ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME CINQUIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX
LETTRES FAMILIERES
LIVRE II - LIBER SECVNDVS
LETTRES FAMILIERES
LIVRE II
LIBER SECVNDVS
AD C. CVRIONEM ET CETEROS Scr. Romae a. 701 (53). M. CICERO S. D. CVRIONI. Quamquam me nomine neglegentiae suspectum tibi esse doleo, tamen non tam mihi molestum fuit accusari abs te officium meum quam iucundum requiri, praesertim quom, in quo accusabar, culpa vacarem, in quo autem desiderare te significabas meas litteras, prae te ferres perspectum mihi quidem, sed tamen dulcem et optatum amorem tuum. Equidem neminem praetermisi, quem quidem ad te perventurum putarem, cui litteras non dederim; etenim quis est tam in scribendo impiger quam ego? A te vero bis terve summum et eas perbrevis accepi. qua re, si iniquus es in me iudex, condemnabo eodem ego te crimine; sin me id facere noles, te mihi aequum praebere debebis. Sed de litteris hactenus; non enim vereor ne non scribendo te expleam, praesertim si in eo genere studium meum non aspernabere. Ego te afuisse tam diu a nobis et dolui, quod carui fructu iucundissimae consuetudinis, et laetor, quod absens omnia cum maxima dignitate es consecutus quodque in omnibus tuis rebus meis optatis fortuna respondit. Breve est, quod me tibi praecipere meus incredibilis in te amor cogit. Tanta est exspectatio vel animi vel ingeni tui, ut ego te obsecrare obtestarique non dubitem, sic ad nos conformatus revertare, ut, quam exspectationem tui concitasti, hanc sustinere ac tueri possis; et, quoniam meam tuorum erga me meritorum memoriam nulla umquam delebit oblivio, te rogo ut memineris, quantaecumque tibi accessiones fient et fortunae et dignitatis, eas te non potuisse consequi, nisi meis puer olim fidelissimis atque amantissimis consiliis paruisses. qua re hoc animo in nos esse debebis, ut, aetas nostra iam ingravescens in amore atque in adulescentia tua conquiescat. |
171. — A C. CURION. Rome. F .II, 1. Vous supposez que je vous néglige, c'est bien mal ; mais si le reproche est pénible, il part d'une exigence qui me charme. L'accusation d'ailleurs tombe à faux, et dansée regret de mes lettres je reconnais une vieille amitié dont je ne doute pas depuis longtemps, mais dont les témoignages me sont toujours doux et chers. La vérité est que toutes les fois que j'ai vu jour à vous faire parvenir de mes nouvelles, je vous ai écrit. Ne suis-je pas le correspondant le plus infatigable qu'il y ait au monde? vous, vous m'avez écrit deux fois, trois fois au plus, et des lettres d'une ligne. Cessez donc de m'accuser injustement, ou je vous fais votre procès à vous-même, et soyez plus équitable à mon égard, si vous voulez que je vous traite à mon tour avec indulgence. .Mais brisons là-dessus : je suis homme à vous gorger de lettres à satiété, pour peu que vous mettiez le moindre prix à ces gages de mon, attachement. Oui, j'ai gémi de votre absence et de cette longue privation d'un commerce dont je m'étais fait une si charmante habitude ; mais vous avez obtenu de brillants succès pendant notre séparation : la fortune n'a cessé pour vous de sourire à mes vœux, et c'est ce qui fait ma joie. Ecoutez ce que m'inspire une affection sans borne; le conseil ne sera pas long. Vous avez donné la plus haute idée des qualités de votre cœur et de votre esprit. Eh bien! je vous prie, je vous conjure de montrer à votre retour qu'il n'est rien en vous qui ne soit digne de l'attente générale. Et, comme l'oubli ne viendra jamais effacer en mon cœur le souvenir de ce que vous avez fait pour moi, je vous demande de vous rappeler, toujours, de votre côté, à quelque degré de fortune et d'honneur qu'il vous soit donné de parvenir, que rien ne vous eût été possible sans l'attention docile qu'enfant vous prêtâtes jadis à mes tendres et fidèles conseils. Soyez donc pour moi ce que vous devez être; et quand l'âge s'appesantit déjà sur ma tête, que je puisse trouver pour mes vieux ans l'appui de votre affection et de votre jeunesse. |
Scr. Romae a. 701 (53). M. CICERO S. D. C. CVRIONI. Gravi teste privatus sum amoris summi erga te mei patre tuo, clarissimo viro. qui cum suis laudibus tum vero te filio superasset omnium fortunam, si ei contigisset ut te ante videret, quam a vita discederet. Sed spero nostram amicitiam non egere testibus. Tibi patrimonium dei fortunent; me certe habebis, cui et carus aeque sis et iucundus ac fuisti patri. |
173. - A C. CURION. Rome. F. II, 2. En perdant votre illustre père, ce glorieux citoyen, ce père fortuné à qui il n'a rien manqué que la joie de vous voir avant de quitter la vie, je perds celui de tous les hommes qui pouvait le mieux vous dire la tendre affection que je vous porte. Mais, entre vous et moi, l'amitié, j'ose le croire, n'a pas besoin de tiers qui lui serve de garant. Que les dieux fassent prospérer votre héritage! Vous trouverez en moi une affection, une tendresse égale à celle de ce père qui vous a tant aimé et chéri ; n'en doutez jamais. |
Scr. Romae a. 701 (53). M. CICERO S. D. C. CVRIONI. Rupae studium non defuit declarandorum munerum tuo nomine, sed nec mihi placuit nec cuiquam tuorum quicquam te absente fieri, quod tibi, cum venisses, non esset integrum. Meam quidem sententiam aut scribam ad te postea pluribus aut, ne ad eam meditere, imparatum te offendam coramque contra istam rationem meam dicam, ut aut te ad meam sententiam adducam aut certe testatum apud animum tuum relinquam, quid senserim, ut, si quando, quod nolim, displicere tibi tuum consilium coeperit, possis meum recordari. Brevi tamen sic habeto, in eum statum temporum tuum reditum incidere, ut iis bonis, quae tibi natura, studio, fortuna data sunt, facilius omnia, quae sunt amplissima in re publica, consequi possis quam muneribus. quorum neque facultatem quisquam admiratur (est enim copiarum, non virtutis), neque quisquam est quin satietate iam defessus sit. Sed aliter atque ostenderam facio, qui ingrediar ad explicandam rationem sententiae meae; qua re omnem hanc disputationem in adventum tuum differo. Summa scito te in exspectatione esse eaque a te exspectari, quae a summa virtute summoque ingenio exspectanda sunt. Ad quae si es, ut debes, paratus, quod ita esse confido, plurimis maximisque muneribus et nos amicos et civis tuos universos et rem publicam adficies. Illud cognosces profecto, mihi te neque cariorem neque iucundiorem esse quemquam. |
174. - A C. CURION. Rome. F. II, 3. Ce n'est pas la faute de Rupa, si on n'a point annoncé votre grand projet de jeux et de fêtes; c'est moi, ce sont tous vos amis qui n'ont pas voulu qu'en votre absence on fit rien qui pût vous engager, à votre retour. Je vous écrirai plus tard pour vous expliquer au long ce que je pense de votre dessein ; ou peut-être, sans vous laisser le temps de la réflexion, vous prendrai-je au dépourvu, face à face, et vous dirai-je de vive voix mes motifs et mes arguments. Je vous amènerai ainsi surle-champ à mon avis, ou je ferai du moins sur vous assez d'effet, pour que mes observations demeurent. Mais si, dès à présent, vous renonciez de vous-même à vos projets de dépenses, et je n'ose l'espérer, je vous dirais en peu de mots que votre retour aura lieu dans des circonstances où les avantages que vous tenez de la nature, du travail, de la fortune, serviront plus que toutes les largesses du monde à vous ouvrir la voie à ce qu'il y a de plus élevé. On est désabuse aujourd'hui de ces prestiges de la richesse, où le mérite n'entre pour rien ; et il n'est personne qui n'en soit las jusqu'à la satiété. Mais voilà que je me laisse aller, contre mon intention, à développer ma thèse. Je m'arrête et je remets la suite de mon discours à votre retour. Sachez qu'un a ici de vous la plus haute opinion et qu'on attend de vous tout ce qu'on doit attendre d'une haute vertu et d'un esprit élevé. Que si, comme je n'en doute pas, vous répondez à l'attente générale, c'est le plus magnifique présent que vous puissiez faire à nous vos amis, à tous vos concitoyens et à la république. En ce qui me concerne, vous verre/ dans toutes les occasions, qu'il n'y a personne au monde qui me soit plus cher et que j'aime plus que vous. |
Scr. Romae a. 701 (53). CICERO S. D. C. CVRIONI. Epistularum genera multa esse non ignoras, sed unum illud certissimum, cuius causa inventa res ipsa est, ut certiores faceremus absentis, si quid esset, quod eos scire aut nostra aut ipsorum interesset. Huius generis litteras a me profecto non exspectas; tuarum enim rerum domesticos habes et scriptores et nuntios, in meis autem rebus nihil est sane novi. Reliqua sunt epistularum genera duo, quae me magno opere delectant, unum familiare et iocosum, alterum severum et grave. Utro me minus deceat uti, non intellego. Iocerne tecum per litteras? Civem mehercule non puto esse, qui temporibus his ridere possit. An gravius aliquid scribam? quid est quod possit graviter a Cicerone scribi ad Curionem nisi de re publica? Atqui in hoc genere haec mea causa est, ut neque ea, quae sentio, audeam neque ea, quae non sentio, velim scribere. quam ob rem, quoniam mihi nullum scribendi argumentum relictum est, utar ea clausula, qua soleo, teque ad studium summae laudis cohortabor. Est enim tibi gravis adversaria constituta et parata incredibilis quaedam exspectatio; quam tu una re facillime vinces, si hoc statueris, quarum laudum gloriam adamaris, quibus artibus eae laudes comparantur, in iis esse laborandum. In hanc. Sententiam scriberem plura, nisi te tua sponte satis incitatum esse confiderem; et hoc, quicquid attigi, non feci inflammandi tui causa, sed testificandi amoris mei. |
179. - A CURION. Rome. F. II, 4. Vous n'ignorez pas qu'il y a plus d'un genre de lettres ; qu'en première ligne, et c'est ce qui les a fait inventer, les lettres sont la voie d'information ordinaire entre absents touchant les intérêts réciproques. Ce n'est pas là sans doute ce que vous attendez de moi. Ni les correspondants, ni les moyens de communication ne vous manquent pour vos affaires domestiques, et je n'aurais absolument rien à vous dire des miennes. Il y a deux autres espèces de correspondance qui me plaisent également ; l'une familière et enjouée, l'autre sérieuse et grave. Je ne sais en vérité laquelle des deux me sied le moins aujourd'hui. Prendrai-je le ton badin? mais un citoyen peut-il rire au temps où nous sommes? Veut-il y mettre du sérieux? je ne puis parler à Curion que des affaires publiques, et il y a encore cette difficulté pour moi que je ne veux pas écrire ce que je pense. Puisque tout sujet de correspondance m'est interdit, j'en reviens à mon refrain : aimez, aimez la gloire. Vous avez ici une ennemie terrible et qui guette votre arrivée : c'est l'immense idée qu'on a de vous. Mais cette ennemie, voici le moyen de la vaincre, et vous y réussirez sans peine ; c'est d'être fermement résolu d'arriver à la perfection dans tout ce qui donne cette gloire dont votre cœur est épris. Je pourrais m'étendre sur ce sujet, si je n'étais certain qu'il ne faut pas d'aiguillon à votre généreuse nature, et je l'effleure en passant, moins pour stimuler votre ardeur que pour vous prouver ma tendre amitié. Adieu. |
Scr. Romae a. 701 (53). CICERO S. D. C. CVRONI. Haec negotia quo modo se habeant, ne epistula quidem narrare audeo. Tibi, etsi, ubicumque es, ut scripsi ad te ante, in eadem es navi, tamen, quod abes, gratulor, vel quia non vides ea quae nos, vel quod excelso et inlustri loco sita est laus tua in plurimorum et sociorum et civium conspectu, quae ad nos nec obscuro nec vario sermone, sed et clarissima et una omnium voce perfertur. Unum illud nescio, gratulerne tibi an timeam, quod mirabilis est exspectatio reditus tui, non quo verear ne tua virtus opinioni hominum non respondeat, sed me hercule ne, cum veneris, non habeas iam, quod cures; ita sunt omnia debilitata et iam prope exstincta. Sed haec ipsa nescio rectene sint litteris commissa; qua re cetera cognosces ex aliis. Tu tamen, sive habes aliquam spem de re publica sive desperas, ea para, meditare, cogita, quae esse in eo civi ac viro debent, qui sit rem publicam adflictam et oppressam miseris temporibus ac perditis moribus in veterem dignitatem et libertatem vindicaturus. |
180. - A CURION. Rome. F. II, 5. Je n'ose confier même au secret d'une lettre les détails de ce qui se passe. Je vous l'ai déjà dit, en quelque lieu que vous soyez, vous faites route avec moi sur le même navire ; mais je ne vous en félicite pas moins de votre absence, soit parce que vos yeux n'ont pas le spectacle de ce que nous voyons, soit parce que vous avez un théâtre où votre mérite brille avec éclat aux regards des citoyens et des alliés ; et je n'en parle pas d'après un bruit incertain et sourd, mais d'après l'unanime et éclatante voix de l'opinion publique. Toutefois, il y a une chose dont je ne sais que dire : c'est l'incroyable attente que vous excitez ici. Dois-je vous en féliciter? dois-je en prendre l'alarme? Je ne crains pas que vous soyez incapable de répondre à la haute idée qu'on a de vous; mais, par Hercule, je crains qu'en arrivant vous ne trouviez plus rien à guérir, tant il est vrai que tout s'affaisse et s'anéantit ! Sur ce sujet-là même, je ne sais si je dois m'expliquer par écrit ; j'aime mieux laisser à d'autres le soin de vous en parler. En attendant, que vous désespériez ou non de la république, il faut vous occuper d'elle, penser à elle, travailler pour elle, avec patriotisme et courage, afin qu'en dépit de tant de misères et des mœurs si corrompues, vous puissiez, du sein de son abaissement et de ses ruines, la rendre à son antique splendeur et à la liberté. |
Scr. Romae a. 701 (53). M. CICERO S. D. C. CVRIONI. Nondum erat auditum te ad Italiam adventare, cum Sex. Villium, Milonis mei familiarem, cum his ad te litteris misi. Sed tamen, cum adpropinquare tuus adventus putaretur, et te iam ex Asia Romam versus profectum esse constaret, magnitudo rei fecit, ut non vereremur ne nimis cito mitteremus, cum has quam primum ad te perferri litteras magno opere vellemus. Ego, si mea in te essent officia solum, Curio, tanta, quanta magis a te ipso praedicari quam a me ponderari solent, verecundius a te, si quae magna res mihi petenda esset, contenderem; grave est enim homini pudenti petere aliquid magnum ab eo, de quo se bene meritum putet, ne id, quod petat, exigere magis quam rogare et in mercedis potius quam benefici loco numerare videatur. Sed, quia tua in me vel nota omnibus vel ipsa novitate meorum temporum clarissima et maxima beneficia exstiterunt, estque animi ingenui, cui multum debeas, eidem plurimum velle debere, non dubitavi id a te per litteras petere, quod mihi omnium esset maximum maximeque necessarium. Neque enim sum veritus ne sustinere tua in me vel innumerabilia non possem, cum praesertim confiderem nullam esse gratiam tuam, quam non vel capere animus meus in accipiendo vel in remunerando cumulare atque inlustrare posset. Ego omnia mea studia, omnem operam, curam, industriam, cogitationem, mentem denique omnem in Milonis consulatu fixi et locavi statuique in eo me non offici solum fructum sed etiam pietatis laudem debere quaerere; neque vero cuiquam salutem ac fortunas suas tantae curae fuisse umquam puto, quantae mihi sit honos eius, in quo omnia mea posita esse decrevi. Huic te unum tanto adiumento esse, si volueris, posse intellego, ut nihil sit praeterea nobis requirendum. Habemus haec omnia, bonorum studium conciliatum ex tribunatu propter nostram, ut spero te intellegere, causam, vulgi ac multitudinis propter magnificentiam munerum liberalitatemque naturae, iuventutis et gratiosorum in suffragiis studia propter ipsius excellentem in eo genere vel gratiam vel diligentiam, nostram suffragationem, si minus potentem, at probatam tamen et iustam et debitam et propterea fortasse etiam gratiosam. Dux nobis et auctor opus est et eorum ventorum, quos proposui, moderator quidam et quasi gubernator. qui si ex omnibus unus optandus esset, quem tecum conferre possemus non haberemus. quam ob rem, si me memorem, si gratum, si bonum virum vel ex hoc ipso, quod tam vehementer de Milone laborem, existimare potes, si dignum denique tuis beneficiis iudicas, hoc a te peto, ut subvenias huic meae sollicitudini et huic meae laudi vel, ut verius dicam, prope saluti tuum studium dices. De ipso T. Annio tantum tibi polliceor, te maioris animi, gravitatis, constantiae benevolentiaeque erga te, si complecti hominem volueris, habiturum esse neminem; mihi vero tantum decoris, tantum dignitatis adiunxeris ut eundem te facile adgnoscam fuisse in laude mea, qui fueris in salute. Ego ni te videre scirem, qua mente haec scriberem, quantum offici sustinerem, quanto opere mihi esset in hac petitione Milonis omni non modo contentione, sed etiam dimicatione elaborandum, plura scriberem; nunc tibi omnem rem atque causam meque totum commendo atque trado. Unum hoc sic habeto, si a te hanc rem impetraro, me paene plus tibi quam ipsi Miloni debiturum; non enim mihi tam mea salus cara fuit, in qua praecipue sum ab illo adiutus, quam pietas erit in referenda gratia iucunda; eam autem unius tuo studio me adsequi posse confido. |
183. — A. C. CURION. Rome. F II, 6. On ne parle pas encore de votre arrivée en Italie, au moment où je vous écris ce mot que vous remettra Sextus Villius, ami de mon cher Milon. On croit que vous arriverez bientôt; on sait même positivement que vous avez quitté l'Asie pour vous rendre en droite ligne à 178 Rome. Mais ce que j'ai à vous dire est si important, et j'ai tant de hâte de savoir cette lettre entre vos mains, que j'ai passé sur ce que mon empressement peut avoir d'indiscret. Si je mesurais mes droits sur vous, mon cher Curion, à votre reconnaissance plutôt qu'à leur véritable valeur, je serais moins hardi à vous solliciter. En effet, il y a je ne sais quoi qui répugne à la délicatesse à réclamer un service de celui qu'on croit soi-même avoir obligé. La prière dans ce cas a l'air d'une exigence. Ce n'est plus une grâce qu'on demande, c'est une dette qu'on se fait payer. Heureusement ce que je vous dois est connu de l'univers entier, et les obligations que je vous ai tirent de l'étrange fatalité de mes épreuves un éclat immense. Heureusement encore c'est le propre des caractères généreux d'aimer à se sentir attachés par le plus de liens possibles. Aussi ne me fais-je aucun scrupule de vous demander une chose qui est immense pour moi, une chose qui m'est tout à fait indispensable. Je ne recule point devant l'étendue des obligations que je contracte. Je sens que mon cœur a place pour une gratitude sans borne et qu'il peut suffire à l'immensité de sa dette.-Je n'ai plus qu'une pensée, et j'y rapporte tout ce que j'ai d'activité, de zèle, d'adresse, de puissance, mon âme tout entière enfin; c'est le consulat de Milon. Chez moi, ce n'est pas seulement le sentiment d'un devoir, c'est une religion. Jamais homme n'eut plus à cœur l'intérêt de sa fortune ou sa propre conservation, que moi l'honneur d'un ami à qui j'ai attaché toutes mes espérances. Je sais tout ce que peut votre concours; et si vous nous l'accordiez, je serais au comble de mes vœux. Déjà nous avons pour nous les honnêtes gens qu'il s'est attachés, vous le comprenez bien sans doute, par son zèle pour moi pendant son tribunal ; le vulgaire et la foule dont il s'est assuré la faveur par sa magnificence dans les jeux et la grandeur de ses manières; la jeunesse et les gens en crédit dans les élections qu'il a gagnés passa bonne grâce et son obligeance sans égale; enfin il faut tenir compte démon propre suffrage, qui n'a pas grand poids peut-être, mais qu'on prise pourtant, et qui doit peut-être à la justice de son principe une sorte de faveur toute particulière. Poussés par tant de vents divers, nous avons besoin d'un pilote assez habile pour gouverner leur action et nous faire arriver au port. Or si nous avions à choisir, il n'y en a pas un entre tous que nous voulussions vous préférer. Si donc vous pouvez juger de mes sentiments de gratitude, de mon honnêteté, par le zèle même dont je me sens si profondément animé pour Milon ; si, enfin, vous ne me croyez pas indigne de vos bienfaits; je vous demande de venir en aide à ma peine, et de me seconder dans une occasion où il y va démon honneur: je pourrais presque dire, où il y va de mon existence. En ce qui concerne T. Annius (Milon) personnellement, je me bornerai à vous garantir que, si vous prenez en main sa candidature, vous ne trouverez personne de plus noble, de plus ferme et de plus dévoué dans sa reconnaissance. Quant à moi, je recevrais par vous de son triomphe un tel surcroît de lustre et d'éclat, que je croirais vous devoir autant pour l'honneur que je vous dois déjà pour la vie. — J'en dirais davantage, si vous ne voyiez pas sur ce peu de mots quelle est la grandeur de ma tâche, et tout ce que j'ai d'efforts à faire, de combats à soutenir. Je vous en supplie, que les intérêts de Milon, que sa cause deviennent désormais les vôtres : c'est moi, moi que je vous recommande et que je vous livre. Car sachez bien que le succès me placerait envers vous dans cette position que je me regarderais comme votre obligé presque autant que je le suis à Milon lui-même. Je tiens moins au bienfait de la vie qu'il a tant contribué à me conserver, qu'au plaisir de lui en témoigner ma reconnaissance, et c'est de vous seul que tout dépend. |
Scr. In castris ad Pindinessum a d. xiv K. Ianuar. A. 703 (51). M. CICERO IMP. S. D. C. CVRIONI TR. PL. Sera gratulatio reprehendi non solet, praesertim si nulla neglegentia praetermissa est; longe enim absum, audio sero; sed tibi et gratulor et, ut sempiternae laudi tibi sit iste tribunatus, exopto teque hortor, ut omnia gubernes et moderere prudentia tua, ne te auferant aliorum consilia. Nemo est qui tibi sapientius suadere possit te ipso; numquam labere, si te audies. Non scribo hoc temere; cui scribam, video; novi animum, novi consilium tuum; non vereor ne quid timide, ne quid stulte facias, si ea defendes, quae ipse recta esse senties. quod in rei publicae tempus non incideris, sed veneris (iudicio enim tuo, non casu in ipsum discrimen rerum contulisti tribunatum tuum), profecto vides; quanta vis in re publica temporum sit, quanta varietas rerum, quam incerti exitus, quam flexibiles hominum voluntates, quid insidiarum, quid vanitatis in vita, non dubito quin cogites. Sed, amabo te, cura et cogita, Curio,—nihil novi, sed illud idem, quod initio scripsi : tecum o loquere, te adhibe in consilium, te audi, tibi obtempera. Alteri qui melius consilium dare possit quam tu, non facile. Inveniri potest; tibi vero ipsi certe nemo melius dabit. Dii immortales! cur ego absum vel spectator laudum tuarum vel particeps vel socius vel minister consiliorum? Tametsi hoc minime. Tibi deest; sed tamen efficeret magnitudo et vis amoris mei, consilio te ut possem luvare. Scribam ad te plura alias; paucis enim diebus eram missurus domesticos tabellarios, ut, quoniam sane feliciter et ex mea sententia rem publicam gessimus, unis litteris totius aestatis res gestas ad senatum perscriberem. De sacerdotio tuo quantam curam adhibuerim quamque difficili in re atque causa, cognosces ex iis litteris, quas Thrasoni, liberto tuo, dedi. Te, mi Curio, pro tua incredibili in me benevolentia meaque item in te singulari rogo atque oro, ne patiare quicquam mihi ad hanc provincialem molestiam temporis prorogari. Praesens tecum egi, cum te tr. Pl. Isto anno fore non putarem, itemque petivi saepe per litteras, sed tum quasi a †senatuore, nobilissimo tamen adulescente et gratiosissimo, nunc a tr. Pl. Et a Curione tribuno, non ut decernatur aliquid novi, quod solet esse difficilius, sed ut ne quid novi decernatur, ut et senati consultum et leges defendas, eaque mihi condicio maneat, qua profectus sum. Hoc te vehementer etiam atque etiam rogo. |
232. — A C. CURION, TRIBUN DU PEUPLE. Pindenissum. F. II, 7. Une félicitation tardive n'en est pas plus mal accueillie quand la négligence n'y est pour rien. Je suis au bout du monde; les nouvelles m'arrivent bien tard. Enfin recevez mon compliment et tous les vœux que je fais, pour que vous suiviez la route qui peut rendre votre tribunal immortel. Je vous engage fort à ne vous diriger, à n'agir en tout que d'après vos propres lumières; à ne pas céder aux donneurs d'avis. Nul ne vous conseillera jamais mieux que vous-même ; écoutez vos inspirations et vous ne risquez pas de faillir. Ce ne sont pas là des mots en l'air. Je sais à qui je parle, je connais votre esprit, votre jugement. Je ne redoute de vous ni faute, ni faiblesse, ni erreur, quand vous ne soutiendrez que ce qui vous paraîtra juste. Vous arrivez a une époque, (ce n'est pas le hasard seul, c'est votre volonté qui vous a conduit au tribunal au milieu de circonstances si perplexes), vous arrivez à une époque où vous ne pouvez vous dissimuler que la violence est à l'ordre du jour, la confusion partout, les moyens de sortir d'embarras fort douteux, et où l'on ne peut guères compter sur personne. Que de pièges, que de déceptions sur votre route! Vous y avez bien réfléchi, je n'en doute pas. Ne formez de plan, je vous en conjure, n'ayez de règle que celle que je vous recommandais tout à l'heure; consultez-vous, délibérez en vous-même et suivez votre impulsion. Difficilement trouverait-on meilleur conseiller pour tout autre; pour vous certes, il n'en est aucun. Dieux immortels! Pourquoi faut-il que je ne sois pas là pour assister à vos succès, pour être le confident, l'associé, le ministre de vos volontés ! Vous n'avez besoin de personne assurément, mais peut-être sortirait-il quelques idées heureuses des inspirations de ma grande et vive amitié. Je vous écrirai bientôt plus au long. Je me propose d'expédier, sous peu de jours, un de mes gens en message auprès du sénat, et de lui rendre compte dans un seul rapport des opérations diverses de cette campagne où tout a réussi fort heureusement et selon mes calculs. Vous verrez par la lettre dont j'ai chargé Thrason, votre affranchi, combien de peines je me suis données pour la difficile affaire de votre sacerdoce que les circonstances compliquaient encore. En ce qui me concerne, mon cher Curion, par l'amitié que vous avez pour moi, par celle que je vous porte, je vous recommande une seule chose. Ne souffrez pas, je vous en conjure, qu'on prolonge pour moi ces ennuis de province et de gouverne ment. Vous savez ma pensée à cet égard. Je vous l'ai dite à une époque où j'étais loin de croire que vous seriez tribun cette année. Je parlais alors à un très-noble sénateur et à un très-gracieux jeune homme. Aujourd'hui je m'adresse à un tribun du peuple, et ce tribun est Curion. Je ne demande pas, (chose difficile!) qu'on fasse pour moi du nouveau. Bien de nouveau au contraire. Que le sénatus-consulte et les lois aient, grâce à vous, leur cours ordinaire, et que la condition qu'on m'a 230 faite à mon départ ne soit changée en rien. Voilà ce que je vous demande instamment. |
Scr. Athenis prid. Non. Quint. 0.703 (51). M. CICERO PROCOS. S. D. M. CAELIO. Quid? Tu me hoc tibi mandasse existimas, ut mihi gladiatorum compositiones, ut vadimonia dilata et Chresti compilationem mitteres et ea, quae nobis, cum Romae sumus, narrare nemo audeat? Vide, quantum tibi meo iudicio tribuam (nec me hercule iniuria;πολιτικώτερον enim te adhuc neminem cognovi). Ne illa quidem curo mihi scribas, quae maximis in rebus rei publicae geruntur cotidie, nisi quid ad me ipsum pertinebit; scribent alii, multi nuntiabunt, perferet multa etiam ipse rumor. qua re ego nec praeterita nec praesentia abs te, sed ut ab homine longe in posterum prospiciente futura exspecto, ut, ex tuis litteris cum formam rei publicae viderim, quale aedificium futurum sit scire possim. Neque tamen adhuc habeo quod te accusem; neque enim fuit quod tu plus providere posses quam quivis nostrum in primisque ego, qui cum Pompeio compluris dies nullis in aliis nisi de re publica sermonibus versatus sum; quae nec possunt scribi nec scribenda sunt; tantum habeto, civem egregium esse Pompeium et ad omnia, quae providenda sunt in re publica, et animo et consilio paratum. qua re da te homini; complectetur, mihi crede. Iam idem illi et boni et mali cives videntur, qui nobis videri solent. Ego cum Athenis decem ipsos dies fuissem multumque mecum Gallus noster Caninius, proficiscebar inde pridie Nonas Quintilis, cum hoc ad te litterarum dedi. Tibi cum omnia mea commendatissima esse cupio tum nihil magis quam ne tempus nobis provinciae prorogetur; in eo mihi sunt omnia. quod quando et quo modo et per quos agendum sit, tu optime constitues. |
204. A M. CÉLIUS. Athènes, juillet. F. II, 8. Quoi ! est-ce ainsi que vous me comprenez! des histoires de gladiateurs, des ajournements de procès, des compilations de Chrestus, toutes rapsodies dont on n'oserait me dire mot quand je suis à Rome ! Vous allez voir quelle opinion j'ai de vous; et par Hercule, ce n'est pas sans raison, car je ne connais pas, en politique, de meilleure tête que la vôtre. Ce que j'attends de vous, ce n'est pas que vous me teniez au courant des affaires de la république, quelle que soit leur importance, à moins que je n'y sois personnellement pour quelque chose. Assez d'autres se chargeront de ce soin par lettre ou de vive voix, et la renommée elle-même m'en apportera sa part. Je ne vous demande donc ni le passé ni le présent; mais je veux qu'en homme qui voit de loin, vous me parliez de l'avenir ; que votre correspondance mette sous mes yeux comme un plan de la charpente actuelle de la république, 193 d'après lequel je puisse juger de la forme que prendra plus tard l'édifice. Je n'ai point encore à me plaindre ; vous ne pouviez être meilleur prophète qu'aucun de nous, que moi surtout, qui viens de passer plusieurs jours avec Pompée, ne parlant d'autre chose que des affaires publiques, e ne puis ni ne dois confier à une lettre le détail de nos entretiens. Apprenez seulement que Pompée est un citoyen parfait, et que sa prévoyance, son courage, sa sagesse ne sont en défaut sur rien. Livrez-vous à lui, il vous recevra à bras ouverts, je vous en réponds. Il en est à ne tenir pour bons ou pour mauvais citoyens que ceux que nous autres nous réputons tels. — Je me suis arrêté ces dix jours-ci à Athènes, et j'y ai vu beaucoup notre ami Gallius Caninius ; j'en pars aujourd'hui, veille des nones de juillet, après vous avoir écrit cette lettre. Je vous recommande tous mes intérêts sans exception, j'insiste surtout de la manière la plus vive pour ne pas être prorogé dans ma province. Pour moi, tout est là. Que faut-il faire, quand, et comment agir, quels ressorts mettre en jeu, c'est ce que vous jugerez mieux que moi. |
Scr. In castris ad Pindenissum vel ex m. Oct. Vel in. Nov. A. 703 (51). M. CICERO PROCOS. S. D. M. CAELIO AEDILI CVR. DESIGNATO. Primum tibi, ut debeo, gratulor laetorque cum praesenti tum etiam sperata tua dignitate, serius non neglegentia mea, sed ignoratione rerum omnium; in iis enim sum locis, quo et propter longinquitatem et propter latrocinia tardissime omnia perferuntur. Et cum gratulor tum vero quibus verbis tibi gratias agam non reperio, quod ita factus sis, ut dederis nobis, quem ad modum scripseras ad me, quem semper ridere possemus. Itaque, cum primum audivi, ego ille ipse factus sum (scis quem dicam) egique omnis illos adulescentis, quos ille iactitat. Difficile est loqui ; te autem contemplans absentem et quasi tecum coram loquerer: “Non edepol, quantam rem egeris neque quantum facinus feceris; ” quod quia praeter opinionem mihi acciderat, referebam me ad illud: “Incredibile hoc factu obicitur; ” repente vero “incessi omnibus laetitiis laetus.” in quo cum obiurgarer, quod nimio gaudio paene desiperem, ita me defendebam “Ego voluptatem animi nimiam—. ” Quid quaeris? Dum illum rideo, paene sum factus ille. Sed haec pluribus multaque alia et de te et ad te, quom primum ero aliquid nactus oti. Te vero, mi Rufe, diligo, quem mihi fortuna dedit amplificatorem dignitatis meae, ultorem non modo inimicorum sed etiam invidorum meorum, ut eos partim scelerum suorum, partim etiam ineptiarum paeniteret. |
229. — A M. CÉLIUS, ÉDILE CURULE DÉSIGNÉ. Mont Taurus. F. II, 9. Je commence, car je le dois, par des félicitations, et je me réjouis à la fois de la dignité que vous venez d'obtenir et de celles qui vous attendent. Si je suis un peu en retard, ne vous en prenez pas à moi, mais bien à l'ignorance où je reste de toute chose. L'éloignement et le peu de sûreté des routes font que l'on est ici un siècle à avoir des nouvelles. Maintenant que je vous ai félicité, quels remercîments vous faire d'à voir si bien travaillé à nous ménager, comme vous le dites, de quoi rire tous deux le reste de nos jours ? Aussi, à votre premier mot, me suis-je mis à le contrefaire, vous savez qui (Hirrius). J'ai aussi mimé tour à tour toute cette fameuse jeunesse que notre homme vante à tout propos. J'aurais peine à vous rendre cette scène. Je vous supposais à mes côtés et vous tenais à peu près ce langage : « Vous ne savez pas quelle grande action et quel grand exploit vous avez fait ! » Puis, dans la surprise où me jetait cette nouvelle inattendue, il m'est revenu cette exclamation : « Ah ! l'incroyable aventure ! » Alors c'a été de ma part, une explosion de joie délirante. Et comme on me grondait d'une hilarité qui allait jusqu'à l'extravagance, je répondais pour excuse: « La joie est plus forte que moi. » Que voulez-vous ? En me moquant de lui, je deviens presque son second tome. J'aurais encore beaucoup à dire sur vous et à votre sujet. Ce sera quand j'aurai un peu de loisir. Je vous aime pour bien des raisons, mon cher Rufus ; vous que la fortune m'a donné pour défendre mes intérêts, me venger de mes ennemis et même de mes envieux, et pour que justice fût faite de l'infamie des uns et de l'impertinence des autres. |
Scr. In castris ad Pindenissum a. D. xvii K. Decembr. A. 703 (51). M. CICERO IMP. S. D. M. CAELIO AEDILI CVRVLI DESIGNATO. Tu vide, quam ad me litterae non perferantur; non enim possim adduci ut abs te, postea quam aedilis es factus, nullas putem datas, praesertim cum esset tanta res tantae gratulationis, de te, quia quod sperabam, de Hillo (balbus enim sum), quod non putaram. Atqui sic habeto, nullam me epistulam accepisse tuam post comitia ista praeclara, quae me laetitia extulerunt; ex quo vereor ne idem eveniat in meas litteras. Equidem numquam domum misi unam epistulam quin esset ad te altera, nec mihi est te iucundius quicquam nec carius. Sed (balbi non sumus) ad rem redeamus. Ut optasti, ita est; velles enim, ais, tantum modo ut haberem negoti, quod esset ad laureolam satis, Parthos times, quia diffidis copiis nostris. Ergo ita accidit; nam Parthico bello nuntiato locorum quibusdam angustiis et natura montium fretus ad Amanum exercitum adduxi satis probe ornatum auxiliis et quadam auctoritate apud eos, qui me non norant, nominis nostri; multum est enim in his locis: 'hicine est ille, qui urbem? quem senatus?' nosti cetera. Cum venissem ad Amanum, qui mons mihi cum Bibulo communis est divisus aquarum divertiis, Cassius noster, quod mihi magnae voluptati fuit, feliciter ab Antiochea hostem re iecerat, Bibulus provinciam acceperat. Interea cum meis copiis omnibus vexavi Amaniensis, hostis sempiternos; multi occisi, capti, reliqui dissipati; castella munita improviso adventu capta et incensa. Ita victoria iusta imperator appellatus apud Issum, quo in loco, saepe ut ex te audivi, Clitarchus tibi narravit Dareum ab Alexandro esse superatum, abduxi exercitum ad infestissimam Ciliciae partem. Ibi quintum et vicesimum iam diem aggeribus, viniis, turribus oppugnabam oppidum munitissimum, Pindenissum, tantis opibus tantoque negotio, ut mihi ad summam gloriam nihil desit nisi nomen oppidi. quod si, ut spero, cepero, tum vero litteras publice mittam; haec ad te in praesenti scripsi, ut sperares te adsequi id, quod optasses. Sed ut redeam ad Parthos, haec aestas habuit hunc exitum satis felicem; ea, quae sequitur, magno est in timore. qua re, mi Rufe, vigila, primum ut mihi succedatur ; sin id erit, ut scribis et ut ego arbitror, spissius, illud, quod facile est, ne quid mihi temporis prorogetur. De re publica ex tuis litteris, ut antea tibi scripsi, cum praesentia tum etiam futura magis exspecto. qua re, ut ad me omnia quam diligentissime perscribas, te vehementer rogo. |
231. — A M. CÉLIUS ÉDILE CURULE DÉSIGNÉ. Pindenissum. F. II, 10. Vous voyez vous-même combien de lettres me manquent, car on ne me persuadera jamais que vous ne m'ayez point écrit depuis votre nomination à l'édilité. C'était un si grand événement. II y a tant à se féliciter et pour vous d'une espérance satisfaite, et pour Hillus, (pardon, je bégaie) d'une attente trompée. Or, vous saurez que je n'ai reçu aucune lettre sur ces admirables comices qui m'ont fait bondir de joie ; aussi je crains qu'il n'arrive également malheur à mes dépêches. Je n'ai pas écrit une seule fois chez moi sans y joindre un mot pour vous, pour vous qui êtes ce que je connais au monde de plus aimable et ce que j'ai de plus cher. Mais je ne suis plus bègue ; revenons à mon sujet.—Vos vœux sont exaucés. Vous ne me désiriez d'affaire sur les bras que tout juste assez pour mériter un petit bout de laurier, et vous redoutiez les Par thés, ne me croyant pas assez fort. Eh bien! ton a été à souhait. Au premier bruit d'une inva sion parthe, favorisé par les nombreux défilés et le sol montueux de cette contrée, je marcha sur le mont Amanus. J'avais un assez bon renfort d'auxiliaires, et mon nom imposait à ceux qui ic m'avaient jamais vu. Car vous saurez qu'il a du retentissement ici. N'est-ce pas, dit-on, celui qui Rome...? celui que le sénat...? Vous achevez les phrases. Arrivé au pied de l'Amanus, dont a crête me sépare de Bibulus, et qui, par ses deux versants, appartient aux deux provinces, j'appris non sans une grande joie, que Cassius avait réussi à rejeter l'ennemi loin d'Antioche. Bibulus avait enfin pris possession. — Je profitai de l'occasion pour donner une sévère leçon aux peuplades de l'Amanus, les éternels ennemis du nom romain. J'en tuai ou pris en grand nombre. Le reste se dispersa. Grâce à la soudaineté de mon attaque, les châteaux forts purent être emportés et brûlés. La victoire étant complète, je fus salué imperator sur les bords de l'Issus, précisément où Alexandre défit Darius, ainsi que vous l'a raconté Clitarque, et que je vous l'ai entendu répéter maintes fois à vous-même ; je dirigeai alors mon armée vers les points les plus infestés de la Cilicie. Là, depuis vingt-cinq jours, j'assiège Pindénissum, qui est une ville très-forte. J'ai ouvert des tranchées, construit des parapets, des tours. Cette affaire exige tant d'appareil, un tel déploiement de forces, qu'il ne manquerait à ma conquête, pour me placer au faîte de la gloire, qu'un nom qui sonne mieux. Si je m'en rends maître, comme je l'espère, je ferai partir à l'instant des lettres officielles. Je vous écris provisoirement afin de vous donner l'avant-goût de l'accomplissement de vos vœux pour moi. Pour en revenir aux Parthes, cette campagne finit assez bien, mais on craint beaucoup pour l'année prochaine. Alerte donc, mon cher Rufus, et vite 219 un successeur! Que si comme vous le dites et comme je le conçois, on ne peut pas aller si rondement, faites du moins ce qui est facile, qu'on lie me proroge pas ici d'une minute. Je compte que désormais vos lettres me montreront mieux le fonds de la situation actuelle et ce que l'avenir nous réserve. Mettez un peu d'amitié, je vous en conjure, à me tenir au courant de tout. Adieu. |
Scr. Laudiceae prid. Non. Apr. A. 704 (50). M. CICERO IMP. D. M. CAELIO AEDILI CVRVLI Putaresne umquam accidere posse, ut mihi verba dessent, neque solum ista vestra oratoria, sed haec etiam levia nostratia? Desunt autem propter hanc causam, quod mirifice sum sollicitus, quidnam de provinciis decernatur. Mirum me desiderium tenet urbis, incredibile meorum atque in primis tui, satietas autem provinciae, vel quia videmur eam famam consecuti ut non tam accessio quaerenda quam fortuna metuenda sit, vel quia totum negotium non est dignum viribus nostris, qui maiora onera in re publica sustinere et possim et soleam, vel quia belli magni timor impendet, quod videmur effugere, si ad constitutam diem decedemus. De pantheris per eos, qui venari solent, agitur mandatu meo diligenter; sed mira paucitas est, et eas, quae sunt, valde aiunt queri, quod nihil cuiquam insidiarum in mea provincia nisi sibi fiat. Itaque constituisse dicuntur in Cariam ex nostra provincia decedere. Sed tamen sedulo fit et in primis a Patisco. quicquid erit, tibi erit, sed quid esset plane nesciebamus. Mihi me hercule magnae curae est aedilitas tua; ipse dies me admonebat; scripsi enim haec ipsis Megalensibus. Tu velim ad me de omni rei publicae statu quam diligentissime perscribas; ea enim certissima putabo, quae ex te cognoro. |
260. — A CÉLIUS, ÉDILE CURULE. Laodicée, avril. F. II, 11. Croiriez-vous que pour vous écrire j'en suis à chercher mes mots? je ne dis pas les mots de votre langue oratoire, mais ceux de la langue vulgaire que nous parlons ici. C'est l'effet du tourment d'esprit où me jette l'attente d'une décision sur les provinces. Je soupire après Rome, après les miens plus qu'on ne saurait croire, après vous en première ligne ; et j'ai pris ma province en dégoût. Serait-ce qu'au point de gloire où je suis arrivé, il faille moins songer à y ajouter, que craindre un retour de la fortune? Est-ce dédain de mon esprit pour ces minces détails du gouvernement provincial, quand les plus grandes affaires de l'État sont à sa taille et dans ses habitudes? N'est-ce pas plutôt qu'il recule d'instinct sous la menace d'une guerre redoutable, et cherche à la conjurer par un rappel nu temps marqué par la loi? — On s'occupe activement de vos panthères. Les ordres sont donnés à des chasseurs de profession ; mais elles sont singulièrement rares, et le peu qu'on rencontre se plaignent amèrement, dit-on, de ce qu'elles sont les seules créatures mal menées de la province. L'on m'assure même qu'elles sont décidées à quitter mon gouvernement, et à se retirer dans la Carie. On ne laisse pas de leur faire bonne chasse. Patiscus y est des premiers. Tout ce qu'on prendra sera pour vous. Je ne sais à quel nombre on en est. Croyez que je me fais une affaire d'honneur de votre édilité, et ce n'est pas aujourd'hui que je vous oublierais ; car ma lettre est datée des fêtes mégaliennes. — Vous me feriez bien plaisir de m'écrire un peu en détail sur l'état présent des affaires. J'ai foi par dessus toutes choses aux nouvelles qui me viennent de vous. |
Scr. In castris in Cilicia paulo ante vi K. Quint. A. 704 (50). M. CICERO IMP. S. D. M CAELIO AEDILI CVRVLI Sollicitus equidem eram de rebus urbanis; ita tumultuosae contiones, ita molestae Quinquatrus adferebantur (nam citeriora nondum audiebamus); sed tamen nihil me magis sollicitabat quam in iis molestiis non me, si quae ridenda essent, ridere tecum; sunt enim multa, sed ea non audeo scribere. Illud moleste fero, nihil me adhuc his de rebus habere tuarum litterarum. qua re etsi, cum tu haec leges, ego iam annuum munus confecero, tamen obviae mihi velim sint tuae litterae, quae me erudiant de omni re publica, ne hospes plane veniam. Hoc melius quam tu facere nemo potest. Diogenes tuus, homo modestus, a me cum Philone Pessinunte discessit. Iter habebant ad Adiatorigem, quamquam omnia nec benigna nec copiosa cognorant. Urbem, urbem, mi Rufe, cole et in ista luce vive; omnis peregrinatio, quod ego ab adulescentia iudicavi, obscura et sordidast iis, quorum industria Romae potest inlustris esse. quod cum probe scirem, utinam in sententia permansissem! cum una me hercule ambulatiuncula atque uno sermone nostro omnis fructus provinciae non confero. Spero me integritatis laudem consecutum; non erat minor ex contemnenda quam est ex conservata provincia. 'spem triumphi?' inquis. Satis gloriose triumpharem; non essem quidem tam diu in desiderio rerum mihi carissimarum. Sed, ut spero, propediem te videbo; tu mihi obviam mitte epistulas te dignas. |
268. — A M. CÉLIUS, ÉDILE CURULE. Cilicie. F. II, 12. Je suis en peine des affaires de Rome: J'apprends que les assemblées ont été tumultueuses et que les quinquatrides se sont mal passées. Mais on ne me dit pas quelle en a été la suite. Au demeurant, ce qui me met le plus en peine, c'est de ne pouvoir pas rire avec vous de ce qu'il y a de risible dans tous ces embarras ; il y a matière. Mais je n'ose me confier à une lettre. Je ne vous pardonne pas. de ne m'avoir encore envoyé aucun détail. Quoique mon année d'exercice doive être Unie, au moment où vous lirez ceci, je n'en désire pas moins recevoir en chemin une lettre de vous qui me mette au courant des affaires, afin que je ne tombe pas à Rome comme un homme tout neuf. Personne ne peut remplir cette mission mieux que vous. — Votre Diogène, qui est un garçon fort sage, m'a quitté avec Philon à Pessinunte. Ils se rendent auprès d'Adiatorix, quoiqu'ils sachent très-bien tous deux par expérience qu'il n'y a libéralité ni faveur à y attendre. Rome! Rome! mon cher Rufus. Là est la vie; là luit le soleil. Voyager, pour quiconque peut faire figure à Rome, c'est aller chercher l'obscurité et la fange. Voilà ce que j'ai toujours pensé dès ma jeunesse. Ah ! puisque c'était ma conviction, que ne m'y suis-je tenu! Pour une seule de nos causeries, de nos promenades, je donnerais tout ce que me vaut la province. — Je m'y suis fait, je crois, une réputation d'intégrité. Mais je me faisais autant d'honneur en refusant qu'en acceptant la mission. Et la perspective du triomphe? allez-vous dire. Mon triomphe serait assez beau. Je n'eusse pas été si longtemps sevré de tout ce qui peut m'être agréable. Enfin je vais vous revoir. Faites que je trouve en chemin une de ces lettres comme vous en savez écrire. |
Scr. Laudiceae inter K. Et Non. Maias a. 704 (50). M. CICERO IMP. S. D. M. CAELIO AEDILI CVRVLI. Raras tuas quidem (fortasse enim non perferuntur), sed suavis accipio litteras; vel quas proxime acceperam, quam prudentis, quam multi et offici et consili! etsi omnia sic constitueram mihi agenda, ut tu admonebas tamen conio firmantur nostra consilia, cum sentimus prudentibus fideliterque suadentibus idem videri. Ego Appium, ut saepe tecum locutus sum, valde diligo meque ab eo diligi statim coeptum esse, ut simultatem deposuimus, sensi; nam et honorificus in me cos. Fuit et suavis amicus et studiosus studiorum etiam meorum; mea vero officia ei non defuisse tu es testis, quoi iam κωμικὸς μαρτύς ut opinor, accedit Phania, et me hercule etiam pluris eum feci, quod te amari ab eo sensi. Iam me Pompei totum esse scis; Brutum a me amari intellegis. quid est causae cur mihi non in optatis sit complecti hominem florentem aetate, opibus, honoribus, ingenio, liberis, propinquis, adfinibus, amicis, conlegam meum praesertim et in ipsa collegi laude et scientia studiosum mei? Haec eo pluribus scripsi, quod non nihil significabant tuae litterae subdubitare, qua essem erga illum voluntate. Credo te audisse aliquid. Falsum est, mihi crede, si quid audisti. Genus institutorum et rationum mearum dissimilitudinem non nullam habet cum illius administratione provinciae; ex eo quidam suspicati fortasse sunt animorum contentione, non opinionum dissensione me ab eo discrepare; nihil autem feci umquam neque dixi, quod contra illius existimationem esse vellem, post hoc negotium autem et temeritatem nostri Dolabellae deprecatorem me pro illius periculo praebeo. Erat in eadem epistula 'veternus civitatis.' gaudebam sane et congelasse nostrum amicum laetabar otio. Extrema pagella pupugit me tuo chirographo. quid ais? Caesarem nunc defendit 'Curio? quis hoc putaret praeter me? Nam, ita vivam, putavi. Di immortales, quam ego risum nostrum desidero! mihi erat in animo, quoniam iuris dictionem confeceram, civitates locupletaram, publicanis etiam superioris lustri reliqua sine sociorum ulla querela conservaram, privatis, summis infimis, fueram iucundus, proficisci in Ciliciam Nonis Mais et, cum prima aestiva attigissem militemque conlocassem, decedere ex senatus consulto. Cupio te aedilem videre, miroque desiderio me urbs adficit et omnes mei tuque in primis. |
262. — A CÉLIUS, ÉDILE CURULE. Laodicée, avril. F. II,13. Vos lettres sont rares : peut-être ne m'arrivent-elles pas exactement. Mais elles me charment toujours. Dans votre dernière, par exemple, quel cachet de sagesse ! que d'obligeance et de raison! Mes intentions avaient, il est vrai, deviné les vôtres ; mais on est bien plus sur de soi avec l'assentiment de gens habiles et de bon conseil. J'ai, je vous le répète, beaucoup d'affection pour Appius, et il commence à y répondre ; je m'en aperçois depuis que notre différend a cessé. Je l'ai trouvé soigneux de mon honneur comme consul, charmant comme ami et s'intéressant marne à mes goûts littéraires. Mes bons offices non plus ne lui ont pas manqué. J'en appelle à votre témoignage; et mou témoin de comédie, Phanias, viendra, je le suppose, l'appuyer. Depuis que je sais qu'Appius vous aime, je l'en aime, je vous assure, davantage encore. Je suis à Pompée sans réserve; vous le savez, et vous n'ignorez pas à quel point je chéris Brutus. Comment pourrais-je ne pas mettre du prix à vivre dans de bons et intimes rapports avec un homme dans la force de l'âge, riche, honoré, qui a des fils, des proches, des alliés, des amis, qui est de plus du même collège que moi, et qui m'a donné un souvenir flatteur, à la suite des succès qu'il a obtenus dans la science de l'augurât ? Si je m'arrête si longuement sur ce sujet, c'est que j'ai cru reconnaître que vous doutez de mes sentiments pour Appius. On vous aura dit quelque chose. Mais tout ce- qu'on a pu vous dire est faux, je vous en réponds. A la vérité mes principes ne sont pas les si ns en matière d'administration, et j'ai établi d'autres règles. Peut-être en aura-t-on conclu qu'il y avait entre nous animosité, et non pas simplement divergence. Mais je me serais bien gardé de rien faire et de rien dire qui ne fût parfaitement honorable pour lui. Enfin après cette affaire et la démarche inconsidérée de Dolabella, ne me suis-je pas mis en avant pour le couvrir? — La langueur, dites-vous, s'est emparée de toute la ville. J'aimerais assez voir notre ami (Curion) s'engourdir dans le repos. Mais les dernières lignes de votre main m'ont mis la puce à l'oreille. Quoi! Curion est aujourd'hui pour César! Excepté moi, qui le croira? sur ma vie, je m'en doutais. Dieux immortels ! que ne puis-je en rire avec vous ! — Maintenant que le terme arrive, que j'ai enrichi les villes, conservé aux publicains 255 les restes de leur dernier bail, sans exciter de plaintes de la part des alliés, que je sais enfin m'être rendu agréable à tous les habitants, grands et petits, je ne songe plus qu'à partir pour la Cilicie aux nones de mai ; et dès les premiers jours de l'été, après avoir réglé tout ce qui regarde la guerre, j'exécute le sénatus-consulte et je pars. Je veux absolument vous voir édile, et vous ne sauriez croire à quel point je soupire après Rome, après mes amis, après vous, par dessus tout. |
Scr. Laudiceae m. Febr. A. 704 (50). M. CICERO IMP. S. D. M CAELIO AEDILI CVRVLI. M. Fadio, viro optimo et homine doctissimo, familiarissime utor mirificeque eum diligo cum propter summum ingenium eius summamque doctrinam tum propter singularem modestiam. Eius negotium sic velim suscipias, ut si esset res mea Novi ego vos magnos patronos; hominem occidat oportet, qui vestra opera uti velit. Sed in hoc homine nullam accipio excusationem. Omnia relinques, si me amabis, cum tua opera Fadius uti volet. Ego res Romanas vehementer exspecto et desidero in primisque quid agas scire cupio; nam iam diu propter hiemis magnitudinem nihil novi ad nos adferebatur. |
250. — A M. CÉLIUS, ÉDILE CURULE. Laodicée, février. F. II, 14. Marcus Fabius est mon intime : c'est un homme de bien par excellence et des plus instruits, mais ce n'est pas seulement pour son esprit et son savoir que je l'aime, c'est encore pour sa modestie, qui est sans égale. Je vous recommande son affaire comme s'il s'agissait de mes propres intérêts. Or je connais vos allures, à vous autres grands avocats. C'est peine perdue de s'adresser à vous, si l'on n'a tué son homme. Mais ici point d'excuse, je n'en reçois pas. Et pour peu que vous ayez d'amitié pour moi, vous quitterez tout pour prêter votre appui à Fabius, à sa première réclamation. J'attends avec impatience des nouvelles de Rome. J'en suis sevré absolument. Je désire par-dessus tout savoir comment vous vous portez. L'hiver qui se prolonge nous prive depuis longtemps de toute communication. |
Scr. Sidae iii aut prid. Non. Sext. A. 704 (50). M. CICERO IMP. S. D. M. CAELIO AEDILI CVRVLI. Non potuit accuratius agi nec prudentius quam est actum a te cum Curione de supplicatione, et hercule confecta res ex sententia mea est cum celeritate, tum quod is, qui erat iratus, competitor tuus et idem meus, adsensus est ei, qui ornavit res nostras divinis laudibus. qua re scito me sperare ea, quae sequuntur; ad quae tu te para. Dolabellam a te gaudeo primum laudari, deinde etiam amari; nam ea, quae speras Tulliae meae prudentia temperari posse, scio cui tuae epistulae respondeant. quid, si meam legas, quam ego tum ex tuis litteris misi ad Appium? Sed quid agas? Sic vivitur. quod actum est, di adprobent. Spero fore iucundum generum nobis, multumque in eo tua nos humanitas adiuvabit. Res publica me valde sollicitat. Faveo Curioni, Caesarem honestum esse cupio, pro Pompeio emori possum; sed tamen ipsa re publica nihil mihi est carius, in qua tu non valde te iactas; districtus enim mihi videris esse, quod et bonus civis et bonus amicus es. Ego de provincia decedens quaestorem Coelium praeposui provinciae. 'puerum?' inquis. At quaestorem, at nobilem adulescentem, at omnium fere exemplo. Neque erat superiore honore usus, quem praeficerem. Pomptinus multo ante discesserat; a Quinto fratre impetrari non poterat; quem tamen si reliquissem, dicerent iniqui non me plane post annum, ut senatus voluisset, de provincia decessisse, quoniam alterum me reliquissem. Fortasse etiam illud adderent, senatum eos voluisse provinciis praeesse, qui antea non praefuissent, fratrem meum triennium Asiae praefuisse. Denique nunc sollicitus non sum; si fratrem reliquissem, omnia timerem. Postremo non tam mea sponte quam potentissimorum duorum exemplo, qui omnis Cassios Antoniosque complexi sunt, hominem adulescentem non tam allicere volui quam alienare nolui. Hoc tu meum consilium laudes necessest, mutari enim non potest. De Ocella parum ad me plane scripseras et in actis non erat. Tuae res gestae ita notae sunt, ut trans montem Taurum etiam de Matrinio sit auditum. Ego, nisi quid me etesiae morabuntur, celeriter, ut spero, vos videbo. |
278. — A M. CÉLIUS, ÉDILE CURULE. Juillet. F. II, 15. On ne pouvait agir avec plus d'adresse et de prudence que Curion et vous dans l'affaire des supplications. Certes, j'ai été servi à souhait. Une célérité admirable ! Et cet autre, de si mauvaise humeur, votre compétiteur et le mien, qui donne son suffrage à ce magnifique éloge de mou administration. Savez- vous que je me flatte maintenant d'obtenir le reste, et vous allez, j'espère, y travailler.— Je vois avec joie le 1 bien que vous dites de Dolabella, et surtout l'affection qu'il vous inspire. Car je comprends dans quel sens vous me dites que la prudence de ma Tullie saura le modérer. Ah! si vous pouviez voir ce que je viens d'écrire à Appius d'après vos propres lettres! Que voulez-vous? Telle est la vie. Fasse le ciel que ce qui est fait soit bien fait! J'espère n'avoir qu'à me louer de mon gendre ; et vos bons soins y feront beaucoup. — La république m'inquiète; mes vœux sont pour Curion :j'en fais aussi pour que César soit honnête homme. Je donnerais ma vie pour Pompée : mais la république avant tout. De votre côté, je ne vois pas que vous vous tourmentiez grandement pour elle. Il y a deux hommes en vous, le citoyen et l'ami - En quittant la province, je laisse le questeur Célius à ma place. C'est un enfant, direz- vous. Oui, mais il est questeur et de première noblesse. J'ai suivi l'exemple général. Pais il n'y avait en rang personne au-dessus de lui. Pomptinius était parti te» puis longtemps. Je n'ai pu décider mon frère. Et si je lui eusse laissé le pouvoir, mes ennemis n'auraient pas manqué de di re que, mon année finie, je ne quitte pas tout à fait la province, comme le veut l'ordre du sénat, puisque j'y laisse un autre moi-même. Peut-être allégueraient-ils encore la volonté du sénat de ne donner de gouvernement qu'à ceux qui n'en ont point encore obtenu. Or mon frère a commandé trois ans en Asie : quoi qu'il en soit, me voilà tranquille. Laissant mon frère derrière moi, j'aurais eu mille sujets de crainte. Après tout, j'ai moins suivi mon sentiment que l'exemple donné par deux hauts personnages, qui jamais n'ont manqué de combler de leurs faveurs les Cassius et les Antoine. Célius est de noble famille. J'ai moins voulu le gagner qu'éviter d'en faire un ennemi. Il me faut votre approbation, car il n'y a pas à y revenir. — Et Ocella? à peine m'en avez-vous écrit deux mots ; votre journal n'en dit pas davantage. Vos actes ont un tel retentissement que le nom de Matrinius est prononcé par delà le Taurus. Si les vents étésiens ne m'arrêtent, j'espère vous revoir bientôt. |
Scr. In Cumano iv Non. Mai. A. 705 (49). M. CICERO IMP. S. D. M. CAELIO. Magno dolore me adfecissent tuae litterae, nisi iam et ratio ipsa depulisset omnis molestias et diuturna desperatione rerum obduruisset animus ad dolorem novum. Sed tamen, qua re acciderit ut ex meis superioribus litteris id suspicarere, quod scribis, nescio; quid enim in illis fuit praeter querelam temporum? quae non meum animum magis sollicitum habent quam tuum. Nam non eam cognovi aciem ingeni tui, quod ipse videam, te id ut non putem videre; illud miror, adduci potuisse te, qui me penitus nosse deberes, ut existimares aut me tam improvidum, qui ab excitata fortuna ad inclinatam et prope iacentem desciscerem, aut tam inconstantem, ut conlectam gratiam florentissimi hominis effunderem a meque ipse deficerem et, quod initio semperque fugi, civili bello interessem. quod est igitur meum 'triste consilium'? Ut discederem fortasse in aliquas solitudines. Nosti enim non modo stomachi mei, cuius tu similem quondam habebas, sed etiam oculorum in hominum insolentium indignitate fastidium. Accedit etiam molesta haec pompa lictorum meorum nomenque imperi, quo appellor. Eo si onere carerem, quamvis parvis Italiae latebris contentus essem; sed incurrit haec nostra laurus non solum in oculos, sed iam etiam in voculas malevolorum. quod cum ita esset, nil tamen umquam de profectione nisi vobis approbantibus cogitavi. Sed mea praediola tibi nota sunt; in his mihi necesse est esse, ne amicis molestus sim. quod autem in maritimis facillime sum, moveo non nullis suspicionem velle me navigare; quod tamen fortasse non nollem, si possem ad otium; nam ad bellum quidem qui convenit? Praesertim contra eum, cui spero me satis fecisse, ab eo, cui iam satis fieri nullo modo potest. Deinde sententiam meam tu facillime perspicere potuisti iam ab illo tempore, cum in Cumanum mihi obviam venisti. Non enim te celavi sermonem T. Ampi; vidisti, quam abhorrerem ab urbe relinquenda, cum audissem; nonne tibi adfirmavi quidvis me potius perpessurum quam ex Italia ad bellum civile exiturum? quid ergo accidit, cur consilium mutarem? Nonne omnia potius, ut in sententia permanerem? Credas hoc mihi velim, quod puto te existimare, me ex his miseriis nihil aliud quaerere nisi ut homines aliquando intellegant me nihil maluisse quam pacem, ea desperata nihil tam fugisse quam arma civilia. Huius me constantiae puto fore ut numquam paeniteat. Etenim memini in hoc genere gloriari solitum esse familiarem nostrum, Q Hortensium, quod numquam bello civili interfuisset; hoc nostra laus erit inlustrior, quod illi tribuebatur ignaviae, de nobis id existimari posse non arbitror. Nec me ista terrent, quae mihi a te ad timorem fidissime atque amantissime proponuntur. Nulla est enim acerbitas, quae non omnibus hac orbis terrarum perturbatione impendere videatur; quam quidem ego a re publica meis privatis et domesticis incommodis libentissime vel istis ipsis, quae tu me mones ut caveam, redemissem. Filio meo, quem tibi carum esse gaudeo, si erit ulla res publica, satis amplum patrimonium relinquam in memoria nominis mei; sin autem nulla erit, nihil accidet ei separatim a reliquis civibus. Nam quod rogas ut respiciam generum meum, adulescentem optimum mihique carissimum, an dubitas, qui scias quanti cum illum tum vero Tulliam meam faciam, quin ea me cura vehementissime sollicitet, et eo magis, quod in communibus miseriis hac tamen oblectabar specula, Dolabellam meum vel potius nostrum fore ab iis molestiis, quas liberalitate sua contraxerat, liberum? Velim quaeras, quos ille dies sustinuerit, in urbe dum fuit, quam acerbos sibi, quam mihimet ipse socero non honestos. Itaque neque ego hunc Hispaniensem casum exspecto, de quo mihi exploratum est ita esse, ut tu scribis, neque quicquam astute cogito. Si quando erit civitas, erit profecto nobis locus; sin autem non erit, in easdem solitudines tu ipse, ut arbitror, venies, in quibus nos consedisse audies. Sed ego fortasse vaticinor et haec omnia meliores habebunt exitus. Recordor enim desperationes eorum, qui senes erant adulescente me. Eos ego fortasse nunc imitor et utor aetatis vitio. Velim ita sit; sed tamen—. Togam praetextam texi Oppio puto te audisse; nam Curtius noster dibaphum cogitat, sed eum infector moratur. Hoc aspersi, ut scires me tamen in stomacho solere ridere. De re Dolabellae quod scripsi, suadeo videas, tamquam si tua res agatur. Extremum illud erit: nos nihil turbulenter, nihil temere faciemus; te tamen oramus, quibuscumque erimus in terris, ut nos liberosque nostros ita tueare, ut amicitia nostra et tua fides postulabit. |
378. — A M. CÉLUJS, ÉDILE CURULE. Cumes, avril. F. II, 16. Votre lettre m'aurait causé un chagrin profond, si je ne m'étais fait une raison sur toute espèce de chose, et si le spectacle journalier de nos calamités ne m'avait depuis longtemps rendu presque insensible a de nouvelles douleurs. Mais comment se fait-il, je vous prie, que vous ayez pu voir dans mes lettres ce que vous y avez vu? Qu'y a-t-il autre chose que des lamentations ordinaires sur le malheur des temps, sur les circonstances, qui ne sont pas pour moi, je pense, plus affligeantes que pour vous-même? Avec votre coup d'oeil, il est impossible que vous ne soyez pas frappé de ce qui me frappe. Mais vous me connaissez, et je m'étonne que vous ayez punie croire inconsidéré au point de passer du parti que la fortune favorise au parti dont elle s'éloigne et qui tombe; et que vous me supposiez assez inconséquent pour vouloir perdre a plaisir, près d'un personnage puissant, des bonnes grâces péniblement acquises, pour me manquer ainsi à moi-même, et pour me mêler à la guerre civile, que j'ai toujours eue en horreur. Quels sont donc mes sinistres projets ? de me retirer peut-être dans quelque solitude. Mais vous savez bien, vous qui jadis partagiez ces sentiments, ce que mon cœur et mes y eux souffrent en présence de tant d'indignités. C'est un surcroît d'embarras pour moi que l'appareil de mes licteurs, et le titre d'imperator que l'on me donne. Si j'étais libre de ces chaînes, j'accepterais pour retraite le moindre coin en Italie, quoiqu'elle ait bien peu de retraites sûres. Mais mes ennemis sont la; mes lauriers offusquent leurs yeux et mettent en mouvement leurs langues. Voilà où j'en suis. Mais partir sans votre aveu, c'est à quoi je n'ai jamais songé. Vous connaissez mes petites propriétés. Il faut bien que j'y vive pour n'être pas a charge à mes amis, et je me tiens plus volontiers dans celles qui bordent la mer. C'est ce qui a fait croire à un départ. Et je n'y répugnerais pas trop peut-être, si le repos était au bout. Mais guerroyer! et dans quel but? me battre contre un homme qui doit être assez content de moi, et pour un homme que je ne contenterai jamais, quoi que je fasse! J'ajoute que cette détermination, je 365 l’avais à l'époque où vous vîntes me trouvera Cumes, et que vous avez pu vous en apercevoir ; car je ne vous cachai point le discours de T. Ampius, et vous vîtes combien je répugnais à quitter Rome. Lorsque depuis j'ai su ce qui est arrivé, n'ai-je pas déclaré que je souffrirais tout plutôt que d'abandonner l'Italie, pour m'engager dans une guerre civile? Pourquoi mes résolutions auraient-elles changé? Est-il rien survenu qui n'ait dû au contraire les confirmer? Croyez-le donc bien, et vous le croyez sans doute, mon seul but au milieu de toutes ces misères est de convaincre chacun que j'ai toujours mis la paix au-dessus de tout, et que l'espoir de la paix perdu, il n'y a rien dont je sois pour mon compte plus éloigné que de me mêler à la guerre civile. Je suis fidèle à ces sentiments, et j'espère ne m'en repentir jamais. Q. Hortensius, notre ami, je m'en souviens, se glorifiait de n'avoir jamais pris une part quelconque aux guerres des citoyens contre les citoyens. C'était, dit-on, chez lui défaut de caractère ; et comme je ne pense pas qu'on ait de moi cette opinion, ma gloire sera plus pure. Je ne me laisse pas effrayer par tous ces monstres que se fait votre amitié. On doit s'attendre à tout dans une perturbation universelle. Mais il n'est pas de calamité personnelle et domestique, y compris celle que vous me montrez en expectative, au prix desquelles je ne rachetasse volontiers le salut, de la république. Mon fils, que je suis heureux de vous voir si cher, aura, pourvu qu'il reste ombre de la république, un assez beau patrimoine dans la mémoire de mon nom. Dans le cas contraire, il n'est exposé à rien de plus que tous ses concitoyens. Il faut songer à mon gendre, dites- vous, jeune homme si plein de mérite, et que j'aime si tendrement. Eh ! pouvez-vous douter de l'inquiétude cruelle qu'il me cause, vous qui connaissez mes sentiments pour lui et pour ma chère Tullie, d'autant qu'au milieu de nos communes misères j'aimais à me figurer ce Dolabella, si cher à mon cœur et au vôtre, bientôt libre des embarras sans nombre où son trop de libéralité l'avait plongé. Vous ne pouvez pas savoir quels moments il a eu à passer pendant son séjour a Rome, tout ce qu'ils ont eu d'horrible pour lui et d'humiliant pour moi, son beau-père. D'un côté, je n'attends rien, de bon de l'Espagne, dont je juge comme vous en jugez vous-même; et de l'autre, je vous dirai sans déguisement ce que je pense : Si la constitution de Rome prend le dessus, il y aura place pour moi à Rome; si elle périt, vous viendrez vous-même, j'en suis sûr, me rejoindre dans la solitude où vous me saurez confiné. Peut-être vois-je trop en noir, et peut-être les choses tourneront-elles plus heureusement. Je me souviens que, dans ma jeunesse, j'entendais les vieillards désespérer de tout. Il est possible que je fasse aujourd'hui comme eux, et que je tombe aussi dans le défaut propre à cet âge. Puisse-t-il en être ainsi! Et pourtant... Vous savez, je le suppose, qu'il y a une robe prétexte sur le métier pour Oppius. Pourquoi pas ? Curtius rêve bien un manteau de double pourpre ; mais le teinturier se fait attendre. Je plaisante, pour que vous sachiez que j'aime à rire même dans ma mauvaise humeur. Voyez, je vous prie, et comme s'il s'agissait de vous, ce que j'ai écrit à Dolabella. Je finis en vous assurant que vous n'avez à craindre de moi ni coup de tête ni étourderie; mais où 366 je me trouve, promettez-moi de compter pour moi et mes enfants sur notre amitié et sur votre fidélité. |
Scr. Tarsi a. D. xvi K. Sext., vel paulo post a. 704 (50). M. CICERO IMR S. D. †CANINI SALVSTIO PROQ. Litteras a te mihi stator tuus reddidit Tarsi a. D. xvi K. Sextilis. His ego ordine, ut videris velle, respondebo. De successore meo nihil audivi neque quemquam fore arbitror. quin ad diem decedam, nulla causa est, praesertim sublato metu Parthico. Commoraturum me nusquam sane arbitror; Rhodum Ciceronum causa puerorum accessurum puto, neque id tamen certum. Ad urbem volo quam primum venire; sed tamen iter meum rei publicae et rerum urbanarum ratio gubernabit. Successor tuus non potest ita maturare, ullo modo ut tu me in Asia possis convenire. De rationibus referendis non erat incommodum te nullas referre, quam tibi scribis a Bibulo fieri potestatem; sed id vix mihi videris per legem Iuliam facere posse, quam Bibulus certa quadam ratione non servat, tibi magno opere servandam censeo. quod scribis Apamea praesidium deduci non oportuisse, videbam item ceteros existimare molesteque ferebam de ea re minus commodos sermones malevolorum fuisse. Parthi transierint necne praeter te video dubitare neminem. Itaque omnia praesidia, quae magna et firma paraveram, commotus hominum non dubio sermone dimisi. Rationes mei quaestoris nec verum fuit me tibi mittere, nec tamen erant confectae; eas nos Apameae deponere cogitabamus. De praeda mea praeter quaestores urbanos, id est populum Romanum, terruncium nec attigit nec tacturus est quisquam. Laudiceae me praedes accepturum arbitror omnis pecuniae publicae, ut et mihi et populo cautum sit sine vecturae periculo. quod scribis ad me de drachmum CCCIƆƆƆƆ, nihil est quod in isto genere cuiquam possim commodare; omnis enim pecunia ita tractatur, ut praeda a praefectis, quae autem mihi attributa est, a quaestore curetur. quod quaeris, quid existimem de legionibus quae decretae sunt in Syriam, antea dubitabam venturaene essent; nunc mihi non est dubium quin, si antea auditum erit otium esse in Syria, venturae non sint; Marium quidem successorem tarde video esse venturum, propterea quod senatus ita decrevit, ut cum legionibus iret. Uni epistulae respondi; venio ad alteram. Petis a me, ut Bibulo te quam diligentissime commendem. In quo mihi voluntas non dest, sed locus esse videtur tecum expostulandi. Solus enim tu ex omnibus, qui cum Bibulo sunt, certiorem me numquam fecisti, quam valde Bibuli voluntas a me sine causa abhorreret. Permulti enim ad me detulerunt, quom magnus Antiochiae metus esset et magna spes in me atque in exercitu meo, solitum dicere quidvis se perpeti malle quam videri eguisse auxilio meo; quod ego officio quaestorio te adductum reticere de praetore tuo non moleste ferebam, quamquam, quem ad modum tractarere, audiebam. Ille autem, cum ad Thermum de Parthico bello scriberet, ad me litteram numquam misit, ad quem intellegebat eius belli periculum pertinere; tantum de auguratu fili sui scripsit ad me; in quo ego misericordia commotus, et quod semper amicissimus Bibulo fui, dedi operam ut ei quam humanissime scriberem. Ille si in omnis est malevolus, quod numquam existimavi, minus offendor in me; sin autem a me est alienior, nihil tibi meae litterae proderunt; nam, ad senatum quas Bibulus litteras misit, in iis, quod mihi cum illo erat commune, sibi soli attribuit: se ait curasse ut cum quaestu populi pecunia permutaretur; quod autem meum erat proprium, ut alariis Transpadanis uti negarem, id etiam populo se remisisse scribit; quod vero illius erat solius, id mecum communicat: 'equitibus auxiliariis,' inquit, 'cum amplius frumenti postularemus.' illud vero pusilli animi et ipsa malevolentia ieiuni atque inanis, quod Ariobarzanem, quia senatus per me regem appellavit mihique commendavit, iste in litteris non regem, sed regis Ariobarzanis filium appellat. Hoc animo qui sunt, deteriores fiunt rogati. Sed tibi morem gessi; litteras ad eum scripsi, quas cum acceperis, facies quod voles. |
276. — A CANINIUS SALLUSTIUS, PROQUESTEUR. Tarse. F. II, 17. Votre huissier m'a remis deux lettres de vous, à Tarse, le 16 des kalendes d'août. Je vous y répondrai par article comme vous semblez le désirer. Je ne sais rien sur mon successeur, et je ne pense pas qu'on m'en donne un. Mais rien ne m'empêche de partir au jour fixé, puisqu'il n'y a plus à craindre de guerre avec les Parthes. Je ne compte pas m'arrêter en route. Je toucherai seulement à Rhodes, à cause de mes jeunes Cicérons. Encore la chose n'est-elle pas certaine. Je veux arriver à Rome sans perdre un moment. Toutefois je réglerai ma route d'après ce que je saurai des affaires publiques, et de l'état de la ville. Il n'est pas possible que votre successeur fasse assez de diligence pour que je me rencontre avec vous en Asie. — Ce serait sans doute un embarras de moins pour vous de n'avoir pas de comptes à rendre comme Bibulus vous y autorise. Mais cette facilité ne se concilie guère avec la loi. Julia Bibulus a des raisons à lui pour ne pas s'y soumettre : mais mon avis est que vous ne pouvez vous y soustraire sous aucun prétexte. — Vous pensez qu'on n'aurait pas dû retirer la garnison d'Apamée ; c'est aussi, je le vois, l'avis de bien d'autres; et je regrette les interprétations malveillantes auxquelles ce fait a donné lieu. Il n'y a plus que vous qui demandez si les Parthes ont passé on non. Les rapports que j'ai reçus ont été si positifs à cet égard qu'après avoir fait occuper fortement tous les postes, j'ai congédié toutes mes garnisons. — II n'est pas exact que Je veuille vous envoyer les comptes de mon questeur. Ils ne sont pas même prêts : et mon intention est de les déposer à Apamée. Quant au butin de mon expédition, personne, excepté les questeurs de Rome, c'est-à-dire excepté le peuple romain, n'y a touché et n'y touchera. Je compte prendre à Laodicée des mesures de garantie pour que l'argent de la république ne coure pas les risques du transport. Touchant les CCIƆƆƆ drachmes dont vous me parlez, il n'y a pas moyen de disposer pour aucun prêt de cette somme. Tout l'argent est considéré comme butin, et les trésoriers seuls en ont le maniement. Quant à la part qui m'en revient, c'est le questeur que cela concerne. — Vous me demandez ce que je pense des légions qui sont décrétées pour la Syrie. J'ai toujours douté qu'on les envoyât, et je suis sûr aujourd'hui que si, avant leur départ, on vient à savoir que la Syrie est tranquille, elles ne partiront point. Ce qui pourrait bien arriver, c'est que votre successeur Marius se fît attendre ; le décret du sénat portant expressément qu'il ait à partir avec les légions. J'ai répondu à votre première lettre. J'arrive maintenant à la seconde. — Vous voulez que je vous recommande à Bibulus le plus chaudement possible. J'y suis tout disposé ; mais auparavant j'ai quelques observations à vous faire. Seul de tout 269 l'entourage de Bibulus, vous ne m'avez jamais dit mot de l'aversion que, sans aucun motif, il a conçue pour moi. J'ai su de plus d'un côté qu'à l'époque où Ton craignait pour Antioche, et où l'on n'avait d'espérance qu'en moi et mon armée, il disait hautement qu'il s'exposerait à tout plutôt que de paraître avoir eu besoin de mon secours. Je ne vous en veux pas de votre silence; parce que près du préteur, votre position eu qualité de questeur était assez délicate, et pourtant on parlait déjà à cette époque de la manière dont il se conduisait avec vous. En ce qui me concerne ; il écrivait à Thermus, au sujet de la guerre des Parthes, et il ne m'écrivait pas un mot à moi, sur qui il n'ignorait pas que pesait la responsabilité. Il ne m'a adressé qu'une seule lettre ; c'était pour l'augurât de son fils. Je ne voulus me souvenir que de ses malheurs, et comme j'ai toujours beaucoup aimé le jeune Bibulus, je me suis fait un devoir de faire une réponse très-obligeante. Si c'est misanthropie chez lui (ce que je ne savais pas), ces procédés me deviendront moins sensibles ; si c'est à moi personnellement qu'il en veut, à quoi ma recommandation vous servirait-elle? Dans ses dépêches au sénat, il s'attribuait ce qui nous était commun ; par exemple, le change si avantageux de l'argent du peuple, dont on était, disait-il, redevable à ses soins. Il s'est même approprié un honneur qui m'était dû exclusivement, osant bien se prévaloir du refus que j'avais fait d'employer des auxiliaires Transpadans, comme s'il eût eu le mérite de l'économie- D'un autre côté il m'associe généreusement à ce qu'il a fait sans moi, lorsque nous avons demandé tous deux que la ration de pain de la cavalerie auxiliaire fui augmentée. Mais ce qui me semble marquer surtout en lui la petitesse d'esprit, et je ne sais quelle vague envie de nuire, c'est que, dans ses lettres, en parlant d'Ariobarzane, que le sénat sur ma proposition a nommé roi, et qu'il a placé sous mon patronage, il lui refuse le titre de roi, et affecte même de l'appeler le fils du roi Ariobarzane. C'est un de ces caractères que les avances ne font qu'aigrir. Toutefois, pour ne pas vous refuser, j'ai tracé une lettre pour lui et je vous l'envoie. Faites-en ce que vous voudrez. |
Scr. Laudiceae in. M. Maio a. 704 (50). M. CICERO IMP. S. D. Q THERMO PROPR. Officium meum erga Rhodonem ceteraque mea studia, quae tibi ac tuis praestiti, tibi, homini gratissimo, grata esse vehementer gaudeo, mihique scito in dies maiori curae esse dignitatem tuam; quae quidem a te ipso integritate et clementia tua sic amplificata est, ut nihil addi posse videatur. Sed mihi magis magisque cotidie de rationibus tuis cogitanti placet illud meum consilium, quod initio Aristoni nostro, ut ad me venit, ostendi, gravis te suscepturum inimicitias, si adulescens potens et nobilis a te ignominia adfectus esset. Et hercule sine dubio erit ignominia; habes enim neminem honoris gradu superiorem; ille autem, ut omittam nobilitatem, hoc ipso vincit viros optimos hominesque innocentissimos, legatos tuos, quod et quaestor est et quaestor tuus. Nocere tibi iratum neminem posse perspicio, sed tamen tris fratres summo loco natos, promptos, non indisertos, te nolo habere iratos, iure praesertim; quos video deinceps tribunos pl. Per triennium fore. Tempora autem rei publicae qualia futura sint, quis scit? Mihi quidem turbulenta videntur fore. Cur ego te velim incidere in terrores tribunicios, praesertim cum sine cuiusquam reprehensione quaestoriis legatis quaestorem possis anteferre? qui si dignum se maioribus suis praebuerit, ut spero et opto, tua laus ex aliqua parte fuerit; sin quid offenderit, sibi totum, nihil tibi offenderit. quae mihi veniebant in mentem, quae ad te pertinere arbitrabar, quod in Ciliciam proficiscebar, existimavi me ad te oportere scribere; tu quod egeris, id velim di adprobent; sed, si me audies, vitabis inimicitias et posteritatis otio consules. |
263. — A Q. THERMUS, PROPRÉTEUR Laodicée, mai. F. II, 18. Le service que j'ai rendu à Rhodon et les attentions que j'ai eues pour vous ou les vôtres ont excité la gratitude de votre noble cœur, et j'en suis heureux. Sachez que chaque jour mon dévouement pour vous ne peut que s'accroître. A vrai dire, votre conduite sans reproche et la noblesse de votre caractère vous ont porté si haut, qu'il ne me reste en quelque sorte rien à faire. mais plus je réfléchis sur votre position, plus je persiste dans l'opinion que j'ai tout d'abord émise lorsque Ariston vint me voir. Oui, vous vous exposez à des inimitiés graves, si vous faites un affront à un jeune homme (C. Antonius) noble et puissant; et certes, il y aurait affront bien caractérisé lorsque vous n'avez près de vous personne de son rang. Je ne parlerai pas de sa noblesse : il suffit qu'il soit questeur et votre questeur, pour avoir le pas même sur les plus capables et les plus purs qui ne sont que vos lieutenants. Je veux bien qu'on n'ait pas le pouvoir autant que l'envie de vous nuire. Toujours est-il qu'il ne faut pas indisposer et indisposer ajuste titre trois frères qui tiennent par leur naissance à ce qu'il y a déplus élevé, qui sont ardents, qui ne manquent pas d'éloquence, et qu'avant peu vous allez voir tribuns du peuple pour trois ans. Quelle sera la situation politique alors ? bien agitée, ou je me trompe. Pourquoi de gaieté de cœur vous placer sous le coup de l'hostilité tribunitienne, lorsqu'il est si simple (personne n'a dans ce cas à réclamer) de donner la préférence au questeur sur les lieutenants de questeur? Si, comme je l'espère et le désire, il se montre digne de ses ancêtres, il vous en reviendra quelque avantage; s'il s'oublie au contraire, il ne fera tort qu'à lui. J'ai cru nécessaire, avant mon départ pour la Cilicie, de vous communiquer ces réflexions. Quoi que vous fassiez, que les Dieux vous secondent ! mais si vous m'en croyez, évitez des haines, et ménagez-vous du repos dans l'avenir. |
Scr. In castris in Cilicia a. D. x K. Quint. A. 704 (50). M. TVLLIVS M. F. M. N. CICERO IMP. S. D. C. COELIO L. F. C. N. CALDO Q. Cum optatissimum nuntium accepissem te mihi quaestorem obtigisse, eo iucundiorem mihi eam sortem sperabam fore, quo diutius in provincia mecum fuisses; magni enim videbatur interesse ad eam necessitudinem, quam nobis sors tribuisset, consuetudinem quoque accedere. Postea, quom mihi nihil neque a te ipso neque ab ullo alio de adventu tuo scriberetur, verebar ne ita caderet, quod etiam nunc vereor, ne, ante quam tu in provinciam venisses, ego de provincia decederem. Accepi autem a te missas litteras in Cilicia, cum essem in castris, a. D. x K. Quintilis scriptas humanissime, quibus facile et officium et ingenium tuum perspici posset, sed neque unde nec quo die datae essent aut quo tempore te exspectarem significabant, nec is, qui attulerat, a te acceperat, ut ex eo scirem, quo ex loco aut quo tempore essent datae. quae cum essent incerta, existimavi tamen faciundum esse ut ad te statores meos et lictores cum litteris mitterem. quas si satis opportuno tempore accepisti, gratissimum mihi feceris, si ad me in Ciliciam quam primum veneris. Nam, quod ad me Curius, consobrinus tuus, mihi, ut scis, maxime necessarius, quod item C. Vergilius, propinquus tuus, familiarissimus noster, de te accuratissime scripsit, valet id quidem apud me multum, sicuti debet hominum amicissimorum diligens commendatio, sed tuae litterae de tua praesertim dignitate et de nostra coniunctione maximi sunt apud me ponderis. Mihi quaestor optatior obtingere nemo potuit. quam ob rem, quaecumque a me ornamenta †ad te proficiscentur, ut omnes intellegant a me habitam esse rationem tuae maiorumque tuorum dignitatis. Sed id facilius consequar, si ad me in Ciliciam veneris; quod ego et mea et rei publicae et maxime tua interesse arbitror. |
367. — A C. CÉLIUS, QUESTEUR. Cilicie, juin. F. II, 19. Lorsque j'appris que, suivant mon vœu le plus cher, le sort vous avait désigné pour mon questeur, j'en eus d'autant plus de joie que j'espérais vous avoir assez longtemps à mes côtés; et c'était à mes yeux un grand avantage de pouvoir rattacher à d'anciennes habitudes les relations que le sort allait établir entre nous. Mais ne recevant de vous ni de personne avis de votre arrivée, je commençai à craindre, et c'est encore ma crainte en ce moment, de voir les choses s'arranger de telle façon que lorsque vous viendrez dans la province, je l'aurais déjà quittée. J'ai bien reçu de vous une lettre en Cilicie, le 10 des kalendes de juillet, dans mon camp. Elle est fort aimable. J'y reconnais votre tact et votre esprit; mais elle ne porte date ni de lieu ni de jour; elle ne me dit point à quelle époque je puis compter sur vous; et je n'ai pu savoir du porteur, qui ne la tient pas de vos mains, en quel endroit ni à quelle époque vous l'avez écrite; Dans cette incertitude, je n'en crois pas moins devoir vous envoyer mes huissiers et mes licteurs avec cette lettre. Si vous la recevez à temps, je vous saurai gré de ne pas tarder un moment à venir me joindre en Cilicie. Votre cousin Curius, avec qui je suis très-lie, comme vous le savez, m'a écrit à votre sujet d'une façon toute particulière; C. Virgilius, votre parent et mon intime ami, en a fait autant. J'aurai pour leur recommandation les égards qu'on se doit entre amis. Mais la meilleure de toutes, c'est ce que vous m'avez écrit vous-même; c'est surtout ce que vous me dites de votre dignité et des rapports qu'elle établit entre nous. Il ne pouvait m'être donné par le sort un questeur plus désiré. Aussi croyez que je mets bien du prix à faire éclater ma considération pour votre mérite et pour le nom que vous portez. Mais j'en aurai plus facilement l'occasion, si vous venez me rejoindre en Cilicie: Il y va essentiellement de votre intérêt et de ce» lui de la république. |