DISSERTATION PREMIÈRE.
DE LA RÉDACTION DE LA LOI SALIQUE ET DE SES DIFFÉRENTES RÉVISIONS (01)
Le nom de loi Salique n'a
longtemps éveillé d'autres idées, que celle d'une grande règle du
droit public français, qui excluait les femmes et leurs descendants,
de la succession au trône (02).
C'est cette règle qu'au XIVe siècle on invoquait en faveur de
Philippe le Long et de Philippe de Valois; encore même, dans cette
circonstance, l'exclusion des femmes n'était pas contestée quoique,
dans le fait, elle ne fût prononcée par aucune loi expresse; il
s'agissait seulement de savoir si le fils d'une princesse inhabile
par son sexe à porter le couronne ne pouvait pas cependant la
revendiquer, lorsqu'il se trouvait le plus proche parent mâle du roi
défunt.
C'est pour maintenir cette exclusion des femmes et de leurs
descendants, que le parlement de Paris rendit le célèbre arrêt du 28
juin 1593.
Enfin, à une époque plus rapprochée de nous, un décret du 1er
octobre 1789, conforme à l'unanimité des cahiers rédigés pour les
députés aux États généraux a proclamé l'hérédité de la couronne par
ordre de primogéniture dans la ligue masculine, à l'exclusion
perpétuelle des femmes et de leurs descendants.
Mais rien de relatif à cette question n'est écrit dans les documents
qui nous sont parvenus sous le nom de loi Salique. La disposition à
laquelle on rattachait le principe politique sur I'hérédité
masculine de la couronne est tout simplement une règle de droit
privé applicable aux successions des particuliers; c'est même une
exception, dont l'objet est d'appeler les mâles à recueillir, par
préférence sur les femmes du même degré, une certaine classe de
biens appelés terra salica, sur la nature et la dénomination
desquels les savants ont longtemps disputé et disputent encore.
Le code ou recueil d'usages connu sous le titre de Lex Salica,
Pactus Legis Salicae, dont je vais m'occuper, est une rédaction
de la plupart des coutumes qui réglaient le droit criminel et le
droit civil des Francs, sous les deux premières races.
Je dis la plupart, car plusieurs titres de la loi salique supposent
d'autres règles sur ces matières, que cependant elle ne contient
pas; ils y renvoient souvent par les expressions secundum legem
Salicam. Divers documents de la première race, notamment les
formules VIII, XXII du livre I de Marculfe, XLVII de l'appendice,
LXXXVIII et CLIX de Lindenbrog, citent, sous le nom de Lex Salica,
des principes qu'on ne trouve point dans les rédactions qui nous
sont parvenues. Les documents connus sous le nom de Septem
septennas et Recapitulatio solidorum, que j'ai publiés
pages 384 et suivantes, indiquent des compositions pour des délits
que ne qualifie aucun de nos textes. On lit dans les diplômes et les
historiens consuetudo regni, loci, patria lex, à l'occasion
de règles dont il n'est point question dans ces mêmes textes (03).
J'ai donné dans les première et deuxième sections de ma préface, la
description de toutes les éditions et de tous les manuscrits de la
loi salique dont j'avais pu acquérir la connaissance. Ce que j'ai
dit, et ce qu'on pourra lire dans les observations qui précèdent
chacune des huit familles, dont ma collection est composée, constate
qu'il a été fait diverses rédactions de cette loi, antérieurement à
l'époque où Charlemagne en fit constater le texte connu vulgairement
sous le nom de Lex Salica emendata.
Toutes ces rédactions sont écrites en latin plus ou moins corrompu.
Cependant on a quelquefois demandé s'il n'en aurait pas existé une
dans l'ancienne langue des Francs dont nos textes seraient la
traduction, ou, pour parler, je pense, avec plus d'exactitude, qui
aurait été le type des rédactions latines.
Je serais porté à le croire. Nous savons, et par l'ouvrage de Tacite
sur les Germains, et par les traditions postérieures, que ces
peuples avaient des magistrats chargés de l'administration
intérieure et de la distribution de la justice; des règles sur
l'autorité des tribunaux et la procédure; sur les mariages, les
successions, les contrats; des usages constants sur la répression
des délits.
Sous ce dernier rapport, il est encore attesté que les poursuites
étaient abandonnées à l'intérêt privé des offensés, ou, en cas de
meurtre, de la famille du défunt; nous lisons même, dans Tacite,
chap. XI, comme dans la loi Salique, qu'une partie de la composition
était payée au fisc, et le reste à ceux qui avaient le droit de
vengeance.
L'expérience, l'habitude, et une sorte de jurisprudence formèrent à
la longue, dans chaque tribu, des règles communes que chacun
connaissait, et dont le souvenir était conservé par l'usage.
Rien n'atteste qu'il ait été fait de rédaction écrite de ces
coutumes des Francs avant l'établissement de Clovis dans la Gaule, à
moins qu'on ne croie trouver cette preuve dans deux prologues des
VIIe ou VIIIe siècles ci-dessus, pages 353 et suiv. qui font
entendre qu'a une époque où les Francs étaient encore idolâtres,
quatre chefs de cantons, proceres electi e pluribus, furent
chargés de constater les usages nationaux, et dictaverunt,
suivant l'un, ou decreverunt, suivant l'autre, les règles qui
devaient servir à former les jugements.
On peut douter que le mot dictaverunt suppose nécessairement
l'emploi de l'écriture (04) : quand
même on le croirait, il est évident, ainsi que l'a dit Leibnitz,
de Origine Francorum, § 29, que cette rédaction dut être faite
dans la langue nationale, et qu'elle resta généralement
traditionnelle. On sait avec quelle merveilleuse facilité les
peuples du Nord conservaient le souvenir de tout ce qui les
intéressait, par des traditions qui passaient de bouche en bouche et
sans altération sensible. Tacite, Germanie, cap. II, assure
qu'ils les mettaient en vers, quod unum apud illos memoriae et
annalium genus.
Je n'ai point l'intention de reproduire tout en que Leibnitz,
Wendelin, Eccard, un grand nombre d'auteurs, et récemment M. Müller,
ont écrit sur le temps et le lieu où la loi Salique a été rédigée.
Presque tout ce qui a été dit par ces savants se rapporte à la
rédaction antérieure à l'établissement des Francs, sous Clovis; et
certainement les textes qui nous sont parvenus n'ont pu être rédigés
qu'à une époque où les Francs saliques étaient devenus maîtres d'une
partie considérable de la Gaule jusqu'à la Loire. Disséminés sur un
vaste territoire, ayant substitué une situation sédentaire à leur
ancienne existence aventureuse, ils sentirent le besoin de constater
avec quelque fixité leurs coutumes nationales, qu'ils n'entendaient
pas abandonner, tout en laissant aux vaincus le droit de suivre leur
lois propres; et pour mieux garante leur sûreté ou pour constater
leur supériorité, ils établirent dans les compositions, par suite
d'attentats aux personnes, une prodigieuse différence entre eux et
les vaincus.
Il est difficile de croire qu'au premier moment où les vainqueurs
étaient animés des haines les plus anciennes et les plus violentes
contre les Romains, ils aient employé la langue de ces hommes qu'ils
méprisaient, et à laquelle il paraît, par le témoignage de
Sidoine-Apollinaire, lib. IV, epist. 17, que dès leurs premières
incursions ils avaient substitué leur idiome barbare. Toutefois, il
faut en convenir, à l'exception des mots de cet idiome admis avec
quelques formes latinisées, ou intercalés comme gloses dans
plusieurs manuscrits de la loi Salique, il est certain que tous les
textes conservés sont en latin.
Il y a cependant un fait digne, selon moi, d'être remarqué. Nos
textes, tout en ayant presque toujours le même objet, et donnant une
décision semblable, différent souvent entre eux par la phraséologie
et les mots employés pour exprimer la pensée, en sorte qu'il paraît
difficile de les considérer comme provenus d'une seule rédaction,
primitivement faite en latin. En les comparant, on est conduit à
penser qu'ils ont dû être des traductions latines d'un original
composé dans une autre langue.
Suivant cette hypothèse, fondée, j'en conviens, sur de simples
conjectures, on pouvait croire qu'au moment où la loi Salique fut
rédigée sur le territoire gaulois, on employa la langue des Francs;
que bientôt cependant la nécessité, plus forte que les haines ou
l'orgueil national, et surtout l'influence du clergé après la
conversion de Clovis, firent prédominer la langue latine sur celle
des barbares.
Dans un tel état de choses, on ne devait pas tarder à traduire la
loi Salique. La grande ressemblance des textes conservés
s'expliquerait par le fait que c'étaient des traductions d'un
original primitif; mais aussi, précisément parce qu'elles seraient
des traductions et non pas des copies d'un prototype latin. il est
assez naturel qu'on ne trouve pas dans toutes les mêmes mots, les
mêmes tournures grammaticales, pour exprimer la même pensée.
Quelle que soit l'opinion qu'on adopte sur mes conjectures relatives
à la possibilité qu'il y ait eu un texte primitif en langue des
Francs, il est incontestable qu'il ne nous est parvenu que des
rédactions latines: tout espoir d'en trouver dans l'ancien idiome me
semblerait chimérique.
Cela ne doit pas empêcher rependant de rechercher quel est, parmi
ces textes latins, celui qu'on peut considérer comme le plus ancien.
Évidemment ce n'est pas celui qui porte pour titre, Lex salica a
Carolo magno emendata : d'abord, parce qu'une correction suppose
nécessairement l'existence d'un texte antérieur; en second lieu,
parce que la date de cette rédaction qui, à la vérité, varie entre
768 et 798, est connue et nomme Charlemagne.
Il faut donc, pour ce qui concerne cette recherche, mettre de côté
tous les manuscrits, toutes les éditions de la Lex emendata,
et, comme on l'a vu dans ma préface, ce sont les plus nombreux; il
faut la faire porter uniquement sur les manuscrits des rédactions
qui ont précédé cette révision.
La plupart des savants ont cru que, parmi ces textes, l'antériorité
devait être attribuée à ceux, où se trouvent des mots malbergiques,
sur ceux où il n'en existe pas au contraire Wiarda considère le
texte de la Lex emendata, purgé de tous ces mots, comme le
plus ancien de tous.
Je ne puis partager aucun de ces deux avis. Je crois que tout peut
se résumer en une proposition extrêmement simple.
Lors même qu'orn croirait que la première rédaction de la loi
Salique, faite après la conquête et sur le sol de la Gaule, a été
écrite en latin, cette langue n'offrait pas toujours des mots
propres à bien rendre certaines dénominations d'actions judiciaires,
de délits, de conventions exclusivement relatives auxs usages des
Francs. D'un autre rôté, on dut éprouver la nécessité d'offrir un
secours à ceux qui connaissaient peu la langue latine; on employa
donc des mots barbares destinés à indiquer la matière dont il
s'agissait dans le titre, et à former une sorte de mnémonique propre
à rappeler la coutume dans l'idiome national.
Si l'on suppose que nos textes latins sont des traductions d'un
original en langue franque, lequel aura été perdu par le peu
d'intérêt qu'on avait à le conserver, quand la langue latine fut
devenue universelle, on comprend encore mieux l'utilité et même la
nécessité de mots barbares restés dans le texte latin.
Les mots sont de deux espèces : les uns précédés des lettres malb.
indiquent probablement ou la rubrique, ou le premier mot en langue
nationale, du titre ou chapitre, peut-être des vers ou de la formule
d'action judiciaire dont on donne la traduction ou à laquelle on se
réfère; les autres, sans être accompagnés des lettres malb. sont
employés et mêlés dans le corps de la loi, que quelquefois avec une
traduction précédée des mots id est, quelquefois seuls et
dans une forme latinisée, par l'impossibilité où l'on était sans
doute d'en trouver les équivalents en latin.
Ce secours utile, nécessaire même au Ve siècle, ne l'était plus à la
lin du VIIIe. Les rédacteurs de Charlemagne supprimèrent les
mots barbares qui formaient double emploi avec leurs équivalents
latins, et traduisirent ceux qui étaient restés sans équivalents.
La Lex emendata n'offre donc point de gloses malbergiques;
elle a seulement conservé, soit dans le texte, soit dans les
rubriques des mots de l'ancienne langue qu'on désespérait de pouvoir
bien traduire en latin.
Quant aux textes autres que la Lex emendata, l'existence de
gloses malbergiques ne me paraît pas être en elle-même un motif de
conclure que ceux qui en contiennent offrent plus exactement que les
autres la rédaction primitive.
Dans certaines localités, où la langue romaine était tellement
générale que les Francs y avaient oublié leur ancien idiome, les
copistes ont pu supprimer les mots malbergiques, que, ni eux-mêmes,
ni personne n'entendait plus; c'est précisément ce qu'a fait
l'auteur du manuscrit de Munich, qui a pris soin d'en avertir dans
un prologue, et qui même prétend que ces mots sont grecs, verba
graecorum, ainsi qu'on l'a vu page 195, note 1er.
Dans d'autres pays, les copistes, quoiqu'en transcrivant des
rédactions déjà très modifiées, ont pu conserver les gloses par
routine, ou même par utilité locale.
Si l'on en croit du Cange. Glossarium mediae et infimae
latinitatis, v° Lex salica, le texte primitif serait
celui qu'Herold a publié en 1557. Mais il suffit de le lire pour
être convaincu du contraire. Je ne reproduirai point ici les preuves
que j'en ai données pages 221 et suivantes.
Pouvons-nous trouver ce texte primitif dans la rédaction insérée au
tome II du Thesaurus de Schilter, dont j'ai donné un meilleur
texte pages 117 et suiv.; rédaction évidemment plus ancienne que la
Lex emendata? Pas davantage! La rubrique du titre XCIX atteste
que ce titre, composé du temps du paganisme, avait cessé d'être en
vigueur; dans les titres LXXV, LXXVI et LXXVII, il est question
d'attentats contre des églises et des prêtres.
Mais un examen attentif des autres textes m'a conduit à une solution
plus satisfaisante; je crois pouvoir démontrer:
1° Que sous le règne de Clovis il a été fait une rédaction des
coutumes des Francs saliques appropriée à leur nouvelle situation
dans la Gaule;
2° Que cette rédaction contenait uniquement les matières traitées
dans les titres dont sont composés le livre Ier de la Lex prima
du manuscrit de Wolfenbüttel, les trois premiers textes que j'ai
publiés dans cette collection et les soixante-cinq premiers titres
du manuscrit de Munich.
Pour établir ces deux points je dois rendre compte de quelques
documents.
Dans presque toutes les éditions, et dans plusieurs manuscrits, on
lit une sorte de résumé des compositions commençant par: Sciendum
est quod in quibusdam salicis inveniuntur CAPITULA PRINCIPALIA
sexaginta quinque, in quibusdam vero septuaginta; in quibusdam etiam
paulo plus aut paulo minus (05).
Un épilogue que j'ai publié page 347 porte : Liber legis salicae
quem primus rex Francorum statuit; et postea una cum Francis
pertractavit ut.... aliquid adderet, sicut a primo ita usque ad
LXXVIII duxerit. Deinde vero Hilbebertus port multum tempus
tractavit ut quid invenire potuerit ibi cum suis Francis addere
deberet, a LXXVIII usque ad LXXXIV pervenit, quod ibi digne
imposuisse cognoscitur. Iterum cum hos titulos Chlotarius a germano
suo seniore gratanter suscepit, sic et ipso similite... Invenit ut a
LXXXIV adderet et ipse perferctum perduxit.
Les anciens éditeurs français ont, comme je l'ai fait observer page
326, remplacé primus rex par Chlodoveus; et, en fait,
cette correction n'est autorisée par aucun manuscrit. Cependant je
ne doute pas que le mot primus rex ne désigne Clovis; il
suffit, pour en être convaincu, de se reporter aux deux prologues
que j'ai imprimés pages 343 et suiv.
L'épilogue, d'après la plupart des manuscrits, tout en constatant
que Clovis a d'abord fait rédiger la loi Salique, et en disant qu'il
y a fait des additions, se borne à indiquer que la rédaction
première, ainsi que les additions, sont depuis I jusqu'à LXXXIV
inclusivement.
Mais dans le manuscrit de Wolfenbüttel (voir ci-dessus page 192), on
distingue la rédaction principale des additions faites par le rex
primus, qui, ainsi que je l'ai dit, me paraît désigner Clovis.
La rédaction première est, suivant cet épilogue, a primo titulum
usque ad sexagesimum secundum; les additions a sexagesimam
tertium titulum usque ad septuagesimum octavum: le reste est
attribué à Childebert et à Chlotaire.
Ces documents contenus dans des manuscrits que les savants
reconnaissent être du IXe, même du VIIIe siècle, quoique postérieurs
d'environ trois cents ans à l'époque vers laquelle je me reporte, me
paraissent attester une notoriété que nous aurions mauvaise grâce à
révoquer en doute aujourd'hui.
En s'occupant seulement de ce qui concerne Clovis, le premier des
rois francs dont il y soit question, on voit qu'ils constatent deux
choses : 1° que ce prince fit d'abord, statuit, la loi
Salique; 2° qu'il y fit des additions postea pertractavit ut ad
titulos aliquid adderet.
Il ne faut pas toutefois se méprendre sur le sens du mot statuit.
Sous la première race et même sous la seconde, le roi n'avait point
seul le pouvoir législatif. Les Francs avaient conservé l'usage des
Germains, attesté par Tacite cap. XI, De minoribus rebus
principes consultant, de majoribus omnes. Ce que nous lisons
dans le chapitre IV d'un capitulaire de 864, lex fit consensu
populi et constitutione regis, était reconnu par Charlemagne,
tout puissant qu'il fût, dans le chapitre XIX d'un capitulaire de
803 dont je donnerai bientôt le texte, et où précisément il s'agit
d'additions à la loi Salique.
Très évidemment Clovis suivit la même marche que celle qui, d'après
les prologues cités plus haut avait été suivie antérieurement. Des
hommes notables, electi e pluribus, firent une rédaction dont
l'objet principal dut être d'accommoder les usages nationaux à la
nouvelle situation opérée par la conquête. Avant cette époque, il
n'y avait pas eu d'intérêt à prévoir les offenses qu'un Franc
pourrait commettre contre un Romain, et réciproquement: il était
impossible de ne pas s'en occuper dès que les vainqueurs et les
vaincus habitaient le même territoire; on les prévit effectivement,
mais en appliquant la loi du plus fort relativement aux compositions
entre les Francs et les Romains. A part ces dispositions, peut-être
aussi celles qui concernent les antrusions, et quelques autres,
difficiles à signaler, les coutumes déjà suivies, soit qu'elles
fussent écrites, soit qu'elles fussent simplement traditionnelles,
entrèrent dans la nouvelle rédaction.
Clovis, comme chef de la tribu salique, promulgua ce travail; il en
ordonna l'exécution : voilà. selon moi, le véritable sens du mot
statuit. Or je pense que cette rédaction ou révision, faite sous
l'autorité de Clovis et promulguée par lui, fut ce que les documents
dont j'ai rendu compte appellent Capitala principalia.
Il s'agit maintenant de voir si nous avons assez d'éléments pour
reconnaître ce qui en formait la matière.
Le manuscrit de Wolfenbüttel me semble fournir à cet égard de
précieux renseignements. Ainsi qu'on l'a vu page 192, il annonce une
collection, conlatio, divisée en quatre livres. Le premier
commence au titre De mannire, et finit au titre De caballo
mortuo excorticato, LXXIIIe d'après mon édition, lequel est
suivi des mots : explicit lex prima: incipit secunda. Je dois
de plus rappeler que ces soixante-huit titres n'en font réellement
que soixante-cinq, comme je l'ai expliqué pages 158 et 159.
Ce sont précisément ces mêmes soixante-cinq titres, sauf quelques
variantes de mots ou de sommes des compositions, sans importance
pour la question, qui forment les soixante-cinq premiers du
manuscrit 4404, la totalité du texte des manuscrits 63 (sup. lat.).
4403* (anc. fonds), et 252 F. 9 (fonds N. D.), ainsi que les
soixante-cinq premiers titres du manuscrit de Munich.
Ces mêmes matières forment identiquement les soixante-huit premiers
titres de la la Lex emendata. depuis De mannire,
jusqu'à De caballo excorticato; et cette différence de trois
numéros a été expliquée page 267, note 2.
Si de soixante-huit titres nous en déduisons trois, il reste
précisément un nombre de soixante-cinq, tous identiques avec les
soixante-cinq dont j'ai parlé plus haut, à l'exception de quelques
variantes, ou de quelque, rajeunissements de style.
Cette coïncidence ne saurait être le résultat du hasard; elle
démontre ce qu'attestent la Recapitulatio et l'épilogue,
qu'il a existé des Capitula principalia dont on respectait la
forme et la place, même lorsqu'on y faisait des additions.
Mais à des conjectures qui me paraissent si décisives, je peux
ajouter une preuve matérielle.
On se souvient que j'ai parlé, dans ma préface et page 1er, d'un
manuscrit de la Bibliothèque royale, 4404 (anc. fonds) composé de
soixante et seize titres, dont les soixante-cinq premiers commencent
par De mannire, et finissent par De caballo excorticato,
répondant à ceux que j'ai indiqués comme formant les Capitola
principalia. Le LXVIe titre de ce manuscrit a pour rubrique
de mitio fristito
J'ai encore parlé, page 224, d'un manuscrit 119 de Leyde (Bibl.
royale. suppl. lat. 1046). qui a quelque similitude avec notre 4404.
Ce manuscrit contient un épilogue à peu près semblable à celui que
j'ai cité plus haut; mais il porte de plus les expressions
suivantes, que j'ai déjà transcrites page 347 : Hec sunt nomina
eorum qui fecerant lege salicae, Visuat, Aroast. Saleanats, Vicats,
qui vero manserant in lege salicae in budice do mitio frestatitro.
Tout mauvais que soit ce latin, on le comprend; même le mot
budice qui pouvait venit de l'allemand biutan, et
signifier ordonnance, édit, loi; car on sait que souvent les divers
chapitres d'un code sont appelés de ces noms (06)..
On peut donc traduire ainsi : Voici les noms de ceux qui ont fait la
loi Salique : Visuast, Aroast, Saleanats, Vicats, qui se sont
arrétés, en faisant cette loi, au titre intitulé : De mitio
frestatitro.
Les noms de ces commissaires sont évidemment les mêmes que ceux
qu'on lit dans les prologues dont j'ai donné les textes pages 343 et
suiv. sauf les erreurs des copistes qui les ont presque dénaturés,
car l'orthographe n'est la même dans aucun manuscrit : ce qui prouve
que Clovis fit copier l'ancien travail.
Mais les prologues imprimés laissaient ignorer où finissait ce
travail appelé dans les documents Capitula principalia. Le
manuscrit de Leyde comble la lacune. Il atteste que primitivement on
s'arrêta au titre De mitio fristito ou frestatitro,
titre qui précisément, dans le manuscrit 4404, le seul qui le
contienne, est le soixante-sixième, et suit immédiatement le titre
De caballo excorticato, le dernier de soixante-cinq titres
que j'appelle Capitula principalia.
On pourrait faire une objection à laquelle je crois devoir répondre.
La Lex prima du manuscrit de Wolfenbüttel, déduction faite de
deux doubles emplois et en laissant de côté la subdivision d'un
titre en deux, se compose. comme on l'a vu pages 158 et 159, de
soixante-cinq titres, et cependant, pourrait-on dire, l'épilogue de
ce manuscrit ne porte qu'a soixante-deux les titres qu'il attribue
au premier roi : a primo usque ad sexagesimum secundum!
J'en conviens; mais comme il en résulte une contradiction qui, d'un
côté ou de l'autre, a besoin d'être corrigée, je crois que la
correction doit être faite dans le chiffre du texte de Wolfenbüttel.
Ce chiffre est écrit en caractères romains; ne peut-on pas supposer
que le copiste a oublié de mettre un v entre l'x et les deux II, ce
qui aurait fait LXVII, précisément le nombre matériel des titres
qu'il donne à la Lex prima ?
Quiconque voudra jeter les yeux sur ce texte de Wolfenbüttel y
reconnaîtra des fautes bien plus grossières et non moins évidentes.
On y trouve fréquemment des déplacements de mots, de phrases, de
membres de phrases, même de portions de titres, qui le rendent
parfois inintelligible. Assurément la faute que je signale et que je
propose de corriger est une de celles qu'on rencontre le plus
habituellement dans les meilleurs manuscrits.
Je crois donc avoir résolu la première question que je m'étais
proposée, avec autant de certitude ou, si l'on veut, de probabilité
qu'il est possible d'en espérer relativement à un document âgé de
quatorze cents ans.
J'ajoute, sur la foi des prologues et de l'épilogue, que ce travail
a été fait sous le règne de Clovis.
Je ne dois pas dissimuler cependant que plusieurs écrivains,
s'appuyant sur l'autorité très suspecte de l'auteur des Gesta
Francorum, écrivain (07) qui
d'ailleurs ne paraît pas avoir connu d'autres documents que nos
prologues, ont attribué la rédaction de la loi Salique à Pharamond,
d'autres à Clodion. Goldast même, Const. imperial. t. III, p.
2, sans s'autoriser d'aucun manuscrit, a donné à son édition (qui,
par parenthèse, est le texte de la Lex emendata d'après
Lindenbrog), l'intitulé de Lex a Pharamundo promulgata; et
Haubold, un des plus savants jurisconsultes de notre âge, dans ses
Tabulae juris chronologiae fixe la rédaction de la loi
Salique à l'an 422, probablement d'après la chronique d'Albéric, où
on lit à l'an 423 : Franci legibus uti coeperunt. Vertot,
Mémoires de l'Académie des Inscriptions. t. II. p. 605, croit
que le texte publié par Harold est plus ancien que le règne de
Clovis.
Mais ces auteurs n'invoquent aucune autorité contemporaine qui
puisse me décider à renoncer aux raisons que ai déjà données pour
prouver que la loi Salique, au moins telle que nous la font
connaître les plus anciennes rédactions conservées, appartient à une
époque où les Francs avaient conquis sur les Romains les parties de
la Gaule dont les Visigoths et les Bourguignons ne s'étaient pas
encore emparés.
J'ajoute que cette rédaction a eu lieu avant que le christianisme
fût devenu leur religion nationale. En effet, les trois premiers
textes de ma collection, que je considère comme les plus anciens, la
Lex prima du manuscrit de Wolfenbüttel et les soixante-cinq
premiers titres de celui de Munich, ne contiennent pas, comme les
autres, des dispositions contre ceux qui tuent les prêtres, pillent
ou brûlent les églises, ni la prohibition des mariages entre proches
parents que prononça, pour la première fois, relativement aux
Francs, le chapitre III de l'édit de Childebert de 595. On n'y
trouve point au titre de la Chrenecroda, comme cela est écrit
dans le titre XCIX du IVe titre, et dans le titre LXI de l'édition
d'Herold, que c'était un usage du paganisme, aboli précisèment
encore par le même édit de 595. chap. VI.
Enfin le manuscrit de Leyde en donne une dernière preuve plus
positive. Il contient à la fin du titre II une disposition qu'on ne
trouve dans aucun autre texte, et qui mérite d'être remarquée :
Non est sacramentum in Francos; quando illi legem composuerunt, non
erant christiani.
Ce témoignage est d'autant plus curieux qu'il se trouve dans un
manuscrit de la loi Salique littéralement conforme, pour les
soixante et onze premiers titres. sauf l'existence de ce titre II,
au texte que Charlemagne a adopté.
Il y a donc eu. comme le dit Adrien Valois. tome I. page 120, une
rédaction de la loi Salique faite aux premiers temps où les Francs
fondèrent leur empire dans la Gaule. Assurer que les textes qui me
paraissent les plus anciens ont conservé précisément et exactement
cette première rédaction serait téméraire sans doute; mais il est
probable qu'ils l'ont conservée en très grande partie. On peut même
affirmer que, s'ils représentent des révisions de cette première
rédaction, ces révisions ne sont point postérieures à 554, époque à
laquelle Childebert 1er promulgua le célèbre édit De abolendis
idolatriae reliquiis.
Après avoir attesté que Clovis fit rédiger et qu'il promulgua la lui
Salique, le grand prologue et l'épilogue ajoutent que ce prince y a
fait des additions. On lit dans l'épilogue, primus rex, et
dans le prologue, Chlodoveus, statuit capitala principalia ;
et nous les avons retrouvés au nombre de soixante-cinq dans les
manuscrits: puis, postea una cum Francis pertractavit, ut ad
titulos aliquid adderet.
Effectivement. le manuscrit de Wolfenbüttel, le 4404 de Paris et 119
de Leyde, et l'édition d'Herold contiennent des dispositions
présentées comme partie de la lex salica, qui ne sont, ni
dans les soixante-cinq Capitula principalia, ni dans la
rédaction de Charlemagne. Le nombre en est même très considérable.
Ces documents nous apprennent encore que, dans la suite, Childebert
et Chlotaire firent aussi des additions, et, quoiqu'il existe des
variantes sur le nombre des titres ajoutés, quoiqu'il puisse y avoir
d'assez grandes difficultés pour découvrir ce qui, dans les
additions, appartient à ces princes, le fait en Iui-même paraît
incontestable.
Je vais me livrer à quelques recherches sur cet objet.
Déjà on a vu qu'entre les Capitula principalia et la Lex
emendata il y avait une différence de cinq, six, même sept
titres, selon qu'on porte le nombre des titres de cette loi à
soixante et dix. soixante et onze ou soixante et douze; mais les
explications données page 422 prouvent que le nombre réel doit être
réduit à trois, quatre ou cinq.
Un assez grand nombre de titres qu'on ne trouve point dans les
soixante-cinq Capitula principalia, et que les rédacteurs de
la Lex emendata n'ont point admis, a été conservé dans les
manuscrits 4404 (anc. fonds), 119 de Leyde, dans celui de
Wolfenbüttel et l'édition d'Herold.
Le manuscrit 4404 en contient vingt-six, savoir f° 194 verso et
suivants; immédiatement après le titre XLV, dernier des Capitula
principalia, douze titres qui sont les LXVI, LXVIbis (08),
LXVII, LXVIII, LXIX, LXX, LXXI, LXXII, LXXIII, LXXIV, LXXV et LXXVI;
à la suite de ces titres, mais sans numéros ni rubriques, trois, f°
196 verso; plus aux f° 127 verso et suiv, onze aussi sans numéros,
mais qui la plupart ont des rubriques.
Il n'en résulte pas pour cela une augmentation de vingt-six titres,
parce que les trois sans numéros, f° 196 verso, sont reproduits dans
les onze des f° 227 verso et suiv., ce qui réduit le nombre réel à
vingt-trois.
Le manuscrit 119 in-4° de Leyde dont la Bibliothèque royale possède
une copie 1046 (suppl. lat.). contient trente-cinq titres qu'on ne
trouve point dans la Lex emendata.
Mais il ne faut pas ajouter ce nombre à celui de vingt-trois, fourni
par le manuscrit 4404, parce que le titre II en partie, les LXXII,
LXXIII, LXXIV, LXXV, LXXVI, LXXVII, LXXVIII, LXXIX, XCVII, XCVIII,
XCIX, C, CI, CII, CIII, CIV, CV se trouvent dans ce même manuscrit
4404. Il n'y a donc réellement que dix-sept titres du manuscrit de
Leyde à joindre aux vingt-trois du 4404. ce qui forme un total de
quarante.
Le manuscrit de Wolfenbüttel ne fournit rien qu'on puisse ajouter à
ce nombre. ll contient à la suite de la Lex prima, laquelle
répond aux soixante-cinq Capitula principalia, comme on l'a
vu page 422, une série de vingt-six titres, de LIX [68] à XCIV [93]
inclusivement, dont il faut déduire quatorze, de LXXVIII [77] à XCI
[90] inclusivement, lesquels consistent dans le pacte entre
Childebert et Chlotaire, et la Decretio de ce dernier.
Restent dopuze, savoir LIX [68], LXX [69], LXXI [70], LXXVII [71],
LXXIII [72], LXXIV, [73], LXXV [74], LXXVI [75], LXXVII [76], XCII
[91], XCIII [92], XCIX [93], réduits même à onze, au moyen de ce que
LXXIV [73] et XCII [91] forment double emploi.
Or, ces onze titre, sont identiques, sauf quelques variantes sans
importance pour la question actuelle, avec un pareil nombre de
titres des quarante dont je viens de parler, ainsi que j'ai eu soin
de l'indiquer dans les variantes et dans les notes de ces quarante
titres.
Le manuscrit de Munich, quoique composé de quatre-vingt-trois
titres, et par conséquent offrant, en sus des soixante-cinq
Capitula principalia, dix-huit titres, ne nous fournit rien,
parce que quinze de ces titres représentent le pacte et la
Decretio, et trois des extrais de la loi des Bourguignons.
L'édition d'Herold ne contient que sept titres non admis dans la
Lex emendata, savoir : LXXIV, LXXV, LXXVI, LXXVII, LXXVIII,
LXXIX, LXXX. Ces deux derniers étant des résumés de compositions
analogues. quoique beaucoup moins développées, aux documents connus
sous la dénomination de Recapitulatio solidorum, je ne les
compte pas (09). Je ne compte point non
plus le titre LXXV, qui forme double emploi avec une partie du titre
XXVIII de la même édition (10). Restent
done cinq, qui sont identiques avec un pareil nombre des quarante
indiqués ci-dessus.
II résulte de ces calculs qu'en dehors, non seulement des
soixante-cinq Capitula principalia, mais même de la Lex
emendata, portée au nombre le plus étendu, celui de soixante et
douze titres, les manuscrits et l'édition d'Herold offrent un total
de quarante titres surnuméraires, dont j'ai cru devoir former une
division spéciale sous le nom de Capita extravagantia, pour
employer un mot admis dans la langue du droit.
A ce simple aperçu, on est tenté d'accuser d'ignorance ou de
négligence les personnes à qui Charlemagne avait confié le soin de
revoir le texte; ou, si on ne croit pas devoir leur adresser ce
reproche, il faut chercher le motif d'une telle omission.
Je crois qu'elle s'explique par les notions que j'ai données, page
423, sur l'ancien droit public des Francs relativement à la
confection des lois.
Des documents authentiques, appartenant au règne de Charlemagne, ou
aux premières années du règne de Louis le Débonnaire, c'est-à-dire à
une époque où l'autorité centrale était très forte, et où
l'extension considérable du territoire rendait les grandes
convocations nationales très difficiles, attestent que les seuls
actes qui eussent un caractère immuable de loi étaient les
résolutions consenties dans l'assemblée générale. S'il est vrai que
les rois fissent des decreta, edicta, praecepta,
capitularia, quelquefois de leur propre mouvement, le plus
souvent par l'avis des grands et des conseillers attachés à leur
personne, ces actes, tout en recevant une exécution provisoire,
n'étaient pas des lois proprement dites; ils étaient révocables par
la seule volonté du roi, sans qu'il fût nécessaire de consulter
l'assemblée nationale; ils n'acquéraient le caractère de loi que par
l'acceptation des intéressés, consensu omnium; alors ils
cessaient d'être appelés capitularia pour prendre le nom de
leges.
C'est ce qu'on lit dans le chapitre XIX du IIIe capitulaire de 803 :
Ut populus interrogetur de capitalis quae in lege noviter addita
sunt; et postquam omnes consensierint, subscriptiones et
manufirmationes in ipsis capitulis faciant; et surtout dans le
chapitre V d'un capitulaire de 821 : Generaliter omnes admonemus
ut capitularia quae, praeterito anno legi Salicae per omnium
consensum addenda esse censuimus, non ulterius capitula, sed tantum
lex dicantur, immo pro lege teneantur.
Je ne me livre point à une conjecture hasardée en assurant que ce
qui était un principe constant, reconnu et authentiquement proclamé
par le chef de l'État en 803 et 821, avait lieu dans les siècles
précédents.
En appliquant cette théorie à la loi Salique et aux additions qu'ont
reçues les Capitula principalia, nous arrivons à une solution
qui me paraît sastifaisante.
En ce qui concerne les Capitula principalia, les prologues
attestent assez qu'ils furent convenus consensu omnium, et
avec la solennité d'une assemblée générale; j'ai expliqué
suffisamment, page 424, que les mots quae statuit s'entendent
seulement d'une promulgation. Le chef qui n'était pas assez fort
pour s'attribuer un vase dans le partage du butin de Soissons ne
devait pas prétendre à être seul législateur, privilège que
Charlemagne lui-même n'osait s'arroger.
Mais on ne tarda pas à reconnaître la grande difficulté qu'il y
avait à réunir tous les hommes libres pour délibérer sur les règles
de droit, dont le besoin se faisait sentir à mesure que
l'établissement des Francs dans la Gaule recevait de l'extension et
de la fixité. L'autorité royale dut y pourvoir. C'est probablement
ainsi que Clovis addidit quid deinceps. Ses successeurs
agirent de même; et comme ces actes de l'autorité royale, sans être
précisément des lois, n'en étaient pas moins mis à exécution par les
comtes, plusieurs copistes de la loi Salique purent y joindre ce qui
avait été ainsi ajouté. Je suis même convaincu que la plupart de ces
Capita extravagantia n'ont pas été rédigés par ordre des
rois; qu'ils sont simplement des résultats de la jurisprudence des
plaids, ajoutés, par les soins des comtes ou de quelques
chanceliers, aux textes de la loi, pour en expliquer et en
développer le sens, ou pour constater des coutumes, peut-être de
simples usages locaux sur des points que cette loi n'avait pas
prévus; car le peuple même dont la législation est la plus
volumineuse ne peut espérer qu'elle prévoira tous les cas : ce sont
la jurisprudence et l'usage qui remplissent les lacunes.
On peut croire qu'un grand nombre de ces additions fut recueilli par
les auteurs du manuscrit 4404 de Paris, de Wolfenbüttel, 119 de
Leyde, et de ceux qui ont servi à l'édition d'Herold. D'autres
copistes, au contraire, continuèrent de transcrire les soixante-cinq
Capitula principalia, cest-à-dire la seule véritable loi Salique, en
se bornant à y faire quelques interpolations; c'est ce que
démontrent trés bien les manuscrits 4403* (anc. fonds), 65 (suppl.
lat.) et 252 ( F 9. fonds N. D.).
Mais comme la plupart des additions dont je viens de parler
n'avaient pas acquis un caractère législatif par des délibérations
nationales. Charlemagne ne les a point admises dans son édition de
la loi Salique (11).
C'est à dessein que j'emploie le mot édition. On aurait, ce me
semble, une fausse idée du travail ordonné par ce prince, si l'on
croyait qu'il fit une nouvelle loi Salique. Il la prit telle qu'elle
était au moment où, pour employer les propres expressions de son
capitulaire, jussit scribere legem Salicam. Il n'avait en
cela d'autre intention que de purger le texte d'une multitude de
mots inintelligibles, et quelquefois d'en châtier la latinité. On
respecta tellement la rédaction en usage, qu'on y laissa subsister
les dénominations de criniti et incriniti, relatives aux jeunes
Francs, quoique l'usage en fût changé; même le porcus sacrirus,
et la Chrenecruda, qui appartenaient aux temps du paganisme.
Charlemagne fit, pour la loi Salique, la même chose que pour les
livres saints, ainsi que le constate le capitulaire de 788, où on
lit: universos veteris ac novi intrumenti libros, librariorum
imperitio depravatos...examassim correximus.
Mais il ne s'en tint pas là; il s'occupa des changements dont lui
paraissait susceptible cette loi dont il venait de fixer le texte.
Dès l'année 803 il rédigea de nouveaux titres, pauca et
imperfecta, cependant, d'après le témoignage d'Eginhard. Les
premières lignes de son capitulaire contiennent ces mots
remarquables, proponendo addere jussit: et immédiatement le
chapitre XIX d'un autre capitulaire de la même année 803 déclare que
le peuple franc, convoqué en assemblée nationale, délibérera sur
leur adoption.
C'est ce que fit également son fils Louis le Débonnaire, en 819.
pour des titres nouveaux, qu'il soumit à l'approbation du peuple en
821.
Il me paraît donc résulter de ces différents faits que, si les
soixante-cinq Capitula principalia, rédigés avec le concours
de la tribu des Francs, et revêtus du caractère de loi, ont reçu
beaucoup d'additions dans divers manuscrits, le plus grand nombre de
ces additions n'était point considéré comme loi proprement dite au
moment où Charlemagne fit épurer le texte, et qu'en conséquence on
ne les inséra point dans l'édition emendata.
Je livre ces conjectures à l'appréciation des savants. Quelque
opinion qu'on adopte, il est certain que ces additions, en dehors et
des Capitula principalia, et même de la Lex emendata,
existent dans una grand nombre de manuscrits fort anciens, tous
portant l'intitulé Lex salica.
M. Pertz a inséré dans le tome IV de la collection Monumenta
Germaniae historica, celles qu'il avait trouvées dans le
manuscrit 4404 de Paris et 119 de Leyde. ll a en cela rendu un
véritable service aux savants, puisque à peine la moitié de ces
titres avait été publiée par Eccard et Herold. et souvent d'une
maniére inexacte.
Mais en outre M. Pertz a cru devoir classer ces titres dans un ordre
d'après lequel il attribue les uns à Clovis, les autres à
Childebert, les autres à Chlotaire, les autres enfin à un prince
inconnu.
Comme il n'est point entré dans une discussion critique pour
développer les motifs de son opinion, et même comme dans son
avertissement il témoigne quelque incertitude, je dois m'expliquer à
cet égard.
M. Penrz a pensé que les titres placés ou indiqués dans les deux
manuscrits 4404 de Paris et 119 de Leyde, à la suite du titre De
caballo excorticato, et avant l'Edictum Chilperici regis,
constituaient les additions faites à la loi Salique par Clovis, et
c'est sous cette dénomination qu'il les a publiés.
Je partage son sentiment, et voici mes motifs. Les prologues
et l'épilogue dont j'ai cité les textes portent lex salica quam
rex primus statuit et postea une cum francis (al. obtimatis)
pertractavit. Le mot postea indique un trait de temps
entre ce que Clovis a fait d'abord, statuit, et ce que postea
pertractavit. Si nous avons des lestes dans lesquels on ne trouve
que les Capitula principalia, tels 4403* (anc. fonds),
65 (suppl. lat.), et 252 (F. 9, fonds N. D.); si on trouve aussi des
textes qui comprennent d'abord ces Capitula principalia dans
le même ordre, et qui ensuite y ajoutent immédiatement d'autres
titres, on doit naturellement en conclure que ces additions sont les
plus ancienne, et par conséquent celles que les prologues et
l'épilogue attribuent à Clovis. Je vois donc une très grande
probabilité en faveur du parti qu'a pris M. Pertz.
On demandera peut-être pourquoi il en serait autrement des titres
qui n'ont aussi aucune indication d'auteur dans les manuscrits, et
dont plusieurs se trouvent même dans le manuscrit de Wolfenbüttel et
l'édition d'Herold. Je réponds que les manuscrits 4404 de Paris et
119 de Leyde constatent très expressément un point de séparation
entre les titres dont je viens de donner la désignation et les
autres. Ce point de séparation, c'est l'édit de Chilpéric, indiqué
seulement par son titre dans le 4404, et contenu dans le seul
manuscrit de Leyde.
Cet édit, dont la publication est due à M. Pertz, et qui juqu'en
1837 était resté dans l'oubli, n'est pas plus une partie de la loi
Salique, que ne le sont le Pactus pro tenore inter Childebertum
et Chlotarium, ou la Decretio de ce dernier prince,
ajouté à la loi dans les manuscrits de Wolfenbüttel et de Munich. II
a un caractère remarquable de spécialité. On voit, par les termes de
sa rédaction, qu'il n'a été fait que pour les états de Chilpéric, ce
qui écarte toute idée d'une législation cummune à tous les Francs;
il me paraît donc que, dans les manuscrits, qui l'indiquent ou qui
le contiennent, cet édit détermine un point d'intersection; il
atteste que les chapitres ou titres dont il est précédé sont d'un
autre auteur que les titres dont il est suivi.
Nous trouvons même dans le grand prologue et dans l'épilogue des
inductions, je pourrais dire des preuves, que les titres inscrits à
la suite des soixante-cinq premiers, et avant l'édit de Chilpéric,
appatiennent à Clovis.
L'épilogue porte que le primus rex Francorum, après avoir
promulgué, statuit, la loi Salique, la continua, perduxit,
jusqu'au chapitre LXXVIII exclusivement. Or. j'ai prouvé que les
Capitula principalia sont au nombre de soixante-cinq; en y
ajoutant les douze chapitres qu'avec M. Pertz j'attribue à Clovis,
on arrive exactement au nombre de LXXVIII (12)
Les manuscrits 4404 de la Bibliothèque royale et 119 de Leyde
contiennent encore, comme on l'a vu, d'autres titres, qu'on peut
considérer comme des coutumes saliques (13).
M. Pertz, se fondant sur l'autorité du grand prologue et de
l'épilogue qui désignent Childebert et Chlotaire comme auteurs
d'additions à la loi, en attribue huit à Childebert, trois à
Chlotaire, et dit-sept à un prince dont le nom serait inconnu.
C'est ici qu'à mon grand regret je ne puis être de l'avis de ce
savant. Il est bien vrai que l'épilogue et le prologue nomment
Childebert et Chlotaire comme auteurs d'additions à cette loi; ils
attestent même que ces deux princes se sont concertés pour les
faire; mais peut-être ne me sera-t-il pas très difficile de
démontrer que ces documents ont entendu, par les mots aliquid
addidit, les deux actes connus sous le nom de Pactus pro
tenore pacis inter Childebertum et Chlotarium, et Decretio
Chotarii, actes qu'en effet les auteurs des manuscrits de
Wolfenbüttel et de Munich ont confondus dans une même série de
numéros avec la loi Salique, ainsi qu'on l'a vu plus haut.
Toutefois, sans renoncer à cette preuve dont je m'occuperai plus
bas, je veux bien concéder que les additions attribuées par le
prologue et l'épilogue à Childebert et à Chlotaire se trouvent dans
les titres de nos manuscrits qui ne l'ont partie ni des soixante
cinq Capitula principalia, ni des douze chapitres qu'avec M.
Pertz j'attribue à Clovis.
Mais sur quoi se fonde ce savant pour attribuer huit de ces titres à
Childebert, trois à Chlotaire, dix-sept à un prince inconnu, et même
pour laisser entièrement de côté trois autres titres publiés par
Herold qu'il n'emploie point dans cette distribution?
Il invoque l'autorité du prologue et de l'épilogue; soit! Mais alors
il faut les prendre tels qu'ils sont et ne point s'écarter de leur
texte.
Les manuscrits de ces documents et de la Recapitulatio qui,
par l'effet de quelques erreurs de chiffres, varient sur le nombre
des Capitula principalia, s'accordent tous à dire qu'au moyen
de la rédaction primitive de Clovis. et des additions dont il peut
être considéré comme l'auteur, le nombre des titres fut porté à
soixante et dix-sept, usque ad titulum LXXVII, parce que dans
la manière de compter adoptée par les rédacteurs le chiffre indiqué
est toujours exclu de la numération.
Tous sont d'accord que Childebert addidit a LXXVIII usque ad
LXXXIV, c'est-à-dire qu'il fit les titres LXXVIII, LXXIX, LXXX,
LXXXI, LXXXII, LXXXIII; la plupart ajoutent que Chlotaire
perduxit legem a LXXXIV, sans dire où il s'arrêta.
Le manuscrit de Wolfenbüttel présente seul une variante. II
s'accorde avec les autres pour dire que le dernier titre fait par
Childebert est le LXXXIIIe, mais il ne commence qu'au LXXXIXe les
titres qu'il attribue à Chlotaire, et les porte jusqu'au XCIIIe.
Comme le chiffre est en lettres romaines, je crois qu'au lieu du
dernier X de LXXXIX il faut lire un V, et alors ce manuscrit ne
différera pas des autres.
En tout cas, la leçon unanime des manuscrits n'attribue que six
titres à Childebert. Sur quoi donc M. Pertz se fonde-t-il pour lui
en attribuer huit? Le plus grand nombre des manuscrits attribue à
Chlotaire depuis et y compris LXXXIV jusqu'à la fin, sans déterminer
le chiffre; pourquoi M. Pertz lui en attribue-t-il seulement trois,
et met-il le reste sur le compte d'un prince inconnu?
S'il a donné la préférence à la leçon du manuscrit de Wolfenbüttel,
ce manuscrit, tel qu'il est, en attribuerait cinq à Chlotaire, et en
le corrigeant, comme je crois qu'on doit le faire, il lui en
donnerait dix.
Mais ce n'est pas tout ! En admettant que les documents permettent
d'attribuer huit titres à Childebert et trois seulement à Chlotaire,
rien ne justifie le partage que M. Pertz fait entre les deux rois.
Aucun des manuscrits qui contiennent nos Capita extravagantia
n'est d'accord avec les autres pour l'ordre dans lequel il les
donne.
Dans le manuscrit de Wolfenbütte, les titres LXXVIII [77] à XCI [90]
inclusivement consistent dans Pactum inter Childebertum et
Chlotarium, divisé en quatre titres, et dans la Decretio
Chlotarii, divisée en dix titres.
Dans le texte d'Herold, qui contient seulement soixante et dix neuf
titres, les deux qu'on devrait attribuer à Childebert ont pour
rubrique : 1° In quantas causas thalaptas debeant jurare;
2° De delatura. Le second de ces titres n'est pas même
employé par M. Pertz.
Le manuscrit de Paris 4404 est celui dont les rubriques s'accordent
avec l'édition de M. Pertz, parce qu'en effet c'est ce manuscrit qui
lui sert de point de départ. Les titres dont il s'agit ( f° 227
verso et suiv.) y forment une série particulière de I à XI. Si on
veut les admettre en continuation des soixante et dix-sept titres de
la loi, y compris les additions que M. Pertz et moi attribuons à
Clovis. ils seront numérotés de LXXVIII à LXXXVIII. Pour se
conformer à l'épilogue, il faudra donner LXXVIII, LXXIX, LXXX,
LXXXI, LXXXII, LXXXIII à Childebert, LXXXIV, LXXXV, LXXXVI, LXXXVII
et LXXXVIII à Chlotaire; or ce n'est même pas ce qu'a fait M. Pertz,
qui attribue à Childebert depuis LXXVIII jusqu'à LXXXV.
Une plus grave difficulté se présente si on consulte le manuscrit
119 de Leyde. Il contient cent cinq titres (14),
et, parmi les titres qui vont de LXXVIII à LXXXVIII, on ne trouve
pas un seul de ceux que M. Pertz attribue à Childebert et à
Chlotaire.
C'est le cas, ce me semble, d'appliquer la règle de critique qui
veut que, sans s'égarer dans des conjectures, on s'arrête là où des
traditions et les monuments cessent d'offrir quelques bases aux
investigations, sauf à reprendre et à poursuivre lorsqu'il
apparaîtra de nouvelles lumières.
Nous pouvons croire que Clovis a ajouté douze titres, et je les
reconnais dans ceux que M. Pertz lui attribue; encore bien que ce
savant n'ait pas motivé sa détermination, je crois en avoir donné
des raisons solides.
Nous pouvons présumer que Childebert et Chlotaire ont ajouté l'un et
l'autre le reste, usque ad finem; mais les documents dans
lesquels on prend cette preuve ne nous offent aucune base certaine
pont attribuer à ces rois tels plutôt que tels titres. La saine
critique fait donc une loi de ne rien déterminer, et de ne pas faire
des distributions qui nécessairement seraient arbitraires.
Mais j'ai raisonné jusqu'ici dans l'hypothèse que Childebert, et
Chlotaire étaient auteurs de quelques-uns des titres additionnels
dont il vient d'être question, et que le prologue et l'épilogue
devaient être interprétés dans ce sens, hypothèse évidemment la plus
favorable au système de M. Pertz. Je crois cependant que tel n'est
point leur véritable sens, et que les additions attribuées par ces
documents à Childebert et Chlotaire consistent simplement dans le
Pactus de ces deux princes et la Decretio du dernier.
Ces pièces se trouvent annexées à la loi Salique dans presque tous
les manuscrits; et même dans ceux de WolfenbütteI et de Munich, ils
forment une seule série de titres comme partie intégrante de cette
loi.
Lorsqu'on en fait une lecture attentive, on reconnaît facilement que
le titre du Pactus pro tenore pacis ne désigne pas un traité
pour terminer une guerre ou faire une alliance politique; c'est une
loi rédigée en commun pour le maintien de la paix publique dans les
états limitrophes des deux rois. Ce document, tel qu'il nous est
parvenu, consiste en huit chapitres; il prononce la peine de mort
contre les voleurs. à compter du jour où les nouvelles mesures
contre le brigandage, post interdictum latrocinium, auront
été promulguées, peine qui n'était point prononcée par la loi
Salique. II maintient à la vérité, les compositions pécuniaires;
mais ce ne sont plus les simples compositions, telles qu'elles
étaient réglées jusqu'alors, suivant la nature et l'objet des vols;
c'est la composition de la vie, c'est-à-dire la somme moyennant
laquelle pouvait se racheter celui qui avait encouru la peine de
mort. On trouve dans ce document la première trace de l'intervention
du magistrat pour la répression des crimes. II est défendu à la
personne qui a arrêté le voleur de composer avec lui sans le
concours du juge, sine judice, sous peine d'être déclarée
complice, latroni similis.
Chlotaire fit, de son côté, une loi intitulée Decretio, qui
avait pour objet d'assurer dans ses états l'exécution du Pactus
pro tenore pacis qu'il avait fait avec Childebert. II en
reproduit, en termes presque semblables, plusieurs dispositions; il
y ajoute d'autres mesures (15).
La très grande affininité de ces documents avec quelques parties de
la lui Salique, a laquelle même se réfère le chapitre V du pacte, a
probablement conduite les rédacteurs du prologue et de l'épilogue
dont j'ai parlé plus haut à considèrer Childebert et Clothaire comme
auteurs d'additions à cette loi; et c'est aussi ce qui parait avoir
été l'opinion des rédacteurs des manuscrits de Wolfenbüttel et de
Munich.
D'autres copistes avaient sans doute agi ainsi; et c'est d'après des
exemplaires de cette espèce qu'ont pu être rédigés le prologue et
l'épilogue.
Chacun usant arbitrairement du droit de diviser les deux documents
dont il s'agit en plus ou moins de titres, il n'est pas surprenant
qu'on ait attribué à ces princes un nombre qui me cadre pas
rigoureusement avec les deux manuscrits où nous les voyons confondus
dans la loi Salique. Mais, selon moi, ces deux documents n'en font
point partie, et doivent conserver l'individualité que leur donnent
presque tous les manuscrits, notamment ceux de la Lex emendata.
On a vu en quoi mon opinion différait de celle de M. Pertz,
relativement aux titres autres que ceux qu'il attribue à Clovis.
Cette dissidence ne m'empêche pas de rendre à ce savant la justice
qui lui est due pour avoir appelé le premier l'attention sur deux
manuscrits, l'un de la Bibliothèque royale, 4404 (anc. fonds), dont
il est surprenant que Baluze ne se soit pas servi, ou du moins n'ait
pas parlé, puisqu'il appartenait à Colbert; l'autre, 119 de Leyde,
qui ayant appartenu à Vossius, a passé entre les mains de Paul
Petau, et dont cependant personne n'avait pensé à faire usage.
Quelle que soit au surplus l'opinion qu'on adopte dans ce
dissentiment entre M. Pertz et moi, il n'en reste pas moins démontré
qu'en dehors des soixante-cinq Capitula principalia dont mes
trois premiers textes sont composés et de la Lex emendata, il
existe quarante titres ou chapitres dont quelques-uns seulement sont
compris dans les éditions d'Herold et d'Eccard, mais avec des fautes
qui les rendaient souvent inintelligibles, fautes qu'on peut
corriger aujourd'hui, en partie du moins, à l'aide des manuscrits
4404 de Paris et 119 de Leyde; et que les autres étaient entièrement
inédits avant que M. Pertz les publiât en 1837.
On ne peut donc méconnaître le grand service que ce savant a rendu à
ceux qui ne dédaigneront pas de faire quelques études sur la loi
Salique. Sa collection des Monumenta qu'il poursuit avec
autant de courage que de succès produira les mêmes résultats et dans
un cercle bien plus vaste, puisque, pour les deux premières races,
les documenta historiques sont communs entre la France et
l'Allemagne.
Ce n'est pas toujours en établissant des systèmes qu'on peut être
utile. On ne saurait refuser une juste reconnaissance aux hommes de
génie qui, sans altérer on méconnaitre les sources, ont présenté des
aperçus nouveaux, ou tiré des faits constatés, des conséquences
utiles à l'éclaircissement de nos antiquités; mais il est permis de
réclamer des encouragements, j'oserai dire des suffrages, pour ceux
qui s'occupent de la recherche des documents, seule base d'une saine
critique.
(01) Cette dissertation est
extraite d'un mémoire dont j'ai fait, le 14 juin 1839, la dernière
lecture à l'Académie des inscriptions.
(02) Voir les dissertations de Vertot, Mémoires de l'Académie des
inscriptions, tome II, p. 603; de Poncemagne, tome VIII, page
490; de Bonamy, tome XVII, page 372; de Sallier, t. CC, page 459, et
un grand nombre d'ouvrages indiqués dans la Bibliothèque historique
de la France, tome II, pages 844 et suiv.
(03) Les citations les plus importantes ont été réunies par Mlle de
Léardière, Théorie des lois politiques de la monarchie française,
tom. II, 3e partie, pag. 190 et suiv.
(04) Voir Hertius, Notitia veterum Germaniae populorum, lib.
I; Heineccius, Historia juris civilis ac romani, lib. II, §
11 et seqq.
(05) On en trouve ci-dessus deux textes, l'un page 355 et suiv.
l'autre 358 et suiv.
(06) M. Pertz croit qu'il faut lire codice : peut-être
lirait-on aussi bien indice, signifiant la rubrique qu'on
tire du titre qu'on désigne.
(07) Rerum Gallic. et Francisc. scriptores, t. II, pag. 542.
(08) Le copiste ayant oublié d'écrire en encre rouge la rubrique du
titre Si quis hominem de farcas, etc. ne lui a pas donné de
numéro: mais la table constate la distinction entre ce titre et
celui qui précède.
(09) Ces titres De delatura qu'on trouvera ci-dessus page
263, et incipiunt chunnas, qu'on trouvera page 156 et suiv.
(10) J'aurais pu indiquer encore quelques dispositions interpolées
dans divers titres de cette édition, mais elles n'offrent rien qui
ne se trouve dans les quarante titres fournis par tes manuscrits
4404 et 119 de Leyde.
(11) En effet les seul titres vraiment nouveaux qu'elle contienne
sont, comme je l'ai dit page 267, note 2, les LXIII, LXIX et LXX,
que les rédacteurs de Charlemagne ont sans doute pris dans quelques
lois nationales dont la date ne nous est pas connue.
(12) II y a cependant une légère difficulté dans ce calcul : le n°
LXXVII étant donné à l'édit de Chilperic, ce serait le n° LXXVI que
devrait porter le dernier des chapitres que M. Pertz et moi nous
attribuons à Clovis, mais cela provient de ce que le manuscrit 4404
n'a point donné de numéro au titre Si quis de farcas, ainsi
que je l'ai expliqué dans le notes de la page 426; l'impossibilité
qu'il y a de le confondre avec celui dont il parait faire partie m'a
décidé à le numéroter LXVIbis; ce qui détruit toute apparence
d'objection.
(13) Ce manuscrit n'offre que 103 numéros qui, par l'omission du
chiffre CI, ne formeraient que le nombre 102; mais il y a trois
titres sans numéros, ce qui fixe le nombre à 105; voir la
table rectifiée que j'en ai donnée pages 324 et suivantes.
(14) Je ne suis pas, comme je l'ai dit, page 432, note 2, le
numérotage du manuscrit, lequel est très inexact, mais la tabte
rectifiée que j'ai imprimée page 624 et suivantes.
(15) Je n'ai pas cru devoir comprendre ces actes dans ma collection
: ils sont imprimés dans un grand nombre de recueils, notamment dans
Baluze, tome 1er, dans le tome III des Monuments de Mr. Perz,
et dans le tome 1er de la nouvelle édition des Diplomata.
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