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LOI SALIQUE

 

DISSERTATION TROISIÈME.

DES PERSONNES LIBRES CONSIDÉRÉES DANS L'ÉTAT DE FAMILLE.

 

 

 


 

DISSERTATION QUATRIÈME.

DES HOMMES LIBRES D'ORIGINE BARBARE, CONSIDéRéS DANS LEUR ÉTAT POLITIQUE.

ANTRUSTIONS, s. m. pl. (Hist. mod.) volontaires qui chez les Germains suivaient les Princes dans leurs entreprises. Tacite les désigne par le nom de compagnons, la loi Salique par celui d'hommes qui sont sous la foi du Roi, les formules de Marculfe par celui d'antrustions, nos premiers historiens par celui de leudes, et les suivants par celui de vassaux et seigneurs. (Philippe Remacle)

Le sujet qui fait la matière de celle dissertation a beaucoup occupé les savants (01). Je n'ai pas la prétention de présenter des idées nouvelles, mais je n'aurais pu me dispenser d'en parler sans laisser une sorte de lacune dans les dissertations que je consacre à des études sur la loi Salique.
II ne sera question en ce moment que des hommes libres lege Salica viventes, pour employer les expressions mêmes de la loi. Ce qui concerne l'état des Romains sera l'objet de la dissertation sixième.
J'entends le mot hommes libres dans le sens le plus générique, pour constater l'état de liberté opposé à l'esclavage. Mais les Francs ne crurent pas que le seul fait qu'un homme n'était pas esclave suffit pour qu'on dût lui reconnaître les droits que nous appelons droits de citoyen. Entre les hommes qui, jouissant de ces droits, constituaient, à proprement parler, la tribu. et les esclaves, chose et propriété de leurs maîtres, les textes des lois, les documents, l'opinion unanime des savants, s'accordent a reconnaître d'autres hommes, libres sans doute, puisqu'ils n'étaient pas esclaves. mais que leur situation dépendante et plus ou moins voisine de l'esclavage avait placés, relativement aux premiers, dans une infériorité incontestable.
Différents titres de la loi Salique. notamment les XIV, XXVIII, XXXVII, XLV et LII, nomment des iugenui et des liti d'une manière tellement distincte et opposée, qu'on ne peut se refuser à reconnaître une différence légale entre ces hommes. D'autres titres, notamment le LXVIe de la loi, mettent en opposition des ingenui avec des pueri regis, dénomination qui, ainsi que je le dirai dans la dissertation septième, était donnée aux affranchis. On y voit que les liti, les pueri regis n'avaient droit d'obtenir pour composition, par suite d'offenses contre leurs personnes, que la moitié de celle d'un ingenuus. Le paragraphe dernier du second texte de la Recapitulatio solidorum résume cette distinction d'une
manière générale par ces mots, De Romanis (02) vero vel litis haec lex de medietate solvatur; et plusieurs dispositions de la loi la répètent.
C'est sur celte double dénomination, ingenui et liti, que je crois devoir fonder la division des hommes libres, c'est-à-dire non esclaves, en deux classes qui feront l'objet des deux chapitres suivants.

CHAPITRE Ier - DES INGÉNUS.

J'éprouve une sorte de nécessité d'expliquer et de justifier les motifs qui m'ont décidé à adopter la dénomination d'ingénus que je donne aux hommes dont il va être question dans ce chapitre. J'aurais pu choisir le mot citoyen qui, dans le langage moderne, serait le véritable. C'est ainsi que l'article 7 de notre code, désignant par le mot Français tous ceux qui ont la jouissance des droits civils, déclare que cette qualité diffère de celle de citoyen, dont les effets sont réglés par la loi politique; que, d'un autre côté, celle-ci détermine les conditions requises pour être citoyen, et notamment qu'elle en exclut des personnes en état de domesticité.
Je ne considère donc point comme synonymes les mots libres et ingénus, quoique la pauvreté du langage ou le peu d'exactitude des écrivains les ait assez souvent fait employer l'un pour l'autre. Par libres, j'entends tous les hommes qui n'étaient pas esclaves; par ingénus, j'entends les hommes nés de parents qui ne reconnaissaient aucun maître, et qui, eux-mêmes, ne sont tombés ni dans l'esclavage, ni dans une dépendance qu'exprime la formule 44 de Sirmond. par les mots in obsequio et servitio alterius, ingenuili ordine; je donne aux autres le nom de lites, expression dont se sert la loi Salique.
Les ingénus. tels que je viens de les définir, constituaient seuls le corps politique appelé tribu ou nation; en eux résidait la souveraineté, qu'ils exerçaient par la participation aux délibérations nationales, où étaient faites les lois et réglés les intérêts généraux; à celles des Mâls de chaque arrondissement, où se traitaient les intérêts de localité, et où se rendaient les jugements civils et criminels.
Ces ingénus avaient seuls le droit et le devoir de former l'armée nationale; si les lites, dont je parlerai dans le second chapitre, allaient à la guerre, c'était comme dépendants, et comme recevant les ordres des ingénus, sous la puissance desquels ils étaient.
Lorsque les ingénus avaient commis un crime capital, le chapitre IX de l'édit de Childebert de 595 constate qu'ils ne pouvaient être condamnés à mort que par le roi. Dans aucun cas, même par ordre du roi, ils ne pouvaient être battus de verges (03). Seuls, puisqu'en effet ils formaient seuls l'armée nationale, ils avaient obtenu des biens par le partage que produisit la conquête, et seuls aussi, selon moi du moins, comme on le verra dans la dissertation huitième, ils avaient le privilège de ne payer aucun impôt pour ces biens.
Lorsqu'on éprouva la nécessité de trouver des mots pour exprimer les distinctions et les sous-distinctions que produisait le développement de l'état social, le mot nobilis fut souvent employé pour désigner les hommes dont la liberté était complète et parfaite, que j'entends ici par ingénus (04). C'est, ce me semble, ce qui peut expliquer le célèbre passage de Thegan, Vita Ludov. Pii, cap. XLIV : Fecit te liberum, non nobilem, quod impossibile est post libertatem; c'est-à-dire : d'esclave que tu étais, il t'a affranchi: mais il ne t'a pas fait ingénu d'extraction, ce que ne peut produire la concession de liberté.
Si en effet par nobilem il fallait entendre la collation d'un titre de noblesse, d'illustration, de haute dignité, la phrase de Thegan serait un non sens. Il n'a jamais été douteux que les rois pouvaient investir des plus hautes distinctions, des affranchis, c'est-à-dire des hommes qui avaient été esclaves. Grégoire de Tours, liv. IV, chap. XLVII, parle d'Andarchius, d'abord esclave d'un particulier qui fut revêtu d'une dignité par le roi Sigebert, et liv. V, chap. XLIX. de Leudaste, qui du plus bas esclavage était parvenu à la fonction de comte de Tours. Mais le roi en accordant cette faveur ne pouvait changer la nature des choses; il ne pouvait faire que l'affranchi eût été ingénu d'extraction; et effectivement la législation, sans méconnaître la liberté de l'affranchi, ni les dignités dont il pouvait être revêtu, le distinguait toujours, sous le rapport des compositions, des hommes placés dans la même situation politique, mais nés ingénus. ainsi que je le prouverai plus bas.
Le plus généralement, c'était parmi eux que les rois choisissaient les ducs, les comtes, les sagibarons, et les autres fonctionnaires à qui ils confiaient l'exercice des pouvoirs publics; car s'il est possible que dans l'origine quelques unes de ces fonctions aient été électives, le roi ne tarda pas à s'en attribuer le choix et la révocation.
Cependant on ne serait pas fondé à assurer que l'ingénuité, telle que je l'ai définie plus haut, fût une condition nécessaire et exclusive pour l'admission à ces fonctions. Le § 2 du titre LVI de la loi Salique, et le § 30 du second texte de la Recapitulatio solidorum parlent d'un grafion, d'un sagibaron, qui puer regis fuerit (05), et comme ils fixent la composition à moitié de celle du grafion ou du sagibaron qui ingenuus est, ces documents constatent une distinction atténuante.
Ainsi, comme je l'ai déjà fait entendre, en jouissant des honneurs et des autres prérogatives attachées à leurs fonctions, ces hommes n'étaient pas réputés ingénus dans l'acception que j'ai expliquée plus haut; on conservait toujours l'analogie du principe primitif sur la base des compositions. De même que le meurtre de l'ingénu non magistrat donnait lieu à une composition de CC sous, et celui du lite à une composition de  C sous; de même, en vertu du principe qui triplait les compositions pour meurtre des magistrats, celui du comte, du sagibaron ingénu, donnait lieu à DC sous, et celui du magistrat de même ordre, mais non ingénu d'extraction, n'était que de CCC sous.
On suivait les mêmes proportions pour les hommes qui étaient in truste regia, les antrustions. S'ils étaient ingénus, la composition du meurtre était de DC sous, d'après le § 4 du titre XLIII de la loi; s'ils ne l'étaient pas, la composition n'était que de CCC sous, d'après le § 30 du premier texte de la Recapitulatio. Le meurtrier d'un ingénu antrustion qui avait fait disparaître le cadavre payait MDCCC sous, d'après le § 5 du titre XLIII de la loi, et le § 2 du titre XVII des Capita extravagantia, parce que, dans ce cas, la composition était triple; mais, si cet antrustion n'était pas ingénu, le § 33 du second texte de la Recapitulatio prononçait seulement DCCCC sous.
Quelques titres de la loi Salique et le chapitre IX de l'édit de Childebert de 595 emploient, pour désigner les hommes que j'appelle ingénus, les mots Salici, Franci. Il n'y avait en cela rien que de conforme à l'analogie. Puisque, dans la réalité, les ingénus formaient seuls la tribu considérée dans l'exercice des pouvoirs publics, on a pu très bien les appeler Franci ou Salici, expression qui, évidemment, ne désigne pas une nationalité, mais une supériorité sociale; en effet dans l'édit ce mot est mis en opposition avec debilior persona.
Mais l'emploi que font les lois, tantôt du mot ingenuus, tantôt du mot Francus ou Salicus, a été la base d'un système présenté avec un assez grand appareil d'érudition par l'abbé de Gourcy pages 178 et suivantes, dans le but d'établir qu'il avait existé, dès les premiers temps de la première race, même chez les Germains, un corps de noblesse héréditaire.
Il pense que tous les hommes désignés, dans la loi et les documents qui s'y rattachent, sous les noms de Franci, bene Franci, Salici, bene Salici, formaient cette noblesse, et que les plébéiens, les roturiers, en un mot les non nobles, y sont désignés par les mots ingenui et même par l'expression Franci tales quales, qu'il a trouvée dans la 2e formule de l'appendice de Marculfe.
Pour établir son système, il invoque les § 17 et 19 du titre XXXII de la loi Salique. édition d'Herold, répondant pour l'objet, car la rédaction n'en est pas exactement la même, au titre XXXI, de la Lex emendata et ceux des autres textes qu'on trouvera désignés dans la conférence sur ce titre, note 336. D'après le § 17 (de cette rédaction d'Herold), une composition de C sous est prononcée contre celui qui ingenuum castraverit : dans le § 18, une composition de CC sous contre celui qui ad integrum tulerit virilia : enfin, on lit dans le § 19 : Si quis Salicus Salicum castraverit, solidos CC componat.
Faisant abstraction du second de ces trois paragraphes, et comparant le premier au troisième, l'abbé de Gourcy raisonne ainsi, page 184 :
« On trouve dans ce texte la composition pour la mutilation d'un ingenuus fixée à C sous ; la composition pour la mutilation d'un Salicus à CC: donc Salicus indique un Franc d'une condition plus relevée que celle de l'homme qu'on appelle simplement ingenuus; car c'est en général par le taux des compositions que la loi Sadique constate la différence entre les personnes. »
Cette argumentation aurait le vice de conclure du particulier au général, et surtout elle ne démontrerait pas l'existence d'un ordre de noblesse héréditaire, mais il suffit de prouver qu'elle n'est pas fondée en fait. Le § 19 d'Herold est tout simplement un double emploi dont les exemples sont très fréquents dans ce texte (06), parce que l'éditeur l'a composé d'après plusieurs manuscrits, ainsi que je l'ai démontré pages 221 et suiv.
Originairement la loi avait considéré comme constituant le crime de castration, et le fait d'enlever simplement les testicules, et le fait de retrancher entièrement les parties viriles; elle avait eu conséquence prononcé d'une manière générique la même peine de CC sous, sans établir de distinction. Parmi les anciens textes rédigés dans ce sens, les uns, comme ceux que j'ai publié sous le n0 I, II, IV, portaient, Si quis ingenuum castraverit; d'autres, tels que le titre XCIV du manuscrit de Wolfenbüttel, et le XCIX du manuscrit de Leyde, portent, Si quis Salicum castraverit, ou si Salicus Salicum castraverit, toujours avec la composition de CC sous; ce qui prouve qu'on employait indistinctement ingenuus, Francus et Salicus : j'en donnerai de nouvelles preuves, page 467.
Dans des révisions plus récentes, on distingua deux nuances du crime: pour le premier cas, le simple retranchement des testicules, on prononça seulement C sous; pour le second cas, le retranchement entier des parties viriles, on prononça CC sous. C'est ce qu'on voit dans le troisième des texte que j'ai publiés, et dans tous ceux de la Lex emendata. Mais le rédacteur du texte d'Herold, quel qu'il soit, ayant trouvé aussi dans un ou quelques manuscrits le paragraphe où les deux délits étaient génériquement compris sous le mot castraverit et où, au lieu de si quis ingenuum, il y avait, comme dans le litre XCIV de Wolfenbüttel et dans le XCIX de Leyde, si Salicus Salicum, l'a transcrit; il a ainsi fait un double emploi.
On voit donc que le raisonnement de l'abbé de Gourcy pèche par sa base. Bien plus, le crime de castration n'était pas le seul qu'on pût commettre contre des hommes libres. On pouvait les tuer; et il n'existe aucun texte qui distingue entre le Salicus et l'ingenuus, pour le cas de meurtre, plus grave encore que la castration. Le titre XLIII, § 1er, prononce une composition de CC sous, si quis ingenuus FRANCUM occiderit. Le titre XVII des Capita extravagantia que l'abbé de Gourcy a dit connaître, puisqu'il est le LXXIIIe de l'édition d'Eccard, d'après le manuscrit de Wolfenbüttel, porte Si quis ingenuum occiserit. Certainement si le mot ingenuus désigne le simple Franc, le Franc roturier, il résultera de ce système qu'il n'existait pas de peine contre le Francus, le noble de l'abbé de Gourcy, qui aurait commis un meurtre; si Francum s'applique exclusivement aux nobles, il en résultera que le meurtre des simples ingenui ou des roturiers n'aurait pas été prévu.
Ce savant n'a pas reculé devant l'objection, que du reste il a eu la loyauté de proposer, mais il la résout en sens inverse, de son propre système : s'il est probable, dit-il, pages 184 et 185, que la composition pour le meurtre du noble Franc a été omise par les copistes, comme l'avait été, dans la plupart des manuscrits et même de nos éditions, la composition pour la mutilation du Salique que nous venons de rapporter. En effet, il suit nécessairement de cette dernière composition qu'il y en avait une à plus forte raison pour le meurtre, et que l'état défectueux dans lequel cette loi nous est parvenue est la seule raison qui fait qu'on ne l'y trouve pas. Qu'on me permette de prouver qu'elle y était, par un raisonnement dont mes lecteurs apprécieront la justesse.
Dans la récapitulation des compositions de la loi Salique publiée par Charlemagne, il y a quatorze compositions à DC sous, et dans la loi même je n'en trouve que neuf. Qu'on y joigne les titres LXXIV et LXXV de l'édition d'Herold, qui ne se trouvent pas dans l'édition de Baluze, et qui renferment quatre compositions à DC sous, il n'en manque alors qu'une. Nous ne voyons pas quelle elle peut être, si ce n'est point la composition du noble Franc, laquelle n'a pas dû être omise, et qui est précisément de DC sous, comme nous l'apprend le capitulaire troisième de 813, du même empereur.
Cette argumentation, malgré son apparence scientifique, manque de bases solides.
D'abord on peut douter que la récapitulation dont il existe deux textes différents (voir pages 348 et suiv.) ait été faite d'après la Lex emendeta, puisqu'on y indique des délits non prévus dans cette rédaction.
La Lex emendata ne contient, j'en conviens, que neuf cas de compositions à DC sous; d'où il faudrait conclure, ce qui est très raisonnable, qu'il y a une faute dans la récapitulation : et cela est d'autant plus possible que le manuscrit de Pithou appartenant à M. Barrois, et le manuscrit de Montpellier, indiquent dans le récapitulation onze compositions seulement à DC sous, au lieu de quatorze, comme dans les autres textes.
L'abbé de Gourcy a cherché dans la rédaction d'Herold les moyens de complément, et en a trouvé quatre, savoir un dans le titre LXXIV et trois dans le titre LXXV. La découverte n'est pas heureuse; car la composition de DC sous du  § 1er du titre LXXIV est la reproduction de la même composition écrite dans le  § 3 du titre XLIII de la Lex emendata. Celle du premier alinéa du § 1er, relative au meurtre d'une femme enceinte, est prévue pur le § 4 du titre XXVI. Il est vrai que le paragraphe correspondant du texte d'Herold fixe la composition à DC sous, tandis qu'elle est réellement de DCC,  par les motifs expliqués note 158; probablement il y a erreur dans la rédaction d'Herold : toujours est-il que ce n'est pus un délit nouveau non prévu dans la loi. La composition du § 3 du titre LXXV d'Herold reproduit le § 7 du titre XXVI de la loi; il ne faut donc pas la compter. Reste le second alinéa du § 1er de ce titre LXXV d'Herold qui prévoit un délit avec composition de DC sous, non exprimée dans la Lex emendata. Le texte d'Herold n'ajouterait donc qu'une composition aux neuf de la loi; et la récapitulation présenterait toujours une différence de quatre.
Je conviens que ce nombre quatre fournirait encore une plus grande latitude pour trouver place à la composition du noble Franc, que cherche l'abbé de Gourcy. Mais en supposant, ce que je ne saurais admettre, qu'il n'y ait aucune erreur de chiffre dans la récapitulation; que, de plus, elle se rapporte à la Lex emendata, et non à quelque autre rédaction inconnue où se trouvaient quatorze compositions à DC sous, rien ne démontrerait que dans ces quatre (car on a vu que ce n'est pas seulement une qu'il faut chercher) il y eût un texte constatant que, parmi les Francs, la loi distinguait des nobles avec composition de DC sous.
Il est vrai que l'abbé de Gourcy croit trouver cette preuve dans un document publié par Baluze, comme troisième capitulaire de 813 (Capit. t. Ier, coll. 511 et suiv.). Mais il suffit de lire ce document pour reconnaitre que c'est un statut local pour un lieu, que M. Pertz, Monumenta Germaniae, t. Ill. præfat. pag. xxxj, appelle pagus Xantensis (07).
Je reconnais que, dans ce document, outre la composition, pour les ingénus à CC sous, et pour les lites à C sous, comme dans la loi Salique, il y a une composition de DC sous prononcée pour le meurtre d'un Francus mais rien n'est plus facile à expliquer, surtout lorsqu'on fait attention qu'il n'y est pas dit un mot des antrustions dont la composition était de DC sous, d'après la loi Salique. Le pays dont il est question était une conquête de Charlemagne, et traité en pays conquis; les Francs que le roi y entretenait pour contenir les habitants y étaient considérés comme des antrustions, et précisément DC sous étaient la composition pour le meurtre d'un antrustion (08).
Il faut donc, selon moi, mettre de côté les citations de l'abbé de Gourcy. Mais en supposant qu'elles eussent quelque valeur, et qu'un dût croire à la prétendue lacune qu'à l'aide de la récapitulation il signale dans la loi Salique, ce ne serait pas celle qu'il suppose; ce ne serait pas, comme il le dit, la composition pour le meurtre d'un Salicus, d'un Francus, qu'il appelle un noble; le titre XLIII prononce CC sous contre l'ingenuus qui occiderit Francum; précisément le meurtre du Francus, le noble de l'abbé de Gourcy, est prévu et puni même de DC sous dans le capitulaire qu'il a cité, et dans le chapitre VII des Septem septennas. S'il y avait lacune, ce serait relativement au meurtre de l'homme libre non noble, auquel l'abbé de Gourcy réduit la dénomination ingenuus.
Par une singulière bizarrerie, la loi aurait puni seulement le non noble, l'ingenuus, qui aurait tué un noble, Francum, et n'aurait ni prévu ni puni l'assassinat d'un non noble ! Or peut-on concevoir que la même loi qui a protégé la personne des Romains vaincus, et même des tributaires romains en leur accordant des compositions, n'eût pas songé aux Francs non nobles, roturiers, qui nécessairement faisaient la plus grande partie de la tribu et qu'elle eût laissé leurs assassins impunis?
Une nouvelle preuve que les mots Francus ou Salicus n'ont point une signification exclusive et qu'ils n'indiquent pas des nobles, par opposition à ingenuus, réservé pour désigner des roturiers résulte du rapprochement du § 11 du titre XIV, et du § 3 du titre XXVII de la loi Salique. Ils font évidemment double emploi : tous deux prononcent la dégradation de l'homme libre qui épouse une esclave : dans l'un on lit si ingenuus, dans l'autre si Francus. Enfin, la synonymie des deus mots est encore prouvée par le § 2 du document appelé Septem septennas. On y lit : Si Francus Francum occiderit solidos CC culpabilis judicetur, ce qui est identiquement la reproduction du § 1er du titre XLIII : Si quis ingenuus Francum occiderit ... solidos CC culpabilis judicetur (09).
L'abbé de Gourcy, page 178 a cru qu'on trouvait aussi l'indication de la classe qu'il appelle noble, dans les mots bene ingenuus, bene Francus des formules 19 du livre ler et 5 de l'Appendice de Marculfe, et celle des non nobles dans les mots Franci tales quales des mêmes formules. Il y a encore en cela une grande erreur. La première des deux formules citées est le modèle ou protocole d'une autorisation donnée par le roi à un ingénu pour entrer dans le clergé. Tout ingénu sans distinction étant assujetti au service militaire, et la cléricature dispensant de cette obligation, on conçoit l'objet de l'autorisation dont il s'agit. C'est ce que prouve le canon IV du concile d'Orléans de 511.  Dans notre formule le roi donne celte autorisation, mais seulement si l'impétrant de capite suo bene ingenuus esse videtur (10). Evidemment bene ingenuus ne peut signifier que vraiment ingénu; et cette condition, pour l'ingénu, de prouver son ingénuité, s'explique par le canon VIII du même concile, qui défend aux évêques d'ordonner des esclaves sans la permission de leurs maîtres, ce qui, par analogie du titre XXVIII de la loi Salique, était également applicable aux liti.  L'homme libre, l'ingenuus, n'avait besoin que de la permission du roi; tandis que le lite ou l'esclave avait besoin que son maître le libérât ou l'affranchît. Il était donc naturel que le roi, en permettant à un homme qui se disait ingénu d'entrer dans le clergé, y apposât la condition si bene ingenuus esse videtur, c'est-à-dire s'il n'a pas de maître dont le consentement serait nécessaire, ce qui le prouve encore, c'est la condition ajoutée, si cet homme in pulctico publico censitus non est.
La formule 5 de l'Appendice de Marculfe où on lit bene Francos Salicos, n'est pas moins facile à expliquer. Une femme est revendiquée par l'avoué d'un monastère, ut colona; elle se défend et prétend qu'elle est bene ingenua, c'est-à-dire vraiment réellement ingénue. Le jugement, dont Marculfe a conservé la formule, ou peut-être le texte, l'admet à prouver son exception par le serment de ses parents, ou, s'ils sont morts, par douze hommes bene Francos Salicos. Cette femme se prétendant d'origine salique devait, suivant la législation, se défendre par des témoins vraiment de sa tribu. C'est ce que prouve encore la formule 2, qui présente un cas identique, et où le défendeur est admis à présenter duodecim homines Francos: ici le mot bene est omis, et dans le fait il était insignifiant. Il y a plus; cette formule porte duodecim Francos tales qualem esse se dixerit, c'est-in-dire réellement de race franque, tales qualem, ainsi que lui-même prétend en être. Je ne saurais comprendre comment un homme aussi éclairé que l'abbé de Gourcy a pu voir dans ces derniers mots l'indication de Francs tels quels, c'est-à-dire de basse condition; comment il n'a pas vu la relation entre tales et les mots qui suivent immédiatement, qualem se esse dixerit
Le comte de Montlosier, dans le tome Ier de soit ouvrage intitulé De la Monarchie française, pages 18, 21, 23, 367, 386, et passim, a soutenu un système qui enchérit sur celui de l'abbé de Gourcy. Ce dernier admettait parmi les Francs ou barbares une distinction en hommes formant une classe supérieure et de noblesse héréditaire, qu'il appelle Franci, Salici, bene Salici, et une classe inférieure qu'il appelle ingenui dont il forme les roturiers. Je viens de m'expliquer à ce sujet,
Selon Montlosier il n'y avait d'hommes libres que les Francs, les barbares, propriétaires de terres libres, aleux, auxquels il veut bien ajouter cependant les Romains qui déclaraient vouloir vivre d'après le loi Salique (11) Tous ces hommes formaient la noblesse, ceux des Francs ou barbares qui, n'ayant point de propriétés foncières, faisaient valoir les biens d'autrui, lites, tributaires, colons libres, ainsi que les Romains qui n'avaient pas voulu changer de loi, étaient les roturiers : dans la suite, cette classe, par l'appui et la connivence des rois, injustes, ingrats, et en quelque sorte félons envers la noblesse, forma l'ordre, toujours croissant en influence, qu'on appela tiers-état; et, de même qu'autrefois on devenait noble en déclarant la volonté de vivre suivant la loi Salique, de même on sortait du tiers-état par des lettres d'anoblissement.
Cet écrivain n'a fait autre chose que de rajeunir avec beaucoup d'esprit, mais par le plus inconcevable abus des textes, le système du comte de Boulainvilliers, que Montesquieu, liv. XXX, ch. X, malgré ses ménagements intéressés, n'a pu s'empêcher d'appeler une conjuration contre le tiers-état.
Il n'est plus utile aujourd'hui de rechercher quelle était la secrète pensée de Boulainvilliers et de Montlosier, de ce dernier surtout, qui, tout en ayant poussé aux conséquences les plus extrêmes l'opinion aristocratique du premier, a obtenu le singulier privilège d'être prôné par les écrivains libéraux; habent sua fata libelli ! Je me borne à dire que ces systèmes exagérés n'ont pas été et ne pouvaient être adoptés par quiconque se livrait à un examen impartial des documents.
La véritable question, relativement à l'existence d'un ordre de noblesse sous la première race, est celle que Montesquieu a élevée en prétendant que cet ordre existait dans les antrustions : je l'examinerai dans la dissertation suivante.
Un texte de la loi Salique qui n'a point, il est vrai, été admis dans la révision de Charlemagne, et divers documents, donnent à entendre que parmi les ingenui l'état de fortune n'avait pas tardé à introduire une distinction, qui d'abord ne fut qu'un fait insensible, mais qui dans la suite opéra par ses développements une véritable révolution sociale.
On y voit des meliores, des minoflides (12). Voici dans quelles circonstances cette distinction est exprimée par le titre IX des Capita extravagantia, que m'ont fourni le manuscrit 4404 de Paris, et celui de Wolfenbütttel. Un meurtre a été commis; le cadavre a été trouvé sur le terrain qui sépare deux villes. Le juge s'y transporte, et, après avoir pris des mesures pour faire exposer le cadavre afin qu'il puisse être reconnu, il somme ceux qui occupent ces cille de se justifier de soupçon en fournissant des conjurateurs, Si ces hommes sont meliores, ils fourniront sexegenas quinos conjuratores; si ces hommes sont minoflides ils en fourniront quinos denos.
Le sens du mot meliores est facile à comprendre, et de plus il est expliqué par Grégoire de Tours. liv. I, ch. XXIX, et liv. VI, ch. XLV; ce sont les hommes les plus considérables par leur fortune. Minoflides est un mot barbare qui précisément est employé dans la première addition à la loi des Alemans, titres XXII et XXXIX, pour désigner des hommes dont la fortune est médiocre, et dont on exige un moindre nombre de conjurateurs que des hommes plus riches.
Le texte que je viens de citer peut servir à apprécier l'opinion émise par mon savant confrère M. Naudet, dans le tome VIII des Nouveaux mémoires de l'Académie des inscriptions, pag. 465 et suiv. Après avoir parlé des antrustions et de leurs droits à une composition privilégiée, il traite des autres hommes libres, qu'il divise en deux classes, d'après l'état de leur fortune. La première classe est, suivant lui, composée de ceux qui avaient assez de biens fonds pour les mettre en état d'exercer les droits politiques et d'en remplir les obligations, qu'on peut appeler cives optimo jure; la seconde, de ceux dont la trop modique fortune n'offrait pas assez de garanties pour que l'exercice de ces droits leur fût accordé.
Il est possible et même très probable que, par l'effet des modifications de la société, cette classification se soit introduite: mais je ne crois pas qu'elle ait existé dès les premiers temps de la formation de l'empire franc, temps auxquels je dois me reporter: je crois que la distinction fut primitivement fondée sur l'état d'indépendance ou de dépendance; et que tout homme libre qui, nonobstant sa pauvreté, aurait mieux aimé vivre dans la gêne que de se procurer plus d'aisance en entrant in servitio et obsequio alterius, était considéré comme ingénu.
J'avoue, du reste, que cette situation a dû être rare. A cette époque d'anarchie, un homme qui avait peu de fortune courait trop de risques dans sa personne et dans sa propriété pour qu'il n'éprouvât pas la nécessité de se mettre au service d'un riche.

CHAPITRE II - DES LITES (13)

On trouve dans la loi Salique plusieurs dispositions relatives à des hommes appelés leti, liti, ou lidi : il en est aussi question dans d'autres codes barbares, et dans un assez grand nombre de documents ou de formules qui se rattachent au temps de la première race.
Mais les auteurs sont divisés sur l'origine de cette dénomination, sur les personnes auxquelles on doit l'appliquer et sur la condition de ces personnes. Je vais essayer de donner quelques notions à cet égard.
Nous trouvons dès la fin du IIIe siècle et dans les suivants un assez grand nombre de passages des écrivains de Rome, où il est question d'hommes appelés laeti ou leti, car, suivant le témoignage de J. Godefroi dans son commentaire sur la const, 12, du titre XX, du livre VIl du Code théodosien, l'une et l'autre orthographe existe dans les manuscrits.
Voici d'abord ce que disait, vers l'an 291, l'orateur Eumène, dans le panégyrique de Constance-Chlore, chapitre XXI. Tuo, Maximiane Auguste, nutu, Nerviorum et Trevirorum arva jacentia LAETUS postliminio restitutus, et receptus in leges Francus, excoluit. Ce passage fait allusion, comme le remarque Godefroi, à deux événements simultanés : des Iaeti, chassés par des hordes ennemies, des terres que l'empire leur avait accordées, y avaient été rétablis; des Francs s'étaient soumis à l'empire et avaient reçu des terres à cultiver.
Zozime, à la fin du second livre de son Histoire, chapitre LVI. dit du tyran Magnence. que originem ex barbaris habebat, et translatus in LAETOS, quae Gallica gens est. Godefroi, dont j'emploie la traduction latine, croit que l'assertion de Zozime n'est pas exacte, si on l'entend en ce sens qu'il y avait dans la Gaule un corps de nation appelée laeti: mais avec le secours d'un grand nombre d'auteurs il établit très bien qu'il y avait dans la Gaule des corps de barbares disséminés sur différents points, qui étaient connus génériquement sous le nom de laeti: et c'est ce que prouve la Notitia imperii, dont je crois inutile de transcrire les longues énonciations.
Ammien Marcellin, liv. XX, ch. VIII, rapporte un passage de la lettre de Julien à Constance, contenant ces termes : Equos praebebo curules Hispanos, et miscendos gentilibus atque scutariis, adolescentes LAETOS quosdam, cis Rhenum editam barbarorum progeniem, vel certo ex deditiis qui ad nostra deciscunt.
Dans une constitution faite en 369 par Valentinien, Valens et Gratien, il est question des praepositi laetis : dans une d'Arcadius et Honorius, de 399, de règles sur la distribution des terres appelées laetiques, que l'empire accordait aux barbares admis à son service; dans une enfin de 400, d'Arcadius et Honorius, des obligations au service militaire imposées aux laeti Alemans et Sarmates errants.
Avec le secours de ces autorités et de quelques autres qui n'offrent rien de plus explicite. Perreciot, dans un ouvrage qu'il publia sans se nommer, en 1786, sous le titre De l'État des personnes et de la condition des terres, a consacré un livre entier, le IVe, divisé en onze chapitres à établir qu'on doit voir dans les lites
« un ramas de diverses contrées qui a subsisté trois siècles en corps de nation; chassé du sol qu'il habitait par des hordes puissantes et guerrières, il s'est répandu en Europe, a eu la plus grande influence sur la constitution politique de nos gouvernements modernes et a produit surtout le système féodal. »
Obligés de se disperser, continue toujours Perreciot, que je suis forcé d'abréger, les lites ont reçu des empereurs romains des terres en friche dans la Germanie et la Gaule, qu'ils cultivaient à la charge de payer des redevances et de fournir des corps armés auxiliaires ou des recrues aux troupes de l'empire. Ceux qui étaient dans cette situation sur le territoire de la Gaule, au moment de la conquête par les Francs, restèrent attachés aux fonds que les vainqueurs se partagèrent, et cet état de choses, continué pendant la première et la seconde race, devint le type de la mainmorte qui s'étendit sur presque tout l'empire des Francs sous le régime féodal.
Dans ce système, les hommes que la loi Salique, les autres codes barbares et les documents appellent lites ou lides, par l'effet assez naturel d'un changement de prononciation, auraient été les membres et des débris d'un peuple spécial, tout à fait distinct des nations ou tribus chez lesquelles ils se trouvaient; conservant toujours leur nationalité, sans s'y confondre, comme les juifs, auxquels précisément Perreciot les compare; et les descendants de ces lites, toujours attachés aux terres auxquelles leurs pères l'avaient été, formaient la classe des mainmortables qui existait encore en France lorsque Louis XVI rendit, eu 1779, le célèbre édit qui les affranchissait dans ses domaines.
Ce système avait été probablement déjà soutenu par quelque auteur que je ne connais pas, avant que l'abbé Dubos publiât son Histoire critique de l'établissement de la monarchie française, puisqu'il le discute, et soutient, livre Ier, chapitre X, «que letes n'était point le nom propre d'une nation particulière, mais un nom qui marquait l'état et la condition de ceux qu'on désignait par ce mot, enfin un nom qui se donnait à tous ceux des barbares enrôlés au service de l'empire auxquels on avait conféré des bénéfices militaires, et cela de quelque nation que fussent ces barbares.
»
Je partage cette opinion, qui, du reste, est simplement un résumé de la savante note de J. Godefroi déjà citée, et, comme ces auteurs, je ne vois dans le mot letes qu'une épithète, une qualification; mais je ne saurais admettre avec l'abbé Dubos que ce mot leti, laeti, vienne de l'adjectif latin laetus, signitiant joyeux, contents, parce que des officiers et les soldats de ces corps avaient été comme adoptés par l'empire dans la collation des bénéfices militaires qu'il leur avait donnés, et qu'ils jouissaient ainsi de l'état heureux de sujets de la monarchie romaine.»
C'est, je crois, dans les langues barbares qu'il faut chercher la signification du mot laeti ou leti, puisque tous les auteurs qui l'ont employé attestent que ces hommes étaient d'origine barbare, surtout puisque nous le trouvons écrit dans la loi Salique, le plus ancien des codes germaniques dont les rédactions nous soient parvenues.
La plupart des savants pensent qu'un mot barbare, quel qu'il soit, a formé ces dénominations leti , lidi (loi Salique, des Ripuaires, des Alemans, des Saxons et des Frisons); luiti (diplôme de Charles-Martel de 722); lassi ou lazzi (Nitbard, Hist. lib. IV); litones (Albert, de Stade, ad ann. 917); et comme je ne connais rien de plus périlleux que des discussions sur les étymologies et les diverses transmutations des mots, comme d'ailleurs la synonymie me parait très admissible, je ne fais aucune difficulté de m'en contenter.
Mais lorsqu'on veut en rechercher la signification exacte, on éprouve ce qu'a très bien dit Gaertner dans son Commentaire de la loi des Saxons, tit. II, § 3 :
« De quorum etymologia, origine et conditione quot interpretes, tot fere sententias habebis. » Lazius, dans son glossaire, fait venir le mot laetus, letus, litus, lidus, de lissen, lossen, signifiant servare, redimere; et, dans un sens parfaitement analogue, Teschenmacher (Annales Clivenses, part. I. pag. 74), dit « Apud Saxones lassen, apud Sicambros lathen, apud Frisios liten... quod scilicet primo capti et posta ex commiseratione in agris relicti ne ejecti aut venditi essent, dicti sunt. » Leibnitz donne à peu près la même étymologie dans son Archéologie teutonique. Siccama, Comment. ad legem Frisionam, titre 1er, fait dériver notre mot, de lesse, signifiant dans la langue saxonne postremam, minores; et dans le même sens, Heineccius le fait venir de leute, mot saxon employé pour désigner des gens de bas étage. Canciani, dans ses notes sur le titre XCV de la loi des Alemans, indique le frison lasse comme ayant la même signification. Eccard, sur le titre XV du texte de la loi Salique publié par Herold, croit que ce mot signifie subditus vel colonus; et sur le titre XV, il fait des lites une classe d'hommes intermédiaire entre les ingénus et les esclaves (14). Enfin Eichhorn et J. Grimm indiquent les mots latz gothique, ou laet anglo-saxon, qu'ils traduisent par piger, tardus.
Ccs diverses opinions ne me paraissent pas inconciliables. II n'est pas hors de vraisemblance qu'à des époques dont les traditions et les histoires ne nous ont point transmis le souvenir, la Germanie avait été le théâtre de mouvements divers de populations dont les unes chassaient les autres, comme Tacite le fait entendre, chap. XXVIII et suiv. et que souvent, par l'effet de ces révolutions, les anciens habitants d'un territoire obtenaient, par grâce, de leurs vainqueurs de n'être ni contraints de s'expatrier, ni vendus comme esclaves, à la condition de rester attachés à la culture des terres en pavant une partie des revenus aux vainqueurs, envers lesquels ils étaient, quoique libres, dans une dépendance voisine de l'esclavage. Tacite (German, cap. XXV) parle avec quelque détail de ces colons, qu'il présente comme une classe particulière d'esclaves, trompé par l'apparence et par quelque similitude avec les usages romains.
Comme il ne sauraIt y avoir de nation, si peu perfectionnée que soit sa langue, qui n'ait des mots propres à qualifier les différentes situations sociales des hommes, il est probable, je pourrais dire il est évident que, pour désigner les anciens habitants qu'ils s'étaient assujettis, sans les avoir réduits à un esclavage proprement dit, les vainqueurs durent employer un mot, ou tout à fait semblable à ceux que j'ai indiqués plus haut, ou dont ils sont dérivés, et que ce mot avait la signification de dedititii dans la langue romaine.
Lorsque des troupes de barbares, forcées de fuir devant des hordes plus puissantes, se retiraient sur le territoire romain, ou qu'arrêtées dans leur invasion par les armées de l'empire elles étaient admises à composition à la charge de cultiver des terres et de former des corps auxiliaires, ces hommes durent traduire par un mot de leur langue la qualification de dedititii que les Romains leur donnaient, et, comme il arrive presque toujours, les autorités impériales employèrent aussi ce mot en les appelant laeti, et en nommant terrae laeticae les terres qu'on leur accordait. Les Romains l'entendaient si bien, qu'Ammien Marcellin, cité plus haut, parlant des lettes et voulant probablement être mieux compris de ses compatriotes, emploie pour synonyme le mot dedititii.
On voit maintenant comment les explications et les étymologies du mot laeti, que j'ai transcrites, peuvent se concilier.
Lazius, Teschenmacher et Leibnitz l'expliquent précisément par une périphrase applicable au mot dedititii. Siccama et Heineccius y voient une indication d'infériorité sociale, ce qui est conforme à la saine raison; car certainement les vainqueurs étaient loin de traiter en égaux les anciens habitants qu'ils avaient réduits à un état presque servile. Les explications de MM. Eichborn et Grimm paraissent être dans la même analogie. Des conquérants qui tenaient à déshonneur de se procurer par le travail ce qu'ils pouvaient obtenir par la victoire (ce sont les expressions de Tacite, German. XIV) devaient considérer comme une inactivité et une paresse, relativement à leurs habitudes guerrières et aventureuses, les travaux sédentaires de l'agriculture et de la domesticité.
Ces explications, qui toutes se concilient parfaitement, prouvent combien est peu fondée celle de l'abbé Dubos, qui semble véritablement avoir voulu faire une sorte de jeu de mots sur l'adjectif laetus.
Du reste, je l'ai déjà dit, je partage complètement ravis de ce savant qui, bien différent du système reproduit par Perreciot, croit que Io mot laetus ne désigne point une nation particulière, mais qu'il indique une condition, une situation, et s'appliquait dans l'empire romain à tous les barbares, quelle que fût leur origine, qui avaient obtenu des terres et s'étaient mis au service des empereurs. On a vu que dans la Gerrnanie, et relativement aux hommes de la tribu dominante, les laeti étaient les colons attachés à la culture, ou de toute autre manière dans la dépendance des vainqueurs. Dans la Gaule romaine, ce nom était donné aux barbares qui formaient des espèces de colonies militaires au service des empereurs.
Je ne doute point que les colons germains amenés par les Francs, suivant l'usage des barbares de se faire accompagner per leurs familles dans les expéditions qu'ils entreprenaient, ne soient devenus les leti, lidi, dont il est parlé dans la loi Salique; hommes placés sous une dépendance dominicale, et auxquels la loi attribue une composition moindre que celle des hommes complétement libres.
Mais en fut-il de même des laeti des colonies militaires au service de l'empire romain ? Je ne le pense pas. Ces laeti étaient originairement des hornmes libres des tribus germaniques, et même les historiens attestent qu'un assez grand nombre étaient de la tribu salique. Si tous ne quittèrent pas les drapeaux romains au premier moment où l'armée de Clovis s'avança dans la Gaule, il est probable que, se considérant comme libres de leurs engagements par le résultat du renversement de la puisante romaine, ils ne tardèrent pas à reconnaitre l'autorité du roi des Francs. Ce chef d'une bande sortie de la tribu salique dut accueillir avec empressement des compatriotes habitués aux exercices militaires et à la discipline des Rornains, et en accroître son armée d'occupation; il n'y avait ni justice, ni politique à les traiter en dedititii. Les Romains seuls auraient pu, d'après le droit de la guerre, subir ce sort, et nous verrons dans la dissertation sixième que Clovis, sans cependant les égaler aux Francs, leur laissa l'usage de leurs droits civils.
Je crois donc, comme je l'ai dit page 437, que les laeti dépendants de l'empire romain, qui existaient depuis plusieurs siècles sur le territoire de la Gaule, furent admis à reprendre leur franchise originaire, s'incorporèrent aux vainqueurs et conservèrent leurs terres létiques en pleine propriété, au même titre que les vainqueurs en acquirent par le partage, fruit de la conquête.
Ce n'est donc pas dans les anciens corps létiques au service de l'empire qu'il faut chercher les leti, liti ou lidi de la loi Salique.
Les motifs des dispositions de cette loi, qui constate d'anciens usages des Francs, peuvent être expliqués bien plus facilement. Ainsi qu'on l'a vu. les barbares avaient coutume de se faire accompagner par leurs familles et surtout par les hommes qui, sans être précisément et complètement leurs esclaves, étaient dans leur dépendance. Ces hommes suivaient leur maître à la guerre. comme le prouve le § 1er du titre XXVIII de la loi, et le § 27 du premier texte de la Recapitulatio; ils recevaient ses ordres, combattaient à ses côtés, mais sans avoir le titre et les privilèges des guerriers de la tribu; ils n'obtenaient point de part virile dans le butin. Ainsi, lorsqu'on lit dans les historiens qu'un corps d'armée était composé de trois, quatre, six mille hommes, cela, ne signifie pas qu'il n'y eût que ce nombre d'individus. Le mot homme ou guerrier avait alors le sens que, dans la suite, on a donné au mot lances dans les expéditions du moyen âge.
A part l'avantage de fournir un plus grand nombre de combattants, cette mesure en procurait un autre importent dans les expéditions. Il n'y avait à cette époque ni approvisionnements, ni magasins militaires, chacun se fournissait de vivres, et il eût été impossible à chaque guerrier d'emporter ce qu'exigeaient ses besoins, ou d'y pourvoir seul; les lites, compagnons de leurs maîtres, faisaient ce service.
Dès que la victoire eut fourni aux Francs des établissements sédentaires et des propriétés dans la Gaule, le plus grand nombre ne songea point à rentrer dans la Germanie: ils se fixèrent sur leurs nouvelles propriétés; ils y établirent leurs lites; ils en firent venir d'autres qui cultivèrent ces propriétés, comme cela avait lieu dans la Germanie, il est même très probable que les Francs, devenus propriétaires en Gaule de domaines sur lesquels existaient des colons attachés à la glèbe, leur donnèrent le nom de lites qui appartenait à la langue barbare, quoique la loi Salique, tit, XLIII § 8, les appelle tributarii. Ainsi deux causes incontestables ont fait que les Francs avaient sous leur dépendance, à leur service, des hommes libres, mais dans un état de sujétion et d'infériorité relativement aux maîtres.
On peut encore en indiquer d'autres. Il n'est point de société dans laquelle ne se trouvent, et souvent en grand nombre, des hommes que la misère, fruit de leur inconduite ou de toute autre cause, réduise à la nécessité de se mettre au service d'autrui. Si dans cette société l'esclavage est connu, ils peuvent se vendre comme esclaves; on en verra des preuves chez les Francs, dans la dissertation septième. Lorsque, sans abdiquer absolument leur liberté, ces hommes veulent en conserver le titre, tout en se soumettant à des obligations analogues à celles des esclaves, il est assez naturel qu'ils ne jouissent plus de tous les privilèges attachés à la parfaite ingénuité. Or tel est l'état des choses que présente la société chez les Francs dès les premiers règnes de la première race.
L'industrie, le commerce, et, à plus forte raison, l'emploi des facultés intellectuelles, n'étaient point assez développés pour créer des professions lucratives et honorables; la propriété foncière était le seul moyen qui pût assurer une existence indépendante. Celui qui nétait pas propriétaire, quelle qu'en fût la cause, n'avait d'autre ressource que de se mettre au service d'autrui. Quand on supposerait qu'au moyen de la conquête tous les Francs eurent une part de propriété foncière, que les barbares qui vinrent d'outre-Rhin se joindre à eux en reçurent aussi, un grand nombre de causes concoururent à les en priver. Les barbares étaient ignorants, amis de la débauche et du jeu et cette dernière passion, qui en Germanie les conduisait jusqu'à jouer leur propre liberté, les entraînait à perdre de cette manière leurs propriétés. Ils étaient violents, vindicatifs, et commettaient dans l'emportement de la colère des attentats aux personnes et des meurtres qu'il fallait, sous peine de proscription, racheter par des sommes très considérables, si nous les comparons à la faible valeur vénale des biens. Pendant le premier siècle de la monarchie des Francs, la composition pour meurtre n'était pas la dette du coupable seul : lorsqu'il avait, pour la payer, employé tous ses biens, il en faisait une déclaration solennelle, par l'effet de laquelle ses proches parents étaient tenus de payer le reste, ou de faire une semblable cession de biens. (Loi Salique, lit. LXI.)
Les hommes ainsi tombée dans la misère étaient souvent réduits à vendre leurs enfants et eux-mêmes; les historiens et les recueils de formules en donnent de nombreux témoignages. que j'indiquerai dans la dissertation septième. Les moins malheureux dans une telle position étaient ceux qui trouvaient des acheteurs assez humains pour ne les constituer qu'en esclavage temporaire, jusqu'à ce qu'une circonstance leur permit de se racheter. Souvent aussi des hommes riches consentaient à les admettre à leur service, en leur laissant l'ingénuité. Il existe pour ce dernier cas une formule très remarquable dont ai déjà parlé page 460, la 44e du recueil appelé Formulae sirmondicae. Je n'ai pu encore en découvrir le manuscrit; mais il paraît incontestable que Sirmond ne l'a pas controuvée et qu'on peut la considérer comme vraie. Elle ne présente rien, d'ailleurs, qui répugne à la droite raison et aux usages des Francs, attestés par d'autres documents.
On voit par cette formule qu'un homme, dans une extrême indigence, stipule qu'un autre lui fournira victum et vestitum, au moyen de quoi il se met in ejus servitio et obsequio; mais il stipule très expressément qu'il ne sera pas esclave et qu'il servira ingenuili ordine. On ne voit pas de motifs pour qu'il n'en fût pas de même lorsqu'un homme obtenait d'un propriétaire qu'il lui donnât des biens à cultiver en qualité de colona, accola, etc. expressions qui se trouvent fréquemment dans les chartes et les formules. Je m'expliquerai sur ce dernier cas dans la dissertation huitième.
Sans doute, l'état de dépendance créé par cette situation n'était pas toujours le résultat de la violence, comme cela avait pu être autrefois dans la Germanie ou même, lors des premières invasions, dans la Gaule. Cet état résultait d'un contrat librement consenti, mais auquel, une fois qu'il était formé, l'obligé ne pouvait se soustraire. Les hommes ainsi engagés avaient accepté un dominus, ils s'étaient soumis à un servitium, sans devenir esclaves, j'en conviens, mais en cessant d'être parfaitement ingénus.
Des causes analogues plaçaient.,à bien plus forte raison, dans une semblable situation les esclaves que leurs maîtres avaient affranchis à des conditions de service et de dépendance.
Tous ces hommes avaient des domini. Cette relation des mots domini et lidi ou liti a conduit des savants très recommandables à dire que le lite était de condition servile, mais plus considérée que celle des esclaves proprement dits. C'est l'opinion de du Cange, adoptée dans les termes que je viens de transcrire par Bréquigny et Laporte de Theil, Prolégomènes des Diplomata, part. III, sect. 1ere, chap. III, art. 3, n. 3. Muratori croit que les lites étaient des esclaves colons, affranchis, qui, n'ayant pas reçu de leur maître une pleine et entière liberté, tenaient de lui des domaines pour lesquels ils lui payaient des redevances. L'abbé de Gourcy, page 119, adoptant les deux opinions sans faire un choix, croit que le lite était un esclave d'une condition plus douce et moins abjecte que le commun des esclaves, ou, du moins, un affranchi de la plus basse condition.
Cette alternative ne résout point la question, et même, qu'il me soit permis  de le dire, elle est peu logique. Entre l'esclave servant sous les plus douces conditions, et l'affranchi assujetti aux charges les plus pesantes, il y a toujours, par la nature et la force des choses, une différence essentielle : le premier est une chose, l'autre une personne; l'un a la liberté, quoique restreinte, l'autre n'a pas la liberté, quoique son esclavage soit très doux. Il faut donc aborder plus franchement la question, et examiner si ou non le lite était esclave, quelles que fussent, du reste, les conditions de cet esclavage. Il est naturel d'en chercher la solution dans les textes de la loi Salique, puisque c'est cette loi qui est l'objet spécial de mon travail.
Le titre LII parle d'un lite qui a contracté une obligation de payer, qui fidem fecit. Ce lite peut être appelé en justice, condamné, exproprié. Or rien de tout cela ne pouvait avoir lieu qu'à l'égard d'un homme libre; car l'esclave n'était point personne capable d'ester en jugement, n'était point propriétaire. Le chapitre VIII du pacte entre Childebert et Chlotaire prononce contre le lite voleur la moitié de la composition que payerait un homme ingénu; de plus, il lui donne la faculté de se défendre par des conjurateurs, privilège exclusif de l'homme libre. Le titre VII des Capita extravagantia applique aux femmes lites les règles sur les seconds mariages. ce qui prouve des rapports civils de famille qu'on ne peut reconnaître à des esclaves. C'en est assez, ce me semble, pour conclure qu'un lite n'était pas esclave.
Je ne pourrais cependant, sans manquer à la bonne foi, dissimuler quelques raisons qui semblent favorables à l'opinion de du Cange, reproduite par Bréqnigny et Laporte du Theil.
Une composition pécuniaire est prononcée par le § 1er du titre XXVIII contre celui qui litum alienum sine consilio domini sui dimittit ingenuum. Si, par respect pour l'intervention royale, lorsque la solennité du denier a été employée, on laisse subsister l'atfranchissement, quoique fait a non domino, une composition est due à celui-ci, qui a droit, en outre, de revendiquer res lidi; d'où l'on peut conclure que le lite n'avait, comme l'esclave, qu'un pécule dont le propriété virtuelle appartenait à son dominus.
Suivant un grand nombre de formules et de diplômes, des fonds sont rendus cum litis, mancipiis, libertis. Si une femme ingénue épouse un lite, le § 7 du titre XIV veut que ingenuitatem suam amittat. Tandis que le § 5 du même titre prononce simplement une composition contre l'ingenuus coupable de rapt, le § 6 prononce, dans le même cas, contre le lite la composition de la vie, et précisément un esclave coupable d'un tel crime aurait été puni de mort, d'après le titre XLII de la loi Salique.
J'en conviens, on ne résoudrait pas la difficulté qui nait de ce antinomies apparentes, en disant que ces textes sont contradictoires, qu'ils font partie d'une compilation mal digérée de divers usages réunis sans système. Sans être un chef-d'oeuvre de rédaction, la loi Salique ne mérite pas ce reproche. Elle n'offre pas, il est vrai, le corps entier de la législation et de la jurisprudence des Francs; on y trouve quelques doubles emplois, quelques dispositions obscures ou incomplètes, plutôt, je le crois, par la faute des copistes que par celle des rédacteurs; mais, en général, elle offre un système suivi et d'accord avec lui-même.
Je crois qu'il est possible de lever ces difficultés à l'aide de quelques principes. On a vu plus haut, et les documents qui le prouvent sont très nombreux, qu'un homme libre, mais pauvre et sans ressources, pouvait entrer dans le servitium d'autrui, ingenuili ordine, sans devenir esclave. Les conditions de ce servitium devaient varier infiniment, suivant les exigences de l'un et les besoins de l'autre. Dans tous ces cas, dans tous ceux qu'on peut imaginer, celui à qui ces services étaient dus pouvait justement recevoir le nom de dominus; nul autre que lui ne pouvait régulièrement libérer l'obligé. La circonstance d'une libération accordée a non domino, avec l'intervention royale, ante regem, par la formalité solennelle du denarius, a pu porter le législateur à la déclarer irrévocable: mais le dominus n'en éprouvait pas moins une lésion. L'auteur de l'affranchissement devait donc lui payer une composltion,
Lu § 5 du titre XXXVII prononce une composition au profit du dominus, dont quelqu'un a dépouillé le lite. C'est encore la conséquence du ce que j'ai dit plus haut. Une des principales causes pour lesquelles un homme libre se mettait in servitium quoique ingenuili ordine, était la misère. La première condition qu'on lise dans la formule 44 de Sirmond, c'est que l'obligé recevra des vêtements. Évidemment le dominus lui fournissait des instruments, des moyens non seulement de remplir le service auquel il s'était engagé, mais encore ce qui lui était nécessaire pour travailler à sa subsistance, très souvent même des fonds à cultiver. C'était une sorte de pécule sur lequel ce dominus avait des droits, ne fût-ce que pour être remboursé de ses avances, même des droits plus étendus, tels qu'une nue propriété dont le lite avait l'usufruit, si la convention et l'usage l'avaient ainsi déterminé. Ravir ces objets au lite, c'était donc réellement voler le dominas.
Ces mêmes considérations servent à expliquer un autre passage du § 2 du titre XXVIII, où la loi, en mainterant l'afranchissement, sauf indemnité, ajoute res vero ipsius lidi Iegitimo domino restituantur.
L'objection fondée sur le § 7 du titre XIV, où nous lisons que l'ingenua femina qui se sera librement attachée un lite, ingenuitatem suam perdat, n'est pas moins facile à résoudre. Cette ingenua femina, qu'il faut ici considérer comme femme de première classe, se rabaissait en épousant un homme in obsequio et servitio, et en cela les mœurs des Francs ne furent pas plus imparfaites que celles des peuples modernes. Lorsque autrefois il existait des serfs de mainmorte, la femme libre qui épousait un serf acceptait, par cela même, la condition de son mari. Ainsi peut encore être expliquée sans embarras la disposition du § 15 du titre XIV qui prononce une composition contre l'homme qui lidam alienam in conjugum sociaverit, invito domino. Le mundium sur cette femme appartenant au dominus. il y avait le même motif pour prononcer une composition dans ce cas que dans celui où quelqu'un épousait une fille ingénue sans le consentement de son père, ou de celui qui avait le mundium sur elle : on peut voir ce que je dirai à ce sujet dans la treizième dissertation. A la rigueur, la loi aurait pu prononcer que le mari de la lite deviendrait lite du dominus de la femme qu'il épousait, comme. d'après le § 11 du même titre, l'ingenuus qui épousait servam alienam devenait lui-même esclave du maître de sa femme. Mais précisément parce que les lites n'étaient pas esclaves, on a suivi la règle en vertu de laquelle une femme prend la condition de son mari, et l'on s'est borné à prononcer une indemnité au profit du dominus.
Je crois qu'il ne faut pas davantage être arrêté par les documents qui désignent les lites au nombre des choses vendues. On a des preuves multipliées, notamment dans la cinquième des nouvelles formules de Baluze, que des lites pavaient à leurs domini des redevances appelées Iidemonia. comme des affranchis en payaient qu'on appelait Iibertatica. Certainement les mêmes actes qui énoncent les Iiberti parmi les choses vendues ne prouvent pas que les affranchis fussent esclaves, car il y aurait eu contradiction dans les termes. La bonne logique conduit donc à conclure que ces mêmes documents ne prouvent pas que les lites fussent esclaves. II faut seulement dire que, dans les actes où nous voyons énoncés parmi les objets vendus des Iiti, des Iiberti, ce ne sont pas les personnes qu'on vend; par une sorte de figure très usuelle, on désigne la cause pour l'effet et un nomme lites les affranchis. pour désigner les prestations dues par ces hommes.
II ne reste plus qu'une difficulté. elle résulte du § 6 du titre XIV de la loi Salique. portant que le lite ravisseur dune femme ingénue, de vita componat. Or voici I'objection qu'on peut faire: le titre XLII décide qu'un esclave sera mis à mort lorsqu'il aura commis un crime qui, de la part d'un ingénu, donnait lieu à une composition de XLV sous; celle du rapt étant de LXII sous et demi, l'esclave ravisseur serait mis à mort : la peine de mort est prononcée contre le lite; donc le lite est esclave! L'argument ne serait pas logique. L'assimilation pour la peine d'un crime n'établit pas identité de condition entre les coupables. D'ailleurs cette similitude n'est qu'apparente. La loi contre l'esclave dit: capitali sententia feriatur: voilà la peine de mort absolue, sans restriction. Le loi contre le lite porte, de vita componat; au lieu de payer la composition de LXII sous et demi due par les ingénus coupables de rapt, il payera une composition égale à sa vie propre, c'est-à-dire C sous. Tout ce qu'on peut en conclure, c'est qu'en matière de rapt la loi était plus sévère contre les lites que contre les hommes d'une classe supérieure. En voici sans doute le motif: les rapts d'ingénues que des lites auraient pu commettre étaient ou pouvaient être plus ordinairement envers les personnes de la famille du dominus, à la faveur de la commensalité; outre le délit en Iui-même, il y avait violation du domicile, de la foi jurée au dominus. Ces circonstances expliquent donc la cause d'une sévérité spéciale dont nos lois modernes offrent de fréquents exemples.
Tels sont les motifs qui me décident à ne point ranger les lites parmi les esclaves. Dès qu'ils n'étaient pas esclaves, ils étaient libres; mais leur ingénuité n'était pas complète. Elle était atténuée ou par l'effet de leur origine lorsqu'ils étaient nés dans cet état de lites; ou par une convention, lorsque d'ingénus qu'ils étaient par la naissance ils s'étaient faits lites, du même droit qu'ils auraient pu se faire esclaves; ou, enfin, lorsque, de l'esclavage, ils étaient parvenus à la liberté, ce qui leur donnait la qualité d'affranchis.
Dès que les lites étaient des hommes libres, des compositions pour atteintes à leur personne devaient être déterminées, autrement le silence de la loi eût laissé ces offenses impunies.
Les rédacteurs des coutumes franques ne crurent pas devoir fixer ces compositions au même taux que pour les ingénus. On trouve à la fin du second texte de la Recapitulatio une disposition qui exprime d'une manière très précise et très claire le système général. Ce document est, comme on sait, un résumé des diverses compositions. Quoique le § 4 du titre XLIV de la loi, et le § 9 du titre XI des Capita extravagantia eussent, dans quelques cas isolés, prononcé pour offenses envers un lite la moitié de la composition due à un ingénu, la disposition finale de la récapitulation porte : De litis... haec lex de medietate solvatur. J'en ai déjà fait la remarque, page 459.
Les §§ 27 et 28 du premier texte de la Recapitulatio en offrent une application remarquable. Le titre LXVI de la loi Salique posait en règle générale que tout meurtre commis à l'armée donnait lieu à une composition triple : Si quis hominem in hoste occiderit, triplici compositione componat sicut in patria componere debuit. Ainsi le meurtre d'un ingénu, commis à l'intérieur, donnait lieu, suivant le § I du titre XLIII, à CC sous, Ce même titre, qui avait pensé aux Romains de première et de seconde classe, n'avait rien dit des lites; il ne s'était expliqué à cet égard que pour les meurtres avec attroupement (tit. XLIV, § 4). Mais les §§ 27 et 28 du premier texte de la Recapitulatio prévoient les meurtres commis in hoste, et des ingénus et des lites; pour les premiers, la composition est de DC sous, triple de CC; pour les seconds, elle est de CCC sous, ce qui prouve que la composition ordinaire pour le meurtre de ces hommes, à l'intérieur, n'était que de C sous.
Il y avait une très grande variété dans la situation sociale des personnes à qui j'ai appliqué d'une manière générique la dénomination de lites Le caractère essentiel qui les distinguait de ceux que j'appelle ingenui, c'était leur état de dépendance d'un dominus. L'ingénu pauvre, qui avait à peine assez de bien pour vivre ainsi que sa famille, n'était point lite, s'il s'en contentait; dans cette situation, gênée sans doute et même très précaire, à une époque où les faibles avaient tant à redouter l'oppression des forts, il était réputé pauvre, minoflides; mais son ingénuité n'était point atténuée, il était encore indépendant. Un autre plus riche que lui, qui avait plus de propriétés, mais qui, par un motif quelconque, se mettait au service d'autrui, devenant dans ce cas dépendant et obligé à des devoirs personnels, à des prestations en argent ou en nature, placé sous la juridiction particulière de son dominus et non sous celle du mallum des ingénus, était, dans mon opinion, considéré comme lite.
Au reste la première des deux situations que je viens d'indiquer devint rare de plus en plus. L'intérêt des propriétaires était d'étendre leur supériorité, de rapprocher autant qu'ils le pouvaient les hommes libres de la classe des esclaves, et les malheurs du temps ne les servaient que trop bien, Le besoin ne permettait pas à ces hommes de choisir leur position, et presque toujours ils n'avaient d'autre ressource que de se mettre in obsequio et servitio avec la consolation du moins de servir, ingenuili ordine, sans devenir esclaves. Ainsi, la situation que Salvien (de Gubernatione Dei, lib. V, cap, VIII), avait si énergiquement dépeinte dans les derniers temps de la domination romaine, se reproduisait chez les nouveaux maîtres de la Gaule.
Un grand nombre de ces lites étaient colons, mais libres, ce qui les distinguait des semi-colons, dont je parlerai dans la dissertation septième. Je n'ai point l'intention d'entrer dans des développements sur les effets très variés de leurs obligations envers leurs maîtres; je ne pourrais que répéter ce que M. de Savigny a dit dans une savante dissertation sur le colonat des romains, insérée aux Mémoires de l'Académie de Berlin de 1825, dont M. Pellat a donné un long extrait (Thémis, t. IX, p. 62 et suiv.), et à ce que M. Guérard a écrit sur le même objet, dans la Revue des Deux-Mondes, t. XIX, p. 256.
Je me borne à quelques mots sur les hommes qui, toujours dans un état de dépendance, ingenuili ordine, étaient plus attachés à la personne et à l'intérieur de la famille du dominus que ne l'étaient ou ne pouvaient l'être les colons. On les appelait génériquement aussi, suivant les formules nu du livre II de Marculfe, et aussi gasindi, suivant les formules XXIII. XXIV et XXXII du même livre (15), et un diplôme de Childebert de 546 (16).
Les titres VII et XI des Capita extravagantia emploient le mot militanii comme synonyme de leti, ce qu'ils expriment par le mot vel. Cette dénomination militanii paraît avoir embarrassé Eccard, qui avait publié ce titre dans le texte de Wolfenbüttel. Il propose de lire militanei, correction qu'il est difficile d'admettre, puisque tous les manuscrits sont uniformes. Je crois rependant qu'on peut, sans correction, croire que militanii a pour racine militia, parce que ce mot, ainsi que le verbe militare, ne signifiait pas exclusivement porter les armes, aller à la guerre, et qu'il désignait un service intérieur de maison, une occupation domestique plus ou moins relevée. Ainsi on lit dans la vie de saint Austregisile (ap. D. Bouquet, t. III, p. 467), militare in obsequio.
Je ne nie pas que, dans quelques codes barbares autres que la loi Salique, et dont les rédactions qui nous sont parvenues appartiennent au plus tôt au IXe siècle, on ne puisse trouver des textes ou des inductions pour établir que le mot liti était appliqué à des esclaves. Cela tient à la pauvreté de l'ancienne langue germanique, où le mot leute, confondu avec litus, lidus, a pu recevoir des acceptions diverses, dont le véritable sens ne saurait être fixé que par la place qu'il occupe et les autres expressions dont il est accompagné. Heineccius en avait fait la remarque (17) : Generale enim est nomen leute, unde factum est litus (18) adeoque et servis et libertinis aeque tribui potest.
C'est ce qui arriverait dans un pays dont la langue aurait un mot générique pour signifier les gens, la domesticité. Précisément, par suite de la généralité de l'acception de ce mot, si un homme avait à la fois et des esclaves et des serviteurs libres, il emploierait l'expression mes gens, ma domesticité, pour désigner l'ensemble de ces hommes dépendants de lui à des titres si différents.
On voit par ce qui vient d'être dit que je ne crois pas qu'on doive avec Muratori réduire la dénomination de leti à des affranchis-colons; une telle limitation ne me paraît pas exacte : s'il est vrai qu'un esclave pût par les conditions de son affranchissement être assujetti à des services, ce que j'expliquerai dans la septième dissertation, on a vu aussi que des hommes étaient constitués lites sans avoir été préalablement esclaves. Les documents nomment distinctement les liberti, les coloni, les leti; et tandis que les uns donnent aux redevances dues par les affranchis le nom de libertatica, à celles des colons le nom de colonica, suivant un diplôme de 627 (19), ou merita accolanorum, suivant les formules XLVII de l'appendix de Marculfe, et XXVII de Baluze, il y en a qui appellent ledimonia les redevances dues par les lites. (Baluz. nov. form. V.) D'un autre côté, le livre XXVIII de la loi Salique parle de lites qui accompagnaient leurs domini à l'armée. Je crois donc qu'il faut donner à la dénomination liti plus d'étendue que ne lui en accorde Muratori.
Maintenant, on peut expliquer sans peine la position sociale des lites : ils étaient personnes, puisqu'ils étaient libres, à la différence des esclaves, qui étaient les choses de leurs maîtres.
Mais l'état de dépendance dans lequel ils s'étaient placés, quoique ingenuili ordine, les privait des droits de cité. On trouve dans nos législations modernes, et même précisément dans nos lois françaises. une analogie que j'ai indiquée page 459. Ainsi ces hommes n'étaient point admis aux assemblées où se traitaient les intérêts généraux ou locaux; ils ne participaient point aux jugements dans les mâls. Lorsqu'ils marchaient à l'armée, ainsi que le prouve le titre XXVIII de la loi Salique, ce n'était point sous le commandement direct du grafion de l'arrondissement, comme les ingénus; c'était sous la bannière et la conduite de leurs domini, qui les équipaient, les nourrissaient, mais aussi qui percevaient la part du butin à laquelle ces hommes auraient eu droit pour leur propre compte, s'ils eussent été ingénus. Ils étaient ce que, suivant César (de Bello gallico, lib. III, cap. XXII), les Gaulois appelaient soldarii.
Ils pouvaient acquérir des biens en propre et en disposer, parce que, n'étant pas esclaves, on ne saurait dire que ce qu'ils acquéraient fût pour leurs domini; mais ils n'avaient pas le droit de disposer des choses que ces domini leur avaient confiées pour le service auquel ils s'étaient engagés.
Ils pouvaient ester en jugement, ainsi que je l'ai fait remarquer page 479, mais pour ce qui leur appartenait en propre; car je crois que le dominus était seul habile à soutenir les contestations relatives aux biens qu'il avait donnés à son lite pour les faire valoir.
Lorsqu'un lite était accusé d'un délit, le dominus n'en était pas absolument responsable comme il l'aurait été de son esclave; mais il était tenu de le représenter, faute de quoi il répondait de la condamnation. Cette règle, écrite dans  le titre XXXI de la loi des Ripuaires, me paraît avoir été suivie chez les Francs saliques. Ce dominus était obligé de défendre son lite lorsque quelqu'un commettait des attentats contre sa personne, et je ne doute pas qu'il n'en touchât la composition. Aussi voyons-nous, dans la formule X de Bignon, l'abbé d'un monastère transigeant au sujet du rapt d'une femme qu'il appelle suam, et que cependant il qualifie ingenuam.
Lorsque, la législation criminelle étant devenue plus sévère, certains crimes emportèrent la peine de mort, les lites condamnés étaient exécutés sur les lieux par ordre du comte, sans qu'il fût nécessaire d'en référer au roi. C'est ce qui résulte évidemment du chapitre IX de l'édit de Childebert de 595, où on lit : Si Francus, ad nostram præsentiam dirigatur, et si debilior persona fuerit, in loco pendatur. Quand on croirait que les mots debilior persona peuvent s'entendre, comme le dit M. Naudet, page 472, des ingénus sans fortune, au moins est-il incontestable que les lites dont je parle en ce moment y sont compris.

 

(01) Consulter principalement la Dissertation, De l'état des personnes sous la 1ère et la 2ème race par l'abbé de Gourcy, Paris, 1769; le mémoire de M. Naudet sur le même sujet, Nouveaux mémoires de l'Académie des inscriptions, t. VIII; les Essais sur l'Histoire de France, par M Guizot.
(02) On verra dans la dissertation sixième que les Romains ne recevaient jamais que la moitié de la composition d'un ingénu franc.
(03)  Fredegarii. Chronic. cap. XCV; Chronic. Moissiac. ann. 670.
(04) Vita S. Albini, apud Mabill. Acta SS. S. Bened. sec. I, t. I, p. 109; Vita S. Leodegarii, ap. D. Bouquet, t. II,  p. 609; Charta Carlomani, apud D. Bouquet, t. IX, p. 420.
(05) On verra dans la dissertation septième que, selon moi, ce mot désigne un affranchi. Quand on adopterait une autre opinion, toujours est-il que la composition du puer regis eu moitié moindre de celle que l'ingenuus, et c'est ce qui suffit pour la question actuelle.
(06) la Lex emendata, elle-même n'est pas exempte de doubles emplois qui ne sont pas toujours conçus en termes identiques, j'ai eu soin du le faire remarquer dans les notes.
(07) Xanten ou Senten, lieu situé dans Ie duché de Clèves-Jumier; mais je crois qu'il faut plutôt dire Amerem, situé dans la même région, ce lieu était indiqué deux fois dans le document, chap. XXV et XXVI, par les mots in Amorem. J'en ai donné les motifs dans ma préface en décrivant le manusvrit 75 (suppl. lat.), d'où Baluze l'a tiré.
(08) C'est probablement d'après un document du même genre, où le mot Francus était substitué à antrusto, qu'a été rédige le texte des Septem septennas que j'ai publié pag. 350 et suiv. dont le chap. VII, §§ 6 et 7, prononce contre le meurtre d'un Francus la peine de DC sous.
(09) Voir encore les chapitres III et VI du 3e capitulaire de 819, sur cette synonymie.
(10) Ce dernier mot est remarquable, car il semblerait indiquer que la patente royale devait être vérifiée par le juge local pour s'assurer de la vérité de l'exposé, usage qui avait lieu avant la révolution, lorsque le roi accordait une faveur, les lettres adressées aux juges contenaient S'il vous appert de la vérité de l'exposé, vous aurez à faire jouir l'impétrant.
(11) Voir, sur ce qu'on doit croire relativement à cette liberté du choix, ce que j'ai dit page 443.
(12) Suivant Heineccius, les premiers furent dans la suite appelés nobiles et les autres viles personae; voir Elem. juris German. lib. I, § 74.
(13) Cette partie de ma dissertation a été lue à l'Académie des inscriptions le 26 janvier 1840.
(14) On peut consulter avec fruit la quinzième dissertation de Mustori, Antiquitates italicae medii aevi.
(15) Il est bien vrai que dans la formule XXXVI le mot gasindus paraît synonyme de servus, mais c'est, selon moi, parce que ces mots servaient indistinctement à désigner un homme in servitio alterius, même ingenuili ordine; car dans cette formule le dominus fait une donation à son gasindus, tant pour lui que pour ses héritiers. Voir d'ailleurs les formules XXIII, XXIV et XXXII.
(16) Diplomata, 1ere édit. pag. 51; 2e édit. t. Ier pag. 109.
(17) Antiquitates juris germanici, lib. II, cap. I, § 3, et cap. XI, § 14; Elementa juris germanici, lib. I, § 38.
(18) Je ne crois pas qu'il soit exact de dire que litus vient de leute.
(19) Diplomata, 1ère édit. p. 126; 2e édit. t. Ier, p. 227.