Cicéron, Correspondance

CICÉRON

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME CINQUIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX

LETTRES A ATTICUS

LIVRE XII

Le texte latin est identique à celui ce l'édition Nisard (P. Remacle)

livre XI

 

 

LETTRES A ATTICUS

LIVRE XII

 

 

Scr. in Arpinati viii K. Dec. a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

Undecimo die, postquam a te discesseram, hoc litterularum exaravi, egrediens e villa ante lucem : atque eo die cogitabam in Anagnino, postero autem in Tusculano; ibi unum diem : v Kalend. igitur ad constitutum. Atque utinam continuo ad complexum meae Tulliae, ad osculum Atticae possim currere! Quod quidem ipsum scribe, quaeso, ad me; ut dum consisto in Tusculano, sciam, quid garriat : sin rusticatur, quid scribat ad te : eique interea aut scribes salutem aut nuntiabi,s itemque Piliae. Et tamen, etsi continuo congressuri sumus, scribes ad me, si quid habebis. [2] - Quum complicarem hanc epistulam, noctuabundus ad me venit cum epistula tua tabellarius : qua lecta, de Atticae febricula scilicet valde dolui. Reliqua, quae exspectabam, ex tuis litteris cognovi omnia. Sed quod scribis igniculum matutinum [γεροντικόν]; γεροντικώτερον est memoriola vacillare.  Ego enim iv Kal. Axio dederam, tibi iii, Quinto, quo die venissem, id est, pridie Kal. Hoc igitur habebis. Novi nihil. Quid ergo opus erat epistula? Quid ? quum coram sumus et garrimus quicquid in buccam? Est profecto quiddam λέσχη, quae habet, etiam si nihil subest, collocutione ipsa suavitatem.

449. — A ATTICUS. Mars.

A. XII, 1. Voilà onze jours que je vous ai quitté. Je pars de ma maison de campagne, et je vous broche ce bout de lettre avant le Jour. Aujourd'hui je coucherai à Anagnie, demain à Tusculum, où je passerai un jour. Le 5 des kalendes je serai au rendez-vous. Et puissé-je immédiatement courir me jeter dans les bras de ma Tullie, et donner un baiser à la petite Attica ! Parlez-moi d'elle, je vous en prie, avant que je ne quitte Tusculum. Que je sache un peu ce qu'elle vous conte; si elle est à la campagne, ce qu'elle vous écrit. Dans tous les cas, faites-lui ou envoyez-lui mes compliments, et que Pitia en ait sa part. Nous allons nous revoir, mais ne laissez pas de m'écrire pour peu qu'il y ait du nouveau. — Comme je pliais cette lettre, la votre m'a été remise par le messager, qui a marché toute la nuit. La pauvre Attica a eu un peu de fièvre. Ah! tant pis. Vous m'apprenez du reste tout ce que je désirais savoir. Se chauffer le matin, dites-vous, cela sent bien le vieillard. Oui ; mais quand la mémoire branle, cela ne le sent-il pas davantage encore? C'est le 4 avant les kalendes que je vais chez Axius, chez vous le et 3, chez Quintus le 5 ; c'est-à-dire, le jour même de mon arrivée. Bien riposté, j'espère ! D'ailleurs rien à vous mander. Pourquoi donc écrire ? Eh! en tête à tête, ne nous disons-nous pas tout ce qui nous vient à la bouche? N'eût-on rien à se dire, c'est quelque chose que de causer.

Scr. Romae ante med. m. Apr. a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

Hic rumores tamen Murcum perisse naufragio; Asinium delatum vivum in manus militum; L navis delatas [in]  Uticam reflatu hoc; Pompeium non comparere, nec in Balearibus omnino fuisse, ut Paciaecus affirmat. Sed auctor nullius rei quisquam. Habes, quae, dum tu abes, locuti sint. Ludi interea Praeneste. Ibi Hirtius et isti omnes. [2] Et quidem ludi dies octo. Quae cenae ! quae deliciae! Res interea fortasse transacta est. O miros homines! At Balbus aedificat; τί γὰρ αὐτῷ μέλει ? Verum si quaeris, homini non recta, sed voluptaria quaerenti, nonne βεβίωται? Tu interea dormis. Iam explicandum est πρόβλημα, si quid acturus es. Si quaeris quid putem, ego fructum puto. Sed quid multa? Iam te videbo; et quidem, ut spero, de via recta ad me. Simul enim et diem Tyrannioni constituemus, et si quid aliud.

450. — A ATTICUS. Rome, mai.

A. XII, 2. Oui vraiment, il est question d'un naufrage où Murcus aurait péri; de Pollion fait prisonnier, et de cinquante vaisseaux poussés par le même coup de vent dans le port d'Utique. On ne saurait de plus ce qu'est devenu Pompée, qui n'a pas touché les îles Baléares, ainsi que l'affirme Paciécus. Mais dans tout cela, rien de positif, rien d'authentique. Voilà ce qui s'est dit pendant votre absence. En attendant, on célèbre les jeux à Preneste. Hirtius y est, et toute la séquelle. En voila pour huit jours, et quels festins! quelles orgies! Pendant ce temps, tout se décide peut-être. Admirables gens! Balbus ; bâtit. Que lui fait tout cela? Que voulez-vous? pour qui cherche le plaisir et non la vertu, n'est-ce pas là vivre? Eh bien! vous dormez. Allons, prononcez-vous, et choisissez enfin l'un ou l'autre MIon avis à moi, si vous me le demandez, est qu'il faut prendre son bien où on le trouve. Mais en voila assez. Je vous attends bientôt; car c'est chez moi que vous descendrez, j'espère. Nous donnerons un jour à Tyrannion, nous verrons pour le reste.

Scr. in Tusculano iii Id. Iun. a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

Unum te puto minus blandum esse quam me : et, si uterque nostrum est aliquando adversus aliquem, inter nos certe numquam sumus. Audi igitur me hoc ἀγοητεύτως dicentem : ne vivam, mi Attice, si mihi non modo Tusculanum, ubi ceteroqui sum libenter, sed μακάρων νῆσοι tanti sunt, ut sine te sim tot dies. Quare obduretur hoc triduum, ut te quoque ponam in eodem πάθει : quod ita est profecto. Sed velim scire, hodiene statim de auctione, et quo die venias. Ego me interea cum libellis.  Ac moleste fero Vennonii me historiam non habere. [2] - Sed tamen, ne nihil de re, nomen illud, quod a Caesare, tres habet condiciones : aut emptionem ab hasta : (perdere malo : etsi, praeter ipsam turpitudinem, hoc ipsum puto esse perdere) : aut delegationem a mancipe, annua die : (quis erit cui credam ? aut quando iste Metonis annus veniet?) aut Vettieni condicione semissem. Σκέψαι igitur. Ac vereor, ne iste iam auctionem nullam faciat, sed, ludis factis, Ἀτύπῳ subsidio currat, ne talis vir ἀλογηθῇ. Sed μελήσει.

 

452. — A ATTICUS. Tusculum. Juin.

A. XII, 3. Je crois qu'après vous il n'y a pas d’homme moins complimenteur que moi ; ou s’il nous arrive de l'être à l'un ou a l'autre, ce n'est pas entre nous du moins. Je vais donc vous parler en toute sincérité. Que je meure, si ce Tusculum, ou d'ailleurs je me plais tant, si les îles Fortunées elles-mêmes pourraient m'offrir de quoi me passer de vous des journées entières. Nous avons encore trois jours a prendre patience. Vous voyez que je vous associe a mes peines, et non pas a tort, je crois. Quand aurai-je des nouvelles de la vente? Aujourd'hui? ou seulement à votre arrivée? En attendant j'ai mes livres, mais l'histoire de Vennonius me manque beaucoup. N'oublions pas les affaires cependant. J'ai le choix de trois moyens pour cette créance que César a bien voulu reconnaître : 1° Me faire adjuger le bien à l'encan. Mais j'aimerais mieux tout perdre. Et à part l'ignominie, la perte est encore au bout. 2° Accepter un effet à un an sur l'un des acquéreurs. Mais à qui accorder tant de confiance? Et cette année ne serait-elle pas l'année de Méton? 3°Se contenter comme Vettiénus de moitié comptant. Réfléchissez sur tout cela. Je crains encore que l'homme chargé de la vente ne la fasse point, et qu'une fois les jeux finis, il ne coure à Préneste renforcer les claqueurs, afin de rendre plus éclatant un succès si bien mérité. Mais nous verrons.

Scr. in Tusculano xvii K. Quint a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

O gratas tuas mihi iucundasque litteras! Quid quaeris? Restitutus est mihi dies festus. Angebar enim, quod Tiro ἐνερευθέστερον te sibi esse visum dixerat. Addam igitur, ut censes, unum diem [2] - Sed de Catone πρόβλημα Ἀρχιμήδειον est. Non assequor, ut scribam, quod tui convivae non modo libenter, sed etiam aequo animo legere possint.  Quin etiam, si a sententiis eius dictis, si ab omni voluntate consiliisque, quae de re publica habuit, recedam ψιλῶςque velim gravitatem constantiamque eius laudare, hoc ipsum tamen istis odiosum ἄκουσμα sit. Sed vere laudari ille vir non potest, nisi haec ornata sint; quod ille ea, quae nunc sunt, et futura viderit, et, ne fierent, contenderit, et, facta ne videret, vitam reliquerit. Horum quid est, quod Aledio probare possimus? Sed cura, obsecro, ut valeas, eamque, quam ad omnis res adhibes, in primis ad convalescendum adhibe prudentiam.

453. — A ATTICUS. Tusculum, Juin.

A. XII, 4. L’aimable, la charmante lettre! Oui, c'est un jour de fête que vous me faites. J'étais fort en peine. Tiron m'avait dit que votre figure était d'un rouge extraordinaire; mais j'attendrai un jour de plus, comme vous me le con-seillez. — Cet éloge de Caton, c'est un véritable problème d'Archimède. Je n'arriverai jamais à me faire lire de vos convives, je ne dis pas avec plaisir, mais môme avec patience. Eh ! quand je n'articulerais rien des opinions qu'il a prononcées, de la part active ou de conseil qu'il a prise aux affaires de la république; quand je me réduirais à un éloge nu de son énergie, de sa constance, ces braves sens en trouveraient encore la digestion assez rude. Mais le moyen de louer un tel homme, sans mettre en relief les trois points que voici : Il a prévu tout ce qui est arrive; il a tout fait pour y mettre obstacle ; il a renoncé à la vie pour n'en être pas témoin. Je ne vois là rien qui soit du goût d'Alédius (quelque ami de César). Soignez votre santé, je vous en prie, et prudent en toutes choses, soyez-le pour vous rétablir.

Scr. in Tusculano in. m. Quint a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

Quintus pater quartum vel potius millesimum nihil sapit ,qui laetetur Luperco filio et Statio, ut cernat duplici dedecore cumulatam domum. Addo etiam Philotimum tertium. O stultitiam, nisi mea maior esset, singularem! Quod autem os in hanc rem ἔρανον a te ? Fac non ad διψῶσαν κρήνην,  sed ad Πειρήνην eum venisse et ἄμπνευμα σεμνὸν Ἀλφειοῦ in te κρήνῃ, ut scribis, haurire in tantis suis praesertim angustiis, ποῖ ταῦτα ἄρα ἀποσκήψει ? [2] Sed ipse viderit. - Cato me quidem delectat, sed etiam Bassum Lucilium sua.

Scr. in Tusculano prid. K. Iun. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

De Caelio, tu quaeres, ut scribis : ego nihil novi. Noscenda autem est natura, non facultas modo. De Hortensio et Virginio, tu si quid dubitabis : etsi, quod magis placeat, ego quantum adspicio, non facile inveneris. Cum Mustela, quemadmodum scribis, quum venerit Crispus. Ad Aulum scripsi, ut ea, quae bene nosset de auro, Pisoni demonstraret. Tibi enim sane adsentior, et istud nimium diu duci, et omnia nunc undique contrahenda. Te quidem nihil agere, nihil cogitare aliud, nisi quod ad me pertineat, facile perspicio : meisque negotiis impediri cupiditatem tuam ad me veniendi. Sed mecum esse te puto; non solum quod meam rem agis, verum etiam quod videre videor, quo modo agas. Neque enim ulla hora tui mihi est operis ignota.

Scr. in Tusculano ii Id. Iun. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Tubulum praetorem video L. Metello, Q. Maximo consulibus. Nunc velim, P. Scaevola, pontifex maximus, quibus consulibus tribunus pl. equidem puto proximis, Caepione et Pompeio. Praetor enim P. Furio, Sex. Atilio. Dabis igitur tribunatum, et, si poteris, Tubulus quo crimine. Et vide, quaeso, L. Libo, ille, qui de Ser. Galba, Censorinone et Manilio, an T. Quinctio, M'. Acilio consulibus tribunus pl. fuerit. Conturbabat enim me epitome Bruti Fanniana, an Bruti epitome Fannianorum. Scripsi, quod erat in extremo : idque ego secutus, hunc Fannium, qui scripsit historiam, generum esse scripseram Laeli : sed tu me γεωμετρικῶς refelleras : te autem nunc Brutus et Fannius. Ego tamen de bono auctore, Hortensio, sic acceperam, ut apud Brutum est. Hunc igitur locum expedies.

Scr. in Tusculano prid. Id. Iun. a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

Ego misi Tironem Dolabellae obviam. is ad me Idibus revertetur. Te exspectabo postridie. De Tullia mea tibi antiquissimum esse video; idque ita ut sit, te vehementer rogo. Ergo ei in integro omnia : sic enim scribis. Mihi, etsi Kalendae vitandae fuerunt, Nicasionumque ἀρχέτυπα fugienda, conficiendaeque tabulae, nihil tamen tanti, ut a te abessem, fuit. Quum Romae essem, et te iam iamque visurum me putarem, cotidie tamen horae, quibus exspectabam, longae videbantur. Scis me minime esse blandum. Itaque minus aliquanto dico, quam sentio.

457. — A ATTICUS. Tusculum, juillet.

A. XII, 5. Quintus est fou aux trois quarts, sinon tout à fait. Le voilà enchante de ce que son fils et Statius sont tous deux Luperques. Double scandale pour la famille! Et je puis dire triple; car Philotime en est aussi. folie sans pareille! mais la mienne la passe. Et il a le front de vous mettre à contribution pour cette équipée! Eh! quand vos sources ne seraient pas à sec; quand on y puiserait aussi largement qu'à celle de Pyrène ou d'Aréthuse, celle divine émanation de l'Alphée, pour parler votre langage, où tout cela le mènera-t-il, gêné comme il l'est déjà? c'est son affaire. - Je suis enchanté de mon Caton; mais Lucilius Bassus l'est bien aussi de ses ouvrages.

Voyez donc pour Célius. Je n'ai aucune notion là-dessus. Ce n'est pas le tout de recevoir de l'or, il en faut connaître le titre. Pour peu que vous ayez le moindre doute, prenez également des informations sur Hortensius et Virginius. Il est bien difficile, je le vois, de savoir ce qu'il y a de mieux a faire. A l'égard de Mustella, c'est bien ; attendez l'arrivée de Crispus. J'ai écrit à Aulus, pour cet or, que je savais bien à quoi m'en tenir, et que j'avais convaincu Pison. Je pense comme vous. Cette affaire traîne trop. Par le temps qui court, il est urgent de réaliser. Je vois bien que vous ne pensez qu'à moi, que vous ne vous occupez que de moi, et que c'est tout ce tracas qui vous empêche de venir me voir. Mais c'est comme si je vous avais âmes côtés. Vous faites mes affaires, et je puis dire que j'en suis tous les mouvements; car vous ne me laissez pas ignorer un quart d'heure de vos journées.

Je reconnais que Tubulus a été préteur sous le consulat de L. Métellus et de Q. Maximus. Je voudrais savoir maintenant sous quels consuls P. Scévola le grand pontife a été tribun. Je crois que c'est l'année suivante, sous Cépion et Pompée. Il a bien été préteur sous P. Furius et Sext. Attilius. Mais a quelle époque son tribunat ? Et si vous le pouvez, dites-moi de quel crime fut accusé Tubulus. N'oyez aussi un peu, je vous prie, si L. Libon, l'accusateur de Ser. Galba, fut tribun sous le consulat de Censorinus et Mauilius, ou de T. Quintius et de M. Acilius. Brutus est là qui me brouille avec son abrégé des annales de Fannius. J'en avais copié la fin, et sur son autorité j'avais fait de l'historien Fannius le gendre de Lélius. Mais vous m'avez mathématiquement réfuté. Voici maintenant Brutus et Fannius qui vous rendent la pareille. J'avais puisé à une source excellente, Hortensius, qui est d'accord avec Brutus. Voilà mon autorité. Tirez-moi cela au clair.

— J'ai envoyé Tiron au devant de Dolabella. Il sera de retour le jour des ides. Je vous attends le lendemain. Je vois votre intérêt pour ma Tullia. Conservez-le-lui toujours, je vous en conjure. Oui, que les choses restent entières jusqu'a nouvel ordre, comme vous le proposez. Je ne suis pas fâché que les kalendes se passent sans moi, afin d'esquiver les comptes des Nicasions, et avoir le temps de régler les miens. Mais être loin de vous, voilà ce que rien ne rachète. Quand j'étais a Rome, pensant vous voir arriver à tous moments, les heures me semblaient encore bien longues. Je ne suis pas homme à compliments, vous le savez. J'en dis moins que je ne pense.

Scr. in Tusculano in interc. post a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

De Caelio vide, quaeso, ne quae lacuna sit in auro. Ego ista non novi. Sed certe in collubo est detrimenti satis. Huc aurum si accedit... sed quid loquor? Tu videbis. Habes Hegesiae genus, quod Varro laudat. [2] Venio ad Tyrannionem. Ain tu? verum hoc fuit? sine me? At ego quotiens, quum essem otiosus, sine te tamen nolui? Quo modo hoc ergo lues? Uno scilicet, si mihi librum miseris : quod ut facias, etiam atque etiam rogo. Etsi me non magis liber ipse delectabit, quam tua admiratio delectavit. Amo enim πάντα φιληδείμονα : teque istam tam tenuem θεωρίαν tam valde admiratum esse gaudeo. Etsi tua quidem sunt eius modi omnia. Scire enim vis, quo uno animus alitur. Sed, quaeso, quid ex ista acuta et gravi refertur ad τέλος? Sed longa oratio est, et tu occupatus es in meo quidem fortasse aliquo negotio. Et pro isto asso sole, quo tu abusus es in nostro pratulo, a te nitidum solem unctumque repetemus. Sed ad prima redeo. Librum, si me amas, mitte. Tuus est enim profecto, quoniam quidem est missus ad te.

[3] Chreme, tantumne ab re tua est otii tibi,

ut etiam Oratorem legas? Macte virtute! Mihi quidem gratum est et erit gratius, si non modo in tuis libris, sed etiam in aliorum per librarios tuos Aristophanem, reposueris pro Eupoli. [4] Caesar autem mihi inridere visus est “quaeso” illud tuum, quod erat  εὐπινὲς et urbanum. Ita porro te sine cura esse iussit, ut mihi quidem dubitationem omnem tolleret. Atticam doleo tam diu : sed quoniam iam sine horrore est, spero esse, ut volumus.

461. — A ATTICUS. Tusculum, juillet.

A. XII, 6. Assurez-vous qu'il n'y a pas d'alliage dans l'or de Célius. Cela s'est vu ; c'est bien assez de tout perdre sur le change, sans perdre encore sur l'or. Mais pourquoi toutes ces phrases'? Vous ne vous y laisserez pas prendre. Je vous donne là du style d'Hégésias, que Varron aime tant. Parlons de Tyrannion. Quoi ! serait-il vrai? sans moi? Il s'était vingt fois mis à ma disposition, et moi je n'ai jamais voulu, sans vous. Comment expier ce forfait? Comment? Il n'y a qu'un moyen. Envoyez-moi son ouvrage; je vous le demande instamment. Au surplus, il ne me fera pas plus de plaisir que votre admiration ne m'en a fait. J'aime tout ce qui est populaire; et ce vif intérêt pour des détails techniques me charme de votre part. Au surplus, je vous reconnais bien là. S'instruire, toujours s'instruire; c'est la vraie nourriture de l’âme. Mais, dites-moi, quel rapport entre l'accent aigu ou grave, et mon traité de Finibus? Cette discussion au surplus nous menaçait de loin, et peut-être en ce moment même avez-vous quelqu'une de mes affaires en tête. Si vous avez eu une séance agréable dans mon jardin, je m'en ferai payer avec usure. Je reviens à mon dire. Envoyez-moi le livre de Tyrannion, je vous en prie. Il est à vous, 420 puisqu'on vous l'a dédié. « Vos affaires, Chrémès, vous laissent-elles assez de loisir » pour lire mon Orateur? Courage! vous êtes bien aimable, mais vous le serez encore plus si vous prenez la peine de faire mettre par vos copistes Aristophane au lieu d'Eupolis, et de faire opérer la même correction dans tous les exemplaires. — César a l'air de se moquer de votre quaeso, qui est cependant latin et de bon goût. Mais, du reste, il vous a rassuré d'un ton qui m'ôte toute inquiétude. Cette fièvre d'Attica est bien opiniâtre; mais si déjà le frisson a disparu, elle ne tardera pas, j'espère, à en être quitte.

Scr. in Tusculano m. interc. post a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

Quae desideras, omnia scripsi in codicillis eosque Eroti dedi; breviter, sed etiam plura quam quaeris; in iis de Cicerone : cuius quidem cogitationis initium tu mihi attulisti. Locutus sum cum eo liberalissime : quod ex ipso, velim, si modo tibi erit commodum, sciscitere. Sed quid differo? Exposui te ad me detulisse, ecquid vellet, ecquid requireret : velle Hispaniam, requirere liberalitatem. De liberalitate, dixi, quantum Publilius, quantum flamen Lentulus filio. De Hispania, duo attuli, primum idem, quod tibi, me vereri vituperationem : non satis esse, si haec arma reliquissemus? etiam contraria? Deinde fore, ut angeretur, quum a fratre familiaritate et omni gratia vinceretur. Velim magis liberalitate uti mea quam sua libertate; sed tamen permisi; tibi enim intellexeram non nimis displicere. Ego etiam atque etiam cogitabo teque, ut idem facias, rogo. Magna res est; simplex est manere; illud anceps. Verum videbimus. [2] De Balbo, et in codicillis scripseram et ita cogito, simul ac redierit. Sin ille tardius, ego tamen triduum; et, quod praeterii, Dolabella etiam mecum.

 

553. — A ATTICUS.

A. XII, 7. J'ai chargé Éros d'un billet qui répond I à toutes vos questions. Il est court, et pourtant il dit plus que vous n'en vouliez savoir. Cicéron y a trouvé place : c'est vous qui m'aviez mis sur la voie. Je lui ai parlé de façon à le satisfaire, et je voudrais, si l'occasion se présente, que vous le missiez vous-même sur ce chapitre : ou plutôt pourquoi vous faire attendre ce détail? je lui ai dit que c'était de mon aveu que vous l'aviez interrogé sur ses projets et ses besoins; que je connaissais son désir d'aller en Espagne et ses nécessités d'argent. Quant à l'argent, j'ai promis de le traiter à l'égal des fils de Publilius et de Lentulus le flamine. Quant à l'Espagne, j'ai élevé deux objections : la première que je vous ai faite à vous-même, c'est qu'il fallait craindre de se faire tort; que c'était déjà bien assez d'avoir quitte un drapeau, sans aller encore se ranger sous le drapeau contraire ; la seconde, que ce serait un supplice pour lui de voir son frère (son cousin, le fils de Quintus) devenu l'objet de toutes les préférences et de toutes les faveurs. J'ai ajouté qu'il me ferait plaisir en payant mes sacrifices par un peu de condescendance ; mais, après tout, je l'ai laissé le maître, car j'ai cru m'apercevoir que vous n'étiez pas très-opposé à son dessein. Je veux y penser et y repenser. Faites de même. Rester est le meilleur parti et le plus simple. L'autre est bien hasardeux. Enfin nous verrons. Je touchais aussi un mot de Balbus dans mon billet. Mon intention est d'attendre son retour, pourvu que son absence ne se prolonge pas trop. Sans cela, dans trois jours au plus tard. Ah ! j'oubliais de vous dire que Dolabella est ici avec moi.

Scr. in Tusculano m. interc. post a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

De Cicerone, multis res placet : comes est idoneus. Sed de prima pensione, ante videamus. Adest enim dies, et ille currit. Scribe, quaeso, quid referat Celer egisse Caesarem cum candidatis; utrum ipse in fenicularium, an in Martium campum cogitet. Et scire sane velim, numquid necesse sit comitiis esse Romae. Nam et Piliae satis faciendum est et utique Atticae.

565. — A ATTICUS.

A. XII,8. Je vois qu'on approuve mon plan pour Cicéron. Le compagnon est bien. Mais occupons-nous d'abord déserte première échéance : le jour approche et l'homme est pressé. Écrivez-moi, je vous prie, ce que Celer rapporte de César au sujet des candidats : est-ce aux champs Féniculaires (prairie dans l'Espagne extérieure) ou au champ de Mars qu'il songe (C'est-à-dire, César nominera-t-il les magistrats en Espagne, a son gré et militairement; ou laissera-t-il la liberté des élections?) ? Je désire savoir si je suis nécessaire à Rome pour les comices; car je veux contenter Pilia et Attica.

Scr. Asturae vi K. Sext a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Nae ego essem hic libenter atque id cotidie magis, ni esset ea causa, quam tibi superioribus litteris scripsi. Nihil hac solitudine iucundius, nisi paulum interpellasset Amyntae filius. ἀπεραντολογίας ἀηδοῦς! Cetera noli putare amabiliora fieri posse villa, litore, prospectu maris, tumulis his rebus omnibus. Sed neque haec digna longioribus litteris; nec erat, quod scriberem; et somnus urgebat.

467. — A ATTICUS. Pouzzoles.

A. XII, 9. Que je suis bien ici, et que chaque jour je m'y trouverais mieux encore, sans ce dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre ! Rien de plus charmant que cette retraite ; mais le fils d'Amyntas vient un peu trop souvent en troubler les délices. L'insupportable bavard! D'ailleurs croyez bien qu'il n'y a rien de plus adorable au monde que cette habitation, ces rivages, cette mer, et tout le reste. Mais il n'y a pas là de quoi fournir à une longue lettre : je n'ai rien à vous mander, et le sommeil me presse.

Scr. Asturae v K. Sext. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Male mehercule de Athamante. Tuus autem dolor humanus is quidem, sed magno opere moderandus. Consolationum autem multae viae, sed illa rectissima : impetret ratio, quod dies impetratura est. Alexin vero curemus, imaginem Tironis; quem aegrum Romam remisi : et, si quid habet collis ἐπιδήμιον, ad me cum Tisameno transferamus. Tota domus vacat superior, ut scis. Hoc puto valde ad rem pertinere.

468. — A ATTICUS. Pouzzoles, septembre.

A. XII, 10. Quel malheur que la mort d'Athamas ! Votre douleur n'est que trop juste; mais il faut vous modérer. Il y a une foule de consolations à se faire : le plus simple est de demander à la raison ce que le temps ne refuse jamais. Mais occupons-nous surtout de la santé de votre Alexis fidèle image de mon cher Tiron, que je viens de renvoyer malade à Rome. Pour peu qu'il y ait apparence d'épidémie sur le Quirinal (ou demeurait Atticus), envoyez- moi Alexis chez moi avec Tisamène : tout le haut de ma maison, comme vous savez, est libre. Il n'y a rien de mieux à faire.

Scr. in Tusculano m. interc. post. a. 708 (46).

CICERO ATTICO SAL.

Male de Seio. Sed omnia humana tolerabilia ducenda. Ipsi enim quid sumus ? aut quam diu haec curaturi sumus? Ea videamus, quae ad nos magis pertinent, nec tamen multo : quid agamus de senatu. - Et, ut ne quid praetermittam, Caesonius ad me litteras misit, Postumiam Sulpici domum ad se venisse. De Pompei Magni filia, tibi rescripsi nihil me hoc tempore cogitare. Alteram vero illam, quam tu scribis, puto, nosti. Nihil vidi foedius. Sed adsum. Coram igitur. Obsignata epistula, accepi tuas. Atticae hilaritatem libenter audio : commotiunculis συμπάσχω.

 523. — A ATTICUS. D'une villa.

A. XII, 11. Je regrette Séius, mais il faut se résigner à tout ce qui est dans l'ordre de la nature. Que sommes-nous nous-mêmes? Et combien de temps encore avons-nous à nous préoccuper de ce qui arrive? Songeons aux choses qui nous touchent de plus près, et qui, après tout, ne nous touchent guère ; et voyons quelle attitude nous devons prendre au sénat. — Pour ne rien oublier, Césonius m'écrit que Postumia , femme de Sulpicius, est venue le voir. Je vous ai dit que quant à présent, je ne songeais en aucune façon à la fille de Pompée. Vous me parlez d'une autre. Sans doute vous la connaissez, je ne sais rien de plus repoussant, mais je vais arriver : nous en parlerons. — Ma lettre cachetée, je reçois la vôtre. Je suis charmé d'apprendre qu'Attica reprend sa gaieté; mais je n'aime pas ses ressentiments de fièvre.

Scr. Asturae xvii K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

De dote, tanto magis perpurga. Balbi regia condicio est delegandi. Quoquo modo confice. Turpe est rem impeditam iacere. - Insula Arpinas habere potest germanam ἀποθέωσιν : sed vereor, ne minorem τιμὴν habere videatur ἐκτοπισμός. est igitur animus in hortis : quos tamen inspiciam quum venero. [2] - De Epicuro, ut voles; etsi μεθαρμόσομαι. in posterum genus hoc personarum. Incredibile est, quam ea quidam requirant. Ad antiquos igitur : ἀνεμέσητον γάρ. - Nihil habeo ad te quod scribam : sed tamen institui cotidie mittere, ut eliciam tuas litteras; non quo aliquid ex iis exspectem; sed nescio quo modo tamen exspecto. Quare sive habes quid, sive nil habes, scribe tamen aliquid, teque cura.

 541. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 12. Raison de plus pour en finir avec la dot. C'est une tyrannie que la condition de Balbus pour le transport. Mais, de façon on d'autre, terminez , je vous prie. J'ai honte de voir mes affaires accrochées éternellement. — L'île d'Arpinum peut recevoir l'apothéose de ma fille. Je crains seulement que le lieu ne soit pas assez honorable; il est bien écarté. Je reviens toujours à l'idée des jardins, mais je veux les voir à mon premier voyage. — Va comme vous l'entendez pour Épicure, quoiqu'un interlocuteur du temps passé eût bien mieux fait mon affaire. Tous ne sauriez croire tout ce que je rencontre d'exigences. Parlez-moi des morts; avec eux pas de réclamation. — Je n'ai rien à vous mander. Mais je me suis fait une loi de vous écrire tous les jours, pour obtenir, bon gré, mal gré, une réponse de vous. Ce n'est pas que j'attende précisément des nouvelles. Mais qui sait? J'attends toujours. Ainsi donc, en fonds ou non, ne laissez pas de m'écrire, et surtout soignez-vous bien.

Scr. Asturae Non. Mart. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Commovet me Attica; etsi adsentior Cratero. Bruti litterae scriptae et prudenter et amice, multas mihi tamen lacrimas attulerunt. Me haec solitudo minus stimulat quam ista celebritas. Te unum desidero; sed litteris non difficilius utor, quam si domi essem : ardor tamen ille idem urget et manet, non mehercule indulgente me, sed tamen repugnante. [2] Quod scribis de Appuleio, nihil puto opus esse tua contentione, nec Balbo et Oppio; quibus quidem ille receperat, mihique etiam iusserat nuntiari se molestum omnino non futurum. Sed cura, ut excuser morbi causa in dies singulos. Laenas hoc receperat. Prende C. Septimium, L. Statilium. Denique nemo negabit sc iuraturum, quem rogaris. Quod si erit durius, veniam et ipse perpetuum morbum iurabo. Quum enim mihi carendum sit conviviis, malo id lege videri facere quam dolore. Cocceium velim appelles. Quod enim dixerat, non facit. Ego autem volo aliquod emere latibulum et perfugium doloris mei.

542. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 13. Attica m'inquiète, malgré la confiance que m'inspire Craténis. La lettre de Brutus est d'un sage et d'un ami (Sur la mort de Tullia), mais elle ne m'en a pas moins fait répandre bien des larmes. La solitude convient mieux à mes nerfs que toutes ces visites. Il n'y a que vous que je regrette. Mais je puis ici me livrer à l'étude aussi commodément que chez moi. Cependant le mal est toujours là qui m'obsède; je ne l'excite pas, je vous le jure, mais ainsi je ne le combats point. — Vous me parlez d'Apuléius. Vous n'avez plus, je crois, grande peine à prendre a ce sujet, non plus que Balbus et Oppius. il leur a promis à tous deux, et m'a fait dire à moi-même, qu'à aucun prix il ne voudrait m'être désagréable. .N'oubliez pas, je vous prie, de m'excuser chaque fois sur ma santé. Lénas s'en était chargé. Joignez-lui C. Septimins et L. Statilius. Personne d'ailleurs ne refusera de jurer pour moi. Si on fait la moindre difficulté, j'irais en personne, et je ferais serment que je suis malade une fois pour toutes. Obligé de me priver de ces festins d'apparat, j'aime mieux me prévaloir du bénéfice de la loi que de ma tristesse et de mes larmes. — Faites assigner Coccéius, je vous prie; il m'avait donné sa parole, et il y manque. Or je veux être en position d'acheter quelque coin solitaire pour aller cacher ma douleur.

Scr. Asturae viii Id. Mart. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

De me excusando apud Appuleium dederam ad te pridie litteras. Nihil esse negoti arbitror. Quemcumque appellari,s nemo negabit. Sed Septimium vide et Laenatem et Statilium. Tribus enim opus est. Sed mihi Laenas totum receperat. [2] - Quod scribis a Iunio te appellatum, omnino Cornificius locuples est : sed tamen scire velim, quando dicar spopondisse, et pro patre, anne pro filio : neque eo minus, ut scribis, procuratores Cornifici et Appuleium praediatorem videbis. [3] Quod me ab hoc maerore recreari vis, facis ut omnia : sed me mihi non defuisse tu testis es. Nihil enim de maerore minuendo scriptum ab ullo est, quod ego non domi tuae legerim. Sed omnem consolationem vincit dolor. Quin etiam feci, quod profecto ante me nemo, ut ipse me per litteras consolarer : quem librum ad te mittam, si descripserint librarii. Afffirmo tibi nullam consolationem esse talem. Totos dies scribo; non quo proficiam quid; sed tantisper impedior, non equidem satis, (vis enim urget), sed relaxor tamen, ad omniaque nitor, non ad animum, sed ad vultum ipsum, si queam, reficiendum; idque faciens; interdum mihi peccare videor, interdum peccaturus esse; nisi faciam. Solitudo aliquid adiuvat, sed multo plus proficeret,, si tu tamen interesses : quae mihi una causa est hinc discedendi. Nam, pro malis, recte habebat : quamquam id ipsum doleo. Non enim iam in me idem esse poteris. Perierunt illa quae amabas. [4] - De Bruti ad me litteris scripsi ad te antea; prudenter scriptae : sed nihil quod me adiuvarent. Quod ad te scripsit, id vellem, ut ipse adesset : certe aliquid, quoniam me tam valde amat, adiuvaret. Quod si quid scies, scribas ad me velim, maxime autem, Pansa quando. Se Attica doleo : credo tamen Cratero. Piliam angi veta : satis est me maerere pro omnibus.

 

 543. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 14. Je vous ai écrit avant-hier pour vous prier de m'excuser auprès d'Apuléius. C'est une chose toute simple, je pense. Prenez qui vous voudrez, on ne vous refusera point. Cependant voyez plutôt Septimins, Lénas et Statilius, car il en faut trois. Lénas s'était fait fort à lui seul d'arranger tout. — Junius, dites-vous, vous a fait assigner. Heureusement que Cornificius est riche. Je voudrais savoir néanmoins si on me met en cause, pour quelle somme j'ai répondu, et si c'est pour le père ou pour le fils. Que cela ne vous empêche pas de voir, comme vous me le marquez, les gens d'affaires de Cornificius, et aussi le grand acheteur de terres Apulcius. — Je reconnais votre bonté ordinaire dans vos conseils. Mais j'ai tout lente pour modérer ma douleur, vous en êtes témoin. Il n'y a pas un seul ouvrage sur l'adoucissement des peines de cœur que je n'aie lu chez vous. C'est en vain : la peine est la plus forte. J'ai fait plus, et sans doute personne avant moi n'en avait donné l'exemple j'ai composé sur moi-même des lettres de consolation. J'attends qu'on en ait fini la copie pour vous les envoyer. Vous pouvez compter que vous n'avez encore rien vu de pareil. Je passe mes jours entiers à écrire; au fond , je n'y gagne rien, mais j'occupe mon esprit; pas assez pour l'arracher tout à fait a la pensée qui l'obsède, assez pour y faire quelque diversion. Je fais a que je puis ; et si je ne réussis point à calmer mon âme, je cherche du moins à composer mes traits. Ces efforts, tantôt je me les reproche comme un crime, tantôt je me regarderais comme coupable de les négliger. La solitude m'est secourable; elle me le serait plus encore, si je vous avais près de moi, et ce sera la mon unique motif pour la quitter. Ma douleur s'y trouve bien, mais je souffre trop de votre éloignement. Vous ne me reconnaîtrez plus. J'ai perdu tout ce que vous aimiez eu moi. — Je vous ai dit précédemment un mot de la lettre de Brutus. Rien de pins sage, mais aucun mot consolant. Il désire me voir, dites-vous : sans doute ce me serait un bien que la présence d'un ami qui a tant d'affection pour moi. Si vous savez quelque chose de nouveau, surtout de Pansa, mandez-le-moi. La position d'Attica m'afflige, mais j'ai toute confiance en Cratérus : empêchez Pilia de se trop tourmenter. C'est votre lot à vous de prendre pour vous seul le chagrin des autres.

Scr. Asturae vii Id. Mart a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Apud Appuleium, quoniam in perpetuum non placet, in dies ut excuser, videbis. in hac solitudine careo omnium conloquio; quumque mane me in silvam abstrusi densam et asperam, non exeo inde ante vesperum. Secundum te nihil est mihi amicius solitudine. In ea mihi omnis sermo est cum litteris. Eum tamen interpellat fletus : cui repugno, quoad possum. Sed adhuc pares non sumus. Bruto, ut suades, rescribam. Eas litteras cras habebis. Quum erit cui des, dabis.

  544 — A ATTICUS. Ature, mars.

A. XIl, 15. Puisque vous ne voulez pas m'excuser une fois pour toutes prés d'Apuléius, ayez la bonté de présenter mes excuses â chaque occasion. Dans ma retraite, je n'ai absolument d'entretien avec personne. Le matin, je m'enfonce dans la sombre et épaisse forêt, et je n'en sors que le soir. Après vous, la solitude est ce que j'aime le mieux. Je n'y ai pas d'autre compagnie que mes livres. La douleur arrive quelquefois en tiers; je résiste, mais je ne suis pas encore de force. Ainsi que vous mêle conseillez, je répondrai à Brutus. Vous aurez la lettre demain ; profitez, pour la remettre, de la première occasion.

Scr. Asturae vi Id. Mart a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Te, tuis negotiis relictis, nolo ad me venire : ego potius accedam, si diutius impediere. Etsi ne discessissem qui dem e conspectu tuo, nisi me plane nihil ulla res adiuvaret. Quod si esset aliquod levamen, id esset in te uno : et, quum primum ab aliquo poterit esse, a te erit. Nunc tamen ipsum sine te esse non possum. Sed nec tuae domi probabatur, nec meae poteram; nec, si propius essem uspiam, tecum tamen essem. Idem enim te impediret, quo minus mecum esses, quod nunc etiam impedit. Mihi nihil adhuc aptius fuit hac solitudine : quam vereor, ne Philippus tollat. Heri enim vesperi venerat. Me scriptio et litterae non leniunt, sed obturbant.

545. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 16. Je ne veux point que vous quittiez vos affaires pour moi. J'irai vous rejoindre, si elles vous retiennent trop longtemps. Encore ne me suis-je éloigné que parce que j'ai senti que dans un tel moment rien ne pourrait sur mon esprit. S'il y avait en des consolations possibles, elles me seraient venues de vous; et lorsque je serai en état d'en recevoir, ce sera de vous seulement. Déjà, je sens que sans vous je ne puis vivre ; mais il n'y avait pas moyen de rester dans votre demeure ou dans la mienne. Plus près, je ne serais pas avec vous davantage; ce qui vous arrête vous arrêterait encore. La solitude est donc jusqu'ici ce qu'il y a de mieux pour moi. Je crains que Philippe ne vienne la troubler. Il est arrivé hier soir. En lisant et en travaillant, si je ne me soulage pas, du moins je m'étourdis.

Scr. Asturae iv Id. Mart. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Marcianus ad me scripsit me excusatum esse apud Appuleium a Laterense, Nasone, Laenate, Torquato, Strabone : iis velim meo nomine reddendas litteras cures, gratum mihi eos fecisse. Quod pro Cornificio me abhinc amplius annis xxv spopondisse dicit Flavius, etsi reus locuples est, et Appuleius praediator liberalis, tamen velim des operam, ut investiges ex consponsorum tabulis, sitne ita : (mihi enim ante aedilitatem meam nihil erat cum Cornificio : potest tamen fieri; sed scire certum velim) et appelles procuratores, si tibi videtur. Quamquam quid ad me? Verumtamen. Pansae profectionem scribes, quum scies. Atticam salvere iube et eam cura, obsecro, diligenter. Piliae salutem.

 

 547. - A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 17. Marcianus m'écrit que mes excusés ont été faites à Apuléius par Latérensis, Nason , Lénas, Torquatus et Strabon. Je voudrais que vous eussiez la bonté de leur faire tenir en mon nom des lettres de remercîment. Flavius prétend que j'ai répondu il y a plus de vingt cinq ans pour Cornificius. Quoique le débiteur soit riche et qu'Apuléius soit un propriétaire grand et généreux , rendez-moi toutefois le service de compulser le registre des garanties, et de vérifier si j'ai pris en effet un engagement. Je n'ai souvenir d'aucun rapport avec Cornificius antérieurement à mon édilité. Cela peut être, et je veux en avoir la certitude. Vous ferez assigner les gens d'affaires, si vous le jugez à propos. Après tout, que m'importe? Il importe toutefois. — Dès que vous saurez le départ de Pansa, écrivez-moi. Mes compliments à Attica. Ayez bien soin d'elle, je vous en conjure. Mes compliments aussi à Pilia.

Scr. Asturae v Id. Mart a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Dum recordationes fugio, quae quasi morsu quodam dolorem efficiunt, refugio ad te admonendum : quod velim mihi ignoscas, cuicuimodi est. Etenim habeo nonnullos ex iis, quos nunc lectito, auctores, qui dicant fieri id oportere, quod saepe tecum egi et quod a te approbari volo, De fano illo dico; de quo tantum, quantum me amas, velim cogites. Equidem neque de genere dubito (placet enim mihi Cluati); neque de re (statutum est enim) : de loco non numquam. Velim igitur cogites. Ego, quantum his temporibus tam eruditis fieri potuerit, profecto illam consecrabo omni genere monimentorum ab omnium ingeniis sumptorum, et Graecorum et Latinorum : quae res forsitan sit refricatura vulnus meum. Sed iam quasi voto quodam et promisso me teneri puto; longumque illud tempus, quum non ero, magis me movet quam hoc exiguum, quod mihi tamen nimium longum videtur. Habeo enim nihil, tentatis rebus omnibus, in quo acquiescam. Nam, dum illud tractabam, de quo ad te ante scripsi, quasi fovebam dolores meos. Nunc omnia respuo; nec quicquam habeo tolerabilius quam solitudinem : quam, quod eram veritus, non obturbavit Philippus. Nam, ut heri me salutavit, statim Romam profectus est. [2] - Epistulam, quam ad Brutum, ut tibi placuerat, scripsi, misi ad te. Curabis cum tua perferendam. Eius tamen misi ad te exemplum, ut, si minus placeret, ne mitteres. [3] - Domestica quod ais ordine administrari, scribes, quae sint ea. Quaedam enim exspecto. Cocceius vide ne frustretur. Nam Libo quod pollicetur, ut Eros scribit, non incertum puto. De sorte mea Sulpicio confido et Egnatio scilicet. De Apuleio, quid est quod labores, quum sit excusatio facilis? [4] Tibi ad me venire, ut ostendis, vide, ne non sit facile. Est enim longum iter, discedentemque te, quod celeriter tibi erit fortasse faciendum, non sine magno dolore dimittam. Sed omnia, ut voles. Ego enim, quidquid feceris, id quum recte, tum etiam mea causa factum putabo.

Scr. Asturae iii Id. Mart. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Heri, quum ex aliorum litteris cognovissem de Antoni adventu, admiratus sum nihil esse in tuis. Sed erant pridie fortasse scriptae quam datae. Neque ista quidem curo. Sed tamen opinor propter praedes suos accucurrisse. [2] - Quod scribis, Terentiam de obsignatoribus mei testamenti loqui : primum tibi persuade me istaec non curare, neque esse quicquam aut parvae curae aut novae loci. Sed tamen quid simile? Illa eos non adhibuit, quos existimavit quaesituros, nisi scissent, quid esset. Num id etiam mihi periculi fuit? Sed tamen faciat illa, quod ego. Dabo meum testamentum legendum cui voluerit : intelleget non potuisse honorificentius a me fieri de nepote, quam fecerim. Nam quod non advocavi ad obsignandum, primum mihi non venit in mentem : deinde ea re non venit, quia nihil attinuit. Tute scis (si modo meministi) me tibi tum dixisse, ut de tuis aliquos adduceres : quid enim opus erat multis? Equidem domesticos iusseram. Tum tibi placuit, ut mitterem ad Silium : inde est natum, ut ad Publilium. Sed necesse neutrum fuit. Hoc tu tractabis, ut tibi videbitur.

 546. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 18, 1e part. Je fuis les souvenirs qui déchirent mon cœur, et je vous épargne ainsi des importunités; mais il faut bien que j'y revienne et que vous me le pardonniez. Ce que je veux en définitif et ce qu'il faut m'accorder se trouve mentionné et recommandé dans plusieurs des livres dont je fais depuis quelque temps mon unique lecture. Il s'agit toujours de ce temple. Je demande à votre amitié d'y songer sérieusement. Je n'hésite ni sur le plan, celui de Cluatius me convient, ni sur la chose en elle-même : c'est un parti pris. Le lieu seul me laisse encore de l'incertitude; pensez-y bien, je vous en conjure. Cette époque est féconde en talents ; je veux en profiter pour élever des monuments divers à une mémoire chérie. J'appellerai à y concourir les plus beaux génies de la Grèce et du Latium. Peut-être, au milieu de ces soins, mes blessures vont-elles de nouveau saigner. Mais il y a là un vœu et un engagement dont je ne suis plus libre; d'ailleurs la longue durée des temps qui suivront ma mort me touche bien autrement que ces cours instants de la vie, trop lents encore à mon gré. J'ai essayé de tout, et je ne trouve le repos nulle part. L'ouvrage dont je vous ai dit un mot dans l'une de mes dernières lettres était comme un aliment que j'offrais à ma douleur. Aujourd'hui pour moi tout est dégoût. Je ne trouve de supportable que la solitude. J'y redoutais les ennuyeuses visites de Philippe; j'eu ai été quitte pour la peur. Hier, il me donna le bonjour, et l'instant d'après il repartit pour Rome. — Je vous envoie la lettre que vous me conseillez d'écrire à Brutus. Vous pourrez la lui faire tenir avec la vôtre; à l'original je joins une copie. Vous la lirez; et si vous ne trouviez pas la lettre bien, vous ne l'enverrez pas. — Faites-moi le plaisir de me dire quelles sont celles de mes affaires dont le règlement se suit. J'attendais des résultats de plusieurs. Veillez à ce que Coccéius ne vous manque pas de parole. Quanta Libon, Eros m'en parle, et je ne crois pas qu'il y ait à douter de ses promesses. Pour tout le reste, je puis m'en remettre à Sulpicius et à Egnatius. Pourquoi vous tourmenter d'Apuléius? L'excuse est si facile! mais votre projet de me venir voir l'est peut-être beaucoup moins. Prenez-y garde. D'abord la longueur du voyage; puis le moment du départ, sans doute trop voisin de votre arrivée, sera pour moi un chagrin mortel. Faites au surplus comme vous le jugerez le plus à propos. J'interprète toujours en bien et dans mon intérêt tout ce que vous faites.

 548. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XlI, 18, 2e part. Ma correspondance d'hier m'a appris l'arrivée d'Antoine, .le m'étonne que vous ne m'en ayez rien dit dans votre lettre. Peut-être l'aviez-vous écrite la veille de sa date. Ce n'est pas (pie j'aie grand intérêt a cette nouvelle. Il sera venu sans doute pour dégager ses cautions. — Térentia vous a parlé, dites-vous, de mon testament et des personnes que j'ai appelées à la fermeture. Persuadez-vous bien d'abord que rien de tout cela ne me préoccupe, et qu'il n'y a plus en moi de place pour de petites ou de nouvelles peines. Mais, après tout, quel rapport? Et le n'a pas appelé certaines personnes qui auraient voulu savoir et qui auraient fait des questions. Avais-je, moi, les mêmes précautions à prendre? Que ne fait-elle comme moi ? Je donnerai mon testament, à lire à qui voudra, et elle verra qu'il n'y a rien de plus honorable que mes dispositions pour son petit-fils. Si je n'ai pas appelé certains témoins à la fermeture , c'est tout simplement d'abord que je n'y ai pas songé; et je n'y ai pas songé, parce qu'il n'y avait aucune nécessité. Vous devez vous rappeler parfaitement, si votre mémoire vous est fidèle, que je vous priai de m'amener quelqu'un des vôtres. Qu'avais-je besoin de tant de monde? J'avais appelé des gens de chez moi. Vous avez désiré que je fisse avertir Silius; Silius m'a fait penser à Publilius. Mais en vérité on n'avait besoin ni de l'un ni de l'autre. Faites là-dessus ce que vous Jugerez à propos.

Scr. Asturae prid. Id. Mart. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Est hic quidem locus amoenus, et in mari ipso, qui et Antio et Circeiis aspici possit : sed ineunda nobis ratio est quemadmodum in omni mutatione dominorum, quae innumerabiles fieri possunt in infinita posteritate (si modo haec stabunt) illud quasi consecratum remanere possit. Equidem iam nihil egeo vectigalibus, et parvo contentus esse possum. Cogito interdum trans Tiberim hortos aliquos parare, et quidem ob hanc causam maxime : nihil enim video, quod tam celebre esse possit; sed quos, coram videbimus; ita tamen ut hac aestate fanum absolutum sit. Tu tamen cum Apella Chio confice de columnis. [2] - De Cocceio et Libone quae scribis, approbo; maxime quod de iudicatu meo. De sponsu, si quid perspexeris : et tamen quid procuratores Cornifici dicant, velim scire; ita ut in ea re te, quum tam occupatus sis, non multum operae velim ponere. De Antonio Balbus quoque ad me cum Oppio conscripsit, idque tibi placuisse, ne perturbarer. Illis egi gratias. Te tamen, ut iam ante ad te scripsi, scire volo me neque isto nuntio esse perturbatum nec iam ullo perturbatum iri. [3] - Pansa si hodie, ut putabas, profectus est, posthac iam incipito scribere ad me, de Bruti adventu quid exspectes, id est, quos ad dies. Id, si scies ubi iam sit, facile coniectura adsequere. [4] - Quod ad Tironem de Terentia scribis, obsecro te, mi Attice, suscipe totum negotium. Vides et officium agi meum quoddam, cui tu es conscius et, ut nonnulli putant, Ciceronis rem. Me quidem id multo magis movet, quod mihi est et sanctius et antiquius; praesertim quum hoc alterum neque sincerum neque firmum putem fore.
 

 549. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII. 19. Oui, il y a ici un lieu charmant au milieu de la mer, en vue des côtes d'Antium et de Circéi. Mais je veux prévoir les changements de maîtres qui auront lieu dans la suite des ans et des siècles, et garantir le monument par une consécration, au moins pour Ile emps qu'il lui sera donné de subsister. Pour moi, la privation du revenu n'est rien. Je sais me contenter de peu. Quelquefois je pense à des jardins au delà du Tibre. Je ne connais pas d'endroit plus fréquenté, et c'est ce qui m'en plaît davantage. Mais quels jardins? Nous en verrons ensemble. Il faut seulement que le temple soit fini cet été. Vous pouvez traiter pour les colonnes avec Apelle de Chio. - Je suis charmé de ce que vous me dites d'Occéius et de Libon , surtout de la manière dont s'arrange mon affaire de judiecture. Êtes-vous remonté à la source pour l'argent cautionné? Que disent les gens d'affaires de Cornificius? Mandez-le-moi, si vous le pouvez ; car je ne voudrais pas vous donner trop d'embarras, quand vous avez tant d'affaires sur les bras, Balbus et Oppius m'out écrit pour me rassurer aussi sur Antoine; vous les y aviez engagés. Je vais leur en témoigner ma gratitude. Mais je vous le répète, et sachez-le bien, ni de ce côté ni d'aucun autre l'inquiétude n'a désormais de prise sur moi. — Si Pansa est parti aujourd'hui, comme vous le dites, parlez-moi maintenant de Brutus. A quelle époque l'attend-on? Il vous sera facile de le calculer à peu de jours près, pour peu que vous sachiez où il est en ce moment. - Vous avez écrit à Tiron au sujet de Térentia. Je vous en conjure, mon cher Atticus, chargez-vous de cette affaire. Voyez ce que le devoir exige de moi : vous en jugerez mieux que personne. Il s'agit aussi, me dit-on , de l'intérêt de Cicéron. C'est la première considération oui me touche et ce que j'ai le plus à cœur. Je ne vols de l'autre côté que résolutions peu sincères ou peu durables.

Scr. Asturae Id. Mart. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Nondum videris perspicere, quam me nec Antonius commovent, nec quicquam iam eius modi possit commovere. De Terentia autem scripsi ad te eis litteris, quas dederam pridie. Quod me hortaris, idque a ceteris desiderari scribis, ut dissimulem me tam graviter dolere; possumne magis, quam quum totos dies consumo in litteris? Quod etsi non dissimulationis, sed potius leniendi et sanandi animi causa facio, tamen, si mihi minus proficio, simulationi certe facio satis. [2] Minus multa ad te scripsi, quod exspectabam tuas litteras ad eas, quas pridie dederam. Exspectabam autem maxime de fano, nonnihil etiam de Terentia. Velim me facias certiorem proximis litteris Cn. Caepio, Serviliae Claudi pater, vivone patre suo naufragio perierit, an mortuo; item Rutilia vivone C. Cotta, filio suo, mortua sit, an mortuo. Pertinent ad eum librum, quem de luctu minuendo scripsimus.

550. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 20. Vous ne savez pas encore, je le vois, à quel point je me soucie peu d'Antoine, ni de quoi que ce soit en ce genre. Je vous ai parlé de Térentia dans ma lettre d'hier. Vous voudriez, et vous n'êtes pas le seul, dites-vous, me voir prendre un peu plus sur moi pour cacher ma douleur. Mais que puis-je faire de plus que de passer mes journées entières à écrire? Et cela non point, il est vrai, pour cacher ma peine, mais pour tenter sérieusement de la soulager et de la guérir. Si je n'y réussis pas, du moins fais-je assez pour le monde. - Ma lettre sera courte, parée que j'attends votre réponse à mes observations d'hier, principalement sur ce qui regarde le temple, et aussi sur Térentia. Faites-moi le plaisir de me dire dans votre plus prochaine lettre si le naufrage où périt Cn. Cépion, père de Servilia, femme de Claude, est arrivé du vivant ou après la mort de son père; et si c'est avant ou après le décès de son fils C. Cotta, qu'a eu lieu la mort de Rutilia. Ces questions se rapportent à l'ouvrage dont je m'occupe sur les consolations.

Scr. Asturae xvi K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Legi Bruti epistulam, eamque tibi remisi, sane non prudenter rescriptum ad ea, quae requisieras. Sed ipse viderit : quamquam illud turpiter ignorat. Catonem primum sententiam putat de animadversione dixisse; quam omnes ante dixerant praeter Caesarem  : et quum ipsius Caesaris tam severa fuerit, qui tum praetorio loco dixerit, consularium putat leniores fuisse, Catuli, Servili, Lucullorum, Curionis, Torquati, Lepidi, Gelli, Volcaci, Figuli, Cottae, L. Caesaris, C. Pisonis, etiam M'. Glabrionis, Silani, Murenae designatorum consulum. Cur ego in sententiam Catonis? Quia verbis luculentioribus et pluribus rem eandem comprehenderat. Me autem hic laudat, quod rettulerim, non quod patefecerim, quod cohortatus sim, quod denique ante, quam consulerem, ipse iudicaverim. Quae omnia, quia Cato laudibus extulerat in caelum, perscribendaque censuerat, idcirco in eius sententiam est facta discessio. Hic autem se etiam tribuere multum mi putat, quod scripserit “optimum consulem.” Quis enim ieiunius dixit inimicus? Ad cetera vero tibi quemadmodum rescripsit ? Tantum rogat, de senatus consulto ut corrigas. Hoc quidem fecisset, etiamsi a Ranio admonitus esset. Sed haec iterum ipse viderit. [2] - De hortis, quoniam probas, effice aliquid. Rationes meas nosti. Si vero etiam a Faberio aliquid recedit, nihil negoti est. Sed etiam sine eo posse videor contendere. Venales certe sunt Drusi : fortasse etiam Lamiani et Cassiani : sed coram. [3] De Terentia non possum commodius scribere, quam tu scribis. Officium sit nobis antiquissimum. Si quid nos fefellerit, illius malo me quam mei paenitere. [4] Oviae C. Lolli curanda sunt HS C. Negat Eros posse sine me; credo, quod accipienda aliqua sit et danda aestimatio. Vellem tibi dixisset. Si enim res est, ut mihi scripsit, parata, nec in eo ipso mentitur, per te confici potuit. Id cognoscas et conficias velim. [5] Quod me in forum vocas, eo vocas, unde etiam bonis meis rebus fugiebam. Quid enim mihi [cum] foro, sine iudiciis, sine curia, in oculos incurrentibus iis, quos animo aequo videre non possum? Quod autem a me homines postulare scribis, ut Romae sim, neque mihi, ut absim, concedere, aut quatenus eos mihi concedere : iam pridem scito esse, quum unum te pluris quam omnis illos putem. Ne me quidem contemno : meoque iudicio multo stare malo quam omnium reliquorum. Neque tamen progredior longius, quam mihi doctissimi homines concedunt : quorum scripta omnia, quaecumque sunt in eam sententiam, non legi solum, quod ipsum erat fortis aegroti, accipere medicinam, sed in mea etiam scripta transtuli, quod certe adflicti et fracti animi non fuit. Ab his me remediis noli in istam turbam vocare, ne recidam.

 552. - A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 21. J'ai lu la lettre de Brutus et je vous la renvoie. Il met assurément bien peu de convenance dans ses réponses à vos observations : c'est son affaire, mais il devrait rougir de son ignorance. Il croit que c'est Caton qui le premier ouvrit l'avis de la peine capitale ; mais avant Caton, tous, excepté César, avaient déjà voté dans ce sens: et quand César lui-même, qui ne siégeait alors qu'aux rangs des préteurs, tint un langage si sévère, il s'imagine qu'aux rangs consulaires les Catulus, les Servilius, les Lucullus, les Curions, les Torquatus, les Lépides, les Gellius, les Volcatius, les Figulus, les Cotta, les Lucius Césars, les Pisons, et même que, parmi les consuls désignés, les M'. Glabrion, les Silanus, les Muréna auraient montré plus d'indulgence! Pourquoi Caton a-t-il attaché son nom au décret? uniquement parce qu'en exprimant la même opinion que les autres, il y mit plus de développements et d'énergie Brutus me loue cependant, mais comme rapporteur de l'affaire. D'ailleurs pas un mot de la conjuration découverte, du mouvement imprimé au sénat, de l'arrêt que j'avais déjà rendu même avant de recueillir les voix ; toutes choses que Caton éleva jusqu'aux nues, et dont il voulut que mention spéciale fût insérée au décret; c'est ce qui fit que son vote emporta la décision, Brutus croit me faire beaucoup d'honneur en m'appelant un excellent consul. Mais un ennemi, je vous le demande, emploierait-il une expression plus sèche? Et comment répond-il sur le reste? Il vous prie seulement de rectifier ce qui se rapporte au sénatus-consulte. Quand il aurait pris leçon d'un Ranius, il ne parlerait pas autrement; mais, encore. une fois, c'est son affaire. — Puisque vous êtes d'accord avec moi sur les jardins, mettez-vous à l'œuvre, je vous prie. Vous connaissez ma situation. Si je parviens à tirer quelque chose de Fabérius, l'affaire ira toute seule; même sans cela je puis encore me mettre, sur les rangs. Les jardins de Drusus sont certainement à vendre, peut-être aussi ceux de Lamia et de Cassius. Je ne saurais rien dire de mieux sur Térentia que ce que vous m'en écrivez. Le devoir, le devoir avant tout! s'il y a des torts, j'aime mieux en laisser peser la responsabilité sur elle que sur moi. Cent mille sesterces sont à payer à Ovia, femme de C. Lollius. Éros dit ma présence indispensable; sans doute à cause de quelque estimation d'objets à prendre et a donner. Il aurait bien dû vous parler de cette affaire. Si tout est prêt, comme il me le mande (et, à cet égard, il ne dit rien qui ne soit vrai), vous pourriez me remplacer, faites-vous rendre compte de l'état des choses, je vous prie, et suppléez-moi. Moi, reparaître, au forum! au forum que j'avais abandonné avant même que ma fortune eût reçu aucune atteinte, Eh! qu'y ferais-je aujourd'hui! quand il n'y a plus de justice, plus de sénat ; quand il faudrait chaque jour me trouver face à face avec des gens dont la vue seule me révolte? L'opinion, dites-vous, me rappelle à Rome. On condamne mon absence; on ne veut pas du moins que je la prolonge. Eh bien! sachez d'abord qu'il y a un avis dont je fais plus de cas que de tous les autres ensemble, c'est le vôtre; que de plus je prétends, moi, ne pas me compter pour rien; enfin que j'ai ma manière de voir, crue je préfère à celle de tout le monde. Mon chagrin ne dépasse point les bornes qu'y mettent les philosophes, j'ai lu tout ce qu'ils disent sur ce sujet, et c'est déjà quelque chose pour un malade que de chercher le remède à ses maux. Mais ce n'est pas tout : j'ai fait passer la substance de leurs écrits dans le traité que je compose; ce qui n'est pas, ce me semble, la marque d'un esprit qui se laisse abattre et décourager. Gardez-vous donc d'interrompre ce régime de tranquillité, pour me rejeter dans la tourmente. Une rechute serait inévitable.

Scr. Asturae xv K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

De Terentia, quod mihi omne onus imponis, non cognosco tuam in me indulgentiam. Ista enim sunt ipsa vulnera, quae non possum tractare sine maximo gemitu. Moderare igitur, quaeso, ut potes. Neque enim a te plus, quam potes postulo; [2] potes autem, quid veri sit, perspicere tu unus. De Rutilia, quoniam videris dubitare, scribes ad me, quum scies; sed quam primum; et num, Clodia D. Bruto consulari, filio suo, mortuo vixerit. Id de Marcello aut certe de Postumia sciri potest : illud autem de M. Cotta aut de Syro aut de Satyro. [3] De hortis, etiam atque etiam rogo. Omnibus meis eorumque, quos scio mihi non defuturos, facultatibus (sed potero meis) enitendum mihi est. Sunt etiam, quae vendere facile possim. Sed, ut non vendam, eique usuram pendam, a quo emero, non plus annua possum assequi : quod volo, si tu me adiuvas. Paratissimi sunt Drusi : cupit enim vendere. Proximos puto Lamiae : sed abest. Tu tamen, si quid potes, odorare. Ne Silius quidem quicquam utitur, et is usuris facillime sustentabitur. Habe tuum negotium; nec, quid res mea familiaris postulet, quam ego non curo, sed quid velim et cur velim, existima.

554. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 22. Me laisser l'embarras d'en finira avec Térentia! ah! je ne. reconnais pas là votre amitié, ce sont de ces plaies qu'on ne touche pas soi-même sans une extrême sensibilité. Votre médiation, je vous en conjure, votre médiation ! je ne demande rien que ce qui vous sera possible. Et pour savoir ce qu'il y a de bon à faire dans cette circonstance, il n'y a que vous. A l'égard de Rutilia, puisque vous n'êtes pas sûr de vos souvenirs, éclaircissez le fait et écrivez-moi ; mais le plus tôt possible, je vous prie. J'ai besoin de savoir également si Clodia a ou non survécu à son fils D. Brutus le consulaire. Vous le saurez par Marcellus, ou mieux encore par Postumia. Adressez-vous pour l'autre ou à M. Cotla, ou à Syrus, ou à Satyrus. Et mes jardins, je vous en parle et reparlerai sans cesse. J'y emploierai toutes mes ressources, et j'ai des amis qui ne me manqueront pas. Mais j'espère y suffire seul. J'ai des valeurs d'une réalisation facile. Il est vrai que j'aimerais mieux ne rien vendre et servir des intérêts, en obtenant du temps du vendeur; un an, pas plus ; et j'aurai ce délai, pour peu que vous me secondiez. Ce qu'il y a de plus facile à acquérir sont les jardins de Drusus ; il veut vendre : après les siens, ceux de Lamia. Mais celui-ci est absent : auriez-vous moyen de pressentir ses dispositions? Silius en a aussi, et il n'en fait rien. Il se contenterait probablement d'une rente. Faites-en votre affaire, et ne vous arrêtez point, je vous prie, à des considérations tirées de ma position pécuniaire. Je ne m'en soucie nullement; ne considérez que ce que je veux et pourquoi je le veux.

Scr. Asturae xiv K Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Putaram te aliquid novi (quod eius modi fuerat initium litterarum) quamvis non curarem quid in Hispania fieret, tamen te scripturum : sed videlicet meis litteris respondisti, ut de foro et de curia. Sed domus est, ut ais, forum. Quid ipsa domo mihi opus est carenti foro? Occidimus, occidimus, Attice, iam pridem nos quidem, sed nunc fatemur, postea quam unum, quo tenebamur, amisimus. Itaque solitudinem sequor : et tamen, si qua me res isto adduxerit, enitar, si quo modo potero (potero autem) ut praeter te nemo dolorem meum sentiat : si ullo modo poterit, ne tu quidem. Atque etiam illa causa est non veniendi. Meministi, quid ex te Aledius quaesierit : quin etiam nunc molesti sunt, Quid existimas, si venero? [2] - De Terentia ita cura, ut scribis ; meque hac ad maximas aegritudines accessione non maxima libera. Et, ut scias me ita dolere, ut non iaceam : quibus consulibus Carneades et ea legatio Romam venerit, scriptum est in tuo annali. Haec nunc quaero, quae causa fuerit ? De Oropo, opinor; sed certum nescio : et, si ita est, quae controversiae ? praeterea, qui eo tempore nobilis Epicureus fuerit Athenis qui praefuerit hortis ? qui etiam Athenis πολιτικοὶ fuerint inlustres , quae etiam ex Apollodori puto posse inveniri [3] - De Attica molestum; sed quoniam leviter, recte esse confido. De Gamala dubium non mihi erat. Unde enim tam felix Ligus pater? Nam quid de me dicam, cui ut omnia contingant, quae volo, levari non possum? - De Drusi hortis, quanti licuisse tu scribis, id ego quoque audieram, et,, ut opinor, heri ad te scripseram : sed quanti quanti, bene emitur quod necesse est. Mihi, quoquo modo tu existimas (scio enim, ego ipse quid de me existimem) levatio quaedam est, si minus doloris at offici debiti. Ad Siccam scripsi, quod utitur L. Cotta. Si nihil conficietur de Transtiberinis, habet in Ostiensi Cotta celeberrimo loco, sed pusillum loci : ad hanc rem tamen plus etiam quam satis. Id velim cogites. Nec tamen ista pretia hortorum pertimueris. Nec mihi iam argento, nec veste opus est, nec quibusdam amoenis locis : hoc opus est. Video etiam, a quibus adiuvari possim. Sed loquere cum Silio. Nihil enim est melius. Mandavi etiam Siccae. Rescripsit constitutum se cum eo habere. Scribet igitur ad me, quid egerit, et tu videbis.

 555. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 23. Quoique les affaires d'Espagne me. touchent fort peu, je m'attendais à des nouvelles, d'après le commencement de votre lettre. Vous ne vous occupez que de mes observations sur le forum et le sénat. Ma maison, dites-vous, sera mon forum : du moment qu'il n'y a plus de forum pour moi, qu'ai-je affaire de ma maison? La vie, mon cher Atticus, la vie est depuis longtemps éteinte chez moi ; elle l'est surtout depuis que j'ai perdu ce qui me la rendait chère. Aussi je cherche la solitude. Pourtant si je me trouvais ramené aux lieux où vous êtes, je me contraindrais, et je parviendrais môme à prendre assez sur moi pour dérober ma douleur à tous les yeux; aux vôtres même, s'il est possible. Autre motif pour rester : vous vous rappelez la démarche d'Alédius : je suis déjà persécuté ici; que serait-ce, si j'étais là-bas? — Faites pour Térentia tout ce que vous avez la bonté de m'écrire, et délivrez de ce surcroît d'amertume un cœur en proie à de cruelles souffrances. Cependant je veux vous prouver que la douleur ne m'absorbe pas. Vous avez consigné dans vos annales sous quels consuls Carnéade et les autres députés vinrent à Rome. Je voudrais savoir la cause qui les y amenait. L'affaire d'Orope, je le suppose ; mais je n'en suis pas certain. Dans ce cas, veuillez me rappeler leurs discussions; que je sache encore si, à cette époque, il y avait à Athènes quelque Épicurien fameux qui présidât au jardin, et quels philosophes politiques y étaient en renom. Je pense que vous pourrez trouver tout cela dans Apollodore. — J'apprends avec bien du regret qu'Attica est souffrante, mais son indisposition est légère, et j'espère qu'elle n'aura pas eu de suite. Ce que vous me dites de Gamala (fille de Ligus, morte) n'était pas douteux pour moi. Pourquoi donc Ligus serait-il un si heureux père? Que dirai-je, hélas ! de moi, que tout le bonheur du monde ne pourrait un moment consoler? — Le prix auquel les jardins de Dru-sus ont été acquis est bien celui dont on m'avait parlé, et je crois en avoir fait mention dans ma lettre d'hier. Mais coûte qui coûte; le prix n'est rien à qui ne peut se passer des choses. Quelle que soit a cet égard votre manière de voir, je sais ce qui est en moi, et je veux ôter ce poids de mon cœur. Ma douleur n'en diminuera pas; mais j'aurai payé une délie sacrée. Je viens d'écrire à Sica, parce que Cotta et lui se voient. Si rien ne se termine de l'autre côté du Tibre, il faudra voir, dans l'un des endroits les plus fréquentés d'Ostie, un bien qui appartient à Cotta. C'est très peu de chose, mais c'est plus que suffisant pour ce que je veux. Veuillez y réfléchir. Que le prix ne vous fasse pas peur : les vaisselles, les ameublements, les maisons de plaisance ne sont pas un besoin pour moi; et ceci est un besoin. Je sais où m'adresser pour l'argent. Parlez donc à Silius : c'est ce qu'il y a de mieux. J'ai chargé également Sica de le voir. Sica me mande qu'il a pris jour; il m'écrira ce qu'il aura fait, et vous m'en direz votre avis.

Scr. Asturae xiii K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Bene fecit A. Silius, qui transegerit : neque enim ei deesse volebam, et, quid possem, timebam. De Ovia, confice, ut scribis. De Cicerone, tempus esse iam videtur : sed quaero, quod illi opus erit Athenis, permutarine possit, an ipsi ferendum sit : de totaque re, quemadmodum et quando placeat, velim consideres. Publilius iturusne sit in Africam et quando, ex Aledio scire poteris : quaeras et ad me scribas velim. [2] Et, ut ad meas ineptias redeam, velim me certiorem facias, P. Crassus, Venuleiae filius, vivone P. Crasso consulari, patre suo, mortuus sit, ut ego meminisse videor, an post. Item quaero de Regillo, Lepidi filio, rectene meminerim patre vivo mortuum. [3] Cispiana explicabis itemque Preciana. De Attica, optime : et ei salutem dices et Piliae.

556. — A  ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 24. Silius m'a rendu service en transigeant, car je voulais répondre à sa confiance et je craignais de n'être pas en position. Soyez assez bon pour terminer avec Ovia, ainsi que vous me le marquez. Voyez, je crois, pour Cicéron le moment venu : mais une fois a Athènes, les fonds dont il aura besoin pourront-ils lui être comptés par la voie du change, ou sera-t-on obligé de lui envoyer des espèces? Examinez tout, je vous prie, et surtout le comment et le quand. Tous pourrez savoir d'Alédius si Publilius va en Afrique, et à quelle époque. Informez-vous-en, et écrivez-le-moi. Pour en revenir à mes impertinentes questions, je voudrais savoir si P. Crassus, fils de Vémiléia, est mort avant son père, P. Crassus le consulaire, comme je crois me le rappeler, ou seulement après. Je fais la même demande pour Régillus, fils de Lépide. Il me semble positivement que son père vivait quand il mourut. Ma mémoire est-elle fidèle? Tâchez d'éclaircir l'affaire de Cispius et de Précius. Je suis charmé des nouvelles d'Attica. Veuillez lui faire mes compliments, ainsi qu'à Pilia.

Scr. Asturae xi K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Scripsit ad me diligenter Sicca de Silio, seque ad te rem detulisse : quod tu idem scribis. Mihi et res et condicio placet, sed ita, ut numerato malim quam aestimatione. Voluptarias enim possessiones nolet Silius. Vectigalibus autem ut his possum esse contentus, quae habeo, sic vix minoribus. Unde ergo numerato? HS DC exprimes ab Hermogene, quum praesertim necesse erit : et domi video esse HS DC. Reliquae pecuniae vel usuram Silio pendemus, dum a Faberio vel cum aliquo, qui Faberio debet, repraesentabimus. Erit etiam aliquid alicunde. Sed totam rem tu gubernabis. [2] Drusianis vero hortis multo antepono : neque sunt umquam comparati. Mihi crede, una me causa movet, in qua scio me τετυφῶσθαι. Sed, ut facis, obsequere huic errori meo. Nam quod scribis ἐγγήραμα, actum iam de isto est : alia magis quaero.

557. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 25. Sica a été très-exact à me répondre sur Silius. Il m'annonce vous en avoir référé, et c'est ce que vous me mandez aussi. La chose et le prix, tout me convient ; mais j'aime mieux traiter argent comptant que par échange, car Silius ne voudrait pas d'une propriété de pur agrément ; et quant aux biens de rapport, si j'en ai assez, je n'en ai point trop. Reste à trouver l'argent. Vous pouvez d'abord demander à Hermogène ses six mille sesterces, c'est un cas de nécessité. J'en ai six mille autres chez moi. Pour ie reste, ou j'en servirai l'intérêt à Silius, en attendant Fabérius, ou je lui donnerai une délégation de Fabérius sur l'un de ses débiteurs. J'attends quelques antres rentrées d'ailleurs. C'est à vous, mon cher Atticus, a régler tout. Je préfère de beaucoup ces jardins-là à ceux de Drusus. Il n'y a pas de comparaison. Un seul motif me guide, croyez-le bien. Je conviens que cela touche à la manie, mais vous aurez pitié de moi jusqu'au bout. Quant à ce que vous me dites sur la vieillesse d'un citoyen, il ne s'agit plus de cela, et je pense à bien autre chose.

Scr. Asturae xi K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Sicca,, ut scribit, etiamsi nihil confecerit cum A. Silio, tamen se scribit x Kal. esse venturum. Tuis occupationibus ignosco; eaeque mihi sunt notae. De voluntate tua ut, simul simus, vel studio potius et cupiditate non dubito. [2] De Nicia quod scribis, si ita me haberem, ut eius humanitate frui possem, in primis vellem illum mecum habere. Sed mihi solitudo et recessus provincia est. Quod quia facile ferebat Sicca, eo magis illum desidero. Praeterea nosti Niciae nostri imbecillitatem, mollitiam, consuetudinem victus. Cur ergo illi molestus esse velim, quum mihi ille iucundus esse non possit? Voluntas tamen eius mihi grata est. Unam rem ad me scripsisti, de qua decrevi nihil tibi rescribere. Spero enim me a te impetrasse, ut privares me ista molestia. Piliae et Atticae salutem.

 558. - A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 26. D'après ce que me mande Sica, il arrivera le 10 des kalendes, même quand il n'aurait rien conclu avec Silius. J'accepte l'excuse de vos occupations, je les connais. Que vous ne répugniez pas à vivre avec moi; que vous le souhaitiez même et le désiriez avec ardeur: c'est ce dont je ne puis douter. Je ne suis pas en état de profiter de la bonté de Nicias : autrement, il n'y a personne dont je préférasse la société à la sienne; mais malheureusement la solitude et la retraite me sont imposées. Sica s'en arrangerait, et mon regret en est d'autant plus vif. Ensuite vous connaissez la pauvre santé de Nicias, ses habitudes de mollesse, les exigences de son régime. Pourquoi donc m'exposerais-je à ce qu'il fût mal chez moi, quand de son côté il ne pourrait m'être bon à rien? Je lui sais gré toutefois de son intention. Il y a un article de votre lettre auquel je m'abstiendrai de répondre ; car je crois avoir obtenu de vous que vous m'épargneriez ce chagrin. Mes compliments a Pilia et à Attica.

Scr. Asturae x K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

De Siliano negotio, etsi mihi non est ignota condicio, tamen hodie me ex Sicca arbitror omnia cogniturum. Cottae, quod negas te nosse, ultra Silianam villam est (quam puto tibi notam esse) villula sordida et valde pusilla ; nihil agri, ad nullam rem loci, satis nisi ad eam quam quaero. Sequor celebritatem. Sed si perficitur de hortis Sili, hoc est, si perficis; (est enim totum positum in te), nihil est scilicet, quod de Cottae cogitemus. [2] De Cicerone, ut scribis, ita faciam : ipsi permittam de tempore : nummorum quantum opus erit, ut permutetur, tu videbis. Ex Aledio, quod scribas, si quid inveneris, scribes. Et ego ex tuis animadverto litteris, et profecto tu ex meis, nihil habere nos, quod scribamus : eadem cotidie, quae iam iamque ipsa contrita sunt : tamen facere non possum, quin cotidie ad te mittam, ut tuas accipiam. [3] De Bruto tamen, si quid habebis. Scire enim iam puto, ubi Pansam exspectet. Si, ut consuetudo est, in prima provincia, circiter Kal. affuturus videtur. Vellem tardius. Valde enim urbem fugio multas ob causas. Itaque id ipsum dubito, an excusationem aliquam ad illum parem; quod quidem video facile esse : sed habemus satis temporis ad cogitandum. Piliae et  Atticae salutem.

559. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 27. Je sais déjà quelles sont les conditions de Silius, si je traite avec lui; mais aujourd'hui, je le suppose, Sica m'en communiquera le détail. Vous ne connaissez pas. dites-vous, la propriété de Cotta ; elle est au delà des jardins de Silius, que vous connaissez, ce me semble. C'est une misérable et chétive habitation sans dépendances. Il n'y a place pour rien, ce n'est pas ce que je me propose. II me faut un endroit vivant. Au surplus, si on termine, c'est-à-dire si vous terminez avec Silius, car tout dépend de vous, nous n'aurons point à nous occuper de Cotta. Je suivrai votre conseil pour Cicéron. Je le laisserai maître du temps. Vous aviserez, n'est-ce pas, à lui faire passer, par la voie du change, l'argent dont il aura besoin. Si vous tirez quelque chose de cet Alédius dont vous me parlez, dites-le-moi. Je remarque dans vos lettres ce qui vous frappe sans doute dans les miennes, c'est que nous n'avons rien a nous dire. Nous nous répétons, et ne faisons que rebattre un fonds depuis longtemps usé. Moi, j'écris pour vous donner à écrire ; je ne puis m'en défendre. Parlez-moi de Brutus, si vous en savez quelque chose. On doit aujourd'hui je le pense, connaître le lieu où il attend Pansa. Si c'est, selon l'usage, à l'entrée de la province, il arrivera vers les kalendes. Plus tard me conviendrait mieux, car j'ai bien des motifs pour rester tout à fait loin de Rome. Je ne sais si même je ne devrais pas le payer de quelque excuse; j'en trouverais facilement. J'ai du temps pour y réfléchir. Mes compliments à Pilia et à Attica.

Scr. Asturae ix K Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

De Silio nilo plura cognovi ex praesente Sica, quam ex litteris eius. Scripserat enim diligenter. Si igitur tu illum conveneris, scribes ad me, si quid videbitur. De quo putas ad me missum esse, sit missum necne, nescio; dictum quidem mihi certe nihil est. Tu igitur, ut coepisti : et, si quid ita conficies, (quod equidem non arbitror fieri posse)  ut illi probetur, Ciceronem, si tibi placebit, adhibebis. Eius aliquid interest videri illius causa voluisse : mea quidem nihil nisi id, quod tu scis : quod ego magni aestimo. [2] Quod me ad meam consuetudinem revocas, fuit meum quidem iam pridem rempublicam lugere; quod faciebam, sed mitius. Erat enim, ubi acquiescerem. Nunc plane nec ego victum nec vitam illam colere possum :nec in ea re, quid aliis videatur, mihi puto curandum. Mea mihi conscientia pluris est quam omnium sermo. Quod me ipse per litteras consolatus sum, non paenitet me, quantum profecerim. Maerorem minui : dolorem nec potui, nec, si possem, vellem. [3] De Triario, bene interpretaris voluntatem meam. Tu vero nihil, nisi ut illi volent. Amo illum mortuum; tutor sum liberis; totam domum diligo. De Castriciano negotio, si Castricius pro mancipiis pecuniam accipere volet, eamque ei solvi, ut nunc solvitur, certe nihil est commodius. Sin autem ita actum est, ut ipsa mancipia abduceret, non mihi videtur esse aequum : (rogas enim me, ut tibi scribam, quid mihi videatur) nolo enim negoti Quintum fratrem quicquam habere : quod videor mihi intellexisse tibi videri idem. Publilius, si aequinoctium exspectat, ut scribis Aledium dicere, navigaturus videtur. Mihi autem dixerat per Siciliam. Utrum et quando, velim scire. Et velim aliquando, quum erit tuum commodum, Lentulum puerum visas, eique de mancipiis, quae tibi videbitur, attribuas. Piliae et Atticae salutem.

 560. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 28. Sica ne m'a absolument rien dit sur Silius de plus que ce qu'il m'avait écrit. Sa lettre était fort exacte. Si de votre côté vous pouvez rejoindre Silius, vous me manderez ce que vous en semble. Vous me parlez d'une personne chargée d'une mission pour moi; cette personne a-t-elle une mission, n'en a-t-elle pas, je l'ignore. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle ne m'en a pas ouvert la bouche. Continuez donc votre œuvre; et si, contre mon attente, vous obtenez un résultat, voyez s'il ne convient pas de mettre Cicéron en avant. Il importe qu'il montre ses bonnes intentions de ce côté : pour moi, une seule chose m importe ; vous la connaissez, elle est capitale. Vous désirez me voir reprendre mes habitudes : c'en est une déjà ancienne pour moi que de pleurer sur la république. Mais alors je pleurais sans être aussi malheureux. J'avais ou reposer mon cœur. Aujourd'hui il n'y a plus rien qui me fasse tenir à quoi que ce soit, ni même a la vie. A cet égard, l'opinion me touche peu. J'ai mon sentiment, que je mets au-dessus de tous les discours. J'ai cherché des consolations dans les lettres, et j'y ai gagné quelque chose, en apprenant à me contraindre; mais, au fond, nia peine est la même. Je ne puis la vaincre, et quand je le pourrais, je ne le voudrais pas. Vous avez bien deviné mes intentions pour Triarius; toutefois ne faites rien sans être d'accord avec eux. J'aimais ce pauvre homme qui n'est plus. Je suis tuteur de ses enfants, et mon attachement est grand pour toute sa famille. Quant à Castricius, s'il veut recevoir l'argent de ses esclaves et s'il consent à être payé, comme on paye aujourd'hui, il n'y a rien de plus simple assurément. Si au contraire on est convenu de les lui rendre, puisque vous m'en demandez mon avis, cela ne me paraît pas juste. Je ne veux pas qu'on donne de l'embarras à mon frère Quintus; si je vous ai bien compris, vous ne le voulez pas davantage. Puisque Publilius attend l'équinoxe de printemps comme Alédius l'annonce, c'est qu'il doit s'embarquer. Il m'avait dit seulement pour la Sicile. Décidément pour quel pays, et quand? je voudrais le savoir. Je voudrais bien aussi que de temps en temps, et sans vous gêner, vous pussiez aller voir le petit Lentulus (fils de Tullie et de Dolabella), et que vous eussiez la bonté de régler le nombre d'esclaves à lui laisser pour son service. Mes compliments à Pilia et à Attica.

Scr. Asturae viii K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Silius, ut scribis, hodie. Cras igitur vel potius quum poteris, scribes, si quid erit, quum videris. Nec ego Brutum vito, nec tamen ab eo levationem ullam exspecto : sed erant causae, cur hoc tempore istic esse nollem : quae si manebunt, quaerenda erit excusatio ad Brutum; et, ut nunc est, mansurae videntur. [2] De hortis, quaeso, explica. Caput illud est, quod scis. Sequitur, ut etiam mihi ipsi quiddam opus sit. Nec enim esse in turba possum, nec a vobis abesse. Huic meo consilio nihil reperio isto loco aptius : et de hac re quid tui consili sit. Mihi persuasum est (et eo magis, quod idem intellexi tibi videri) me ab Oppio et Balbo valde diligi. Cum iis communices, quanto opere et qua re velim hortos : sed id ita posse, si expediatur illud Faberianum : sint ne igitur auctores futuri, si qua etiam iactura facienda sit in repraesentando, quoad possunt adducito (totum enim illud desperatum) : denique intelleges, ecquid inclinent ad hoc meum consilium adiuvandum. Si quid erit, magnum est adiumentum : si minus, quacumque ratione contendamus. Vel tu illud ἐγγήραμα, quemadmodum scripsisti, vel ἐντάφιον putato. De illo Ostiensi nihil est cogitandum. Si hoc non adsequimur (a Lamia non puto posse) Damasippi experiendum est.

 561. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 29. C'est aujourd'hui le rendez-vous avec Silius; demain donc, ou du moins aussitôt que vous le pourrez, vous m'écrirez ce qu'il y a de fait. Je ne cherche point à éviter Brutus. Ce n'est pas que j'attende de lui la moindre consolation ; mais j'ai des raisons pour ne pas me montrer dans ces circonstances. Si ces raisons se prolongent, ce qui est vraisemblable, il faudra chercher quelque moyen de m'excuser près de lui. Suivez bien l'affaire des jardins, je vous prie; j'en ai en quelque sorte besoin pour moi-même. Je ne puis ni vivre au milieu du mouvement, ni vivre séparé de vous. II n'y a donc pas de situation dont le choix réponde mieux à mes intentions, et je vois bien tout ce que vous faites pour réussir. Je le vois surtout par les témoignages de vif intérêt qu'Oppius et Balbus vous ont paru disposés à me donner. Dites-leur, je vous prie, à quel point et pourquoi je suis désireux de cette acquisition ; mais que je ne puis la faire, si je ne termine auparavant avec Fabérius. Que me conseilleraient-ils? Devrais-je par exemple me résigner à un sacrifice, pour avoir, en argent comptant, tout ce qu'on pourrait tirer de lui? car c'est désormais une chimère de compter sur une rentrée complète. Enfin voyez jusqu'où vont leurs bonnes dispositions pour moi : s'ils me secondent, c'est un grand point. S'ils s'y refusent, nous chercherons une autre voie. N'oubliez pas qu'il s'agit de l'ornement de ma vieillesse, peut-être de la couronne de ma tombe. Ne pensons pins à Ostie. Si l'affaire de Silius manquait, comme il n'y a rien à espérer de Lamia, il faudrait sonder Damasippus.

Scr. Asturae vi IC. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Quaero, quid ad te scribam : sed nihil est: Eadem cotidie. Quod Lentulum invisis, valde gratum. Pueros attribue ei, quot et quos videbitur. De Sili voluntate vendendi et de eo, quanti, tu vereri videris, primum ne nolit, deinde ne tanti. Sicca aliter : sed tibi assentior. Quare, ut ei placuit, scripsi ad Egnatium. Quod Silius te cum Clodio loqui vult; potes id mea voluntate facere : commodiusque est, quam, quod ille a me petit, me ipsum scribere ad Clodium. [2] De mancipiis Castricianis, commodissimum esse credo transigere Egnatium : quod scribis te ita futurum putare. Cum Ovia, quaeso, vide ut conficiatur. Quoniam, ut scribis, nox erat, in hodierna epistula plura exspecto.

562. - A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 30. Que vous dire? je cherche et ne trouve rien. J'en suis là chaque fois que je vous écris. Mais vous avez été voir Lentulus, et je vous en sais un gré infini. Attachez, je vous prie, quelques esclaves à son service, et déterminez-en vous-même le nombre et le choix. Silius veut-il vendre? et quel prix demande-t-il? Vous paraissez craindre un refus ou des prétentions exorbitantes. Ce n'est pas là l'opinion de Sica, mais je m'en rapporte à vous. J'ai écrit à Egnatius comme Sica m'en avait prié. Silius désire que vous parliez à Clodius, faites-le; j'y donne entièrement les mains ; car j'aime beaucoup mieux n'avoir pas à lui écrire moi-même, comme Silius me l'avait demandé d'abord. Je crois qu'Egnatius n'a pas de meilleur parti à prendre que de transiger avec Castrieius pour ses esclaves, et vous croyez l'arrangement possible. Voyez, je vous en supplie, à terminer avec Ovia. La nuit vous a surpris l'autre jour, soit; mais demain j'en attends davantage.

Scr. Asturae iv. K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Silium mutasse sententiam, Sica mirabatur. Equidem magis miror, quod, quum in filium causam conferret, quae mihi non iniusta videtur; (habet enim qualem vult) ais te putare, si addiderimus aliud, a quo refugiat, quum ab ipso id fuerit destinatum, venditurum. [2] Quaeris a me, quod summum pretium constituam et quantum anteire istos hortos Drusi : accessi numquam : Coponianam villam et veterem et non magnam novi : silvam nobilem, fructum autem neutrius : quod tamen puto nos scire oportere. Sed mihi utrivis istorum tempore magis meo quam ratione aestimandi sunt. Possim autem adsequi necne, tu velim cogites. Si enim Faberianum venderem, explicare vel repraesentatione non dubitarem de Silianis, si modo adduceretur, ut venderet : si venales non haberet, transirem ad Drusum, vel tanti, quanti Egnatius illum velle tibi dixit. Magno etiam adiumento nobis Hermogenes potest esse in repraesentando. At tu concede mihi, quaeso, ut eo animo sim, quo is debeat esse, qui emere cupiat : et tamen ita servio cupiditati et dolori meo, ut a te regi velim. Egnatius mihi scripsit. Is si quid tecum locutus erit (commodissime enim per eum agi potest) ad me scribes : et id agendum puto. Nam cum Silio non video confici posse. Piliae et Atticae salutem. Haec ad te mea manu. Vide, quaeso, quid agendum sit.

563. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 31. Sica s'étonne de ce que Silius a changé d'avis. Il y a une chose qui m'étonne Men plus, c'est qu'après avoir mis en avant le prétexte de son fils (et je trouve cela fort juste, puisque son fils lui donne toute satisfaction), Silius soit encore, dites-vous, tout prêt, malgré la déclaration, à traiter avec moi, moyennant me je lui achèterais en même temps d'autres ardins dont il veut se défaire. Vous me demandez mon dernier mot, et ce que j'y mettrais de plus qu'aux jardins de Drusus. Ces jardins, je ne les ai jamais vus; quant à la villa Caponiana, je la connais : bâtiments vieux et petits, mais bois superbes, .le ne sais ce que rapportent l'une et l'autre de ces propriétés, renseignement indispensable; mais c'est pour moi affaire de convenance plutôt que de spéculation. Seulement voyez si je suis en état ou non d'acheter. Liquidez ma créance de Fabérius. Je n'hésite pointa traiter, argent à la main, avec Silius, supposé qu'il se détermine à vendre. S'il s'y refuse, j'irai avec Drusus jusqu'à la somme à laquelle Egnatius vous a dit qu'il élevait ses prétentions. Hermogène me sera aussi d'un grand secours pour l'argent comptant. Ne me blâmez pas de me présenter en homme qui veut acheter; il faut me passer cette préoccupation ; toutefois elle n'est pas si forte, et je ne suis pas tellement dominé par le chagrin que je ne me laisse conduire entièrement par vous dans cette affaire. Egnatius m'a écrit. Si vous l'avez vu, mandez-moi ce qu'il vous aura dit : il n'y a personne de mieux placé pour me servir d'intermédiaire, et je crois qu'il faut agir de ce côté, car il n'y a pas d'apparence que Silius se décide. Mes compliments a Pilia et à Attica. Ceci est écrit de ma main. Avisez, je vous en conjure, à prendre un parti.

Scr. Asturae v K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Publilia ad me scripsit matrem suam, (cum Publilio loqui retur) ad me cum illo venturam, et se una,, si ego paterer : orat multis et supplicibus verbis, ut liceat, et ut sibi rescribam. Res quam molesta sit, vides. Rescripsi me etiam gravius esse quam, quam tum, quum illi dixissem me solum esse velle, quare nolle me hoc tempore eam ad me venire. Putabam, si nihil rescripsissem, illam cum matre venturam : nunc non puto. Apparebat enim; illas litteras non esse ipsius. Illud autem, quod fore video, ipsum volo vitare, ne illae ad me veniant, Et una est vitatio, ut ego nolim. Sed necesse est. Te hoc nunc rogo, ut explores, ad quam diem hic ita possim esse, ut ne opprimar. Ages, ut scribis, temperate. [2] - Ciceroni velim hoc proponas, ita tamen, si tibi non iniquum videbitur, ut sumptus huius peregrinationis, quibus, si Romae esset domumque, conduceret, quod facere cogitabat, facile contentus futurus erat, accommodet ad mercedes Argileti et Aventini, et quum ei proposueris, ipse velim reliqua moderere, quemadmodum ex iis mercedibus suppeditemus ei, quod opus sit. Praestabo nec Bibulum nec Acidinum nec Messallam, quos Athenis futuros audio, maiores sumptus facturos, quam quod ex eis mercedibus recipietur. Itaque velim videas, primum, conductores qui sint et quanti; deinde, ut sit, qui ad diem solvant; et quid viatici, quid instrumenti satis sit. Iumento certe Athenis nihil opus est. Quibus autem in via utatur, domi sunt plura, quam opus erat; quod etiam tu animadvertis.

 

564. — A ATTICUS. Asture, mars.

A. XII, 32. Publilia m'écrit que sa mère se propose de venir me voir avec lui (c'est avec Publiîius qu'elle a voulu dire) et elle me demande la permission de les accompagner. Il n'y a sorte d'instances et de prières qu'elle ne me fasse pour obtenir mon consentement et avoir réponse. Voyez s'il y eut jamais rien de plus insupportable ! Je lui mande que je me sens encore plus accablé par le chagrin qu'au moment où je lui exprimai ma volonté d'être seul, et que dans ma situation il m'est impossible de consentir à la voir. Je me suis dit qu'en ne répondant point, j'allais voir arriver mère et fille; maintenant je ne le crois plus, d'autant qu'il est clair que sa lettre avait été dictée. Je pense bien cependant qu'elles viendront un jour ou l'autre. Il n'y avait qu'un moyen de l'éviter; c'était de dire non d'une manière absolue. Je ne l'ai pas voulu. Qu'en résulte-t-il? C'est que je vous demande d'être aux aguets pour savoir combien de jours encore je puis rester ici, sans crainte de surprise. Vous agirez avec discrétion, comme vous me le promettez. — Voici la proposition que je vous prie de faire à Cicéron, si elle vous paraît juste : c'est qu'il se contente de dépenser, pendant son absence, ce qu'il aurait dépensé à Rome, s'il y eût loué une maison comme il voulait le faire, et qu'il prenne en conséquence pour base les revenus de mes propriétés d'Argilète et du mont Aventin. Cela fait, vous réglerez les détails, notamment la manière dont on lui fera passer les fonds à mesure de ses besoins. Je réponds que les Bibulus, les Aeidinus et les Messalla, qui vont aussi à Athènes, m'a-t-on dit, n'auront pas plus à dépenser que ce qu'on tire de ces propriétés. Soyez donc assez bon pour voir à qui l'on pourra louer et à quel prix. Puis veuillez trouver un moyen défaire passer l'argent à jours fixes; enfin procurez à Cicéron tout ce qui est nécessaire en espèces et effets pour le voyage. Il n'a certainement pas besoin de chevaux à Athènes. Quant à ceux qu'il lui faut en route, il y en a chez moi, comme vous l'observez avec raison, beaucoup plus qu'il n'en a besoin.

Scr. Asturae vii K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Ego, ut heri ad te scripsi, si et Silius is fuerit, quem tu putas, nec Drusus facilem se praebuerit, Damasippum velim adgrediare. Is, opinor, ita partis fecit in ripa nescio quotenorum iugerum, ut certa pretia constitueret; quae mihi nota non sunt. Scribes ad me igitur, quidquid egeris. [2] - Vehementer me sollicitat Atticae nostrae valetudo : ut verear etiam, ne quae culpa sit. Sed et paedagogi probitas, et medici assiduitas, et tota domus in omni genere diligens, me rursus id suspicari vetat. Cura igitur. Plura enim non possum.
 

566. — A ATTICUS. Asture, avril.

A. XII, 33. Ainsi que je vous l'ai mandé hier, si les dispositions de Silius sont telles que vous le supposez, et si Drusus se montre trop difficile, je crois que vous devez sonder Damasippe. lia, je pense, divisé en lots de je ne sais combien d'arpents ce qu'il possède le long du rivage, et il veut établir des prix fixes pour chaque lot. Mais je ne les connais pas. Tenez-moi au courant. — La santé d'Attica m'inquiète beaucoup. Je crains qu'on ait quelques reproches à se faire. Cependant lorsque je songe à la probité de l'instituteur, à l'assiduité du médecin, au dévouement empressé de la maison entière, tout soupçon me devient impossible. Toujours est-il que vos soins lui sont nécessaires. Je ne puis malheureusement vous offrir que des vœux.

Scr. Asturae iii K. Apr. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Ego hic vel sine Sica (Tironi enim melius est) facillime possem esse, ut in malis : sed, quum scribas videndum mihi esse, ne opprimar; ex quo intellegam te certum diem illius profectionis non habere : putavi esse commodius me istuc venire; quod idem video tibi placere. Cras igitur in Sicae suburbano : inde, quemadmodum suades, puto me in Ficulensi fore. [2] Quibus de rebus ad me scripsisti, quoniam ipse venio, coram videbimus. Tuam quidem et in agendis nostris rebus, et in consiliis ineundis mihique dandis in ipsis litteris, quas mittis, benevolentiam, diligentiam, prudentiam mirifice diligo.

 

570. — A ATTICUS. Asture. avril.

A. XII, 34. Tiron va mieux, et je me trouverais ici, même sans Sica, aussi bien que mes maux le permettent. Mais vous me donnez l'éveil sur la possibilité d'une surprise; j'en conclus que vous ne savez pas le jour précis du départ qui me menace, et je ne trouve dès lors rien de plus simple que d'aller vous joindre, d'autant que vous le désirez aussi, je le vois bien. Demain donc je serai aux portes de la ville, chez Sica, d'où, suivant votre conseil, je pense à me rendre du côté de Ficulea. Puisque j'arrive, je remets à causer de vive voix avec vous sur ce que vous m'écrivez. Laissez-moi vous dire seulement combien je suis émerveillé et touché de tout ce que je trouve en vous de bienveillante sollicitude, de sagesse et d'esprit de conduite, chaque fois qu'il se présente une affaire à traiter, une résolution à prendre, un conseil à donner.

Scr. fort. in suburbano Siccae K. vesp. aut mane vi Non. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Tu tamen, si quid cum Silio, vel illo ipso die, quo ad Sicam venturus ero, certiorem me velim facias, et maxime cuius loci detractionem fieri velit. Quod enim scribis “extremi;” vide, ne is ipse locus sit, cuius causa de tota re, ut scis, est a nobis cogitatum. - Hirti epistulam tibi misi, et recentem et benevole scriptam. - Antequam a te proxime discessi, numquam mihi venit in mentem, quo plus insumptum in monimentum esset quam nescio quid, quod lege conceditur, tantundem populo dandum esse : quod non magno opere moveret, nisi, nescio quomodo, ἀλόγως fortasse, nollem illud ullo nomine nisi fani appellari. Quod si volumus, vereor, ne assequi non possimus nisi mutato loco. Hoc quale sit, quaeso, considera. Nam etsi minus urgeor, meque ipse prope modum conlegi, tamen indigeo tui consili. Itaque te vehementer etiam atque etiam rogo, magis quam a me vis aut pateris te rogari, ut hanc cogitationem toto pectore amplectare.

574. — A ATTICUS. Antium, avril.

A. XII, 34, 2eme part., et 35. Ayez la bonté, le jour même de mon arrivée chez Sica, de me faire savoir ce que vous avez fait avec Silius, et notamment quelle portion du terrain il veut se réserver. Vous m'écrivez que c'est le bout ; mais il faut voir si ce n'est pas précisément la partie que j'ai en vue et qui m'a fait décider l'affaire. — Je vous envoie une bien aimable lettre que je viens de recevoir d'Hirtius. — Il ne me serait jamais venu dans l'esprit, avant notre dernière entrevue, qu'en dépensant pour un tombeau an delà de je ne sais quelle somme fixée par une loi, on fût exposé à une amende égale à l'excédant. Je m'en inquiéterais peu, si ce n'est que, sans trop savoir pourquoi, peut-être même sans raison, je ne veux absolument pas que ce tombeau soit autre chose qu'un temple, et je crains bien que pour un temple il ne faille un autre emplacement. Pesez cette difficulté, je vous prie : quoique moins abattu et revenu presque à mon état naturel, j'ai cependant besoin de vos conseils. Prenez celte affaire à cœur; je vous en supplie avec plus d'instance que ne le veut et ne le souffre d'ordinaire votre amitié.

Scr. Asturae v Non. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Fanum fieri volo; neque hoc mihi eripi potest. Sepulcri similitudinem effugere non tam propter poenam legis studeo, quam ut maxime adsequar ἀποθέωσιν. Quod poteram, si in ipsa villa facerem : sed, ut saepe locuti sumus, commutationes dominorum reformido. In agro ubicumque fecero, mihi videor adsequi posse, ut posteritas habeat religionem. Hae meae tibi ineptiae (fateor enim) ferendae sunt. Nam habeo, ne me quidem ipsum, quicum tam audacter communicem, quam tecum. Si tibi res, si locus, si institutum placet, lege, quaeso, legem, mihique eam mitte. Si quid in mentem veniet, quo modo eam effugere possimus, utemur. [2] Ad Brutum si quid scribes, nisi alienum putabis, obiurgato eum, quod in Cumano esse noluerit propter eam causam, quam tibi dixi. Cogitanti enim mihi nihil tam videtur potuisse facere rustice. - Et, si tibi placebit sic agere de fano, ut coepimus, velim cohortere et exacuas Cluatium : nam, etiamsi alio loco placebit, illius nobis opera consilioque utendum puto. Tu ad villam fortasse cras.

 575. — A ATTICUS. Antium, avril.

A. XII, 36. C'est un temple que je veux : rien au monde ne me fera changer. Quant a la ressemblance avec un tombeau, je chercherai à l'éviter, moins à cause de la pénalité de la loi que pour indiquer le plus possible, une apothéose. Si c'était dans l'intérieur d'une villa, point de difficulté; mais, comme je vous l'ai dit souvent, le changement de maître m'effraie. En plein champ, au contraire, n'importe ou, on peut compter sur le respect de la postérité. Voilà des folies, j'en conviens; il faut me les passer. Je m'ouvre avec vous plus librement qu'avec tout autre, peut-être qu'avec moi-même. Si vous approuvez le programme, le lieu et le plan, lisez la loi, je vous prie, et faites-la-moi passer. Puis s'il nous vient à l'esprit quelque biais pour en éviter l'application, nous le prendrons. — Quand vous écrirez à Brutus, sauf meilleur avis, grondez-le de n'être pas venu à dîmes et d'en avoir donné un pareil motif. Plus j'y réfléchis, plus je trouve que c'est tout à fait manquer d'égards. — Encore une fois, si vous voulez vous occuper du temple dans le sens que j'indique, je vous prierai de déterminer et de presser Cluatius ; car même avec un autre emplacement, j'aurais encore recours à ses soins et à ses avis. Demain peut-être vous serez à la villa.

Scr. Asturae iv Non. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

A te heri duas epistulas accepi, alteram pridie datam Hilaro, alteram eodem die tabellario; accepique ab Aegypta liberto eodem die, Piliam et Atticam plane belle se habere. Hae litterae mihi redditae sunt tertio decimo die. Quod mihi Bruti litteras, gratum. Ad me quoque misit. Eam ipsam ad te epistulam misi et ad eam exemplum mearum litterarum. [2] - De fano, si nihil mihi hortorum invenis, (qui quidem tibi inveniendi sunt, si me tanti facis quanti certe facis) valde probo rationem tuam de Tusculano. Quamvis prudens ad cogitandum sis, sicut es, tamen, nisi magnae curae tibi esset, ut ego consequerer id, quod magno opere vellem, numquam ea res tibi tam belle in mentem venire potuisset. Sed, nescio quo pacto, celebritatem requiro. Itaque hortos mihi conficias necesse est. Maxima est in Scapulae celebritas; propinquitas praeterea, ubi sis, ne totum diem in villam. Quare, antequam discedis, Othonem, si Romae est, convenias pervelim. Si nihil erit, etsi tu meam stultitiam consuesti ferre, eo tamen progrediar, uti stomachere. Drusus enim certe vendere vult. Si ergo aliud non erit, mea erit culpa nisi emero : qua in re ne labar, quaeso, provide. Providendi autem una ratio est, si quid de Scapulanis possumus. Et velim me certiorem facias, quam diu in suburbano sis futurus. [3] - Apud Terentiam tam gratia opus est nobis tua quam auctoritate. Sed facies, ut videbitur. Scio enim, si quid mea intersit, tibi maiori curae solere esse quam mihi.

Scr. Asturae iii Non. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Hirtius ad me scripsit Sex. Pompeium Corduba exisse et fugisse in Hispaniam citeriorem, Cnaeum fugisse, nescio quo : neque enim curo. Nihil praeterea novi. Litteras Narbone dedit xiv Kal. Maias. Tu mihi de Canini naufragio quasi dubia misisti. Scribas igitur, si quid erit certius. Quod me a maestitia avocas, multum levaris, si locum fano dederis. Multa mihi εἰς ἀποθέωσιν in mentem veniunt : sed loco valde opus est. Quare etiam Othonem vide.

 576. — A ATTICUS. Antium, mai.

A. XII, 37. Hier m'ont été remises deux de vos lettres, toutes deux de la veille, l'une par Hila-rus, l'autre par un exprès; puis, le même jour, par mon affranchi Egypta, encore une autre lette; celle-ci m'apprend que Pilia et Attica sont tout à fait bien. Elle a treize jours de date. vous m'avez fait plaisir en me communiquant ce que vous a écrit Brutus. Il m'a écrit également : je vous envoie sa lettre, avec une copie de ma réponse. — Si vous ne trouvez pas de jardins poulie temple, (vous en trouverez pour peu que vous m'aimiez, et certes vous m'aimez ;, votre idée de Tusculum me sourirait beaucoup. Avec toute l'habileté que je vous connais, il ne fallait rien moins encore que la chaleur de votre indulgente amitié pour rencontrer si bien. Mais je tiens, avant tout, par je ne sais quelle secrète préférence, a un lieu ou l'affluence se porte. Procurez-mui donc des jardins. En fait d'affluence, il n'y a rien de mieux que ceux de Scapula. En outre, l'avantage d'être tout près de vous et de n'avoir pas à perdre une journée entière pour aller à votre villa! Tâchez d'avoir un rendez-vous avec Othon avant votre départ, s'il est à Rome. S'il n'y a rien à faire de ce côté, eh bien ! je veux pousser a bout votre complaisance pour mes faiblesses. Drusus est décidé a vendre; ne trouvant rien ailleurs, ce sera ma faute si je ne traite avec lui. Ne me laissez donc pas faire un mauvais marché, je vous en prie; et traitez avec Scapula, si c'est possible. Il n'y a que ce moyen. Dites-moi, je vous prie, combien de temps vous comptez rester a voire villa, près de Rome. — Vos bons offices et votre influence près de Térentia me sont très-nécessaires, mais vous agirez absolument comme vous l'entendrez. Je sais bien que, du moment ou mes intérêts seront en jeu, votre sollicitude s'éveillera plus vivement que la mienne propre, c'est votre coutume.

Hirtius me mande que Sextus Pompée a abandonné Cordoue, et qu'il se retire vers l'Espagne citérieure, et que Cnéius est en fuite, je ne sais ou, et ne m'en soucie guère. Rien autre chose. Sa lettre est datée de Narbonne le 11 des kalendes de mai. Vous me parlez du naufrage de Caninius comme d'une chose douteuse. Si vous recevez quelque information positive, communiquez-la-moi. Je dois, dites-vous, surmonter ma tristesse; je le veux bien. Trouvez-moi un emplacement pour mon temple. Il me vient une foule d'idées sur l'apothéose; mais il faut un lieu pour bâtir. Voyez donc Othon.

Scr. Asturae prid. Non. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Non dubito, quin occupatissimus fueris, qui ad me nihil litterarum. Sed homo nequam, qui tuum commodum non exspectarit, quum ob eam unam causam missus esset. Nunc quidem, nisi quid te tenuit, suspicor te esse in suburbano. At ego hic scribendo dies totos nihil equidem levor, sed tamen aberro. [2] Asinius Pollio ad me scripsit de impuro nostro cognato. Quod Balbus minor nuper satis plane, Dolabella obscure, hic apertissime. Ferrem graviter, si novae aegrimoniae locus esset. Sed tamen ecquid impurius? O hominem cavendum! Quamquam mihi quidem... Sed tenendus dolor est. Tu, quoniam necesse nihil est, sic scribes aliquid si vacabis.

Scr. Asturae Non. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Quod putas oportere pervideri iam animi mei firmitatem graviusque quosdam scribis de me loqui quam aut te scribere aut Brutum : si, qui me fractum esse animo et debilitatum putant, sciant quid litterarum et cuius generis conficiam; credo, si modo homines sint, existiment me, sive ita levatus sim, ut animum vacuum ad res difficilis scribendas afferam, reprehendendum non esse; sive hanc aberrationem a dolore delegerim, quae maxime liberalis sit doctoque homine dignissima, laudari me etiam oportere. [2] Sed, quum ego faciam omnia, quae facere possim ad me adlevandum; tu effice id, quod video te non minus quam me laborare. Hoc mihi debere videor neque levari posse, nisi solvero aut videro me posse solvere, id est, locum, qualem volo, invenero. Heredes Scapulae, si istos hortos, ut scribis tibi Othonem dixisse, partibus quattuor factis, liceri cogitant : nihil est scilicet emptori loci. Sin venibunt : quid fieri possit, videbimus. Nam ille locus Publicianus, qui est Treboni et Cusini, erat ad me adlatus. Sed scis aream esse. Nullo pacto probo. Clodiae sane placent, sed non puto esse venalis. De Drusi hortis, quamvis ab iis abhorreas, ut scribis, tamen eo confugiam, nisi quid inveneris. Aedificatio me non movet. Nihil enim aliud aedificabo nisi id, quod etiam, si illos non habuero. Κῦρος δ᾽, ε᾽ mihi sic placuit, ut cetera Antisthenis, hominis acuti magis quam eruditi.

 577. — A ATTICUS. Antium, mai.

A. XII, 38. Vous avez été surchargé d'occupations, j'en suis sur, puisque vous ne m'avez pas écrit. Mais cet homme est un misérable de n'avoir pas attendu votre loisir, quand je ne l'envoyais que pour cela. A moins d'obstacle qui vous ait retenu, vous êtes maintenant, je le suppose, à votre villa près de Rome. Je passe ici les journées entières a écrire; non pour me consoler, du moins pour me distraire. Asinius Pollion m'a écrit au sujet de notre indigne parent. (Leur neveu Quintus.) C'est eu termes positifs ce que déjà Balbus le jeune et Dolabella m'avaient donné à entendre; le premier assez clairement, le second d'une manière détournée. J'en souffrirais, s'il y avait place dans mon cœur pour un nouveau chagrin. Vit-on jamais infamie pareille! Qu'un tel homme est à craindre! Quoique pour moi.... ; mais je retiens mon ressentiment. Comme il n'y a pas nécessité, ne m'écrivez que si vous avez un moment à vous.

On commence à remarquer, dites-vous, mon peu de courage, et on en parle en termes bien plus forts que vous et Brutus. Eh bien ! que ceux qui me croient l'esprit abattu et affaibli viennent voir ce que j'écris et les sujets que je traite. Ils jugeront, pour peu qu'ils aient de sens, si l'homme dont la tête est assez libre pour aborder des questions si difficiles mérite le reproche d'abattement, et s'il n'y a pas à le louer plutôt d'avoir su faire à son chagrin une diversion si honorable et si digne d'un esprit éclairé. Mais quand je fais tout pour prendre sur moi, de votre côté achevez votre œuvre, cette couvre de votre sollicitude, je le vois, autant que de la mienne. Il me semble qu'une dette me pèse. Je ne serai soulagé que lorsque je pourrai m'acquitter, ou me voir en position de le faire; c'est-à-dire lorsque j'aurai trouvé le terrain que je veux. Si, comme Othon vous l'a dit, l'intention des héritiers de Scapula est de faire quatre parts et de liciter entre eux, il n'y a pas moyen de se présenter. S'ils vendent en bloc, c'est différent; on verra ce qu'on doit faire. On était venu me parler du champ Publicianus, qui appartient à Trébonius et à Cusinius. Mais vous savez que c'est un terrain nu; je n'en veux pas. La propriété de Clodia convient parfaitement. Malheureusement, je ne la crois pas à vendre. Quant aux jardins de Drusus, malgré votre répugnance, il faudra bien que j'y revienne, comme à ma dernière ressource, si vous ne me trouvez rien autre. Les constructions me touchent peu. Je n'y bâtirais absolument que ce que je serais obligé de bâtir partout ailleurs. J'ai lu Cyrus avec le même genre de plaisir que les autres ouvrages d'Antisthène, où il y a plus d'esprit que de fonds.

Scr. Asturae viii Id. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Tabellarius ad me quum sine litteris tuis venisset, existimavi tibi eam causam non scribendi fuisse, quod pridie scripsisses ea ipsa ad quam, quae rescripsi hac epistula. Exspectaram tamen aliquid de litteris Asini Pollionis. Sed nimium ex meo otio tuum specto. Quamquam tibi remitto, nisi quid necesse erit, necesse ne habeas scribere, nisi eris valde otiosus. [2] De tabellariis facerem quod suades, si essent ullae necessariae litterae, ut erant olim, quum tamen brevioribus diebus, cotidie respondebant tempori tabellam; et erat aliquid, Silius, Drusus, alia quaedam. Nunc, nisi Otho exstitisset, quid scriberemus, non erat. Iid ipsum dilatum est : tamen adlevor, quum loquor tecum absens, multo etiam magis, quum tuas litteras lego. Sed quoniam et abes (sic enim arbitror) et scribendi necessitas nulla est, conquiescent litterae, nisi quid novi exstiterit.

578. — A ATTICUS. Asture, mai.

A. XII, 39. Mon messager revient les mains vides ; c'est sans doute parce que vous m'aviez écrit la veille sur les divers objets auxquels j'ai répondu dans la lettre dont il était porteur. J'espérais pourtant quelques mots de vous, au sujet de celle d'Asinius Pollion; mais je juge trop de vos loisirs par les miens. Aussi, quoique je renvoie le messager, ne m'écrivez qu'au besoin, à moins que vous ne soyez bien désœuvré. J'enverrais des exprès, ainsi que vous me le conseillez, s'il se présentait des cas d'urgence, comme à l'époque où chaque jour, quoiqu'aux temps les plus courts de l'année, voyait partir la lettre et revenir la réponse. Alors nous avions de quoi fournir à notre correspondance. C'était Silius, c'était Drusus, mille autres encore. Aujourd'hui, sans Othon, il n'y aurait rien, et encore l'affaire est-elle différée. N'importe ! c'est un soulagement pour mot dans l'absence, quand je cause avec vous; et j'éprouve un plus grand bien-être encore, quand je lis vos lettres. Cependant vous n'êtes point à Rome, je le suppose; et dès lors puisqu'il n'y a pas nécessité d'écrire, faisons trêve à notre correspondance et attendons du nouveau.

Scr. Asturae vii Id. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Qualis futura sit Caesaris vituperatio contra laudationem meam, perspexi ex eo libro, quem Hirtius ad me misit, in quo conligit vitia Catonis, sed cum maximis laudibus meis. Itaque misi librum ad Muscam, ut tuis librariis daret. Volo enim eum divulgari : quod quo facilius fiat imperabis tuis. [2] Συμβουλευτικὸν saepe conor : nihil reperio : et quidem mecum habeo et Ἀριστοτέλους et Θεοπόμπου libros πρὸς Ἀλέξανδρον : sed quid simile? Illi et, quae ipsis honesta essent, scribebant, et grata Alexandro. Ecquid tu eius modi reperis? Mihi quidem nihil in mentem venit. - Quod scribis te vereri, ne et gratia et auctoritas nostra hoc meo maerore minuatur : ego, quid homines aut reprehendant aut postulent, nescio. Ne doleam? qui potest? Ne iaceam? quis umquam minus? Dum tua me domus levabat, quis a me exclusus? quis venit qui offenderet? Asturam sum a te profectus. Legere isti laeti, qui me reprehendunt, tam multa non possunt, quam ego scripsi. Quam bene, nihil ad rem. Sed genus scribendi id fuit, quod nemo abiecto animo facere posset. Triginta dies in hortis fui. Quis aut congressum meum aut facilitatem sermonis desideravit? Nunc ipsum ea lego, ea scribo, ut ii, qui mecum sunt, difficilius otium ferant quam ego laborem. [3] Si quis requirit, cur Romae non sim : quia discessus est. Cur non sim in iis meis praediolis, quae sunt huius temporis : quia frequentiam illam non facile ferrem. Ibi sum igitur, ubi is, qui optimas Baias habebat, quotannis hoc tempus consumere solebat. Quum Romam venero, nec vultu nec oratione reprehendar. Hilaritatem illam, qua hanc tristitiam temporum condiebamus, in perpetuum amisi. Constantia et firmitas nec animi nec orationis requiretur. [4] - De hortis Scapulanis hoc videtur effici posse, aliud tua gratia, aliud nostra, ut praeconi subiciantur. Id nisi fit, excludemur. Sin ad tabulam venimus, vincemus facultates Othonis nostra cupiditate. Nam quod ad me de Lentulo scribis, non est in eo. Faberiana modo res certa sit, tuque enitare, quod facis; quod volumus, consequemur. [5] Quod quaeris, quam diu hic : paucos dies. Sed certum non habeo. Simul ac constituero, ad te scribam : et tu ad me, quam diu in suburbano sis futurus. Quo die ego ad te haec misi, de Pilia et Attica mihi quoque eadem quae scribis, et scribuntur et nuntiantur.
 

581. — A ATTICUS. Antium, juin.

A. XII, 40. J'ai un avant goût de la réplique de César à mon éloge de Caton par l'écrit que m'envoie Hirtius, et où il a ramassé tout ce qu'il est possible de dire de pis contre Caton, en y mêlant des compliments infinis pour moi. J'ai envoyé ce livre à Musca, pour qu'il le remit à vos copistes; je veux le publier. Dites-leur un mot, je vous prie, pour les faire aller vile. Je songe souvent au morceau officiel. Il ne me vient rien. J'ai sous les yeux les discours adressés à Alexandre par Aristote et Théopompe. Mais quel rapport ! Leur langage était à la fois honorable pour eux et flatteur pour Alexandre. Croyez-vous que la position en permette un semblable aujourd'hui? En vérité, je ne sais comment m'y prendre. — Vous craignez, dites-vous, que l'excès de mon chagrin ne me nuise dans l'opinion publique, et n'affaiblisse la considération dont je jouis. Mais que me reproche-t-on et que me veut-on après tout? Que je ne sois pas triste? est-ce possible? Que je ne m'abandonne pas du moins tout à fait? Mais qui s'abandonne moins que moi? Ai-je refusé une seule visite, à l'époque où votre amitié donnait asile à ma douleur? Et y a-t-il une seule personne qui ait eu alors à se plaindre de ma réception? Je partis pour Astuce. Eh bien! je mets au délices gens au cœur joyeux de lire seulement l'équivalent de tout ce que j'ai écrit : bien ou mal, ce n'est pas là la question; toujours est-il que le sujet (pie j'ai choisi serait inabordable pour un esprit malade. J'ai passé trente jours à ma villa. Ma manière de recevoir et mon langage ont-ils laissé quelque chose à désirer? Maintenant encore je lis, j'écris tour-à-tour, et je vois ceux qui vivent avec moi plus en peine de supporter leur loisir que moi mon travail. Enfin, me dit-on, pourquoi ne suis-je pas à Rome? parce qu'il n'y a personne. Pourquoi pas dans celles de mes villas qui sont plus de la saison? parce que le trop grand monde ne me va point. Ne suis-je pas d'ailleurs là où l'homme qui avait la plus délicieuse de toutes les habitations de Baies (Probablement Lucullus) ne manquait jamais de passer le temps où nous sommes de l'année? Si j'allais à Rome, on ne trouverait à reprendre ni à mon maintien ni à mes paroles. Quant à ma gaieté d'autrefois, mon préservatif contre les misères du temps, elle m'a fui sans retour. Mais, je le répète, mon langage et mon maintien ne laisseront prise aucune. — Il me semble  que, moitié par votre crédit, moitié par le mien, nous pouvons obtenir qu'on mette en adjudication les jardins de Scapula. C'est le seul moyen de les avoir. Une fois les enchères ouvertes, toute la richesse d'Othon ne tiendra pas contre mon envie. Ce que vous dites de Lentulus ne fait rien à l'affaire. Assurons-nous de Fabérius. Ne vous relâchez pas de votre activité, nous en viendrons à nos fins. — Vous me demandez combien de temps je dois rester ici? très-peu. Mais mon départ n'est pas encore fixé. Quand il le sera, vous le saurez. Mandez-moi de votre côté combien de temps vous serez à votre villa des faubourgs. Aujourd'hui même, au moment où je vous écris, je reçois des lettres et des courriers qui me donnent absolument les mêmes nouvelles que vous de Pilia et d'Attica.

Scr. Asturae v Id. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Nihil erat, quod scriberem. Scire tamen volebam, ubi esses; si abes aut afuturus es, quando rediturus esses. Facies igitur certiorem. Et, quod tu scire volebas, ego quando ex hoc loco : postridie Idus Lanuvi constitui manere; inde postridie in Tusculano aut Romae. Utrum sim facturus, eo ipso die scies. [2] Scis quam sit φιλαίτιον συμφορά. Minime in te quidem : sed tamen avide sum affectus de fano; quod nisi, non dico, effectum erit, sed fieri videro; audebo hoc dicere (et tu, ut soles, accipies) incursabit in te dolor meus, non iure ille quidem; sed tamen feres hoc ipsum, quod scribo, ut omnia mea fers ac tulisti. Omnes tuas consolationes unam hanc in rem velim conferas. [3] Si quaeris, quid optem : primum Scapulae, deinde Clodiae; postea, si Silius nolet, Drusus aget iniuste; Cusini et Treboni. Puto tertium esse dominum : Rebilum fuisse certo scio. Sin autem tibi Tusculanum placet, ut significasti quibusdam litteris, tibi assentiar. Hoc quidem utique perficies, si me levari vis; quem iam etiam gravius accusas, quam patitur tua consuetudo : sed facis summo amore et victus fortasse vitio meo : sed tamen, si me levari vis, haec est summa levatio; vel, si verum scire vis, una. [4] Hirti epistulam si legeris, quae mihi quasi πρόπλασμα videtur eius vituperationis, quam Caesar scripsit de Catone; facies me, quid tibi visum sit, si tibi erit commodum, certiorem. Redeo ad fanum. Nisi hac aestate absolutum erit, quam vides integram restare, scelere me liberatum non putabo.

584. — A ATTICUS. Antium, juin.

A. XII, 41. Je n'ai rien à vous écrire : mais je veux savoir où vous êtes, si vous avez quitté la ville, si vous devez la quitter, et quand vous reviendrez. Dites-moi tout cela. De votre côte, vous me demandez quand je partirai d'ici. Je coucherai à Lanuvium le lendemain des ides; le jour suivant, je serai à Tusculum ou à Rome. Lequel des deux? vous le saurez au moment. Vous savez combien le malheur aigrit, non que je vous en aie fait faire l'expérience. Mais l'idée de ce temple me poursuit, et si je ne le vois s'élever, je ne dis pas en espérance, mais en réalité, je vous en avertis, et vous le prendrez, selon votre usage, en patience, mon humeur va retomber sur vous. A tort, je ne le nie pas; mais vous n'en aurez pas moins à la souffrir, comme tout ce que vous souffrez, comme tout ce que vous avez déjà souffert pour moi. Je vous ai montré mon but et ma seule consolation : c'est là que doivent tendre tous vos efforts. Voulez-vous savoir l'ordre de mes préférences? D'abord Scapula; ensuite Clodia; puis, si Scapula ne veut pas vendre et si Drusus a des prétentions exorbitantes, Cusinius et Trébonius. Je crois qu'il y a un troisième propriétaire. Je suis sur du moins que Hébilus l'a été. Après tout, si l'idée de Tusculum vous plaît, comme vous me l'avez témoigné dans quelques lettres, j'y souscris. Mais, d'une façon on d'une autre, concluez, concluez, si vous voulez me soulager d'un grand poids, au lieu de m'accuser, comme vous le faites, avec une sévérité à laquelle votre indulgence ne m'a pas habitué. Cette sévérité, c'est votre amitié qui vous l'inspire, et peut-être ai-je mis votre patience à bout. Cependant, si vous voulez consoler mes peines, ce moyen est le meilleur de tous; pour dire la vérité, c'est le seul.— Avez-vous lu la lettre à Hirtius, qu'on peut regarder, ce me semble, comme un véritable échantillon de la diatribe de César contre Caton? Si vous avez le loisir, dites-moi ce que vous en pensez. - Je reviens à mon temple : si mon vœu n'est pas accompli cet été, voilà l'été qui commence à peine, il me semblera qu'un crime pèse sur ma conscience.

Scr. Asturae vi Id. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Nullum a te desideravi diem litterarum. Videbam enim, quae scribis : et tamen suspicabar vel potius intellegebam nihil fuisse, quod scriberes. A. d. vi Idus vero et abesse te putabam, et plane videbam nihil te habere. Ego tamen ad te fere cotidie mittam. Malo enim frustra quam te non habere, cui des; si quid forte sit, quod putes me scire oportere. Itaque accepi vi Idus litteras tuas inanis. Quid enim habebas quod scriberes? Mihi tamen illud, quidquid erat, non molestum fuit,  nihil aliud, scire me novi te nihil habere. Scripsisti tamen nescio quid de Clodia. Ubi ergo ea est ? aut quando ventura? Placet mihi res sic ut secundum [2] Othonem nihil magis. Sed neque hanc vendituram puto. Delectatur enim et copiosa est : et illud alterum quam sit difficile, te non fugit. Sed, obsecro, enitamur ut aliquid ad id, quod cupio, excogitemus. [3] Ego me hinc postridie id. exiturum puto, sed aut in Tusculanum aut domum; inde fortasse Arpinum. Quum certum sciero, scribam ad te.  Venerat mihi in mentem monere te, ut id ipsum quod facis, faceres. Putabam enim commodius te idem istud domi agere posse, interpellatione sublata.

586. — A ATTICUS. Antium.

A. XII, 42. Je n'ai certes pas à me plaindre de votre exactitude. Chaque jour, je reçois de votre écriture; mais je vois et je comprends seulement que vous n'avez rien à m'écrire. Depuis le 6 des ides, vous avez dû vous absenter. Dès lors, plus de nouvelles ; je ne laisserai pas de vous envoyer un courrier tous les jours, à peu près. J'aime mieux lui faire faire une course inutile, que de vous laisser sans moyen de communication dans un cas de besoin. J'ai reçu votre lettre vide, du 6 des ides; qu'auriez-vous eu à m'écrire en effet? Mais je ne suis pas fâché de savoir même que vous n'avez rien à m'écrire. Cependant vous m'avez dit un mot de Clodia, je ne me rappelle plus quoi. Où est-elle? quand revient-elle? A défaut de la propriété d'Othon, la sienne est ce qu'il y a de mieux. Mais je doute qu'elle veuille vendre. Elle s'y plaît et elle est riche. Quant à Othon, vous ne savez que trop combien il y a de difficultés. Mais enfin faisons tous nos efforts, je vous en conjure, et arrivons au but. Il est probable que je partirai demain. J'irai à Tusculum ou à Rome; peut-être ensuite à Arpinum. Lorsque je serai décidé, je vous en ferai part. J'avais eu la pensée de vous conseiller précisément ce que vous faites. N'est-il pas tout simple de vous occuper de cela chez vous et de faire fermer votre porte?

Scr. Asturae iv Id. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Ego postridie Idus, ut scripsi ad te ante, Lanuvii manere constitui; inde aut Romae aut in Tusculano. Scies ante utrumque. Quod scies, recte illam rem fore levamento, bene facis, tum id est, mihi crede, perinde, ut existimare tu non potes. Res indicat, quanto opere id cupiam, quom tibi audeam confiteri, quem id non ita valde probare arbitrer. Sed ferendus tibi in hoc meus error. Ferendus? Immo vero etiam adiuvandus. [2] De Othone, diffido, fortasse quia cupio. Sed tamen maior etiam res est quam facultates nostrae, praesertim adversario et cupido et locuplete et herede. Proximum est, ut velim Clodiae. Sed si ista minus confici possunt, effice quidvis. Ego me maiore religione, quam quisquam fuit ullius voti, obstrictum puto. Videbis etiam Trebonianos : etsi absunt domini. Sed, ut ad te heri scripsi, considerabis etiam de Tusculano, ne aestas effluat : quod certe non est committendum.

587. — A ATTICUS. Antium, juin.

A. XII,43. C'est le lendemain des ides, comme je vous l'ai précédemment écrit, que je compte coucher à Lanuvium; j'irai de là à Rome ou à Tusculum. Je vous le dirai. Vous ne me dites pas si j'ai raison d'attacher des idées consolantes à l'accomplissement de mon projet : j'approuve votre, silence ; ce sont la, croyez-moi, des choses qu'il ne vous était pas possible de juger. Vous pouvez cependant avoir la mesure de mon impatience dans l'aveu que je vous en fais, à vous que je ne crois pas partisan bien chaud des idées qui me préoccupent. Mais si je m'abuse, il faut vous y résigner, mon cher Atticus. Que dis-je, vous y résigner? il faut y donner les mains. Othon m'inquiète; mais je crains, peut-être parce que je désire. En vérité, cette affaire est au-dessus de mes forces, surtout avec un concurrent passionné, riche, et qui hérite. Immédiatement après Othon, Clodia ; et si nous ne réussissons ni d'un côté ni de l'autre, vous chercherez ailleurs, je vous en prie. Je me regarde comme engagé par un vœu sacré, plus engagé qu'on ne fut jamais. Voyez aussi les jardins de Trébonius. Les propriétaires sont absents, mais qu'importe? Puis, comme je vous l'ai dit hier, pensez à Tusculum, de peur que l'été ne se passe ; c'est ce qu'il faut éviter a tout prix.

Scr. Asturae iii Id. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Et Hirtium aliquid ad te συμπαθῶς de me scripsisse facile patior : (fecit enim humane) et te eius epistulam ad me non misisse, multo facilius. Tu enim etiam humanius. Illius librum, quem ad me misit de Catone, propterea volo divulgari a tuis, ut ex istorum vituperatione sit illius maior laudatio. [2] Quod per Mustelam agis, habes hominem valde idoneum, meique sane studiosum iam inde a Pontiano. Perfice igitur aliquid. Quid autem aliud, nisi ut aditus sit emptori? quod per quemvis heredem potest effici. Sed Mustelam id perfecturum, si rogaris, puto. Mihi vero et locum, quem opto, ad id, quod volumus dederis, et praeterea ἐγγήραμα. Nam illa Sili et Drusi non satis οἰκοδεσποτικὰ mihi videntur. Quid enim sedere totos dies in villa? Ista igitur malim, primum Othonis, deinde Clodiae. Si nihil fiet, aut Druso ludus est suggerendus, aut utendum Tusculano. [3] Quod domi te inclusisti, ratione fecisti. Sed, quaeso, confice et te vacuum redde nobis. Ego hinc, ut scripsi antea, postridie Idus Lanuvi, deinde postridie in Tusculano. Contudi enim animum et fortasse vici, si modo permansero. Scies igitur fortasse cras, summum perendie. Sed quid est, quaeso? Philotimus nec Carteiae Pompeium teneri, (qua de re litterarum ad Clodium Patavinum missarum exemplum mihi Oppius et Balbus miserant, se id factum arbitrari) bellumque narrat reliquum satis magnum. Solet omnino esse Fulviniaster. Sed tamen, si quid habes. Volo etiam de naufragio Caniniano scire, quod sit.



 

588. — A ATTICUS. Antium, juin.

A. XII, 44. Hirtius vous a témoigné de la sympathie pour moi, c'est une attention dont je lui sais gré: mais je vous en sais plus encore de n'avoir pas voulu me communiquer sa lettre; c'est là surtout une attention délicate. Quant au livre qu'il m'a envoyé sur Caton, je veux que vos gens le répandent, afin que le contraste d'indignes diatribes fasse mieux ressortir l'éloge du grand citoyen. Vous faites bien d'employer Mustella : c'est un homme spécial, et qui m'est absolument dévoué depuis l'affaire de Pontianus. Tâchez d'arriver par lui au résultat. Que nous faut-il autre chose, sinon qu'on laisse le champ libre aux acheteurs? et pour cela il suffit de la volonté du premier venu parmi les héritiers. Mustella, par exemple, ne vous refuserait pas, je le suppose. Ainsi, je devrais à vos soins un lieu propice à l'accomplissement de mon vœu, et en même temps un asile pour ma vieillesse. Le bien de Silius et celui de Drusus n'ont, sous ce dernier rapport, rien qui convienne. Un propriétaire peut-il du matin au soir rester les bras croisés dans sa villa? Othon, Othon avant tout! Puis Clodia. A défaut de l'un et de l'autre, usons de ruse avec Drusus, ou revenons-en à Tusculum.C'est un parti sage de vous être enfermé chez vous. Mais hâtez-vous, je vous en conjure; redevenez libre, et qu'Atticus me soit rendu ! Ainsi que je vous l'ai déjà dit, j'irai d'ici couchera Lanuvium le lendemain des ides, et le jour suivant à Tusculum. J'ai lutté, et pour peu que cela dure, j'aurai, je crois, pris le dessus. Demain peut-être, ou après-demain, au plus tard, vous en pourrez juger. Mais qu'est-ce, je vous prie? voilà Philotime qui prétend que Pompée n'est pas cerné dans Cartéia ! Oppius et Balbus m'ont envoyé la copie d'une lettre à Clodius le Padouan, ou la nouvelle était donnée comme certaine. Philotime ajoute que la guerre a de quoi durer longtemps encore: mais vous savez que Philotime, c'est du Fulvius tout purs. Mandez-moi ce que vous en saurez, et n'oubliez pas de me dire aussi ce qui en est du naufrage de Caninius

Scr. in Tusculano xvi K. Iun. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

[4] Ego hic duo magna συντάγματα absolvi. Nullo enim alio modo a miseria quasi aberrare possum. Tu mihi, etiam si nihil erit, quod scribas, (quod fore ita video) tamen id ipsum scribas velim, te nihil habuisse, quod scriberes, dummodo ne his verbis. De Attica, optime. κηδία tua me movet : etsi scribis nihil esse. In Tusculano eo commodius ero, quod et crebrius tuas litteras accipiam, et te ipsum non numquam videbo. Nam ceteroqui ἀνεκτότερα erant Asturae : nunc haec, quae refricant, hic me magis angunt. Etsi tamen, ubicumque sum, illa sunt mecum. - De Caesare vicino scripseram ad te, quia cognoram ex tuis litteris. Eum σύνναον Quirino malo quam Saluti. Tu vero pervulga Hirtium. Id enim ipsum putaram, quod scribis, ut, quum ingenium amici nostri probaretur, ὑπόθεσις vituperandi Catonis irrideretur.

 

591. — A ATTICUS. Tusculum, juin.

A. XII, 45. Je viens d'achever ici deux longs traités. Le travail est pour moi le seul moyen d'échapper à ma misère. Quand bien même vous n'auriez rien à m'écrire, comme je le prévois, ne laissez pas que de le faire, ne fût-ce que pour me dire : Je n'ai rien à vous mander : seulement dites-le-moi en d'autres termes. Je suis charmé des nouvelles d'Attiea. Mais je n'aime point cette langueur dont vous souffrez, quoique ce ne soit rien, dites-vous. Je serai bien à Tusculum, pour avoir plus souvent de vos lettres et pour vous voir quelquefois. A tous autres égards, le séjour d'Asture me convenait mieux. Il y a des souvenirs qui bouleversent, et ils sont ici mille fois plus poignants. Au surplus, partout où je vais, mon mal me suit. — C'est d'après ce que vous me mandiez que j'ai appelé César votre voisin. D'ailleurs j'aime mieux qu'on l'ait logé avec Quirinus qu'avec la déesse Salus. Faites répandre l'écrit d'Hirtius. Je suis tout à fait de votre avis; on rendra hommage au talent de l'auteur. Mais l'idée d'attaquer Caton fera partout hausser les épaules.

Scr. Asturae ld. Mai. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Vincam, opinor, animum, et Lanuvio pergam in Tusculanum. Aut enim mihi in perpetuum fundo illo carendum est : (nam dolor idem manebit, tantum modestius :) aut nescio quid intersit, utrum illuc nunc veniam, an ad decem annos. Neque enim ista maior admonitio, quam quibus adsidue conficior et dies et noctes. Quid ergo? inquies : nihil litterae? In hac quidem re vereor ne etiam contra : nam essem fortasse durior. Exculto enim animo nihil agreste, nihil inhumanum est.

590. — A ATTICUS. Lanuvium près d'Antium, juin.

A. XII, 46. Oui, j'en aurai, je crois, le courage : je quitterai Lanuvium et je reverrai Tusculum. Comme tout en se modérant ma douleur restera éternellement la même, je dois renoncer à jamais à Tusculum, ou comprendre qu'il n'y a point de différence entre y aller aujourd'hui et y aller dans dix ans. Je n'y trouverai pas plus qu'ailleurs ces images cruelles qui me poursuivent jour et nuit, et qui me tuent. Mais quoi! direz-vous, les lettres et vos études ne vous servent donc à lien? Hélas ! tout au contraire; et peut-être sans elles serais-je moins sensible. Leur commerce anoblit le cœur, en lui ôtant sa rude écorce.

Scr. Lanuvi xvii K. Iun. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Tu igitur, ut scripsisti; nec id incommodo tuo. Vel binae enim poterunt litterae. Occurram etiam, si necesse erit. Ergo id quidem, ut poteris. De Mustela, ut scribis : etsi magnum opus est. Eo magis delabor ad Clodiam. Quamquam in utroque Faberianum nomen explorandum est : de quo, nihil nocuerit, si aliquid cum Balbo eris locutus : et quidem, ut res est, emere nos velle, nec posse sine isto nomine, nec audere re incerta. Sed quando Clodia Romae futura est ? et quanti rem aestimas? Eo prorsus specto : non quin illud malim; sed et magna res est, et difficile certamen cum cupido, cum locuplete, cum herede : etsi de cupiditate nemini concedam : ceteris rebus inferiores sumus. Sed haec coram. Hirti librum, ut facis, divulga. De Philotimo, idem et ego arbitrabar. Domum tuam pluris video futuram vicino Caesare. Tabellarium meum hodie exspectamus. Nos de Pilia et Attica certiores faciet.

589. — A ATTICUS. Antium, juin.

A. XII, 47. Eh bien! faites comme vous dites, et prenez votre temps. Vous pourrez m'écrire jusqu'à deux fois. D'ailleurs j'irai moi-même, s'il le faut. Consultez-vous. Parlez à Mustela, comme vous l'avez promis. Mais l'affaire est bien difficile, et je n'en suis que plus disposé à revenir à Clodia. Dans un cas comme dans l'autre, il est indispensable d'être payé par Fabèrius. Il n'y aurait pas de mal que vous en dissiez quelque chose à Balbus, et tout simplement ce qui en est ; que nous voulons acheter ; que nous ne le pouvons pas sans l'argent que nous doit Fabérius; que nous n'osons rien aventurer. Quand Clodia sera-t-elle à Rome? Et à combien portez-vous ses prétentions? Voilà ce qui me tient en suspens. Ce n'est pas que je ne préfère cette autre belle affaire. Mais l'objet est lourd et la lutte difficile avec un concurrent ardent, homme riche, et héritier. En fait d'ardeur, je ne le cède à personne, mais je ne suis pas de force sur le reste. Nous en parlerons. Oui, répandez l'écrit d'Hirtius. Ce que vous me mandez de Philotime est ce que j'en pensais. Savez-vous bien que votre maison va gagner beaucoup, ayant César pour voisin? J'attends aujourd'hui le retour de mon exprès. Il m'apportera des nouvelles de Pilia et d'Attica.

Scr. Lanuvi xvi K. Iun. mane a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Domi te libenter esse facile credo. Sed velim scire, quid tibi restet, aut iamne confeceris. Ego te in Tusculano exspecto, eoque magis, quod Tironi statim te venturum scripsisti, et addidisti te putare opus esse. Sentiebam omnino, quantum mihi praesens prodesses; sed multo magis post discessum tuum sentio. Quamobrem, ut ante ad te scripsi, aut ego ad te totus aut tu ad me, quum licebit.

592. — ATTICUS. Tusculum, juin.

A. XII, 48. Vous vous trouvez bien de rester chez vous, je le crois sans peine : mais dites-moi, je vous prie, ou vous en êtes et si vous avez fini. Je vous attends positivement à Tusculum, puisque vous avez annoncé à Tiron votre arrivée immédiate, en ajoutant que vous la croyiez nécessaire. Quand vous étiez là près de moi, je sentais combien votre présence m'était utile. Depuis votre départ, je le sens bien davantage encore. Aussi j'en reviens à ce que j'ai dit : Ou chez vous ou chez moi, suivant que le sort en décidera; mais nous ne pouvons être l'un sans l'autre.

Scr. in Tusculano xiv K. Iun. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

[2] Heri, non multo post, quam tu a me discessisti, puto, quidam urbani, ut videbantur, ad me mandata et litteras attulerunt a C. Mario C. F. C. N. "Multis verbis agere mecum per cognationem, quae mihi secum esset, per eum Marium, quem scripsissem, per eloquentiam L. Crassi, avi sui, ut se defenderem” causamque suam mihi perscripsit. Rescripsi patrono illi nihil opus esse, quoniam Caesaris, propinqui eius, omnis potestas esset, viri optimi et hominis liberalissimi : me tamen ei fauturum. - O tempora! fore, quum dubitet Curtius consulatum petere! Sed haec hactenus. [3] De Tirone, mihi curae est. Sed iam sciam, quid agat. Heri enim misi, qui videret : cui etiam ad te litteras dedi. Epistulam ad Ciceronem tibi misi. Horti quam in diem proscripti sint, velim ad me scribas.

593. — A ATTICUS. Tusculum, juin.

A. XII, 49. Hier, peu de temps après votre départ, des gens qui me parurent de bonne mine vinrent me trouver de la part de C. Marius, fils de Caius, petit-fils de Caius. Ils m'apportaient une lettre ou, dans un assez long préambule, il me demande au nom de nos liens de famille, au nom de ce Marius que j'ai chanté, au nom de L. Crassus, son éloquent aïeul, de consentir à plaider pour lui. Puis, il entre dans l'exposé de son affaire. J'ai répondu qu'il n'avait pas besoin de défenseur, étant parent de César, le meilleur et le plus généreux des hommes, aujourd'hui tout puissant; que cependant je ne lui ferai pas faute. — Quel temps que celui ou il peut arriver qu'un Curtius ose songer au consulat! Je n'en dis pas davantage. Tiron m'inquiète; mais je vais avoir de ses nouvelles, car j'ai envoyé hier pour le voir. J'ai remis en même temps une lettre pour vous. Je vous ai transmis ma lettre à César. Mandez-moi, je vous prie, pour quel jour la vente des jardins est affichée.

Scr. in Tusculano xv K Iun. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Ut me levarat tuus adventus, sic discessus adfiixit. Quare quum poteris, id est, quum Sexti auctioni operam dederis, revises nos. Vel unus dies mihi erit utilis; quid dicam gratus? Ipse Romam venirem, ut una essemus, si satis consultum quadam de re haberem.

594. — A ATTICUS. Tusculum, juin.

A. XII, 50. Autant j'ai eu de joie en vous voyant venir, autant j'ai de peine depuis que vous m'avez quitté. Revenez-moi donc aussitôt que possible, c'est-à-dire après que l'adjudication de Sextus n'exigera plus vos soins. Un jour, un seul jour passé ensemble m'est si utile, et, dirai-je aussi, m'est si doux ! J'irai à Rome rien que pour vous revoir ; mais il y a certaine chose sur laquelle je n'ai pas suffisamment encore pris mon parti.

Scr. in Tusculano xiii K. luit. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Tironem habeo citius, quam verebar. Venit etiam Nicias : et Valerium hodie audiebam esse venturum. Quamvis multi sint, magis tamen ero solus, quam si unus esses. Sed exspecto te, a Peducaeo utique. Tu autem significas aliquid etiam ante. Verum id quidem, ut poteris. [2] De Vergilio, ut scribis. Hoc tamen velim scire, quando auctio. Epistulam ad Caesarem mitti video tibi placere. Quid quaeris? Mihi quoque hoc idem maxime placuit, et eo magis, quod nihil est in ea, nisi optimi civis; sed ita optimi ut tempora, quibus parere omnes πολιτικοὶ praecipiunt. Sed scis ita nobis esse visum, ut isti ante legerent. Tu igitur id curabis. Sed, nisi plane iis intelleges placere, mittenda non est. Id autem utrum illi sentiant, anne simulent, tu intelleges. Mihi simulatio pro repudiatione fuerit. Τοῦτο δὲ μηλώσῃ. [3] - De Caerellia quid tibi placeret, Tiro mihi narravit; debere non esse dignitatis meae : perscriptionem tibi placere:

Hoc metuere, alterum ín metu non ponere.

Sed et haec et multa alia coram. Sustinenda tamen, si tibi videbitur, solutio est nominis Caerelliani, dum et de Metone et de Faberio sciamus.

595. — A ATTICUS. Tusculum, juin.

A. XII, 51. Tiron m'est revenu plus tôt que je ne l'espérais. J'ai Nicias aussi, et l'on m'annonce Valérius pour aujourd'hui. Voilà bien du monde : eh bien ! je serai plus seul que si je n'avais que vous; mais l'affaire de Péducéus terminée, je vous attends; plus tôt même peut-être, dites-vous. Oh oui, plus tôt; tâchez. Soit : parlez à Virgilius; je voudrais seulement savoir à quand la vente. Vous croyez donc que la lettre à César peut passer? Que vous dirai-je? C'est aussi mon opinion, d'autant que je n'y ai rien mis qui ne soit d'un bon citoyen, mais d'un bon citoyen allant selon le temps, et suivant en cela le précepte de tous les écrivains politiques. Vous savez que je regarde comme indispensable de la communiquer d'abord à l'entourage. Veuillez vous en charger ; et si vous vous apercevez qu'elle ne soit pas entièrement goûtée, ne l'envoyez point. Vous verrez bien si leur approbation est naturelle ou feinte. Pour moi, j'interpréterais l'hésitation comme un blâme; mais vous saurez bien démêler le vrai. — En ce qui touche Cérellia, Tiron m'a dit votre pensée. Il ne me convient pas, suivant vous, d'être son débiteur. Vous préférez que je fasse un emprunt.

Il faut redouter l'un et ne pas craindre l'autre.

Nous en parlerons de vive voix, ainsi que de beaucoup d'autres choses. Je crois pourtant qu'il sera bon, sauf votre avis, d'ajourner le remboursement de Cérellia. Il faut d'abord que je sache à quoi m'en tenir sur mes débiteurs Milon et Fabérius.

Scr. in Tusculano xii K. Iun. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

L. Tullium Montanum nosti, qui cum Cicerone profectus est. Ab eius sororis viro litteras accepi, Montanum Planco debere, quod praes pro Flaminio sit, HS xxv : de ea re nescio quid te a Montano rogatum. Sane velim, sive Plancus est rogandus sive qua re potes illum iuvare, iuves. Pertinet ad nostrum officium. Si res tibi forte notior est quam mihi, aut si Plancum rogandum putas, scribas ad me velim; ut, quid rei sit et quid rogandum, sciam. [2] De epistula ad Caesarem quid egeris exspecto. De Silio, non ita sane laboro. Tu mi aut Scapulanos aut Clodianos efficias necesse est. Sed nescio quid videris dubitare de Clodia; utrum quando veniat, an sintne venales? Sed quid est, quod audio Spintherem fecisse divortium? De lingua Latina securi es animi, dices, qui talia a conscribis : ἀπόγραφα sunt : minore labore fiunt : verba tantum adfero; quibus abundo.

 

590. — A ATTICUS. Tusculum. juin.

A. XII, 52. Vous connaissez L. Tullius Montanus, qui est parti avec Cicéron. Je reçois une lettre du mari de sa sœur. Il parait que Montanus est débiteur de Plancus, comme ayant garanti Flaminius pour vingt-cinq mille sesterces. Je ne sais pas précisément ce que désire de vous Montanus ; mais ne lui refusez pas, je vous en prie, ou de voir Plancus, ou de le seconder de toute autre façon. J'y suis engagé par devoir. Si vous en savez plus que moi, ou si vous croyez la démarche près de Plancus faisable, faites-moi la grâce de me l'écrire. Il faut que je sache ce qu'il en est, et quel est l'objet de cette démarche. J'attends le résultat de vos soins pour ma lettre à César. Je ne tiens pas aveuglément aux jardins de Silius, mais il faut que vous me fassiez avoir ceux de Scapula ou de Clodia. Je ne comprends pas votre hésitation au sujet de Clodia. Est-ce qu'elle ne vient pas à Rome, ou est-ce qu'elle ne peut pas vendre? Que vient-on de m'apprendre, que Spinther divorce? Je vous parais donc bien hardi de traiter ce sujet en latin! Songez que le fond est d'emprunt; ce qui diminue beaucoup le travail. Je n'ai plus que les mots à trouver, et les mots sont toujours à mes ordres.

Scr. in Tusculano xi K. Iun. a. 709 (45).

CICERO ATTICO SAL.

Ego, etsi nihil habeo, quod ad te scribam; scribo tamen, quia tecum loqui videor. Hic nobiscum sunt Nicias et Valerius. Hodie tuas litteras exspectabamus matutinas. Erunt fortasse alterae posmeridianae, nisi te Epiroticae litterae impedient ; quas ego non interpello. Misi ad te epistulas ad Marcianum et ad Montanum. Eas in eundem fasciculum velim addas, nisi forte iam dedisti.

597. — A ATTICUS. Tusculum, juin.

A. XII, 53. Je n'ai rien à vous écrire, et je ne laisse pourtant pas que de le faire. Je crois causer avec vous. Nicias et Valérius sont ici. J'attends une lettre de vous ce malin; peut-être en aurai-je une seconde ce soir, si votre correspondance d'Épire ne vous en ôte pas la possibilité, et je ne veux pas me mettre au travers. Je vous envoie des lettres pour Marcianus et Montanus ; joignez-les à votre paquet, s'il n'est pas encore parti.