Platon traduit par Victor Cousin Tome I

ISÉE

 

PLAIDOYER SUR LA SUCCESSION DE NICOSTRATE


Περὶ τοῦ Νικοστράτου κλήρου  
 

Traduction française : Rodolphe Dareste
 

Autre traduction

IV.

PLAIDOYER SUR LA SUCCESSION DE NICOSTRATE

Hagnon et Haynothee contre Chariadès

 

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DÉFENSE A UNE DEMANDE EN REVENDICATION DE SUCCESSION

ARGUMENT

Nicostrate fils de Thrasymaque est mort à l'étranger, probablement dans une expédition (§ 19). Après une absence de plus de onze ans (§ 8), sa succession, d'une valeur de deux talents, est recueillie par ses cousins Hagnon et Hagnothée fils de Thrasippe, lequel était frère de Trasymaque père de Nicostrate. Un certain Chariadès la leur dispute en invoquant un testament. Il a dû consigner préalablement une somme égale au dixième de la succession, soit 1.200 drachmes, παρακαταβόλη. Il a plaidé le premier, Hagnon et Hagnothée lui ont répondu, mais comme ils sont jeunes et inexpérimentés, l'orateur qui est leur ami, et probablement Isée lui-même, demande la permission de parler après eux, pour compléter et résumer leur discussion.

L'orateur relève d'abord une tentative faite par Chariadès pour embrouiller l'affaire en jetant quelque incertitude sur le nom du père de Nicostrate, et par suite sur l'identité du de cujus. Il énumère ensuite tous les compétiteurs qui se 68 sont présentés pour réclamer les biens, soit comme héritiers du sang, soit comme légataires, comme créanciers, comme patrons, comme fldéicommissaires. On a présenté des enfants supposés, on a cherché à faire une adoption posthume. Aujourd'hui Chariadès agit comme légataire en son propre nom.

Il invoque un testament dont il prouve l'existence par témoins. Mais comment réfuter cette preuve? Comment prouver le faux témoignage au sujet de faits qui se sont passés à l'étranger? Il faut donc ici préférer les indices aux témoignages. Ceux-mémes qui ont été appelés pour assister à la confection d'un testament n'en connaissent pas toujours les dispositions et ne peuvent en attester l'identité. Enfin peuvent-ils attester avec certitude que le testateur était sain d'esprit?

Lors donc que la succession est disputée par des héritiers du sang contre des héritiers testamentaires, il y a moins de chance d'erreur à se décider en faveur des premiers, car leur litre consiste dans des faits notoires tandis que les seconds ne peuvent invoquer que des témoignages toujours suspects. Dans l'espèce il y a une raison de plus pour agir de la sorte, c'est que Chariadès n'avait aucun lien d'intimité avec Nicostrate et ne lui a même pas rendu les derniers devoirs.

Au contraire Hagnon et Hagnothée sont lès parents et les amis intimes de Nicostrate; n'est-il pas juste qu'ils en héritent puisque Nicostrate aurait hérité d'eux? Les témoins qui disent le contraire s'entendent avec Chariadès qui leur a sans doute promis une part s'ils l'aident à gagner son procès.

Enfin eux et leur père sont de bons citoyens qui ont toujours bien mérité de la patrie; au contraire Chariadès a été poursuivi pour vol et a vécu dix-sept ans à l'étranger sans rendre aucun service à ses concitoyens.
 

 

[1] Ἐπιτήδειοί μοι τυγχάνουσιν, ὦ ἄνδρες, ὄντες Ἅγνων τε οὑτοσὶ καὶ Ἁγνόθεος, καὶ ὁ πατὴρ αὐτῶν ἔτι πρότερον. Εἰκὸς οὖν μοι δοκεῖ εἶναι, ὡς ἂν οἷός τε ὦ, συνειπεῖν αὐτοῖς.

Περὶ μὲν οὖν τῶν ἐν τῇ ὑπερορίᾳ πραχθέντων ὡς οὔτε μάρτυρας ἐξευρεῖν οἷόν τε, οὔτε τοὺς ἀντιδίκους, ἐάν τι ψεύδωνται, ἐλέγχειν ῥᾴδιον, διὰ τὸ μηδέτερον τούτων ἐκεῖσε ἀφῖχθαι· τὰ δὲ ἐνθάδε μοι συμβεβηκότα δοκεῖ μοι ὑμῖν ἱκανὰ γενέσθαι ἂν τεκμήρια, ὅτι ἅπαντες οἱ κατὰ τὴν δόσιν τῶν Νικοστράτου ἀμφισβητοῦντες ἐξαπατῆσαι ὑμᾶς βούλονται. [2] Πρῶτον μὲν οὖν, ὦ ἄνδρες, περὶ τῆς τῶν ὀνομάτων ἐπιγραφῆς ἄξιόν ἐστιν ἐξετάσαι, καὶ σκέψασθαι ὁπότεροι ἁπλούστερον καὶ κατὰ φύσιν μᾶλλον τὰς λήξεις ἐποιήσαντο.  Ἅγνων μὲν γὰρ οὑτοσὶ καὶ Ἁγνόθεος Θρασυμάχου ἐπεγράψαντο τὸν Νικόστρατον, καὶ ἑαυτοὺς ἐκείνῳ ἀνεψιοὺς ἀποφαίνουσι, καὶ τούτων μάρτυρας παρέχονται· [3] Χαριάδης δὲ καὶ οἱ συνδικοῦντες αὐτῷ Σμίκρου μὲν πατρὸς εἶναί φασι τὸν Νικόστρατον, ἀμφισβητοῦσι δὲ τοῦ Θρασυμάχου ὑοῦ κλήρου. Καὶ οἵδε μὲν οὐδὲν προσποιοῦνται ἐκείνου τοῦ ὀνόματος οὔτε γιγνώσκειν οὔτε προσήκειν αὑτοῖς· φασὶ μὲν οὖν εἶναι Θρασυμάχου Νικόστρατον, τούτου δὲ ὁμοίως τῆς οὐσίας ἀμφισβητοῦσι. [4] Καὶ εἰ μὲν τὸ ὄνομα πατρόθεν τὸ αὐτὸ ὡμολόγουν εἶναι τοῦ Νικοστράτου, περὶ δὲ τοῦ κλήρου μόνου διεφέροντο, οὐδὲν ἂν ἔδει ὑμᾶς σκέψασθαι ἀλλ' εἴ τι διέθετο ἐκεῖνος ὁ Νικόστρατος, ὃν ἀμφότεροι ὡμολόγουν· νῦν δὲ πῶς οἷόν τε τῷ ἀνδρὶ δύο πατέρας ἐπιγράψασθαι; Τοῦτο γὰρ Χαριάδης πεποίηκεν· αὐτός τε γὰρ ἔλαχε τοῦ Σμίκρου Νικοστράτου, τούτοις τε τοῦ Θρασυμάχου λαχοῦσι παρακατέβαλεν ὡς τὸν αὐτὸν ὄντα. [5] Ἔστι μὲν οὖν ἅπαντα ταῦτα ἐπήρεια καὶ παρασκευή. Ἡγοῦνται γὰρ τούτους, ἁπλοῦ μὲν ὄντος τοῦ πράγματος καὶ μηδεμιᾶς αὐτοῖς ταραχῆς ἐγγιγνομένης, οὐ χαλεπῶς ἐπιδείξειν ὅτι οὐδὲν Νικόστρατος διέθετο· ἐὰν δὲ μὴ τὸν πατέρα τὸν αὐτὸν εἶναι φῶσι, τοῦ δὲ κλήρου μηδὲν ἧττον ἀμφισβητῶσιν, ἀκριβῶς ἴσασιν ὅτι πλείονι λόγῳ εἰπεῖν τουτουσὶ δεήσει ὡς Νικόστρατος Θρασυμάχου ἦν ἢ ὡς οὐδὲν διέθετο. [6] Ἔτι δὲ καὶ ὁμολογοῦντες Θρασυμάχου μὲν εἶναι τὸν Νικόστρατον οὐκ ἂν εἶχον ἐξελέγξαι τούσδε ὡς οὐκ εἰσὶν ἐκείνῳ ἀνεψιοί· ἄλλον δὲ πατέρα τῷ τεθνεῶτι κατασκευάζοντες οὐ μόνον περὶ τῶν διαθηκῶν ἀλλὰ καὶ περὶ τοῦ γένους λόγον ἐμβεβλήκασιν.

[7] Οὐκ ἐκ τούτων δὲ μόνον γνοίητ' ἂν ὅτι ἀλλότριοί τινες εἰσιν οἱ ταῦτα ἐπὶ τουτουσὶ ἐπάγοντες, ἀλλὰ καὶ ἐκ τῶν κατ' ἀρχὰς γεγενημένων. Τίς γὰρ οὐκ ἀπεκείρατο, ἐπειδὴ τὼ δύο ταλάντω ἐξ Ἀκῆς ἠλθέτην ; Ἢ τίς οὐ μέλαν ἱμάτιον ἐφόρησεν, ὡς διὰ τὸ πένθος κληρονομήσων τῆς οὐσίας; Ἢ πόσοι συγγενεῖς καὶ ὑεῖς κατὰ δόσιν προσεποιήσαντο τῶν Νικοστράτου; [8] Δημοσθένης μέν γε ἀδελφιδοῦς ἔφη αὐτῷ εἶναι, ἐπειδὴ δ' ἐξηλέγχθη ὑπὸ τούτων, ἀπέστη· Τήλεφος δὲ δοῦναι αὑτῷ Νικόστρατον ἅπαντα τὰ ἑαυτοῦ. Καὶ οὗτος οὐ πολλῷ ὕστερον ἐπαύσατο. Ἀμεινιάδης δὲ ὑὸν αὐτῷ πρὸς τὸν ἄρχοντα ἧκεν ἄγων οὐδὲ τριετῆ γεγονότα, καὶ ταῦτ' οὐκ ἐπιδεδημηκότος τοῦ Νικοστράτου ἕνδεκα ἐτῶν Ἀθήνησι. [9] Πύρρος δὲ ὁ Λαμπτρεὺς τῇ μὲν Ἀθηνᾷ ἔφη τὰ χρήματα ὑπὸ Νικοστράτου καθιερῶσθαι, αὐτῷ δ' ὑπ' αὐτοῦ ἐκείνου δεδόσθαι. Κτησίας δ' ὁ Βησαιεὺς καὶ Κραναὸς τὸ μὲν πρῶτον δίκην ἔφασαν τοῦ Νικοστράτου ταλάντου καταδεδικάσθαι, ἐπειδὴ δ' οὐκ εἶχον τοῦτο ἀποδεῖξαι, ἀπελεύθερον αὐτὸν ἑαυτῶν προσεποιήσαντο εἶναι· καὶ οὐδ' οὗτοι ἃ ἔλεγον ἀπέδειξαν. [10] Καὶ οἱ μὲν εὐθὺς κατὰ τὰ πρῶτα ἐπὶ τὰ Νικοστράτου ᾄξαντες οὗτοί εἰσι· Χαριάδης δὲ τότε μὲν οὐδαμοῦ ἠμφισβήτησεν, ὕστερον δὲ οὐ μόνον αὐτὸς ἀλλὰ καὶ τὸ ἐκ τῆς ἑταίρας παιδίον εἰσποιῶν ἦλθε. Ταὐτὸ δ' ἦν αὐτῷ ὡς ἢ τῶν χρημάτων κληρονομήσοντι ἢ τὸ παιδίον ἀστὸν ποιήσοντι. Αἰσθόμενος δὲ καὶ οὗτος ὅτι περὶ τοῦ γένους ἐλεγχθήσοιτο, τὴν μὲν τοῦ παιδίου ἀμφισβήτησιν παρέλυσεν, ἑαυτῷ δὲ κατὰ δόσιν παρακατέβαλεν.

 

 PLAIDOYER

1. Hagnon que voici, et Hagnothée, juges, se trouvent être mes amis intimes, et leur père l'était déjà avant eux. J'ai donc qualité pour prendre la parole à côté d'eux, autant que je suis capable de le faire.

Sur ce qui s'est passé à l'étranger il n'est pas possible de trouver des témoins; il n'est pas facile non plus de convaincre nos adversaires de mensonge, car ni l'un ni l'autre de mes deux amis n'est allé sur les lieux. Mais ce qui s'est passé ici même me paraît être pour vous un indice suffisant de ceci que tous ceux qui réclament à litre de légataires les biens de Nicostrate veulent vous tromper. 2. Et d'abord, juges, il est intéressant de rechercher sous quels noms l'affaire a été présentée, et d'examiner quelle est celle des deux parties qui a rédigé sa demande de la manière la plus simple et la plus naturelle. Hagnon que voici, et Hagnothée, ont écrit: « Nicostrate fils de Thrasymaque ». Ils se déclarent ses cousins, et présentent des témoins de ces faits. 3. Mais Chariadès et ceux qui l'assistent dans la cause disent que Nicostrate était fils de Smicros, et en même temps c'est du fils de Thrasymaque qu'ils réclament la succession. Or, mes amis ne prétendent pas que le premier de ces deux noms soit connu d'eux, ni les concerne en aucune façon. Ils affirment que Nicostrate était fils de Thrasymaque et revendiquent, eux aussi, la succession de ce dernier. 4. Si les deux parties étaient d'accord sur le nom du père de Nicos- 70 trate et si le débat portait uniquement sur la succession, vous n'auriez à examiner qu'une seule question, celle de savoir si ce même Nicostrate, dont l'identité serait reconnue de part et d'autre, a laissé un testament. Mais comment attribuer ainsi à un même homme deux pères différents? C'est pourtant ce qu'a fait Chariadès, car il a formé sa depiande au sujet de Nicostrate fils de Smicros, et quand mes amis ont formé la leur au sujet du fils de Thrasymaque, il a transformé sa demande en une opposition, comme si les deux ne faisaient qu'un. 5. Tout cela n'est que manœuvre et artifice. Ils comprennent que si l'affaire reste simple et si aucun incident n'est soulevé, mes amis n'auront pas de peine à prouver que Nicostrate n'a pas fait de testament. En disant au contraire que le père n'est pas le même, et en revendiquant néanmoins la succession, ils savent parfaitement que la question de savoir si Nicostrate était fils de Thrasymaque sera plus longue à discuter pour mes amis que celle de savoir si Nicostrate a fait un testament. 6. De plus, s'ils reconnaissaient que Nicostrate est fils de Thrasymaque, ils ne pourraient pas prouver contre mes amis que ceux- ci ne sont pas ses cousins, tandis qu'en attribuant mensongèrement un autre père au défunt ils introduisent dans l'affaire une discussion non seulement sur un testament, mais encore sur une question d'étal civil.

7. Si par là déjà vous pouvez reconnaître qu'il y a d'autres personnes qui sont les instigateurs de toutes res attaques contre mes amis, vous ne le voyez pa< moins dans tout ce qui s'est passé au début. Qui ne s'est pas fait raser la tête lorsqu'on a annoncé l'ouverture d'une succession de deux talents? Qui n'a pas porté un vêtement noir, comme si en prenant le deuil on 71 s'assurait la succession. Combien de parents et de fils adoplifs n'ont-ils pas élevé des prétentions sur les biens de Nicostrate. 8. Démoslhène se disait le fils du frère de celui-ci, mais mes amis ont prouvé le contraire et il s'est désisté. Télèphe a soutenu que Nicostrate lui avait légué tous ses biens, mais lui aussi n'a pas tardé à se retirer. Aminiade présenta à l'archonte un enfant qu'il disait être fils de Nicostrate, et qui n'avait pas trois ans, alors que Nicostrate n'avait pas paru à Athènes depuis onze ans. 9. Pyrrhos de Lamptrœ a dit que Nicostrate avait consacré tous ses biens à Athéna et les lui avait ensuite légués à lui-même. Ctésias de Bésa et Cranaos soutinrent d'abord qu'ils avaient obtenu contre Nicostrate un jugement portant condamnation à un talent ; n'ayant pu faire la preuve du fait, ils prétendirent que Nicostrate était leur affranchi, mais eux aussi ne purent prouver leurs dires. 10. Voilà ceux qui dans les premiers moments se sont jetés sur la fortune de Nicostrate. Quant à Chariadès il n'a soulevé, alors aucune contestation. C'est plus tard qu'il s'est présenté, en son nom d'abord, puis comme voulant lui créer pour fils adoptif l'enfant d'une courtisane. Il espérait par là de deux choses l'une, ou bien devenir lui-même héritier ou bien faire de cet enfant un citoyen, mais il s'aperçut, lui aussi, qu'il succomberait sur la question d'état civil, aussi il abandonna la contestation soulevée au nom. de l'enfant, et forma une demande pour lui-même comme légataire.

[11] Ἐχρῆν μὲν οὖν, ὦ ἄνδρες, ὅστις κατὰ δόσιν χρημάτων ἀμφισβητῶν ἡττηθείη, μὴ κατὰ τὸ τέλος ζημιοῦσθαι, ἀλλ' ἐφ' ὅσα περ ληψόμενος ᾖει, τοσαῦτα τῇ πόλει ἀποτίνειν· οὕτω γὰρ οὔθ' οἱ νόμοι κατεφρονοῦντο οὔτε τὰ γένη ὑβρίζετο, πρὸ δὲ τούτων οὐδ' ἂν τῶν τεθνεώτων οὐδεὶς κατεψεύδετο. Ἐπειδὴ δὲ ἅπασι καὶ τῶν ἀλλοτρίων ἁπάντων, καθ' ὅ τι ἄν τις βούληται, ἀμφισβητεῖν ἔξεστιν, ὑμᾶς χρὴ περὶ αὐτῶν ὡς οἷόν τ' ἀκριβέστατα ἐξετάζειν καὶ μηδὲν εἰς ὅσον δύνασθε παραλείπειν. [12] Ἐν μόναις δὲ ταῖς τῶν κλήρων εἰσαγωγαῖς δοκεῖ μοι προσήκειν τεκμηρίοις μᾶλλον ἢ μάρτυσι πιστεύειν. Περὶ μὲν γὰρ τῶν ἄλλων συμβολαίων οὐ πάνυ χαλεπὸν τοὺς τὰ ψευδῆ μαρτυροῦντας ἐλέγχειν· ζῶντος γὰρ καὶ παρόντος τοῦ πράξαντος καταμαρτυροῦσι· περὶ δὲ τῶν διαθηκῶν πῶς ἄν τις γνοίη τοὺς μὴ τἀληθῆ λέγοντας, εἰ μὴ πάνυ μεγάλα τὰ διαφέροντα εἴη, αὐτοῦ μὲν καθ' οὗ μαρτυροῦσι τεθνεῶτος, τῶν δὲ συγγενῶν μηδὲν τῶν πεπραγμένων εἰδότων, τοῦ δὲ ἐλέγχου μηδαμῶς ἀκριβοῦς γιγνομένου; [13] Ἔτι δέ, ὦ ἄνδρες, καὶ τῶν διατιθεμένων οἱ πολλοὶ οὐδὲ λέγουσι τοῖς παραγιγνομένοις ὅ τι διατίθενται, ἀλλ' αὐτοῦ μόνου, τοῦ καταλιπεῖν διαθήκας, μάρτυρας παρίστανται, τοῦ δὲ συμβαίνοντός ἐστι καὶ γραμματεῖον ἀλλαγῆναι καὶ τἀναντία ταῖς τοῦ τεθνεῶτος διαθήκαις μεταγραφῆναι· οὐδὲν γὰρ μᾶλλον οἱ μάρτυρες εἴσονται, εἰ ἐφ' αἷς ἐκλήθησαν διαθήκαις, αὗται ἀποφαίνονται. [14] Ὁπότε δὲ καὶ τοὺς ὁμολογουμένως παραγενομένους οἷόν τ' ἐστὶν ἐξαπατῆσαι, πῶς οὐκ ἂν ὑμᾶς γε τοὺς μηδὲν τοῦ πράγματος εἰδότας πολὺ μᾶλλον ἑτοιμότερόν τις παρακρούσασθαι ἐγχειρήσειεν ;

Ἀλλὰ μὴν καὶ ὁ νόμος, ὦ ἄνδρες, οὐκ ἐάν τις διαθῆται μόνον, κυρίας εἶναι κελεύει τὰς διαθήκας, ἀλλὰ ἐὰν εὖ φρονῶν. Σκεπτέον δὴ ὑμῖν πρῶτον μὲν εἰ ἐποιήσατο τὰς διαθήκας, ἔπειτα εἰ μὴ παρανοῶν διέθετο. [15] Ἀντιλεγόντων δ' ἡμῶν μηδὲ τὸ παράπαν γενέσθαι τὰς διαθήκας, ἐκ τίνος ἂν τρόπου, εἴ τις παρανοῶν διέθετο, γνοίητε, πρὶν περὶ αὐτοῦ τοῦ διαθέσθαι πιστεῦσαι; Τοὺς μὲν οὖν κατὰ τὴν δόσιν ἀμφισβητοῦντας ὁρᾶτε ὅσον ἔργον ἐστὶν αἰσθέσθαι εἰ ἀληθῆ λέγουσι, τοὺς δὲ κατὰ τὸ γένος πρῶτον μὲν οὐδὲν δεῖ μάρτυρας παρασχέσθαι ὡς αὑτῶν ἐστιν ὁ κλῆρος ςπαρὰ πάντων γὰρ ὡμολόγηται τοῖς ἐγγυτάτω γένους τὰ τοῦ τελευτήσαντος γίγνεσθαἰ, [16] ἔπειτα οἱ νόμοι οὐ μόνον οἱ περὶ τῶν γενῶν ἀλλὰ καὶ οἱ περὶ τῶν δόσεων τοῖς συγγενέσι βοηθοῦσι. Δοῦναι μὲν γὰρ ὁ νόμος οὐδενὶ ἐᾷ τὰ ἑαυτοῦ, ἐὰν ὑπὸ γήρως ἢ ὑπὸ νόσου ἢ ὑπὸ τῶν ἄλλων ἃ καὶ ὑμεῖς ἴστε παρανοήσῃ· κατὰ δὲ τὸ γένος καὶ τὰ τοῦ ὁπωσοῦν διακειμένου ὁ ἐγγύτατα γένους ἀναμφισβητήτως λαμβάνει. [17] Χωρὶς δὲ τούτων ταῖς μὲν διαθήκαις διὰ μαρτύρων ὑμᾶς δεῖ πιστεῦσαι, ὑφ' ὧν ἔνι καὶ ἐξαπατηθῆναι ιοὐ γὰρ ἂν ἦσαν ψευδομαρτυρίων ἐπισκήψεισσ, τῇ δ' ἀγχιστείᾳ δι' ὑμῶν αὐτῶν· κατὰ γὰρ τοὺς νόμους οἱ συγγενεῖς ἀμφισβητοῦσιν, οὓς ὑμεῖς ἔθεσθε. [18] Πρὸς δὲ τούτοις, ὦ ἄνδρες, εἰ μὲν οἱ κατὰ τὰς διαθήκας ἀμφισβητοῦντες ὁμολογουμένως Νικοστράτῳ ἐπιτήδειοι ὄντες ἐτύγχανον, τὸ μὲν ἀκριβὲς οὐδ' ἂν οὕτως, ὅμως μέντοι μᾶλλον εἰκὸς ἦν ἀληθεῖς εἶναι δόξειν τὰς διαθήκας· ἤδη γάρ τινες οὐκ εὖ διακείμενοι τοῖς συγγενέσιν ὀθνείους φίλους τῶν πάνυ σφόδρα προσηκόντων περὶ πλείονος ἐποιήσαντο· νῦν δὲ οὔτε συσσίτους οὔτε φίλους οὔτ' ἐν τάξει τῇ αὐτῇ ... Τούτων δ' ὑμῖν μάρτυρας ἁπάντων παρεσχήμεθα. [19] Ὃ δὲ μέγιστον, καὶ μάλιστα τῆς Χαριάδου ἀναιδείας καταμαρτυρεῖ, τοῦτο σκέψασθε. Ὅπου γὰρ τὸν αὑτὸν ποιησάμενον οὔτ' ἀποθανόντα ἀνείλετο οὔτ' ἔκαυσεν οὔτε ὠστολόγησεν, ἀλλὰ πάντα τοῖς μηδὲν προσήκουσι παρῆκε ποιῆσαι, πῶς οὐκ ἂν ἀνοσιώτατος εἴη, ὃς τῷ τεθνεῶτι μηδὲν τῶν νομιζομένων ποιήσας τῶν χρημάτων αὐτοῦ κληρονομεῖν ἀξιοῖ; [20] Ἀλλὰ νὴ Δία ἐπειδὴ τούτων οὐδὲν ἐποίησε, τὴν οὐσίαν τοῦ Νικοστράτου διεχείρισεν; Ἀλλὰ καὶ ταῦτα μεμαρτύρηται ὑμῖν, καὶ τὰ πλεῖστα οὐδ' αὐτὸς ἀρνεῖται. Προφάσεις δὲ οἴομαι ἀναγκαίας ἐφ' ἑκάστας τῶν πράξεων εὑρῆσθαι· τί γὰρ ὑπολείπεται τῷ διαρρήδην ὁμολογοῦντι;

 

 11. En vérité, juges, quand on revendique une succession comme légataire et qu'on perd son procès, il faudrait que le taux de l'amende à payer ne fût pas limité. On devrait payer à l'État une somme égale à celle qu'on est venu réclamer. De la sorte les lois ne 72 seraient pas méprisées, les droits de la parenté ne seraient pas foulés aux pieds; surtout la mémoire des défunts ne serait jamais calomniée. Puisqu'il en est autrement, puisqu'il est permis à tous de revendiquer tout ce qui appartient à autrui, ainsi qu'ils le jugent à propos, c'est vous qui devez examiner ces choses avec toute l'exactitude dont vous êtes capables et ne rien négliger s'il est possible. 12. Or, dans les actions relatives aux successions il y a cela de particulier. à mon sens, qu'il convient d'ajouter foi aux indices plus qu'aux témoins. En effet, dans les autres affaires, il n'est pas très difficile de convaincre les faux témoins, puisque celui contre qui ils déposent, celui qui a fait l'acte est là vivant et présent. Mais quand il s'agit d'un testament, comment connaître ceux qui ne disent pas la vérité, à moins que l'intérêt ne soit très grand, quand celui contre qui les témoins déposent est mort, que les parents ne savent rien de ce qui s'est passé et que la preuve contraire ne peut être faite exactement? 13. Il y a plus, juges; en général, quand on fait son testament on ne dit pas aux personnes présentes quelles en sont les dispositions. On ne fait venir des témoins que pour constater un fait unique, à savoir qu'on laisse un testament. Un hasard peut faire qu'il y ait substitution d'un écrit à un autre, ou que des dispositions nouvelles soient introduites après coup, en contradiction avec celles qu'avait prises le défunt. Les témoins, en effet, ne savent pas mieux que d'autres si le testament produit est bien celui pour lequel ils ont été appelés. 14. Or, s'il est possible de tromper ceux qui ont, de l'aveu de tous, assisté à l'acte, comment n'essaierait-on pas, chose bien plus aisée, de vous faire tomber dans un piège, vous qui ne savez rien de l'affaire?

73 Voyez encore ceci, juges. La loi ne dit pas que quand un homme aura testé, cela suffira pour que son testament soit valable. Elle exige qu'il ait testé étant sain l'esprit. Vous avez donc à examiner d'abord s'il a réellement fait le testament, et ensuite s'il n'était pas lors de son bon sens lorsqu'il a testé. 15. Quand donc nous venons dire qu'il n'y a pas eu de testament du tout, comment vous y prendrez-vous pour savoir si le testateur était hors de son bon sens avant d'avoir admis l'existence d'un testament? Vous voyez par là combien il importe de vérifier si ceux qui revendiquent comme légataires disent bien la vérité. Tout autre est la condition de ceux qui réclament comme héritiers du sang. D'abord ils n'ont pas besoin de produire des témoins pour prouver que la succession leur appartient. En effet, tout le monde reconnaît que les biens du défunt appartiennent aux plus proches parents. 16. Ensuite les lois viennent toujours en aide aux héritiers du sang, celles qui régissent les dons et legs comme celles qui constituent la famille. En effet, la loi ne permet pas qu'on donne son bien si on a l'esprit troublé par l'âge ou la maladie ou par une des autres causes que vous connaissez. Au contraire lorsqu'il s'agit d'une succession ab intestat, le plus proche parent la recueille sans difficulté, quel qu'ait été l'état d'esprit du défunt. 17. En outre c'est sur la foi des témoins que vous croyez à l'existence d'un testament; or, il peut se faire que les témoins vous trompent, autrement il n'y aurait jamais de poursuites pour faux témoignage, tandis que sur le fait de la proximité vous n'en croyez que vous-mêmes, car les héritiers du sang suivent dans leurs revendications les lois que vous-mêmes avez faites. 18. Ce n'est pas tout encore, juges. Si ceux qui revendiquent en invoquant le testament étaient reconnus avoir été dans 74 l'intimité de Nicostrate, ce ne serait pas là sans doute une preuve, mais pourtant ce serait une présomption en faveur de la sincérité du testament. En effet, on a vu plus d'une fois des gens mal disposés à l'égard de leurs familles, préférer des amis étrangers à des parents qui les touchaient de très près. Aujourd'hui il ne s'agit ni de commensaux, ni d'amis, ni de compagnons d'armes. Sur tous ces points nous vous avons produit des témoins. 19. Mais voici ce qu'il y a de plus fort, et qui met dans tout son jour l'impudence de Chariadès. Considérez ceci. Quand il n'a ni pris part au convoi funèbre, ni allumé le bûcher, ni recueilli les cendres de celui qui était son père adoptif, quand il a laissé faire toutes ces choses par des gens qui ne tenaient même pas au défunt, comment ne pas reconnaître qu'il oublié tous ses devoirs, lui qui, sans avoir accompli l'honneur du défunt aucune des cérémonies d'usage, prétend recueillir sa succession? 20. Eh bien, par Zeus! Chariadès n'a rien fait de tout cela et n'en a pas moins mis la main sur la fortune de Nicostrate. Tout cela, les témoins vous l'ont déclaré, et lui-même ne s'en défend pas, au moins pour la plus grande part. Il a seulement trouvé des prétextes pour justifier toute sa conduite. Il en avait besoin, ce me semble, car reste-t-il une autre ressource à celui qui avoue expressément?

[21] Σαφῶς μὲν οὖν ἴστε, ὦ ἄνδρες, ὅτι οὗτοι οὐ δικαίως τῶν Νικοστράτου ἐφίενται, ἀλλὰ βούλονται μὲν ὑμᾶς ἐξαπατῆσαι, τουτουσὶ δὲ συγγενεῖς ὄντας ἐκείνου, ἃ οἱ νόμοι ἔδοσαν αὐτοῖς, ἀποστερῆσαι. Οὐ μόνος δὲ Χαριάδης τοῦτο πεποίηκεν, ἀλλὰ καὶ ἄλλοι πολλοὶ ἤδη τῶν ἐν τῇ ὑπερορίᾳ ἀποθνῃσκόντων οὐδὲ γιγνώσκοντες ἐνίους τῆς οὐσίας ἠμφισβήτησαν· [22] Ἐνθυμοῦνται γὰρ ὅτι κατορθώσασι μὲν ἔσται τὰ ἀλλότρια ἔχειν, διαμαρτοῦσι δὲ μικρὸς ὁ κίνδυνος· μαρτυρεῖν δὲ καὶ τὰ ψευδῆ τινες ἐθέλουσιν, οἱ δ' ἔλεγχοι περὶ ἀφανῶν. Συνελόντι πολὺ τὸ διαφέρον κατὰ γένος ἢ κατὰ δόσιν ἀμφισβητεῖν. Ἀλλ' ὑμᾶς χρή, ὦ ἄνδρες, πρῶτον μὲν τὰς διαθήκας σκοπεῖν, εἰ δοκοῦσι γενέσθαι· τοῦτο γὰρ οἵ τε νόμοι ὑφ ηγοῦνται καὶ δικαιότατόν ἐστι. [23] Μὴ σαφῶς δὲ μήτ' αὐτοὺς τὴν ἀλήθειαν εἰδότας, μήτε τῶν μαρτύρων τοῦ τελευτήσαντος ἐπιτηδείων ὄντων, ἀλλὰ Χαριάδου τοῦ τἀλλότρια βουλομένου λαβεῖν, τί ἂν εἴη δικαιότερον ἢ τοῖς συγγενέσι τὰ τοῦ συγγενοῦς ψηφίζεσθαι; Καὶ γὰρ εἴ τι οἵδε ἔπαθον, οὐδενὶ ἂν ἄλλῳ ἢ Νικοστράτῳ τὰ τούτων ἐγένετο · κατὰ γὰρ τὸ αὐτὸ γένος ἂν ἠμφισβήτει, ἀνεψιὸς ὢν αὐτοῖς ἐκ πατραδέλφων. [24] Μὰ Δί' ἀλλ' οὐκ ἔστιν ὁ Ἅγνων οὐδ' ὁ Ἁγνόθεος τοῦ Νικοστράτου συγγενής, ὡς οἱ ἀντίδικοί φασιν, ἀλλ' ἕτεροι. Ἔπειτα τῷ μὲν κατὰ τὴν δόσιν τοῦ κλήρου λαχόντι μαρτυροῦσιν, αὐτοὶ δὲ κατὰ τὸ γένος οὐκ ἀμφισβητήσουσιν; Οὐ γὰρ εἰς τοῦτό γε ἀνοίας ἥκουσιν ὥστε πιστεύσαντες ταῖς διαθήκαις οὕτω ῥᾳδίως τοσούτων χρημάτων ἀφίστανται. Ἀλλὰ μὴν καὶ ἐξ ὧν αὐτοὶ οὗτοι λέγουσι, τούσδε τοῖς συγγενέσιν αὐτοῖς ἐπιδικάσασθαι συμφέρει τῶν Νικοστράτου μᾶλλον ἢ Χαριάδην. [25] Εἰς γὰρ τὸν λοιπὸν χρόνον, εἰ μὲν οἵδε κατὰ τὸ γένος ἀμφισβητοῦντες λήψονται τὸν κλῆρον, ἐξέσται καὶ τούτοις, ὁπόταν βούλωνται, κατὰ τὸ γένος λαχοῦσιν ἐπιδεῖξαι ὑμῖν ὡς αὐτοὶ ἐγγυτέρω ἦσαν τοῦ Νικοστράτου, καὶ ὡς Σμίκρου ἦν καὶ οὐ Θρασυμάχου· ἐὰν δὲ Χαριάδης αὐτῶν κληρονομήσῃ, οὐκ ἔσται οὐδενὶ συγγενεῖ ἐπὶ τὰ Νικοστράτου ἐλθεῖν. Κατὰ δόσιν γὰρ ἔχοντος τοῦ ἐπιδεδικασμένου, τί φανοῦνται λέγοντες οἱ κατὰ τὸ γένος λαγχάνοντες; [26] Ὅπερ ἂν οὖν καὶ ὑμῶν ἕκαστος ἀξιώσειε, τοῦτο καὶ τουτοισὶ τοῖς νεανίσκοις βεβαιώσατε. Παρέσχοντο δ' ὑμῖν μάρτυρας πρῶτον μὲν ὡς ἀνεψιοί εἰσιν ἐκ πατραδέλφων Νικοστράτου, ἔπειτα δὲ ὡς οὐδεπώποτε ἐκείνῳ διάφοροι ἦσαν, ἔτι δὲ καὶ ὡς ἔθαψαν Νικόστρατον, πρὸς δὲ τούτοις ὡς Χαριάδης οὑτοσὶ οὐδαμῶς οὔτ' ἐνθάδε οὔτ' ἐπὶ στρατεύματι ἐχρῆτο Νικοστράτῳ, ἔτι δὲ καὶ τὴν κοινωνίαν, ᾗ μάλισθ' οὗτος ἰσχυρίζεται, ψευδῆ οὖσαν. [27] Καὶ ἄνευ τούτων, ὦ ἄνδρες, ἄξιον ὑμῖν ἐξετάσαι ἑκατέρους αὐτῶν οἷοί εἰσι. Θράσιππος μὲν γὰρ ὁ Ἅγνωνος καὶ Ἁγνοθέου πατὴρ ἤδη τι καὶ ἐλῃτούργησεν ὑμῖν καὶ εἰσήνεγκε, καὶ ἄλλως σπουδαῖος ἦν πολίτης· αὐτοὶ δὲ οὗτοι οὔτε ἀποδεδημήκασιν οὐδαμοῖ πώποτε, ὅποι ἂν μὴ ὑμεῖς προστάξητε, οὔτ' ἐνθάδε μένοντες ἄχρηστοί εἰσι τῇ πόλει, ἀλλὰ καὶ στρατεύονται καὶ εἰσφέρουσι καὶ τἆλλα πάντα ποιοῦσι τὰ προσταττόμενα καὶ αὑτούς ςὡς πάντες ἴσασἰ κοσμίους παρέχουσιν, [28] ὥστε πολὺ μᾶλλον τούτους προσήκει κατὰ δόσιν τῶν χρημάτων τῶν Νικοστράτου ἢ Χαριάδην ἀμφισβητεῖν. Οὗτος γάρ, ὅτ' ἐπεδήμει ἐνθάδε, πρῶτον μὲν εἰς τὸ δεσμωτήριον ὡς κλέπτης ὢν ἐπ' αὐτοφώρῳ ἀπήχθη, τότε δὲ ἀφεθεὶς μεθ' ἑτέρων τινῶν ὑπὸ τῶν ἕνδεκα, οὓς δημοσίᾳ ἅπαντας ὑμεῖς ἀπεκτείνατε, πάλιν ἀπογραφεὶς εἰς τὴν βουλὴν κακουργῶν, ὑποχωρῶν ᾤχετο καὶ οὐχ ὑπήκουσεν, [29] ἀλλ' ἀπ' ἐκείνου ἑπτακαίδεκα ἐτῶν Ἀθήναζε οὐκ ἀφίκετο, πλὴν ἐπειδὴ Νικόστρατος ἀπέθανε. Καὶ ὑπὲρ μὲν ὑμῶν οὔτε στρατείαν οὐδεμίαν ἐστράτευται οὔτε εἰσφορὰν οὐδεμίαν εἰσενήνοχε, πλὴν εἴ τι ἄρα ἐξ ὅτου τῶν Νικοστράτου ἠμφισβήτησεν, οὔτ' ἄλλ' οὐδὲν ὑμῖν λελῃτούργηκεν. Ἔπειτα τοιοῦτος ὢν οὐκ ἀγαπᾷ εἰ μὴ τῶν ἡμαρτημένων δίκην δώσει, ἀλλὰ καὶ τῶν ἀλλοτρίων ἀμφισβητεῖ. [30] Εἰ μὲν οὖν οἵδε φιλοπράγμονες ἢ ἄλλοις ὅμοιοι πολίταις ἦσαν, ἴσως ἂν οὐ περὶ τῶν Νικοστράτου χρημάτων ἠμφισβήτει, ἀλλ' ὑπὲρ τοῦ σώματος ἠγωνίζετο· νῦν δ', ὦ ἄνδρες δικασταί, τοῦτον μὲν ἄλλος, ἐάν τις βούληται, τιμωρήσεται, [31] τουτοισὶ δ' ὑμεῖς βοηθήσατε, καὶ μὴ περὶ πλείονος ποιήσησθε τοὺς ἀδίκως τἀλλότρια ἔχειν βουλομένους ἢ τοὺς γένει τῷ τεθνεῶτι προσήκοντας καὶ χωρὶς τούτων ἤδη τι ἐκεῖνον εὐεργετηκότας, ἀλλὰ καὶ τῶν νόμων ἀναμνησθέντες καὶ τῶν ὅρκων οὓς ὠμόσατε, πρὸς δὲ τούτοις καὶ τῶν μαρτυριῶν ἃς ἡμεῖς παρεσχήμεθα, τὰ δίκαια ψηφίσασθε.

 

 21. Vous savez parfaitement, juges, que ces hommes convoitent sans droit l'héritage de Nicostrate, qu'ils veulent vous tromper et enlever à mes amis, qui sont les parents de Nicostrate, ce que les lois leur ont donné. Chariadès n'est pas le seul qui ait fait cela; bien d'autres avant lui ont revendiqué les successions de personnes mortes en pays étranger, et que parfois ils ne connaissaient même pas. 22. Ils font ce raisonnement que s'ils réussissent ils profiteront du bien d'au- 75 trui, que s'ils échouent, après tout il n'y a pas grand danger à courir. On trouve des gens disposés à faire de faux témoignages, et comment les convaincre de mensonge quand les faits ne sont pas apparents? En résumé la revendication est bien différente suivant qu'elle a pour objet une succession ab intestat ou une succession testamentaire. Votre premier devoir, juges, est d'examiner s'il y a un testament, caries lois le veulent ainsi et la justice l'exige. 23. Je suppose qu'il y ait doute et que vous ne sachiez pas la vérité par vous-mêmes, alors que les témoins sont intimement liés non avec le défunt mais avec Chariadès, qui veut s'approprier le bien d'autrui, qu'y a-t-il en ce cas de plus juste que d'adjuger par votre vote à des parents le bien de leur parent? Car enfin s'il était arrivé malheur à mes amis, leurs biens ne seraient allés à nul autre que Xicostrate qui les aurait réclamés au même titre étant leur cousin, leurs pères à eux et à lui étant frères de père. 24. Mais, s'écrient nos adversaires, ni Hagnon ni Hagnothêe ne sont parents de Nicostrate. Les parents sont autres. Comment se fait-il alors que ces autres parents donnent leur témoignage à celui qui réclame la succession comme légataire, et qu'ils ne réclament pas eux-mêmes comme héritiers du sang? Certes ils ne sont pas assez insensés pour croire au testament, et renoncer si facilement à une si grande fortune. Au contraire il apparaît par ce qu'ils disent eux-mêmes que l'intérêt des parents est de voir la succession de Nicostrate adjugée à mes amis et non à Chariadès. 25. En effet, si mes amis recueillent la succession réclamée par eux ab intestat, ces autres parents aussi pourront un jour, quand ils voudront, former une demande comme héritiers ab intestat, en vous prouvant qu'ils sont plus proches en degré à l'égard de Nicostrate, et que Nicostrate 76 était fils de Smicros et non de Thrasymaque. Mais si c'est Chariadès qui hérite, il ne sera plus permis à aucun parent de prétendre à la succession de Nicostrate; en effet, du moment où elle aura été adjugée en vertu d'un testament, comment pourra-t-elle être sérieusement réclamée par des gens qui se prétendent héritiers ah intestat? 26. Assurez donc à ces jeunes gens ce que chacun de vous réclamerait pour lui-même. Ils vous ont produit des témoins qui déclarent en premier lieu qu'ils sont cousins de Nicostrate, leurs pères étant frères de père, en second lieu qu'ils n'ont jamais eu de différend avec Nicostrate; en outre, qu'ils ont rendu à Xicostrate les derniers devoirs, que d'ailleurs Chariadès que voici n'a jamais été le familier de Nicostrate, ni ici ni à l'armée, qu'enfin la société, qu'il fait valoir comme son principal argument, est un mensonge. 27. Mais laissons tout cela, juges. ll convient d'examiner encore l'une et l'autre partie, et de voir qui vous avez devant vous. Thrasippe, le père d'Hagnoti et d'Hagnothée, vous avait déjà fourni des liturgies et des contributions, et s'était d'ailleurs montré citoyen dévoué. Pour eux, ils ne se sont jamais, en aucun temps, absentés d'Athènes, si ce n'est par votre ordre ; et restant ici ils ne sont pas inutiles pour cette ville. Service militaire, contributions, ils s'acquittent de tout ce qui leur est commandé, leur conduite est, comme chacun sait, irréprochable. 28. A ce point ils seraient bien mieux qualifiés que Chariadès, pour réclamer les biens de Nicostrate en vertu d'un testament. En effet Chariadès, lorsqu'il vivait ici, a commencé par se faire mener en prison, comme pris en flagrant délit de vol; mis en liberté avec quelques autres, par les Onze, ceux-là mêmes que vous avez tous mis à mort par un décret du peuple, dénoncé ensuite au Sénat comme malfai- 77 teur, il a pris la fuite au lieu d'obéir à la citation. 29. Il est resté depuis lors dix-sept ans sans revenir à Athènes, jusqu'à la mort de Nicostrate. Il ne vous a jamais servis ni en prenant part à une expédition, ni en fournissant une contribution quelconque, à l'exception de ce qu'il a pu verser depuis qu'il a réclamé les biens de Nicostrate ; il n'a supporté non plus aucune liturgie. Après cela, étant ce qu'il est, c'est peu pour lui de ne pas porter la peine de ses méfaits, il réclame encore le bien d'autrui. 30. Si mes amis étaient ardents à la lutte et ressemblaient à d'autres citoyens, Chariadès aurait peut-être à plaider non sur les biens de Nicostrate, mais pour défendre sa tête. Mais non, juges. Un autre le frappera s'il veut. Soyez seulement en aide à mes amis. 31. Ne préférez pas des gens qui veulent s'approprier le bien d'autrui à ceux qui tiennent au défunt par le sang et qui d'ailleurs ont déjà fait quelque chose pour lui. Rappelez-vous les lois, les serments que vous avez prêtés, et aussi les témoignages que nous avons produits devant vous. Votez selon la justice.

 

78 NOTES

§ 4. Il s'agit ici de la  παρακαταβολή, c'est-à-dire d'une consignation préliminaire à toute réclamation de succession. La somme à consigner est égale au dixième de la succession réclamée. Meier et Schœmann, 2e éd., p. 608.

La proclamation faite par le héraut portait : εἴ τις ἀμφισβητεῖν ἢ παρακαταβάλλειν βούλεται τοῦ κλήρου ἢ κατὰ γένος ἢ κατὰ διαθήκας. S'agit-il de deux actions distinctes, ou bien la παρακαταβολή, n'est-elle qu'une formalité préliminaire de l'ἀμφισβήτησις Nous croyons avec Meier et Schœmann et avec Beaudiet, t. 3, p. 608, que la seconde explication est la seule qui puisse se concilier avec les textes. Dans l'affaire actuelle Isée dit formellement que Chariadès et consorts ἀμφισβητοῦσι (§ 3), et quelques lignes plus loin il ajoute que Chariadès a fait la consignation, παρακατέβαλεν. V. encore § 10.

§ 7. Les mss. donnent ἐπειδὴ τὼ δύο πτλάντω ἑξάκις ἤλθετον, ce qui ne fournit aucun sens raisonnable. Valckenaer a proposé de lire ἐξ Ἄκης. Acé était une ville de Phënicie (Harpocration v° Ἄκη). Schœinann objecte qu'il n'est guère vraisemblable que Nicostrate partant pour la guerre ait emporté avec lui toute sa fortune, ni qu'elle n'ait été rapportée à Athènes après sa mort. Il propose de lire ἐξέκεισθον, étaient affichés. Quoi qu'il en soit de cette conjecture, le sens qu'elle donne est le seul satisfaisant.

§ 9. Lamptrae un des dèmes de l'Attique.

Pyrrhos de Lamptra: s'efforce de mettre sa prétention sous le couvert d'un legs universel fait par Nicostrate à la déesse Athéna. Il prétend sans doute que ce legs a été fait à la charge d'un fidéi-commis fait en sa faveur.

Bésa était aussi un dème de l'Attique.

Ctésias et Cranaos se prétendent créanciers de la succession. puis ils réclament la succession non à titre de parents, mais à titre de patrons. Ce texte est important car il établit positivement les droits du patron sur la succession de l'affranchi.

§ 10. Τοῦτο δ' ἦν αὐτῷ, etc. Ici encore le texte est corrompu, mais le sens est suffisamment clair.

§ 11. Κατὰ τὸ τέλος ζημιοῦσθαι ; être puni d'une amende qui 79 limite dont le chiffre ne peut être dépassé. La même locution se retrouve dans la loi citée par Démosthène, contre Macartatos, § 75 : ὁ ἄρχων... κύριος ἔστω ἐπιβάλλειν κζτὰ τὸ τέλος.

§ 26. Chariadès prétend avoir été l'associé de Nicostrate. C'est un moyen de rendre vraisemblable le testament fait en sa faveur. Ce peut être aussi un moyen de traîner en longueur et de lasser les adversaires. En effet, si Nicostrate était engagé dans une société, il faut liquider cette société avant de liquider la succession.

§ 28. Le voleur pouvait être poursuivi par la δίκη κλοπῆς, mais en cas de flagrant délit il pouvait être traîné en prison (ἀπαγωγή) et condamné par les Onze, sans autre forme de procès.

Ἀποφραφεὶς εἰς τὴν βουλήν. Chariadès a été ensuite traduit devant I Aréopage par la procédure appelée àirofpaçii, qui est une sorte de mandat d'amener, ou de comparution.

Quant aux Onze dont il est parlé ici, s'agissait-il de la commission instituée sous les trente tyrans? On peut le conjecturer.

§ 31. Hagnon et Hagnolhée ont fait quelque chose pour Xicos- trate en lui rendant les derniers devoirs, que Chariadès et consorts nf lui ont pas rendus. V. § 19.