DISSERTATION QUATRIÈME.
DES HOMMES LIBRES D'ORIGINE
BARBARE, CONSIDéRéS DANS LEUR ÉTAT POLITIQUE.
ANTRUSTIONS, s. m. pl. (Hist. mod.)
volontaires qui chez les Germains suivaient les Princes dans leurs
entreprises. Tacite les désigne par le nom de compagnons, la loi
Salique par celui d'hommes qui sont sous la foi du Roi, les formules
de Marculfe par celui d'antrustions, nos premiers historiens par
celui de leudes, et les suivants par celui de vassaux et seigneurs.
(Philippe Remacle)
Le
sujet qui fait la matière de celle dissertation a beaucoup occupé
les savants (01). Je n'ai pas la
prétention de présenter des idées nouvelles, mais je n'aurais pu me
dispenser d'en parler sans laisser une sorte de lacune dans les
dissertations que je consacre à des études sur la loi Salique.
II ne sera question en ce moment que des hommes libres lege
Salica viventes, pour employer les expressions mêmes de la loi.
Ce qui concerne l'état des Romains sera l'objet de la dissertation
sixième.
J'entends le mot hommes libres dans le sens le plus
générique, pour constater l'état de liberté opposé à l'esclavage.
Mais les Francs ne crurent pas que le seul fait qu'un homme n'était
pas esclave suffit pour qu'on dût lui reconnaître les droits que
nous appelons droits de citoyen. Entre les hommes qui, jouissant de
ces droits, constituaient, à proprement parler, la tribu. et les
esclaves, chose et propriété de leurs maîtres, les textes des lois,
les documents, l'opinion unanime des savants, s'accordent a
reconnaître d'autres hommes, libres sans doute, puisqu'ils n'étaient
pas esclaves. mais que leur situation dépendante et plus ou moins
voisine de l'esclavage avait placés, relativement aux premiers, dans
une infériorité incontestable.
Différents titres de la loi Salique. notamment les XIV, XXVIII,
XXXVII, XLV et LII, nomment des iugenui et des liti
d'une manière tellement distincte et opposée, qu'on ne peut se
refuser à reconnaître une différence légale entre ces hommes.
D'autres titres, notamment le LXVIe de la loi, mettent en opposition
des ingenui avec des pueri regis, dénomination qui,
ainsi que je le dirai dans la dissertation septième, était donnée
aux affranchis. On y voit que les liti, les pueri regis
n'avaient droit d'obtenir pour composition, par suite d'offenses
contre leurs personnes, que la moitié de celle d'un ingenuus.
Le paragraphe dernier du second texte de la Recapitulatio
solidorum résume cette distinction d'une
manière générale par ces mots, De Romanis (02)
vero vel litis haec lex de medietate solvatur; et plusieurs
dispositions de la loi la répètent.
C'est sur celte double dénomination, ingenui et liti,
que je crois devoir fonder la division des hommes libres,
c'est-à-dire non esclaves, en deux classes qui feront l'objet des
deux chapitres suivants.
CHAPITRE Ier - DES INGÉNUS.
J'éprouve une sorte de nécessité d'expliquer et de
justifier les motifs qui m'ont décidé à adopter la dénomination d'ingénus
que je donne aux hommes dont il va être question dans ce chapitre.
J'aurais pu choisir le mot citoyen qui, dans le langage moderne,
serait le véritable. C'est ainsi que l'article 7 de notre code,
désignant par le mot Français tous ceux qui ont la jouissance des
droits civils, déclare que cette qualité diffère de celle de
citoyen, dont les effets sont réglés par la loi politique; que, d'un
autre côté, celle-ci détermine les conditions requises pour être
citoyen, et notamment qu'elle en exclut des personnes en état de
domesticité.
Je ne considère donc point comme synonymes les mots libres et
ingénus, quoique la pauvreté du langage ou le peu
d'exactitude des écrivains les ait assez souvent fait employer l'un
pour l'autre. Par libres, j'entends tous les hommes qui
n'étaient pas esclaves; par ingénus, j'entends les hommes nés
de parents qui ne reconnaissaient aucun maître, et qui, eux-mêmes,
ne sont tombés ni dans l'esclavage, ni dans une dépendance
qu'exprime la formule 44 de Sirmond. par les mots in obsequio et
servitio alterius, ingenuili ordine; je donne aux autres le nom
de lites, expression dont se sert la loi Salique.
Les ingénus. tels que je viens de les définir, constituaient seuls
le corps politique appelé tribu ou nation; en eux résidait la
souveraineté, qu'ils exerçaient par la participation aux
délibérations nationales, où étaient faites les lois et réglés les
intérêts généraux; à celles des Mâls de chaque
arrondissement, où se traitaient les intérêts de localité, et où se
rendaient les jugements civils et criminels.
Ces ingénus avaient seuls le droit et le devoir de former l'armée
nationale; si les lites, dont je parlerai dans le second chapitre,
allaient à la guerre, c'était comme dépendants, et comme recevant
les ordres des ingénus, sous la puissance desquels ils étaient.
Lorsque les ingénus avaient commis un crime capital, le chapitre IX
de l'édit de Childebert de 595 constate qu'ils ne pouvaient être
condamnés à mort que par le roi. Dans aucun cas, même par ordre du
roi, ils ne pouvaient être battus de verges (03).
Seuls, puisqu'en effet ils formaient seuls l'armée nationale, ils
avaient obtenu des biens par le partage que produisit la conquête,
et seuls aussi, selon moi du moins, comme on le verra dans la
dissertation huitième, ils avaient le privilège de ne payer aucun
impôt pour ces biens.
Lorsqu'on éprouva la nécessité de trouver des mots pour exprimer les
distinctions et les sous-distinctions que produisait le
développement de l'état social, le mot nobilis fut souvent
employé pour désigner les hommes dont la liberté était complète et
parfaite, que j'entends ici par ingénus (04).
C'est, ce me semble, ce qui peut expliquer le célèbre passage de
Thegan, Vita Ludov. Pii, cap. XLIV : Fecit te liberum, non
nobilem, quod impossibile est post libertatem; c'est-à-dire :
d'esclave que tu étais, il t'a affranchi: mais il ne t'a pas fait
ingénu d'extraction, ce que ne peut produire la concession de
liberté.
Si en effet par nobilem il fallait entendre la collation d'un
titre de noblesse, d'illustration, de haute dignité, la phrase de
Thegan serait un non sens. Il n'a jamais été douteux que les rois
pouvaient investir des plus hautes distinctions, des affranchis,
c'est-à-dire des hommes qui avaient été esclaves. Grégoire de Tours,
liv. IV, chap. XLVII, parle d'Andarchius, d'abord esclave d'un
particulier qui fut revêtu d'une dignité par le roi Sigebert, et
liv. V, chap. XLIX. de Leudaste, qui du plus bas esclavage était
parvenu à la fonction de comte de Tours. Mais le roi en accordant
cette faveur ne pouvait changer la nature des choses; il ne pouvait
faire que l'affranchi eût été ingénu d'extraction; et effectivement
la législation, sans méconnaître la liberté de l'affranchi, ni les
dignités dont il pouvait être revêtu, le distinguait toujours, sous
le rapport des compositions, des hommes placés dans la même
situation politique, mais nés ingénus. ainsi que je le prouverai
plus bas.
Le plus généralement, c'était parmi eux que les rois choisissaient
les ducs, les comtes, les sagibarons, et les autres fonctionnaires à
qui ils confiaient l'exercice des pouvoirs publics; car s'il est
possible que dans l'origine quelques unes de ces fonctions aient été
électives, le roi ne tarda pas à s'en attribuer le choix et la
révocation.
Cependant on ne serait pas fondé à assurer que l'ingénuité, telle
que je l'ai définie plus haut, fût une condition nécessaire et
exclusive pour l'admission à ces fonctions. Le § 2 du titre LVI de
la loi Salique, et le § 30 du second texte de la Recapitulatio
solidorum parlent d'un grafion, d'un sagibaron, qui puer
regis fuerit (05), et comme ils
fixent la composition à moitié de celle du grafion ou du sagibaron
qui ingenuus est, ces documents constatent une distinction
atténuante.
Ainsi, comme je l'ai déjà fait entendre, en jouissant des honneurs
et des autres prérogatives attachées à leurs fonctions, ces hommes
n'étaient pas réputés ingénus dans l'acception que j'ai
expliquée plus haut; on conservait toujours l'analogie du principe
primitif sur la base des compositions. De même que le meurtre de
l'ingénu non magistrat donnait lieu à une composition de CC sous, et
celui du lite à une composition de C sous; de même, en vertu
du principe qui triplait les compositions pour meurtre des
magistrats, celui du comte, du sagibaron ingénu, donnait lieu à DC
sous, et celui du magistrat de même ordre, mais non ingénu
d'extraction, n'était que de CCC sous.
On suivait les mêmes proportions pour les hommes qui étaient in
truste regia, les antrustions. S'ils étaient ingénus, la
composition du meurtre était de DC sous, d'après le § 4 du titre
XLIII de la loi; s'ils ne l'étaient pas, la composition n'était que
de CCC sous, d'après le § 30 du premier texte de la Recapitulatio.
Le meurtrier d'un ingénu antrustion qui avait fait disparaître le
cadavre payait MDCCC sous, d'après le § 5 du titre XLIII de la loi,
et le § 2 du titre XVII des Capita extravagantia, parce que,
dans ce cas, la composition était triple; mais, si cet antrustion
n'était pas ingénu, le § 33 du second texte de la Recapitulatio
prononçait seulement DCCCC sous.
Quelques titres de la loi Salique et le chapitre IX de l'édit de
Childebert de 595 emploient, pour désigner les hommes que j'appelle
ingénus, les mots Salici, Franci. Il n'y avait en cela rien
que de conforme à l'analogie. Puisque, dans la réalité, les ingénus
formaient seuls la tribu considérée dans l'exercice des pouvoirs
publics, on a pu très bien les appeler Franci ou Salici,
expression qui, évidemment, ne désigne pas une nationalité, mais une
supériorité sociale; en effet dans l'édit ce mot est mis en
opposition avec debilior persona.
Mais l'emploi que font les lois, tantôt du mot ingenuus,
tantôt du mot Francus ou Salicus, a été la base d'un
système présenté avec un assez grand appareil d'érudition par l'abbé
de Gourcy pages 178 et suivantes, dans le but d'établir qu'il avait
existé, dès les premiers temps de la première race, même chez les
Germains, un corps de noblesse héréditaire.
Il pense que tous les hommes désignés, dans la loi et les documents
qui s'y rattachent, sous les noms de Franci, bene Franci, Salici,
bene Salici, formaient cette noblesse, et que les plébéiens, les
roturiers, en un mot les non nobles, y sont désignés par les mots
ingenui et même par l'expression Franci tales quales,
qu'il a trouvée dans la 2e formule de l'appendice de Marculfe.
Pour établir son système, il invoque les § 17 et 19 du titre XXXII
de la loi Salique. édition d'Herold, répondant pour l'objet, car la
rédaction n'en est pas exactement la même, au titre XXXI, de la
Lex emendata et ceux des autres textes qu'on trouvera désignés
dans la conférence sur ce titre, note 336. D'après le § 17 (de cette
rédaction d'Herold), une composition de C sous est prononcée contre
celui qui ingenuum castraverit : dans le § 18, une
composition de CC sous contre celui qui ad integrum tulerit
virilia : enfin, on lit dans le § 19 : Si quis Salicus
Salicum castraverit, solidos CC componat.
Faisant abstraction du second de ces trois paragraphes, et comparant
le premier au troisième, l'abbé de Gourcy raisonne ainsi, page 184 :
« On trouve dans ce texte la composition pour
la mutilation d'un ingenuus fixée à C sous ; la composition
pour la mutilation d'un Salicus à CC: donc Salicus indique un
Franc d'une condition plus relevée que celle de l'homme qu'on
appelle simplement ingenuus; car c'est en général par le taux
des compositions que la loi Sadique constate la différence entre les
personnes.
»
Cette argumentation aurait le vice de conclure du particulier au
général, et surtout elle ne démontrerait pas l'existence d'un ordre
de noblesse héréditaire, mais il suffit de prouver qu'elle n'est pas
fondée en fait. Le § 19 d'Herold est tout simplement un double
emploi dont les exemples sont très fréquents dans ce texte (06),
parce que l'éditeur l'a composé d'après plusieurs manuscrits, ainsi
que je l'ai démontré pages 221 et suiv.
Originairement la loi avait considéré comme constituant le crime de
castration, et le fait d'enlever simplement les testicules, et le
fait de retrancher entièrement les parties viriles; elle avait eu
conséquence prononcé d'une manière générique la même peine de CC
sous, sans établir de distinction. Parmi les anciens textes rédigés
dans ce sens, les uns, comme ceux que j'ai publié sous le n0 I, II,
IV, portaient, Si quis ingenuum castraverit; d'autres, tels
que le titre XCIV du manuscrit de Wolfenbüttel, et le XCIX du
manuscrit de Leyde, portent, Si quis Salicum castraverit, ou
si Salicus Salicum castraverit, toujours avec la composition
de CC sous; ce qui prouve qu'on employait indistinctement
ingenuus, Francus et Salicus : j'en donnerai de
nouvelles preuves, page 467.
Dans des révisions plus récentes, on distingua deux nuances du
crime: pour le premier cas, le simple retranchement des testicules,
on prononça seulement C sous; pour le second cas, le retranchement
entier des parties viriles, on prononça CC sous. C'est ce qu'on voit
dans le troisième des texte que j'ai publiés, et dans tous ceux de
la Lex emendata. Mais le rédacteur du texte d'Herold, quel
qu'il soit, ayant trouvé aussi dans un ou quelques manuscrits le
paragraphe où les deux délits étaient génériquement compris sous le
mot castraverit et où, au lieu de si quis ingenuum, il
y avait, comme dans le litre XCIV de Wolfenbüttel et dans le XCIX de
Leyde, si Salicus Salicum, l'a transcrit; il a ainsi fait un
double emploi.
On voit donc que le raisonnement de l'abbé de Gourcy pèche par sa
base. Bien plus, le crime de castration n'était pas le seul qu'on
pût commettre contre des hommes libres. On pouvait les tuer; et il
n'existe aucun texte qui distingue entre le Salicus et l'ingenuus,
pour le cas de meurtre, plus grave encore que la castration. Le
titre XLIII, § 1er, prononce une composition de CC sous, si quis
ingenuus FRANCUM occiderit. Le titre XVII des Capita
extravagantia que l'abbé de Gourcy a dit connaître, puisqu'il
est le LXXIIIe de l'édition d'Eccard, d'après le manuscrit de
Wolfenbüttel, porte Si quis ingenuum occiserit. Certainement
si le mot ingenuus désigne le simple Franc, le Franc
roturier, il résultera de ce système qu'il n'existait pas de peine
contre le Francus, le noble de l'abbé de Gourcy, qui aurait
commis un meurtre; si Francum s'applique exclusivement aux
nobles, il en résultera que le meurtre des simples ingenui ou
des roturiers n'aurait pas été prévu.
Ce savant n'a pas reculé devant l'objection, que du reste il a eu la
loyauté de proposer, mais il la résout en sens inverse, de son
propre système : s'il est probable, dit-il, pages 184 et 185, que la
composition pour le meurtre du noble Franc a été omise par les
copistes, comme l'avait été, dans la plupart des manuscrits et même
de nos éditions, la composition pour la mutilation du Salique que
nous venons de rapporter. En effet, il suit nécessairement de cette
dernière composition qu'il y en avait une à plus forte raison pour
le meurtre, et que l'état défectueux dans lequel cette loi nous est
parvenue est la seule raison qui fait qu'on ne l'y trouve pas. Qu'on
me permette de prouver qu'elle y était, par un raisonnement dont mes
lecteurs apprécieront la justesse.
Dans la récapitulation des compositions de la loi Salique publiée
par Charlemagne, il y a quatorze compositions à DC sous, et dans la
loi même je n'en trouve que neuf. Qu'on y joigne les titres LXXIV et
LXXV de l'édition d'Herold, qui ne se trouvent pas dans l'édition de
Baluze, et qui renferment quatre compositions à DC sous, il n'en
manque alors qu'une. Nous ne voyons pas quelle elle peut être, si ce
n'est point la composition du noble Franc, laquelle n'a pas dû être
omise, et qui est précisément de DC sous, comme nous l'apprend le
capitulaire troisième de 813, du même empereur.
Cette argumentation, malgré son apparence scientifique, manque de
bases solides.
D'abord on peut douter que la récapitulation dont il existe deux
textes différents (voir pages 348 et suiv.) ait été faite d'après la
Lex emendeta, puisqu'on y indique des délits non prévus dans
cette rédaction.
La Lex emendata ne contient, j'en conviens, que neuf cas de
compositions à DC sous; d'où il faudrait conclure, ce qui est très
raisonnable, qu'il y a une faute dans la récapitulation : et cela
est d'autant plus possible que le manuscrit de Pithou appartenant à
M. Barrois, et le manuscrit de Montpellier, indiquent dans le
récapitulation onze compositions seulement à DC sous, au lieu de
quatorze, comme dans les autres textes.
L'abbé de Gourcy a cherché dans la rédaction d'Herold les moyens de
complément, et en a trouvé quatre, savoir un dans le titre LXXIV et
trois dans le titre LXXV. La découverte n'est pas heureuse; car la
composition de DC sous du § 1er du titre LXXIV est la
reproduction de la même composition écrite dans le § 3 du
titre XLIII de la Lex emendata. Celle du premier alinéa du §
1er, relative au meurtre d'une femme enceinte, est prévue pur le § 4
du titre XXVI. Il est vrai que le paragraphe correspondant du texte
d'Herold fixe la composition à DC sous, tandis qu'elle est
réellement de DCC, par les motifs expliqués note 158;
probablement il y a erreur dans la rédaction d'Herold : toujours
est-il que ce n'est pus un délit nouveau non prévu dans la loi. La
composition du § 3 du titre LXXV d'Herold reproduit le § 7 du titre
XXVI de la loi; il ne faut donc pas la compter. Reste le second
alinéa du § 1er de ce titre LXXV d'Herold qui prévoit un délit avec
composition de DC sous, non exprimée dans la Lex emendata. Le
texte d'Herold n'ajouterait donc qu'une composition aux neuf de la
loi; et la récapitulation présenterait toujours une différence de
quatre.
Je conviens que ce nombre quatre fournirait encore une plus grande
latitude pour trouver place à la composition du noble Franc, que
cherche l'abbé de Gourcy. Mais en supposant, ce que je ne saurais
admettre, qu'il n'y ait aucune erreur de chiffre dans la
récapitulation; que, de plus, elle se rapporte à la Lex emendata,
et non à quelque autre rédaction inconnue où se trouvaient quatorze
compositions à DC sous, rien ne démontrerait que dans ces quatre
(car on a vu que ce n'est pas seulement une qu'il faut chercher) il
y eût un texte constatant que, parmi les Francs, la loi distinguait
des nobles avec composition de DC sous.
Il est vrai que l'abbé de Gourcy croit trouver cette preuve dans un
document publié par Baluze, comme troisième capitulaire de 813
(Capit. t. Ier, coll. 511 et suiv.). Mais il suffit de lire ce
document pour reconnaitre que c'est un statut local pour un lieu,
que M. Pertz, Monumenta Germaniae, t. Ill. præfat. pag. xxxj,
appelle pagus Xantensis (07).
Je reconnais que, dans ce document, outre la composition, pour les
ingénus à CC sous, et pour les lites à C sous, comme dans la loi
Salique, il y a une composition de DC sous prononcée pour le meurtre
d'un Francus mais rien n'est plus facile à expliquer, surtout
lorsqu'on fait attention qu'il n'y est pas dit un mot des
antrustions dont la composition était de DC sous, d'après la loi
Salique. Le pays dont il est question était une conquête de
Charlemagne, et traité en pays conquis; les Francs que le roi y
entretenait pour contenir les habitants y étaient considérés comme
des antrustions, et précisément DC sous étaient la composition pour
le meurtre d'un antrustion (08).
Il faut donc, selon moi, mettre de côté les citations de l'abbé de
Gourcy. Mais en supposant qu'elles eussent quelque valeur, et qu'un
dût croire à la prétendue lacune qu'à l'aide de la récapitulation il
signale dans la loi Salique, ce ne serait pas celle qu'il suppose;
ce ne serait pas, comme il le dit, la composition pour le meurtre
d'un Salicus, d'un Francus, qu'il appelle un noble; le
titre XLIII prononce CC sous contre l'ingenuus qui occiderit
Francum; précisément le meurtre du Francus, le noble de
l'abbé de Gourcy, est prévu et puni même de DC sous dans le
capitulaire qu'il a cité, et dans le chapitre VII des Septem
septennas. S'il y avait lacune, ce serait relativement au
meurtre de l'homme libre non noble, auquel l'abbé de Gourcy réduit
la dénomination ingenuus.
Par une singulière bizarrerie, la loi aurait puni seulement le non
noble, l'ingenuus, qui aurait tué un noble, Francum,
et n'aurait ni prévu ni puni l'assassinat d'un non noble ! Or
peut-on concevoir que la même loi qui a protégé la personne des
Romains vaincus, et même des tributaires romains en leur accordant
des compositions, n'eût pas songé aux Francs non nobles, roturiers,
qui nécessairement faisaient la plus grande partie de la tribu et
qu'elle eût laissé leurs assassins impunis?
Une nouvelle preuve que les mots Francus ou Salicus
n'ont point une signification exclusive et qu'ils n'indiquent pas
des nobles, par opposition à ingenuus, réservé pour désigner
des roturiers résulte du rapprochement du § 11 du titre XIV, et du §
3 du titre XXVII de la loi Salique. Ils font évidemment double
emploi : tous deux prononcent la dégradation de l'homme libre qui
épouse une esclave : dans l'un on lit si ingenuus, dans
l'autre si Francus. Enfin, la synonymie des deus mots est
encore prouvée par le § 2 du document appelé Septem septennas.
On y lit : Si Francus Francum occiderit solidos CC culpabilis
judicetur, ce qui est identiquement la reproduction du § 1er du
titre XLIII : Si quis ingenuus Francum occiderit ... solidos CC
culpabilis judicetur (09).
L'abbé de Gourcy, page 178 a cru qu'on trouvait aussi l'indication
de la classe qu'il appelle noble, dans les mots bene ingenuus,
bene Francus des formules 19 du livre ler et 5 de l'Appendice de
Marculfe, et celle des non nobles dans les mots Franci tales
quales des mêmes formules. Il y a encore en cela une grande
erreur. La première des deux formules citées est le modèle ou
protocole d'une autorisation donnée par le roi à un ingénu pour
entrer dans le clergé. Tout ingénu sans distinction étant assujetti
au service militaire, et la cléricature dispensant de cette
obligation, on conçoit l'objet de l'autorisation dont il s'agit.
C'est ce que prouve le canon IV du concile d'Orléans de 511.
Dans notre formule le roi donne celte autorisation, mais seulement
si l'impétrant de capite suo bene ingenuus esse videtur (10).
Evidemment bene ingenuus ne peut signifier que vraiment
ingénu; et cette condition, pour l'ingénu, de prouver son
ingénuité, s'explique par le canon VIII du même concile, qui défend
aux évêques d'ordonner des esclaves sans la permission de leurs
maîtres, ce qui, par analogie du titre XXVIII de la loi Salique,
était également applicable aux liti. L'homme libre, l'ingenuus,
n'avait besoin que de la permission du roi; tandis que le lite ou
l'esclave avait besoin que son maître le libérât ou l'affranchît. Il
était donc naturel que le roi, en permettant à un homme qui se
disait ingénu d'entrer dans le clergé, y apposât la condition si
bene ingenuus esse videtur, c'est-à-dire s'il n'a pas de maître
dont le consentement serait nécessaire, ce qui le prouve encore,
c'est la condition ajoutée, si cet homme in pulctico publico
censitus non est.
La formule 5 de l'Appendice de Marculfe où on lit bene Francos
Salicos, n'est pas moins facile à expliquer. Une femme est
revendiquée par l'avoué d'un monastère, ut colona; elle se
défend et prétend qu'elle est bene ingenua, c'est-à-dire
vraiment réellement ingénue. Le jugement, dont Marculfe a
conservé la formule, ou peut-être le texte, l'admet à prouver son
exception par le serment de ses parents, ou, s'ils sont morts, par
douze hommes bene Francos Salicos. Cette femme se prétendant
d'origine salique devait, suivant la législation, se défendre par
des témoins vraiment de sa tribu. C'est ce que prouve encore la
formule 2, qui présente un cas identique, et où le défendeur est
admis à présenter duodecim homines Francos: ici le mot
bene est omis, et dans le fait il était insignifiant. Il y a
plus; cette formule porte duodecim Francos tales qualem esse se
dixerit, c'est-in-dire réellement de race franque, tales
qualem, ainsi que lui-même prétend en être. Je ne saurais
comprendre comment un homme aussi éclairé que l'abbé de Gourcy a pu
voir dans ces derniers mots l'indication de Francs tels quels,
c'est-à-dire de basse condition; comment il n'a pas vu la relation
entre tales et les mots qui suivent immédiatement, qualem
se esse dixerit
Le comte de Montlosier, dans le tome Ier de soit ouvrage intitulé
De la Monarchie française, pages 18, 21, 23, 367, 386, et
passim, a soutenu un système qui enchérit sur celui de l'abbé de
Gourcy. Ce dernier admettait parmi les Francs ou barbares une
distinction en hommes formant une classe supérieure et de noblesse
héréditaire, qu'il appelle Franci, Salici, bene Salici, et
une classe inférieure qu'il appelle ingenui dont il forme les
roturiers. Je viens de m'expliquer à ce sujet,
Selon Montlosier il n'y avait d'hommes libres que les Francs, les
barbares, propriétaires de terres libres, aleux, auxquels il
veut bien ajouter cependant les Romains qui déclaraient vouloir
vivre d'après le loi Salique (11) Tous
ces hommes formaient la noblesse, ceux des Francs ou barbares qui,
n'ayant point de propriétés foncières, faisaient valoir les biens
d'autrui, lites, tributaires, colons libres, ainsi que les Romains
qui n'avaient pas voulu changer de loi, étaient les roturiers : dans
la suite, cette classe, par l'appui et la connivence des rois,
injustes, ingrats, et en quelque sorte félons envers la noblesse,
forma l'ordre, toujours croissant en influence, qu'on appela
tiers-état; et, de même qu'autrefois on devenait noble en déclarant
la volonté de vivre suivant la loi Salique, de même on sortait du
tiers-état par des lettres d'anoblissement.
Cet écrivain n'a fait autre chose que de rajeunir avec beaucoup
d'esprit, mais par le plus inconcevable abus des textes, le système
du comte de Boulainvilliers, que Montesquieu, liv. XXX, ch. X,
malgré ses ménagements intéressés, n'a pu s'empêcher d'appeler
une conjuration contre le tiers-état.
Il n'est plus utile aujourd'hui de rechercher quelle était la
secrète pensée de Boulainvilliers et de Montlosier, de ce dernier
surtout, qui, tout en ayant poussé aux conséquences les plus
extrêmes l'opinion aristocratique du premier, a obtenu le singulier
privilège d'être prôné par les écrivains libéraux; habent sua
fata libelli ! Je me borne à dire que ces systèmes exagérés
n'ont pas été et ne pouvaient être adoptés par quiconque se livrait
à un examen impartial des documents.
La véritable question, relativement à l'existence d'un ordre de
noblesse sous la première race, est celle que Montesquieu a élevée
en prétendant que cet ordre existait dans les antrustions : je
l'examinerai dans la dissertation suivante.
Un texte de la loi Salique qui n'a point, il est vrai, été admis
dans la révision de Charlemagne, et divers documents, donnent à
entendre que parmi les ingenui l'état de fortune n'avait pas
tardé à introduire une distinction, qui d'abord ne fut qu'un fait
insensible, mais qui dans la suite opéra par ses développements une
véritable révolution sociale.
On y voit des meliores, des minoflides (12).
Voici dans quelles circonstances cette distinction est exprimée par
le titre IX des Capita extravagantia, que m'ont fourni le
manuscrit 4404 de Paris, et celui de Wolfenbütttel. Un meurtre a été
commis; le cadavre a été trouvé sur le terrain qui sépare deux
villes. Le juge s'y transporte, et, après avoir pris des mesures
pour faire exposer le cadavre afin qu'il puisse être reconnu, il
somme ceux qui occupent ces cille de se justifier de soupçon en
fournissant des conjurateurs, Si ces hommes sont meliores,
ils fourniront sexegenas quinos conjuratores; si ces hommes
sont minoflides ils en fourniront quinos denos.
Le sens du mot meliores est facile à comprendre, et de plus
il est expliqué par Grégoire de Tours. liv. I, ch. XXIX, et liv. VI,
ch. XLV; ce sont les hommes les plus considérables par leur fortune.
Minoflides est un mot barbare qui précisément est employé
dans la première addition à la loi des Alemans, titres XXII et
XXXIX, pour désigner des hommes dont la fortune est médiocre, et
dont on exige un moindre nombre de conjurateurs que des hommes plus
riches.
Le texte que je viens de citer peut servir à apprécier l'opinion
émise par mon savant confrère M. Naudet, dans le tome VIII des
Nouveaux mémoires de l'Académie des inscriptions, pag. 465 et suiv.
Après avoir parlé des antrustions et de leurs droits à une
composition privilégiée, il traite des autres hommes libres, qu'il
divise en deux classes, d'après l'état de leur fortune. La première
classe est, suivant lui, composée de ceux qui avaient assez de biens
fonds pour les mettre en état d'exercer les droits politiques et
d'en remplir les obligations, qu'on peut appeler cives optimo
jure; la seconde, de ceux dont la trop modique fortune n'offrait
pas assez de garanties pour que l'exercice de ces droits leur fût
accordé.
Il est possible et même très probable que, par l'effet des
modifications de la société, cette classification se soit
introduite: mais je ne crois pas qu'elle ait existé dès les premiers
temps de la formation de l'empire franc, temps auxquels je dois me
reporter: je crois que la distinction fut primitivement fondée sur
l'état d'indépendance ou de dépendance; et que tout homme libre qui,
nonobstant sa pauvreté, aurait mieux aimé vivre dans la gêne que de
se procurer plus d'aisance en entrant in servitio et obsequio
alterius, était considéré comme ingénu.
J'avoue, du reste, que cette situation a dû être rare. A cette
époque d'anarchie, un homme qui avait peu de fortune courait trop de
risques dans sa personne et dans sa propriété pour qu'il n'éprouvât
pas la nécessité de se mettre au service d'un riche.
CHAPITRE II - DES LITES (13)
On trouve dans la loi Salique plusieurs dispositions
relatives à des hommes appelés leti, liti, ou lidi
: il en est aussi question dans d'autres codes barbares, et dans un
assez grand nombre de documents ou de formules qui se rattachent au
temps de la première race.
Mais les auteurs sont divisés sur l'origine de cette dénomination,
sur les personnes auxquelles on doit l'appliquer et sur la condition
de ces personnes. Je vais essayer de donner quelques notions à cet
égard.
Nous trouvons dès la fin du IIIe siècle et dans les suivants un
assez grand nombre de passages des écrivains de Rome, où il est
question d'hommes appelés laeti ou leti, car, suivant
le témoignage de J. Godefroi dans son commentaire sur la const, 12,
du titre XX, du livre VIl du Code théodosien, l'une et l'autre
orthographe existe dans les manuscrits.
Voici d'abord ce que disait, vers l'an 291, l'orateur Eumène, dans
le panégyrique de Constance-Chlore, chapitre XXI. Tuo, Maximiane
Auguste, nutu, Nerviorum et Trevirorum arva jacentia LAETUS
postliminio restitutus, et receptus in leges Francus, excoluit.
Ce passage fait allusion, comme le remarque Godefroi, à deux
événements simultanés : des Iaeti, chassés par des hordes
ennemies, des terres que l'empire leur avait accordées, y avaient
été rétablis; des Francs s'étaient soumis à l'empire et avaient reçu
des terres à cultiver.
Zozime, à la fin du second livre de son Histoire, chapitre LVI. dit
du tyran Magnence. que originem ex barbaris habebat, et
translatus in LAETOS, quae Gallica gens est. Godefroi, dont
j'emploie la traduction latine, croit que l'assertion de Zozime
n'est pas exacte, si on l'entend en ce sens qu'il y avait dans la
Gaule un corps de nation appelée laeti: mais avec le secours
d'un grand nombre d'auteurs il établit très bien qu'il y avait dans
la Gaule des corps de barbares disséminés sur différents points, qui
étaient connus génériquement sous le nom de laeti: et c'est
ce que prouve la Notitia imperii, dont je crois inutile de
transcrire les longues énonciations.
Ammien Marcellin, liv. XX, ch. VIII, rapporte un passage de la
lettre de Julien à Constance, contenant ces termes : Equos
praebebo curules Hispanos, et miscendos gentilibus atque scutariis,
adolescentes LAETOS quosdam, cis Rhenum editam barbarorum progeniem,
vel certo ex deditiis qui ad nostra deciscunt.
Dans une constitution faite en 369 par Valentinien, Valens et
Gratien, il est question des praepositi laetis : dans une
d'Arcadius et Honorius, de 399, de règles sur la distribution des
terres appelées laetiques, que l'empire accordait aux
barbares admis à son service; dans une enfin de 400, d'Arcadius et
Honorius, des obligations au service militaire imposées aux laeti
Alemans et Sarmates errants.
Avec le secours de ces autorités et de quelques autres qui n'offrent
rien de plus explicite. Perreciot, dans un ouvrage qu'il publia sans
se nommer, en 1786, sous le titre De l'État des personnes et de
la condition des terres, a consacré un livre entier, le IVe,
divisé en onze chapitres à établir qu'on doit voir dans les lites
« un ramas de diverses contrées qui a subsisté
trois siècles en corps de nation; chassé du sol qu'il habitait par
des hordes puissantes et guerrières, il s'est répandu en Europe, a
eu la plus grande influence sur la constitution politique de nos
gouvernements modernes et a produit surtout le système féodal.
»
Obligés de se disperser, continue toujours Perreciot, que je suis
forcé d'abréger, les lites ont reçu des empereurs romains des terres
en friche dans la Germanie et la Gaule, qu'ils cultivaient à la
charge de payer des redevances et de fournir des corps armés
auxiliaires ou des recrues aux troupes de l'empire. Ceux qui étaient
dans cette situation sur le territoire de la Gaule, au moment de la
conquête par les Francs, restèrent attachés aux fonds que les
vainqueurs se partagèrent, et cet état de choses, continué pendant
la première et la seconde race, devint le type de la mainmorte qui
s'étendit sur presque tout l'empire des Francs sous le régime
féodal.
Dans ce système, les hommes que la loi Salique, les autres codes
barbares et les documents appellent lites ou lides,
par l'effet assez naturel d'un changement de prononciation, auraient
été les membres et des débris d'un peuple spécial, tout à fait
distinct des nations ou tribus chez lesquelles ils se trouvaient;
conservant toujours leur nationalité, sans s'y confondre, comme les
juifs, auxquels précisément Perreciot les compare; et les
descendants de ces lites, toujours attachés aux terres auxquelles
leurs pères l'avaient été, formaient la classe des mainmortables qui
existait encore en France lorsque Louis XVI rendit, eu 1779, le
célèbre édit qui les affranchissait dans ses domaines.
Ce système avait été probablement déjà soutenu par quelque auteur
que je ne connais pas, avant que l'abbé Dubos publiât son Histoire
critique de l'établissement de la monarchie française, puisqu'il le
discute, et soutient, livre Ier, chapitre X, «que letes
n'était point le nom propre d'une nation particulière, mais un nom
qui marquait l'état et la condition de ceux qu'on désignait par ce
mot, enfin un nom qui se donnait à tous ceux des barbares enrôlés au
service de l'empire auxquels on avait conféré des bénéfices
militaires, et cela de quelque nation que fussent ces barbares.
»
Je partage cette opinion, qui, du reste, est simplement un résumé de
la savante note de J. Godefroi déjà citée, et, comme ces auteurs, je
ne vois dans le mot letes qu'une épithète, une qualification;
mais je ne saurais admettre avec l'abbé Dubos que ce mot leti,
laeti, vienne de l'adjectif latin laetus, signitiant
joyeux, contents, parce que des officiers et les soldats de
ces corps avaient été comme adoptés par l'empire dans la collation
des bénéfices militaires qu'il leur avait donnés, et qu'ils
jouissaient ainsi de l'état heureux de sujets de la monarchie
romaine.»
C'est, je crois, dans les langues barbares qu'il faut chercher la
signification du mot laeti ou leti, puisque tous les
auteurs qui l'ont employé attestent que ces hommes étaient d'origine
barbare, surtout puisque nous le trouvons écrit dans la loi Salique,
le plus ancien des codes germaniques dont les rédactions nous soient
parvenues.
La plupart des savants pensent qu'un mot barbare, quel qu'il soit, a
formé ces dénominations leti , lidi (loi Salique, des
Ripuaires, des Alemans, des Saxons et des Frisons); luiti
(diplôme de Charles-Martel de 722); lassi ou lazzi
(Nitbard, Hist. lib. IV); litones (Albert, de Stade,
ad ann. 917); et comme je ne connais rien de plus périlleux que des
discussions sur les étymologies et les diverses transmutations des
mots, comme d'ailleurs la synonymie me parait très admissible, je ne
fais aucune difficulté de m'en contenter.
Mais lorsqu'on veut en rechercher la signification exacte, on
éprouve ce qu'a très bien dit Gaertner dans son Commentaire de la
loi des Saxons, tit. II, § 3 :
« De quorum etymologia, origine et conditione
quot interpretes, tot fere sententias habebis.
» Lazius, dans son glossaire, fait venir le
mot laetus, letus, litus, lidus, de
lissen, lossen, signifiant servare, redimere;
et, dans un sens parfaitement analogue, Teschenmacher (Annales
Clivenses, part. I. pag. 74), dit
« Apud Saxones lassen, apud Sicambros
lathen, apud Frisios liten... quod scilicet primo
capti et posta ex commiseratione in agris relicti ne ejecti aut
venditi essent, dicti sunt.
» Leibnitz donne à peu près la même étymologie
dans son Archéologie teutonique. Siccama, Comment. ad legem
Frisionam, titre 1er, fait dériver notre mot, de lesse,
signifiant dans la langue saxonne postremam, minores;
et dans le même sens, Heineccius le fait venir de leute, mot
saxon employé pour désigner des gens de bas étage. Canciani, dans
ses notes sur le titre XCV de la loi des Alemans, indique le frison
lasse comme ayant la même signification. Eccard, sur le titre
XV du texte de la loi Salique publié par Herold, croit que ce mot
signifie subditus vel colonus; et sur le titre XV, il fait
des lites une classe d'hommes intermédiaire entre les ingénus et les
esclaves (14). Enfin Eichhorn et J.
Grimm indiquent les mots latz gothique, ou laet
anglo-saxon, qu'ils traduisent par piger, tardus.
Ccs diverses opinions ne me paraissent pas inconciliables. II n'est
pas hors de vraisemblance qu'à des époques dont les traditions et
les histoires ne nous ont point transmis le souvenir, la Germanie
avait été le théâtre de mouvements divers de populations dont les
unes chassaient les autres, comme Tacite le fait entendre, chap.
XXVIII et suiv. et que souvent, par l'effet de ces révolutions, les
anciens habitants d'un territoire obtenaient, par grâce, de leurs
vainqueurs de n'être ni contraints de s'expatrier, ni vendus comme
esclaves, à la condition de rester attachés à la culture des terres
en pavant une partie des revenus aux vainqueurs, envers lesquels ils
étaient, quoique libres, dans une dépendance voisine de l'esclavage.
Tacite (German, cap. XXV) parle avec quelque détail de ces
colons, qu'il présente comme une classe particulière d'esclaves,
trompé par l'apparence et par quelque similitude avec les usages
romains.
Comme il ne sauraIt y avoir de nation, si peu perfectionnée que soit
sa langue, qui n'ait des mots propres à qualifier les différentes
situations sociales des hommes, il est probable, je pourrais dire il
est évident que, pour désigner les anciens habitants qu'ils
s'étaient assujettis, sans les avoir réduits à un esclavage
proprement dit, les vainqueurs durent employer un mot, ou tout à
fait semblable à ceux que j'ai indiqués plus haut, ou dont ils sont
dérivés, et que ce mot avait la signification de dedititii
dans la langue romaine.
Lorsque des troupes de barbares, forcées de fuir devant des hordes
plus puissantes, se retiraient sur le territoire romain, ou
qu'arrêtées dans leur invasion par les armées de l'empire elles
étaient admises à composition à la charge de cultiver des terres et
de former des corps auxiliaires, ces hommes durent traduire par un
mot de leur langue la qualification de dedititii que les
Romains leur donnaient, et, comme il arrive presque toujours, les
autorités impériales employèrent aussi ce mot en les appelant
laeti, et en nommant terrae laeticae les terres qu'on
leur accordait. Les Romains l'entendaient si bien, qu'Ammien
Marcellin, cité plus haut, parlant des lettes et voulant
probablement être mieux compris de ses compatriotes, emploie pour
synonyme le mot dedititii.
On voit maintenant comment les explications et les étymologies du
mot laeti, que j'ai transcrites, peuvent se concilier.
Lazius, Teschenmacher et Leibnitz l'expliquent précisément par une
périphrase applicable au mot dedititii. Siccama et Heineccius
y voient une indication d'infériorité sociale, ce qui est conforme à
la saine raison; car certainement les vainqueurs étaient loin de
traiter en égaux les anciens habitants qu'ils avaient réduits à un
état presque servile. Les explications de MM. Eichborn et Grimm
paraissent être dans la même analogie. Des conquérants qui tenaient
à déshonneur de se procurer par le travail ce qu'ils pouvaient
obtenir par la victoire (ce sont les expressions de Tacite,
German. XIV) devaient considérer comme une inactivité et une
paresse, relativement à leurs habitudes guerrières et aventureuses,
les travaux sédentaires de l'agriculture et de la domesticité.
Ces explications, qui toutes se concilient parfaitement, prouvent
combien est peu fondée celle de l'abbé Dubos, qui semble
véritablement avoir voulu faire une sorte de jeu de mots sur
l'adjectif laetus.
Du reste, je l'ai déjà dit, je partage complètement ravis de ce
savant qui, bien différent du système reproduit par Perreciot, croit
que Io mot laetus ne désigne point une nation particulière,
mais qu'il indique une condition, une situation, et s'appliquait
dans l'empire romain à tous les barbares, quelle que fût leur
origine, qui avaient obtenu des terres et s'étaient mis au service
des empereurs. On a vu que dans la Gerrnanie, et relativement aux
hommes de la tribu dominante, les laeti étaient les colons
attachés à la culture, ou de toute autre manière dans la dépendance
des vainqueurs. Dans la Gaule romaine, ce nom était donné aux
barbares qui formaient des espèces de colonies militaires au service
des empereurs.
Je ne doute point que les colons germains amenés par les Francs,
suivant l'usage des barbares de se faire accompagner per leurs
familles dans les expéditions qu'ils entreprenaient, ne soient
devenus les leti, lidi, dont il est parlé dans la loi
Salique; hommes placés sous une dépendance dominicale, et auxquels
la loi attribue une composition moindre que celle des hommes
complétement libres.
Mais en fut-il de même des laeti des colonies militaires au
service de l'empire romain ? Je ne le pense pas. Ces laeti
étaient originairement des hornmes libres des tribus germaniques, et
même les historiens attestent qu'un assez grand nombre étaient de la
tribu salique. Si tous ne quittèrent pas les drapeaux romains au
premier moment où l'armée de Clovis s'avança dans la Gaule, il est
probable que, se considérant comme libres de leurs engagements par
le résultat du renversement de la puisante romaine, ils ne tardèrent
pas à reconnaitre l'autorité du roi des Francs. Ce chef d'une bande
sortie de la tribu salique dut accueillir avec empressement des
compatriotes habitués aux exercices militaires et à la discipline
des Rornains, et en accroître son armée d'occupation; il n'y avait
ni justice, ni politique à les traiter en dedititii. Les
Romains seuls auraient pu, d'après le droit de la guerre, subir ce
sort, et nous verrons dans la dissertation sixième que Clovis, sans
cependant les égaler aux Francs, leur laissa l'usage de leurs droits
civils.
Je crois donc, comme je l'ai dit page 437, que les laeti
dépendants de l'empire romain, qui existaient depuis plusieurs
siècles sur le territoire de la Gaule, furent admis à reprendre leur
franchise originaire, s'incorporèrent aux vainqueurs et conservèrent
leurs terres létiques en pleine propriété, au même titre que les
vainqueurs en acquirent par le partage, fruit de la conquête.
Ce n'est donc pas dans les anciens corps létiques au service de
l'empire qu'il faut chercher les leti, liti ou lidi
de la loi Salique.
Les motifs des dispositions de cette loi, qui constate d'anciens
usages des Francs, peuvent être expliqués bien plus facilement.
Ainsi qu'on l'a vu. les barbares avaient coutume de se faire
accompagner par leurs familles et surtout par les hommes qui, sans
être précisément et complètement leurs esclaves, étaient dans leur
dépendance. Ces hommes suivaient leur maître à la guerre. comme le
prouve le § 1er du titre XXVIII de la loi, et le § 27 du premier
texte de la Recapitulatio; ils recevaient ses ordres,
combattaient à ses côtés, mais sans avoir le titre et les privilèges
des guerriers de la tribu; ils n'obtenaient point de part virile
dans le butin. Ainsi, lorsqu'on lit dans les historiens qu'un corps
d'armée était composé de trois, quatre, six mille hommes, cela, ne
signifie pas qu'il n'y eût que ce nombre d'individus. Le mot
homme ou guerrier avait alors le sens que, dans la suite,
on a donné au mot lances dans les expéditions du moyen âge.
A part l'avantage de fournir un plus grand nombre de combattants,
cette mesure en procurait un autre importent dans les expéditions.
Il n'y avait à cette époque ni approvisionnements, ni magasins
militaires, chacun se fournissait de vivres, et il eût été
impossible à chaque guerrier d'emporter ce qu'exigeaient ses
besoins, ou d'y pourvoir seul; les lites, compagnons de leurs
maîtres, faisaient ce service.
Dès que la victoire eut fourni aux Francs des établissements
sédentaires et des propriétés dans la Gaule, le plus grand nombre ne
songea point à rentrer dans la Germanie: ils se fixèrent sur leurs
nouvelles propriétés; ils y établirent leurs lites; ils en firent
venir d'autres qui cultivèrent ces propriétés, comme cela avait lieu
dans la Germanie, il est même très probable que les Francs, devenus
propriétaires en Gaule de domaines sur lesquels existaient des
colons attachés à la glèbe, leur donnèrent le nom de lites qui
appartenait à la langue barbare, quoique la loi Salique, tit, XLIII
§ 8, les appelle tributarii. Ainsi deux causes incontestables
ont fait que les Francs avaient sous leur dépendance, à leur
service, des hommes libres, mais dans un état de sujétion et
d'infériorité relativement aux maîtres.
On peut encore en indiquer d'autres. Il n'est point de société dans
laquelle ne se trouvent, et souvent en grand nombre, des hommes que
la misère, fruit de leur inconduite ou de toute autre cause, réduise
à la nécessité de se mettre au service d'autrui. Si dans cette
société l'esclavage est connu, ils peuvent se vendre comme esclaves;
on en verra des preuves chez les Francs, dans la dissertation
septième. Lorsque, sans abdiquer absolument leur liberté, ces hommes
veulent en conserver le titre, tout en se soumettant à des
obligations analogues à celles des esclaves, il est assez naturel
qu'ils ne jouissent plus de tous les privilèges attachés à la
parfaite ingénuité. Or tel est l'état des choses que présente la
société chez les Francs dès les premiers règnes de la première race.
L'industrie, le commerce, et, à plus forte raison, l'emploi des
facultés intellectuelles, n'étaient point assez développés pour
créer des professions lucratives et honorables; la propriété
foncière était le seul moyen qui pût assurer une existence
indépendante. Celui qui nétait pas propriétaire, quelle qu'en fût la
cause, n'avait d'autre ressource que de se mettre au service
d'autrui. Quand on supposerait qu'au moyen de la conquête tous les
Francs eurent une part de propriété foncière, que les barbares qui
vinrent d'outre-Rhin se joindre à eux en reçurent aussi, un grand
nombre de causes concoururent à les en priver. Les barbares étaient
ignorants, amis de la débauche et du jeu et cette dernière passion,
qui en Germanie les conduisait jusqu'à jouer leur propre liberté,
les entraînait à perdre de cette manière leurs propriétés. Ils
étaient violents, vindicatifs, et commettaient dans l'emportement de
la colère des attentats aux personnes et des meurtres qu'il fallait,
sous peine de proscription, racheter par des sommes très
considérables, si nous les comparons à la faible valeur vénale des
biens. Pendant le premier siècle de la monarchie des Francs, la
composition pour meurtre n'était pas la dette du coupable seul :
lorsqu'il avait, pour la payer, employé tous ses biens, il en
faisait une déclaration solennelle, par l'effet de laquelle ses
proches parents étaient tenus de payer le reste, ou de faire une
semblable cession de biens. (Loi Salique, lit. LXI.)
Les hommes ainsi tombée dans la misère étaient souvent réduits à
vendre leurs enfants et eux-mêmes; les historiens et les recueils de
formules en donnent de nombreux témoignages. que j'indiquerai dans
la dissertation septième. Les moins malheureux dans une telle
position étaient ceux qui trouvaient des acheteurs assez humains
pour ne les constituer qu'en esclavage temporaire, jusqu'à ce qu'une
circonstance leur permit de se racheter. Souvent aussi des hommes
riches consentaient à les admettre à leur service, en leur laissant
l'ingénuité. Il existe pour ce dernier cas une formule très
remarquable dont ai déjà parlé page 460, la 44e du recueil appelé
Formulae sirmondicae. Je n'ai pu encore en découvrir le
manuscrit; mais il paraît incontestable que Sirmond ne l'a pas
controuvée et qu'on peut la considérer comme vraie. Elle ne présente
rien, d'ailleurs, qui répugne à la droite raison et aux usages des
Francs, attestés par d'autres documents.
On voit par cette formule qu'un homme, dans une extrême indigence,
stipule qu'un autre lui fournira victum et vestitum, au moyen
de quoi il se met in ejus servitio et obsequio; mais il
stipule très expressément qu'il ne sera pas esclave et qu'il servira
ingenuili ordine. On ne voit pas de motifs pour qu'il n'en
fût pas de même lorsqu'un homme obtenait d'un propriétaire qu'il lui
donnât des biens à cultiver en qualité de colona, accola,
etc. expressions qui se trouvent fréquemment dans les chartes et les
formules. Je m'expliquerai sur ce dernier cas dans la dissertation
huitième.
Sans doute, l'état de dépendance créé par cette situation n'était
pas toujours le résultat de la violence, comme cela avait pu être
autrefois dans la Germanie ou même, lors des premières invasions,
dans la Gaule. Cet état résultait d'un contrat librement consenti,
mais auquel, une fois qu'il était formé, l'obligé ne pouvait se
soustraire. Les hommes ainsi engagés avaient accepté un dominus,
ils s'étaient soumis à un servitium, sans devenir esclaves,
j'en conviens, mais en cessant d'être parfaitement ingénus.
Des causes analogues plaçaient.,à bien plus forte raison, dans une
semblable situation les esclaves que leurs maîtres avaient
affranchis à des conditions de service et de dépendance.
Tous ces hommes avaient des domini. Cette relation des mots
domini et lidi ou liti a conduit des savants
très recommandables à dire que le lite était de condition
servile, mais plus considérée que celle des esclaves proprement dits.
C'est l'opinion de du Cange, adoptée dans les termes que je viens de
transcrire par Bréquigny et Laporte de Theil, Prolégomènes des
Diplomata, part. III, sect. 1ere, chap. III, art. 3, n. 3. Muratori
croit que les lites étaient des esclaves colons, affranchis, qui,
n'ayant pas reçu de leur maître une pleine et entière liberté,
tenaient de lui des domaines pour lesquels ils lui payaient des
redevances. L'abbé de Gourcy, page 119, adoptant les deux opinions
sans faire un choix, croit que le lite était un esclave d'une
condition plus douce et moins abjecte que le commun des esclaves,
ou, du moins, un affranchi de la plus basse condition.
Cette alternative ne résout point la question, et même, qu'il me
soit permis de le dire, elle est peu logique. Entre l'esclave
servant sous les plus douces conditions, et l'affranchi assujetti
aux charges les plus pesantes, il y a toujours, par la nature et la
force des choses, une différence essentielle : le premier est une
chose, l'autre une personne; l'un a la liberté, quoique restreinte,
l'autre n'a pas la liberté, quoique son esclavage soit très doux. Il
faut donc aborder plus franchement la question, et examiner si ou
non le lite était esclave, quelles que fussent, du reste, les
conditions de cet esclavage. Il est naturel d'en chercher la
solution dans les textes de la loi Salique, puisque c'est cette loi
qui est l'objet spécial de mon travail.
Le titre LII parle d'un lite qui a contracté une obligation de
payer, qui fidem fecit. Ce lite peut être appelé en justice,
condamné, exproprié. Or rien de tout cela ne pouvait avoir lieu qu'à
l'égard d'un homme libre; car l'esclave n'était point personne
capable d'ester en jugement, n'était point propriétaire. Le chapitre
VIII du pacte entre Childebert et Chlotaire prononce contre le lite
voleur la moitié de la composition que payerait un homme ingénu; de
plus, il lui donne la faculté de se défendre par des conjurateurs,
privilège exclusif de l'homme libre. Le titre VII des Capita
extravagantia applique aux femmes lites les règles sur les
seconds mariages. ce qui prouve des rapports civils de famille qu'on
ne peut reconnaître à des esclaves. C'en est assez, ce me semble,
pour conclure qu'un lite n'était pas esclave.
Je ne pourrais cependant, sans manquer à la bonne foi, dissimuler
quelques raisons qui semblent favorables à l'opinion de du Cange,
reproduite par Bréqnigny et Laporte du Theil.
Une composition pécuniaire est prononcée par le § 1er du titre
XXVIII contre celui qui litum alienum sine consilio domini sui
dimittit ingenuum. Si, par respect pour l'intervention royale,
lorsque la solennité du denier a été employée, on laisse subsister
l'atfranchissement, quoique fait a non domino, une
composition est due à celui-ci, qui a droit, en outre, de
revendiquer res lidi; d'où l'on peut conclure que le lite
n'avait, comme l'esclave, qu'un pécule dont le propriété virtuelle
appartenait à son dominus.
Suivant un grand nombre de formules et de diplômes, des fonds sont
rendus cum litis, mancipiis, libertis. Si une femme ingénue
épouse un lite, le § 7 du titre XIV veut que ingenuitatem suam
amittat. Tandis que le § 5 du même titre prononce simplement une
composition contre l'ingenuus coupable de rapt, le § 6
prononce, dans le même cas, contre le lite la composition de la vie,
et précisément un esclave coupable d'un tel crime aurait été puni de
mort, d'après le titre XLII de la loi Salique.
J'en conviens, on ne résoudrait pas la difficulté qui nait de ce
antinomies apparentes, en disant que ces textes sont
contradictoires, qu'ils font partie d'une compilation mal digérée de
divers usages réunis sans système. Sans être un chef-d'oeuvre de
rédaction, la loi Salique ne mérite pas ce reproche. Elle n'offre
pas, il est vrai, le corps entier de la législation et de la
jurisprudence des Francs; on y trouve quelques doubles emplois,
quelques dispositions obscures ou incomplètes, plutôt, je le crois,
par la faute des copistes que par celle des rédacteurs; mais, en
général, elle offre un système suivi et d'accord avec lui-même.
Je crois qu'il est possible de lever ces difficultés à l'aide de
quelques principes. On a vu plus haut, et les documents qui le
prouvent sont très nombreux, qu'un homme libre, mais pauvre et sans
ressources, pouvait entrer dans le servitium d'autrui,
ingenuili ordine, sans devenir esclave. Les conditions de ce
servitium devaient varier infiniment, suivant les exigences de
l'un et les besoins de l'autre. Dans tous ces cas, dans tous ceux
qu'on peut imaginer, celui à qui ces services étaient dus pouvait
justement recevoir le nom de dominus; nul autre que lui ne
pouvait régulièrement libérer l'obligé. La circonstance d'une
libération accordée a non domino, avec l'intervention royale,
ante regem, par la formalité solennelle du denarius, a
pu porter le législateur à la déclarer irrévocable: mais le
dominus n'en éprouvait pas moins une lésion. L'auteur de
l'affranchissement devait donc lui payer une composltion,
Lu § 5 du titre XXXVII prononce une composition au profit du
dominus, dont quelqu'un a dépouillé le lite. C'est encore la
conséquence du ce que j'ai dit plus haut. Une des principales causes
pour lesquelles un homme libre se mettait in servitium
quoique ingenuili ordine, était la misère. La première
condition qu'on lise dans la formule 44 de Sirmond, c'est que
l'obligé recevra des vêtements. Évidemment le dominus lui
fournissait des instruments, des moyens non seulement de remplir le
service auquel il s'était engagé, mais encore ce qui lui était
nécessaire pour travailler à sa subsistance, très souvent même des
fonds à cultiver. C'était une sorte de pécule sur lequel ce
dominus avait des droits, ne fût-ce que pour être remboursé de
ses avances, même des droits plus étendus, tels qu'une nue propriété
dont le lite avait l'usufruit, si la convention et l'usage l'avaient
ainsi déterminé. Ravir ces objets au lite, c'était donc réellement
voler le dominas.
Ces mêmes considérations servent à expliquer un autre passage du § 2
du titre XXVIII, où la loi, en mainterant l'afranchissement, sauf
indemnité, ajoute res vero ipsius lidi Iegitimo domino
restituantur.
L'objection fondée sur le § 7 du titre XIV, où nous lisons que l'ingenua
femina qui se sera librement attachée un lite, ingenuitatem
suam perdat, n'est pas moins facile à résoudre. Cette ingenua
femina, qu'il faut ici considérer comme femme de première
classe, se rabaissait en épousant un homme in obsequio et
servitio, et en cela les mœurs des Francs ne furent pas plus
imparfaites que celles des peuples modernes. Lorsque autrefois il
existait des serfs de mainmorte, la femme libre qui épousait un serf
acceptait, par cela même, la condition de son mari. Ainsi peut
encore être expliquée sans embarras la disposition du § 15 du titre
XIV qui prononce une composition contre l'homme qui lidam alienam
in conjugum sociaverit, invito domino. Le mundium sur
cette femme appartenant au dominus. il y avait le même motif
pour prononcer une composition dans ce cas que dans celui où
quelqu'un épousait une fille ingénue sans le consentement de son
père, ou de celui qui avait le mundium sur elle : on peut
voir ce que je dirai à ce sujet dans la treizième dissertation. A la
rigueur, la loi aurait pu prononcer que le mari de la lite
deviendrait lite du dominus de la femme qu'il épousait,
comme. d'après le § 11 du même titre, l'ingenuus qui épousait
servam alienam devenait lui-même esclave du maître de sa
femme. Mais précisément parce que les lites n'étaient pas esclaves,
on a suivi la règle en vertu de laquelle une femme prend la
condition de son mari, et l'on s'est borné à prononcer une indemnité
au profit du dominus.
Je crois qu'il ne faut pas davantage être arrêté par les documents
qui désignent les lites au nombre des choses vendues. On a des
preuves multipliées, notamment dans la cinquième des nouvelles
formules de Baluze, que des lites pavaient à leurs domini des
redevances appelées Iidemonia. comme des affranchis en
payaient qu'on appelait Iibertatica. Certainement les mêmes
actes qui énoncent les Iiberti parmi les choses vendues ne
prouvent pas que les affranchis fussent esclaves, car il y aurait eu
contradiction dans les termes. La bonne logique conduit donc à
conclure que ces mêmes documents ne prouvent pas que les lites
fussent esclaves. II faut seulement dire que, dans les actes où nous
voyons énoncés parmi les objets vendus des Iiti, des
Iiberti, ce ne sont pas les personnes qu'on vend; par une sorte
de figure très usuelle, on désigne la cause pour l'effet et un nomme
lites les affranchis. pour désigner les prestations dues par ces
hommes.
II ne reste plus qu'une difficulté. elle résulte du § 6 du titre XIV
de la loi Salique. portant que le lite ravisseur dune femme ingénue,
de vita componat. Or voici I'objection qu'on peut faire: le
titre XLII décide qu'un esclave sera mis à mort lorsqu'il aura
commis un crime qui, de la part d'un ingénu, donnait lieu à une
composition de XLV sous; celle du rapt étant de LXII sous et demi,
l'esclave ravisseur serait mis à mort : la peine de mort est
prononcée contre le lite; donc le lite est esclave! L'argument ne
serait pas logique. L'assimilation pour la peine d'un crime
n'établit pas identité de condition entre les coupables. D'ailleurs
cette similitude n'est qu'apparente. La loi contre l'esclave dit:
capitali sententia feriatur: voilà la peine de mort absolue,
sans restriction. Le loi contre le lite porte, de vita componat;
au lieu de payer la composition de LXII sous et demi due par les
ingénus coupables de rapt, il payera une composition égale à sa vie
propre, c'est-à-dire C sous. Tout ce qu'on peut en conclure, c'est
qu'en matière de rapt la loi était plus sévère contre les lites que
contre les hommes d'une classe supérieure. En voici sans doute le
motif: les rapts d'ingénues que des lites auraient pu commettre
étaient ou pouvaient être plus ordinairement envers les personnes de
la famille du dominus, à la faveur de la commensalité; outre
le délit en Iui-même, il y avait violation du domicile, de la foi
jurée au dominus. Ces circonstances expliquent donc la cause
d'une sévérité spéciale dont nos lois modernes offrent de fréquents
exemples.
Tels sont les motifs qui me décident à ne point ranger les lites
parmi les esclaves. Dès qu'ils n'étaient pas esclaves, ils étaient
libres; mais leur ingénuité n'était pas complète. Elle était
atténuée ou par l'effet de leur origine lorsqu'ils étaient nés dans
cet état de lites; ou par une convention, lorsque d'ingénus qu'ils
étaient par la naissance ils s'étaient faits lites, du même droit
qu'ils auraient pu se faire esclaves; ou, enfin, lorsque, de
l'esclavage, ils étaient parvenus à la liberté, ce qui leur donnait
la qualité d'affranchis.
Dès que les lites étaient des hommes libres, des compositions pour
atteintes à leur personne devaient être déterminées, autrement le
silence de la loi eût laissé ces offenses impunies.
Les rédacteurs des coutumes franques ne crurent pas devoir fixer ces
compositions au même taux que pour les ingénus. On trouve à la fin
du second texte de la Recapitulatio une disposition qui
exprime d'une manière très précise et très claire le système
général. Ce document est, comme on sait, un résumé des diverses
compositions. Quoique le § 4 du titre XLIV de la loi, et le § 9 du
titre XI des Capita extravagantia eussent, dans quelques cas
isolés, prononcé pour offenses envers un lite la moitié de la
composition due à un ingénu, la disposition finale de la
récapitulation porte : De litis... haec lex de medietate solvatur.
J'en ai déjà fait la remarque, page 459.
Les §§ 27 et 28 du premier texte de la Recapitulatio en
offrent une application remarquable. Le titre LXVI de la loi Salique
posait en règle générale que tout meurtre commis à l'armée donnait
lieu à une composition triple : Si quis hominem in hoste
occiderit, triplici compositione componat sicut in patria componere
debuit. Ainsi le meurtre d'un ingénu, commis à l'intérieur,
donnait lieu, suivant le § I du titre XLIII, à CC sous, Ce même
titre, qui avait pensé aux Romains de première et de seconde classe,
n'avait rien dit des lites; il ne s'était expliqué à cet égard que
pour les meurtres avec attroupement (tit. XLIV, § 4). Mais les §§ 27
et 28 du premier texte de la Recapitulatio prévoient les
meurtres commis in hoste, et des ingénus et des lites; pour
les premiers, la composition est de DC sous, triple de CC; pour les
seconds, elle est de CCC sous, ce qui prouve que la composition
ordinaire pour le meurtre de ces hommes, à l'intérieur, n'était que
de C sous.
Il y avait une très grande variété dans la situation sociale des
personnes à qui j'ai appliqué d'une manière générique la
dénomination de lites Le caractère essentiel qui les
distinguait de ceux que j'appelle ingenui, c'était leur état
de dépendance d'un dominus. L'ingénu pauvre, qui avait à
peine assez de bien pour vivre ainsi que sa famille, n'était point
lite, s'il s'en contentait; dans cette situation, gênée sans doute
et même très précaire, à une époque où les faibles avaient tant à
redouter l'oppression des forts, il était réputé pauvre,
minoflides; mais son ingénuité n'était point atténuée, il était
encore indépendant. Un autre plus riche que lui, qui avait plus de
propriétés, mais qui, par un motif quelconque, se mettait au service
d'autrui, devenant dans ce cas dépendant et obligé à des devoirs
personnels, à des prestations en argent ou en nature, placé sous la
juridiction particulière de son dominus et non sous celle du
mallum des ingénus, était, dans mon opinion, considéré comme
lite.
Au reste la première des deux situations que je viens d'indiquer
devint rare de plus en plus. L'intérêt des propriétaires était
d'étendre leur supériorité, de rapprocher autant qu'ils le pouvaient
les hommes libres de la classe des esclaves, et les malheurs du
temps ne les servaient que trop bien, Le besoin ne permettait pas à
ces hommes de choisir leur position, et presque toujours ils
n'avaient d'autre ressource que de se mettre in obsequio et
servitio avec la consolation du moins de servir, ingenuili
ordine, sans devenir esclaves. Ainsi, la situation que Salvien (de
Gubernatione Dei, lib. V, cap, VIII), avait si énergiquement
dépeinte dans les derniers temps de la domination romaine, se
reproduisait chez les nouveaux maîtres de la Gaule.
Un grand nombre de ces lites étaient colons, mais libres, ce qui les
distinguait des semi-colons, dont je parlerai dans la dissertation
septième. Je n'ai point l'intention d'entrer dans des développements
sur les effets très variés de leurs obligations envers leurs
maîtres; je ne pourrais que répéter ce que M. de Savigny a dit dans
une savante dissertation sur le colonat des romains, insérée aux
Mémoires de l'Académie de Berlin de 1825, dont M. Pellat a donné un
long extrait (Thémis, t. IX, p. 62 et suiv.), et à ce que M.
Guérard a écrit sur le même objet, dans la Revue des Deux-Mondes, t.
XIX, p. 256.
Je me borne à quelques mots sur les hommes qui, toujours dans un
état de dépendance, ingenuili ordine, étaient plus attachés à
la personne et à l'intérieur de la famille du dominus que ne
l'étaient ou ne pouvaient l'être les colons. On les appelait
génériquement aussi, suivant les formules nu du livre II de
Marculfe, et aussi gasindi, suivant les formules XXIII. XXIV
et XXXII du même livre (15), et un
diplôme de Childebert de 546 (16).
Les titres VII et XI des Capita extravagantia emploient le
mot militanii comme synonyme de leti, ce qu'ils
expriment par le mot vel. Cette dénomination militanii
paraît avoir embarrassé Eccard, qui avait publié ce titre dans le
texte de Wolfenbüttel. Il propose de lire militanei,
correction qu'il est difficile d'admettre, puisque tous les
manuscrits sont uniformes. Je crois rependant qu'on peut, sans
correction, croire que militanii a pour racine militia,
parce que ce mot, ainsi que le verbe militare, ne signifiait
pas exclusivement porter les armes, aller à la guerre, et qu'il
désignait un service intérieur de maison, une occupation domestique
plus ou moins relevée. Ainsi on lit dans la vie de saint
Austregisile (ap. D. Bouquet, t. III, p. 467), militare in
obsequio.
Je ne nie pas que, dans quelques codes barbares autres que la loi
Salique, et dont les rédactions qui nous sont parvenues
appartiennent au plus tôt au IXe siècle, on ne puisse trouver des
textes ou des inductions pour établir que le mot liti était
appliqué à des esclaves. Cela tient à la pauvreté de l'ancienne
langue germanique, où le mot leute, confondu avec litus,
lidus, a pu recevoir des acceptions diverses, dont le
véritable sens ne saurait être fixé que par la place qu'il occupe et
les autres expressions dont il est accompagné. Heineccius en avait
fait la remarque (17) : Generale
enim est nomen leute, unde factum est litus (18)
adeoque et servis et libertinis aeque tribui potest.
C'est ce qui arriverait dans un pays dont la langue aurait un mot
générique pour signifier les gens, la domesticité.
Précisément, par suite de la généralité de l'acception de ce mot, si
un homme avait à la fois et des esclaves et des serviteurs libres,
il emploierait l'expression mes gens, ma domesticité, pour
désigner l'ensemble de ces hommes dépendants de lui à des titres si
différents.
On voit par ce qui vient d'être dit que je ne crois pas qu'on doive
avec Muratori réduire la dénomination de leti à des
affranchis-colons; une telle limitation ne me paraît pas exacte :
s'il est vrai qu'un esclave pût par les conditions de son
affranchissement être assujetti à des services, ce que j'expliquerai
dans la septième dissertation, on a vu aussi que des hommes étaient
constitués lites sans avoir été préalablement esclaves. Les
documents nomment distinctement les liberti, les coloni,
les leti; et tandis que les uns donnent aux redevances dues
par les affranchis le nom de libertatica, à celles des colons
le nom de colonica, suivant un diplôme de 627 (19),
ou merita accolanorum, suivant les formules XLVII de
l'appendix de Marculfe, et XXVII de Baluze, il y en a qui appellent
ledimonia les redevances dues par les lites. (Baluz. nov.
form. V.) D'un autre côté, le livre XXVIII de la loi Salique parle
de lites qui accompagnaient leurs domini à l'armée. Je crois
donc qu'il faut donner à la dénomination liti plus d'étendue
que ne lui en accorde Muratori.
Maintenant, on peut expliquer sans peine la position sociale des
lites : ils étaient personnes, puisqu'ils étaient libres, à la
différence des esclaves, qui étaient les choses de leurs maîtres.
Mais l'état de dépendance dans lequel ils s'étaient placés, quoique
ingenuili ordine, les privait des droits de cité. On trouve dans
nos législations modernes, et même précisément dans nos lois
françaises. une analogie que j'ai indiquée page 459. Ainsi ces
hommes n'étaient point admis aux assemblées où se traitaient les
intérêts généraux ou locaux; ils ne participaient point aux
jugements dans les mâls. Lorsqu'ils marchaient à l'armée,
ainsi que le prouve le titre XXVIII de la loi Salique, ce n'était
point sous le commandement direct du grafion de l'arrondissement,
comme les ingénus; c'était sous la bannière et la conduite de leurs
domini, qui les équipaient, les nourrissaient, mais aussi qui
percevaient la part du butin à laquelle ces hommes auraient eu droit
pour leur propre compte, s'ils eussent été ingénus. Ils étaient ce
que, suivant César (de Bello gallico, lib. III, cap. XXII),
les Gaulois appelaient soldarii.
Ils pouvaient acquérir des biens en propre et en disposer, parce
que, n'étant pas esclaves, on ne saurait dire que ce qu'ils
acquéraient fût pour leurs domini; mais ils n'avaient pas le
droit de disposer des choses que ces domini leur avaient
confiées pour le service auquel ils s'étaient engagés.
Ils pouvaient ester en jugement, ainsi que je l'ai fait remarquer
page 479, mais pour ce qui leur appartenait en propre; car je crois
que le dominus était seul habile à soutenir les contestations
relatives aux biens qu'il avait donnés à son lite pour les faire
valoir.
Lorsqu'un lite était accusé d'un délit, le dominus n'en était
pas absolument responsable comme il l'aurait été de son esclave;
mais il était tenu de le représenter, faute de quoi il répondait de
la condamnation. Cette règle, écrite dans le titre XXXI de la
loi des Ripuaires, me paraît avoir été suivie chez les Francs
saliques. Ce dominus était obligé de défendre son lite
lorsque quelqu'un commettait des attentats contre sa personne, et je
ne doute pas qu'il n'en touchât la composition. Aussi voyons-nous,
dans la formule X de Bignon, l'abbé d'un monastère transigeant au
sujet du rapt d'une femme qu'il appelle suam, et que
cependant il qualifie ingenuam.
Lorsque, la législation criminelle étant devenue plus sévère,
certains crimes emportèrent la peine de mort, les lites condamnés
étaient exécutés sur les lieux par ordre du comte, sans qu'il fût
nécessaire d'en référer au roi. C'est ce qui résulte évidemment du
chapitre IX de l'édit de Childebert de 595, où on lit : Si
Francus, ad nostram præsentiam dirigatur, et si debilior persona
fuerit, in loco pendatur. Quand on croirait que les mots
debilior persona peuvent s'entendre, comme le dit M. Naudet,
page 472, des ingénus sans fortune, au moins est-il incontestable
que les lites dont je parle en ce moment y sont compris.
(01) Consulter principalement la
Dissertation, De l'état des personnes sous la 1ère et la 2ème
race par l'abbé de Gourcy, Paris, 1769; le mémoire de M. Naudet
sur le même sujet, Nouveaux mémoires de l'Académie des
inscriptions, t. VIII; les Essais sur l'Histoire de France, par
M Guizot.
(02) On verra dans la dissertation
sixième que les Romains ne recevaient jamais que la moitié de la
composition d'un ingénu franc.
(03) Fredegarii. Chronic.
cap. XCV; Chronic. Moissiac. ann. 670.
(04) Vita S. Albini, apud
Mabill. Acta SS. S. Bened. sec. I, t. I, p. 109; Vita S.
Leodegarii, ap. D. Bouquet, t. II, p. 609; Charta
Carlomani, apud D. Bouquet, t. IX, p. 420.
(05) On verra dans la dissertation
septième que, selon moi, ce mot désigne un affranchi. Quand on
adopterait une autre opinion, toujours est-il que la composition du
puer regis eu moitié moindre de celle que l'ingenuus, et
c'est ce qui suffit pour la question actuelle.
(06) la Lex emendata, elle-même
n'est pas exempte de doubles emplois qui ne sont pas toujours conçus
en termes identiques, j'ai eu soin du le faire remarquer dans les
notes.
(07) Xanten ou Senten,
lieu situé dans Ie duché de Clèves-Jumier; mais je crois qu'il faut
plutôt dire Amerem, situé dans la même région, ce lieu était
indiqué deux fois dans le document, chap. XXV et XXVI, par les mots
in Amorem. J'en ai donné les motifs dans ma préface en
décrivant le manusvrit 75 (suppl. lat.), d'où Baluze l'a tiré.
(08) C'est probablement d'après un
document du même genre, où le mot Francus était substitué à
antrusto, qu'a été rédige le texte des Septem septennas
que j'ai publié pag. 350 et suiv. dont le chap. VII, §§ 6 et 7,
prononce contre le meurtre d'un Francus la peine de DC sous.
(09) Voir encore les chapitres III et
VI du 3e capitulaire de 819, sur cette synonymie.
(10) Ce dernier mot est remarquable,
car il semblerait indiquer que la patente royale devait être
vérifiée par le juge local pour s'assurer de la vérité de l'exposé,
usage qui avait lieu avant la révolution, lorsque le roi accordait
une faveur, les lettres adressées aux juges contenaient S'il vous
appert de la vérité de l'exposé, vous aurez à faire jouir
l'impétrant.
(11) Voir, sur ce qu'on doit croire
relativement à cette liberté du choix, ce que j'ai dit page 443.
(12) Suivant Heineccius, les premiers
furent dans la suite appelés nobiles et les autres viles
personae; voir Elem. juris German. lib. I, § 74.
(13) Cette partie de ma dissertation a
été lue à l'Académie des inscriptions le 26 janvier 1840.
(14) On peut consulter avec fruit la
quinzième dissertation de Mustori, Antiquitates italicae medii
aevi.
(15) Il est bien vrai que dans la
formule XXXVI le mot gasindus paraît synonyme de servus,
mais c'est, selon moi, parce que ces mots servaient indistinctement
à désigner un homme in servitio alterius, même ingenuili
ordine; car dans cette formule le dominus fait une
donation à son gasindus, tant pour lui que pour ses
héritiers. Voir d'ailleurs les formules XXIII, XXIV et XXXII.
(16) Diplomata, 1ere édit. pag.
51; 2e édit. t. Ier pag. 109.
(17) Antiquitates juris germanici,
lib. II, cap. I, § 3, et cap. XI, § 14; Elementa juris germanici,
lib. I, § 38.
(18) Je ne crois pas qu'il soit exact
de dire que litus vient de leute.
(19) Diplomata, 1ère édit. p.
126; 2e édit. t. Ier, p. 227.
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