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table des matières de LOIS

 

LOIS DES HOMÉRITES

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

LOIS DES HOMÉRITES[1]

 

ΝΟΜΟΙ ΤΩΝ ΟΜΕΡΙΤΩΝ

 

 

A l’angle sud-ouest de la péninsule arabique se trouve un pays habité par une population d’origine arabe et célèbre dans l’antiquité par sa fertilité et sa richesse.[2] C’est l’ancien royaume de Saba, dont il est fait mention dans la Bible. Là se trouvait la nation des Homérites ou Himyarites, dont la capitale Negra, paraît avoir été une très grande ville. Les géographes grecs, Eratosthène et Artémidore en parlaient avec admiration. Strabon qui nous a transmis leur témoignage le confirme sur tous les points. « C’est au commerce, dit-il, que les Sabéens doivent d’être devenus, avec les Gerrhéens, la nation la plus riche de toute l’Arabie. Comme les Gerrhéens, ils ont un très grand luxe d’ameublement, de vaisselle d’or, d’argenterie, un très grand luxe aussi de lits, de trépieds, de cratères et de coupes, bien en rapport, du reste, avec la magnificence d’habitations dans lesquelles les portes, les murs, les toits ont des revêtements d’or et d’argent, incrustés de pierres précieuses ». Mais ces vendeurs de parfums, ces commissionnaires en soie et en perles ne paraissent pas avoir été des soldats redoutables. Habiles à recueillir et à exporter l’encens, ils se défendaient mal contre leurs voisins aguerris,

India mittit ebur molles sua tara Sabaei.

Quand les Romains, maîtres de l’Égypte, entrèrent en relations avec les populations de l’autre bord de la mer Rouge, ils trouvèrent les Homérites sous la protection des Éthiopiens d’Axum. Le préfet d’Égypte, Aelius Gallus y conduisit une expédition qui fut d’abord brillante.[3] Negra fut prise, et aussi plusieurs autres villes. Il fallut cependant évacuer le pays dont l’abord était difficile, mais le protectorat n’en resta pas moins établi sur Negra comma sur Axum. Sous le régime de la paix romaine l’agriculture et le commerce furent plus florissants que jamais. A Mariaba, autre capitale des Sabéens, sur une montagne couverte de forêts magnifiques, régnait un despote qui nominalement était maître de tout, mais en pratique se contentait de jouir de ses richesses et se renfermait dans son harem dont il ne pouvait sortir sans courir le risque d’être lapidé par ses sujets qui prétendaient tenir ce droit d’un ancien oracle.

Les Homérites n’avaient primitivement d’autre religion que celle de tous les Arabes avant Mahomet. Ils sacrifiaient au soleil, à la lune, aux démons, et adoraient des idoles; mais les étrangers qui venaient en grand nombre s’établir dans ce riche pays y apportèrent des cultes nouveaux. Ce furent d’abord les juifs, après la destruction de Jérusalem par Titus, puis les chrétiens qui avaient commencé par convertir les Ethiopiens d’Axum. Le judaïsme, d’abord dominant, fut remplacé par le christianisme à la suite d’une mission envoyée par l’empereur Constance. Mais les deux partis restèrent constamment en lutte, et les chrétiens trouvaient toujours chez les empereurs d’Orient un puissant appui.[4]

En l’an 523 le roi des Homérites était un juif appelé Dunaan. L’empereur Justin qui se préparait à faire la guerre aux Perses jugea utile de resserrer ses relations avec les Arabes et décida le roi d’Éthiopie Eleshas, chrétien comme lui, à détrôner Dunaan. Une armée éthiopienne envahit le pays des Homérites, chassa Dunaan et mit des garnisons dans toutes les places, mais à peine les Éthiopiens avaient-ils repassé la mer que Dunaan revint avec une très nombreuse armée et mit le siège devant Negra. Une seconde expédition était nécessaire. Cette fois Dunaan fut vaincu et remplacé d’abord par un chrétien nommé Émésiphée, puis, après l’abdication de celui-ci, par un autre chrétien nommé Abraham. Les chrétiens ainsi délivrés d’une sanglante persécution reçurent pour évêque, à la place d’Aréthas qui avait souffert le martyre, un Italien, d’origine milanaise, appelé Gregentius. Le premier soin du nouveau roi et du nouvel évêque fut de rédiger une loi générale pour tout le pays. Cette loi fut sanctionnée par le roi et acceptée solennellement par les principaux personnages de la nation réunis en assemblée générale. Le texte, inséré dans la vie de saint Aréthas, a été publié pour la première fois en 1833 par M. Boissonade.[5]

Il a paru suspect au savant P. Pitra, auteur du recueil des canons de l’Église grecque.[6] Assurément la loi des Homérites n’est pas un recueil de canons ecclésiastiques, mais rien n’autorise à penser que ce ne soit pas effectivement une loi. Le caractère religieux dont elle est empreinte s’explique par les circonstances. Les dispositions qu’elle contient sont assez conformes à celles des pays orientaux et n’ont en elles-mêmes rien d’invraisemblable. D’autre part, on ne voit pas quel intérêt aurait conduit le rédacteur de la vie de saint Aréthas à commettre un faux, ou à imaginer de toutes pièces une législation qui n’aurait jamais existé. L’exactitude des faits exposés dans sa chronique est incontestable et se trouve confirmée par l’autorité de Procope.[7] Pourquoi en serait-il autrement de la loi qui se trouve rapportée dans le récit des faits?

Rien n’empêche donc de croire qu’elle a réellement été en vigueur chez les Homérites, à partir de l’an 522. Elle a dû disparaitre un siècle plus tard après la conquête par Mahomet et la conversion de toute l’Arabie à l’islam.

Sans attacher à ce monument législatif plus d’importance qu’il n’en mérite, nous croyons pourtant qu’il n’est pas à négliger. Quoiqu’il emprunte beaucoup au droit romain, surtout à celui du Code et des novelles, il s’en écarte souvent d’une manière notable. Le système des peines y est modifié, comme il le lut plus tard à Byzance sous les empereurs iconoclastes, et la mutilation y tient une grande place après la mort, la confiscation et le fouet. Les crimes contre les mœurs y sont rigoureusement punis. Enfin l’emprisonnement avec travail forcé y joue, à côté de l’amende, un rôle inconnu dans l’époque classique du droit romain, et l’influence des idées chrétiennes se fait sentir dans l’admonestation à laquelle sont soumis les condamnés.

A côté du droit criminel proprement dit viennent se placer les règlements de police qui forment à peu près la moitié du Code, police des mœurs, de la rue, des marchés, des métiers; défense de maltraiter les esclaves, Les femmes, les enfants, même les bêtes de somme, interdiction de la mendicité, institution d’asiles pour les indigents, d’hospices pour les vieillards, d’hôpitaux pour les malades, répression de l’ivresse, etc. Toutes ces dispositions sont effectivement sanctionnées par l’application de l’amende et de l’emprisonnement. Presque partout l’influence des canons de l’Eglise est sensible. L’interdiction du travail les jours de dimanche et fête est un des points sur lesquels la loi insiste le plus.

La loi intervient dans les rapports de famille pour limiter le droit de correction qui appartient aux parents sur leurs enfants, au mari sur sa femme. Elle permet aux veufs et aux veuves de se remarier, mais une fois seulement. Elle impose au père l’obligation de pourvoir au mariage de ses enfants lorsqu’ils sont parvenus à un certain âge, et cela sous peine d’amende et même de bannissement. Le droit qu’ont Les parents de s’opposer au mariage de leurs enfants n’est pas absolu.

Enfin la loi reconnaissant que depuis un certain temps les loyers des maisons ont été portés à des taux exagérés, décide qu’ils seront tous baissés d’un tiers, disposition étrange si elle n’était peut-être une mesure révolutionnaire de réaction contre des persécuteurs.

Dans l’analyse de cette loi nous avons à dessein éliminé toutes les citations tirées de l’Écriture sainte. Il est d’ailleurs facile de les retrouver si l’on veut, en se reportant au texte. Il nous a semblé utile de resserrer une expression prolixe, et de simplifier des dispositions qui se perdent dans des longueurs.

La loi paraît avoir contenu originairement articles; elle n’en a effectivement que 63, l’article 41 ayant été omis par le copiste du manuscrit.

La ville de Negra, capitale du pays des Homérites était très peuplée, μυρίανδρος dit la relation du martyre de saint Aréthas, et divisée en trente-six quartiers ou régions ῥεγεῶνες, administrées chacune par un préfet γειτονιάρχης.

§ 1. C’est d’abord à eux que le roi s’adresse pour l’exécution de sa loi, qui sera ensuite publiée dans tout le reste du royaume. Ils sont chargés de prévenir et de poursuivre les crimes, d’en arrêter les auteurs et de les envoyer au prétoire, πραιτῶριον, où ils seront jugés.

§ 2, 3, 4. Ces crimes sont le meurtre, l’adultère, l’inceste, la bestialité κτηνοθήρια, la sodomie. La peine est la mort, sans doute par la décapitation. Les sorciers et les empoisonneurs sont condamnés au feu. Quant aux imposteurs γόητες et aux faux témoins, on leur coupe l’extrémité de la langue.

§ 5. Le voleur revoit avant tout des coups de bâton, jusqu’à cinquante. Il est ensuite marqué au front, dépouillé de tout, même de son chiton, et on le renvoie en lui disant « Frère, fais attention, ne vole plus, car si tu es pris tu subiras une plus forte peine ».

S’il récidive, on doit le conduire devant le lieutenant du roi qui lui fait couper le tendon du pied gauche. On le dépose ensuite dans l’asile des indigents πτωχοτοφεῖον, né il recevra sa nourriture journalière.

§ 6. Toute personne, homme ou femme, qui fait acte de prostitution est punie de cent coups de fouet; on lui coupe l’oreille gauche et on lui rend la liberté après lui avoir confisqué tout ce qu’elle possède. Cette peine s’applique même à la femme non mariée. Si un homme qui n’a pas de femme est pris avec une femme qui n’a pas de mari, et qu’ils consentent à être unis légalement, ils sont relâchés à la demande du prêtre et reçoivent la bénédiction nuptiale.

§ 7. L’homme qui est pris avec une femme mariée est amputé de la partie du corps pur laquelle il a péché, et la femme est amputée du sein gauche.

§ 8. L’homme qui a une femme légitime et qui la laisse pour prendre une concubine est amputé de la partie du corps par laquelle il a péché. Mais si son épouse vient dire : « Je ne tiens pas compte de ce péché à mon mari, dût-il me tromper dix mille fois. Je veux avoir mon mari indemne », en ce cas le mari reçoit deux cents coups de fouet, il est amputé de l’oreille gauche, ses biens sont confisqués et il est rendu à sa femme.

§ 9. Même peine quand la femme est adultère. — Seulement au lieu du sein gauche, elle perd l’oreille gauche — s’il convient au mari de cohabiter avec elle. Mais s’ils sont pris en récidive, ils subiront la peine primitive, l’une perdant le sein gauche et l’autre sa virilité. Si la femme est prise, par la suite, commettant encore le même crime, el[e est battue et bannie de la ville.

§ 10. Si le fils d’un riche aime une fille pauvre, et que ses parents s’y opposent par dureté de cœur ou par mépris, la loi les unira et les parents fourniront la dot à leur fils, ainsi que le commande l’ordre royal. Même disposition pour la fille riche qui aime un jeune homme pauvre.

§ 11. L’homme libre qui épouse une femme esclave devient lui-même l’esclave du maître ou de la maîtresse de cette femme.

Même disposition pour la femme libre qui est assez insensée pour s’unir â un esclave.

§ 12. Chacun doit avoir sa femme, et une seule, et fuir la prostitution maudite.

§ 13. Tout père est tenu de pourvoir au mariage de ses enfants depuis dix ans jusqu’à douze ans, à moins de maladie. L’infraction à cette disposition est punie des peines suivantes

Le coupable paye au préfet de sa région

S’il est riche, 6 livres d’or.

S’il a une fortune moyenne, 3 livres d’or.

S’il est au-dessous de la moyenne, 1 livre et demie.

S’il est encore inférieur, 1 livre.

L’échelle varie ensuite comme suit 36 νομίσματα puis 18, 9, 4 ½, 2 1/3, 1/6 et enfin (1/12).

Cette somme doit être payée sans délai. Le père en retard est amené en justice et banni de la ville si le roi y consent.

§ 14. Toutes ces amendes sont proportionnelles à la fortune des contrevenants. Elles sont recouvrées par les préfets de chaque région assistés des soldats qui sont attachés à leur service.

§ 15. Tout homme qui voit son prochain commettre une action mauvaise ou défendue par la loi et qui ne révèle pas le fait au préfet de sa région, doit recevoir, s’il est riche, soixante et douze coups. S’il est pauvre il payera quatre νομίσματα d’or; s’il est encore plus bas il payera 3, 2 ou même 1 νόμισμα d’or.

§ 16. Toute personne, homme ou femme, qui favorise la débauche ou sert d’entremetteur de turpitude avec des enfants ou des eunuques, sera amputée de la moitié de la langue.

§ 17. Ceux qui prêtent leur maison pour faire la débauche et qui reçoivent et cachent chez eux les personnes qui se livrent à des actes contraires aux lois auront leurs biens confisqués et seront bannis de la ville.

§ 18. Ceux qui arrêtent les femmes en chemin et leur font violence sont punis de cent coups de bâton et de l’amputation des deux oreilles, si la femme les reconnaît et appuie sa déclaration par un serment. En cas de récidive ils reçoivent deux cents coups et sont bannis.

§ 20. Ceux qui se promènent au marché et sur les places, et portent leurs mains impudemment sur les femmes libres qui passent, poussés par de honteux désirs, reçoivent, s’ils ont été vus, ou si la femme se plaint, soixante et douze coups de fouet au milieu du marché, où la foule est la plus épaisse; leurs biens sont confisqués, après quoi ils sont admonestés et relâchés. En cas de récidive ils ont la main coupée.

§ 21. Il est interdit aux chrétiens de posséder des débauchés, adultères, sodomites, magiciens ou enchanteurs ou autres se livrant à de pareils métiers.

§ 22 et 23. L’homme, créature de Dieu, ne peut se faire justice â lui-même sous aucun prétexte. Il doit d’abord consulter la loi, ainsi que la loi l’ordonne, qu’il soit un grand personnage, riche ou pauvre, délateur ou agent de police, qu’il fasse partie de notre Cour, qu’il soit soldat ou quelque autre de ceux qui vivent sous notre puissance. A partir de ce jour quiconque osera frapper, donner un soufflet ou un coup de pied, un coup de bâton ou de fouet, à n’importe qui, avec ou sans juste motif, sans permission de la loi, soit sur le marché, soit sur la voie publique, soit dans une maison, seront punis. Il y a exception pour les maîtres d’école qui enseignent aux enfants les sciences et les arts en même temps que les lettres, pour le maître qui corrige son esclave, pour le père qui corrige sou fils ou sa fille. Encore faut-il qu’il y ait juste motif. Toute infraction est punie de trente-six coups de fouet et de l’amputation d’un doigt de pied, les biens du coupable sont confisqués, après quoi il est relâché.

§ 24. Il n’est pas permis au mari de battre sa femme. Le débauché rentre à la maison à l’heure de minuit; sa femme lui reproche de rentrer si tard, il ne peut supporter ce reproche et se met à battre. Alors même que la femme se livre à la débauche il n’est pas permis au mari de la frapper. Tout ce qu’il peut faire c’est de la citer en justice. Si elle a été prise en flagrant délit elle subira la peine portée par la loi contre la femme adultère. Toute infraction à la présente disposition est punie comme suit : si le coupable est riche il recevra trente-six coups de fouet et sera relâché après admonestation; s’il est pauvre il sera puni en proportion de ses ressources. En cas de récidive les biens sont confisqués. Si le produit de la confiscation est peu de chose, le préfet le partagera avec ses soldats; s’il est considérable il sera remis au trésor royal et le coupable sera banni de la ville.

§ 25. Lorsqu’une personne, homme ou femme s’est enivrée sans mesure, marche en chancelant à travers les rues, bat les murs à droite et à gauche, on doit s’emparer d’elle et l’enfermer jusqu’au lendemain matin. Lorsqu’elle aura cuvé son vin on la fera sortir et elle recevra soixante coups de bâton, ou la moitié si c’est une femme. Elle sera ensuite relâchée après admonestation.

§ 26. On observera ceux qui chargent leurs bêles de somme ou eux-mêmes de poids lourds et difficiles à porter. Ils seront arrêtés, recevront trente-six coups de fouet et seront ensuite relâchés après admonestation. La charge normale d’un fort mulet est de douze métrètes, celle d’un mulet ordinaire de dix, celle d’un petit âne de huit, ou, si l’âne est chétif, de six.

§ 27. Au jour de la fête royale ou du saint dimanche on ne vendra que ce qui est nécessaire pour la vie des hommes ou des bêtes. En cas d’infraction tout l’étalage, à l’exception des aliments dont la vente est permise, sera confisqué et le contrevenant chassé de la ville. Tout ce qui sera pris ainsi: cheval, bœuf, mouton, grands animaux vivants à l’exception de ceux qui sont tués dans le marché et les oiseaux qui se vendent, les vêtements et toutes autres marchandises, à l’exception des bois sous seront le profit du préfet de la région et des soldats.

§ 28. Au jour de grande fête ou de saint dimanche, si quelqu’un conduit une charge de marchandises, à l’exception des victuailles ou encore à l’exception de ceux qui partent pour un long voyage ou qui s’embarquent et se chargent d’un fardeau, eux ou leur bête, la charge sera confisquée et la bête aussi. Le contrevenant sera souffleté et chassé.

§ 29. En général, il est défendu de vendre, de porter des fardeaux, de fouiller la terre, de faire œuvre servile et de travailler les dimanches et jours de fêle, à moins de dispense accordée par le roi. Les objets portés ou vendus seront confisqués et les contrevenants seront relâchés après avoir reçu vingt-quatre soufflets.

§ 30 et 31. Certains hommes, forts de ce qu’ils sont employés par les magistrats ou par le roi, jettent aux pauvres vendeurs la moitié du prix dû sur les vivres qu’ils achètent, tyranniquement, enlèvent les marchandises et s’en vont, ou disent des injures, ou donnent des coups. S’ils sont pris sur le fait ils recevront douze coups de bâton, et seront relâchés après confiscation.

La loi ne permet pas d’avoir des serviteurs rapaces, injustes et pillards. Si quelque objet te plaît, donnes-en le prix juste, prends-le et va-t-en. En cas de récidive, le coupable doit être remis dans notre atelier de travail pour y travailler pendant quatre mois entiers avec les hommes, qui s’y trouvent réunis. Il y apprendra â être moins insolent et moins hardi, et au départ il saura ce qu’il en coûte au pauvre pour gagner son pain.

§ 32. Si des combats s’engagent dans ma région ou sur le marché les deux partis reçoivent chacun quarante coups de fouet pour avoir levé les mains les uns contre les autres, ou employé des bâtons ou d’autres armes. Si un des partis, craignant la loi, supporte l’attaque et s’abstient d’étendre la main pour se défendre et soit dépouillé ou frappé par son adversaire, il sera relâché comme non responsable. Mais celui qui aura combattu contre lui, quel qu’il soit, recevra quatre-vingts coups de fouet, travaillera pendent deux mois enfermé dans l’atelier royal et sera ensuite relâché.

§ 33. Les conducteurs de chevaux, chargés ou non, ou de toutes autres bêtes, qui les frappent sans pitié, sont punis de trente coups de bâton et mis en prison, où ils auront froid et peineront, et comprendront combien il est dur d’être écorché.

§ 34. Les hommes sans vergogne qui se font des masques de peaux de bêtes et représentent le diable sur le marché recevront jusqu’à deux cents coups de bâton on leur brûlera les cheveux et la barbe et on les mettra pour un an dans l’atelier royal, qu’ils soient libres ou esclaves.

§ 35 et 36. Les joueurs de cithare et de lyre, les tragédiens, les danseurs, hommes et femmes, ne sont pas tolérés dans le pays.

Tout contrevenant est arrêté, bâtonné, passé au feu. Ce qu’ils ont est confisqué et ils sont condamnés à travailler dans l’atelier royal pendant un an en Lier.

§ 37 et 38. Les joueurs de dés et autres jeux de hasard, les chanteurs et baladins sont également interdits. Il en est autrement des jeux qui mettent en mouvement l’intelligence et les mains.

§ 39. Ceux qui se lancent réciproquement des injures, hommes ou femmes, sont relâchés après avoir reçu vingt-quatre coups de fouet; toutefois si la personne injuriée garde le silence et préfère se plaindre à l’autorité, le diseur d’injures recevra quarante-huit coups de fouet et sera relâché après confiscation.

§40. Il est interdit aux enfants de se réunir les jours de fête et de se livrer à toutes sortes de polissonneries. Ceux qui seront pris recevront vingt-quatre coups de courroie et seront relâchés après admonestation.

§ 41. Manque

§ 42. Ceux qui laissent en mourant de grandes fortunes ne doivent pas les confier à des exécuteurs testamentaires pris en dehors de notre autorité. Il faut que ces fortunes soient bien administrées par nous. Il faut surtout que les legs pieux soient exactement payés aux personnes auxquelles ils sont dus. Beaucoup de ceux à qui des exécutions testamentaires ont été confiées ont dévoré le capital sans rien faire d’utile à l’âme du défunt. Si nous apprenons que quelqu’un s’est immiscé en dehors de nous dans une affaire de ce genre, tous ses biens seront confisqués et lui-même sera banni.

§ 43. Si des personnes, libres ou esclaves, s’étant réfugiées dans une église, en sont arrachées de force, à coups de fouet ou de toute autre manière, par vengeance, l’esclave sera mis en liberté si la victime est une personne libre, l’auteur de ce forfait sera condamné comme impie, scélérat, sacrilège et ennemi de Dieu. Il sera vendu au marché aux esclaves, à un prix dérisoire, pour avoir arraché son semblable à la protection du seigneur et avoir exercé sa vengeance sur lui.

§ 44. Si quelqu’un, poussé par l’envie, insulte ou calomnie un artisan et l’empêche d’exercer son industrie, il recevra douze coups de fouet et sera enfermé pendant trente jours dans l’atelier impérial pour apprendre à n’être pas envieux.

§ 45. Aucun appariteur ou exécuteur de mandats de justice, ne pourra, avant d’être déchargé, ou d’avoir complètement rendu le service qu’il était chargé de rendre à la partie dont le droit a été reconnu, rien recevoir de cette partie tant qu’il n’aura pas exécuté toute sa commission. Alors seulement il recevra son salaire et cela suivant la taxe et sans exagération. Ceux qui enfreindront cotte défense et qui seront pris mangeant à deux râteliers, seront chassés de leur emploi.

§ 46. Quiconque ayant comparu en justice a été justement condamné au nom de la loi, sera conduit pour deux mois dans l’atelier royal pour y travailler et y peiner, afin d’apprendre à ne plus faire tort à son prochain. Celui, au contraire, dont le droit a été reconnu et qui a été mis en possession de son bien est renvoyé sans encourir aucun blâme.

§ 47. Dans les grandes affaires le roi doit consulter les saints personnages et interroger par eux le Dieu saint.

§ 48. L’homme est le chef de la femme, même s’il est esclave. Nous défendons à celle-ci de maltraiter ou de mépriser son mari. Si elle se rend coupable d’un pareil fait, on lui coupe les cheveux de derrière la tête et on la relâche après confiscation. Si elle récidive on lui coupe l’extrémité de la langue. Si elle lève la main pour frapper un mâle, à moins que ce ne soit son fils, qu’elle subisse pour la première fois la peine édictée pour l’injure; si elle ne s’arrête pas là, et recommence, au mépris de notre loi, qu’on lui coupe la main, parce qu’étant la gloire de l’homme elle a osé élever sa gloire à elle contre celle de Dieu, car l’homme est la gloire de Dieu. S’il s’agit d’un acte de discipline sur des enfants ou des esclaves, l’homme doit se réserver la correction du sexe masculin et la femme celle du sexe féminin. Elle ne peut, d’ailleurs, frapper que les pieds, jamais la tête.

§ 49. Que la femme veuve convole en secondes noces, ou qu’elle soit reléguée dans les monastères récemment relevés par nous. Si elle devient veuve une seconde fois elle n’a plus le choix et doit être envoyée dans un monastère, même sans son consentement, car les canons ne permettent pas de se marier une troisième fois. Même disposition pour les hommes qui deviennent veufs.

§ 50. Si le parrain débauche la commère et cohabite avec elle, et qu’ils persistent dans leur péché, l’une perdra un sein, et l’autre le membre par où il a péché, et ils seront ensuite relâchés.

§ 51. Si des esclaves sont envoyés, un jour de grande fête, ou un dimanche, pour porter des ballots, paille, bois, vin, excepté la consommation journalière, lesdits ballots venant des faubourgs ou d’achats, à l’exception des provisions nécessaires, ces esclaves, hommes et femmes seront arrêtés, et ce qu’ils portant sera saisi. Si quelqu’un résiste à cet ordre, et refuse, avec murmures ou imprécations, et qu’il y ait des témoins, le coupable périra par l’épée.

§ 52. Si un maître retient le salaire du salarié, et que celui-ci se plaigne qu’au lieu de le payer honnêtement, on a voulu le priver de son argent, l’auteur du méfait devra payer le double.

§ 53. Si quelqu’un est trouvé affamant ses esclaves ou les frappant habituellement jusqu’à les estropier, et non comme un père qui corrige, la chose étant prouvée et notoire, ces esclaves seront enlevés à leur maître et recevront la liberté. Car il est écrit que devant le Christ il n’y a plus ni esclaves ni libres. Nous avons tous été sauvés par lui.

§ 54. Les maîtres qui sont cruels et méchants envers leurs esclaves sont tenus, quand ces esclaves sont mis en liberté, de s’engager par un écrit de leur main à ne jamais acheter d’autres esclaves. Mais s’ils se corrigent et promettent de ne plus frapper cruellement et inhumainement, on leur laissera les esclaves et on ne les mettra pas en liberté. Les maîtres devront leur donner chaque année un double vêtement et des chaussures et tout ce qui sera nécessaire, largement et se chargeant eux-mêmes de toute la dépense. Si après cela ils n’obéissent pas à leur maître, personne n’aura pitié d’eux.

§ 55. Tous les pauvres étant recueillis dans les asiles d’indigents et dans les hospices de vieillards, nous ne permettons à personne de demander du pain en pleine rue, dans les églises, ni en quelque lieu que ce soit.

§ 56. Tous ceux qui sont admis dans ces établissements et y reçoivent ce qui leur est nécessaire ne doivent absolument rien réclamer. S’ils le font, le coupable, fût-il seul, recevra dix-huit coups, sera enfermé dans l’hospice des vieillards, et le préposé de l’asile des indigents sera averti de ne pas le laisser sortir de l’hospice des vieillards. Quant à celui qui n’est pas admis, qu’on nous l’amène et nous aurons pitié de lui. Ceux qui veulent faire des aumônes iront dans les asiles d’indigents et dans les hospices de vieillards et y exerceront leur bienfaisance. Si par hasard on rencontre dans la rue un pauvre marchant en silence, sans crier, et cherchant du secours, on pourra, si l’on veut, avoir pitié de lui.

§ 57. Les loyers des maisons ayant haussé d’une façon démesurée sous les mauvais gouvernements qui ont longtemps régné en ce pays, il faudra en baisser le taux, dans les proportions suivantes les loyers de neuf νομίσματα seront réduits à six. Tous les autres seront réduits d’un tiers. Au lieu de six on payera quatre, au lieu de trois on payera deux. Dorénavant il sera interdit de hausser les loyers, à peine de confiscation et de bannissement, ou de renvoyer les locataires sous prétexte de reprendre soi-même les lieux loués. Si le propriétaire a réellement besoin de la maison pour son habitation personnelle, il peut la reprendre, mais non expulser l’ancien locataire pour en introduire un autre aux mêmes conditions, à moins que l’ancien locataire ne soit turbulent et insupportable, prompt à faire par méchanceté toute sorte de mal.

§ 58. Chaque préfet de région doit observer ce qui se passe dans les maisons de la région, et, s’il y a quelque désordre, l’imputer au propriétaire pour qu’il soit immédiatement redressé. Si le propriétaire résiste il nous en sera fait rapport par le surveillant de la circonscription.

§ 59. Tout homme doit donner à son esclave une compagne. Tout homme libre doit avoir une épouse, et les servantes aussi doivent avoir un compagnon. En cas de contravention l’esclave non marié, homme ou femme, est enlevé à son maître et conduit au tribunal royal où nous déciderons de son sort.

§ 60. Ceux qui veulent vivre clans le célibat pourront le faire et on ne doit pas les en empêcher. On exigera d’eux un écrit portant qu’ils ont pris ce parti non par hypocrisie, ni pour se livrer à la débauche en secret; et cet écrit contiendra soumission expresse à la peine capitale. Il pourra toujours aller ailleurs s’il lui convient de le faire, mais s’il est pris en contravention son engagement écrit sera exécuté.

§ 61. Tout préfet de région qui n’observera pas les dispositions de la présente loi ou qui se laissera gagner par des présents pour négliger son devoir sera suspendu, au milieu du marché, attaché par le pied gauche, la tête sur un billot ou sur un pilier, et enfumé avec de la paille jusqu’à ce que mort s’ensuive, pour apprendre à tous à être sages. Cette peine sera infligée par le lieutenant, et si celui-ci ne le fait pas exécuter, il subira le même traitement.

§ 62. Chaque préfet de région recensera exactement les industries qui seront dans son ressort pour qu’elles ne vendent qu’au juste prix. Il inspectera les marchés pour savoir à quelles conditions les marchandises ont été vendues aux acheteurs. Il surveillera surtout les vendeurs venus du dehors pour que tout soit vendu au juste prix, que le vendeur ait un gain raisonnable et que l’acheteur ne soit pas lésé.

§ 63. Il est interdit à tout filateur ou tisserand, et en général à tout artisan d’an métier quelconque de travailler le dimanche, fût-ce pour l’épaisseur d’un cheveu. En cas d’infraction le travail et les outils seront détruits par le feu au milieu du marché.

§ 61. Tous ceux qui n’emmènent pas avec eux toute leur famille aux grandes fêtes et au saint dimanche, et qui ne vont pas dans la sainte église, en troupe, le soir du samedi et le matin du dimanche la liturgie et au service du soir, seront avertis par le préfet en présence de trois personnes distinguées, d’obéir à l’ordre de Dieu. Et s’ils ne font pas ce qui leur est commandé tous leurs biens seront confisqués pour la moitié être partagée entre les frères recueillis dans les asiles d’indigents. Quant au surplus, le préfet de la région le gardera pour son profit et celui des soldats attachés à son service afin de les encourager exécuter tous les ordres que nous leur donnons.

 

R. DARESTE.

 

 


 

[1] Sur les Homérites en général, V. Fleury, histoire ecclésiastique, XXXI, 60. — Lebeau, Histoire du Bas-Empire, éd. Saint-Martin (1827), t. VIII; Mommsen, Römische Geschichte, t. V (1885).

[2] Strabon, liv. XVI, ch. 4, § 3-20; Pline, Hist. Nat., VI, 12.

[3] Strabon, VI, 4, § 2.

[4] L’empire d’Orient entretint toujours avec soin ses relations avec l’Ethiopie et le pays des Homérites. Une Constitution de l’an 356, insérée au Code Théodosien (XII, 12, 2), porte que les agents envoyés en mission dans ces pays éloignés ne pourront s’arrêter plus d’un an à Alexandrie.

[5] Boissonade, Anecdota Graeca, t. V (1833). Le texte publié par Boissonade est dans un ms. de la Bibliothèque Nationale de Paris. Il en existe, paraît-il, un autre à Vienne, V. Lambesius, Bibliotheca caesarea Vindobonensis, t. V, p. 231.

[6] Juris ecclesiastici Graecorsum historia et monumenta, Curante D. Pitra, 2 vol. Rome, 1868, t. 1, préface p. L.

[7] Procope, de bello persico, ch. 20.