνόμασιν εὐρύθμως καὶ μουσικῶς εἰπεῖν, [17] ταῦτα δὲ πολλῆς ἐπιμελείας δεῖσθαι καὶ ψυχῆς ἀνδρικῆς καὶ δοξαστικῆς ἔργον εἶναι, καὶ δεῖν τὸν μὲν μαθητὴν πρὸς τῷ τὴν φύσιν ἔχειν οἵαν χρὴ τὰ μὲν εἴδη τὰ τῶν λόγων μαθεῖν, περὶ δὲ τὰς χρήσεις αὐτῶν γυμνασθῆναι, τὸν δὲ διδάσκαλον τὰ μὲν οὕτως ἀκριβῶς οἷόν τ' εἶναι διελθεῖν ὥστε μηδὲν τῶν διδακτῶν παραλιπεῖν, περὶ δὲ τῶν λοιπῶν τοιοῦτον αὑτὸν παράδειγμα παρασχεῖν, [18] ὥστε τοὺς ἐκτυπωθέντας καὶ μιμήσασθαι δυναμένους εὐθὺς ἀνθηρότερον καὶ χαριέστερον τῶν ἄλλων φαίνεσθαι λέγοντας. Καὶ τούτων μὲν ἁπάντων συμπεσόντων τελείως ἕξουσιν οἱ φιλοσοφοῦντες: καθ' ὃ δ' ἂν ἐλλειφθῇ τι τῶν εἰρημένων, ἀνάγκη ταύτῃ χεῖρον διακεῖσθαι τοὺς πλησιάζοντας.

[14] « 8. Si, cependant, je ne dois pas me borner à formuler des accusations, et si je dois faire connaître ma pensée tout entière, je crois être d'accord avec tous les hommes sensés en disant qu'un grand nombre parmi ceux qui se sont livrés à l'étude des lettres sont restés dans la vie privée, tandis que quelques autres, sans avoir jamais été à l'école d'aucun sophiste, se sont fait remarquer par leur éloquence et par leur habileté dans le gouvernement de l'État. La puissance de la parοle et de toutes les autres facultés de l'homme se manifeste dans ceux qui sont nés avec des dispositions heureuses et dans ceux qui ont développé des dispositions ordinaires par le travail. [15] L'éducation les rend plus habiles; elle leur fournit de plus abondantes ressources pour faire des recherches, parce que, les choses qu'ils rencontraient en errant et comme au hasard, elle leur enseigne à les prendre comme dans un dépôt. Si elle ne peut pas faire que des hommes d'une nature inférieure deviennent des athlètes redoutables ou des orateurs distingués, du moins les rend-elle en quelque sorte supérieurs à eux-mêmes et plus capables à beau-« coup d'égards.

[16] « 9. Je veux, puisque je me suis avancé jusque-là, m'expliquer avec encore plus de clarté. Je dis que la science des formes dont nous nous servons soit pour parler, soit pour composer des discours, n'est pas au nombre des choses difficiles à acquérir, si l'on place sa confiance, non dans les hommes qui font facilement de vaines promesses, mais dans ceux qui sont véritablement instruits des choses qu'ils enseignent. Quant à l'art de choisir les formes que réclame chaque objet en particulier, de les disposer entre elles, de les placer à propos, de ne laisser échapper aucune occasion de donner par les pensées de la variété au discours, d'observer enfin, dans les paroles, les règles du nombre et de l'harmonie, [17] je dis que c'est un travail qui exige beaucoup de soins, et que c'est l'œuvre d'un esprit courageux et pénétrant : j'ajoute que le disciple doit non seulement avoir reçu de la nature les moyens nécessaires pour apprendre et connaître les divers genres de style, mais qu'il doit s'être exercé à en faire usage ; et que le maître, indépendamment de la faculté d'expliquer toutes les règles avec une exactitude telle que rien de ce qui doit être appris ne soit passé sous silence, est obligé pour tout le reste de s'offrir lui-même à ses disciples comme un modèle si complet, [18] que ceux qu'il aura formés et qui seront capables de l'imiter se fassent aussitôt reconnaître par un langage plus fleuri et plus gracieux. Lorsque tous ces avantages se trouveront réunis, ceux qui se livrent à l'étude de la philosophie atteindront la perfection; mais, toutes les fois qu'une des conditions n'aura pas été remplie, les disciples seront nécessairement inférieurs dans cette partie. »

[195] Ταῦτα κομψοτέρως μὲν πέφρασται τῶν ἔμπροσθεν εἰρημένων, βούλεται δὲ ταὐτὰ δηλοῦν ἐκείνοις. Ὃ χρὴ μέγιστον ὑμῖν γενέσθαι τεκμήριον τῆς ἐμῆς ἐπιεικείας· οὐ γάρ, ὅτε μὲν ἦν νεώτερος, ἀλαζονευόμενος φαίνομαι καὶ μεγάλας τὰς ὑποσχέσεις ποιούμενος, ἐπειδὴ δ' ἀπολέλαυκα τοῦ πράγματος καὶ πρεσβύτερος γέγονα, τηνικαῦτα ταπεινὴν ποιῶν τὴν φιλοσοφίαν, ἀλλὰ τοῖς αὐτοῖς λόγοις χρώμενος καὶ ἀκμάζων καὶ παυόμενος αὐτῆς, καὶ θαρρῶν καὶ κινδυνεύων, καὶ πρὸς τοὺς βουλομένους πλησιάζειν καὶ πρὸς τοὺς μέλλοντας περί μου τὴν ψῆφον οἴσειν, ὥστ' οὐκ οἶδ' ὅπως ἄν τις ἀληθέστερος ἢ δικαιότερος περὶ αὐτὴν ἐπιδειχθείη γεγενημένος. [196] Ταῦτα μὲν οὖν ἐκείνοις προσκείσθω τοῖς πρότερον περὶ ἡμῶν εἰρημένοις·

οὐκ ἀγνοῶ δ' ὅτι τοὺς δυσκόλως διακειμένους οὐδέν πω τῶν εἰρημένων ἱκανόν ἐστιν ἀπαλλάξαι τῆς διανοίας ταύτης, ἀλλὰ πολλῶν ἔτι δέονται λόγων καὶ παντοδαπῶν, εἰ μέλλουσιν ἑτέραν μεταλήψεσθαι δόξαν ἀνθ' ἧς νῦν τυγχάνουσιν ἔχοντες. [197] Δεῖ δὴ μηδ' ἡμᾶς προαπειπεῖν διδάσκοντας καὶ λέγοντας, ἐξ ὧν, δυοῖν θάτερον, ἢ μεταστήσομεν τὰς γνώμας αὐτῶν, ἢ τὰς βλασφημίας καὶ κατηγορίας αἷς χρῶνται καθ' ἡμῶν ἐξελέγξομεν ψευδεῖς οὔσας. Εἰσὶ δὲ διτταί. Λέγουσι γὰρ οἱ μὲν ὡς ἔστιν ἡ περὶ τοὺς σοφιστὰς διατριβὴ φλυαρία καὶ φενακισμός· οὐδεμία γὰρ εὕρηται παιδεία τοιαύτη δι' ἦς γένοιτό τις ἂν ἢ περὶ τοὺς λόγους δεινότερος ἢ περὶ τὰς πράξεις φρονιμώτερος, ἀλλ' οἱ προέχοντες ἐν τούτοις τῇ φύσει τῶν ἄλλων διαφέρουσιν· [198] οἱ δὲ δεινοτέρους μὲν ὁμολογοῦσιν εἶναι τοὺς περὶ τὴν μελέτην ταύτην ὄντας, οὐ μὴν ἀλλὰ διαφθέρεσθαι καὶ γίγνεσθαι χείρους· ἐπειδὰν γὰρ λάβωσι δύναμιν, τοῖς ἀλλοτρίοις ἐπιβουλεύειν. Ὡς οὖν οὐδὲν ὑγιὲς οὐδ' ἀληθὲς οὐδέτεροι τούτων λέγουσι, πολλὰς ἐλπίδας ἔχω πᾶσι φανερὸν ποιήσειν.

[199] Πρῶτον δ' ἐνθυμήθητε περὶ τῶν φλυαρίαν φασκόντων εἶναι τὴν παιδείαν, ὡς αὐτοὶ λίαν καταφανῶς ληροῦσι. Διασύρουσι μὲν γὰρ αὐτὴν ὡς οὐδὲν ὠφελεῖν δυναμένην ἀλλ' ἀπάτην καὶ φενακισμὸν οὖσαν, ἀξιοῦσι δὲ τοὺς συνόντας ἡμῖν εὐθὺς μὲν προσελθόντας διαφέρειν αὐτοὺς αὑτῶν, [200] ὀλίγας δ' ἡμέρας συνδιατρίψαντας σοφωτέρους ἐν τοῖς λόγοις καὶ κρείττους φαίνεσθαι τῶν καὶ ταῖς ἡλικίαις καὶ ταῖς ἐμπειρίαις προεχόντων, ἐνιαυτὸν δὲ μόνον παραμείναντας ῥήτορας ἅπαντας ἀγαθοὺς εἶναι καὶ τελέους καὶ μηδὲν φαυλοτέρους τοὺς ἀμελεῖς τῶν πονεῖν ἐθελόντων μηδὲ τοὺς ἀφυεῖς τῶν τὰς ψυχὰς ἀνδρικὰς ἐχόντων. [201] Καὶ ταῦτα προστάττουσιν οὔθ' ἡμῶν ἀκηκοότες τοιαύτας ποιουμένων τὰς ὑποσχέσεις, οὔτ' ἐν ταῖς ἄλλαις τέχναις καὶ παιδείαις οὐδὲν ἑωρακότες τούτων συμβαῖνον, ἀλλὰ μόλις μὲν ἡμῖν τὰς ἐπιστήμας παραγιγνομένας, οὐχ ὁμοίως δ' ἀλλήλοις ὅ τι ἂν μάθωμεν ἐξεργαζομένους, ἀλλὰ δύο μὲν ἢ τρεῖς ἐξ ἁπάντων τῶν διδασκαλείων ἀγωνιστὰς γιγνομένους, τοὺς δ' ἄλλους ἐξ αὐτῶν ἰδιώτας ἀπαλλαττομένους. [202] Καί τοι πῶς οὐκ ἄφρονας εἶναι χρὴ νομίζειν τοὺς τὰς δυνάμεις τὰς ἐν ταῖς ὁμολογουμέναις τῶν τεχνῶν οὐκ ἐνούσας, ταύτας ἀπαιτεῖν τολμῶντας παρὰ ταύτης ἣν οὐκ εἶναί φασι, καὶ πλείους τὰς ὠφελείας ἀξιοῦντας γίγνεσθαι παρὰ τῆς ἀπιστουμένης ὑφ' αὑτῶν ἢ παρὰ τῶν ἀκριβῶς εὑρῆσθαι δοκουσῶν; [203] Χρὴ δὲ τοὺς νοῦν ἔχοντας οὐκ ἀνωμάλως ποιεῖσθαι τὰς κρίσεις περὶ τῶν ὁμοίων πραγμάτων, οὐδ' ἀποδοκιμάζειν τὴν παιδείαν τὴν ταὐτὰ ταῖς πλείσταις τῶν τεχνῶν ἀπεργαζομένην. Τίς γὰρ οὐκ οἶδεν ὑμῶν πολλοὺς τῶν ὑπὸ τοῖς σοφισταῖς γενομένων οὐ φενακισθέντας οὐδ' οὕτω διατεθέντας ὡς οὗτοι λέγουσιν, [204] ἀλλὰ τοὺς μὲν αὐτῶν ἱκανοὺς ἀγωνιστὰς ἀποτελεσθέντας, τοὺς δὲ παιδεύειν ἑτέρους δυνηθέντας, ὅσοι δ' αὐτῶν ἰδιωτεύειν ἐβουλήθησαν, ἔν τε ταῖς ὁμιλίαις χαριεστέρους ὄντας ἢ πρότερον ἦσαν, τῶν τε λόγων κριτὰς καὶ συμβούλους ἀκριβεστέρους τῶν πλείστων γεγενημένους; Ὥστε πῶς χρὴ τῆς τοιαύτης διατριβῆς καταφρονεῖν, τῆς τοὺς κεχρημένους αὐτῇ τοιούτους παρασκευάζειν δυναμένης; [205] Ἀλλὰ μὴν καὶ τόδε πάντες ἂν ὁμολογήσαιεν, ὅτι τούτους τεχνικωτάτους εἶναι νομίζομεν ἐπὶ πασῶν τῶν τεχνῶν καὶ χειρουργιῶν, οἵ τινες ἂν τοὺς μαθητὰς ὡς οἷόν θ' ὁμοιοτάτους ἐργάτας ἀλλήλοις ἀποδείξωσι. Τῇ τοίνυν φιλοσοφίᾳ φανήσεται καὶ τοῦτο συμβεβηκός. [206] Ὅσοι γὰρ ἡγεμόνος ἔτυχον ἀληθινοῦ καὶ νοῦν ἔχοντος, εὑρεθεῖεν ἂν ἐν τοῖς λόγοις οὕτως ὁμοίαν τὴν δύναμιν ἔχοντες ὥστε πᾶσιν εἶναι φανερὸν ὅτι τῆς αὐτῆς παιδείας μετεσχήκασι. Καί τοι μηδενὸς ἔθους αὐτοῖς ἐγγενομένου κοινοῦ μηδὲ διατριβῆς μηδὲ διατριβῆς τεχνικῆς ὑπαρξάσης οὐκ ἔστιν ὅπως ἂν εἰς τὴν ὁμοιότητα ταύτην κατέστησαν. [207] Ἔτι τοίνυν ὑμῶν αὐτῶν οὐδεὶς ἔστιν ὅστις οὐκ ἂν εἰπεῖν ἔχοι πολλοὺς τῶν συμπαιδευθέντων, οἳ παῖδες μὲν ὄντες ἀμαθέστατοι τῶν ἡλικιωτῶν ἔδοξαν εἶναι, πρεσβύτεροι δὲ γενόμενοι πλέον διήνεγκαν πρὸς τὸ φρονεῖν καὶ λέγειν τῶν αὐτῶν τούτων ὧν παῖδες ὄντες ἀπελείφθησαν. Ὅθεν μάλιστ' ἄν τις γνοίη τὴν ἐπιμέλειαν ὅσην ἔχει δύναμιν· δῆλον γὰρ ὅτι τότε μὲν ἅπαντες τοιαύταις ἐχρῶντο ταῖς διανοίαις οἵας περ ἐξ ἀρχῆς ἔφυσαν ἔχοντες, ἄνδρες δὲ γενόμενοι τούτων διήνεγκαν καὶ μετήλλαξαν τὴν φρόνησιν τῷ τοὺς μὲν ἐκκεχυμένως ζῆν καὶ ῥᾳθύμως, τοὺς δὲ τοῖς τε πράγμασι καὶ σφίσιν αὐτοῖς προσέχειν τὸν νοῦν. [208] Ὅπου δὲ καὶ διὰ τὰς αὑτῶν ἐπιμελείας γίγνονταί τινες βελτίους, πῶς οὐκ ἂν οὗτοι λαβόντες ἐπιστάτην καὶ πρεσβύτερον καὶ πολλῶν πραγμάτων ἔμπειρον, καὶ τὰ μὲν παρειληφότα τὰ δ' αὐτὸν εὑρηκότα, πολὺ ἃ ἔτι πλέον καὶ σφῶν αὐτῶν καὶ τῶν ἄλλων διήνεγκαν;

[209] Οὐ μόνον δ' ἐκ τούτων ἀλλὰ καὶ τῶν λοιπῶν εἰκότως ἄν ἅπαντες τὴν ἄγνοιαν θαυμάσειαν τῶν τολμώντων οὕτως εἰκῇ καταφρονεῖν τῆς φιλοσοφίας· πρῶτον μὲν εἰ πάσας τὰς πράξεις καὶ τὰς τέχνας εἰδότες ταῖς μελέταις καὶ ταῖς φιλοπονίαις ἁλισκομένας πρὸς τὴν τῆς φρονήσεως ἄσκησιν ταῦτα μηδεμίαν ἡγοῦνται δύναμιν ἔχειν, [210] ἔπειτ' εἰ τῶν μὲν σωμάτων μηδὲν οὕτως ἄν φήσαιεν εἶναι φαῦλον, ὅ τι γυμνασθὲν καὶ πονῆσαν οὐκ ἂν εἴη βέλτιον, τὰς δὲ ψυχὰς τὰς ἄμεινον πεφυκυίας τῶν σωμάτων μηδὲν ἂν νομίζουσι γενέσθαι σπουδαιοτέρας παιδευθείσας καὶ τυχούσας τῆς προσηκούσης ἐπιμελείας· [211] ἔτι δ' εἰ περὶ τοὺς ἵππους καὶ τοὺς κύνας καὶ τὰ πλεῖστα τῶν ζώων ὁρῶντες τέχνας ἔχοντάς τινας, αἷς τὰ μὲν ἀνδρειότερα τὰ δὲ πραότερα τὰ δὲ φρονιμώτερα ποιοῦσι, περὶ τὴν τῶν ἀνθρώπων φύσιν μηδεμίαν οἴονται τοιαύτην εὑρῆσθαι παιδείαν, ἥ τις ἂν αὐτοὺς ἐπί τι τούτων ὧν περ καὶ τὰ θηρία δυνηθείη προαγαγεῖν, [212] ἀλλὰ τοσαύτην ἁπάντων ἡμῶν ἀτυχίαν κατεγνώκασιν, ὥσθ' ὁμολογήσειαν μὲν ἂν ταῖς ἡμετέραις διανοίαις ἕκαστον τῶν ὄντων βέλτιον γίγνεσθαι καὶ χρησιμώτερον, αὐτοὺς δ' ἡμᾶς τοὺς ἔχοντας τὴν φρόνησιν ταύτην, ᾗ πάντα πλέονος ἄξια ποιοῦμεν, τολμῶσι λέγειν ὡς οὐδὲν ἂν ἀλλήλους πρὸς ἐπιείκειαν εὐεργετήσαιμεν. [213] Ὃ δὲ πάντων δεινότατον, ὅτι καθ' ἕκαστον τὸν ἐνιαυτὸν θεωροῦντες ἐν τοῖς θαύμασι τοὺς μὲν λέοντας πραότερον διακειμένους πρὸς τοὺς θεραπεύοντας ἤ τῶν ἀνθρώπων ἔνιοι πρὸς τοὺς εὖ ποιοῦντας, τὰς δ' ἄρκτους καλινδουμένας καὶ παλαιούσας καὶ μιμουμένας τὰς ἡμετέρας ἐπιστήμας, [214] οὐδ' ἐκ τούτων δύνανται γνῶναι τὴν παιδείαν καὶ τὴν ἐπιμέλειαν ὅσην ἔχει δύναμιν, οὐδ' ὅτι ταῦτα πολὺ ἂν θᾶττον τὴν ἡμετέραν φύσιν ἢ τὴν ἐκείνων ὠφελήσειεν· ὥστ' ἀπορῶ πότερον ἄν τις δικαιότερον θαυμάσειε τὰς πραότητας τὰς τοῖς χαλεπωτάτοις τῶν θηρίων ἐγγιγνομένας ἢ τὰς ἀγριότητας τὰς ἐν ταῖς ψυχαῖς τῶν τοιούτων ἀνθρώπων ἐνούσας.

[215] Ἔχοι δ' ἄν τις πλείω περὶ τούτων εἰπεῖν· ἀλλὰ γὰρ ἢν πολλὰ λίαν λέγω περὶ τῶν παρὰ τοῖς πλείστοις ὁμολογουμένων, δέδοικα μὴ περὶ τῶν ἀμφισβητουμένων ἀπορεῖν δόξω.

Παυσάμενος οὖν τούτων ἐπ' ἐκείνους τρέψομαι, τοὺς οὐ καταφρονοῦντας μὲν τῆς φιλοσοφίας, πολὺ δὲ πικρότερον κατηγοροῦντας αὐτῆς, καὶ μεταφέροντας τὰς πονηρίας τὰς τῶν φασκόντων μὲν εἶναι σοφιστῶν ἄλλο δέ τι πραττόντων ἐπὶ τοὺς οὐδὲν τῶν αὐτῶν ἐκείνοις ἐπιτηδεύοντας. [216] Ἐγὼ δ' οὐχ ὑπὲρ ἁπάντων τῶν προσποιουμένων δύνασθαι παιδεύειν ποιοῦμαι τοὺς λόγους, ἀλλ' ὑπὲρ τῶν δικαίως τὴν δόξαν ταύτην ἐχόντων. Οἶμαι δὲ σαφῶς ἐπιδείξειν τοὺς κατηγοροῦντας ἡμῶν πολὺ τῆς ἀληθείας διημαρτηκότας, ἤν περ ἐθελήσητε διὰ τέλους ἀκοῦσαι τῶν λεγομένων.

[217] Πρῶτον μὲν οὖν ὁρίσασθαι δεῖ τίνων ὀρεγόμενοι καὶ τίνος τυχεῖν βουλόμενοι τολμῶσί τινες ἀδικεῖν· ἢν γὰρ ταῦτα καλῶς περιλάβωμεν, ἄμεινον γνώσεσθε τὰς αἰτίας τὰς καθ' ἡμῶν λεγομένας, εἴτ' ἀληθεῖς εἰσιν εἴτε ψευδεῖς. Ἐγὼ μὲν οὖν ἡδονῆς ἢ κέρδους ἢ τιμῆς ἕνεκα φημὶ πάντας πάντα πράττειν· ἔξω γὰρ τούτων οὐδεμίαν ἐπιθυμίαν ὁρῶ τοῖς ἀνθρώποις ἐγγιγνομένην. [218] Εἰ δὴ ταῦθ' οὕτως ἔχει, λοιπόν ἐστι σκέψασθαι τί τούτων ἂν ἡμῖν γίγνοιτο διαφθείρουσι τοὺς νεωτέρους. Πότερ' ἂν ἡσθείημεν ὁρῶντες ἢ καὶ πυνθανόμενοι πονηροὺς αὐτοὺς ὄντας καὶ δοκοῦντας τοῖς συμπολιτευομένοις; Καὶ τίς οὕτως ἐστὶν ἀναίσθητος ὅστις οὐκ ἂν ἀλγήσειε τοιαύτης διαβολῆς περὶ αὑτὸν γιγνομένης; [219] Ἀλλὰ μὴν οὐδ' ἂν θαυμασθεῖμεν οὐδὲ τιμῆς μεγάλης τύχοιμεν τοιούτους τοὺς συνόντας ἀποπέμποντες, ἀλλὰ πολὺ ἂν μᾶλλον καταφρονηθεῖμεν καὶ μισηθεῖμεν τῶν ταῖς ἄλλαις πονηρίαις ἐνόχων ὄντων. Καὶ μὴν οὐδ' εἰ ταῦτα παρίδοιμεν, χρήματα πλεῖστ' ἂν λάβοιμεν οὕτω παιδείας προεστῶτες. [220] Οἶμαι γὰρ δήπου τοῦτό γε πάντας γιγνώσκειν, ὅτι σοφιστῇ μισθὸς κάλλιστός ἐστι καὶ μέγιστος, ἢν τῶν μαθητῶν τινες καλοὶ κἀγαθοὶ καὶ φρόνιμοι γένωνται καὶ παρὰ τοῖς πολίταις εὐδοκιμοῦντες· οἱ μὲν γὰρ τοιοῦτοι πολλοὺς μετασχεῖν τῆς παιδείας εἰς ἐπιθυμίαν καθιστᾶσιν, οἱ δὲ πονηροὶ καὶ τοὺς πρότερον συνεῖναι διανοουμένους ἀποτρέπουσιν. Ὥστε τίς ἂν ἐν τούτοις τὸ κρεῖττον ἀγνοήσειεν, οὕτω μεγάλην τὴν διαφορὰν τῶν πραγμάτων ἐχόντων;

[221] Ἴσως οὖν ἄν τις πρὸς ταῦτα τολμήσειεν εἰπεῖν ὡς πολλοὶ τῶν ἀνθρώπων διὰ τὰς ἀκρασίας οὐκ ἐμμένουσι τοῖς λογισμοῖς, ἀλλ' ἀμελήσαντες τοῦ συμφέροντος ἐπὶ τὰς ἡδονὰς ὁρμῶσιν. Ἐγὼ δ' ὁμολογῶ καὶ τῶν ἄλλων πολλοὺς καὶ τῶν προσποιουμένων εἶναι σοφιστῶν ἔχειν τινὰς τὴν φύσιν ταύτην, [222] ἀλλ' ὅμως οὐδὲ τῶν τοιούτων οὐδείς ἐστιν οὕτως ἀκρατὴς ὅστις ἂν δέξαιτο καὶ τοὺς μαθητὰς εἶναι τοιούτους· τῶν μὲν γὰρ ἡδονῶν τῶν διὰ τὴν ἀκρασίαν ἐκείνοις συμβαινουσῶν οὐκ ἂν δύναιτο μετασχεῖν, τῆς δὲ δόξης τῆς διὰ τὴν πονηρίαν γιγνομένης αὐτὸς ἂν τὸ πλεῖστον μέρος ἀπολαύσειεν. Ἔπειτα τίνας ἂν καὶ διαφθείραιεν, καὶ τοὺς πῶς διακειμένους λάβοιεν ἂν μαθητάς; Ἄξιον γὰρ καὶ ταῦτα διελθεῖν. [223] Πότερον τοὺς ἤδη κακοήθεις ὄντας καὶ πονηρούς; Καὶ τίς ἄν, ἃ παρὰ τῆς αὑτοῦ φύσεως ἐπίσταται, ταῦτα παρ' ἑτέρου μανθάνειν ἐπιχειρήσειεν; Ἀλλὰ τοὺς ἐπιεικεῖς καὶ χρηστῶν ἐπιτηδευμάτων ἐπιθυμοῦντας; Ἀλλ' οὐδ' ἂν εἷς τῶν τοιούτων τοῖς κακόν τι λέγουσιν ἢ πράττουσι διαλεχθῆναι τολμήσειεν.

[224] Ἡδέως δ' ἂν κἀκεῖνο πυθοίμην παρὰ τῶν χαλεπῶς ἐχόντων πρὸς ἡμᾶς, τίνα ποτὲ γνώμην ἔχουσι περὶ τῶν ἐκ Σικελίας καὶ τοῦ Πόντου καὶ τῶν ἄλλων τόπων δεῦρο πλεόντων, ἵνα παιδευθῶσι. Πότερον αὐτοὺς οἴονται σπανίζοντας ἐκεῖ πονηρῶν ἀνθρώπων ἐνθάδε ποιεῖσθαι τὴν πορείαν; Ἀλλὰ πανταχοῦ πολλὴν ἀφθονίαν εὕροι τις ἂν τῶν συμπονηρεύεσθαι καὶ συνεξαμαρτάνειν βουλομένων. Ἀλλ' ἵνα κακοπράγμονες καὶ συκοφάνται γένωνται, [225] πολλὰ χρήματα τελέσαντες; Ἀλλὰ πρῶτον μὲν οἱ ταύτην ἔχοντες τὴν γνώμην πολὺ ἂν ἥδιον τὰ τῶν ἄλλων λάβοιεν ἢ δοῖεν ἑτέροις ὁτιοῦν τῶν σφετέρων αὐτῶν· ἔτι δὲ τίνες ἂν ὑπὲρ πονηρίας ἀργύριον ἀναλώσαιεν, ἐξὸν αὐτοῖς μηδὲν δαπανηθεῖσιν εἶναι τοιούτοις, ὁπόταν βουληθῶσιν; Οὐ γὰρ μαθεῖν ἀλλ' ἐπιχειρῆσαι μόνον δεῖ τοῖς τοιούτοις τῶν ἔργων. [226] Ἀλλὰ δῆλον ὅτι καὶ πλέουσι καὶ χρήματα διδόασι καὶ πάντα ποιοῦσι νομίζοντες αὐτοί τε βελτίους γενήσεσθαι καὶ τοὺς ἐνθάδε παιδεύοντας πολὺ φρονιμωτέρους εἶναι τῶν παρὰ σφίσιν αὐτοῖς· ἐφ' οἷς ἄξιον ἦν ἅπαντας τοὺς πολίτας φιλοτιμεῖσθαι, καὶ περὶ πολλοῦ ποιεῖσθαι τοὺς αἰτίους τῇ πόλει τῆς δόξης ταύτης γενομένους.

[227] Ἀλλὰ γὰρ οὕτω τινὲς ἀγνωμόνως ἔχουσιν ὥστ' εἰδότες καὶ τοὺς ξένους τοὺς ἀφικνουμένους καὶ τοὺς προεστῶτας τῆς παιδείας οὐδὲν κακὸν ἐπιτηδεύοντας, ἀλλ' ἀπραγμονεστάτους μὲν ὄντας τῶν ἐν τῇ πόλει καὶ πλείστην ἡσυχίαν ἄγοντας, προσέχοντας δὲ τὸν νοῦν σφίσιν αὐτοῖς καὶ τὰς συνουσίας μετ' ἀλλήλων ποιουμένους, [228] ἔτι δὲ τὰ καθ' ἡμέραν εὐτελέστατα καὶ κοσμιώτατα ζῶντας, καὶ τῶν λόγων ἐπιθυμοῦντας οὐ τῶν ἐπὶ τοῖς ἰδίοις συμβολαίοις λεγομένων οὐδὲ τῶν λυπούντων τινάς, ἀλλὰ τῶν παρὰ πᾶσιν ἀνθρώποις εὐδοκιμούντων, ὅμως τολμῶσι βλασφημεῖν περὶ αὐτῶν καὶ λέγειν ὡς ταύτην ποιοῦνται τὴν μελέτην, ἵν' ἐν τοῖς ἀγῶσι παρὰ τὸ δίκαιον πλεονεκτῶσι. [229] Καί τοι τίνες ἂν ἀδικίαν καὶ κακίαν ἀσκοῦντες σωφρονέστερον τῶν ἄλλων ζῆν ἐθελήσαιεν; Τίνας δὲ πώποθ' ἑωράκασιν οἱ ταῦτα λέγοντες ἀναβαλλομένους καὶ θησαυριζομένους τὰς πονηρίας, ἀλλ' οὐκ εὐθὺς τῇ φύσει τῇ παρούσῃ χρωμένους;

[230] Χωρὶς δὲ τούτων, εἴπερ ἡ περὶ τοὺς λόγους δεινότης ποιεῖ τοῖς ἀλλοτρίοις ἐπιβουλεύειν, προσῆκεν ἅπαντας τοὺς δυναμένους εἰπεῖν πολυπράγμονας καὶ συκοφάντας εἶναι· τὸ γὰρ αἴτιον ἐν ἅπασι ταὐτὸ πέφυκεν ἐνεργάζεσθαι. [231] Νῦν δ' εὑρήσετε καὶ τῶν ἐν τῷ παρόντι πολιτευομένων καὶ τῶν νεωστὶ τετελευτηκότων τοὺς πλείστην ἐπιμέλειαν τῶν λόγων ποιουμένους βελτίστους ὄντας τῶν ἐπὶ τὸ βῆμα παριόντων, ἔτι δὲ τῶν παλαιῶν τοὺς ἀρίστους ῥήτορας καὶ μεγίστην δόξαν λαβόντας πλείστων ἀγαθῶν αἰτίους τῇ πόλει γεγενημένους, ἀρξαμένους ἀπὸ Σόλωνος. [232] Ἐκεῖνός τε γὰρ προστάτης τοῦ δήμου καταστὰς οὕτως ἐνομοθέτησε καὶ τὰ πράγματα διέταξε καὶ τὴν πόλιν κατεσκεύασεν, ὥστ' ἔτι καὶ νῦν ἀγαπᾶσθαι τὴν διοίκησιν τὴν ὑπ' ἐκείνου συνταχθεῖσαν· μετὰ δὲ ταῦτα Κλεισθένης ἐκπεσὼν ἐκ τῆς πόλεως ὑπὸ τῶν τυράννων, λόγῳ πείσας τοὺς Ἀμφικτύονας δανεῖσαι τῶν τοῦ θεοῦ χρημάτων αὑτῷ, τόν τε δῆμον κατήγαγε καὶ τοὺς τυράννους ἐξέβαλε καὶ τὴν δημοκρατίαν ἐκείνην κατέστησε, τὴν αἰτίαν τοῖς Ἕλλησι τῶν μεγίστων ἀγαθῶν γενομένην· [233] ἐπὶ δὲ τούτῳ Θεμιστοκλῆς ἡγεμὼν ἐν τῷ πολέμῳ τῷ Περσικῷ γενόμενος, συμβουλεύσας τοῖς προγόνοις ἡμῶν ἐκλιπεῖν τὴν πόλιν, ̔ὃ τίς ἂν οἷός τ' ἐγένετο πεῖσαι μὴ πολὺ τῷ λόγῳ διενεγκών;̓ εἰς τοῦτ' αὐτῶν τὰ πράγματα προήγαγεν ὥστ' ὀλίγας ἡμέρας ἀνάστατοι γενόμενοι πολὺν χρόνον δεσπόται τῶν Ἑλλήνων κατέστησαν· [234] τὸ δὲ τελευταῖον Περικλῆς καὶ δημαγωγὸς ὢν ἀγαθὸς καὶ ῥήτωρ ἄριστος οὕτως ἐκόσμησε τὴν πόλιν καὶ τοῖς ἱεροῖς καὶ τοῖς ἀναθήμασι καὶ τοῖς ἄλλοις ἅπασιν, ὥστ' ἔτι καὶ νῦν τοὺς εἰσαφικνουμένους εἰς αὐτὴν νομίζειν μὴ μόνον ἄρχειν ἀξίαν εἶναι τῶν Ἑλλήνων ἀλλὰ καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων, καὶ πρὸς τούτοις εἰς τὴν ἀκρόπολιν οὐκ ἐλάττω μυρίων ταλάντων ἀνήνεγκε. [235] Καὶ τούτων τῶν ἀνδρῶν τῶν τηλικαῦτα διαπραξαμένων οὐδεὶς λόγων ἠμέλησεν, ἀλλὰ τοσούτῳ μᾶλλον τῶν ἄλλων προσέσχον αὐτοῖς τὸν νοῦν, ὥστε Σόλων μὲν τῶν ἑπτὰ σοφιστῶν ἐκλήθη καὶ ταύτην ἔσχε τὴν ἐπωνυμίαν, τὴν νῦν ἀτιμαζομένην καὶ κρινομένην παρ' ὑμῖν, Περικλῆς δὲ δυοῖν ἐγένετο μαθητής, Ἀναξαγόρου τε τοῦ Κλαζομενίου καὶ Δάμωνος, τοῦ κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον φρονιμωτάτου δόξαντος εἶναι τῶν πολιτῶν. [236] Ὥστ' ἐκ τίνων ἄν τις ὑμῖν σαφέστερον ἐπιδείξειεν ὡς οὐχ αἱ δυνάμεις αἱ τῶν λόγων κακοπράγμονας τοὺς ἀνθρώπους ποιοῦσιν; Ἀλλ' οἱ τοιαύτην φύσιν ἔχοντες, οἵαν περ ὁ κατήγορος, πονηροῖς οἶμαι καὶ τοῖς λόγοις καὶ τοῖς πράγμασι χρώμενοι διατελοῦσιν.

[237] Ἔχω δὲ δεῖξαι καὶ τόπους ἐν οἷς ἔξεστιν ἰδεῖν τοῖς βουλομένοις τοὺς πολυπράγμονας καὶ τοὺς ταῖς αἰτίαις ἐνόχους ὄντας ἃς οὗτοι τοῖς σοφισταῖς ἐπιφέρουσιν. Ἐν γὰρ ταῖς σανίσι ταῖς ὑπὸ τῶν ἀρχόντων ἐκτιθεμέναις ἀναγκαῖόν ἐστιν, ἐν μὲν ταῖς ὑπὸ τῶν θεσμοθετῶν ἀμφοτέρους ἐνεῖναι, τούς τε τὴν πόλιν ἀδικοῦντας καὶ τοὺς συκοφαντοῦντας, ἐν δὲ ταῖς τῶν ἕνδεκα τούς τε κακουργοῦντας καὶ τοὺς τούτοις ἐφεστῶτας, ἐν δὲ ταῖς τῶν τετταράκοντα τούς τ' ἐν τοῖς ἰδίοις πράγμασιν ἀδικοῦντας καὶ τοὺς μὴ δικαίως ἐγκαλοῦντας· [238] ἐν αἷς τοῦτον μὲν καὶ τοὺς τούτου φίλους εὕροιτ' ἂν ἐν πολλαῖς ἐγγεγραμμένους, ἐμὲ δὲ καὶ τοὺς περὶ τὴν αὐτὴν ἐμοὶ διατριβὴν ὄντας οὐδ' ἐν μιᾷ τούτων ἐνόντας, ἀλλ' οὕτω τὰ περὶ ἡμᾶς αὐτοὺς διοικοῦντας ὥστε μηδὲν δεῖσθαι τῶν ἀγώνων τῶν παρ' ὑμῖν. [239] Καί τοι τοὺς μήτ' ἐν ταῖς πραγματείαις ταύταις ὄντας μήτ' ἀκολάστως ζῶντας μήτε περὶ ἄλλην πρᾶξιν μηδεμίαν αἰσχρὰν γεγενημένους πῶς οὐκ ἐπαινεῖσθαι προσήκει μᾶλλον ἢ κρίνεσθαι; Δῆλον γὰρ ὅτι τοιαῦτα τοὺς συνόντας παιδεύομεν, οἷά περ αὐτοὶ τυγχάνομεν ἐπιτηδεύοντες.

[240] Ἔτι τοίνυν γνώσεσθε σαφέστερον ἐκ τῶν ῥηθήσεσθαι μελλόντων ὡς πόρρω τοῦ διαφθείρειν τοὺς νεωτέρους ἐσμέν. Εἰ γάρ τι τοιοῦτον ἐποιοῦμεν, οὐκ ἂν Λυσίμαχος ἦν ὁ λυπούμενος ὑπὲρ αὐτῶν οὐδ' ἄλλος οὐδεὶς τῶν τοιούτων, ἀλλὰ τοὺς πατέρας ἂν ἑωρᾶτε τῶν συνόντων ἡμῖν καὶ τοὺς οἰκείους ἀγανακτοῦντας καὶ γραφομένους καὶ δίκην ζητοῦντας παρ' ἡμῶν λαμβάνειν. [241] Νῦν δ' ἐκεῖνοι μὲν συνιστᾶσι τοὺς παῖδας τοὺς αὑτῶν, καὶ χρήματα διδόασι, καὶ χαίρουσιν ὁπόταν ὁρῶσιν αὐτοὺς μεθ' ἡμῶν ἡμερεύοντας, οἱ δὲ συκοφάνται διαβάλλουσι καὶ πράγματα παρέχουσιν ἡμῖν, ὧν τίνες ἂν ἥδιον ἴδοιεν πολλοὺς τῶν πολιτῶν διαφθειρομένους καὶ πονηροὺς γιγνομένους; Ἴσασι γὰρ σφᾶς αὐτοὺς ἐν μὲν τοῖς τοιούτοις δυναστεύοντας, ὑπὸ δὲ τῶν καλῶν κἀγαθῶν καὶ νοῦν ἐχόντων ἀπολλυμένους, ὁπόταν ληφθῶσιν. [242] Ὥσθ' οὗτοι μὲν σωφρονοῦσιν ἀναιρεῖν ζητοῦντες ἁπάσας τὰς τοιαύτας διατριβάς, ἐν αἷς ἡγοῦνται βελτίους γενομένους χαλεπωτέρους ἔσεσθαι ταῖς αὑτῶν πονηρίαις καὶ συκοφαντίαις, ὑμᾶς δὲ προσήκει τἀναντία τούτοις πράττειν, καὶ ταῦτα νομίζειν εἶναι κάλλιστα τῶν ἐπιτηδευμάτων οἷς ἂν τούτους ὁρᾶτε μάλιστα πολεμοῦντας.

[243] Ἄτοπον δέ τι τυγχάνω πεπονθώς· εἰρήσεται γὰρ, εἰ καί τινες λίαν εὐμετάβολον εἶναί με φήσουσιν. Ὀλίγῳ μὲν γὰρ πρότερον ἔλεγον ὡς πολλοὶ τῶν καλῶν κἀγαθῶν ἀνδρῶν διεψευσμένοι τῆς φιλοσοφίας τραχύτερον πρὸς αὐτὴν ἔχουσι· νῦν δ' οὕτως ἐναργεῖς ὑπείληφα τοὺς λόγους εἶναι τοὺς εἰρημένους καὶ πᾶσι φανερούς, ὥστ' οὐδεὶς ἀγνοεῖν μοι δοκεῖ τὴν δύναμιν αὐτῆς, οὐδὲ καταγιγνώσκειν ἡμῶν ὡς διαφθείρομεν τοὺς μαθητάς, οὐδὲ πεπονθέναι τοιοῦτον οὐδὲν οἷον αὐτοὺς ὀλίγῳ πρότερον ᾐτιώμην· [244] ἀλλ' εἰ δεῖ τἀληθὲς εἰπεῖν καὶ τὸ νῦν ἐν τῇ διανοίᾳ μοι παρεστηκός, ἡγοῦμαι πάντας τοὺς φιλοτίμως μοι10 διακειμένους ἐπιθυμητικῶς ἔχοντας τοῦ φρονεῖν εὖ καὶ λέγειν αὐτοὺς μὲν ἀμελεῖν τούτων, τοὺς μὲν διὰ ῥᾳθυμίαν, τοὺς δὲ καταμεμφομένους τὴν φύσιν τὴν αὑτῶν, τοὺς δὲ δι' ἄλλας τινὰς προφάσεις ̔παμπληθεῖς δ' εἰσί̓, [245] πρὸς δὲ τοὺς πολλὴν ἐπιμέλειαν ποιουμένους καὶ τυχεῖν βουλομένους ὧν εἰς ἐπιθυμίαν αὐτοὶ καθεστᾶσι, δυσκόλως ἔχειν καὶ ζηλοτυπεῖν καὶ τὰς ψυχὰς τεταραγμένως διακεῖσθαι καὶ πεπονθέναι παραπλήσια τοῖς ἐρῶσι· τίνα γὰρ ἄν τις αὐτοῖς ἐπενεγκεῖν αἰτίαν ἔχοι πρεπωδεστέραν ταύτης; [246] Οἵτινες μακαρίζουσι μὲν καὶ ζηλοῦσι τοὺς καλῶς χρῆσθαι τῷ λόγῳ δυναμένους, ἐπιτιμῶσι δὲ τῶν νεωτέρων τοῖς τυχεῖν ταύτης τῆς τιμῆς βουλομένοις. Καὶ τοῖς μὲν θεοῖς οὐδεὶς ἔστιν ὅστις οὐκ ἂν εὔξαιτο μάλιστα μὲν αὐτὸς δύνασθαι λέγειν, εἰ δὲ μή, τοὺς παῖδας καὶ τοὺς οἰκείους τοὺς αὑτοῦ· [247] τοὺς δὲ πόνῳ καὶ φιλοσοφίᾳ τοῦτο κατεργάσασθαι πειρωμένους, ὃ παρὰ τῶν θεῶν αὐτοὶ βούλονται λαβεῖν, οὐδέν φασι τῶν δεόντων πράττειν, ἀλλ' ἐνίοτε μὲν ὡς ἐξηπατημένων καὶ πεφενακισμένων προσποιοῦνται καταγελᾶν αὐτῶν, ὁπόταν δὲ τύχωσι, μεταβαλόντες ὡς περὶ πλεονεκτεῖν δυναμένων τοὺς λόγους ποιοῦνται. [248] Καὶ συμβούλοις μέν, ὅταν κίνδυνός τις καταλάβῃ τὴν πόλιν, τοῖς ἄριστα περὶ τῶν πραγμάτων λέγουσι, τούτοις χρῶνται, καὶ πράττουσιν ὅ τι ἂν οἱ τοιοῦτοι παραινέσωσι· περὶ δὲ τοὺς ἔργον ποιουμένους ὅπως χρησίμους αὑτοὺς ἐν τοῖς καιροῖς τοῖς τοιούτοις τῇ πόλει παρασχήσουσι, βλασφημεῖν οἴονται χρῆναι. Καὶ Θηβαίοις μὲν καὶ τοῖς ἄλλοις ἐχθροῖς τὴν ἀμαθίαν ὀνειδίζουσι, τοὺς δ' ἐκ παντὸς τρόπου ζητοῦντας τὴν νόσον ταύτην διαφυγεῖν λοιδοροῦντες διατελοῦσιν. [249] Ὃ δ' οὐ μόνον ταραχῆς σημεῖόν ἐστιν, ἀλλὰ καὶ τῆς περὶ τοὺς θεοὺς ὀλιγωρίας· τὴν μὲν γὰρ Πειθὼ μίαν τῶν θεῶν νομίζουσιν εἶναι, καὶ τὴν πόλιν ὁρῶσι καθ' ἕκαστον τὸν ἐνιαυτὸν θυσίαν αὐτῇ ποιουμένην, τοὺς δὲ τῆς δυνάμεως ἧς ἡ θεὸς ἔχει μετασχεῖν βουλομένους ὡς κακοῦ πράγματος ἐπιθυμοῦντας διαφθείρεσθαί φασιν. [250] Ὃ δὲ πάντων δεινότατον, ὅτι προκρίναιεν μὲν ἂν τὴν ψυχὴν σπουδαιοτέραν εἶναι τοῦ σώματος, οὕτω δὲ γιγνώσκοντες ἀποδέχονται μᾶλλον τοὺς γυμναζομένους τῶν φιλοσοφούντων. Καί τοι πῶς οὐκ ἄλογον τοὺς τοῦ φαυλοτέρου ποιουμένους τὴν ἐπιμέλειαν ἐπαινεῖν μᾶλλον ἢ τοὺς τοῦ σπουδαιοτέρου, καὶ ταῦτα πάντων εἰδότων διὰ μὲν εὐεξίαν σώματος οὐδὲν πώποτε τὴν πόλιν τῶν ἐλλογίμων ἔργων διαπραξαμένην, διὰ δὲ φρόνησιν ἀνδρὸς εὐδαιμονεστάτην καὶ μεγίστην τῶν Ἑλληνίδων πόλεων γενομένην;

[195] Il y a dans ces passages plus d'élégance d'expression que dans ceux que j'ai cités auparavant; mais les pensées sont les mêmes. Ce doit être pour vous le témoignage le plus certain de ma modération; car on ne me voit pas, lorsque j'étais jeune, me vanter, faire de grandes promesses; et lorsque j'ai recueilli les fruits de mes travaux, que les années se sont accumulées pour moi, on ne me voit point alors déprécier la philosophie ; je continue à me servir des mêmes expressions, quand je suis dans la force de la jeunesse et quand elle est passée pour moi ; quand je suis en sécurité, et quand un danger me menace; quand je parle à ceux qui veulent devenir mes disciples, et quand je m'adresse à ceux qui sont appelés à prononcer sur mon sort; de telle sorte que j'ignore si, au sujet de la philosophie, il serait possible de trouver un homme qui s'exprimât d'une manière plus conforme à la vérité et à la justice. [196] Qu'ainsi donc ceci s'ajoute à ce que j'ai déjà dit dans l'intérêt de ma cause.

26-16. Je ne me dissimule pas que, m'adressant à des hommes animés de sentiments hostiles, aucune de mes paroles n'est suffisante pour les faire changer de pensée, et qu'ils ont besoin de discours multipliés et divers pour admettre une opinion différente de celle qu'ils ont adoptée. [197] Par conséquent, nous ne devons pas renoncer à établir et à développer des arguments à l'aide desquels nous ferons de deux choses l'une : ou nous changerons leur manière de voir, ou nous les convaincrons de mensonge dans les injures et les accusations qu'ils dirigent contre nous. Ces injures et ces accusations sont de deux sortes. Les uns disent que la fréquentation des écoles de sophistes est une déception et une puérilité, parce qu'il est impossible de trouver un enseignement au moyen duquel un homme devienne plus éloquent dans ses discours ou plus sage dans ses actions, et que ceux qui sont supérieurs par leur nature sous ces deux rapports l'emportent sur leurs rivaux; [198] les autres reconnaissent, au contraire, la supériorité de ceux qui se livrent à l'étude, mais ils ajoutent qu'ils se corrompent et se dégradent, parce que, lorsqu'ils ont acquis de la capacité, ils l'emploient pour nuire aux autres. J'ai la plus ferme espérance de rendre évident pour tout le monde que ni les uns ni les autres ne disent rien de conforme à la raison et à la vérité.

[199] Remarquez d'abord que ceux qui prétendent que l'éducation est une chose vaine disent évidemment une parole dépourvue de sens. Ils dénigrent l'éducation comme n'ayant aucune utilité, comme une déception et un mensonge, et pourtant ils veulent que nos disciples, dès qu'ils se sont approchés de nous, soient supérieurs à eux-mêmes; ils veulent, [200] qu'après avoir fréquenté nos écoles pendant un petit nombre de jours, ils se montrent plus habiles dans leurs discours et plus sages dans leur conduite que des hommes qui l'emportent sur eux par l'âge et par l'expérience ; ils veulent, qu'après avoir seulement pendant une année suivi nos enseignements, ils soient tous des orateurs complets et parfaits, que ceux qui ne se donnent de soins sous aucun rapport ne soient pas inférieurs à ceux qui travaillent, ceux dont la nature est inerte à ceux dont l'âme est énergique. [201] Et ils exigent qu'il en soit ainsi, quand jamais ils ne nous ont entendu faire aucune promesse de ce genre, quand ils n'ont rien vu de semblable se produire dans aucun autre art, dans aucun autre enseignement; quand ils savent que la science s'acquiert avec peine, que nous ne faisons pas tous les mêmes progrès dans les choses que nous apprenons, et qu'à peine deux ou trois élèves, dans toutes les écoles, deviennent des hommes en état de discuter une question, pendant que les autres se retirent sans avoir dépassé la médiocrité. [202] Comment ne placerait-on pas au rang des insensés ceux qui ont l'audace d'exiger d'un art qu'ils disent ne pas exister, une puissance qui ne se rencontre dans aucun des arts dont l'existence est universellement reconnue, et qui prétendent faire sortir de celui auquel ils refusent de croire, plus de résultats utiles que de ceux dont ils reconnaissent la réalité ? [203] Les hommes sensés ne doivent pas porter des jugements différents sur des objets de même nature, ni rejeter un mode d'enseignement qui donne les mêmes résultats dans la plus grande partie des arts. Qui de vous ignore qu'un grand nombre de ceux qui ont étudié sous la direction des sophistes n'ont été ni trompés ni imbus des sentiments que leur attribuent nos adversaires, [204] mais que les uns sont devenus habiles dans les discussions, que d'autres ont acquis la faculté de former des disciples, et que tous ceux qui, parmi eux, ont préféré la vie privée se sont exprimés, dans les réunions particulières, avec plus de grâce qu'ils ne le faisaient auparavant, en même temps qu'ils sont devenus, en matière d'éloquence, des juges et des conseillers supérieurs à la plupart des autres hommes ? Comment donc serait-il possible de mépriser un genre de travail qui a le pouvoir de rendre tels les hommes qui s'y soumettent? [205] Bien plus, tout le monde avouera que les maîtres que nous regardons comme les plus capables dans tous les arts et dans tous les genres de travaux sont ceux qui font de leurs disciples des ouvriers autant que possible semblables entre eux. Or c'est un fait qui s'est produit pour la philosophie. [206] Tous ceux qui ont rencontré un guide sincère et intelligent montrent dans leurs discours un talent tellement semblable, qu'évidemment, pour tout le monde, ils ont participé à la même éducation. Certes, s'il n'eût existé entre eux aucune habitude commune ou s'ils n'eussent pas fréquenté la même école, ils ne pourraient être placés dans de tels rapports de ressemblance. [207] Et, en outre, il n'est personne de vous, qui, parmi ses anciens condisciples, n'en puisse citer un grand nombre qui, dans leur enfance, paraissaient être les plus incapables entre tous ceux de leur âge, et qui cependant, plus tard, l'ont emporté de beaucoup par leur savoir et leur éloquence sur ceux qui les avaient dépassés dans leur jeunesse. C'est à ce signe surtout que l'on peut reconnaître la puissance de l'éducation; car il est évident qu'à la première époque de leur vie, tous suivaient l'impulsion des instincts qu'ils avaient reçus de la nature, et que, parvenus à l'âge d'homme, ils avaient échangé, pour ainsi dire, ces instincts et leur disposition morale, en vivant les uns d'une manière molle et oisive, les autres en appliquant leur esprit aux affaires et à leur propre amélioration. [208] Or, s'il se rencontre des hommes qui, par leurs efforts, ajoutent à leur capacité, comment ces mêmes hommes, en prenant un guide d'un âge avancé, possédant une grande expérience, ayant reçu par tradition une partie de ce qu'il sait, et trouvé le reste par son intelligence, ne deviendraient-ils pas de beaucoup supérieurs à eux-mêmes et à leurs rivaux?

[209] Mais ce n'est pas seulement pour ces motifs, c'est encore pour beaucoup d'autres, que tout le monde aurait droit de s'étonner en voyant l'ignorance de ceux qui osent, avec tant de légèreté, mépriser la philosophie. Ainsi, ils savent d'abord que les connaissances s'acquièrent dans les affaires et dans les arts par l'application et l'amour du travail, et ils croient que ces mêmes causes resteront sans action pour la culture de notre intelligence ; [210] ils avouent ensuite qu'il n'est aucune partie du corps tellement inerte qu'on ne puisse l'améliorer par l'exercice et le travail, et ils se persuadent que les âmes, qui sont d'une nature plus noble que les corps, n'acquerront pas des qualités supérieures, même si elles reçoivent l'éducation et les soins qui leur conviennent. [211] Enfin, ils voient, pour ce qui concerne les chevaux, les chiens et la plupart des animaux, qu'il existe des hommes doués de la faculté de rendre les uns plus courageux, les autres plus doux, d'autres plus intelligents ; et ils pensent que, pour la nature humaine, il est impossible de trouver un système d'éducation qui puisse conduire à quelques-uns des résultats que l'on obtient pour les animaux ; [212] de sorte qu'ils nous condamnent à un tel excès de malheur, que, tandis qu'ils reconnaissent que les soins de notre intelligence peuvent rendre tous les êtres qui existent meilleurs et plus utiles, ils osent dire que nous, les possesseurs de cette intelligence, à l'aide de laquelle nous augmentons la valeur de toutes choses, nous ne pouvons nous être mutuellement d'aucun secours pour notre progrès moral. [213] Mais ce qui paraît encore plus étrange, c'est que, lorsque nous voyons chaque année dans les spectacles les lions montrer plus de douceur envers ceux qui leur donnent des soins, que quelques hommes ne montrent de reconnaissance envers leurs bienfaiteurs ; les ours se rouler, lutter, imiter nos exercices, ils ne peuvent pas apprécier, [214] même en voyant ces résultats, combien est grande la puissance de l'éducation et des soins, et comment ces soins peuvent bien plutôt améliorer notre nature que celle des animaux. D'où il résulte que j'hésite sur ce qui doit le plus justement étonner, ou de ces instincts de douceur qui se rencontrent dans les animaux les plus féroces, ou des sentiments sauvages qui existent dans l'âme de pareils hommes.

[215] On pourrait s'étendre davantage sur ce sujet, mais si je parlais trop longtemps de choses avouées, pour ainsi dire, par tout le monde, je craindrais de paraître manquer d'arguments pour celles qui sont contestées.

26-17. Quittant donc ce sujet, je tournerai mes attaques contre ceux qui, sans mépriser la philosophie, l'accusent cependant d'une manière beaucoup plus amère, en transportant les perversités des hommes qui prétendent être sophistes, et qui sont tout autre chose, à ceux dont les travaux n'ont rien de commun avec les occupations de pareils hommes. [216] Je ne parle pas pour défendre tous ceux qui prétendent être capables d'enseigner l'art de l'éloquence : je parle seulement pour ceux qui ont à juste titre cette réputation. Si vous voulez m'écouter jusqu'à la fin, j'espère vous démontrer que mes accusateurs s'éloignent entièrement de la vérité.

[217] Il faut d'abord déterminer le but que veulent atteindre, le résultat auquel aspirent ceux qui se sentent assez d'audace pour commettre une action injuste ; et, ce point une fois convenablement fixé, vous reconnaîtrez mieux si les accusations dirigées contre nous sont réelles ou mensongères. Je dis que les hommes ont pour motif, dans toutes leurs actions, le plaisir, le gain ou l'honneur, car, en dehors de ces trois choses, je ne vois aucun désir inhérent à l'humanité. [218] Si donc il en est ainsi, il ne reste plus qu'à chercher entre ces avantages, quel est celui que nous pourrions obtenir en corrompant la jeunesse. Pourrions-nous éprouver du plaisir lorsque nous reconnaîtrions ou lorsque nous entendrions dire que nos disciples sont des hommes vicieux, et qu'ils sont regardés comme tels par leurs concitoyens ? Quel homme serait assez privé de sentiment pour ne pas se trouver blessé d'une telle accusation? [219] Certes, nous n'obtiendrions ni une grande admiration ni une grande estime, en envoyant de tels hommes dans la société ; nous serions, au contraire, plus méprisés, plus haïs que les hommes convaincus d'avoir commis d'autres actes coupables. Enfin, lors même que nous laisserions de côté ces considérations, nous ne parviendrions pas à de grandes richesses en dirigeant l'éducation dans cette voie. [220] Tout le monde sait, je pense, qu'un sophiste a recueilli la plus belle et la plus noble des récompenses, lorsque quelques-uns de ses disciples sont devenus des hommes sages et vertueux jouissant, à ce titre, d'une renommée honorable parmi leurs concitoyens ; car de tels hommes inspirent généralement le désir de participer à l'éducation qui les a formés, tandis que les hommes corrompus détournent de cette pensée ceux mêmes qui, auparavant, l'avaient conçue. Et alors est-il possible de ne pas reconnaître le meilleur parti à prendre, quand il y a une si grande différence entre les résultats?

[221] 26-18. Peut-être osera-t-on me répondre que beaucoup d'hommes, entraînés par leurs penchants dépravés, ne s'arrêtent point aux conseils de la sagesse, et, sans égard pour leur propre intérêt, se précipitent vers les plaisirs. J'avoue qu'un grand nombre d'hommes, et quelques-uns parmi ceux qui ont la prétention d'être sophistes, sont de cette nature. [222] Mais il n'en est pas un seul, même parmi eux, qui poussât la dépravation jusqu'à vouloir que ses disciples fussent des hommes corrompus. Car, d'un côté, il ne pourrait avoir part aux voluptés qui, pour eux, seraient le fruit de leurs dérèglements, et, de l'autre, il recueillerait la plus grande partie du blâme que mériterait leur perversité. Quels hommes, d'ailleurs, corromprait-il, et quelles dispositions exigerait-il dans ceux qu'il recevrait pour disciples? C'est un point qu'il convient d'examiner. [223] Les prendrait-il parmi les hommes déjà corrompus et pervertis ? Mais quel est celui qui voudrait apprendre d'un autre le mal que sa propre nature lui enseigne ? Rechercherait-il les hommes vertueux et animés, du désir de se former aux mœurs honnêtes ? Mais, il, ne trouverait parmi eux personne qui osât seulement s'entretenir avec ceux qui professent la dépravation ou la mettent en pratique.

[224] 26-19. Je voudrais apprendre de ceux qui sont mal disposés à notre égard, quelle est leur opinion relativement aux hommes qui font voile vers nous de la Sicile, du Pont et d'autres contrées, afin de se former à la science. Croient-ils que ce soit parce qu'ils manquent d'hommes corrompus dans leur pays qu'ils entreprennent le voyage? Mais on pourrait trouver partout un grand nombre d'hommes disposés à entrer en communauté de perversité et d'actions coupables. Diront-ils que c'est pour devenir, des intrigants ou des sycophantes, [225] qu'ils sacrifient des sommes si considérables? Mais, d'abord, les hommes qui penseraient ainsi trouveraient plus de satisfaction à prendre ce qui appartient aux autres qu'à leur donner la moindre partie de ce qui est à eux ; et ensuite, quels sont ceux qui voudraient dépenser de l'argent pour acquérir de la perversité, quand il est en leur pouvoir de se corrompre sans faire aucun sacrifice, du moment où ils en auront la volonté? Dans les choses de celte nature, il n'est pas nécessaire d'apprendre, il suffit de mettre la main à l'œuvre. [226] Il est évident que les hommes dont nous venons déparier traversent les mers, prodiguent leurs richesses, font tout, en un mot, dans la pensée qu'ils deviendront meilleurs, et que les hommes qui instruisent ici les autres l'emportent de beaucoup par la sagesse sur les hommes de leur pays. Ce sont là des faits pour lesquels tous les citoyens devraient éprouver un juste orgueil, et accorder une haute estime à ceux qui ont procuré cette renommée à leur patrie ;

[227] mais il y a des hommes tellement inconsidérés que, lorsqu'ils voient les étrangers mêmes qui se rendent dans nos écoles s'abstenir, ainsi que les chefs de l'enseignement, de toute action répréhensible, se tenir en dehors des intrigues qui remplissent notre ville, vivre dans le repos le plus complet, veiller avec soin sur eux-mêmes, faire société entre eux, [228] conserver dans leur vie de chaque jour la simplicité la plus inaltérable, l'ordre le plus régulier, rechercher, non les discours qui s'appliquent aux transactions privées ou qui blessent les citoyens, mais ceux qui sont accueillis par l'approbation universelle, ils osent néanmoins calomnier de tels hommes, et dire qu'ils ne se donnent tous ces soins que pour triompher de la justice dans les tribunaux. Or, je le demande, quels sont parmi les hommes qui se livrent à la corruption et à l'injustice ceux qui voudraient vivre avec plus de sagesse que les autres ? [229] Et quels hommes ceux qui parlent ainsi ont-ils vus ajourner leurs iniquités, les mettre pour ainsi dire en réserve, et ne pas s'abandonner immédiatement à l'impulsion de leur nature ?

[230] 26-20. Indépendamment de ces considérations, si la supériorité dans l'art de l'éloquence conduisait les hommes à nuire à leurs semblables, il en résulterait que tous ceux qui ont la puissance de la parole seraient des intrigants et des sycophantes ; car, en toutes choses, la même cause est destinée à produire le même effet. [231] Vous trouverez, au contraire, que, parmi ceux qui participent aujourd'hui au gouvernement et parmi ceux qui ont récemment cessé de vivre, les hommes qui ont donné le plus de soin à l'étude de l'éloquence sont les plus vertueux entre tous ceux qui abordent la tribune, et que, parmi les anciens, les orateurs les plus distingués, ceux qui ont acquis la plus brillante renommée, ont été la cause des plus nobles prospérités de notre patrie, à commencer par Solon. [232] Solon, établi chef du peuple, a donné à notre pays de telles lois, une telle organisation politique et civile, que, même encore aujourd'hui, le système de gouvernement qu'il a fondé réunit tous les suffrages. Plus tard Clisthène, que les tyrans avaient exilé, ayant par son éloquence persuadé aux Amphictyons de le laisser disposer des trésors du temple d'Apollon, ramena le peuple dans la ville, chassa les tyrans, et fonda cette démocratie à laquelle les Grecs sont redevables de leurs plus grandes prospérités. [233] Après Clisthène, Thémistocle, investi du commandement dans la guerre persique, ayant conseillé à nos ancêtres d'abandonner leur ville (et quel homme aurait pu le leur persuader, s'il n'eût été un homme supérieur par son éloquence?), Thémistocle, disons-nous, donna un si grand développement à leur puissance, qu'après avoir été expulsés de leur patrie pendant un petit nombre de jours, ils furent, pendant une longue période de temps, les maîtres de la Grèce. [234] Enfin Périclès, chef plein d'habileté du parti populaire, en même temps que le premier des orateurs, donna un tel lustre à notre ville, par les temples qu'il construisit, par les offrandes et par tout ce qui pouvait contribuer à sa grandeur, que, même encore aujourd'hui, ceux qui viennent la visiter la regardent comme digne de commander, non seulement aux Grecs, mais à l'univers ; et, en outre, Périclès fit déposer dans l'Acropolis des sommes qui ne s'élevaient pas à moins de dix mille talents. [235] Parmi ces hommes cependant, qui ont fait de si grandes choses, aucun n'avait négligé l'étude de l'éloquence; que dis-je? ils y avaient appliqué leur esprit plus fortement que tous les autres, à tel point que Solon a été appelé un des sept sophistes, et conserve encore cette qualification, flétrie aujourd'hui et mise en jugement devant vous, et que Périclès s'était fait le disciple de deux maîtres, Anaxagore de Clazomènes, et Damon, qui, à cette époque, était regardé comme le plus sage entre nos concitoyens. [236] Par quels arguments pourrait-on vous montrer, avec plus d'évidence, que la puissance de la parole ne pervertit pas les hommes, mais qu'ils sont corrompus par ceux qui, doués d'une nature semblable à celle de mon accusateur, ne cessent de se livrer à des discours pernicieux et à des actes coupables?

[237] 26-21. Je puis aussi indiquer les endroits dans lesquels ceux qui en auront la volonté pourront voir les noms des intrigants et des hommes qui ont commis les crimes qu'ils imputent aux sophistes. Ainsi, dans les tableaux exposés par les archontes, on doit nécessairement trouver, savoir : dans ceux des thesmothètes, le nom des hommes qui nuisent à la chose publique, en même temps que celui des sycophantes ; dans ceux des onze, les noms des malfaiteurs et de leurs chefs ; dans ceux des quarante, les noms des hommes qui portent atteinte à la justice dans les affaires privées, aussi bien que les noms de ceux qui intentent des accusations calomnieuses. [238] Or vous trouveriez Lysimaque, ainsi que ses amis, inscrits sur un grand nombre de ces tableaux, tandis que vous ne verrez pas même sur un seul mon nom ni celui des hommes qui se livrent aux mêmes travaux que moi ; comme aussi vous reconnaîtrez que nous réglons notre vie de manière à n'avoir jamais besoin de recourir aux luttes qui s'agitent devant vous. [239] Lorsque des hommes ne sont jamais impliqués dans ces sortes de litiges, qu'ils ne vivent pas d'une manière dissolue, et qu'on ne les voit engagés dans aucune affaire honteuse, ne serait-il pas plus juste de leur donner des louanges que de les mettre en jugement? car il est évident que nous enseignons à ceux qui fréquentent nos écoles les principes qui font la règle de nos actions.

[240] 26-22. Vous reconnaîtrez plus clairement encore, dans ce que nous allons dire, à quel point nous sommes éloignés de corrompre la jeunesse. Si nous faisions quelque chose de semblable, ce ne serait ni Lysimaque ni aucun homme de cette nature qui s'en trouveraient blessés ; mais vous verriez les pères et les parents de ceux qui suivent nos écoles s'indigner, nous accuser, s'efforcer de nous faire punir. [241] Or ils nous envoient leurs enfants, ils nous payent des émoluments, ils sont heureux de les voir s'entretenir avec nous durant des journées entières, tandis que les sycophantes nous accusent, nous intentent des procès. Et cependant qui pourrait plus que ceux-ci trouver de la satisfaction en voyant beaucoup de citoyens se corrompre et devenir des hommes dépravés? Ils savent qu'ils règnent au milieu de pareils hommes, tandis qu'ils sont perdus lorsqu'ils tombent entre les mains d'hommes loyaux honnêtes et sensés. [242] D'où il résulte qu'ils font un calcul habile, quand ils cherchent à détruire des écoles dans lesquelles ils croient que l'on devient meilleur, et par conséquent plus sévère pour leurs calomnies et pour leurs vices ; il vous convient donc de faire le contraire de ce qu'ils font et de considérer comme les plus utiles et les plus nobles les institutions contre lesquelles vous les voyez s'élever avec le plus de fureur.

[243] 26-23. Il se passe en moi, dans ce moment, quelque chose d'étrange, et je le ferai connaître, dussent même quelques personnes m'accuser d'un excès de mobilité. Je disais, il y a peu d'instants, que beaucoup d'hommes honnêtes et vertueux, égarés dans leur opinion touchant la philosophie, étaient à son égard dans des dispositions hostiles ; maintenant je me persuade que mes arguments ont été d'une telle clarté, d'une telle évidence, que personne désormais ne peut méconnaître la puissance de cette même philosophie, nous condamner comme des hommes qui pervertissent leurs disciples, ni éprouver un seul des sentiments dont je me plaignais tout à l'heure ; [244] et alors, puisqu'il faut dire la vérité et manifester ce qui s'offre à ma pensée, j'avouerai que je suis convaincu que tous ceux qui ressentent de la jalousie à mon égard éprouvent le désir de bien penser et de bien parler, mais qu'ils négligent d'acquérir ces deux facultés, les uns par paresse d'esprit, les autres par défiance de leurs moyens, d'autres par d'autres raisons, car ces raisons sont en grand nombre : [245] je crois en outre qu'ils sont dans une disposition envieuse et malveillante envers ceux qui mettent leurs soins et l'énergie de leur volonté à obtenir ce qu'ils désireraient pour eux-mêmes ; qu'enfin leur âme est dans un état de trouble et d'agitation pareil à celui des hommes dominés par l'amour. Quelle accusation plus juste, je le demande, pourrait être dirigée contre ces hommes? Ils exaltent, ils envient le bonheur de ceux qui possèdent le don de se servir noblement de la parole, et, d'un autre côté, ils blâment les jeunes gens ambitieux du même honneur ! Certes, il n'est pas un homme qui ne demandât aux dieux le don de l'éloquence, d'abord pour lui-même, ou, s'il ne pouvait l'obtenir, qui ne lie souhaitât pour ses enfants ou ses proches ; [247] et cependant ces hommes prétendent que ceux qui s'efforcent de conquérir par le travail et l'étude ce qu'ils voudraient obtenir de la faveur des dieux, ne font rien de conforme à la raison. Quelquefois même ils feignent de les railler, comme des jeunes gens que l'on trompe et que l'on abuse, et, lorsque ceux-ci ont atteint le but, changeant aussitôt de langage, ils les présentent comme des hommes qui peuvent se servir de la parole pour triompher de la justice. [248] Quelque danger menace-t-il la République, ils prennent pour conseillers ceux qui parlent le mieux sur les affaires de l'État, et se conforment à leurs avis ; mais ceux qui emploient tous leurs efforts pour se mettre en état d'être utiles à leur pays dans de semblables circonstances, ils croient devoir les injurier. Ils font aux Thébains et aux autres peuples ennemis de la République un reproche de leur ignorance, et en même temps ils poursuivent de leurs injures ceux de leurs concitoyens qui emploient tous leurs moyens pour s'affranchir de cette infériorité. [249] Une telle conduite ne montre pas seulement le désordre de leurs idées, mais encore leur mépris pour les dieux, car ils regardent la Persuasion comme une déesse, chaque année ils voient notre ville lui offrir des sacrifices, et, quand il s'agit de ceux qui veulent participer à la puissance que possède la déesse, ils disent que ces hommes se laissent corrompre en aspirant à une chose pernicieuse. [250] Mais voici ce qu'il y a de plus monstrueux : c'est que, regardant l'âme comme étant d'une nature plus noble que le corps, ils accueillent néanmoins ceux qui se livrent aux exercices gymnastiques avec plus de faveur que ceux qui s'adonnent à la philosophie. N'est-il pas absurde de louer les hommes qui s'attachent aux choses d'une valeur secondaire, plutôt que ceux qui se consacrent aux travaux les plus importants, et cela, quand personne n'ignore que jamais notre patrie n'a accompli aucun fait éclatant par la supériorité des forces corporelles, tandis que, par l'effet de la haute intelligence d'un seul homme, elle est devenue la plus heureuse et la plus puissante des villes de la Grèce?

[251] Πολὺ δ' ἄν τις ἔχοι πλείους τούτων ἐναντιώσεις συναγαγεῖν τῶν ἀκμαζόντων τε μᾶλλον ἢ 'γὼ καὶ τοῦ καιροῦ τοῦ παρόντος μὴ φροντιζόντων· ἐπεὶ καὶ τάδε περὶ τῶν αὐτῶν τούτων ἔνεστιν εἰπεῖν. Φέρε γὰρ εἴ τινες πολλὰ χρήματα παρὰ τῶν προγόνων παραλαβόντες τῇ μὲν πόλει μηδὲν εἶεν χρήσιμοι, τοὺς δὲ πολίτας ὑβρίζοιεν καὶ τούς τε παῖδας καὶ τὰς γυναῖκας αἰσχύνοιεν, ἔστιν ὅστις ἂν τοὺς αἰτίους τοῦ πλούτου μέμψασθαι τολμήσειεν, ἀλλ' οὐκ ἂν αὐτοὺς τοὺς ἐξαμαρτάνοντας κολάζειν ἀξιώσειε; [252] Τί δ' εἴ τινες ὁπλομαχεῖν μαθόντες πρὸς μὲν τοὺς πολεμίους μὴ χρῷντο ταῖς ἐπιστήμαις, ἐπανάστασιν δὲ ποιήσαντες πολλοὺς τῶν πολιτῶν διαφθείραιεν, ἢ καὶ πυκτεύειν καὶ παγκρατιάζειν ὡς οἷόν τ' ἄριστα παιδευθέντες τῶν μὲν ἀγώνων ἀμελοῖεν, τοὺς δ' ἀπαντῶντας τύπτοιεν, τίς οὐκ ἂν τούτων τοὺς μὲν διδασκάλους ἐπαινέσειε, τοὺς δὲ κακῶς χρωμένους οἷς ἔμαθον ἀποκτείνειεν; [253] Οὐκοῦν χρὴ καὶ περὶ τῶν λόγων τὴν αὐτὴν ἔχειν διάνοιαν ἥν περ καὶ περὶ τῶν ἄλλων, καὶ μὴ περὶ τῶν ὁμοίων τἀναντία γιγνώσκειν, μηδὲ πρὸς τοιοῦτο πρᾶγμα δυσμενῶς φαίνεσθαι διακειμένους, ὃ πάντων τῶν ἐνόντων ἐν τῇ τῶν ἀνθρώπων φύσει πλείστων ἀγαθῶν αἴτιόν ἐστι. Τοῖς μὲν γὰρ ἄλλοις οἷς ἔχομεν, ὅ περ ἤδη καὶ πρότερον εἶπον, οὐδὲν τῶν ἄλλων ζώων διαφέρομεν, ἀλλὰ πολλῶν καὶ τῷ τάχει καὶ τῇ ῥώμῃ καὶ ταῖς ἄλλαις εὐπορίαις καταδεέστεροι τυγχάνομεν ὄντες· [254] ἐγγενομένου δ' ἡμῖν τοῦ πείθειν ἀλλήλους καὶ δηλοῦν πρὸς ἡμᾶς αὐτοὺς περὶ ὧν ἂν βουληθῶμεν, οὐ μόνον τοῦ θηριωδῶς ζῆν ἀπηλλάγημεν, ἀλλὰ καὶ συνελθόντες πόλεις ᾠκίσαμεν καὶ νόμους ἐθέμεθα καὶ τέχνας εὕρομεν, καὶ σχεδὸν ἅπαντα τὰ δι' ἡμῶν μεμηχανημένα λόγος ἡμῖν ἐστιν ὁ συγκατασκευάσας. [255] Οὗτος γὰρ περὶ τῶν δικαίων καὶ τῶν ἀδίκων καὶ τῶν καλῶν καὶ τῶν αἰσχρῶν ἐνομοθέτησεν, ὧν μὴ διαταχθέντων οὐκ ἂν οἷοί τ' ἦμεν οἰκεῖν μετ' ἀλλήλων. Τούτῳ καὶ τοὺς κακοὺς ἐξελέγχομεν καὶ τοὺς ἀγαθοὺς ἐγκωμιάζομεν. Διὰ τούτου τοὺς τ' ἀνοήτους παιδεύομεν καὶ τοὺς φρονίμους δοκιμάζομεν· τὸ γὰρ λέγειν ὡς δεῖ τοῦ φρονεῖν εὖ μέγιστον σημεῖον ποιούμεθα, καὶ λόγος ἀληθὴς καὶ νόμιμος καὶ δίκαιος ψυχῆς ἀγαθῆς καὶ πιστῆς εἴδωλόν ἐστι. [256] Μετὰ τούτου καὶ περὶ τῶν ἀμφισβητησίμων ἀγωνιζόμεθα καὶ περὶ τῶν ἀγνοουμένων σκοπούμεθα· ταῖς γὰρ πίστεσιν, αἷς τοὺς ἄλλους λέγοντες πείθομεν, ταῖς αὐταῖς ταύταις βουλευόμενοι χρώμεθα, καὶ ῥητορικοὺς μὲν καλοῦμεν τοὺς ἐν τῷ πλήθει λέγειν δυναμένους, εὐβούλους δὲ νομίζομεν οἵτινες ἂν αὐτοὶ πρὸς αὑτοὺς ἄριστα περὶ τῶν πραγμάτων διαλεχθῶσιν. [257] Εἰ δὲ δεῖ συλλήβδην περὶ τῆς δυνάμεως ταύτης εἰπεῖν, οὐδὲν τῶν φρονίμως πραττομένων εὑρήσομεν ἀλόγως γιγνόμενον, ἀλλὰ καὶ τῶν ἔργων καὶ τῶν διανοημάτων ἁπάντων ἡγεμόνα λόγον ὄντα, καὶ μάλιστα χρωμένους αὐτῷ τοὺς πλεῖστον νοῦν ἔχοντας. Ὧν οὐδὲν ἐνθυμηθεὶς Λυσίμαχος κατηγορεῖν ἐτόλμησε τῶν ἐπιθυμούντων τοιούτου πράγματος, ὃ τοσούτων τὸ πλῆθος καὶ τηλικούτων τὸ μέγεθος ἀγαθῶν αἴτιόν ἐστιν.

[258] Καὶ τί δεῖ τούτου θαυμάζειν, ὅπου καὶ τῶν περὶ τὰς ἔριδας σπουδαζόντων ἔνιοί τινες ὁμοίως βλασφημοῦσι περὶ τῶν λόγων τῶν κοινῶν καὶ τῶν χρησίμων ὥσπερ οἱ φαυλότατοι τῶν ἀνθρώπων, οὐκ ἀγνοοῦντες τὴν δύναμιν αὐτῶν, οὐδ' ὅτι τάχιστ' ἂν οὗτοι τοὺς χρωμένους ὠφελήσαιεν, ἀλλ' ἐλπίζοντες, ἢν τούτους διαβάλλωσι, τοὺς αὑτῶν ἐντιμοτέρους ποιήσειν. [259] Περὶ ὧν δυνηθείην μὲν ἂν ἴσως διαλεχθῆναι πολὺ πικρότερον ἢ 'κεῖνοι περὶ ἡμῶν, οὐδέτερον δ' οἶμαι δεῖν, οὔθ' ὅμοιος γίγνεσθαι τοῖς ὑπὸ τοῦ φθόνου διεφθαρμένοις, οὔτε ψέγειν τοὺς μηδὲν μὲν κακὸν τοὺς συνόντας ἐργαζομένους, ἧττον δ' ἑτέρων εὐεργετεῖν δυναμένους. Οὐ μὴν ἀλλὰ μικρά γε μνησθήσομαι περὶ αὐτῶν, μάλιστα μὲν ὅτι κἀκεῖνοι περὶ ἡμῶν, ἔπειθ' ὅπως ἂν ὑμεῖς σαφέστερον εἰδότες τὴν δύναμιν αὐτῶν οὕτω διακέησθε πρὸς ἑκάστους ἡμῶν ὥσπερ δίκαιόν ἐστι, [260] πρὸς δὲ τούτοις ἵνα καὶ τοῦτο ποιήσω φανερόν, ὅτι περὶ τοὺς πολιτικοὺς λόγους ἡμεῖς ὄντες, οὓς ἐκεῖνοί φασιν εἶναι φιλαπεχθήμονας, πολὺ πραότεροι τυγχάνομεν αὐτῶν ὄντες· οἱ μὲν γὰρ ἀεί τι περὶ ἡμῶν φλαῦρον λέγουσιν, ἐγὼ δ' οὐδὲν ἂν εἴποιμι τοιοῦτον, ἀλλὰ ταῖς ἀληθείαις χρήσομαι περὶ αὐτῶν. [261] Ἡγοῦμαι γὰρ καὶ τοὺς ἐν τοῖς ἐριστικοῖς λόγοις δυναστεύοντας καὶ τοὺς περὶ τὴν ἀστρολογίαν καὶ τὴν γεωμετρίαν καὶ τὰ τοιαῦτα τῶν μαθημάτων διατρίβοντας οὐ βλάπτειν ἀλλ' ὠφελεῖν τοὺς συνόντας, ἐλάττω μὲν ὧν ὑπισχνοῦνται, πλείω δ' ὧν τοῖς ἄλλοις δοκοῦσιν. [262] Οἱ μὲν γὰρ πλεῖστοι τῶν ἀνθρώπων ὑπειλήφασιν ἀδολεσχίαν καὶ μικρολογίαν εἶναι τὰ τοιαῦτα τῶν μαθημάτων· οὐδὲν γὰρ αὐτῶν οὔτ' ἐπὶ τῶν ἰδίων οὔτ' ἐπὶ τῶν κοινῶν εἶναι χρήσιμον, ἀλλ' οὐδ' ἐν ταῖς μνείαις οὐδὲνα χρόνον ἐμμένειν ταῖς τῶν μαθόντων διὰ τὸ μήτε τῷ βίω παρακολουθεῖν μήτε ταῖς πράξεσιν ἐπαμύνειν, ἀλλ' ἔξω παντάπασιν εἶναι τῶν ἀναγκαίων. [263] Ἐγὼ δ' οὔθ' οὕτως οὔτε πόρρω τούτων ἔγνωκα περὶ αὐτῶν, ἀλλ' οἵ τε νομίζοντες μηδὲν χρησίμην εἶναι τὴν παιδείαν ταύτην πρὸς τὰς πράξεις ὀρθῶς μοι δοκοῦσι γιγνώσκειν, οἵ τ' ἐπαινοῦντες αὐτὴν ἀληθῆ λέγειν. Διὰ τοῦτο δ' οὐχ ὁμολογούμενον αὐτὸν αὑτῷ τὸν λόγον εἴρηκα, διότι καὶ ταῦτα τὰ μαθήματα τὴν φύσιν οὐδὲν ὁμοίαν ἔχει τοῖς ἄλλοις οἷς διδασκόμεθα. [264] Τὰ μὲν γὰρ ἄλλα τότ' ὠφελεῖν ἡμᾶς πέφυκεν, ὅταν λάβωμεν αὐτῶν τὴν ἐπιστήμην, ταῦτα δὲ τοὺς μὲν ἀπηκριβωμένους οὐδὲν ἂν εὐεργετήσειε, πλὴν τοὺς ἐντεῦθεν ζῆν προῃρημένους, τοὺς δὲ μανθάνοντας ὀνίνησι· περὶ γὰρ τὴν περιττολογίαν καὶ τὴν ἀκρίβειαν τῆς ἀστρολογίας καὶ γεωμετρίας διατρίβοντες, [265] καὶ δυσκαταμαθήτοις πράγμασιν ἀναγκαζόμενοι προσέχειν τὸν νοῦν, ἔτι δὲ συνεθιζόμενοι λέγειν καὶ πονεῖν ἐπὶ τοῖς λεγομένοις καὶ δεικνυμένοις καὶ μὴ πεπλανημένην ἔχειν τὴν διάνοιαν, ἐν τούτοις γυμνασθέντες καὶ παροξυνθέντες ῥᾷον καὶ θᾶττον τὰ σπουδαιότερα καὶ πλέονος ἄξια τῶν πραγμάτων ἀποδέχεσθαι καὶ μανθάνειν δύνανται. [266] Φιλοσοφίαν μὲν οὖν οὐκ οἶμαι δεῖν προσαγορεύειν τὴν μηδὲν ἐν τῷ παρόντι μήτε πρὸς τὸ λέγειν μήτε πρὸς τὸ πράττειν ὠφελοῦσαν, γυμνασίαν μέντοι τῆς ψυχῆς καὶ παρασκευὴν φιλοσοφίας καλῶ τὴν διατριβὴν τὴν τοιαύτην, ἀνδρικωτέραν μὲν ἧς οἱ παῖδες ἐν τοῖς διδασκαλείοις ποιοῦνται, τὰ δὲ πλεῖστα παραπλησίαν· [267] καὶ γὰρ ἐκείνων οἱ περὶ τὴν γραμματικὴν καὶ τὴν μουσικὴν καὶ τὴν ἄλλην παιδείαν διαπονηθέντες πρὸς μὲν τὸ βέλτιον εἰπεῖν ἢ βουλεύσασθαι περὶ τῶν πραγμάτων οὐδεμίαν πω λαμβάνουσιν ἐπίδοσιν, αὐτοὶ δ' αὑτῶν εὐμαθέστεροι γίγνονται πρὸς τὰ μείζω καὶ σπουδαιότερα τῶν μαθημάτων. [268] Διατρῖψαι μὲν οὖν περὶ τὰς παιδείας ταύτας χρόνον τινὰ συμβουλεύσαιμ' ἂν τοῖς νεωτέροις, μὴ μέντοι περιιδεῖν τὴν αὑτῶν κατασκελετευθεῖσαν ἐπὶ τούτοις, μηδ' ἐξοκείλασαν εἰς τοὺς λόγους τοὺς τῶν παλαιῶν σοφιστῶν, ὧν ὁ μὲν ἄπειρον τὸ πλῆθος ἔφησεν εἶναι τῶν ὄντων, Ἐμπεδοκλῆς δὲ τέτταρα, καὶ νεῖκος καὶ φιλίαν ἐν αὐτοῖς, Ἴων δ' οὐ πλείω τριῶν, Ἀλκμαίων δὲ δύο μόνα, Παρμενίδης δὲ καὶ Μέλισσος ἕν, Γοργίας δὲ παντελῶς οὐδέν. [269] Ἡγοῦμαι γὰρ τὰς μὲν τοιαύτας περιττολογίας ὁμοίας εἶναι ταῖς θαυματοποιίαις, ταῖς οὐδὲν μὲν ὠφελούσαις ὑπὸ δὲ τῶν ἀνοήτων περιστάτοις γιγνομέναις, δεῖν δὲ τοὺς προὔργου τι ποιεῖν βουλομένους καὶ τῶν λόγων τοὺς ματαίους καὶ τῶν πράξεων τὰς μηδὲν πρὸς τὸν βίον φερούσας ἀναιρεῖν ἐξ ἁπασῶν τῶν διατριβῶν.

[270] Περὶ μὲν οὖν τούτων ἀπόχρη μοι τὸ νῦν εἶναι ταῦτ' εἰρηκέναι καὶ συμβεβουλευκέναι· περὶ δὲ σοφίας καὶ φιλοσοφίας τοῖς μὲν περὶ ἄλλων τινῶν ἀγωνιζομένοις οὐκ ἂν ἁρμόσειε λέγειν περὶ τῶν ὀνομάτων τούτων ̔ἔστι γὰρ ἀλλότρια πάσαις ταῖς πραγματείαις*̓, ἐμοὶ δ' ἐπειδὴ καὶ κρίνομαι περὶ τῶν τοιούτων καὶ τὴν καλουμένην ὑπό τινων φιλοσοφίαν οὐκ εἶναι φημί, προσήκει τὴν δικαίως ἂν νομιζομένην ὁρίσαι καὶ δηλῶσαι πρὸς ὑμᾶς. Ἁπλῶς δέ πως τυγχάνω γιγνώσκων περὶ αὐτῶν. [271] Ἐπειδὴ γὰρ οὐκ ἔνεστιν ἐν τῇ φύσει τῇ τῶν ἀνθρώπων ἐπιστήμην λαβεῖν ἣν ἔχοντες ἂν εἰδεῖμεν ὅ τι πρακτέον ἤ λεκτέον ἐστίν, ἐκ τῶν λοιπῶν σοφοὺς μὲν νομίζω τοὺς ταῖς δόξαις ἐπιτυγχάνειν ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τοῦ βελτίστου δυναμένους, φιλοσόφους δὲ τοὺς ἐν τούτοις διατρίβοντας ἐξ ὧν τάχιστα λήψονται τὴν τοιαύτην φρόνησιν. [272] Ἃ δ' ἐστὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων ταύτην ἔχοντα τὴν δύναμιν, ἔχω μὲν εἰπεῖν, ὀκνῶ δὲ λέγειν· οὕτω γάρ ἐστι σφόδρα καὶ παράδοξα καὶ πολὺ τῆς τῶν ἄλλων ἀφεστῶτα διανοίας, ὥστε φοβοῦμαι μὴ τὴν ἀρχὴν αὐτῶν ἀκούσαντες θορύβου καὶ βοῆς ἅπαν ἐμπλήσητε τὸ δικαστήριον. Ὅμως δὲ καὶ περ οὕτω διακείμενος ἐπιχειρήσω διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν· αἰσχύνομαι γὰρ εἴ τισι δόξω δεδιὼς ὑπὲρ γήρως καὶ μικροῦ βίου προδιδόναι τὴν ἀλήθειαν. [273] Δέομαι δ' ὑμῶν μὴ προκαταγνῶναί μου τοιαύτην μανίαν, ὡς ἄρ' ἐγὼ κινδυνεύων προειλόμην ἂν λόγους εἰπεῖν ἐναντίους ταῖς ὑμετέραις γνώμαις, εἰ μὴ καὶ τοῖς προειρημένοις ἀκολούθους αὐτοὺς ἐνόμιζον εἶναι, καὶ τὰς ἀποδείξεις ἀληθεῖς καὶ σαφεῖς ᾤμην ἔχειν ὑπὲρ αὐτῶν. [274] Ἡγοῦμαι δὲ τοιαύτην μὲν τέχνην, ἥτις τοῖς κακῶς πεφυκόσιν ἀρετὴν ἐνεργάσαιτ' ἂν καὶ δικαιοσύνην, οὔτε πρότερον οὔτε νῦν οὐδεμίαν εἶναι, τούς τε τὰς ὑποσχέσεις ποιουμένους περὶ αὐτῶν πρότερον ἀπερεῖν καὶ παύσεσθαι ληροῦντας, πρὶν εὑρεθῆναί τινα παιδείαν τοιαύτην, [275] οὐ μὴν ἀλλ' αὐτούς γ' αὑτῶν βελτίους ἂν γίγνεσθαι καὶ πλέονος ἀξίους, εἰ πρός τε τὸ λέγειν εὖ φιλοτίμως διατεθεῖεν, καὶ τοῦ πείθειν δύνασθαι τοὺς ἀκούοντας ἐρασθεῖεν, καὶ πρὸς τούτοις τῆς πλεονεξίας ἐπιθυμήσαιεν, μὴ τῆς ὑπὸ τῶν ἀνοήτων νομιζομένης, ἀλλὰ τῆς ὡς ἀληθῶς τὴν δύναμιν ταύτην ἐχούσης. [276] Καὶ ταῦθ' ὡς οὕτω πέφυκε, ταχέως οἶμαι δηλώσειν. Πρῶτον μὲν γὰρ ὁ λέγειν ἢ γράφειν προαιρούμενος λόγους ἀξίους ἐπαίνου καὶ τιμῆς οὐκ ἔστιν ὅπως ποιήσεται τὰς ὑποθέσεις ἀδίκους ἢ μικρὰς ἢ περὶ τῶν ἰδίων συμβολαίων, ἀλλὰ μεγάλας καὶ καλὰς καὶ φιλανθρώπους καὶ περὶ τῶν κοινῶν πραγμάτων· μὴ γὰρ τοιαύτας εὑρίσκων οὐδὲν διαπράξεται τῶν δεόντων. [277] Ἔπειτα τῶν πράξεων τῶν συντεινουσῶν πρὸς τὴν ὑπόθεσιν ἐκλέξεται τὰς πρεπωδεστάτας καὶ μάλιστα συμφερούσας· ὁ δὲ τὰς τοιαύτας συνεθιζόμενος θεωρεῖν καὶ δοκιμάζειν οὐ μόνον περὶ τὸν ἐνεστῶτα λόγον ἀλλὰ καὶ περὶ τὰς ἄλλας πράξεις τὴν αὐτὴν ἕξει ταύτην δύναμιν, ὥσθ' ἅμα τὸ λέγειν εὖ καὶ τὸ φρονεῖν παραγενήσεται τοῖς φιλοσόφως καὶ φιλοτίμως πρὸς τοὺς λόγους διακειμένοις. [278] Καὶ μὴν οὐδ' ὁ πείθειν τινὰς βουλόμενος ἀμελήσει τῆς ἀρετῆς, ἀλλὰ τούτῳ μάλιστα προσέξει τὸν νοῦν, ὅπως δόξαν ὡς ἐπιεικεστάτην λήψεται παρὰ τοῖς συμπολιτευομένοις. Τίς γὰρ οὐκ οἶδε καὶ τοὺς λόγους ἀληθεστέρους δοκοῦντας εἶναι τοὺς ὑπὸ τῶν εὖ διακειμένων λεγομένους ἢ τοὺς ὑπὸ τῶν διαβεβλημένων, καὶ τὰς πίστεις μεῖζον δυναμένας τὰς ἐκ τοῦ βίου γεγενημένας ἢ τὰς ὑπὸ τοῦ λόγου πεπορισμένας; Ὥσθ' ὅσῳ ἄν τις ἐρρωμενεστέρως ἐπιθυμῇ πείθειν τοὺς ἀκούοντας, τοσούτῳ μᾶλλον ἀσκήσει καλὸς κἀγαθὸς εἶναι καὶ παρὰ τοῖς πολίταις εὐδοκιμεῖν. [279] Καὶ μηδεὶς ὑμῶν οἰέσθω τοὺς μὲν ἄλλους ἅπαντας γιγνώσκειν ὅσην ἔχει ῥοπὴν εἰς τὸ πείθειν τὸ τοῖς κρίνουσιν ἀρέσκειν, τοὺς δὲ περὶ τὴν φιλοσοφίαν ὄντας μόνους ἀγνοεῖν τὴν τῆς εὐνοίας δύναμιν· πολὺ γὰρ ἀκριβέστερον τῶν ἄλλων καὶ ταῦτ' ἴσασι, [280] καὶ πρὸς τούτοις ὅτι τὰ μὲν εἰκότα καὶ τὰ τεκμήρια καὶ πᾶν τὸ τῶν πίστεων εἶδος τοῦτο μόνον ὠφελεῖ τὸ μέρος, ἐφ' ᾧ ἂν αὐτῶν ἕκαστον τύχῃ ῥηθέν, τὸ δὲ δοκεῖν εἶναι καλὸν κἀγαθὸν οὐ μόνον τὸν λόγον πιστότερον ἐποίησεν, ἀλλὰ καὶ τὰς πράξεις τοῦ τὴν τοιαύτην δόξαν ἔχοντος ἐντιμοτέρας κατέστησεν, ὑπὲρ οὗ σπουδαστέον ἐστὶ τοῖς εὖ φρονοῦσι μᾶλλον ἢ περὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων.

[281] Τὸ τοίνυν περὶ τὴν πλεονεξίαν, ὃ δυσχερέστατον ἦν τῶν ῥηθέντων· εἰ μέν τις ὑπολαμβάνει τοὺς ἀποστεροῦντας ἢ παραλογιζομένους ἢ κακόν τι ποιοῦντας πλεονεκτεῖν, οὐκ ὀρθῶς ἔγνωκεν· οὐδένες γὰρ ἐν ἅπαντι τῷ βίῳ μᾶλλον ἐλαττοῦνται τῶν τοιούτων, οὐδ' ἐν πλέοσιν ἀπορίαις εἰσίν, οὐδ' ἐπονειδιστότερον ζῶσιν, οὐδ' ὅλως ἀθλιώτεροι τυγχάνουσιν ὄντες· [282] χρὴ δὲ καὶ νῦν πλέον ἔχειν ἡγεῖσθαι καὶ πλεονεκτήσειν νομίζειν παρὰ μὲν τῶν θεῶν τοὺς εὐσεβεστάτους καὶ τοὺς περὶ τὴν θεραπείαν τὴν ἐκείνων ἐπιμελεστάτους ὄντας, παρὰ δὲ τῶν ἀνθρώπων τοὺς ἄριστα πρὸς τούτους μεθ' ὧν ἂν οἰκῶσι καὶ πολιτεύωνται διακειμένους καὶ τοὺς βελτίστους αὐτοὺς εἶναι δοκοῦντας. [283] Καὶ ταῦτα καὶ ταῖς ἀληθείαις οὕτως ἔχει, καὶ συμφέρει τὸν τρόπον τοῦτον λέγεσθαι περὶ αὐτῶν, ἐπεὶ νῦν γ' οὕτως ἀνέστραπται καὶ συγκέχυται πολλὰ τῶν κατὰ τὴν πόλιν, ὥστ' οὐδὲ τοῖς ὀνόμασιν ἔνιοί τινες ἔτι χρῶνται κατὰ φύσιν, ἀλλὰ μεταφέρουσιν ἀπὸ τῶν καλλίστων πραγμάτων ἐπὶ τὰ φαυλότατα τῶν ἐπιτηδευμάτων. [284] Τοὺς μέν γε βωμολοχευομένους καὶ σκώπτειν καὶ μιμεῖσθαι δυναμένους εὐφυεῖς καλοῦσι, προσῆκον τῆς προσηγορίας ταύτης τυγχάνειν τοὺς ἄριστα πρὸς ἀρετὴν πεφυκότας· τοὺς δὲ ταῖς κακοηθείαις καὶ ταῖς κακουργίαις χρωμένους, καὶ μικρὰ μὲν λαμβάνοντας πονηρὰν δὲ δόξαν κτωμένους, πλεονεκτεῖν νομίζουσιν, ἀλλ' οὐ τοὺς ὁσιωτάτους καὶ δικαιοτάτους, οἳ περὶ τῶν ἀγαθῶν ἀλλ' οὐ τῶν κακῶν πλεονεκτοῦσι· [285] τοὺς δὲ τῶν μὲν ἀναγκαίων ἀμελοῦντας, τὰς δὲ τῶν παλαιῶν σοφιστῶν τερατολογίας ἀγαπῶντας φιλοσοφεῖν φασιν, ἀλλ' οὐ τοὺς τὰ τοιαῦτα μανθάνοντας καὶ μελετῶντας ἐξ ὧν καὶ τὸν ἴδιον οἶκον καὶ τὰ κοινὰ τὰ τῆς πόλεως καλῶς διοικήσουσιν, ὧνπερ ἕνεκα καὶ πονητέον καὶ φιλοσοφητέον καὶ πάντα πρακτέον ἐστίν. Ἀφ' ὧν ὑμεῖς πολὺν ἤδη χρόνον ἀπελαύνετε τοὺς νεωτέρους, ἀποδεχόμενοι τοὺς λόγους τῶν διαβαλλόντων τὴν τοιαύτην παιδείαν. [286] Καὶ γάρ τοι πεποιήκατε τοὺς μὲν ἐπιεικεστάτους αὐτῶν ἐν πότοις καὶ συνουσίαις καὶ ῥᾳθυμίαις καὶ παιδιαῖς τὴν ἡλικίαν διάγειν, ἀμελήσαντας τοῦ σπουδάζειν ὅπως ἔσονται βελτίους, τοὺς δὲ χείρω τὴν φύσιν ἔχοντας ἐν τοιαύταις ἀκολασίαις ἡμερεύειν, ἐν αἷς πρότερον οὐδ' ἂν οἰκέτης ἐπιεικὴς οὐδεὶς ἐτόλμησεν· [287] οἱ μὲν γὰρ αὐτῶν ἐπὶ τῆς Ἐννεακρούνου ψύχουσιν οἶνον, οἱ δ' ἐν τοῖς καπηλείοις πίνουσιν, ἕτεροι δ' ἐν τοῖς σκιραφείοις κυβεύουσι, πολλοὶ δ' ἐν τοῖς τῶν αὐλητρίδων διδασκαλείοις διατρίβουσι. Καὶ τοὺς μὲν ἐπὶ ταῦτα προτρέποντας οὐδεὶς πώποτε τῶν κήδεσθαι φασκόντων τῆς ἡλικίας ταύτης εἰς ὑμᾶς εἰσήγαγεν· ἡμῖν δὲ κακὰ παρέχουσιν, οἷς ἄξιον ἦν, εἰ καὶ μηδενὸς ἄλλου, τούτου γε χάριν ἔχειν, ὅτι τοὺς συνόντας τῶν τοιούτων ἐπιτηδευμάτων ἀποτρέπομεν. [288] Οὕτω δ' ἐστὶ δυσμενὲς ἅπασι τὸ τῶν συκοφαντῶν γένος, ὥστε τοῖς μὲν λυομένοις εἴκοσι καὶ τριάκοντα μνῶν τὰς μελλούσας καὶ τὸν ἄλλον οἶκον συναναιρήσειν οὐχ ὅπως ἂν ἐπιπλήξειαν, ἀλλὰ καὶ συγχαίρουσι ταῖς ἀσωτίαις αὐτῶν, τοὺς δ' εἰς τὴν αὑτῶν παιδείαν ὁτιοῦν ἀναλίσκοντας διαφθείρεσθαί φασιν. Ὧν τίνες ἂν ἀδικώτερον ἔχοιεν τὴν αἰτίαν ταύτην; [289] Οἵτινες ἐν ταύταις μὲν ταῖς ἀκμαῖς ὄντες ὑπερεῖδον τὰς ἡδονάς, ἐν αἷς οἱ πλεῖστοι τῶν τηλικούτων μάλιστ' αὐτῶν ἐπιθυμοῦσιν, ἐξὸν δ' αὐτοῖς ῥᾳθυμεῖν μηδὲν δαπανωμένοις εἵλοντο πονεῖν χρήματα τελέσαντες, ἄρτι δ' ἐκ παίδων ἐξεληλυθότες ἔγνωσαν ἃ πολλοὶ τῶν πρεσβυτέρων οὐκ ἴσασιν, [290] ὅτι δεῖ τὸν ὀρθῶς καὶ πρεπόντως προεστῶτα τῆς ἡλικίας καὶ καλὴν ἀρχὴν τοῦ βίου ποιούμενον αὑτοῦ πρότερον ἢ τῶν αὑτοῦ ποιήσασθαι τὴν ἐπιμέλειαν, καὶ μὴ σπεύδειν μηδὲ ζητεῖν ἑτέρων ἄρχειν πρὶν ἂν τῆς αὑτοῦ διανοίας λάβῃ τὸν ἐπιστατήσοντα, μηδ' οὕτω χαίρειν μηδὲ μέγα φρονεῖν ἐπὶ τοῖς ἄλλοις ἀγαθοῖς ὡς ἐπὶ τοῖς ἐν τῇ ψυχῇ διὰ τὴν παιδείαν ἐγγιγνομένοις. Καί τοι τοὺς τοιούτῳ λογισμῷ κεχρημένους πῶς οὐκ ἐπαινεῖσθαι χρὴ μᾶλλον ἢ ψέγεσθαι, καὶ νομίζεσθαι βελτίστους εἶναι καὶ σωφρονεστάτους τῶν ἡλικιωτῶν;

[291] Θαυμάζω δ' ὅσοι τοὺς μὲν φύσει δεινοὺς ὄντας εἰπεῖν εὐδαιμονίζουσιν ὡς ἀγαθοῦ καὶ καλοῦ πράγματος αὐτοῖς συμβεβηκότος, τοὺς δὲ τοιούτους γενέσθαι βουλομένους λοιδοροῦσιν ὡς ἀδίκου καὶ κακοῦ παιδεύματος ἐπιθυμοῦντας. Καί τοι τί τῶν φύσει καλῶν ὄντων μελέτῃ κατεργασθὲν αἰσχρὸν ἢ κακόν ἐστιν; Οὐδὲν γὰρ εὑρήσομεν τοιοῦτον, ἀλλ' ἔν γε τοῖς ἄλλοις ἐπαινοῦμεν τοὺς ταῖς φιλοπονίαις ταῖς αὑτῶν ἀγαθόν τι κτήσασθαι δυνηθέντας μᾶλλον ἢ τοὺς παρὰ τῶν προγόνων παραλαβόντας, [292] εἰκότως· συμφέρει γὰρ ἐπί τε τῶν ἄλλων ἁπάντων, καὶ μάλιστ' ἐπὶ τῶν λόγων, μὴ τὰς εὐτυχίας ἀλλὰ τὰς ἐπιμελείας εὐδοκιμεῖν. Οἱ μὲν γὰρ φύσει καὶ τύχῃ δεινοὶ γενόμενοι λέγειν οὐ πρὸς τὸ βέλτιστον ἀποβλέπουσιν, ἀλλ' ὅπως ἂν τύχωσιν, οὕτω χρῆσθαι τοῖς λόγοις εἰώθασιν· οἱ δὲ φιλοσοφίᾳ καὶ λογισμῷ τὴν δύναμιν ταύτην λαβόντες, οὐδὲν ἀσκέπτως λέγοντες, ἧττον περὶ τὰς πράξεις πλημμελοῦσιν. [293] Ὥσθ' ἅπασι μὲν βούλεσθαι προσήκει πολλοὺς εἶναι τοὺς ἐκ παιδείας δεινοὺς εἰπεῖν γιγνομένους, μάλιστα δ' ὑμῖν· καὶ γὰρ αὐτοὶ προέχετε καὶ διαφέρετε τῶν ἄλλων οὐ ταῖς περὶ τὸν πόλεμον ἐπιμελείαις, οὐδ' ὅτι κάλλιστα πολιτεύεσθε καὶ μάλιστα φυλάττετε τοὺς νόμους οὓς ὑμῖν οἱ πρόγονοι κατέλιπον, ἀλλὰ τούτοις οἷς περ ἡ φύσις ἡ τῶν ἀνθρώπων τῶν ἄλλων ζώων, καὶ τὸ γένος τὸ τῶν Ἑλλήνων τῶν βαρβάρων, [294] τῷ καὶ πρὸς τὴν φρόνησιν καὶ πρὸς τοὺς λόγους ἄμεινον πεπαιδεῦσθαι τῶν ἄλλων. Ὥστε πάντων ἂν συμβαίη δεινότατον, εἰ τοὺς βουλομένους τοῖς αὐτοῖς τούτοις διενεγκεῖν τῶν ἡλικιωτῶν, οἷς περ ὑμεῖς ἁπάντων, διαφθείρεσθαι ψηφίσαισθε, καὶ τοὺς τῇ παιδείᾳ ταύτῃ χρωμένους, ἧς ὑμεῖς ἡγεμόνες γεγένησθε, συμφορᾷ τινι περιβάλοιτε.

[295] Χρὴ γὰρ μηδὲ τοῦτο λανθάνειν ὑμᾶς, ὅτι πάντων τῶν δυναμένων λέγειν ἢ παιδεύειν ἡ πόλις ἡμῶν δοκεῖ γεγενῆσθαι διδάσκαλος. Εἰκότως· καὶ γὰρ ἆθλα μέγιστα τιθεῖσαν αὐτὴν ὁρῶσι τοῖς τὴν δύναμιν ταύτην ἔχουσι, καὶ γυμνάσια πλεῖστα καὶ παντοδαπώτατα παρέχουσαν τοῖς ἀγωνίζεσθαι προῃρημένοις καὶ περὶ τὰ τοιαῦτα γυμνάζεσθαι βουλομένοις, [296] ἔτι δὲ τὴν ἐμπειρίαν, ἥ περ μάλιστα ποιεῖ δύνασθαι λέγειν, ἐνθένδε πάντας λαμβάνοντας· πρὸς δὲ τούτοις καὶ τὴν τῆς φωνῆς κοινότητα καὶ μετριότητα καὶ τὴν ἄλλην εὐτραπελίαν καὶ φιλολογίαν οὐ μικρὸν ἡγοῦνται συμβαλέσθαι μέρος πρὸς τὴν τῶν λόγων παιδείαν· ὥστ' οὐκ ἀδίκως ὑπολαμβάνουσιν ἅπαντας τοὺς λέγειν ὄντας δεινοὺς τῆς πόλεως εἶναι μαθητάς. [297] Σκοπεῖτ' οὖν μὴ παντάπασιν ᾖ καταγέλαστον τῆς δόξης ταύτης φλαῦρόν τι καταγιγνώσκειν, ἣν ὑμεῖς ἔχετε παρὰ τοῖς Ἕλλησι πολὺ μᾶλλον ἢ ἐγὼ παρ' ὑμῖν· οὐδὲν γὰρ ἀλλ' ἢ φανερῶς ὑμῶν αὐτῶν ἔσεσθε κατεψηφισμένοι τὴν τοιαύτην ἀδικίαν, [298] καὶ πεποιηκότες ὅμοιον ὥσπερ ἂν εἰ Λακεδαιμόνιοι τοὺς τὰ περὶ τὸν πόλεμον ἀσκοῦντας ζημιοῦν ἐπιχειροῖεν, ἢ Θετταλοὶ παρὰ τῶν ἱππεύειν μελετώντων δίκην λαμβάνειν ἀξιοῖεν. Ὑπὲρ ὧν φυλακτέον ἐστίν, ὅπως μηδὲν τοιοῦτον ἐξαμαρτήσεσθε περὶ ὑμᾶς αὐτούς, μηδὲ πιστοτέρους ποιήσετε τοὺς λόγους τοὺς τῶν κατηγορούντων τῆς πόλεως ἢ τοὺς τῶν ἐπαινούντων.

[299] Οἶμαι δ' ὑμᾶς οὐκ ἀγνοεῖν ὅτι τῶν Ἑλλήνων οἱ μὲν δυσκόλως πρὸς ὑμᾶς ἔχουσιν, οἱ δ' ὡς οἷόν τε μάλιστα φιλοῦσι καὶ τὰς ἐλπίδας τῆς σωτηρίας ἐν ὑμῖν ἔχουσι. Καὶ φασιν οἱ μὲν τοιοῦτοι μόνην εἶναι ταύτην πόλιν, τὰς δ' ἄλλας κώμας, καὶ δικαίως ἂν αὐτὴν ἄστυ τῆς Ἑλλάδος προσαγορεύεσθαι καὶ διὰ τὸ μέγεθος καὶ διὰ τὰς εὐπορίας τὰς ἐνθένδε τοῖς ἄλλοις γιγνομένας καὶ μάλιστα διὰ τὸν τρόπον τῶν ἐνοικούντων· [300] οὐδένας γὰρ εἶναι πραοτέρους οὐδὲ κοινοτέρους οὐδ' οἷς οἰκειότερον ἄν τις τὸν ἅπαντα βίον συνδιατρίψειεν οὕτω δὲ μεγάλαις χρῶνται ταῖς ὑπερβολαῖς, ὥστ' οὐδὲ τοῦτ' ὀκνοῦσι λέγειν, ὡς ἥδιον ἂν ὑπ' ἀνδρὸς Ἀθηναίου ζημιωθεῖεν ἢ διὰ τῆς ἑτέρων ὠμότητος εὖ πάθοιεν. Οἱ δὲ ταῦτα μὲν διασύρουσι, διεξιόντες δὲ τὰς τῶν συκοφαντῶν πικρότητας καὶ κακοπραγίας ὅλης τῆς πόλεως ὡς ἀμίκτου καὶ χαλεπῆς οὔσης κατηγοροῦσιν. [301] Ἔστιν οὖν δικαστῶν νοῦν ἐχόντων τοὺς μὲν τῶν τοιούτων λόγων αἰτίους γιγνομένους ἀποκτείνειν ὡς μεγάλην αἰσχύνην τῇ πόλει περιποιοῦντας, τοὺς δὲ τῶν ἐπαίνων τῶν λεγομένων περὶ αὐτῆς μέρος τι συμβαλλομένους τιμᾶν μᾶλλον ἢ τοὺς ἀθλητὰς τοὺς ἐν τοῖς στεφανίταις ἀγῶσι νικῶντας· πολὺ γὰρ καλλίω δόξαν ἐκείνων κτώμενοι τῇ πόλει τυγχάνουσι καὶ μᾶλλον ἁρμόττουσαν. [302] Περὶ μὲν γὰρ τὴν τῶν σωμάτων ἀγωνίαν πολλοὺς τοὺς ἀμφισβητοῦντας ἔχομεν, περὶ δὲ τὴν παιδείαν ἅπαντες ἂν ἡμᾶς πρωτεύειν προκρίνειαν. Χρὴ δὲ τοὺς καὶ μικρὰ λογίζεσθαι δυναμένους τοὺς ἐν τοῖς τοιούτοις τῶν ἔργων διαφέροντας, ἐν οἷς ἡ πόλις εὐδοκιμεῖ, τιμῶντας φαίνεσθαι, καὶ μὴ φθονερῶς ἔχειν, μηδ' ἐναντία τοῖς ἄλλοις Ἕλλησι γιγνώσκειν περὶ αὐτῶν. [303] Ὧν ὑμῖν οὐδὲν πώποτ' ἐμέλησεν, ἀλλὰ τοσοῦτον διημαρτήκατε τοῦ συμφέροντος, ὥσθ' ἥδιον ἔχετε δι' οὓς ἀκούετε κακῶς ἢ δι' οὓς ἐπαινεῖσθε, καὶ δημοτικωτέρους εἶναι νομίζετε τοὺς τοῦ μισεῖσθαι τὴν πόλιν ὑπὸ πολλῶν αἰτίους ὄντας, ἢ τοὺς ἅπαντας οἷς πεπλησιάκασιν εὖ διακεῖσθαι πρὸς αὐτὴν πεποιηκότας. [304] Ἢν οὖν σωφρονῆτε, τῆς μὲν ταραχῆς παύσεσθε ταύτης, οὐχ οὕτω δ' ὥσπερ νῦν οἱ μὲν τραχέως οἱ δ' ὀλιγώρως διακείσεσθε πρὸς τὴν φιλοσοφίαν, ἀλλ' ὑπολαβόντες κάλλιστον εἶναι καὶ σπουδαιότατον τῶν ἐπιτηδευμάτων τὴν τῆς ψυχῆς ἐπιμέλειαν, προτρέψετε τῶν νεωτέρων τοὺς βίον ἱκανὸν κεκτημένους καὶ σχολὴν ἄγειν δυναμένους ἐπὶ τὴν παιδείαν καὶ τὴν ἄσκησιν τὴν τοιαύτην, [305] καὶ τοὺς μὲν πονεῖν ἐθέλοντας καὶ παρασκευάζειν σφᾶς αὐτοὺς χρησίμους τῇ πόλει περὶ πολλοῦ ποιήσεσθε, τοὺς δὲ καταβεβλημένως ζῶντας καὶ μηδενὸς ἄλλου φροντίζοντας πλὴν ὅπως ἀσελγῶς ἀπολαύσονται τῶν καταλειφθέντων, τούτους δὲ μισήσετε καὶ προδότας νομιεῖτε καὶ τῆς πόλεως καὶ τῆς τῶν προγόνων δόξης· μόλις γὰρ ἢν οὕτως ὑμᾶς αἴσθωνται πρὸς ἑκατέρους αὐτῶν διακειμένους, ἐθελήσουσιν οἱ νεώτεροι καταφρονήσαντες τῆς ῥᾳθυμίας προσέχειν σφίσιν αὐτοῖς καὶ τῇ φιλοσοφίᾳ τὸν νοῦν. [306] Ἀναμνήσθητε δὲ τὸ κάλλος καὶ τὸ μέγεθος τῶν ἔργων τῶν τῇ πόλει καὶ τοῖς προγόνοις πεπραγμένων, καὶ διέλθετε πρὸς ὑμᾶς αὐτοὺς καὶ σκέψασθε ποῖός τις ἦν καὶ πῶς γεγονὼς καὶ τίνα τρόπον πεπαιδευμένος ὁ τοὺς τυράννους ἐκβαλὼν καὶ τὸν δῆμον καταραρὼν καὶ τὴν δημοκρατίαν καταστήσας, ποῖος δέ τις ὁ τοὺς βαρβάρους Μαραθῶνι τῇ μάχῃ νικήσας καὶ τὴν δόξαν τὴν ἐκ ταύτης γενομένην τῇ πόλει κτησάμενος, [307] τίς δ' ἦν, ὁ μετ' ἐκεῖνον τοὺς Ἕλληνας ἐλευθερώσας καὶ τοὺς προγόνους ἐπὶ ἡγεμονίαν καὶ τὴν δυναστείαν ἣν ἔσχον προαγαγών, ἔτι δὲ τὴν φύσιν τὴν τοῦ Πειραιέως κατιδὼν καὶ τὸ τεῖχος ἀκόντων Λακεδαιμονίων τῇ πόλει περιβαλών, τίς δὲ ὁ μετὰ τοῦτον ἀργυρίου καὶ χρυσίου τὴν ἀκρόπολιν ἐμπλήσας καὶ τοὺς οἴκους τοὺς ἰδίους μεστοὺς πολλῆς εὐδαιμονίας καὶ πλούτου ποιήσας· [308] εὑρήσετε γάρ, ἢν ἐξετάζητε τούτων ἕκαστον, οὐ τοὺς συκοφαντικῶς βεβιωκότας οὐδὲ τοὺς ἀμελῶς, οὐδὲ τοὺς τοῖς πολλοῖς ὁμοίους ὄντας, ταῦτα διαπεπραγμένους, ἀλλὰ τοὺς διαφέροντας καὶ προέχοντας μὴ μόνον ταῖς εὐγενείαις καὶ ταῖς δόξαις, ἀλλὰ καὶ τῷ φρονεῖν καὶ λέγειν, τούτους ἁπάντων ἀγαθῶν αἰτίους γεγενημένους. [309] Ὧν εἰκὸς ὑμᾶς ἐνθυμουμένους ὑπὲρ μὲν τοῦ πλήθους τοῦτο σκοπεῖν, ὅπως ἔν τε τοῖς ἀγῶσι τοῖς περὶ τῶν συμβολαίων τῶν δικαίων τεύξονται καὶ τῶν ἄλλων τῶν κοινῶν μεθέξουσι, τοὺς δ' ὑπερέχοντας καὶ τῇ φύσει καὶ ταῖς μελέταις, καὶ τοὺς τοιούτους γενέσθαι προθυμουμένους, ἀγαπᾶν καὶ τιμᾶν καὶ θεραπεύειν, ἐπισταμένους ὅτι καὶ τὸ καλῶν καὶ μεγάλων ἡγήσασθαι πραγμάτων καὶ τὸ δύνασθαι τὰς πόλεις ἐκ τῶν κινδύνων σώζειν καὶ τὴν δημοκρατίαν διαφυλάττειν ἐν τοῖς τοιούτοις ἔνεστιν, ἀλλ' οὐκ ἐν τοῖς συκοφάνταις.

[310] Πολλῶν δ' ἐφεστώτων μοι λόγων ἀπορῶ πῶς αὐτοὺς διαθῶμαι· δοκεῖ γάρ μοι καθ' αὑτὸ μὲν ἕκαστον ὧν διανοοῦμαι ῥηθὲν ἐπιεικὲς ἂν φανῆναι, πάντα δὲ νυνὶ λεγόμενα πολὺν ἂν ὄχλον ἐμοί τε καὶ τοῖς ἀκούουσι παρασχεῖν. Ὅπερ καὶ περὶ τῶν ἤδη προειρημένων δέδοικα, μὴ τοιοῦτόν τι πάθος αὐτοῖς διὰ τὸ πλῆθος τυγχάνῃ συμβεβηκός. [311] Οὕτω γὰρ ἀπλήστως ἅπαντες ἔχομεν περὶ τοὺς λόγους, ὥστ' ἐπαινοῦμεν μὲν τὴν εὐκαιρίαν καὶ φαμὲν οὐδὲν εἶναι τοιοῦτον, ἐπειδὰν δ' οἰηθῶμεν ὡς ἔχομέν τι λέγειν, ἀμελήσαντες τοῦ μετριάζειν, κατὰ μικρὸν ἀεὶ προστιθέντες εἰς τὰς ἐσχάτας ἀκαιρίας ἐμβάλλομεν ἡμᾶς αὐτούς· ὅπου γε καὶ λέγων ἐγὼ ταῦτα καὶ γιγνώσκων, ὅμως ἔτι βούλομαι διαλεχθῆναι πρὸς ὑμᾶς.

[312] Ἀγανακτῶ γὰρ ὁρῶν τὴν συκοφαντίαν ἄμεινον τῆς φιλοσοφίας φερομένην, καὶ τὴν μὲν κατηγοροῦσαν, τὴν δὲ κρινομένην. Ὃ τίς ἂν τῶν παλαιῶν ἀνδρῶν γενήσεσθαι προσεδόκησεν, ἄλλως τε καὶ παρ' ὑμῖν τοῖς ἐπὶ σοφίᾳ μεῖζον τῶν ἄλλων φρονοῦσιν; [313] Οὔκουν ἐπί γε τῶν προγόνων οὕτως εἶχεν, ἀλλὰ τοὺς μὲν καλουμένους σοφιστὰς ἐθαύμαζον καὶ τοὺς συνόντας αὐτοῖς ἐζήλουν, τοὺς δὲ συκοφάντας πλείστων κακῶν αἰτίους ἐνόμιζον εἶναι. Μέγιστον δὲ τεκμήριον· Σόλωνα μὲν γάρ, τὸν πρῶτον τῶν πολιτῶν λαβόντα τὴν ἐπωνυμίαν ταύτην, προστάτην ἠξίωσαν τῆς πόλεως εἶναι, περὶ δὲ τῶν συκοφαντῶν χαλεπωτέρους ἢ περὶ τῶν ἄλλων κακουργιῶν τοὺς νόμους ἔθεσαν. [314] Τοῖς μὲν γὰρ μεγίστοις τῶν ἀδικημάτων ἐν ἑνὶ τῶν δικαστηρίων τὴν κρίσιν ἐποίησαν, κατὰ δὲ τούτων γραφὰς μὲν πρὸς τοὺς θεσμοθέτας, εἰσαγγελίας δ' εἰς τὴν βουλήν, προβολὰς δ' ἐν τῷ δήμῳ, νομίζοντες τοὺς ταύτῃ τῇ τέχνῃ χρωμένους ἁπάσας ὑπερβάλλειν τὰς πονηρίας. Τοὺς μὲν γὰρ ἄλλους ἀλλ' οὖν πειρᾶσθαί γε λανθάνειν κακουργοῦντας, [315] τούτους δ' ἐν ἅπασιν ἐπιδείκνυσθαι τὴν αὑτῶν ὠμότητα καὶ μισανθρωπίαν καὶ φιλαπεχθημοσύνην.

Κἀκεῖνοι μὲν οὕτως ἐγίγνωσκον περὶ αὐτῶν· ὑμεῖς δὲ τοσοῦτον ἀπέχετε τοῦ κολάζειν αὐτούς, ὥστε τούτοις χρῆσθε καὶ κατηγόροις καὶ νομοθέταις περὶ τῶν ἄλλων. Καί τοι προσῆκεν αὐτοὺς νῦν μισεῖσθαι μᾶλλον ἢ κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον. [316] Τότε μὲν γὰρ ἐν τοῖς ἐγκυκλίοις μόνον καὶ τοῖς κατὰ τὴν πόλιν ἔβλαπτον τοὺς συμπολιτευομένους· ἐπειδὴ δ' αὐξηθείσης τῆς πόλεως καὶ λαβούσης τὴν ἀρχὴν οἱ πατέρες ἡμῶν, μᾶλλον θαρρήσαντες τοῦ συμφέροντος, τοῖς μὲν καλοῖς κἀγαθοῖς τῶν ἀνδρῶν καὶ μεγάλην τὴν πόλιν ποιήσασι διὰ τὰς δυναστείας ἐφθόνησαν, πονηρῶν δ' ἀνθρώπων καὶ μεστῶν θρασύτητος ἐπεθύμησαν, [317] οἰηθέντες ταῖς μὲν τόλμαις καὶ ταῖς φιλαπεχθημοσύναις ἱκανοὺς αὐτοὺς ἔσεσθαι διαφυλάττειν τὴν δημοκρατίαν, διὰ δὲ τὴν φαυλότητα τῶν ἐξ ἀρχῆς αὐτοῖς ὑπαρξάντων οὐ μέγα φρονήσειν οὐδ' ἐπιθυμήσειν ἑτέρας πολιτείας. Ἐκ ταύτης τῆς μεταβολῆς τί τῶν δεινῶν οὐ συνέπεσε τῇ πόλει, τί δὲ τῶν μεγίστων κακῶν οἱ ταύτην ἔχοντες τὴν φύσιν οὐ καὶ λέγοντες καὶ πράττοντες διετέλεσαν; [318] Οὐ τοὺς μὲν ἐνδοξοτάτους τῶν πολιτῶν καὶ μάλιστα δυναμένους ποιῆσαί τι τὴν πόλιν ἀγαθόν, ὀλιγαρχίαν ὀνειδίζοντες καὶ λακωνισμόν, οὐ πρότερον ἐπαύοντο πρὶν ἠνάγκασαν ὁμοίους γενέσθαι ταῖς αἰτίαις ταῖς λεγομέναις περὶ αὐτῶν· τοὺς δὲ συμμάχους λυμαινόμενοι καὶ συκοφαντοῦντες, καὶ τοὺς βελτίστους ἐκ τῶν ὄντων ἐκβάλλοντες, οὕτω διέθεσαν ὥσθ' ἡμῶν μὲν ἀποστῆναι, τῆς δὲ Λακεδαιμονίων ἐρασθῆναι φιλίας καὶ συμμαχίας; [319] Ἐξ ὧν εἰς πόλεμον καταστάντες πολλοὺς ἐπείδομεν τῶν πολιτῶν τοὺς μὲν τελευτήσαντας, τοὺς δ' ἐπὶ τοῖς πολεμίοις γενομένους, τοὺς δ' εἰς ἔνδειαν τῶν ἀναγκαίων καταστάντας, ἔτι δὲ τὴν δημοκρατίαν δὶς καταλυθεῖσαν καὶ τὰ τείχη τῆς πατρίδος κατασκαφέντα, τὸ δὲ μέγιστον, ὅλην τὴν πόλιν περὶ ἀνδραποδισμοῦ κινδυνεύσασαν καὶ τὴν ἀκρόπολιν τοὺς πολεμίους οἰκήσαντας.

[320] Ἀλλὰ γὰρ αἰσθάνομαι, καίπερ ὑπὸ τῆς ὀργῆς βίᾳ φερόμενος, τὸ μὲν ὕδωρ ἡμᾶς ἐπιλεῖπον, αὐτὸς δ' ἐμπεπτωκὼς εἰς λόγους ἡμερησίους καὶ κατηγορίας. Ὑπερβὰς οὖν τὸ πλῆθος τῶν συμφορῶν τῶν διὰ τούτους γεγενημένων, καὶ διωσάμενος τὸν ὄχλον τῶν ἐνόντων εἰπεῖν περὶ τῆς τούτων συκοφαντίας, μικρῶν ἔτι πάνυ μνησθεὶς ἤδη καταλύσω τὸν λόγον.

[321] Τοὺς μὲν οὖν ἄλλους ὁρῶ τοὺς κινδυνεύοντας, ἐπειδὰν περὶ τὴν τελευτὴν ὦσι τῆς ἀπολογίας, ἱκετεύοντας, δεομένους, τοὺς παῖδας, τοὺς φίλους ἀναβιβαζομένους· ἐγὼ δὲ οὔτε πρέπειν οὐδὲν ἡγοῦμαι τῶν τοιούτων τοῖς τηλικούτοις, πρός τε τῷ ταῦτα γιγνώσκειν, αἰσχυνθείην ἄν, εἰ δι' ἄλλο τι σωζοίμην ἢ διὰ τοὺς λόγους τοὺς προειρημένους. Οἶδα γὰρ ἐμαυτὸν οὕτως ὁσίως καὶ δικαίως κεχρημένον αὐτοῖς καὶ περὶ τὴν πόλιν καὶ περὶ τοὺς προγόνους καὶ μάλιστα περὶ τοὺς θεούς, ὥστε, εἴ τι μέλει τῶν ἀνθρωπίνων αὐτοῖς πραγμάτων, [322] οὐδὲ τῶν νῦν περὶ ἐμὲ γιγνομένων οὐδὲν αὐτοὺς οἶμαι λανθάνειν. Διόπερ οὐκ ὀρρωδῶ τὸ μέλλον συμβήσεσθαι παρ' ὑμῶν, ἀλλὰ θαρρῶ καὶ πολλὰς ἐλπίδας ἔχω τότε μοι τοῦ βίου τὴν τελευτὴν ἥξειν, ὅταν μέλλῃ συνοίσειν ἡμῖν, σημείῳ χρώμενος ὅτι καὶ τὸν παρελθόντα χρόνον οὕτω τυγχάνω βεβιωκὼς μέχρι ταύτης τῆς ἡμέρας, ὥς περ προσήκει τοὺς εὐσεβεῖς καὶ θεοφιλεῖς τῶν ἀνθρώπων.

[323] Ὡς οὖν ἐμοῦ ταύτην ἔχοντος τὴν γνώμην, καὶ νομίζοντος ὅ τι ἂν ὑμῖν δόξῃ, τοῦθ' ἕξειν μοι καλῶς καὶ συμφερόντως, ὅπως ἕκαστος ὑμῶν χαίρει καὶ βούλεται, τοῦτον τὸν τρόπον φερέτω τὴν ψῆφον.

[251] 26-24. Un orateur dans la force de l'âge et qui, plus que moi, serait du nombre de ceux qui ne se préoccupent pas des intérêts du moment, pourrait réunir un beaucoup plus grand nombre d'objections ; mais voici ce qu'il m'est encore possible d'ajouter sur ce sujet. Si des hommes qui auraient reçu de leurs ancêtres des biens considérables ne se rendaient en rien utiles à leur pays, s'ils insultaient les citoyens, s'ils déshonoraient les enfants et les femmes, est-il quelqu'un qui songeât à incriminer les auteurs de leurs richesses, au lieu de punir les coupables ? [252] Ou bien encore, si quelques hommes ayant appris l'art de l'escrime, au lieu d'employer contre les ennemis de leur pays le talent qu'ils auraient acquis, excitant une sédition, causaient la mort d'un grand nombre de citoyens ; ou si, après avoir porté au plus haut degré la connaissance du pugilat et du pancrace, ils négligeaient les luttes régulières et frappaient les hommes qu'ils rencontreraient sur leur passage, qui pourrait, tout en louant leurs maîtres, ne pas envoyer à la mort ceux qui se seraient livrés à un si criminel usage delà science qu'ils leur auraient apprise ? [253] Il faut, à l'égard de l'éloquence, être dans la même disposition d'esprit qu'à l'égard des autres facultés de l'homme, et il ne faut pas porter des jugements opposés sur des choses de même nature ; comme aussi l'on ne doit pas s'abandonner à des sentiments de colère contre celui de tous les dons accordés à la nature humaine, qui est la source des plus nombreux avantages. Par les autres facultés dont nous sommes doués et que j'ai déjà indiquées, nous n'avons aucune supériorité sur les animaux ; nous sommes même inférieurs à un grand nombre d'entre-eux par la rapidité, la force ou d'autres qualités; [254] tandis que, par la puissance qui nous est donnée de nous persuader mutuellement et de nous rendre compte à nous-mêmes de nos volontés, non seulement nous nous sommes affranchis de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis, nous avons bâti des villes, établi des lois, inventé des arts ; enfin, presque toutes les merveilles enfantées parle génie de l'homme, c'est la parole qui les a préparées. [255] C'est elle qui, par des lois, a posé les limites de l'équité et de l'injustice, de l'honneur et de la honte, et si ces limites n'avaient pas été posées, nous serions incapables de vivre en société. C'est par elle que nous flétrissons le vice et que nous louons la vertu. C'est par elle que nous instruisons les ignorants et que nous explorons les pensées des sages. Parler comme il convient est la marque la plus certaine que l'on pense avec sagesse ; et un discours en harmonie avec la vérité, l'ordre et la justice, est l'image d'une âme droite et sincère. [256] A l'aide de la parole, nous discutons sur les choses controversées, et nous découvrons celles qui sont inconnues; les arguments qui nous servent pour agir sur l'esprit des autres hommes, nous les employons également pour délibérer avec nous-mêmes. Nous appelons éloquents ceux qui savent parler en présence du peuple, et nous considérons comme des conseillers prudents ceux qui, se plaçant en quelque sorte vis-à-vis d'eux-mêmes, analysent le mieux les affaires. [257] S'il faut tout dire en un mot sur celte grande faculté de l'homme, rien de ce qui a été fait avec sagesse ne l'a été sans le secours de la parole ; elle est le guide de nos actions comme de toutes nos pensées, et les hommes qui ont le plus de génie sont ceux qui en font le plus d'usage. C'est donc parce que Lysimaque n'a réfléchi sur aucune de ces vérités, qu'il a osé attaquer devant vous des hommes ambitieux de posséder une science qui est la cause de si nombreux et de si grands bienfaits.

[258] 20-25. Mais pourquoi s'étonnerait-on de la conduite de Lysimaque, lorsque, même parmi les hommes qui s'occupent de discours de controverse, il en est qui calomnient également les discours sans valeur et ceux qui sont utiles, comme le font les hommes les plus stupides? Ils n'ignorent pas cependant et la puissance de ces discours, et les avantages rapides qu'ils procurent ; mais ils espèrent, en les dénigrant, donner plus de relief à leurs compositions. [259] Je pourrais m'exprimer à leur égard en termes beaucoup plus amers qu'ils ne le peuvent faire relativement à moi ; mais je ne crois pas devoir imiter des hommes que l'envie dévore, ni blâmer ceux qui, sans nuire à leurs disciples, sont seulement moins que d'autres en état de leur être utiles. Je ferai néanmoins quelque mention de ces hommes ; je le ferai surtout parce qu'ils ont parlé de moi, et ensuite pour que, sachant plus positivement ce qu'ils valent, vous puissiez être plus justes envers chacun de nous; [260] et je le ferai en outre afin de rendre évident que nous, qui consacrons nos veilles à des discours politiques qu'ils accusent d'exciter les haines, nous apportons à leur égard plus de douceur qu'ils ne le font envers nous ; ils ne cessent de nous accabler de leurs injures, et moi, loin de rien faire de semblable, je n'invoquerai contre eux que la vérité. [261] Je crois en général que ceux qui tiennent le premier rang dans les discours de controverse, de même que ceux qui se livrent à l'étude de l'astrologie, de la géométrie et des autres sciences de cette nature, loin de nuire à ceux qui fréquentent leurs écoles, leur sont utiles, moins toutefois qu'ils ne l'annoncent dans leurs promesses, mais plus qu'ils ne le paraissent aux yeux de beaucoup de personnes. [262] La plupart des hommes, en effet, sont pénétrés de l'idée que les sciences dont nous venons de parler ne présentent qu'un tissu de futilités et de vaines paroles; qu'aucune d'elles ne peut servir ni pour les intérêts privés ni pour les intérêts publics, qu'elles ne restent même pas dans la mémoire de ceux qui les apprennent, parce qu'elles sont sans application dans la vie, qu'elles n'apportent aucun secours dans les affaires, qu'elles sont absolument en dehors des choses qu'il est nécessaire de connaître. [263] Pour moi, j'ai sur ce sujet une opinion différente, et qui cependant n'est pas très éloignée de la leur; ainsi, ceux qui pensent que ce genre d'étude n'est d'aucune utilité pour les affaires me paraissent juger sainement ; mais, d'un autre côté, ceux qui lui donnent des louanges sont à mes yeux dans la vérité. J'ai énoncé en cela une proposition qui n'est pas complètement d'accord avec elle-même, mais je l'ai fait parce que ces sciences, considérées dans leur nature, n'ont rien de semblable à celles que nous enseignons. [264] Celles-ci, lorsque nous en acquérons la connaissance, nous sont utiles par elles-mêmes ; celles-là ne procurent aucun avantage à ceux qui les approfondissent, à l'exception des hommes qui ont résolu d'en tirer leurs moyens d'existence, et néanmoins elles sont utiles à ceux qui les apprennent, parce qu'elles habituent leur esprit à la surabondance et à la minutieuse exactitude des raisonnements de la géométrie et de l'astrologie, [265] forcés ainsi de donner leur attention à des choses difficiles à apprendre, accoutumés à réfléchir et à parler sur ce qu'on leur dit et sur ce qu'on leur montre, à ne pas laisser leur pensée errer en quelque sorte au hasard ; exercés et stimulés par ces travaux, ils acquièrent la faculté de concevoir et d'apprendre avec plus de facilité et de promptitude les choses qui ont plus d'importance et de gravité. [266] Je ne crois donc pas que l'on doive appeler philosophie un genre d'étude qui ne peut servir en rien, ni pour parler ni pour agir dans une circonstance donnée; mais j'appelle une gymnastique de l'intelligence et une préparation à la philosophie, un exercice qui a quelque chose de plus mâle que l'instruction donnée aux enfants dans les écoles, et qui, pour presque tout le reste, peut lui être comparé ; [267] et je crois également que les hommes voués à l'étude de la grammaire, de la musique ou d'autres branches de l'éducation, n'ajoutent rien à leur capacité naturelle pour parler ou pour délibérer dans les affaires ; mais qu'ils deviennent plus susceptibles d'être initiés à des connaissances plus sérieuses et plus élevées. [268] Je conseillerais par conséquent aux jeunes gens de consacrer quelque temps à ces divers genres d'étude, sans toutefois laisser leur esprit se dessécher en s'y attachant ; comme aussi je les engage à ne pas s'égarer dans les rêveries des anciens sophistes, dont l'un prétend que le nombre des êtres est infini, tandis qu'Empédocle en admet quatre qui se combattent et s'allient entre eux ; Ion, pas plus de trois ; Alcméon, deux seulement; Parménide et Mélissus, un seul; Gorgias, absolument aucun. [269] Selon moi, ces subtilités ressemblent aux prestiges des charlatans, qui, sans aucune utilité réelle, réunissent autour d'eux la foule des insensés; et les hommes qui ont résolu de faire quelque chose d'utile doivent bannir de tous leurs exercices les vains discours et les actions qui ne peuvent nous apporter aucun avantage pour les nécessités de la vie.

[270] 26-26. Il me suffit, quant à présent, de ce que j'ai dit et des conseils que j'ai donnés sur les choses que je viens de traiter. Maintenant, pour ce qui touche à la sagesse et à la philosophie, il ne convient pas à ceux qui soutiennent des luttes sur d'autres sujets, de prononcer leurs noms, car ils sont étrangers à toute espèce de controverse. Mais pour moi, qui suis mis en jugement à leur occasion, et qui prétends que la science appelée philosophique par certains hommes n'est pas la philosophie véritable, j'ai le droit de définir et d'exposer devant vous celle que l'on peut justement considérer comme telle. Mon opinion à l'égard de toutes les deux est très simple. [271] Puisqu'il n'est pas dans la nature de l'homme d'acquérir une science qui, lorsque nous la possédons, nous donne la connaissance de ce qu'il faut faire et de ce qu'il faut dire, je considère comme sages ceux qui, par la force du raisonnement, parviennent la plupart du temps à découvrir ce qu'il y a de meilleur, et j'appelle philosophes ceux qui se livrent aux travaux à l'aide desquels ils parviennent le plus promptement à ce degré d'intelligence. [272] Quant aux études qui donnent cette puissance, je pourrais les faire connaître, mais j'hésite à parler, parce que les choses que j'ai à dire sont tellement excessives, tellement paradoxales, tellement éloignées de la pensée commune, que, lorsque vous en recevrez les premières impressions, je crains que vous ne remplissiez de tumulte et de cris l'enceinte de ce tribunal. Cependant, et quelle que soit la position où je me trouve, j'essayerai de m'expliquer sur ce sujet ; j'aurais honte si, par un sentiment de timidité, fondé sur mon grand âge et sur le peu de vie qui me reste, je paraissais aux yeux de quelques personnes trahir la cause de la vérité. [273] Je vous demande donc de ne pas me condamner d'avance comme assez insensé, pour qu'engagé dans les périls d'un jugement, je voulusse dire des choses contraires à vos sentiments, si je ne les regardais pas comme une suite nécessaire de celles que j'aurais déjà dits, et si je ne pensais pas m'appuyer sur des preuves aussi vraies qu'évidentes. [274] Je crois qu'il n'existe pas et qu'il n'a jamais existé une science capable de faire pénétrer la vertu et la justice chez les hommes d'une nature dépravée ; et je crois en même temps que ceux qui font de telles promesses, y renonceront et cesseront de débiter des discours privés de raison, avant d'avoir découvert une éducation qui produise un tel résultat. [275] Je pense néanmoins que ces mêmes hommes pourraient devenir meilleurs et dignes de plus d'estime, s'ils s'attachaient avec ardeur à bien parler, s'ils éprouvaient un vif désir de persuader leurs auditeurs, et si, de plus, ils aspiraient non pas à ce que les insensés regardent comme la supériorité, mais à la supériorité véritable. [276] J'ai la ferme confiance de vous convaincre en peu de mots que les choses sont ainsi. Et d'abord, celui qui a résolu de prononcer ou d'écrire des discours dignes de louange et d'estime ne peut pas se proposer des sujets injustes ou de peu de valeur, ou des sujets qui tiennent à des intérêts privés, mais des sujets grands, nobles, philanthropiques, qui touchent aux intérêts généraux ; car s'il ne peut en rencontrer de tels, il ne fera rien qui puisse fixer l'attention. [277] Il choisira ensuite, parmi les actions qui ont rapport à l'objet qu'il se propose, celles qui sont à la fois les plus nobles, les plus utiles : et l'orateur qui se sera accoutumé à méditer, à apprécier de semblables actions, n'appliquera pas seulement cette faculté au discours dont il s'occupe dans le moment; il Impliquera à toutes les autres affaires, de telle sorte que la puissance de bien dire, comme de bien penser, deviendra le partage de ceux qui s'adonneront à l'étude de l'éloquence avec un sentiment philosophique, et avec le désir d'acquérir une juste renommée. [278] Enfin, celui qui veut persuader les autres ne négligera pas la vertu ; il s'appliquera principalement à mériter, parmi ses concitoyens, la réputation la plus honorable. Qui pourrait ignorer que les discours des hommes investis de l'estime publique sont regardés comme plus sincères que les discours des hommes que tout le monde accuse ; et que les gages de confiance qui résultent d'une vie sans reproche ont plus de puissance que ceux qui résultent des paroles ? En sorte que plus un homme sera fortement animé du désir de persuader ses auditeurs, plus il s'efforcera d'être homme de bien et de jouir d'une honorable renommée parmi ses concitoyens. [279] Et que personne de vous ne croie que tous les autres connaissent de quel poids est pour persuader le don de plaire à ses juges, pendant que ceux qui se livrent à la philosophie sont les seuls qui ignorent le pouvoir de la bienveillance ; ils le connaissent mieux que tous les autres; [280] et, de plus, ils n'ignorent pas que les probabilités, les conjectures et toutes les formes d'argumentation ne sont utiles qu'à l'objet particulier pour lequel chacune d'elles est employée, tandis que la réputation d'être un homme d'honneur et de probité, non seulement fait accorder plus de confiance aux paroles d'un orateur, mais donne plus de prix aux actions de celui qui a su conquérir une semblable renommée ; or c'est un avantage que les hommes sensés doivent pardessus tout ambitionner.

[281] 26-27. Maintenant, pour ce qui touche au désir de s'élever au-dessus des autres, l'objet le plus difficile entre tous ceux que j'ai traités; si l'on entend que ceux qui dépouillent leurs concitoyens, qui les trompent ou qui commettent quelque action condamnable, sont des hommes qui l'emportent sur les autres, ils énoncent un faux jugement; car il n'est pas d'êtres plus méprisés dans tout le cours de leur vie ; il n'en est pas dont l'existence soit entourée de plus de difficultés, qui mènent une vie chargée de plus d'opprobres, qui soient plus misérables sous tous les rapports : [282] il faut, au contraire, considérer les avantages que possèdent et songer aux faveurs que recueilleront de la part des dieux, ceux qui se distinguent par leur piété et qui mettent le plus de soin dans le culte qu'ils leur rendent; de la part des hommes, ceux qui, étant au-dessus des autres, sont bienveillants pour les citoyens avec lesquels ils vivent sous un même gouvernement, et qui sont reconnus comme étant les plus vertueux. [283] Telle est la vérité sur cette question, et telle est aussi la manière dont il est utile d'en parler; car, aujourd'hui, le désordre et la confusion sont si grands dans notre ville, que certains hommes ne se servent plus des mots dans leur acception naturelle, mais les transportent des actions les plus nobles aux habitudes les plus abjectes. [284] Ainsi, les bouffons et les hommes qui savent manier le sarcasme ou reproduire les ridicules, ils les appellent des hommes d'un heureux naturel, tandis que cette qualification ne devrait s'appliquer qu'à ceux qui ont reçu de la nature les dispositions les plus favorables pour la vertu; ils regardent les hommes qui, par des mœurs vicieuses et des actes pervers, se procurent un misérable profit, en subissant une renommée déshonorante, comme s'élevant au-dessus des autres, et refusent cette réputation aux hommes justes et pieux qui se distinguent par de bonnes et non par de mauvaises actions; [285] enfin, ceux qui, négligeant les choses nécessaires, se plaisent aux vaines subtilités des anciens sophistes, ils disent que ce sont des hommes qui s'adonnent à l'étude de la philosophie, et ils réservent leur dédain pour ceux qui consacrent leurs veilles à acquérir des connaissances à l'aide desquelles ils peuvent administrer convenablement leur fortune, et diriger avec honneur les affaires de leur pays, but pour lequel on doit travailler, s'instruire, et calculer toutes ses actions. Mais déjà, et depuis longtemps, vous détournez la jeunesse de ces habitudes en applaudissant aux discours des hommes qui calomnient une si noble éducation. [286] Et en effet vous êtes cause que les jeunes gens doués du meilleur naturel passent leur vie dans les festins, dans les réunions licencieuses, dans la mollesse et dans les plaisirs frivoles, sans faire aucun effort pour devenir meilleurs ; tandis que ceux qui sont doués d'une nature moins heureuse consument leur existence au milieu de dérèglements auxquels, à d'autres époques, jamais un esclave honnête n'aurait osé se livrer. [287] Ainsi, les uns se rendent aux Neuf-Fontaines pour y rafraîchir leur vin ; d'autres n'ont pas honte de boire dans les plus ignobles cabarets ; d'autres hasardent leur fortune dans d'infâmes maisons de jeu ; d'autres encore, et en grand nombre, passent leur temps dans les écoles des joueuses de flûte. Aucun de ces hommes, qui se vantent de prendre soin de la jeunesse, n'a conduit devant vous ceux qui la poussent à ces écarts, mais ils nous intentent des procès, à nous qui mériterions des témoignages de reconnaissance, ne fut-ce que pour le soin que nous prenons de détourner nos disciples de pareils dérèglements. [288] La race des sycophantes est tellement nuisible au genre humain, que non seulement elle n'adresse aucun reproche à des jeunes gens qui dépensent vingt ou trente mines pour entretenir des courtisanes destinées à dévorer quelque jour le reste de leur fortune; mais qu'elle applaudit à leurs désordres, et que ceux qui font une dépense, quelque faible qu'elle puisse être, dans l'intérêt de leur instruction, elle les accuse de se laisser corrompre. [289] Quels hommes pourraient être plus injustement atteints par une telle accusation que ceux qui, dans la fleur de la jeunesse, ont méprisé les jouissances dont la plupart des hommes de cet âge font l'objet de leurs plus ardents désirs ; qui, maîtres de s'abandonner à l'oisiveté, sans s'imposer aucun sacrifice, ont préféré se livrer au travail, en dépensant leur fortune pour accroître leur instruction; et qui, à peine sortis de l'enfance, ont appris ce que beaucoup d'hommes ignorent dans un âge plus avancé, [290] savoir : que celui qui veut régler sa jeunesse d'une manière décente et convenable, et entrer honorablement dans la carrière de la vie, doit s'occuper de lui-même avant tout autre intérêt; ne rien précipiter; ne pas chercher à commander aux autres avant de s'être donné un guide de sa propre intelligence; et moins se réjouir, moins s'enorgueillir de tous les autres avantages, que des fruits dont l'éducation orne son âme? Lorsque des jeunes gens raisonnent de cette manière, ne doit-on pas les louer plutôt que de les blâmer, et ne doit-on pas les regarder comme les plus vertueux et les plus sages entre leurs contemporains ?

[291] Je m'étonne de voir certains hommes exalter le bonheur de ceux qui ont reçu de la nature le don de l'éloquence, parce qu'ils les considèrent comme ayant obtenu un don noble et utile : et poursuivre en même temps de leurs injures ceux qui aspirent à cette même éloquence, les accusant de rechercher une instruction pernicieuse et contraire à la justice. Mais quelle est donc, parmi les choses honorables en elles-mêmes, celle que rend honteuse ou coupable le soin que l'on met à l'acquérir ? Nulle part nous ne trouverons rien de pareil ; bien plus, partout ailleurs, nous louons ceux qui, par leur amour du travail, ont pu obtenir quelque avantage, plutôt que ceux qui l'ont reçu de leurs ancêtres ; [292] et c'est avec raison, parce qu'en toute chose, et surtout pour l'éloquence, il est utile d'honorer non la fortune et le hasard, mais le travail et l'étude. Les hommes qui sont éloquents par le bienfait de la nature et du hasard ne portent pas leurs regards vers ce qu'il y a de plus honorable; ils se servent ordinairement de leur talent suivant la disposition où ils se trouvent; ceux qui, au contraire, ont acquis cette faculté par la philosophie et le raisonnement, ne disant rien sans l'avoir approfondi, commettent nécessairement moins d'erreurs dans l'ensemble de leur conduite. [293] Il est donc dans l'intérêt de tout le monde de vouloir qu'un grand nombre déjeunes gens puissent devenir éloquents par le bienfait de l'éducation, mais cela est surtout dans le vôtre ; car vous êtes supérieurs à tous les peuples et vous l'emportez sur eux, bien moins par votre organisation militaire et politique, ou par votre respect pour les lois que vos ancêtres vous ont léguées, que par les choses où la nature de l'homme l'emporte sur celle des animaux, la race grecque sur les races barbares, [294] et surtout par une éducation qui vous forme à la sagesse et à l'éloquence mieux que tous les autres hommes. On verrait donc se produire le fait le plus monstrueux, si vous déclariez par un jugement que ceux qui veulent se distinguer entre leurs contemporains par les qualités qui vous élèvent au-dessus de tous les peuples sont des hommes qui se laissent corrompre ; et si vous infligiez une peine quelconque à ceux qui veulent acquérir une éducation, dont vous êtes les chefs.

[295] 26-28. Un fait encore ne doit pas vous échapper, c'est que notre ville est considérée, en quelque sorte, comme l'institutrice de tous les hommes capables de parler et d'instruire : et c'est avec raison ; car on la voit établir les récompenses les plus magnifiques pour ceux qui possèdent cette faculté ; on la voit offrir les gymnases les plus nombreux et les plus variés à ceux qui ont résolu de disputer le prix de l'éloquence, ou qui veulent se préparer à l'obtenir par l'exercice, [296] de même que c'est ici que tous viennent acquérir l'expérience qui plus que tout le reste donne la faculté de parler; tous sont en outre convaincus que la communauté de langage, l'enjouement de l'esprit, les entretiens littéraires, n'entrent pas pour une faible part dans l'enseignement de l'éloquence ; de sorte que ce n'est pas sans justice qu'ils considèrent tous les hommes qui se distinguent par leurs facultés oratoires, comme des disciples de notre ville. [297] Examinez donc et jugez si ce ne serait pas le comble du ridicule d'imposer une flétrissure à cette renommée dont vous jouissez parmi les Grecs, beaucoup plus que je n'en jouis parmi vous! [298] Ce serait évidemment vous rendre coupables d'une iniquité semblable à celle des Lacédémoniens, s'ils essayaient de punir ceux qui travaillent à se rendre habiles dans l'art de la guerre, ou à celle des Thessaliens, s'ils prétendaient punir ceux qui s'efforcent d'exceller dans l'équitation. Vous devez donc vous mettre en garde, afin de ne pas commettre une telle faute contre vous-mêmes, et de ne pas faire accorder plus de croyance aux discours des détracteurs de notre patrie, qu'à ceux des orateurs qui célèbrent ses louanges.

[299] 26-29. Vous n'ignorez pas, je pense, que, parmi les Grecs, les uns sont à votre égard dans des dispositions ennemies, tandis que les autres ont pour vous l'affection la plus sincère, et mettent en vous l'espérance de leur salut. Ceux-ci disent qu'Athènes seule mérite le nom de ville, que les autres sont des bourgades, et que c'est avec justice qu'elle est saluée du nom de capitale de la Grèce, à cause de sa grandeur, des ressources abondantes qu'elle procure aux autres villes, et principalement à cause de l'urbanité de ses habitants. [300] Et, en effet, il n'est pas d'hommes plus sociables, ni d'un commerce plus doux, ni dans l'intimité desquels on passerait plus volontiers sa vie entière. Leurs éloges mêmes sont empreints d'une telle exagération, qu'ils affirment préférer un châtiment de la part d'un Athénien à un bienfait de la barbarie des autres peuples. Les premiers cherchent, au contraire, à infirmer ces louanges, et, déroulant le tableau des procédés pleins d'amertume et de malice des sycophantes, ils accusent notre ville d'être insociable et inhospitalière. [301] Il convient donc à des juges de condamner à mort ceux qui sont la cause de semblables discours, comme des hommes qui impriment une grande honte à leur pays, et d'honorer, plus que les athlètes . vainqueurs dans les luttes où l'on remporte des couronnes, ceux qui procurent à notre ville une partie des louanges dont elle est l'objet, et qui acquièrent à leur patrie une gloire beaucoup plus noble et beaucoup plus digne d'elle. [302] Dans les luttes où l'on déploie les facultés corporelles, nous avons beaucoup de rivaux; tandis que, pour l'éducation, tout le monde nous accorde le premier rang. Ceux même qui ne possèdent qu'une faible faculté de raisonner doivent entourer de leur estime les hommes distingués par des travaux qui sont l'honneur de leur pays ; ne pas leur porter envie, ne pas prononcer à leur égard un jugement opposé à celui des autres Grecs. [303] Mais ce soin ne vous a jamais préoccupés, et vous vous trompez tellement sur vos intérêts que votre bienveillance se porte sur des hommes qui vous attirent des calomnies de préférence à ceux qui appellent sur vous des applaudissements et des louanges ; vous considérez ceux qui attirent à votre ville de nombreuses inimitiés comme plus dévoués à la démocratie que les hommes qui lui font des amis de tous ceux dont ils s'approchent. [304] Par conséquent, si vous êtes sages, vous mettrez fin à ce désordre, et l'on ne vous verra pas, comme aujourd'hui, les uns dominés par la colère, les autres pleins d'indifférence envers la philosophie ; vous comprendrez que la plus belle et la plus noble de toutes les occupations est la culture de l'âme ; vous ferez en sorte de diriger les pensées des jeunes gens qui possèdent assez de fortune pour avoir quelque loisir, vers ce genre d'éducation, et vers les travaux qu'elle exige ; [305] vous entourerez de votre estime ceux qui voudront se consacrer à l'étude et se rendre capables de servir utilement leur pays : quant à ceux qui vivent d'une manière honteuse et qui n'ont pas d'autre pensée que de jouir au sein de leurs dérèglements de la fortune dont ils ont hérité, vous les poursuivrez de votre haine, et vous les regarderez comme traîtres envers la gloire de leur pays et envers celle de leurs ancêtres. Et même alors que vous serez dans ces dispositions à l'égard des uns et des autres, c'est à peine si les jeunes gens voudront, méprisant la mollesse, porter leur attention sur eux-mêmes et vers la philosophie. [306] Souvenez-vous de la beauté, de la grandeur des actions accomplies par notre patrie et par nos ancêtres ; rappelez à votre mémoire quel était, de quelle race était sorti, quelle éducation avait reçue celui qui chassa les tyrans, ramena le peuple dans la ville et fonda la démocratie ; quel fut celui qui vainquit les Barbares dans les champs de Marathon, et conquit à sa patrie la gloire qui s'est attachée à cette journée ; [307] quel fut celui qui rendit après lui la liberté à la Grèce, éleva nos ancêtres à cette suprématie, à cette souveraineté qu'ils obtinrent à cette époque, et, embrassant d'un coup d'œil les avantages dont la nature avait doté le Pirée, couvrit Athènes d'un rempart, malgré les Lacédémoniens ; enfin, quel fut celui qui remplit l'Acropole de si abondantes richesses, et les maisons des citoyens de tant de prospérité et d'opulence. [308] Vous trouverez, si vous examinez chacun d'eux, que tant d'actions mémorables n'ont pas été faites par des hommes vivant de la vie des sycophantes, ou d'une vie exempte de soins, ni par des hommes semblables à ceux de la foule ; mais que tant de prospérités ont été l'œuvre de ceux qui s'élevaient au-dessus des autres et se distinguaient non seulement par leur noblesse et leur réputation, mais par leur génie et leur éloquence. [309] Pénétrés de ces vérités, c'est à vous qu'il appartient de faire en sorte que le peuple obtienne justice dans les conflits relatifs aux transactions particulières, et qu'il jouisse des droits dont la propriété est commune à tous ; et pour ce qui concerne les hommes supérieurs aux autres, soit par les dons de la nature, soit par leurs travaux, comme ceux qui sont animés du désir de les imiter, vous devez les aimer, les honorer, les servir, convaincus que se placer à la tête d'entreprises nobles et grandes, sauver les villes des dangers qui les menacent, préserver la démocratie, est l'œuvre de pareils hommes, et non l'œuvre des sycophantes.

[310] 27. La foule des arguments qui s'offrent à mon esprit me fait éprouver de l'embarras sur la manière dont je dois les établir; il me semble que chacune de mes pensées, considérée en elle-même, si elle était exprimée, paraîtrait pleine de convenance ; et, d'un autre côté, je sens que, si toutes devaient être développées maintenant, il en résulterait une grande fatigue pour moi et pour mes auditeurs. Je crains même que le grand nombre des choses déjà exposées n'ait produit sur eux quelque impression de cette nature. [311] Nous éprouvons tous un tel besoin de parler que, dans le moment même où nous vantons les avantages de l'opportunité, et où nous affirmons qu'il n'existe rien de tel au monde, dès que nous croyons qu'il nous reste encore quelque chose à dire, nous oublions toute modération, et peu à peu, ajoutant sans cesse, nous nous laissons entraîner jusqu'aux dernières limites de l'inopportunité; et c'est ainsi que, tout en reconnaissant, en confessant cette vérité, je veux encore ajouter quelques courtes explications.

[312] 28. Je ressens une profonde indignation lorsque je vois la calomnie placée dans des conditions meilleures que la philosophie, et quand je la vois intenter des accusations, tandis que la philosophie est obligée de courir les chances d'un jugement. Quel homme, dans les temps anciens, aurait jamais pu prévoir qu'un jour il en serait ainsi,-surtout parmi vous, qui, pour la sagesse, croyez être supérieurs au reste de l'humanité ? [313] Chez nos ancêtres, il en était autrement: ils admiraient les hommes appelés sophistes ; ils enviaient le bonheur de ceux qui fréquentaient leurs écoles, et ils attribuaient la plus grande partie des maux aux sycophantes. En voici la preuve la plus évidente : Solon est le premier de nos citoyens qui ait pris le titre de sophiste : ses contemporains le jugèrent cligne d'être placé à la tête de l'État ; et ils firent des lois plus sévères contre les sycophantes que contre les autres malfaiteurs. [314] Ils ne traduisaient que devant un seul tribunal les auteurs des plus grands crimes ; mais, lorsqu'il s'agissait des sycophantes, ils les dénonçaient aux thesmosthètes, ils les déféraient au sénat, ils les accusaient devant le peuple, convaincus que ceux qui pratiquaient l'art funeste de la calomnie dépassaient la limite de toutes les perversités. Les autres coupables cherchent, du moins, à dérober la connaissance de leurs crimes ; [315] mais ceux-ci font ostentation à tous les yeux de leur cruauté, de leur haine de . l'humanité, de leur ardeur à se créer des ennemis.

29. Voilà ce que nos ancêtres avaient statué à l'égard des sycophantes ; vous, au contraire, vous êtes si loin de les punir que vous vous servez d'eux à la fois comme accusateurs et comme législateurs. Il serait juste, cependant, de les haïr aujourd'hui plus encore qu'à l'époque dont je viens de parler. [316] S'ils nuisaient alors à leurs concitoyens, c'était uniquement dans le cercle des affaires ordinaires, et dans celles qui -touchaient aux intérêts de la ville ; mais, lorsqu'ensuite notre patrie eut augmenté sa puissance, lorsqu'elle se vit investie du commandement suprême, nos pères, se confiant dans leur fortune plus qu'il n'était utile de le faire, se livrèrent à un sentiment de jalousie contre les hommes loyaux et honnêtes, dont le gouvernement avait fait la grandeur de notre pays, [317] et c'est alors qu'ils recherchèrent ces hommes vicieux et pleins d'audace, croyant qu'à cause de leur audace même et de leur ardeur à se créer des ennemis, ils seraient capables de maintenir la démocratie, et que, d'un autre côté, la bassesse de leur origine] rendant leur ambition plus modeste, ils n'éprouveraient pas le désir d'une autre forme de gouvernement. Or quels périls, par suite de ce changement, n'ont pas menacé la République ! Quelles immenses calamités les hommes de cette nature n'ont-ils pas attirées sur elle par leurs discours aussi bien que par leurs actions! [318] Poursuivant de leurs injures les hommes les plus distingués, les hommes les plus capables de servir utilement notre patrie, ont-ils cessé de les accuser de tendance à l'oligarchie et d'attachement au parti de Lacédémone, avant de les avoir forcés à devenir tels qu'ils les présentaient dans leurs imputations mensongères? Persécutant, calomniant nos alliés, et dépouillant de leurs biens les hommes les plus estimables, ne les ont-ils pas mis dans une situation telle qu'ils se sont séparés de nous, et ont recherché avec ardeur l'amitié et l'alliance des Lacédémoniens? [319] D'où il est résulté que, la guerre s'étant engagée, nous avons vu un grand nombre de citoyens, les uns périr, les autres tomber au pouvoir des ennemis ; d'autres réduits à manquer des choses les plus nécessaires; la démocratie deux fois détruite, les murailles de notre ville renversées; et ce qu'il y a de plus déplorable, notre patrie au moment d'être réduite en esclavage, et notre citadelle au pouvoir de l'ennemi!

[320] 30. Quelle que puisse être l'indignation qui m'entraîne, je m'aperçois que l'eau s'épuise, et que je me suis engagé dans des discours et des accusations qui rempliraient des jours entiers. Passant dès lors sous silence les calamités sans nombre dont ces hommes ont été la cause, et écartant une foule d'arguments que je pourrais employer pour flétrir leurs calomnies, j'ajoute quelques paroles et je termine mon discours.

[321] 31. Je vois les autres accusés, lorsqu'ils touchent à la fin de leur défense, recourir aux supplications et aux prières, amener devant les juges leurs enfants et leurs amis ; pour moi, je ne considère pas les démarches de cette nature comme convenables aux hommes de mon âge, et, indépendamment de cette conviction, j'aurais honte de chercher mon salut ailleurs que dans les discours qui vous ont été récités. Je sens au fond de mon âme que j'ai usé de la parole avec tant de piété et de justice envers ma patrie, envers nos ancêtres, et surtout envers les dieux, que, s'il est vrai que ces derniers prennent quelque intérêt aux choses de la terre, [322] rien de ce qui m'arrive maintenant n'échappera à leur attention. C'est pourquoi, loin de redouter le jugement que vous porterez de moi, je me livre à la confiance, et j'ai l'espoir que le terme de mon existence arrivera dans le moment le plus favorable pour moi ; j'en trouve le présage dans ma vie qui, jusqu'à ce jour, a été conforme à celle des hommes remplis de piété et chéris des dieux.

[323] Que maintenant chacun de vous, appréciant le sentiment dont je suis animé et la conviction où je suis que votre jugement, quel qu'il soit, sera pour moi aussi honorable qu'utile, vienne déposer son suffrage selon les dispositions de son âme et l'impulsion de sa volonté.