ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME QUATRIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX
FRAGMENTS DES POESIES DE M. ET Q. CICÊRON.
§ I. FRAGMENTS DES PHÉNOMÈNES D'ARATUS TRADUITS PAR M. CICERON.
Oeuvre numérisée et mise en page par Patrick Hoffman
Notes des fragments des ouvrages en prose - notes sur les phénomènes d'Aratus
ŒUVRES
COMPLÈTES
DE CICÉRON,
AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,
PUBLIÉES
SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD,
DE L'ACADÉMIE
INSPECTEUR GÉNÉRAL DE
L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
TOME QUATRIEME
PARIS,
CHEZ FIRMIN DIDOT FRERES, FILS ET Cie, LIBRAIRES,
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE
RUE JACOB, .
M DCCC LXIV
631 FRAGMENTS DES POESIES
DE M. ET Q. CICÊRON.
§ I.
FRAGMENTS DES PHÉNOMÈNES D'ARATUS
TRADUITS PAR M. CICERON.
ARGUMENT.
Nous savons par Cicéron lui-même qu'il éTait fort jeune quand il travailla sur Aratus (de Nat. Deor. 11,41). Sa traduction des Pronostics paraît avoir suivi celle des Phénomènes. Il reste à peine quelques vers des Pronostics. Le poème des Phénomènes, conservé en partie, a été complété par Grotius, d'après le texte grec. Mais ce complément, quoique très-estimable, nous a paru mieux placé dans les œuvres de Grotius que dans celles de Cicéron.
Outre cette traduction d'Aratus, Cicéron en fit d'autres de plusieurs passages d'Homère, comme il le dit lui-même (de Divin, ii, 29; de Finib. v, 8), et comme nous en voyons des traces dans ses œuvres. Il composa de plus les Alcyons, poëme que Jules Capitolin cite avec deux autres, Uxorius et Nilus, comme étant de Cicéron; Limon, mot grec qui signifie prairie, et que madame Dacier, dans sa traduction de la Vie de Térence, croit être une suite d'éloges d'hommes illustres; Marius, qui fut un de ses premiers ouvrages, et qu'il écrivit, sans doute, l'imagination encore émue des victoires et des violences de ce grand homme; De suo consulatu, poème qui ne nous est guère connu que par les citations qu'il en fait, et qui était composé de trois livres, dont chacun portait le nom d'une Muse; De temporibus suis, ouvrage qui paraît être de 696, et que l'auteur envoie à César, au mois d'août 699 (Ep. ad. Q. ii, 16), et, au mois de septembre, à P. Lentulus; Elegia Tamelaslis, dont on ignore entièrement le sujet, dont le nom même est suspect, et que Nobbe conjecture avoir été composé lors du départ de Sylla pour la guerre contre les Parthes; Libellas Jocularis, qu'on connaît seulement par la mention qu'en a faite Fabius; Pontius Glaucus, dont Plutarque parle seul dans la Vie de Cicéron, ch 2; enfin une épigramme contre Tiron, citée par Pline le jeune, vii, 4.
Les fragments les plus importants de tous ces poèmes sont cités par Cicéron lui-même dans ses œuvres, ainsi qu'un grand nombre de passages de sa traduction des Phénomènes et des Pronostics. On les trouvera: de Leg. i,1; ii, 3; de Nat. Deor. ii, 41, 42, 43, 63; de Orat. 45; de Divin. I, 1, 7, 9, 11, 13, 47; ad Att. ii, 3; de Offic. i, 22. Les autres moins considérables, et de quelques vers a peine, sont cités par Lactance, v, 6; Priscien vi, p. 685; vii, p. 677, 769; x, p. 882, xvi, p. 1034; saint Augustin, de Civ. Dei., v, 8; Nonius, i, 330; iii, 85; Donatus, ou Suetonius, in vita Terentii; Quintilien, ix, 4; xi, 1, qui cite le fameux vers: O fortunatam natam me consule Romam, viii, 6; et Isidorus, xix, 1.
Nous avons laissé ces différentes citations aux ouvrages ou endroits des ouvrages auxquels ils appartiennent, et où ils offrent un sens complet, nous bornant à donner la traduction de ce qu'on peut appeler le texte suivi des Phénomènes, tel qu'Alde Manuce l'a publié le premier. Nous y joignons le fragment d'un poème sur les xii Signes, et deux épigrammes, attribués à Quintus Cicéron. Puisque l'on comprend dans les œuvres de son illustre frère son traité Sur la demande du consulat, il ne nous a pas paru qu'il y eût de motif de n'y pas comprendre aussi ses poésies.
....
E quibus hunc
subter possis cognoscere fultum.
Andromedae
laevo ex humero si quaerere perges, |
631 ...... On peut reconnaître le Bélier à l'aide de la ceinture d'Andromède, au-dessous de laquelle il est placé. Il parcourt dans sa révolution le milieu du ciel, comme avant lui les Serres, et comme Orion, à la poitrine éclatante. Près de là, sous le sein radieux d'Andromède, vous apercevrez un petit astérisme que les Grecs nomment Deltotos (le Triangle), parce qu'une de leurs lettres en a la figure. Il a deux côtés d'une égale étendue, le troisième est moins grand; mais ses étoiles sont plus pressées et sont aussi plus brillantes. Un peu au-dessous du Triangle est le Bélier, plus incliné vers le midi; mais les Poissons le sont bien davantage. L'un d'eux précède de fort peu le Bélier, et est aussi frappé un peu avant l'autre des ailes bruyantes de l'Aquilon. De leur queue partent comme deux chaînes d'étoiles, qui, toutes deux lumineuses, serpentent dans le ciel et vien- 632 nent se réunir en une seule étoile que les anciens ont coutume d'appeler le Nœud céleste. Si, de l'épaule gauche d'Andromède, vous continuez vos recherches, vous pourrez reconnaître le Poisson boréal qui en est voisin; et de ses pieds, vous arriverez de même à Persée, fils du grand Jupiter; ils semblent l'un et l'autre appuyés sur les épaules du héros, poussé lui-même par l'Aquilon qui souffle des hautes régions polaires. Persée étend sa main droite vers le siège de Cassiopée: tel qu'un coureur souillé d'une noble poussière, il part de l'horizon, et ses pieds garnis de talonnières le portent en triomphe au plus haut des cieux. Près de son genou gauche, les Pléiades, concentrées dans un étroit espace, ne rendent qu'une faible lumière. L'antiquité porte leur nombre à sept; on n'en voit pourtant que six petites. On s'imaginerait à tort qu'une d'entre elles ait disparu; il est plus naturel de croire que c'est sans raison et sans fondement qu'on en a compté sept, sur la foi des anciens poêles, qui leur ont de tout temps donné des noms particuliers: Alcyone, Mérope, Céléno, Taygète, Electre, Stéropé et la vénérable Maïa. Toutes ces étoiles sont petites et presque sans éclat; mais la constellation qu'elles forment n'en est pas moins remarquable, parce qu'elles apparaissent le matin aux premières nuits de l'été, et que plus tard elles annoncent, en se montrant le soir, l'approche de l'hiver et le temps des semailles. |
Inde
Fides leviter posita et
convexa videtur ;
Ipse autem labens utrisque
Equus ille tenetur 55 |
On voit d'un autre côté la forme légère et recourbée de la Lyre, que Mercure au berceau façonna, dit-on, de ses faibles mains, et plaça depuis sous ces voûtes élevées, près du genou gauche de l'Agenouillé, entre ce genou et la tête du Cygne. Le Cygne est un oiseau qui vole perpétuellement sous la voûte immense du ciel, et qui fend l'air de des ailes. Une partie de cet astérisme est opaque et obscure; l'autre partie n'est ni tout à fait claire, ni tout à fait obscure; mais elle ne lance qu'un médiocre éclat. De sa patte droite, il semble vouloir repousser la main droite de Céphée; mais le noble Cheval incline son pied robuste vers l'aile gauche du céleste oiseau. Le Cheval, renversé sur le dos, est soutenu par les deux Poissons; sa tête est mollement appuyée sur le Verseau. Il reprend sa course au-dessus de la terre, plus tard que le Capricorne, qui, dans le vaste orbite que décrit sa masse informe et sauvage, exhale de sa forte poitrine un souffle glacé. Quand le Soleil l'a revêtu de son éternelle lumière, il nous détourne son char, et nous ramène la saison des frimas. Gardez-vous alors de confier aux flots votre voile; trop courte est la durée du jour, trop lente est la course de la nuit paresseuse. L'humide Aurore, sourde à vos plaintes, ne se hâte pas d'annoncer le retour du Soleil; l'Autan furieux soulèvera les flots, et un froid glacial fera frissonner votre corps engourdi. Mais aujourd'hui, dans toutes les saisons, les marins courent les mers, défiant l'influence des signes, les vents, et le sombre murmure des vagues blanchissantes...... Si même vous êtes sur un vaisseau, si vous naviguez en pleine mer, le mois précédent, lorsque le Sagittaire porte le char du Soleil....; car alors les jours penchent rapidement vers leur dé- 633 clin. Les navigateurs pourront facilement prévoir l'approche de ce signe: vers la fin de la nuit, ils pourront observer le Scorpion qui s'élève au-dessus de l'horizon, traînant après soi l'arc recourbé du Sagittaire. C'est alors qu'ils verront aussi la tête de la petite Ourse, en sa plus grande élévation; qu'Orion, à la fin de la nuit, se cachera tout entier, et que la partie de Céphée comprise entre ses mains et ses reins disparaîtra sous les eaux de l'Océan. |
Hic, missore vacans,
fulgens jacet una Sagitta,
Tum magni curvus Capricorni cornua propter
Illae quae fulgent luces ex ore corusco,
Exinde Orion, obliquo corpore nitens,
Namque pedes subter rutilo cum lumine claret
Hunc propter, subterque pedes, quos diximus ante,
120 |
Vers le même endroit, est une Flèche de feu que personne ne va lancer, et près de laquelle le Cygne, tout en déclinant un peu plus au nord, déploie son vol dans l'espace. L'Aigle opère, du même côté, sa révolution, et semble, par le mouvement de ses ailes, rafraîchir l'air embrasé. Cette constellation est moins grande, mais elle épouvante les navigateurs, et leur prédit des tempêtes. Non loin du Capricorne est le Dauphin, au dos recourbé, d'un éclat un peu terne, quoiqu'il porte au front quatre étoiles, placées deux à deux et à égale distance; le reste de son corps est invisible, ou ne répand qu'une faible lumière. Toutes ces constellations brillantes sont situées entre le pôle glacé du Septentrion, et le cercle que parcourt annuellement la lumière bienfaisante du Soleil. Il nous reste à décrire la partie inférieure du ciel, celle qui est comprise entre la route du Soleil, et le point d'où s'échappe la puissante haleine de l'impétueux Auster. Au-dessous du farouche Taureau est placé un peu obliquement Orion, à la contenance ferme. Celui qui, par une nuit sereine, promenant sa vue dans les vastes plaines du ciel, ne remarquera pas cette immense constellation, doit renoncer à en distinguer aucune autre. Sous ses pieds, on voit ce Chien (Syrius) enflammé, tout resplendissant de la vive clarté de ses étoiles; il ne jette pas le même feu de toutes les parties de son corps; son ventre, au-dessous de sa poitrine, est obscur; mais, aux jours de l'été, une haleine brûlante s'exhale de ses vigoureux poumons, et, de sa gueule embrasée, il lance sur les mortels ses dévorantes chaleurs. Lorsque son lever concourt avec le lever du Soleil, il ne nous permet plus d'admirer avec indifférence, et sous leur ombrage, la verdure dont les arbres sont couverts; car s'il ranime ceux dont la terre retient fortement les racines, s'il les nourrit par le souffle vital qu'il leur envoie, il dessèche ceux dont les racines n'ont pu s'enfoncer assez profondément, et il dépouille l'arbre de ses feuilles, le tronc de son écorce...... On voit encore, sous les pieds d'Orion, et près du grand Chien, le Lièvre rapide qui redoute ses dents aiguës; il fuit, et jamais la fatigue ne le force à ralentir sa course; le Chien le poursuit toujours, soit lorsqu'il se précipite sous l'horizon, soit lorsqu'il reparaît au-dessus. |
At
Canis ad caudam serpens
prolabitur Argo,
Exin semotam procul in tutoque Iocatam
Hanc Aries tegit, et squammoso corpore Pisces,
Exinde exiguae tenui cum lumine multae 155
Exinde,
Australem soliti quem dicere Piscem,
Hic aliae volitant parvo cum lumine clarae, 180 |
Vers la queue du grand Chien vogue le navire Argo, qui pousse en avant sa poupe lumineuse; bien différent des autres vaisseaux qui portent leur proue dans cette direction, lorsqu'ils sillonnent les plaines de Neptune, l'Argo fait route d'une 634 façon tout opposée. Comme les nautonniers qui, à l'approche du port, leur asile, tournent péniblement leur poupe au-rivage désiré, l'antique vaisseau traverse, la poupe en avant, l'immensité des cieux. De son mât à sa proue, on ne voit point d'étoiles; mais entre le mât et la poupe il y en a de très-brillantes. Le gouvernail, éclairé çà et là de plusieurs feux, touche aux extrémités inférieures du grand Chien. La féroce Baleine, placée dans la partie australe du ciel, semble encore épier Andromède, quoique celle-ci brille dans la partie boréale, loin de son ennemie, et à l'abri de ses atteintes. Le Bélier et les Poissons sont au-dessus de la Baleine, qui repose son vaste corps sur les rives du fleuve; car vous trouverez aussi parmi les astres ce fleuve infortuné, ce triste Éridan, que souvent les sœurs de Phaéton grossirent de leurs larmes, en chantant des hymnes lugubres sur la funeste destinée de leur frère. De là on peut le voir couler jusque sous le pied gauche d'Orion; on peut voir les liens qui retiennent la queue des deux Poissons se mêler aux eaux du fleuve, courir, se replier vers le dos de la Baleine, et s'y rejoindre en une seule étoile placée sur l'épine dorsale de ce monstre. Entre la Baleine et le gouvernail du Navire, près du Lièvre qui craint une cruelle morsure, sont éparses plusieurs étoiles peu brillantes, auxquelles les anciens paraissent n'avoir donné aucun nom, aucune ligure. En effet, les étoiles que la nature a revêtues d'un certain éclat, et dont la distribution variée dessina nettement leurs formes, ont été facilement remarquées par les premiers observateurs, qui bientôt leur ont assigné des noms analogues. Mais celles qui n'ont qu'un feu mat et sombre, une disposition confuse, une apparence uniforme, n'ont pu être rassemblées ni formées en constellations précises qui nous les fissent reconnaître. Sous le Capricorne, vers le midi, est le Poisson qu'on appelle Austral: placé à une grande distance des deux Poissons du Zodiaque, il semble regarder la Baleine. Entre ces deux constellations, sous les pieds du Verseau rayonnant, vous apercevez plusieurs étoiles sans nom. Près de là, le Verseau répand de son urne un fleuve semé d'un grand nombre de petites étoiles faiblement lumineuses; il en est deux toutefois qui lancent au loin une vive lumière. L'une est sous les pieds du Verseau; l'autre, échappée en quelque sorte de l'eau du Verseau, nom donné à la réunion de toutes ces petites étoiles pâles qui semblent tombées de son urne, s'est fixée sous les vertèbres de la queue de la Baleine. D'autres étoiles, peu apparentes, sont placées à la suite des pieds de devant du grand Sagittaire; elles n'ont pas de nom distinctif. |
Inde Nepae cernes propter fulgentis acumen
Sin humeros medio in caelo
Centaurus habebit,
Hic sese infernis de partibus erigit
Hydra |
Sous l'aiguillon du Scorpion étincelant, on découvre l'Autel, qu'effleure doucement la douce haleine de l'Auster. Son séjour dans la partie supérieure du ciel est de courte durée. Loin de l'Arcture, il habite le plus souvent l'hémisphère opposé. Jupiter a donné à l'Arcture une longue carrière sur notre horizon, et une très-limitée à l'Autel, vers la partie inférieure des cieux. Mais la Nuit, 635 visitant ces lieux dans sa course éternelle, émue des périls sans cesse renaissants que courent les nautonniers, a voulu leur donner dans le ciel des signaux auxquels ils ne pussent se méprendre. Ainsi, lorsque vous verrez l'Autel briller sans aucun nuage dans la région moyenne des cieux, et que plus haut il se sera formé de sombres vapeurs, déployez toutes vos forces, pour vous garantir du vent du midi; prévenez tout; disposez prudemment les agrès de votre navire, et vous voguerez en sûreté. Mais si le vent souffle avec violence, il brisera les mâts les plus solides; rien ne pourra tenir contre l'effort de la tempête, à moins que l'Autel, divisant les nuages, ne fasse partir du nord un vent favorable qui les dissipe entièrement. Si, les épaules du Centaure étant au méridien, le Centaure lui-même est couvert d'une nuée blanchâtre, et qu'au même instant une légère vapeur obscurcisse l'Autel, il est à craindre qu'un vent funeste ne s'élève du côté du couchant. Le Centaure est placé dans la haute région du ciel, sous deux signes: les parties antérieures qu'il tient de l'homme sont sous le brûlant Scorpion; sa croupe de cheval est sous les Serres. Il étend la main droite, saisit une bête féroce, dont les Grecs n'ont point fixé le nom, et s'avance furieux vers l'Autel. On voit, de dessous l'horizon, s'élancer l'Hydre impétueuse, qui, dans son cours sinueux, se replie sur elle-même. Elle tourne sa tête et ses yeux vers le Cancer; et, formant un premier nœud sous le Lion, elle caresse le Centaure de sa queue glissante. Son second nœud porte la Coupe brillante; le Corbeau, appuyé sur le troisième, paraît occupé à le becqueter sans cesse; enfin, sous les Gémeaux, on voit l'Avant-Chien, que les Grecs nomment Procyon. Tels sont les astres qui s'offriront, pendant la nuit, à l'observateur jaloux de connaître les mouvements de la sphère céleste; tous marchent, tous obéissent à une loi régulatrice. Il n'en est pas de même des cinq étoiles qui parcourent le cercle des douze signes célestes: en fournissant leur carrière, elles ne franchissent pas dans le ciel des espaces égaux; elles aiment mieux y errer comme au hasard, et mesurer inégalement les orbes qu'elles décrivent. Elles forment les grandes années, par leur retour, après un long espace de temps, au même point du ciel. Je ne puis maintenant décrire les lois de leurs révolutions; je vais tâcher seulement de définir les vastes cercles qui roulent invariablement autour de la sphère. Quatre cercles soutenus par la voûte du ciel, et qui éclairent le monde de leur éternelle lumière, portent les douze signes célestes, et renferment au milieu d'eux le globe de la terre. C'est par eux que vous connaîtrez les limites des rapides années, soumises au cours régulier des signes. Ils promènent dans l'immensité leurs majestueux flambeaux, assortis entre eux et liés par des points d'intersection; ils sont placés à égales distances, et se correspondent deux à deux. Quand la nuit est pure, que les étoiles ne sont obscurcies par aucun nuage, que la lune, nouvelle encore, n'affaiblit point leurs feux, vous distinguez un grand cercle d'une blancheur éblouissante, et que sa couleur a fait nommer Voie lactée. Il ne déroule point dans les cieux une orbite continue; 636 les quatre cercles, dit-on, l'égalent en grandeur; mais deux d'entre eux ont moins d'étendue que cette ligne lumineuse qui éclaire toute la concavité des cieux. |
Quorum
alter tangens Aquilonis vertitur auras,
[Ille quidem a Boreae] Cancro connectitur [auris
;]
Ille autem claro quartus cum lumine Circus
300 |
L'un touche de plus près que les autres aux régions boréales, porte les têtes brillantes des Gémeaux, et sert de point d'appui aux deux genoux du Cocher. La jambe droite de Persée et son épaule gauche en sont voisines; il traverse le bras droit d'Andromède, laissant la main vers le nord, et le coude au midi. Le Cheval pose sur lui ses deux pieds de devant; et le Cygne, incliné vers ce point, y pose aussi sa tête et son cou. Les épaules du Serpentaire en sont peu éloignées; la Vierge s'en écarte un peu vers le sud, mais le Lion superbe le couvre de toute la longueur de son corps, ainsi que le brûlant Cancer. Lorsque le Soleil atteint en été le milieu de ce dernier signe, il paraît se retourner pour revenir sur ses pas. Le cercle partage le Cancer par la moitié; mais il traverse la poitrine et le ventre du Lion dans toute leur étendue. Concevez, si vous le pouvez, ce cercle divisé en huit parties: il y en aura toujours cinq au-dessus de l'horizon; les trois autres, plongées au-dessous, resteront dans l'ombre de la nuit. Le premier cercle atteint le Cancer et décline vers le nord; le second, reculé vers le midi, coupe le Capricorne par le milieu, passe sur les pieds de ce signe qui épanche éternellement un fleuve glacé, et traverse la queue de la farouche Baleine, le Lièvre brillant et rapide, les pattes du grand Chien, l'immense Vaisseau des Argonautes étincelant de mille feux, le dos du Centaure, le terrible aiguillon du Scorpion, enfin l'arc toujours bandé du Sagittaire. Il porte le char brûlant du Soleil, lorsque cet astre, de retour de la partie boréale du ciel, est descendu vers le point le plus austral de son orbite; mais bientôt il remonte, et revient à nous pendant la saison de l'hiver. Trois parties de ce cercle sont visibles pour nous; les cinq autres sont cachées sous l'horizon. Entre ces deux cercles, et à égale distance de l'un et de l'autre, est un troisième cercle aussi étendu que la Voie lactée. Lorsque le Soleil y est parvenu, soit au printemps, soit à l'automne, les jours et les nuits sont égaux. Ce cercle traverse le corps entier du Bélier, le genou fléchi et replié du Taureau, la brillante constellation d'Orion; le nœud de l'Hydre s'y attache; la Coupe et le Corbeau y semblent enchaînés; il passe enfin près des étoiles peu nombreuses des Serres, sur les genoux du Serpentaire, près de l'Aigle, fidèle messager du maître des Dieux, et dans le voisinage du Cheval céleste, à la crinière lumineuse. L'axe, partant du pôle, traverse le milieu de ces trois cercles, et les contient toujours à une égale distance les uns des autres. Sur les trois premiers cercles s'appuye obliquement le quatrième, tout resplendissant de lu- 637 mière; il touche les deux extrêmes, et est coupé en deux parties égales par celui du milieu. Le plus industrieux des hommes, initié par Minerve elle-même dans tous les secrets de la mécanique, ne construirait jamais des cercles aussi régulièrement assortis que ceux que l'intelligence divine a arrondis dans les cieux; ils entourent la terre, ils décorent le monde de feux infinis, et sont le lien et l'appui des constellations. Leur mouvement est uniforme. Celui qui rencontre obliquement les trois autres est coupé en deux par l'horizon, et l'étendue de la partie supérieure est toujours égale à la distance du Cancer au Capricorne; la partie inférieure a nécessairement une dimension pareille. Si le rayon visuel lancé de notre œil à la voûte céleste est pris six fois, nous aurons toute la circonférence de ce cercle, et ce même rayon donnera l'étendue de deux signes. Les Grecs ont nommé ce cercle zodiaque; les Latins peuvent l'appeler avec raison le cercle des signes, puisque c'est lui qui porte les douze signes étincelants du ciel. Le Cancer ouvre la saison brûlante de l'été. Le Lion terrible marche sur ses pas, suivi de la Vierge, qu'on distingue entre tous les astres à son éclat pétillant. Les Serres jettent ensuite leur feu, et l'ardent Scorpion marche après elles. Le Sagittaire tient de sa main droite son arc toujours bandé; le Capricorne présente ensuite une corne menaçante. Après lui, l'humide Verseau se montre à la terre; les Poissons, avec leurs écailles brillantes, semblent s'ébattre dans le ciel; le Bélier les accompagne, et ne nous envoie qu'une faible lumière. Le Taureau affaissé sur ses genoux, et les Gémeaux, nous font enfin admirer leurs éclatantes étoiles. Le soleil parcourt éternellement ces douze signes, et, par cette révolution, il détermine les saisons de l'année. La partie de ce cercle, abaissée sous la terre, est toujours égale à celle qui est élevée au-dessus, et qui est visible aux mortels. Chaque nuit, six constellations se couchent; six autres se lèvent sur notre horizon, et revoient la lumière des cieux. La partie du cercle des signes que le commencement de la nuit trouve au-dessus de l'horizon disparaît peu à peu dans le cours de la même nuit, avec les signes que cette partie soutient et qu'elle montre à la terre. Si vous désirez connaître avec certitude le cours du soleil, examinez, pendant la nuit, le lever des signes; car le lever du soleil concourt nécessairement avec celui d'un degré de quelque signe. Mais si l'interposition d'une montagne ou d'un nuage obscur ne vous permet pas cet examen, étudiez dans le ciel les avis certains qui vous serviront à déterminer tous les levers et tous les couchers. Observez donc, pendant la nuit, quelles sont les étoiles qui se lèvent ensemble, et celles qui se précipitent au môme instant sous l'horizon. |
Iam simul ut supero se totum lumine Cancer
Sed quum de terris vis est patefacta Leonis,
Non pauca e caelo depellens signa, repente
At quum procedunt obscuro corpore Chelae, 395 |
Le Cancer darde-t-il ses feux, aussitôt la Couronne s'efface et se retire; le Poisson cherche l'hémisphère austral; sa queue seule reste visible; une partie de la Couronne fait encore briller ses étoiles, l'autre a disparu: il en est de même 638 du Poisson; il ne s'éclipse pas entièrement; ses parties antérieures sont seules entrées dans l'ombre. Le brillant Serpentaire nous cache pareillement ses genoux et son corps jusqu'aux épaules, ainsi que la tête et le cou lumineux du reptile dont il est enlacé. L'horizon partage le Bouvier en deux parties inégales: la plus petite brille encore dans cette région du ciel; la plus grande est descendue au séjour des ténèbres. Cette constellation, en se couchant, semble entraîner avec elle quatre signes du zodiaque; enfin, pleinement rassasiée de la lumière dont elle a joui dans notre hémisphère, elle se retire et disparaît totalement après le milieu de la nuit. Tels sont les astérismes qui, au lever du Cancer, sont masqués par le globe terrestre. D'un autre côté, Orion s'avance, promenant dans le ciel les magnifiques étoiles qui parent son bouclier, sa lance, et le glaive étincelant qui arme sa main droite. Quand le terrible Lion s'échappe de l'ombre de la terre, les constellations qui se couchaient au lever du Cancer achèvent de descendre sous l'horizon; l'Aigle superbe est chassé du ciel; le corps fléchi de l'Agenouillé, banni de l'hémisphère supérieur, disparaît presque entièrement; seuls, son pied lumineux et son genou droit sont encore visibles. Du côté opposé, on voit paraître la tête étoilée de l'Hydre, le Lièvre, et Procyon, impatient de devancer le grand Chien; enfin celui-ci fait ses premiers pas dans les cieux. Quand la Vierge, éclatante de beauté, s'élève dans le ciel, elle en chasse aussi plusieurs constellations. On voit fuir la Lyre brillante de Mercure; le Dauphin est replongé dans les eaux; la Flèche cesse de luire; le Cygne se cache jusqu'aux premières plumes de sa queue; le grand Fleuve (l'Éridan) coule sous terre, et déjà la tête et le long cou du Cheval ont disparu. L'énorme reptile, l'Hydre, déploie son corps splendide; ses nœuds brillent jusqu'à la Coupe; le grand Chien montre alors ses pattes de derrière; il traîne après soi la poupe rayonnante de l'Argo à la porte du ciel; et, lorsque la Vierge est entièrement levée, la moitié du mât des Argonautes étincelle parmi les astres. Lorsque les Serres obscures sortent de l'horizon, le Bouvier déploie tout l'éclat de ses feux, et surtout la lumière fidèle de l'Arcture, fixée au devant de lui. L'Argo est alors passé tout entier dans la région supérieure. L'Hydre, qui est trop étendue, n'apparaît encore qu'en partie; sa queue reste dans l'ombre. Le Héros, voisin de la Lyre arcadienne, et qu'on nomme vulgairement l'Agenouillé, montre son genou droit et sa jambe brillante. Nous le voyons souvent se cacher et reparaître dans une même nuit; c'est qu'il parcourt, sous l'horizon, un arc de peu d'étendue; sa jambe seule et son genou se lèvent avec les Serres; le reste de son corps est enveloppé de ténèbres, jusqu'à ce que le Scorpion et le Sagittaire revoient la lumière; le Scorpion nous en ramènera la moitié, et le Sagittaire nous en fera revoir toutes les étoiles: trois signes sont employés pour rendre à la terre cette constellation. Avec le lever des Ser- 639 res concourt aussi celui d'une moitié de la Couronne, et l'extrémité du Centaure paraît en même temps. Le Cheval se plonge alors en entier sous l'horizon, et le Cygne, déployant ses ailes éclatantes, vole bientôt après lui, La tête d'Andromède se couche, et la farouche Baleine descend sous terre, pressée par l'horrible désir de dévorer sa proie. Céphée ne se lasse point d'étendre les mains vers sa fille; la Baleine s'enfonce jusqu'à l'épine du dos, et Céphée lui-même nous dérobe sa tête, ses mains et ses épaules. Au lever du brûlant Scorpion, l'Éridan s'écoule; Orion effrayé disparaît.... On raconte ainsi d'où vient sa terreur. Il avait, dit-on, porté sur Diane une main sacrilège. Errant comme un insensé dans l'île de Chio, chérie de Bacchus et couronnée de pampres verts, sur les hautes montagnes qui couvrent de leur ombre les flots de la mer Egée, il perçait les bêtes fauves qu'il destinait, dans sa frénésie, à garnir la table somptueuse d'Énopion. Mais Diane frappe du pied la terre; l'île s'entr'ouvre; les rochers roulent sur les rochers; le jour pénètre pour la première fois dans d'affreux abîmes, et il en sort un Scorpion monstrueux armé d'un terrible aiguillon: soudain il a piqué l'intrépide chasseur. Un poison mortel a coulé dans les veines d'Orion; il expire, et son vaste corps presse la terre de son poids. Aussi, dès qu'il voit briller les étoiles du Scorpion, il fuit et se cache sous l'horizon. Andromède disparaît en même temps, et la Baleine avec elle. Céphée, le corps renversé, rase la terre avec sa ceinture; mais sa tête et les autres parties supérieures peuvent seules pénétrer l'horizon; l'ombre n'atteindra jamais jusqu'aux parties inférieures; les Ourses éclairent ses jambes de trop près. Cassiopée, les yeux baignes de larmes, descend pour chercher sa fille: on dirait qu'elle est ignominieusement chassée du ciel, car elle est précipitée, la tête la première; les épaules suivent, et son siège est renversé sur elle. Les blondes Néréides, à qui elle osa disputer le prix de la beauté, l'ont, dit-on, soumise à cette peine. Au moment où elle se couche ainsi renversée, l'autre moitié de la Couronne se lève, ainsi que la queue de l'Hydre, qui apparaît enfin tout entière sur l'horizon. La tête du Centaure et son corps entier quittent le séjour des ténèbres; une faible partie de ses pieds de devant reste seule cachée. Puis ses autres étoiles se découvrent, et l'on voit devant lui la bête sauvage qu'il a saisie de la main droite. La tête et les mains du Serpentaire se lèvent aussi avec le Scorpion, et le Serpent montre sa tête et les replis de son corps lumineux. L'Agenouillé, dont les pieds sont déjà sur l'horizon, présente, du côté de l'Orient, son ventre, ses cuisses, ses épaules, sa poitrine; et de sa droite il lance des rayons propices vers la terre. Le Sagittaire a voulu jouir de la lumière céleste, et la tête de l'Agenouillé parait; la Lyre brillante se lève en même temps, et l'on revoit la poitrine de Céphée. Le Chien brûlant n'est plus visible. Orion se cache tout entier; le Lièvre se précipite dans l'ombre, et les étoiles les moins élevées du Cocher disparaissent. 640 Le Capricorne, en commençant sa course, chasse du ciel le Cocher, la Chèvre que celui-ci porte sur son épaule, les Chevreaux, et ce Navire fameux par le nom dont les anciens l'ont décoré. Procyon est mis en fuite; les deux oiseaux, l'Aigle et le Cygne, revolent vers nous; la Flèche ailée recouvre sa splendeur; Persée descend sous l'horizon, laissant au-dessus sa cuisse et son pied droit; enfin la poupe de l'Argo abandonne son navire...... |
“Flumina verna cient obscuro lumine Pisces, |
FRAGMENTS DES POÉSIES DE Q. CICÉRON.
FRAGMENTS DU POÈME SUR LES DOUZE SIGNES.
.... Les Poissons à la lueur obscure font gonfler les fleuves au printemps, et le Bélier, qui rehausse l'éclat des cornes du Taureau, précurseur de la végétation, égale la durée du jour à celle de la nuit. Les Gémeaux ouvrent la carrière à l'été brûlant; le Cancer abrège déjà la longueur des jours, et le Lion farouche exhale des bouffées d'une chaleur énervante. La Vierge lui succède, lançant des vapeurs légères; la Balance ouvre les portes de l'automne; elle égale de nouveau le jour à la nuit, et la flamme du Scorpion dépouille les rameaux de leur épais feuillage. Le Sagittaire nous lance ses traits de glace, et le Capricorne ses frimas et ses gelées. Paraît enfin le Verseau, aux nuages colorés, aux ondées inépuisables, qui alimente les fleuves et les fait déborder. Cependant, à droite et à gauche, le char mobile du Soleil roule sur son essieu étincelant, et la Lune développe ses phases. Les écailles du Dragon tortueux projettent leur éternelle lumière entre les feux étincelants des sept étoiles de l'Ourse; et le Bouvier, qui s'attache à l'une d'elles, disparaît le dernier avec le jour sous les flots de l'Océan.
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I.
“Crede ratem ventis, animum ne crede puellis: II.
“Femina nulla bona est, et, si bona contigit ulla,
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ÉPIGRAMMES. I. Livrez aux vents votre voile, mais non votre cœur aux jeunes filles; le flot est plus sûr que la foi d'une femme.
II. Nulle femme n'est bonne, ou, s'il en est une seule, j'ignore comment une mauvaise chose a pu devenir bonne. |