Meyer,
Maurice
Études sur le théâtre latin.
Paris : Dezobry : E. Magdeleine, 1847
II
LES
PARASITES.
La
flatterie n'a pas encore trouvé son historien. Il y aurait cependant un livre
curieux à écrire, non pas à la façon de La Bruyère ou de Lucien, sur les
travers et la perversité des flatteurs, mais une simple histoire de chacun
d'eux, avec leur origine, leurs oeuvres, leurs vicissitudes et leur fin. Je n'y
voudrais pas le moindre commentaire ; aucune tirade sur la morale, rien de
blessant pour l'écrivain ; mais un tableau fidèle et surtout minutieux où
chaque fait serait soigneusement mis en lumière, chaque parole rapportée.
J'estime que ce serait là un livre instructif et dont chacun tirerait
parfaitement son profit personnel, sans que la moralité se lise au bout du
récit. Quel tableau, si l'on y songe, et quel traité de philosophie que celui
où Pindare figurerait à côté de Dangeau, et Cherile, le flatteur
d'Alexandre, auprès de Tristan l'Hermite! Tout le soin de l'auteur
consisterait, dans une œuvre pareille, à ne raconter que celui touche à la
flatterie et à ne pas confondre avec elle ce qui naît d'une admiration
sincère ou d'un dévouement senti ; à bien distinguer, par exemple, dans
Bossuet, l'auteur des Oraisons funèbres de l'historien des Variations,
et à démêler dans la vie de Voltaire ce qui fut du courtisan et ce qui vint
de l'indépendance. J'imagine que rien ne nous apprendrait mieux le secret de,
bien des grandeurs et la disgrâce de bien des vertus. On pourrait se consoler
là, en voyant tomber les masques, d'être resté obscur, mais fier; on ne s'en
obstinerait que mieux, je pense, dans son goût de l'oubli et de
l'indépendance, et, tout en reconnaissant, à chaque page, la vérité du nil
mirari d'Horace, on finirait par s'admirer soi-même un peu plus
complaisamment. Je sais bien qu'un tel livre pourrait mener à une fin contraire
et allécher à la flatterie par le récit du succès des flatteurs. Mais je
voudrais que l'art de l'écrivain s'appliquât à mettre à nu, sans cesser
d'être impartial, les ressorts les plus secrets du courtisan et fît en quelque
sorte l'anatomie de ses moindres actions, de manière à nous attacher plutôt
à tous ses mouvements qu'à ses fins. J'ai d'ailleurs encore assez bonne
opinion des hommes pour croire que, dans un tableau ainsi fait, c'est le. fond
plutôt que le relief qui les frapperait, et, que la plupart verraient dans
l'équitable sagacité du narrateur moins une apologie qu'une profonde satire.
Or, rien chez nous ne démonétise le vice comme la satire, et, dans une
histoire pareille, l'exactitude aurait chance de tourner au profit de la morale.
Pour cela une dernière condition serait indispensable, c'est que les flatteurs
de tous les genres y eussent leur place. Flatteurs de cour, flatteurs d'église,
de bas et de haut étage, courtisans de la bourgeoisie et de la milice;
flagorneurs de la maison et de la rue; tout devra entrer dans cette galerie,
depuis ce complaisant des Caractères de Théophraste, qui affecte
d'apercevoir le moindre duvet attaché au vêtement de son patron, pour le
prendre et le souffler à terre, jusqu'à ce prédicateur qui ayant dit devant
Louis XIV « sire nous mourons tous, » s'empressa d'ajouter « ou du moins
presque tous » en voyant le roi froncer le sourcil.
La comédie ancienne prêterait bien des épisodes à un tel livre. Elle a un
flatteur presqu'obligé dans la plupart de ses pièces. C'est le Parasite. C'est
un des masques de caractère les plus vieux et les plus originaux de l'antique
théâtre. Il mérite d'être étudié dans tous ses traits et ses
transformations diverses. À quelques égards, cette étude sera presqu'une
restitution, car le Parasite, tel qu'il fut autrefois, a disparu du théâtre
moderne.
Les
origines de la flatterie sont nobles. On flatta d'abord par conviction.
L'amitié la plus désintéressée faisait un courtisan. Patrocle, que, dans son
ingénieux paradoxe sur les Parasites, Lucien appelle le flatteur d'Achille,
Patrocle eut le dévouement sans la bassesse : il sanctifia la flatterie. Les
Parasites, ceux qui courtisaient à table, ont une origine encore plus haute.
Polémon, le Périégète sans doute, nous dit que les Parasites étaient jadis
des hommes attachés à la plupart des temples pour y prendre solennellement
leur part des sacrifices offerts aux Dieux (1). Ils
se nourrissaient des viandes sacrées. Quelquefois leurs fonctions duraient un
an, comme pour ceux qu'une inscription, citée par Athénée, appelait au temple
de Délos (2). Ils devaient avoir parmi eux un père
et un fils bâtards, d'après les termes d'un décret d'Alcibiade inscrit au
temple d'Hercule (3). Je ne sais s'il faut voir dans
cette singulière prescription un hommage rendu à Hercule, né, comme on le
sait, d'un dieu et d'une Mortelle, car les Athéniens appelaient aussi bâtards
les enfants issus d'une mère étrangère ou d'un père étranger, quoique
légitimement mariés. Mais je reconnaîtrais là plutôt une marque de la
bassesse prochaine des parasites, un mélange de noblesse et d'abjection, d'où
la noblesse se retirera peu à peu pour ne laisser plus tard que l'abjection.
Quand Plutarque nous dit que Solon, auteur d'une loi sur les parasites, établit
une amende contre ceux d'entre eux qui refuseraient de se rendre au temple (4),
j'ai peine à me figurer que tous visent encore dans ces fonctions ce qu'elles
avaient de digne et d'honorable et je prévois qu'elles dégénéreront. Je sais
bien qu'on nous cite des parasites de noble origine, choisis pour Délos ; que,
par un décret gravé dans le temple des Dioscures, ils recevaient un tiers dés
sacrifices les plus riches et que la loi royale pourvoyait à leur élection (5).
Mais ces coutumes, conformes à la sainteté de l'institution, ne contredisent
pas ce qui a été dit. Le blé sacré leur était aussi confié. Ils en
gardaient une portion pour eux, donnant le meilleur à l'autel. Ce blé était
enfermé dans le Parasition, espèce de demeure qui leur était destinée et qui
portait leur nom (6). Comme on voit, là encore je
retrouve le prêtre et le mendiant dans le même homme ; car, d'après un
passage d'Aristote dont parle Athénée, il est dit qu'ils recevaient de toutes
mains et avaient même leur part du poisson des pêcheurs (7).
Le mélange du temporel et du sacré, tourne toujours tôt ou tard au détriment
de celui-ci. Les parasites ne devaient pas tarder à déchoir dans l'opinion
publique.
La
première pièce écrite par Aristophane portait un nom cher aux Parasites :
C'était les Detaliens ou Convives. Un choeur de Parasites y
paraissait probablement, comme on le vit encore dans d'autres comédies. (8)
C'est alors seulement, au moment de la réaction contre les désordres de la
société, que le nom de parasite figure sur la scène comique. Ararus, fils
d'Aristophane, s'en servit, dit-on, le premier. Mais le personnage est
antérieur, comme nous venons de le voir, et cela devait être. Entre le convive
du dieu et le convive du bout de la table la distance était grande. Pour que le
poète satirique se permît de les appeler l'un et l'autre d'un nom commun, il
fallait que l'homme sacré prît le temps de déchoir peu à peu et, à force de
retourner à la table du riche, tombât décidément du premier rang dans
l'avilissement du dernier. Ainsi Epicharme avait dépeint dans ses comédies le
commensal mendiant du festin des grands avant qu'on eût déterminé son nom
caractéristique. Dans son Plutus, par exemple, dit Athénée, nous en
avons un, qui va dîner même là où il. n'est pas invité et qui pousse la
complaisance pour le maître jusqu'à se fâcher pour lui contre ceux qui osent
le contredire (9).
On le voit : les moeurs de la Grèce primitive avaient bien dégénéré.
Homère avait désigné à peu près quels étaient les convives qui pouvaient
se passer d'invitation : c'étaient les parents les plus proches, comme
Ménélas à la table d'Agamemnon, ou les amis les plus considérables. Le
proverbe grec disait « les bons vont au repas des bons sans y être conviés.
» Au cinquième siècle avant J.- C. le premier venu se glissait sans honte au
milieu d'une foule d'invités et, moyennant quelqu'argent, gagnait l'esclave
Nomenclateur, chargé dé désigner les convives à l'amphitryon ou de les
distribuer dans leurs places respectives (10). Le
théâtre avait saisi, au milieu de sa gaieté d'emprunt et de ses cajoleries
originales, la figure du parasite, et en avait consacré le type. Les parasites
des dieux que la comédie n'aurait pas osé toucher d'abord, une fois changés
en flatteurs de l'opulence, devinrent pour la scène une mine féconde,
excellente, et gagnèrent une popularité dont les Latins se souvinrent (11)
.
Diodore de Sinope, dans son Epiclere, à eu soin de nous expliquer
comment s'était opérée la transition du sacré au profane. « Notre ville
honorant Hercule avec éclat institua des sacrifices dans tous les dèmes. En
donnant à ce Dieu des Parasites à cet effet; elle ne les a jamais tirés au
sort, ni pris au hasard. Elle a choisi au contraire avec soin douze citoyens
parmi les plus puissants, hommes riches et d'une vie pure. Plus tard quelques
citoyens considérables à l'imitation de ce qui s'était fait pour Hercule,
choisirent dès parasites pour les nourrir, invitèrent non pas les plus
aimables, mais les plus flatteurs et s'entourèrent des plus plats courtisans (12)
» .Le nombre des parasites de la ville ne tarda pas à grossir et à se faire
un nom. On citait les plus fameux ; chacun d'eux avait sa manie et sa
réputation particulières; Chéréphon, par exemple, un des plus célèbres,
mérite d'être noté. Plein de ruse et d'audace, il errait toujours aux
environs des cuisines, s'informant des noms des convives et entrant tout le
premier dans la salle à manger par la porte entre-baillée. Alexis, dans s'a
comédie des Mourants ensemble, nous dit que franchir les mers
coûtait peu à Chéréphon pour jouir d'une bonne table. Il allait sans
hésiter d'Athènes à Corinthe pour goûter d'un fin repas (13),
comme cet Archéphon, qui invité par Ptolémée à venir souper avec lui, se
rendit par mer de l'Attique en Égypte, s'il en faut croire Machon le comique (14).
Chéréphon se permettait tout alors. Il tournait en tout sens sur le plat du
milieu les viandes avant qu'elles ne fussent servies, afin d'en reconnaître la
qualité, et en cachait souvent une partie sous sa main pour l'emporter et en
faire mystérieusement un deuxième repas chez lui. Ménandre a parlé de
Chéréphon dans beaucoup de ses pièces. Le poète Timoclès lui attribue un
caractère peu ordinaire aux gens de son espèce ; c'est qu'il n'était pas
pauvre et ne se montrait pas toujours fort accommodant (15),
malgré cette maxime de Diphile, dans son Parasite, qu'il ne faut pas
qu'un parasite soit trop morose. C'était là une particularité pour un homme
qui ne mendiait que des dîners gratuits. Car il y avait une sorte de parasites
qui se contentaient de rechercher la table d'autrui, mais en y apportant leur
part ou en la payant au patron. On les appelait parasites Autosites. La
comédie n'a pas manqué de les reproduire (16).
Notre homme n'était pas si généreux. Même les jours de fête de quelque
déesse, il ne pouvait les passer tout entiers chez lui à l'honorer. Il
s'empressait de s'inviter ailleurs (17). C'est
ainsi qu'il avait su, un jour, s'introduire aux noces d'Ophella. Un panier et
une couronne à la main, comme il faisait nuit, il vint en disant qu'il
apportait des oiseaux de la part de la mariée. Il dut un souper à cette
arrivée inattendue (18). Rien n'était
inaccessible à cette gent curieuse et conteuse. Le gynécée même leur était
ouvert (19). Mais Chéréphon ne se borna pas à
pratiquer son art. Il écrivit un traité sur les repas. Callimaque a conservé
quelques mots du début (20) . Enfin il manquait à
sa renommée une dernière consécration, celle d'apparaître en personne sur le
théâtre. Nicostrate la lui a donnée en faisant de Chéréphon un personnage
de sa comédie de l'Usurier. Qu'on ne s'étonne point de la vogue de
cette classe d'hommes à cette époque. La cuisine a eu chez les anciens une
importance que la comédie ne pouvait manquer de reconnaître maintes fois.
Des écrits sans nombre s'en sont occupés. Mnesithée a fait un traité des Comestibles,
Chrysippe de Tyane un livre sur la Boulangerie, Euthydème d'Athènes sur
les Poissons, nourriture plus chère aux Grecs que la viande, et qui
valut aux gourmets romains Sergius et Licinius les surnoms héréditaires de Orata
(dorade), et de Murena (lamproie). (21)
Héraclide (sans doute de Tarente), a écrit sur la cuisine, et Archestrate de
Syracuse, gourmand célèbre, a composé un poème épique sur la bonne-chère,
dont Athénée, à qui j'emprunte çà et là tous,ces noms, nous a rapporté
les premiers vers. Notre Berchoux, du moins, en rimant sur la Gastronomie,
n'avait point visé au poème épique (22).
Le cuisinier était devenu un personnage. Malheur à qui l'insultait! « Jamais,
dit Ménandre, injure faite à un cuisinier n'est restée impunie, tant ce
métier est révéré parmi nous (23) ! » Aussi
les cuisiniers étaient représentés libres à l'origine dans toutes les
comédies, et Posidippe est le seul comique qu'on ait cité en Grèce avant
l'époque macédonienne pour avoir mis en scène un cuisinier esclave (24).
Le règne de la cuisine rendait inévitable celui des parasites. Dans un siècle
dont le poète comique a dit que le flatteur y tenait la première place, le
calomniateur la seconde, et le méchant la troisième (25),
le parasite devait remplir tour-à-tour et souvent tout ensemble chacun de ces
rôles, et le cuisinier était destiné à lui octroyer sa récompense. La
misère d'ailleurs aiguisait ordinairement la verve et l'appétit du premier, et
l'épicurisme régnant augmentait chaque jour la popularité de l'autre. Sous le
couvert d'Aristippe et d'Épicure, les plaisirs de la table se tournaient en
débauches, et, comme Tite-Live l'a dit plus tard des Romains, le métier des
cuisiniers devenait un art (26).
C'est presqu'un lieu commun de dire que les Romains furent aussi friands de
bonne chère que les Grecs. Qui ne sait tout ce que l'antiquité nous a appris
à ce sujet ? qui n'a lu Pétrone, Macrobe, Martial,. Apicius? qui ne sait que
déjà le vieil Ennius, ami du vin, avait écrit le poème des Phagetica
? Les causes de ces excès furent d'abord différentes chez les deux peuples.
Les habitudes de la vie matérielle, encouragées chez les Romains par le goût
des batailles et du sang des hippodromes, les poussèrent à l'origine, plus
encore que la philosophie d'Épicure à tous les excès'du sensualisme. À Rome,
les travaux agricoles, les agitations de la guerre furent pendant plusieurs
siècles la seule cause. La philosophie ne vint que bien tard, longtemps après
qu'un ordre du sénat eût condamné à être brûlés des livres
philosophiques, attribués à Numa, et trouvés dans les champs du greffier
Petillius. N'oublions pas qu'un de ceux qui contribuèrent le plus à la faire
goûter aux Romains fut le consul Lucullus, aussi célèbre, par les richesses
de sa table que de sa bibliothèque. Les Grecs avaient institué une loi qui
limitait le nombre des convives et nommé des surveillants chargés de la faire
exécuter. Le sévère Ménandre la rappelle dans son théâtre et nous apprend
que la joie des noces mêmes avait ses règles et sa police. (27).
Chez les Romains, le tribun Orchius, dès le sixième siècle, avait de même
déterminé la quantité permise des convives, et la loi Fannia, spirituellement
appelée Centussis dans les satires de Lucilius, essaya bientôt après
de mettre des bornes au luxe des appétits et des festins (28).
Rien ne prouverait mieux, au besoin, les penchants gloutons de la Rome primitive
que les premiers essais de son théâtre. Dans la farce latine, c'est là vie
sensuelle qui domine, comme à l'origine de presque toutes les civilisations.
Seulement ici la gourmandise a le premier rang et le garde au milieu même des
raffinements d'esprit qui suivirent et des progrès du goût que hâtèrent les
lettres grecques. Dans les premiers triomphes des chefs Romains ou dans les
pompes religieuses, en tête du cortège, se montraient déjà ces figures
caractéristiques de monstres aux larges mâchoires, telles que le Manducus ou
le Pytho Gorgonius qui, avec les Manies à la face enfarinée, étaient encore
la terreur des petits enfants au temps de Juvénal. La farce. fescennine, les
Atellanes, les empruntèrent et donnèrent sur leur théâtre, une popularité
inattendue à ces masques voraces. Les Atellanes ne s'en tinrent pas là : elles
ajoutèrent à ces figures des traits empruntés aux jeux de la Campanie, aux
vieilles traditions de la farce Osque, et créèrent ainsi des copies
différentes et curieuses. Je remarque parmi ces personnages divers et
caractéristiques le Bucco, l'homme qui tire son nom de sa grosse bouche, de ses
lèvres enflées, et dont la sculpture antique nous a transmis deux modèles (29).
Le Bucco dont le nom s'est traduit sans doute en Italie par Buffone, ce qui a
donné lieu chez nous à la dénomination de bouffon, malgré l'étymologie
contraire fournie par Saumaise et Ménage, le Bucco était un parasite, bavard
comme ils le sont tous (30).
Il y a encore dans la farce, latine un autre personnage, dont certaines
habitudes offrent aussi quelque analogie avec celles du parasite primitif; car
il vivait, comme lui, de nourriture donnée. C'était un tireur d'horoscopes du
nom de Dossennus ou de Dorsennus, peut-être parce qu'il avait le dos bossu ou
voûté, comme Munk paraît le croire (31). Il y a
sur lui des fragments curieux de Novius et de Pomponius qui nous le montrent
tourà-tour comme un savant divinateur pour les ignorants et comme un sévère
maître d'école. Je ne veux citer ici que le fragment qui touche à notre
sujet. Le voici
Dato Dossenno et fullonibus
Publicitus cibaria (32).
Le trésor public nourrissait donc quelquefois ces savants singuliers. Ici,
c'est le peuple qui était le patron et Dossennus le parasite. C'était moins,
il faut le croire par ce passage et par un autre tiré de la pièce intitulée Philosophia
de Pomponius (33), c'était moins un commensal
qu'un mendiant d'une espèce particulière, un mendiant savant. On trouve de
même dans Aristophane une comédie qui porte pour titre le nom d'une de ces
familles de divinateurs, assez fréquentes en Asie-Mineure et en Grèce (34).
Dans sa pièce des Telmises (tireurs d'horoscopes de la Carie) dont nous
n'avons que quelques fragments, je reconnais aussi ce goût de la table, commun
sans doute aux gens de cette espèce (35) Et dont
le Dossennus offre un échantillon singulier dans la farce latine. On a confondu
souvent ce Dossennus avec un autre Dossennus qu'Horace a cité particulièrement
au sujet des parasites:
Aspice Plautus
Quo pacto partes tutetur amantis ephebi,
Quantus sit Dossennus edacibus in Parasitis,
Quam non astricto percurrat pulpita socco.
Vois Plautus, de quelle façon il soutient le rôle d'un éphèbe amoureux, d'un
père intéressé ou d'un perfide entremetteur; et Dossennus, combien il abuse
de ses parasites gourmands et comme il marche à travers la scène avec un
brodequin mal attaché.
Je ne saurais partager à ce sujet l'opinion qui fait de ce Dossennus le
personnage des Atellanes de Novius ou de Pomponius. Évidemment il s'agit ici
d'un auteur. Les expressions d'Horace et la place qu'il leur donne ne me
paraissent pas laisser le moindre doute à ce sujet. C'est après avoir cité
les comédies de Plaute et apprécié leur caractère qu'il mentionne celles
d'un autre écrivain comique, de Dossennus, qui, dans ses pièces, s'occupait
surtout des parasites. Cette figure poétique du passage d'Horace, qui a trompé
quelques commentateurs, et par laquelle l'auteur ou sa comédie est
représentée comme parcourant la scène, le brodequin au pied, cette figure est
familière au satirique latin. Il l'empruntait sans doute à cette coutume qui,
à Rome, permettait aux auteurs d’être en même temps acteurs dans leurs
propres pièces. Il dit plus haut :
Recte necne crocum floresque perambulet Attae
Fabula si dubitem, clament perusse pudorem
Cuncti, etc,.
Si je doute que la comédie d'Atta marche correctement à travers le safran et
les fleurs, presque tous nos pères crieront que toute pudeur a disparu, parce
que j'ose critiquer ce que jouaient le puissant Aesopus et le docte Roscius
Là c'est la pièce, ce n'est pas l'acteur qui foule en se promenant les
parfums et les fleurs de la scène.
Le Dossennus des Atellanes, personnage nommé dans plusieurs farces latines et
que Novius a pris pour titre d'une de ses pièces (36),
n'est donc pas le même que Dossennus l'auteur, cité par Horace, et qui a pu
être aussi, comme Plaute, acteur dans ses propres ouvrages. Je serais porté à
penser que c'est de lui que Pline (37) nous a
laissé les deux vers suivants qu'on dirait écrits pour un parasite :
Mittebam vinum pulchrum, murrhinam...
Panem et polentam, vinum, murrhinam.
Sénèque (38) cite un vers inscrit sur la tombe
d'un Dossennus dont il vante la sage philosophie. Peut-être ce vers qui est
placé à la suite de cette phrase : « Quod et togatae tibi antiquae probabunt
et inscriptus monumento Dossenni titulus » se rapporte-t-il à Dossennus,
l'auteur comique. Cependant il est plus sage de garder quelque réserve sur ce
point, dans l'absence de preuves plus satisfaisantes. C'est là tout ce qui nous
reste des passages qui peuvent avoir trait à cet écrivain qu'Horace a pris la
peine de placer à côté de Plaute, ce qui semblerait annoncer un grand
mérite, malgré le dédain avec lequel Plaute et Dossennus sont traités dans
son épître. C'est une lacune regrettable dans le répertoire comique des
Latins qui s'est trop appauvri. de tout ce qui touchait à la vie intérieure,
au foyer romain, avant que les Grecs ne fussent venus s'y asseoir.
Malgré cette perte, les parasites de la vieille comédie nous sont parvenus en
assez grand nombre encore. Si nous n'avons plus, pour mieux les connaître en
les comparant, ceux du comique Dossennus, il nous resté encore ceux que Plaute
et Térence ont laissés. Ils sont originaux pour nous et fort curieux à
étudier.
Plaute reçut le personnage du parasite de la tradition grecque et latine et
l'emprunta en même temps aux habitudes, de la société Romaine. L'existence du
parasite était nécessairement liée à celle du patriciat. Du jour où il y
eut un patron et un client, du jour où le Congiarium et la Sportule
établirent entre eux des rapports nécessaires à tous deux, de ce jour a dû
naître le parasite Romain. La richesse n'existe qu'à côté de la pauvreté,
la pauvreté engendre la flatterie. Un homme qui est pauvre et flatteur est bien
prés d'être un parasite. Caton raconte dans le Traité de la Vieillesse de
Cicéron (39) que les, réunions de table
furent fondées pendant sa questure; lorsqu'on introduisit à Rome le culte de
la Mère des dieux. Mais ce qu'il en estime le plus, ce sont les longues
conversations. Ce goût n'était pas celui de tous les Romains dans leurs repas.
Dans l'origine, les hommes y prenaient part en se couchant à leur place
respective. Mais les femmes y restaient assises (40).
Cette sévérité de moeurs, comme le dit fort bien Val. Maxime, se conserva
dans les repas des dieux du Capitole et disparut bientôt de la vie privée,
lorsque furent introduites à Rome, avec le luxe Asiatique, ces tables à un
pied et ces séductions du superflu qui firent oublier si vite la simplicité du
nécessaire (41). À ces festins, on amenait
quelquefois des convives qui n'avaient pas été invités par le maître du lieu
mais engagés par quelque commensal. Ces nouveaux venus s'appelaient des ombres
(42). Rarement les parasites venaient à ce titre.
Les ombres avaient ordinairement la 4e place à chaque table (43),
tandis que le plus souvent les parasites se mettaient en dehors, sur un petit
banc placé tout au bout: « Je ne demande pas une place sur un lit, dit
Gelasime dans le Stichus ; tu sais que je suis de ces braves convives
qu'on met au petit bout sur un escabeau; imi subsellii virum (44).
C'était la manière des cyniques (45). D'autres
fois, ils occupaient le dernier lit. de la dernière table; comme un de ces
flatteurs dépeints par Horace, imi derisor lecti (46):
Heureux si on ne trompait pas leur appétit en ne plaçant devant eux, comme
fera plus tard un empereur, que le simulacre menteur des mets servis à la
première table (47); plus heureux encore le
maître si le parasite, armé de ces mains crochues que Plaute. appelait furtificae,
n'emportait pas les serviettes comme la Babonette des Plaideurs, où
plutôt comme l'Hermogène. de Martial (48) !
Plaute a écrit un Flatteur comme Ménandre, comme Eupolis, comme tant
d'autres (49). Il nous en reste à peine quelques
vers. D'autres titres, tels que le Parasitus Piger, le Saturio et
des fragments des Baccharia et de la Bis Compressa complètent
pour nous tout ce qu'il a donné sur les parasites.
Ce qu'il faut remarquer dans Plaute, c'est que déjà là nous ne voyons plus le
parasite manger sur la scène. Je doute que, dans ses pièces qui nous manquent
aussi bien que dans les autres, Plaute l'ait montré à table. Le théâtre
latin ne nous a jamais donné que le récit de ses fredaines culinaires : nous
avons la théorie de sa gloutonnerie, nous ne la voyons pas en action. Dans le Stichus,
par exemple, où il est tant parlé de repas, quel est celui qui nous offre le
spectacle d'une orgie ? Sera-ce le parasite Gelasime? non, ce sera l'esclave
Stichus. Le parasite sera tout simplement éconduit et ne nous montrera rien.
Lorsque Charançon, dans la pièce de ce nom, revient apporter une nouvelle
heureuse à Phédrome et feint de défaillir pour se faire amplement nourrir,
c'est au logis de son jeune maître qu'il va se régaler et il ne reparaît
qu'après le repas. Serait-ce que le théâtre avait pour règle de cacher à
tous les regards ces menus détails de la vie du parasite, ordinairement né
libre, et était plutôt indiscret sur ce point pour les esclaves, tel que
Stichus? ou faut-il penser que, la gloutonnerie n'étant plus qu'un accessoire
de convention dans les habitudes des parasites de la comédie Romaine, on en
mettait à dessein la représentation dans l'ombre, pour mieux faire ressortir
leurs talents de messagers d'amour et d'habiles compères? La première
hypothèse me paraît plus vraisemblable pour le théâtre de Plaute. La seconde
sera plus vraie quand le jour de Térence sera venu.
Il n'en était pas tout-à-fait de même pour la scène des Grecs. La plupart
des passages de comédies cités par Athénée, les fragments des Detaliens
ou Convives d'Aristophane, font penser que le public était admis à voir
ces repas, étalés sans doute devant lui comme une sorte de souvenir parodié
des festins d'Homère. J'imagine que la comédie nouvelle fit autrement. Dans la
comédie ancienne et aussi peut-être dans la moyenne, c'était la voracité du
parasite qui se donnait carrière. Dans la nouvelle, la morale a plus de part.
C'est l'intrigant, l'adulateur, le fourbe qu'on démasque. Voyez le Flatteur
de Ménandre. Un festin s'y donne en plein théâtre, mais c'est un repas de
fête en l'honneur de Vénus. Un cuisinier y exhorte à la prière et demande
aux dieux la santé et le bonheur. Les sentences morales s'y mêlent (50).
Un parasite y flatte un soldat avec une complaisance qui applaudit à toutes ses
fanfaronnades. Nous avons la mise en scène de l'adulation. Térence qui, dans
son Eunuque, avoue avoir imité le Colax de Ménandre, ne l'aurait
certainement pas choisi si le comique grec n'en avait fait qu'un gastronome. Le
Gnathon du comique latin n'est resté populaire au marché que parce qu'il a
été riche et prodigue autrefois. Mais ses talents sont au-dessus de la
gloutonnerie. C'est dans l'adulation qu'il met surtout sa coquetterie. Il a
toute une théorie sur le Métier de Flatteur. C'est un homme consommé dans ce
qu'il appelle son art.
Plaute n'a pas été si loin : il s'est mieux souvenu des origines du
personnage. En le mettant en regard de son maître ou plutôt de son roi, comme
on l'appelait, Plaute n'a fait du parasite qu'un auxiliaire plus intelligent et
plus haut placé que l'esclave. S'il faut trouver quelque expédient plus
habile, plus rare, s'il faut voyager surtout, le parasite est là, il se dévoue
aux intérêts, aux amours de son patron, pourvu que celui-ci serve les
intérêts de son estomac. Le serviteur est souvent vindicatif et railleur,
malgré son esclavage; le parasite, quoique libre, n'est ordinairement que
plaisant et rampant. Le premier est forcément attaché aux caprices de son
maître, le second a plusieurs patrons et abandonne ceux qui l'oublient. Autant
il se montre obséquieux et inventif pour qui le nourrit, autant il est sans
pitié pour qui le néglige. Si l'on pouvait douter encore de la vanité de
l'aristocratie romaine, le parasite en serait la meilleure preuve. Ces
proconsuls qui apportaient des richesses considérables des provinces qu'ils
avaient 'gouvernées, ces puissants possesseurs de terres et d'esclaves avaient
besoin que leur orgueil fût chatouillé chaque jour du bruit de leur mérite,
de la nomenclature fastueuse de leurs métairies. Un homme devait se faire, à
leurs côtés, l'écho de leur capité, et il recevait en friandises le prix
d'une admiration qu'il renouvelait sans cesse et qu'il éprouvait rarement.
Plaute a montré tour-à-tour ce personnage comme un accessoire de peu de
valeur, comme un intermédiaire utile ou comme un des plus nécessaires acteurs
de sa comédie, Dans l'Asinaire, le parasite de Diabole, rival de l'amant
de Philénie, n'a pas même un nom à part. Plaute ne l'a pas jugé assez
important pour le nommer. Il figure là comme le satellite obligé d'un amant
riche. C'est lui qui rédige ce traité curieux qui, moyennant 20 mines, fera de
Philénie la possession, la propriété régulière de l'heureux Diabole. Les
différentes clauses de ce contrat témoignent de la finesse dépravée de ces
complaisants subalternes autant que de la corruption des moeurs romaines. Les
précautions prises et stipulées pour empêcher l'infidélité, sont tout
ensemble la preuve des progrès effrayants qu'elle avait faits, et de ce goût
de la propriété et du droit qui chez, les Romains, transformait certaines
personnes en choses et les moindres engagements en Contrats. Lorsque le parasite
voit sa proie échapper à son maître, il devient dénonciateur. Il cherche à
exciter la jalousie et fournit un texte aux récriminations conjugales.
Il veut venger les mécomptes de son jeune patron sur le dos du vieux
Déménète, le père de l'amant préféré, et il y réussit; mais son
intervention se borne là.
Il est pour Plaute la cause fort secondaire de deux scènes excellentes et il
disparaît ensuite.
Dans les Ménechmes, Labrosse, le parasite, vient aussi dénoncer un
Ménechme à sa femme et disparaît promptement. Mais là, il est la dupe de ses
bons offices, car à peine a-t-il fini sa tache et réclamé son salaire
habituel, qu'il est honteusement renvoyé sans obtenir mieux que des refus.
Les militaires fanfarons faisaient, eux aussi, du parasite leur suivant obligé.
Le Miles Gloriosus de Plaute, comme le Cléomaque des Bacchis,
comme le Thrason de l'Eunuque, ne marche pas sans être accompagné de
son flatteur. Au retour des guerres puniques, ces soldats accoutumés aux
fatigues et à la bonne chère, ignorants et enrichis, étaient une proie facile
pour le parasite en quête de franches lippées. Chacun d'eux y trouvait son
compte, celui-ci à bien vivre et à leur tenir tête à table, ceux-là à se
voir des approbateurs toujours prêts à écouter leurs mensonges et des agents
pour les servir. La tradition d'ailleurs venait encore ajouter à la vérité du
portrait. Nous savons par le prologue de l'Eunuque de Térence que le Colax
de Ménandre n'était autre chose que le courtisan d'un de ces militaires
fanfarons qui seront de tous les temps, comme la fausse gloire est la suite
nécessaire, la caricature de la véritable. D'autres pièces grecques nous
donnent les mêmes personnages, comme le Soldat d'Antiphane (51),
par exemple, comme le faux Hercule de Ménandre qui portait, nous dit
Plutarque (52), « une massue non d'un bois solide
et pesant, mais d'un bois creux et léger, » symbole de sa fausse bravoure; ou
comme le Sycionien (53) à qui Plaute a emprunté
pour le soldat du Truculentus son nom expressif de Stratophane et où se
trouve ce vers qui est tout un portrait :
kak¯ m¢n öciw, ¤n de deilaÛai fr¡new
Au-dehors aspect dur, mais coeur lâche au-dedans.
Les soldats fanfarons ou Capitans matamores ont donné lieu à de plaisantes
scènes jusque sur le théâtre moderne. (54)
Addison dans le Spectateur les appelle pédants militaires. « Le pédant
militaire, dit-il, parle toujours dans un camp, il emporte les villes d'assaut,
établit des logements et livre dix batailles d'un bout de l'année à l'autre ;
tous ses discours sentent la poudre. » Montesquieu dans ses Lettres Persanes
ne les pas négligés (55). Ils font voler les
armées comme des grues et tomber les murailles comme des cartons; ils ont des
ponts sur toutes les rivières, des routes secrètes dans toutes les montagnes;
des magasins immenses dans les sables brûlants ; mais le Parasite a disparu et
le capitan n'a plus d'auditeur.
Plaute va plus loin encore. Le Prostitueur, ce pourvoyeur honteux mais
nécessaire de la société romaine, aussi son parasite. Labrax dans le Rudens
échoue sur la rive, accompagné de son hôte Charmidés. Ce sont les conseils
flatteurs de celui-ci qui l'ont perdu, dit-il, et l'ont poussé au naufrage.
Mais ici la dépravation est égale des deux côtés. Le commensal n'épargne
plus son hôte dès qu'il le voit dans l'infortune. Labrax a beau appeler, dans
sa détresse, Charmidès à son secours et invoquer son ancienne hospitalité!
« Je ne suis plus ton hôte, répond l'autre; foin de ton hospitalité ! »
Leçon cruelle pour ces vils trafiquants qui ne cherchent que des complices dans
leurs Parasites et qui méritaient de trouver des ingrats! Charmidès, de son
côté, ne paraît pas trop embarrassé de son isolement. Ses talents le
sauveront sans doute. Je remarque même que, contrairement aux gens de son
espèce, il avait, dit-il, de l'argent sur lui (56),
avant son naufrage, ce qui est presqu'une exception parmi les parasites de
Plaute.
Je retrouve ailleurs ces hôtes perfides en meilleure compagnie que celle d'un
prostitueur, Ils se vengeaient souvent par un mordant sarcasme de la bassesse de
leur condition. Charmidès, avec son insouciance maligne et caustique, me
rappelle le parasite Bithys à qui un jour le roi Lysimaque, son maître, jeta
un scorpion de bois sur l'habit. Lysimaque était fort avare, on le sait; il
était homme à faim comme Héliogabale, : tromper la faim de ses parasites en
leur faisant servir des mets de bois ou de cire. Bithys, tout effrayé, saute de
sa place. Puis s'étant aperçu que ce n'était qu'un faux scorpion, moi aussi,
dit-il, prince, je vais vous effrayer. Donnez-moi un talent! (57).
Mais ces courtisans moqueurs ne se vengeaient pas toujours par une saillie. Une
fois sur le chemin de la perfidie, ils poussaient quelquefois jusqu'au crime. On
peut permettre à Charmidès de trahir, de livrer son hôte Labrax. L'esprit
fait accepter la fourberie et l'on rit d'ailleurs volontiers de voir un traître
en tromper un autre. Mais la trahison devient plus grave quand elle frappe un
grand nom et produit une catastrophe. Comment qualifier, par exemple, ce
flatteur de Crassus, qui, selon Nicolas de Damas, osa livrer son maître aux
Parthes (58) ? De nos jours aussi, madame Dubarry
n'a-t-elle pas été dénoncée à ses bourreaux par le nain Zamore qu'elle
avait comblé de bienfaits ; comme pour prouver une fois de plus que la
gratitude est pareille à une fleur délicate qui ne germe et ne s'épanouit que
dans les terres choisies et cultivées?
Les parasites comiques que nous venons d'examiner sont ce qu'en langage
scénique on appellerait aujourd'hui des utilités. Ce sont des accessoires de
tradition, de masques épisodiques, qui jettent quelque gaîté sur l'ensemble
de la pièce. Ainsi, pour résumer, le parasite de Diabole est tout à la fois
rédacteur et délateur, et réussit. Celui de Ménechme est délateur aussi,
mais il est éconduit. Les parasites de militaires sont des flatteurs rampants
et secondaires, et enfin Charmidès représente le parasite goguenard.
Nous avons deux pièces de Plaute où ces utilités sont un peu moins
accessoires. Ce sont les comédies où le Parasite ne représente qu'un
gourmand. Les programmes qu'ils nous donnent sont curieux par leur sel et leurs
détails et relèvent par là le rôle. Ces deux pièces sont les Captifs
et le Stichus; j'y ajouterais le parasite de la Bis Compressa, si
nous en avions plus qu'un seul fragment, où ce personnage fait une ingénieuse
comparaison entre une horloge et son estomac. Ces deux comédies sont comme le
procès-verbal de la décadence des parasites primitifs, de ceux qui n'ont plus
au service de leur roi qu'un ventre toujours affamé. À cette époque où la
vie rustique était de mode, les riches ne se logeaient à la ville que pour le
temps nécessaire à l'expédition des affaires privées et publiques. Aussi, en
été, lorsque les tribunaux et le sénat sont en vacances, quand les patrons
sont aux champs, les parasites étaient sans besogne. Le maître est-il de
retour, ils n'étaient pas toujours plus heureux, car ils trouvaient
difficilement des hôtes ; et Ergasile, le parasite des Captifs, pleure
d'autant plus son maître absent que c'était le plus libéral des maîtres et
qu'il ressemblait bien peu aux patrons avares et égoïstes d'alors. Jadis les
parasites étaient chargés de faire eux-mêmes les emplettes au marché; jadis
ils pourvoyaient à tous les besoins, à tous les goûts de leurs jeunes
maîtres; un quolibet se payait d'un ou de plusieurs dîners. On s'était bien
refroidi pour eux depuis lors. Ils étaient déchus de leur ancienne splendeur,
et pour trouver des tables somptueuses, des patrons généreux, ils étaient
obligés de se mettre publiquement en vente, eux, leurs services, leurs bons
mots, comme le fait si spirituellement Gelasime dans la pièce de Stichus
(59). « Il y avait jadis, s'écrie-t-il dans sa
douleur, il y avait dans la conversation et dans l'usage des façons de parler
qui se sont perdues ; c'est bien dommage, par Hercule, car elles étaient
excellentes, à mon sens, et tout aimables. « Viens souper ici, accepte, il
faut que tu promettes ; ne te fais pas prier est-tu libre? je veux que tu
acceptes : je ne te laisserai pas que tu ne viennes. » En, place de cette
phrase on en a inventé une, par Hercule, qui ne signifie, qui ne vaut rien. «
Je t'inviterais à souper, si moi-même je ne soupais en ville» maudite phrase!
je voudrais, par Hercule ! qu'on lui cassât les reins ou que le menteur
crevât, s'il mange chez lui » (60) On le voit, la
transformation du parasite en agent d'affaires, en serviteur utile, est devenue
nécessaire.
Les maîtres ne donnent plus pour être seulement flattés, mais pour être
servis. L'importance du parasite n'est plus qu'à ce prix (61).
Deux comédies de Plaute, le Persan et Charançon; une comédie de
Térence, le Phomion le placent sous ce jour plus avantageux. C'est du
nom du parasite que ces pièces tirent le leur. Ce qu'il faut remarquer dans le Persan
c'est que le parasite, homme libre, est au service de qui? de l'esclave Toxile.
Témoignage curieux du degré de liberté des esclaves à cette époque et de la
confusion dés rangs qui en devait être la suite ! Ainsi, la misère du
parasité Saturion le met à la merci du plus vil. Il ne faut pas trop s'en
plaindre si ce privilège, ce semblant de liberté doit tourner plus tard à
l'amélioration de Toxile, si l'esclave doit s'ennoblir par là et mériter un
jour, comme le Métrophane de Lucilius, la sympathie de son maître et
une épitaphe honorable.
Saturion et Charançon sont tous deux l'âme de l'intrigue qui noue les deux
comédies. L'un dispose despotiquement de sa fille pour là faire servir à un
mensonge humiliant et intéressé; l'autre, par son active fourberie, procure au
maître qui le nourrit argent et prospérité. Tous deux oublient ici plus
souvent leur appétit pour faire montre de ruses et de ressources. Plaute, dans
ses neuf comédies complètes qui ont un parasite pour personnage, n'a donc
confié le premier rôle que deux fois à ces acteurs subalternes. On ne saurait
trop remarquer avec quelle variété de ton et d'esprit il leur fait à chacun
tenir un langage dont le fond est à peu près toujours le même ; quel sel il a
répandu dans toutes leurs saillies, et comme il a su, malgré la monotonie
d'une situation commune et accessoire, leur donner presque toujours du relief et
de l'attrait!
Les noms mêmes qu'ils portent sont déjà piquants peignent l'homme. Ergasile
est un parasite affairé. Gelasinne est bouffon. Peniculus ou Labrosse est
destiné à manger les derniers restes du festin, à nettoyer les tables.
Charmidès aime la joie. Artotrogus dévore tout. Saturion est insatiable.
Charançon porte le nom de cet insecte qui ronge les blés (62),
et, dans les fragments, Gastrion annonce qu'il n'a que du ventre et Phagon qu'il
mange sens cesse. Térence, dans le Phormion, a fait, de son parasite un
acteur intéressé au succès de ses fourberies, comme Charançon et le Persan.
Seulement Phormion au lieu d'être poussé par le personnage principal, est
l'auteur premier des méfaits de son maître. C'est lui dont les conseils ont
mené tout d'abord Antiphon à une faute. Dans le Persan de Plaute,
Saturion, malgré toute son importance, ne faisait que se prêter aux manèges
de son patron. Il le secondait, mais ne le dirigeait pas.
Dans Charançon, ce n'est que sur l'ordre de Phedrome, son maître, que
le parasite se rend en Carie et le sert par son adresse. Plaute, en faisant
porter une partie de l'intérêt sur ce rôle, n'a jamais oublié qu'il était
subalterne. Il est resté naturel et vrai en l'agrandissant. Térence a fait
davantage. Son parasite a oublié son infériorité primitive. Il vit en grand
seigneur : c'est lui qui va au bain, qui est parfumé, brillant, tranquille,
tandis que son patron se ruine et s'inquiète (63).
On dirait que les rôles sont intervertis et que le maître est devenu le valet
de son flatteur. Le parasite conduit là toutes choses; il a en astuce des
principes dont il fait étalage ; mais son rôle est d'autant moins
vraisemblable qu'il est plus important. Térence, le commensal des grands,
Térence qui faisait admirer la beauté de sa voix et de sa personne aux soupers
de Lélius et de Furius, me semble avoir voulu trop relever ce personnage.
Dans Plaute, nous avons vu que les parasites avaient perdu de leur vogue; les
maîtres étaient moins généreux pour eux, leurs bons mots n'avaient plus de
crédit et leur misère trouvait moins de soulagement. Térence a fait tout
autrement pour son Gnathon dans la comédie de l'Eunuque. Gnathon ne se
plaint pas de la dureté des temps : au contraire tout lui réussit; il est
heureux. (64) Il est la providence des marchés et
des fournisseurs, contrairement à ce que disaient les pauvres parasites de
Plaute. Bien plus, pour relever sa condition et n'en pas faire un parasite
ordinaire, Térence lui fait dire qu'il a été riche autrefois et qu'il ne
s'est constitué parasite qu'après avoir mangé son bien. Cela pouvait être,
cela s'était vu déjà. Ménandre d'ailleurs, que Térence imite ici, avait
sans doute donné cette qualité à son parasite. Théopompe, dans ses Histoires,
parle même d'un certain Nicostrate d'Argos qui s'était fait flatteur et
rampant, quoique riche (65), et Horace nous
apprendra plus tard l'histoire curieuse de ce Moenius qui, après avoir
bravement dissipé son patrimoine, s'était établi parasite et bouffon. (66)
Mais là, comme ailleurs, Térence, le successeur de Plaute, a interverti la
tradition, et l'invraisemblance se montre dans le mensonge que fait le parasite
en annonçant qu'il a créé un art nouveau d'être affamé, une secte nouvelle
de flagorneurs. En faisant ce récit mensonger à un camarade malheureux, le
parasite exerce encore son métier hors de la table du riche et cela me paraît
peu naturel, surtout devant un ami ruiné. Il va plus loin encore, et c'est là
que l'esprit surtout fait du tort à la vérité. Il parle d'ouvrir une école,
une classe d'étudiants parasites. Mais Térence ne devait-il pas se demander
où cette école recruterait des élèves? il faut avoir l'appétit satisfait et
l'esprit tranquille pour étudier, et il était à craindre qu'il n'y eût plus
de parasites le jour où il aurait fallu systématiquement apprendre l'art de
l'être.
Parmi les fragments fort incomplets des autres comiques, qui nous sont parvenus,
le parasite est nommé plusieurs fois. Nous trouvons dans la pièce intitulée Gemina,
de Titinius, une mention de parasites éconduits, sans doute parce qu'ils
entraînaient le personnage de la pièce à de trop nombreux et de trop
dangereux repas, s'il en faut croire ces vers
Parasitos amovi, lenonem ædibus absterrui,
Desuevi ne quo ad coenam iret extra consilium meum.
Ces conseils avaient-ils porté fruit et contribué à préserver le
principal personnage du contact des parasites? L'attrait naturel qu'offraient
leurs flagorneries, l'utilité de leurs services me font douter du succès des
conseils qui cherchaient à le's écarter. J'en ai d'ailleurs une sorte de
preuve dans un vers que je trouve plus loin et qui témoigne d'une prédilection
persévérante pour eux :
Non is exsecrat parasitum, non virum abspellit domo ?
Titinius, dans une autre de ses pièces, le Quintus, nous donne
encore une idée de l'art trompeur, des mystifications du Parasite :
Quod ea parasitus habeat, ut qui ilium sciat
Delicere et noctem facere possit de die (67).
Noctem facere de die signifie sans doute ici, comme le croit Neukirch,
tromper, jouer; il peut être l'équivalent de cette expression triviale de
notre langue : faire voir des étoiles en plein jour. Si c'est là la véritable
traduction et si cette locution n'est pas prise au propre, elle serait une
preuve de plus du talent singulier des parasites.
Il nous reste d'Afranius un fragment plus important sur cette classe secondaire,
mais intéressante de la société romaine. Voici le passage, il est tiré de sa
pièce intitulée Vopiscus le Jumeau survivant :
Equidem te nunquam mihi
Parasitum, verum amicum, aequalem atque hospitem
Quotidianum, et lautum convivam domi (68).
Ce passage est incomplet. Bothe suppose qu'il a dû être précédé de cette
phrase Qualem me voluisti? Neukirch, au lieu de rendre la phrase qui
précède interrogative, sous-entend simplement cognovi. Quoiqu'il en
soit, la difficulté, pour nous n'est pas là, elle porte sur un autre point. Il
s'agit de savoir si verum signifie ici véritable, ou si c'est la
conjonction mais du français. Dans ce dernier cas, la phrase ferait croire
qu'on distinguait les parasites des véritables amis, des convives brillants,
des hôtes de chaque jour. Dans le premier cas, au contraire, ce langage serait
bien honorable pour eux, si toutefois ce n'est-pas un parasite, ou un flatteur,
ce qui est la même chose, qui le tenait à un de ses confrères. Il prouverait
qu'un parasite pouvait être regardé comme un véritable ami, comme un convive
aimable, comme un égal (69). Cette seconde
interprétation me paraît la plus vraisemblable, d'après l'ensemble de toute
la phrase. Mais, dans tous les cas, je ne saurais traduire ici parasitum
que par le mot de parasite et non par celui de commensal. Je ne connais pas
d'exemple dans la comédie latine où parasite ait été pris en bonne part.
Je ne sais s'il faut compter parmi les fragments de Naevius ou parmi ceux de
Plaute les vers cités dans la Casine (70)
tirés, dit Plaute, d'un Colax ou Parasite. L'un et l'autre ont écrit une
pièce de ce nom, mais je remarque dans le passage cité un usage emprunté aux
Grecs et que Plaute n'a reproduit pour aucun de ses autres parasites, celui
d'apporter soi-même sa nourriture. Je reconnais là les parasites autisites
d'Athénée, et je croirais plus volontiers que ces vers appartiennent au Colax
de Naevius. Voici un passage de la pièce de celui-ci qui semble concerner le
Parasite :
Quid decumas partes ? quantum mi alieni fuit
Polluxi tibi jam publicando epulo Herculis
Decumas (71).
C'est sans doute, comme on l’a cru généralement, le soldat fanfaron de la
pièce qui reproche à son flatteur les prodigalités qu'il lui a coûtées. J'y
vois mentionner cette dîme à Hercule qu'on prélevait sur les dépouilles et
que les Parasites eux-mêmes offraient sur leurs bénéfices (72)
;plus confiants dans la protection du Dieu que ne le sera plus tard l’insouciant
Martial :
On dit qu'à mes moutons le dieu sera propice,
Qu'importe qui les mange ou d'Hercule ou des loups!
Si notre conjecture est vraie, on leur donnait donc quelquefois, comme ici, le
dixième de la part d'Hercule. Il fallait sans doute pour cela que le courtisan
fût bien flatteur ou que le fanfaron en eût bien besoin.
Je ne sais pas s'il n'y a pas eu là quelque allusion à la part que prenaient
souvent certains acteurs, aux cérémonies religieuses. Je remarque que la
famille des Potitiens qui, avec les Pinariens, s'était vouée au culte
d'Hercule, s'éteignit de fort bonne-heure et fut remplacée auprès de lui par
des hommes de vile condition (73). Les viandes,
les mets sacrés offerts au dieu étaient donnés en partage à ceux-ci, et je
ne serais pas surpris que quelqu'acteur, un mime, par exemple, fût devenu ainsi
le parasite du dieu et en même temps de ceux qui lui offraient la dîme
d'usage. Apollon n'avait-il pas ses parasites parmi des mimes ? Un curieux
témoignage de Festus, qui ferait remonter bien haut les représentations des
mimes, nous apprend que ces pièces avaient un parasite qui, quoique relégué
parmi les acteurs de seconde classe, était en même temps parasite d'Apollon (74).
D'autres renseignements viennent confirmer celui-ci. Nous avons l'épitaphe
curieuse d'un certain Latinus, acteur recommandable par ses vertus autant que
par ses talents. Il aurait pu, dit Martial (75),
avoir pour spectateur ce sévère Caton, qui ne voulut point un jour assister
aux hardiesses de la scène des fêtes Florales (76).
Latinus était en même temps parasite d'Apollon. Sous Marc-Aurèle, Acilius
réunissait les mêmes fonctions avec celles d'Anchimime, et de premier acteur
tragique et comique de son temps (77). Enfin.
Faustine, mère de Commode, avait élevé dans son palais l'affranchi Agilius,
placé sur le théâtre par l'empereur lui-même et devenu en même temps
parasite d'Apollon. Plus tard, on en fit un décurion (78).
Dans l'épitaphe d'Acilius, que Gruter nous a transmise, se trouve mentionnée
la communauté des mimes 'et là encore se reconnaît facilement la trace ou
l'imitation de ces collèges sacrés, chargés de garder le temple et nourris
des offrandes du Dieu. Dans le Persan de Plaute, quand le Parasite voit
venir Toxile, il fait une évidente allusion à cette double fonction en le
saluant par ces mots: O mon Jupiter en ce monde, c'est un membre de ton collège
de goinfrerie qui te salue !
O mi Jupiter,
Terrestris te coepulonus compellat tuus (79).
Le parasite rappelle ici spirituellement l'institution des épulons
préposés aux Lectisternia, aux repas sacrés, et se, range sans façon dans
cette confrérie gourmande. Il y aurait pu, compter aussi ces parasites en
troupe qui se morfondaient et se promenaient alors au forum (80)
et ces autres flatteurs affamés qu’Epignome, dans le Stichus, ramenait
avec lui de ses lointains voyages (81). C'est comme
un prélude à l'usage qui va s'introduire de choisir les parasites des dieux
parmi les parasites du théâtre.
Cette association de l'emploi profané avec la charge sacrée révèle une fois
de plus le rapport qui de tout temps mêla les choses de la scène à celles du
temple et devait plus tard, même en France intéresser si vivement les pieuses
confréries aux origines de nôtre théâtre. Déjà en Grèce, vu que
l'institution divine avait précédé le personnage comique. À Rome, c'est le
contraire. Ce n'est que fort longtemps après : 542 sans doute, époque de la
fondation des jeux Apollinaires, que se fit le rapprochement et j'en placerais,
volontiers l'origine vers l'année 574, lorsqu'un théâtre fut construit
auprès du temple consacré à Apollon (82).
Le parasite était un acteur de second ordre, secundarum partium, Festus nous
l'a dit. Ses habitudes et son extérieur se reconnaissaient à des marques
particulières. Son masque était noir, le nez légèrement courbé, le sourcil
froncé (83). Son habit de couleur noire ou grise,
excepté dans le Sycionien de Ménandre que nous avons cité plus haut
(p. 85). Le parasite y endosse le vêtement blanc parce qu'il s'y marie (84).
Cela était moins rare sans doute dans le théâtre latin (85).
Chez les Grecs ils se permettaient tout. Il y avait là des parasites, qui
vivaient même avec de vieilles femmes qui les nourrissaient (86).
Est-il étonnant qu'ils aient fini quelquefois par se marier?
Ils étaient ordinairement armés d'une fiole de cuir contenant de l'huile ou
des parfums l®kuyow, et d'une étrille stleggÛw
(87) ustensiles nécessaires à la toilette de
bains des patrons qu'ils servaient ou qu'ils cherchaient avant l'heure du
dîner. Cet héritage des parasites Grecs s'était augmenté souvent entre les
mains de certains parasites de la comédie Romaine . Outre l’Ampulla et le
Stragilis, Saturion, dans le Persan, compte parmi son bagage
indispensable, une tasse, des sandales, et un manteau, Scaphium, Soccos, Pallium
(88). La tasse était pourboire, les sandales pour
marcher, le manteau pour se couvrir. C'était l'attirail d'un cynique,
l'ameublement des parasites pauvres. Ceux de Térence ne se seraient pas
contentés de si peu. Ils avaient, nous dit Pollux, l'oreille déchirée,
probablement comme une marque des coups qu'ils recevaient (89)
et très souvent un oeil crevé, parce que c'était sur eux qu'on se jetait à
la fin des repas, dans l'ivresse de la bonne chère. Ils recevaient les
insultes, les coupes, les plats à la tête, et la première réponse que fait
à Gnathon son pauvre ami qui ne sait pas le métier de parasite, c'est qu'il ne
peut ni être bouffon, ni supporter les horions :
At ego infelix, neque ridiculus esse, neque plagas pati
Possum (90).
Il ne descendait pas, comme Saturion dans le Persan, de la race
ingénieusement nommée les Duricranes (91).
Ergasile, dans les Captifs, dit qu'un parasite doit se sentir capable de
recevoir des soufflets et de se laisser casser les verres et les pots sur la
tête :
Et hic quidem, Hercle, nisi qui colaphos perpeti
Potis parasitus, frangique aulas in caput, etc. (92)
Charançon est spirituellement traité comme un membre de la famille des Coclès
parce qu'il n'a qu'un oeil (93) et, dans les Menechmes,
Péniculus jure sur le seul oeil qui lui reste de demeurer silencieux (94).
Térence eût-il consenti à montrer ses parasites ainsi défigurés? J'en
doute.
Telles sont les indications que la comédie ancienne nous a laissées sur ce
personnage original et oublié. Il semble que dans la suite le type s'en effaça
quel que peu du théâtre pour se multiplier dans la société romaine; car, au
temps d'Auguste, c'est à là table des grands qu'on rencontre surtout les
parasites, et leur art devient une sorte d'agrément mondain, un moyen de se
produire et de se pousser, qui, quoique toujours humble, a beaucoup perdu de sa
vile origine. Auguste lui-même en indique parfaitement le caractère dans cette
lettre qu'il écrivit à Mécène pour engager Horace à quitter sa table de
parasite pour le palais impérial, veniet ergo ab ista parasitica mensa ad
hanc regiam. Ainsi la place du poète à la table du favori était celle
d'un parasite, et nous savons par quelle indépendance Horace sut l'honorer ;
tandis que son rôle dans la maison de l'empereur eût été, du moins Auguste
le dit, plus digne et plus dignement nommé. Car, dans une lettre qui suivit,
l'empereur, pour l'attirer davantage sans doutée l'appelle convictor,
commensal du prince (95). Nous voilà déjà bien
loin de ces mendiants grotesques qui, pour un dîner, descendaient jusqu'à
épousseter et balayer les toiles d'araignée, comme dans le Stichus (96),
et de ces riches qui se faisaient eux-mêmes parasites (97),
ou qui allaient en personne au marché (98).
Horace, qui a refusé pour lui-même cette dépendance dorée qui contrariait
ses mouvements, ne se fait pas scrupule d'enseigner à ses amis l’art de la
subir avec une dignité habile. Demander avec précaution, se rendre toujours
nécessaire et jamais importun, régler ses goûts sur celui du maître, ne
parler qu'avec une discrète mesure de sa propre famille pour la servir, plus
sûrement, voilà, entre autres, ce qu'il leur recommande en termes pleins de
finesse et d'expérience (99). On pourrait
retrouver là l'histoire et les devoirs. du parasite dans le monde et à la
cour.
Ce n'est pas que tout cet art se soit raffiné alois et qu'on n'y reconnaisse
pas les vestiges de son passé. Le chanteur Tigellius avait encore ses
parasites, comme l'esclave Toxile dans Plaute (100)
et Fannius l'un d'eux, avait une bouche aussi mordante qu'insatiable (101).
Il y en avait toujours quelques uns qui vendaient leurs suffrages, en échange
d'un bon souper ou de quelques nippes usées (102).
Les ombres, ou personnages amenés par des invités, n'effrayaient pas la
générosité des amphitryons (103), et l'on
rencontrait encore des citoyens pauvres mais honnêtes, qui comme Vulteius
Ména, le crieur public, le marchand de guenilles attablé un instant chez
l'orateur. Philippe préféraient leur misère à ce honteux métier.
Il y avait donc alors des restes de l'ancienne souche des parasites et en
même-temps une race plus nombreuse et à peu près nouvelle, qui semblait
descendre quelque peu d’Ennius, d’Andronicus, de Térence, (il nous y avait
préparé par ses parasites) de ces poètes commensaux qui avaient racheté leur
vassalité par la rançon du talent, mais qui eurent sous Auguste des rejetons
sans nombre souvent moins dignes; désignés quelquefois par le nom de Scurrae,
Grassatores, ou par l'épithète moins humiliante de convivae et d'umbrae.
Je reviens au théâtre. Deux caractères y distinguent les anciens parasites.
Ils sont gourmands, pour la forme et agents d'affaires au fond. Communs,
goguenards, triviaux, naturels dans Plaute; parfumés et florissants, hommes du
monde dans Térence, ils forment deux sortes de classes, celle des parasites
pauvres et celle des parasites riches. Les premiers annoncent tout à la fois le
règne et la dé cadence des petites familles plébéiennes; les autres sont les
précurseurs, les représentants, trop prématurés, de l'aristocratie. Il y a
trop d'élégance dans leur corruption.
Dans le théâtre latin de l'ère nouvelle, il ne nous reste plus qu'une seule
pièce où ce personnage figure avec quelques-uns de ses attributs anciens,
augmentés de ceux qu'il devait à son temps. Le Querolus, comédie du 4e
siècle, nous offre un parasite plein d'intérêt pour nous, parce qu'il marque
nettement la transformation que nous cherchons. Au 4e siècle, malgré la
consécration publique du christianisme, le paganisme luttait encore. On ne
déracine pas d'un coup, par un simple édit, les vieilles moeurs, les vieilles
habitudes d'un peuple, et il y a pendant longtemps plus de force dans la
rébellion des idées vaincues qu'il n'y a d'ascendant et de séduction dans les
idées naissantes. Dans les moeurs, les transitions sont nécessairement lentes
et, quelle que soit la sympathie acquise aux choses nouvelles, on ne passe point
sans effort, en leur faveur, de l'admiration à la pratique. Cela est vrai
surtout des choses de l'imagination. Les jeux publics, les jeux de la scène
avaient pour le peuple un attrait qui se conciliait mal avec les prescriptions
du culte nouveau. La vogue extraordinaire des mimes et des pantomimes était un
des témoignages les plus frappants de la résistance du goût païen. Les
empereurs l'avaient si bien compris que, tout en abolissant le culte ancien, ils
permettaient le maintien des plaisirs publics et des solennités du
polythéisme. L'attrait du cirque et du théâtre, la popularité de tous ces
spectacles sensuels, faisaient une concurrence sérieuse aux cérémonies
mystiques et aux sacrifices des victimes destinées à la foi naissante. Pour
que celle-ci finît par l'emporter, il lui fallait le temps, il fallait cette
guerre de tous les jours faite par l'art chrétien aux arts du paganisme, ces
processions solennelles, cette magie des peintures sacrées, cette enivrante
séduction de la musique employée par l'Église à captiver et élever toutes
les âmes, à les détourner peu à peu des entraînements dangereux de
l'idolâtrie et les ravir à la matière. C'est dans une situation pareille des
esprits la seule lutte possible. Ne riens décréter, ne rien emporter d'assaut,
attendre et rivaliser par l'exemple, souvent par les mêmes moyens, mais dans un
autre but, et, par l'emploi des mêmes personnages; produire des effets
nouveaux; c'est là le seul gage du succès pour les idées naissantes.
Voyez, par exemple, le parasite Mandrogerus, c'est son nom dans la pièce qui
nous occupe, trompe la confiance du vieil Euclion qui meurt et la crédulité de
son fils, auprès de qui il se fait passer pour magicien. Il vide la maison de
Querolus, et croyant y avoir fait une capture inutile, il la restitue trop tôt,
car, à son insu, c'est un trésor qu'il a rendu à son maître. Toutes les
ruses des parasites que nous avons étudiées précédemment se retrouvent ici :
le voyage en pays étrangers, la captation tentée sur un vieillard, sur son
fils, le mensonge mis au service de la cupidité. Je reconnais la trace de
Plaute et de Térence, je retrouve les captateurs du temps d'Horace. Mais je
remarque aussi les différences introduites par les institutions nouvelles. La
magie si fréquente à cette époque est un des nouveaux ressorts de la pièce.
Les plaintes continuelles de Querolus contre cette aveugle destinée à laquelle
on ne croyait plus, ce châtiment qui, à la fin de la comédie doit atteindre
le coupable, sont une date et une innovation. Le sentiment de la Providence et
du juste se fait jour déjà. Le respect des tombeaux, la fidélité à la foi
jurée, toutes ces vertus nouvelles inconnues du parasite et sous l'empire
desquelles il succombera, marquent la transition entre le vieux monde et le
nouveau. Les parasites de Plaute ne craignaient pas de voler et de se gorger au
mépris de toute loyauté. Les spectateurs de la cavea ne se doutaient même pas
qu'il y eût là autre chose qu'une matière à rire et à admirer. Jupiter
n'avait-il pas trompé de temps immémorial et Mercure, son fils, n'était pas
le dieu des voleurs? Il n'en est plus de même au IVe siècle. Alors l'homme
n'est plus un trafiquant audacieux des plus nobles choses. À la place des
appétits, le christianisme va lui donner des aspirations, à la place du
sentiment de sa force, il lui inspirera le sentiment de sa dignité. C'est à ce
prix seulement que cette société pouvait se régénérer, c'est en noyant la
vieille corruption au baptême de la morale que l'occident devait se retrouver
lui-même. Quand les vices sont devenus les moeurs publiques; quand l'habile est
plus estimée que la droiture, une société est bien près de sa décadence. Du
mépris des autres, elle doit finir par arriver au mépris d'elle-même et
malheur à ceux qui sont descendus si bas, s’ils ne remontent pas bientôt à
la vraie dignité par un effort surhumain, s'ils ne reconquièrent pas l'estime
des autres qui seule est la règle de notre estime propre! Leur salut moral
n'est qu'à ce prix. Autrefois le parasite était fidèle à quelqu'un. Il
remplissait avec un soin obséquieux, souvent même trop empressé, les
commissions dont on le chargeait. Ici il n'obéit plus qu'à ses mauvais
instincts, il est plus fourbe parce qui'l trahit tout le monde. Il représente
les vices du passé qui vont échouer devant la nouvelle loi. La cuisine n'est
plus pour lui qu'un souvenir que le goût de l'or semble avoir surpassé : «
mon génie, dit-il, efface celui des cuisiniers. C'est l'or qui excite mon
appétit, c'est le fumet de l'or qui m'est parvenu à travers les mers. Aurumest
quod sequor : hoc est quod ultra mariaque et terras olet (104).
» On dirait qu'il a laissé au maître les vieilles habitudes du parasite
d'autrefois. Écoutez les doléances de l'esclave Pantomalus, dont un savant
éditeur a si habilement fait ressortir l'importance (105).
Pantomalus dit de son maître : « Que ne souhaité-je plutôt qu'il fasse
toujours ce qu'il fait? Couvert de la toge, qu'il continue de quêter des
suffrages, de dîner chez les juges, convivator judicum, d'épier l'heure
où s'ouvrent les portes des grands; qu'il soit l'esclave des esclaves, que,
comme un charlatan qui guette des dupes, il erre de place en place, cherchant
partout et épiant les heures et le temps, le matin, à midi, le soir; qu'il
salue sans pudeur ceux qui le dédaignent, qu'il aille au-devant des gens qui
l'évitent. »
Ce n'est qu'à la fin que le parasite, joué et contrit, se ressouvient de sa
vie première et demande simplement à être nourri, comme de son côté le
patron reprend sa première place pour s'y montrer en maître. Le morceau de
cette comédie le plus curieux pour nous, c'est cette sorte d'édit qui la
termine et qui fixe les amendes en retour des châtiments qu'on infligeait aux
parasites. Ce n'est point ici le lieu de discuter si cette partie appartient ou
non à la comédie; ou si elle a été ajoutée après coup, comme un argument
en faveur de la science des lois parasitiques où Mandrogérus se dit si expert.
Bien que le manuscrit de Paris et celui du Vatican ne le contiennent pas, il est
évident pour nous que ce morceau date de la même époque. Cette raison doit
nous suffire pour l'apprécier. Le tarif des dommages-intérêts qui sont
déterminés ici avec une précision remarquable est à lui seul une date. Il
prouve les progrès de cette science du droit qui, depuis Papinien et Ulpien,
n'avait fait que grandir jusqu'au moment où Théodose chargea huit
jurisconsultes d'en réunir, d'en consacrer les titres divers dans un ensemble
uniforme. L'influence chrétienne n'est pas non plus étrangère à cette
espèce de code pénal de la flatterie, témoignage singulier de l'abjection
profonde où les parasites étaient tombés (106).
On leur infligeait donc les plus durs traitements, les maux les plus humiliants,
puisqu'une loi seule en pouvait réprimer les excès. Ils n'étaient plus
exposés seulement à avoir les vêtements déchirés, on leur brisait les os.
Les petits os se payaient d'un petit écu (solidus), les grands d'une
livre d'argent (argenti libra). La mort d'un Parasite, cet outrage à
l'humanité beaucoup trop fréquent alors, entraînait enfin les plus cruelles
peines pour l'auteur du crime.
La vie d'Heliogabale nous apprend, à ce sujet, tout ce qu'on osait contre eux.
Il les faisait attacher à une roue tournante pour jouir de leurs tortures (107),
ou les étouffait sans pitié sous ces monceaux de roses et de lis qu'Horace
aimait à trouver au milieu des plus gais festins (108).
Longtemps avant cette époque, Hiérax d'Antioche, le joueur de flûte puis le
flatteur de Ptolémée Évergète et ensuite de Philométor, avait de même
été mis à mort sans motif (109). Il était
temps que le christianisme intervînt et, enseignant tout à la fois la charité
qui nous fait descendre jusqu'aux plus humbles et l'égalité qui les fait
monter jusqu'à nous, marquât dans la loi le châtiment à côté du délit,
sans distinction de rang : et haec omnia sic constituimus quasi inter (se)
hominurn liberorum et aequalium lasciviens turba desaeviat (110).
Règle souveraine qui, supprimant cet odieux monopole des souffrances et de la
mort exercé par une moitié de l'humanité contre l'autre, donnera peu à peu
le premier rang au plus digne, et fera, en définitive du mépris la seule et la
plus poignante punition du vil!
Nous devinons à peu près maintenant ce que sera le Parasite de nos temps
modernes, quelque chose de rampant et de méprisable, un type démonétisé qui
s'efface de plus en plus devant la morale nouvelle et qui n'a chance de
reparaître quelque peu qu'avec les siècles de corruption. Ce n'est plus alors
qu'un mendiant d'esprit; un frelon qui s'attache à la richesse, mais il
n'intervient plus dans les intérêts de famille, et on ne le chargera plus de
rien d'important. Il n'a plus de devoir à remplir, il n'a que des besoins, et
c'est parce qu'on ne compte dans la société que par les devoirs que le
Parasite ne marquera plus. On lui jettera quelqu'aumône encore, mais il aura
perdu son caractère, sa place nécessaire.
Au XVIIe siècle, par exemple, au temps du faste et de la poésie, les parasites
sont tous poètes, comme au temps d'Horace et de Martial. Le grand siècle
offre, sous ce rapport, des analogies avec la belle époque romaine. Là aussi,
il y a une aristocratie qui domine et des inférieurs qui sont obligés de se
faire pa-donner, par toutes sortes d'obséquiosités, leur rang subalterne. Dans
cette société régulièrement partagée, où des barrières presque
insurmontables séparaient toutes les classes, que de vers flatteurs, que de
dédicaces pour obtenir, je ne dis pas le droit de manger à une table
splendide, mais de ne pas mourir de faim! Fr. Colletet qui allait mendier son
pain de cuisine en cuisine, Cassandre, Tristan l'Hermite, vivaient d'aumônes et
des reliefs du dîner de leurs protecteurs. Cette condition misérable était
souvent la suite des désordres ou de la paresse des poètes parasites. Je me
trompe cependant, le malheur ne fut pas toujours invariablement leur partage.
Fr. Colletet, par exemple, vit un jour la bonne fortune venir frapper à sa
porte ; c'est Tallemant des Réaux qui nous le dit (111)
: « Cependant comme nul n'est prophète en son pays, il est arrivé que ce
Jean-François Colletet ayant été pris par ceux du Luxembourg, il y à 5 ou 6
ans, comme il allait à Cologne offrir son service au cardinal Mazarin, le
gouverneur du pays, et autres grands seigneurs germaniques, le prirent pour un
si galant homme, un si grand poète et un si grand orateur qu'après l'avoir
régalé deux ans durant, bien loin de lui faire payer rançon, ils le
reconduisirent tous jusqu'à la première place du roi de France. »
Quelle bonne aubaine pour un poète et surtout pour un poète à jeun ! On
connaît l'épitaphe que Tristan écrivit pour lui-même et qui aurait pu servir
à toute cette famille de poetæ minores, ordinairement vêtus de simple bureau
et que la faim avait avilis; la voici :
Je fis le chien couchant auprès d'un grand seigneur,
Je me vis toujours pauvre et tâchai de paraître,
Je vécus dans la peine espérant le bonheur,
Et mourus sur un coffre en attendant mon maître.
Mais ce que l'on sait moins, c'est que ce même Tristan, l'auteur de Marianne,
écrivit une comédie en cinq actes, intitulée le Parasite, et dédiée
à M. le duc de Chaulne, un de ces grands seigneurs du temps, dont la protection
s'achetait au prix de tant de vers et de souplesse. Tristan a voulu imiter la
vieille comédie latine et il a échoué complètement. C'est presque
tout-à-fait l'ancienne tradition : un mari et un fils enlevés depuis 20 ans
par des corsaires, un capitan matamore, copié du Pyrgopolynice et du Thrason
romains; et enfin Fripesaulce le Parasite. Malheureusement l'imitation ne
suffit pas pour réussir, surtout quand elle est faite sans discernement, comme
ici. Le style même est sans force et sans éclat, et il n'était pas donné à
Tristan de faire goûter un langage tel que celui-ci, par exemple, qu'il prête
à son parasite.
Oh ! je crois que ma faim n'eut jamais de pareille !
Je sens dans mes boyaux plus de deux millions
De chiens, de chats, de rats, de loups et de lions
Qui présentent leurs dents, qui leurs griffent étendent,
Et, grondants à toute heure, à manger me demandent, etc.
En cherchant avec quelque soin on peut retrouver encore, parmi les Parasites du
temps, ces marques extérieures de leur condition que j'ai signalées dans les
parasites de Plaute. Montmaur, par exemple, le célèbre professeur de grec,
s'attira, par ses goûts de Parasite éhonté, des épigrammes et des inimitiés
sans nombre. On imprima contre lui une longue diatribe en deux volumes,
intitulée: Histoire de Pierre de Montmaur (112),
qui contient de curieux détails sur sa vie et ses habitudes gourmandes. J'en
extrais ce seul passage pour montrer que les Parasites de l'antiquité
n'étaient pas seuls exposés à perdre un oeil : « M. Bayle cite les vers
suivants d'un écrit intitulé : Éloge historique du sieur Gomor, (Montmaur) (113).
Aussi ce messer cicofante,
Pour montrer que c'est son attente,
Fit l'autre jour un joli tour,
Cassant d'une bûche flottée
La lourde caboche évantée
Du gros janitor de Boncour.
Mais ce grand chercheur de lippée
N'eut pas plutôt fait cette équipée,
Qu'il se vit absous du péché;
Car il reçut telle mornifle
Sur son gros museau qui renifle,
Que son oeil en resta poché.
Au XVIIIe siècle, Collin d'Harleville introduit un Parasite plus brillant dans
sa petite pièce de M. de Crac. C'est un homme qui a quelque fortune, et qui
aime, par économie, à manger chez ses voisins et à les payer en grosses
flatteries. Nous avons vu quelques parasites pareils chez les Grecs. Verdac,
c'est le nom de celui-ci, n'est placé là que comme une variété de l'espèce
des menteurs que Collin d'Harleville voulait ridiculiser. Mais de même que
Térence, Collin d'Harleville se serait bien gardé de dépeindre un vrai
Parasite avec son accoutrement grossier, son langage sans pudeur, son oeil
crevé et son ventre proéminent. Le talent gracieux et facile de l'auteur, le
temps où il écrivait, n'admettaient guères ce genre de vérité dramatique.
Ce mensonge aimable, à la mode alors, je le retrouve plus tard encore dans une
pâle traduction en vers de l'Eunuque, honnêtement déguisé sous ce
titre : Le Flatteur Parasite, comédie en trois actes par
Massot-Delaunay (1819), avec cette préface « La pièce de Térence que
j'intitule le Parasite, pour ne pas effaroucher les oreilles délicates, se
rapproche sinon des moeurs, du moins des caractères du siècle, etc., »
La cuisine est restée en définitive le seul domaine de ces êtres déchus.
Supprimez l'appétit, il n'y a plus de Parasites, ou plutôt de gastronomes, et
de pique-assiettes, car c'est là leur dernière dénomination. Elle suffit pour
les définir. Le ventre a fini par remplacer chez eux l'esprit. C'est une
dernière et définitive transformation de leur décadence. Ils sont revenus au
point d'où ils étaient partis, à l'appétit, sans autre attribut qui le
relève et lui vaille quelque indulgence, ou quelque bénéfice. Notre société
a fait deux classes fort distinctes de ce qui n'en était qu'une seule jadis.
Elle a maintenant ses courtisans et ses gourmands. Ceux-ci, qui ne sont pas
autre chose que les anciens parasites, ont formulé ainsi, sur la scène, leur
dernier programme. C'est par là que je veux achever leur portrait :
Dans ce siècle économique
Comment engraisser, hélas !
On y vit de politique,
Et moi je n'en use pas.
Dîner! voilà mon histoire,
La table est mon seul amour,
Manger, chanter, rire et boire,
Voilà mon ordre du jour.
J'ai dans mainte circonstance,
Toujours ennemi de Peau,
Voté contre l'abstinence
Et contre le vin nouveau.
Mais, lorsque dans mes finances,
L'ordre est un peu rétabli,
Je vais tenir mes séances
Chez Balaine ou chez Véry.
Je me place, dès que j'entre,
N'importe dans quel endroit,
A la gauche comme au centre,
Aussi bien qu'au côté droit.
Sur la carte avec méthode
Je vais régler mes budgets,
Et je n'ai pas d'autre code
Que le Cuisinier français (114).
(1) Athenée
Deipnosoph. VI, 26, p. 24, édit. Tauchnitz. 1834.
(2) Id. IV, 73,
p. 316. Criton, dans sa comédie du Curieux, appelle les habitants de
Délos Parasites du dieu de leur pays. Délos passait pour la terre promise, le
plus heureux séjour des Parasites, parce qu'elle réunissait trois avantages
précieux pour ces gourmets, un marché bien fourni, des habitants nombreux
venus de tous pays, et les Déliens Parasites eux-mêmes du dieu Apollon,
c'est-à-dire sans doute habitués à la bonne chère et aux festins gratuits.
Le rapport entre les deux sortes de Parasites est déjà évident ici.
(3) Id. VI, 26. Tout ce livre VI est rempli des
plus curieux détails sur l'origine et les diverses attributions des Parasites
primitifs.
(4) Plutarch. Solon XXIV, p. 227, édit.
Tauchnitz.
(5) Athen. VI. cap. 26, 27 et 28.
(6) M. Lebeau jeune, Mém. acad. Inscript.
XXXI, p. 51, s'est trompé en disant qu'ils avaient dans le temple un logement, parasÛteion
et un magasin, ŽrxeÛon.
L'ŽrxeÛon
était le lieu où ils siégeaient, qui, de leur nom, fut appelé aussi parasÛteion.
(7) Athen.
VI, 27, p. 27.
(8) Vid.
Suidas voc. DaitaleÝw
et les Étymol. d'Orion, édit. Sturz. 1820; p. 49. 8. - Athénée VI, 30, p.
28, cite tout un monologue du choeur des Flatteurs d'Eupolis.
(9) Athen.
VI, 28, p. 27. Je remarque ici une contradiction entre deux auteurs d'un même
siècle. Athénée VI, p. 29, dit toè de
ônñmatow toè parasÛtou mnhmoneæei ƒAr‹rvw ¤n „UmenaÛÄ.
Il avait dit v, p. 27, qu'Epicharme montra le premier le personnage dans son
Plutus, mais sans lui donner son nom de parasite.
Jul. Pollux Onomast., édit. Hemsterhuys, VI, cap. 7, p. 584, dit au
contraire:¤pÜ m¡ntoi toè parasÛtein
¤pÜ lixneÝ&, ± kolaeaÝ&, prÇtow ƒEpix‹rmow tòn parasÛton
Ènom‹sen, eÞtŒ …Alejiw - Je crois
par les passages cités dans Athénée à l'appui de son assertion, par les
nombreux détails où il est entré sur ce sujet, que c'est J. Pollux qui se
trompe. Cf. Meinek. fragm. com. graec. I, p 377.
(10) Vid. Pignorius de Servis,
Amstelod. 1674, p. 111. - Athen. II. 28, p. 87 et IV. 70, p. 313. - Villebrune,
trad. Athen., tome II, note, p. 154.
(11) La comédie grecque a traité très
fréquemment ce sujet. Antiphane, Diphile, Alexis, Eupolis, ont écrit des Parasites
(voir Athen. VI, passim): Polémon en a parlé dans un ouvrage à part.
Ménandre a fait le Flatteur; (Terent. Prolog. Eunuch.) et Philémon
(Athen. IV, p. 244. cf. Meinek. comic. græc. fragm. IV, p. 151:) nous a
laissé une comédie intitulée le Coureur ou le Parasite. - Les
satiriques les avaient déjà signalés: Voyez Athen., I, p. 13, ce
qu'Archiloque disait d'un certain Périclès s'introduisant dans les repas sans
être invité! Les hommes qui s'étaient rendus célèbres dans cette sorte de
profession sont cités partout : Tithymalé, Corydus, Philoxène tranche jambon,
Stratius, Euclide, Moschion, Chéréphon, Grillion, Struthias, le flatteur de
Ménandre, Clisophe et Théron, etc.
(12) Athen. VI. 36. p. 32.
(13) Athen. IV, 58, p. 302.
(14) Id. VI, 44, p, 41.
(15) Id. VI, 43, p. 40.
(16) Krobyle, par exemple, dans sa pièce du Pendu.
Voir Athen. II, 47, p. 87, et VI, 52, p. 49. - Antiphane (id. I, 14 p. 14),
nous montre un personnage arrivant tout joyeux de pouvoir payer son écot.
(17) Athen. VI, 42, p. 39. - cf. p. 68. - Menand. M¡yh.
Fragm. 2e, p. 32, édit. Didot.
(18) Alciphron, qui, parmi ses Lettres, nous en a
transmis de parasites, leur donne III, p. 49, le nom de gamoxaÛrvn.
- cf Avellinus in Captiv. Plaut. Neapol. 1807. ad fin.
(19) Voir Menand. Ceudhrakl°w,
fragm. 2e édit. Didot, p. 52.
(20) Athen.VI, 43, p.41.
(21) Macrob., Saturn. II, cap. 11 et 12.
L'esturgeon était fort recherché des délicats de Rome. Plaute, dans le rôle
d'un parasite de sa Baccharia, a dit au sujet d'une lamproie : « Quel
mortel fut jamais plus favorisé de la fortune que je le suis maintenant, devant
ce magnifique repas destiné à mon ventre! je vais de mes dents et de mes mains
engloutir dans mes flancs les flancs de cet esturgeon, qui jusqu'ici a vécu
caché au fond des mers. » Macrob. I . cap. 9. avait déjà cité un Fabius,
surnommé Gurges pour avoir mangé son bien. Un autre célèbre gourmand
porta aussi le surnom de Gurges. C'était ce Gallonius dont Lucilius, dans ses Satires,
a si vivement persécuté les rapines, la gourmandise et les fourberies. (Liv.
XV, fragm. I, et XXVIII, fragm. 5, Corpet.)
(22) L'importance de la bonne chère était
sans égale alors. Parmi ces aïeux de Brillat-Savarin, je ne veux plus citer
que Lyncée de Samos, condisciple et rival de Ménandre, et ses deux amis
Diagoras et Hippolochus. Afin d'étudier les meilleurs morceaux de chaque pays,
ils avaient pris le parti de voyager et de se communiquer leurs impressions
gastronomiques. Athénée nous a conservé quelques fragments de cette
correspondance. Voir surtout une restitution curieuse d'une lettre de Lyncée à
Diogoras, relative à la comparaison des mets de Rhodes avec ceux d'Athènes.
Rossignol. Journal des Savants, janvier 1839. - Cf. Boeck. Inscript.
graec. n° 1625 et Plutarch. de sera numinis vindict. édit.
Wytenb.,, p. 55, 56, sur le goût des Béotiens pour les festins.
(23) Menandre. Dæskolow,
frag. III, p. 14. - Cf. Philetnon StratiÅthw,
fragm.,, p. 116 et fragm. incert. fabular. XL.. B, p. 124.
(24) Athén. XIV, 77, p. 88. Cf. Meinek.
fragm. IV, p. 541, 515.
(25) Menand. Yeoforoum¡nh,
fragm. 2, p.22. - Cf. Aristoph. DaitaleÝw,
fragm. 20 : ¤seÛon, ³toun xr®mata,
¤sukof‹ntoun .
(26) Le
comique Euphron (Athen. 1. p. 13.) fait dire à un cuisinier que son art est
égal à la poésie :
Oéd¡n õ mageÝrow toè poihtoè diaferei
„O noèw gŒr ¤stin ¥kat¡rÄ toætvn t¡xnh
(27) Ménandre,
Kekrægalow
fragm.I. p. 27.
(28) Macrob, Saturn.
II, 13 et Pighius, Annal., p. 330. Caton, quand il se plaignit qu'on
transgressait cette loi, devait échouer là comme il échoua pour la loi Oppia.
Il arrive un temps où les moeurs publiques sont plus fortes que toutes les
lois. À la fin du VIe siècle, il n'y avait plus guère de Fabricius à Rome. -
Cf. Ciacconius de Triclin, p. 199.
(29) Ficoroni
De larvis scenic., et figur., comic. antiq. Rom., pl. XVIII et et XLIV.
Idem édit. ital. 1748, pl. XX. LIV et passim.
(30)
Vetus glossem. boukÛonew, parasÛtoi.
Voir mes Atellanes.- La gourmandise se montrait encore ailleurs chez d'autres
personnages de caractère. Voir, par exemple, les deux fragm. du Maccus Miles:
Le Pappus aussi était quelquefois appelé Manducus.
(31) Munk, De
Fabul. Atellanis Lipsiae, 1840 in-8, p. 35..
(32) Pomponius Campani. - Nonius Pustch.
Voc. Publicitus
(33) Nonius Putsch. Voc. Memore. : Non
didici hariolari gratis.
(34) Cicér. de Divinat 1, 41.
Même dans les nations barbares on ne néglige pas la science divinatoire. Ainsi dans la Gaule elle a pour représentants les druides, dont l'un l'Éduen Divitiac, ton admirateur, lié à toi par les liens de l'hospitalité, m'est connu; il assurait qu'il était versé dans la science de la nature, ce que les Grecs appellent g-phusiologia, et il prédisait aussi l'avenir tantôt par le moyen des augures, tantôt par l'interprétation des signes, et chez les Perses les mages font office d'augures et de devins : ils se rassemblent dans un lieu consacré pour discuter et se mettre d'accord comme jadis vous aviez accoutumé de le faire aux nones. Nul ne peut être roi de Perse avant de s'être initié à la science des mages et d'en avoir appris les règles. Il existe, on peut le voir, des familles et aussi des nations qui s'adonnent à cette étude. Dans la ville de Telmesse, en Carie, l'haruspicine a un éclat particulier; de même, dans le Péloponèse, Élis possède deux familles, celle des Iamides et celle des Clytides, d'un mérite reconnu dans cette discipline. En Syrie, les Chaldéens tiennent le premier rang pour ce qui concerne les astres et aussi en raison de leur sagacité. Quant à l'Étrurie, elle observe avec une science consommée les effets de la foudre et sait dire ce qu'annoncent à chacun les anomalies qui se produisent et les prodiges.
(35)Voir
Aristoph. Didot, p. 506, fragr. 2e, dont Pollux Onomast. X. 80, attribue le 3e
vers aux Telmises
Tr‹pezan ²mÝn f¡re
TreÝw pñdaw ¦xousan, t¡ttaraw d¢ m¯' xetv
- KaÜ pñyen ¤gv tripoun tr‹rezan l®comai;,
et frag, 3e : Oànou te XÛou st‹mnon
²kein kaÜ mæron, et passim.
(36) Duo
Dossenni. ap. Festum., voc. Temetum. Ce titre est important ici,
puisqu'il s'agit de deux Dossennus.- Je ne crois pas nécessaire de discuter ici
l'opinion que je trouve dans Ritschl (Parergon Plautinorum Terentianorumque.
Lips. 1845. tom. Ier. préfac. p. XIII, cf. p. 105) et qui rapporte le mot
Dossennus à Plaute en le faisant synonyme de Scurra comme si Horace
avait dit : Quantus scurra sit in scurris Parasitis describendis. (Plautus.)
(37) Hist.
natur. XIV, cap. 13.
(38) Epist. 89
Hospes
resiste et sophiam Dossenni lege.
Les Romains usaient autrefois de ce mot, comme ils se servent aujourd'hui de
celui de pbilosophie. C'est ce que vous prouveront et nos anciennes comédies
nationales et l'inscription qui se trouve sur le monument de Dossennus:
«Étranger, arrête-toi, et lis la sophie de Dossennus ».
(39)
De Senectut. 13.
En
premier lieu, j'ai toujours appartenu à quelques confréries. Il y en eut de
constituées pendant que j'étais questeur après l'introduction chez nous du
culte de la Grande Mère phrygienne.
(40)
Isidor. Etym. XX, 2.
Valer. Maxim, II, cap. 1 2.
Dans
les repas les hommes avaient l'habitude de se tenir couchés et les femmes
d'être assises. Cet usage passa des festins des hommes à ceux des dieux, car
dans le banquet donné en l'honneur de Jupiter, on invitait le Dieu à prendre
place sur un lit et Junon et Minerve sur des sièges. Ces mœurs sévères,
notre âge les conserve avec plus de soin au Capitole que dans les maisons
particulières. C'est probablement que les déesses ont à cœur plus que les
femmes le maintien de la discipline.
(41)
Tite Liv. XXXIX. 6.
En
effet, le luxe des nations étrangères n'entra dans Rome qu'avec l'armée
d'Asie; ce fut elle qui introduisit dans la ville les lits ornés de bronze, les
tapis précieux, les voiles et tissus déliés, enfin, ces guéridons et ces
buffets, qu'on regardait alors comme une grande élégance dans l'ameublement.
(8) Ce fut à cette époque qu'on fit paraître dans les festins des chanteuses,
des joueuses de harpe et des baladins pour égayer les convives; (9) que l'on
mit plus de recherche et de magnificence dans les apprêts mêmes des festins;
que les cuisiniers, qui n'étaient pour nos aïeux que les derniers et les moins
utiles de leurs esclaves, commencèrent à devenir très chers, et qu'un vil
métier passa pour un art. Et pourtant toutes ces innovations étaient à peine
le germe du luxe à venir.
(42)
Voir, à ce sujet, tout un chap. des Symposiaq. de Plutarq. VII. 6. et
Horac., Sat. II., 8: 24 et Epist. I. 5. 28. - Athén. les appelle muÝai,
mouches, et l'Antholog. Tom. IV. Epigr. 107. p. 139 edit. Brunck et Jacobs,
contient ces vers
Ì g‹ster kunomuÝa di' ¶n kñlakew par‹sitoi
zÅmou pñlousi y¡smon ¤leuyerÛaw
Voir id. note. Tom. XI, p. 345. - Cf. Plaute Poenul. 688.
(43) Vid.
Ciacconius de Triclinio. Amstel; 1664, cum Fulvii Ursini append., p. 251.
(44) Stichus,
v. 476. - Cf., 481 et Captiv., 405.
(45) Stichus,
v. 684. Gelasime, (Stichus, 604;) dit :
Tantillum
loci ubi catellus cubet, id mihi sat erit loci.
Aussi peu de place qu’il en faut à un chat pour se coucher, cela me suffira.
(46)
Horat. Epist., I, 18, 10.
Celui-ci
va au-delà de toute complaisance; bouffon du dernier lit, il tremble au moindre
geste du riche maître, répète ses paroles et ramasse les mots qu'il laisse
tomber. Tu dirais un enfant qui récite la leçon dictée par un magister
furieux, ou un mime qui joue les rôles secondaires.
(47)
Lamprid, Heliog, XXIV.
Il
fit quelquefois servir à ses parasites, au second service, des objets
représentés en cire, d’autres fois en bois, souvent en ivoire, ou en terre
cuite, ou même en marbre ou en pierre, en sorte que sous ces matières
différentes on eût cru voir les mêmes mets qu’à lui : mais lui seul
mangeait ; les autres se contentaient de boire à chaque plat, et se lavaient
les mains comme s’ils eussent mangé.
(48)
Martial, XII. 29.
Hermogène
est, à mon avis, Ponticus, un aussi grand voleur de linge que Massa le fut de
pièces d'argent. Tu auras beau observer sa main droite, tenir sa gauche dans la
tienne, il trouvera moyen de prendre ta serviette. Ainsi le cerf attire par son
aspiration le serpent glacé ; ainsi l'on voit Iris absorber les vapeurs prêtes
à se résoudre en pluie. Dernièrement, pendant qu'on demandait grâce de la
vie pour Myrinus blessé, Hermogène escamota quatre serviettes. Une autre fois,
le préteur allait donner avec la sienne le signal des jeux : Hermogène venait
de la dérober au préteur. Dans un souper où devait se trouver le fripon,
personne n'avait apporté de serviette : Hermogène emporta la nappe. A défaut
de nappe, Hermogène dégarnit les lits, ou détache les pieds des tables. Le
théâtre fût-il comme une fournaise sous les rayons enflammés du soleil, on
ôte les rideaux aussitôt qu'Hermogène parait. Les mariniers tremblants
s'empressent de ferler les voiles dès qu'ils voient Hermogène sur le port.
Sous leur robe de lin, les prêtres rasé d'Isis ne frappent plus leurs sistres,
mais s'enfuient, quand parmi les adorateurs se présente Hermogène. Hermogène
jamais n'apporta de serviette dans un souper ; mais il en rapporta toujours.
Cf
id. VIII, 59
Vous
voyez cet homme qui se contente d'un oeil et qui, sous son front déprimé,
montre, à la place de l'autre, une cavité chassieuse ? Eh bien ! cet homme, ne
le méprisez pas, c'est le plus grand voleur de la terre : Autolycus n'avait pas
la main plus subtile. S'il vous arrive de l'avoir pour convive, ne le perdez pas
de vue : c'est là qu'il triomphe ; là mon borgne y voit des deux yeux. Les
valets ont beau faire, les gobelets et les cuillers y passent, et plus d'une
serviette disparaît sous sa robe. Personne ne sait mieux ramasser un manteau
qui a glissé des épaules d'un convive, et souvent il se trouve couvert de deux
surtouts. Le coquin ne rougit pas de voler à l'esclave endormi sa lampe tout
allumée. S'il n'a pu rien attraper, il circonvient d'une façon traîtresse
l'esclave préposé à la garde des sandales, et finit par se voler, quoi ? les
siennes.
et
Catull. XII ad Asinium.
Asinius
le Marrucin, tu n'as pas la main gauche au milieu de la gaieté et du vin: tu
voles leurs mouchoirs aux convives distraits. Tu trouves peut-être cela
plaisant? Tu te trompes, sot que tu es: (5) rien n'est plus bas ni plus ignoble.
Tu ne me crois pas? Crois-en Pollion, ton frère, qui donnerait jusqu'à un
talent pour effacer le souvenir de tes larcins: car il est, lui, bon juge en
matière de goût et de plaisanteries. (10) Aussi ou attends-toi à des milliers
d'hendécasyllabes ou renvoie-moi mon mouchoir. Ce n'est pas sa valeur qui me le
fait regretter; mais c'est un souvenir d'amitié; c'est un de ces mouchoirs de
Saetabis, (15) présent de Fabullus et de Veranius, qui me les ont envoyés
d'Hibérie; je dois les aimer comme j'aime mon Veranius chéri et Fabullus.
(49)
Vid. Terent, Eunuch., prolog., v.
25. - Nonius Marcell. voc, Batiola. - Bothe poetar. latin, scenic.
fragm., p. 279.
(50) Vid.
Athen. XIV, p. 90 et Stobée Serm. X, 21. - Cf. Menand. fragm 2e et 5e,
p. 29.
(51) Athen.
VI, 74, p. 66.
(52) Traité de la manière de distinguer un flatteur d'un ami,
traduct. de Laporte Dutheil, 1772, p. 63.
(53) Vid. Photius Lex., p. 94 et 400. - Stobée Serm., LIII, 3. -
Alciphron II, 4, 140. - Cf. Menand., fragm., p. 45. Le Fanfaron de son
Colax s'appelait Bias (Plutarch. de adut. et. amic. p. 57. )
(54) Voir le Pédant joué, de Cyrano; Le Brave, de Baïf; Jodelet
duelliste, de Scarron; l'Illusion, de Corneille; l'Homme à bonnes
fortunes, de Baron ; etc., etc.
(55) Lettre 109.- Au temps de Martial le parasite sera à lui seul fanfaron
et flatteur. Les deux caractères du Pédant militaire et du courtisan se
réuniront dans sa seule personne. Voir. l'épigr, IX, 36, sur le parasite
Philomusus.
Tu as un sûr moyen de te faire inviter à souper, Philomusus, c'est
d'inventer force nouvelles et de les débiter comme vraies. Tu sais ce qu'a
décidé, dans son conseil, le roi des Parthes, Pacorus ; tu sais le compte de
l'armée du Rhin et de celle de la Sarmatie ; tu es au fait des ordres qu'à
transmis par écrit le chef des Daces ; le laurier de la victoire n'est pas
encore aux mains du général, que déjà tu l'as vu ; le ciel d'Égypte ne
verse pas une fois ses eaux sur les noirs peuples de Syène, que tu n'en sois
informé ; le nombre des vaisseaux sortis des ports de la Libye ne t'est jamais
inconnu ; tu sais d'avance quelle tête César couronnera de l'olivier, et à
quel vainqueur le père des dieux destine la guirlande triomphale. Épargne-toi
ces inventions, Philomusus : tu souperas aujourd'hui chez moi, à condition que
tu ne me contes pas de nouvelles.
(56)
Rudens 455.
(57) Athen. VI, 49., p. 46.
(58) Athen, vi, 61, p. 57.
(59) Stichus, v. 218, Sqq.
(60) Id. v. 182, sqq. traduction de M. Naudet.
(61) Voici
quelques vers d'une imitation des Captifs de Rotrou, où il a mêlé au
monologue d'Ergasile quelques pensées de celui de Gelasime :
Quelle étoile nous luit, malheureux que nous sommes!
Triste genre d'humains nés pour manger les hommes,
Que tout le monde; fait et qu'on trouve en tous lieux...
Nos bons mots désormais passent tous pour frivoles.
On ne se paie plus avecque des paroles,
On ne donne à dîner qu'à celui qui le rend,
On ne le donne pas, on le prête, on le vend.
(62) On trouve dans Athénée, VI, 65, p. 60,
l'origine de ce nom de Charançon. Anaxilas disait : « Les flatteurs sont les
Charançons des riches. Chacun s'insinuant dans l'esprit inoffensif d'un
maître, s'y accroupit et le ronge jusqu'à ce qu'il l'ait absolument vidé
comme un sac de blé. Après celui-là, il va en ronger un autre. »
(63) Phormio, v. 339, sqq. - Cf. Ennius, Sat.
VI, p. 489. Edit. Hesselius et Horat. Sat. II, 8, 67. Plaute avait tracé tout
autrement le caractère du parasite. « Un parasite, dit Saturion dans le Persan,
v. 121, perd toute sa valeur s'il a de l'argent chez lui. Il lui prend aussitôt
envie d'ordonner un festin, de faire bombance à ses frais, de manger son bien.
Un bon parasite doit être de l'espèce des cyniques,
Cynica esse e gente opportet parasitum probe. »
(64) Eunuch.
v. 232, sqq. - Ce Gnathon a été sans doute le modèle du Gnathon de Plutarque,
Symposiaq, VII, 6, et du Gnaton de Lucilius XXVIII, 24 et XXIX, 37.
(65) Athen.
VI, 60, p. 56.
(66) Horat. Epist.,
I, 15, 27.
Maenius,
dès qu'il eut dévoré bravement son bien paternel et maternel, devint un
plaisant, un bouffon vagabond, sans râtelier assuré, qui, n'ayant pas dîné,
ne distinguait plus un ami d'un ennemi, couvrait chacun d'outrages railleurs,
fléau, ruine et gouffre du marché, et donnant à son ventre insatiable tout ce
qu'il trouvait. S'il n'avait tiré rien ou presque rien des fauteurs de son vice
ou des gens intimidés par sa méchanceté, il soupait de plats d'intestins et
de mauvais agneau, de façon à rassasier trois ours; et il disait alors, comme
le censeur Bestius, que le ventre des débauchés devait être marqué au fer
rouge.
Voir
aussi Martial, Epigr. II, 14, ce qu'il dit de d'écornifleur Selius,
ingénieusement appelé Coenipeta.
Quand
Sélius, le fameux parasite,
Ne trouve point d'ami qui veuille le traiter.
Comme il se démène et s'agite !
Que de soins, que de pas, pour se raire inviter !
Du portique d'Europe au champ des exercices
Il vole, et de Paulin vante l'agilité :
"C'est un nouvel Achille !" Et si de ce côté
Il n'obtient rien, il passe aux septes des Comices
Où du fils de Phyllire et de celui d'Oeson,
Le marbre, avec leurs traits, a consacré le nom.
S'il les implore en vain, il court au sanctuaire
De la divinité que l'Égypte révère,
Et s'assied sur tes bancs, ô toi que de Junon
Longtemps persécuta l'implacable colère !
Il parcourt le portique, ouvrage merveilleux
Que le gendre d'Auguste éleva jusqu'aux cieux,
Et dont cent fûts d'airain décorent la structure ;
Puis celui de Pompée, où deux riants jardins
Offrent aux promeneurs leurs dômes de verdure.
De Fortuné, de Fauste il visite les bains,
Et de Grillus quittant l'étuve obscure,
Va braver chez Lupus le vent et la froidure.
Vingt fois il entre aux bains, et vingt fois il en sort,
Toujours en vain ; et maudissant le sort,
Tout humide, il revoit la place où, d'aventure,
Il peut trouver encore quelque honnête vieillard
De ses amis, chez soi retournant un peu tard.
Taureau divin, par toi, par ton amante,
Prends en pitié le mal qui le tourmente ;
Invite Sélius, ou je le vois enfin
Expirer à tes pieds, de fatigue et de faim.
Lucilius
(XXVII, 47) appelait quelquefois les Parasites Cibicidae.
(67) Neukirch. de fabula togat. Roman.
Lips., 1833, p. 127, lit ut qui. - H. Vossius Etymol., voc. tacere
lit habeat quibus. - Both, Poet. scenic. latin. fragm., tom. II,
p. 67, lit autrement : quod ea parasitus abbitat, qui, etc.
(68) Cf.
Nonius voc. Lautum - Both. fragm., t. II, p. 194, lit Combibium, sumpñthn.
- On trouve un passage dans Plaute, où la différence de conviva et de parasitus
est assez bien marquée. Il s'agit de Periplectomène, cet homme bien élevé,
ce représentant des moeurs nouvelles, ce citadin poli qui se vante d'avoir tous
les talents de la bonne société, et qui sait être tout à la fois gai
convive, parasite de premier ordre, et excellent pourvoyeur de festins; Miles
gloriosus, 666. On dirait qu'avec le Struthias de Ménandre il a pu servir
de modèle au Gnathon de Térence.
(69) C'est ainsi que dans le Stichus, v.
461, Gelasime invite, à ce titre, Epignome, son patron.
(70) Casin., v. 415. Voici les vers du Colax
:
Cibo cum suo quique facito uti veniant, quasi
Eant Sutrium.
(71) Vid. Priscian. Krehl. p. 470. - Hermann, Opuscul.,
II, p. 277. - Cf Klussmann Naevii vita et reliquiae, p. 140, et Munk de
Fabulis Atellanis, p. 167. - Munk et Bothe, fragm. comic, p. 13 et
42, et in Musaeo Rhen., v. p. 288, attribuent à tort, selon moi, cette pièce
à Novius, l'auteur d'Atellanes. Car je lis ainsi, avec les textes les plus
anciens, le vers 25 du prolog de l'Eunuque : Colacem esse Naevii et Plauti
veterem fabulam.
(72) Stichus, 233.
(73) Vid.
Tit.-Liv. I, 7.
Évandre
forma les Potitii à la célébration de ce sacrifice. Ils y furent préposés
pendant bien des générations, jusqu'au jour où ce ministère héréditaire
fut assumé par des esclaves publics après l'extinction complète du nom des
Potitii .
-
Valer. Max, II, 17, et Macrob, Saturn. III, 6.
(74)
Festus voc. Salva res, edit. Mueller, p. 326, 327, cum annot.
SCENICOS.
Les jeux que l'on nomme maintenant Thyméliens étaient anciennement appelés
scéniques. Les historiens nous apprennent qu'ils furent célébrés pour la
première fois par C....lius et M. Popilius m. f., édiles curules. Dans ces
jeux les mimes avaient coutume de s'avancer sur l'orchestre, avec des gestes
indécents, tandis que les pièces se jouaient sur la scène. Salva res est, dum
cantat senex. Verrius, dans son livre V, où il explique les mots qui commencent
par la lettre P, a dit pourquoi les parasites d'Apollon (c’est-à-dire les
acteurs) répètent souvent ces paroles sur la scène. Sous le consulat de P.
Sulpicius et de Cn. Fulvius, M. Calpurnius Pison, préteur de Rome, célébrant
des jeux, les citoyens coururent tout à coup aux armes à la nouvelle de
l'approche de l'ennemi ; victorieux, ils revinrent au théâtre, dans la crainte
que l'interruption des jeux ne fût une chose de mauvais augure, et qu'il ne
fallût les recommencer. Ils y trouvèrent C. Pomponius, fils d'affranchi,
comédien très âgé, qui dansait aux accords de la flûte. Le cri de joie
qu'ils poussèrent en voyant que cette solennité religieuse n'était pas
interrompue, se répète donc encore aujourd'hui. Mais, dans ce livre, Verrius
rapporte les paroles de Sinnius Capiton. Celui-ci dit que ces jeux en l'honneur
d'Apollon furent célébrés sous le consulat de Claudius Fulvius, et établis
en vertu des livres Sibyllins et d'un oracle du devin Marcius ; et il n'est
nullement question d'un Pomponius. Il rend ici ridiculement raison de
l'appellation même de parasites d'Apollon, après avoir omis cette explication
à sa véritable place ; car il dit qu'on les appelle ainsi, parce que C.
Volummus, qui avait dansé au son de la flûte, jouait le second rôle, celui
de parasite, qui est donné à presque tous les mimes. Ce n'est pas sans rougir
que j'ai rapporté cette légèreté de notre Verrius.
(75)
Epigr. IX, 29.
Je
suis ce Latinus, l'honneur de la scène, la gloire des jeux publics, que vous
avez tant aimé et applaudi ; ce Latinus que Caton eût voulu voir, en présence
duquel se fût déridée la gravité des Curius et des Fabricius. Ma vie ne
s'est point ressentie des habitudes du théâtre, et, je n'appartins à la
scène que par mon art. Sans moeurs, je n'aurais pu plaire à notre maître ;
c'est un dieu dont l'oeil voit jusqu'au fond des consciences. Peu m'importe
qu'on m'appelle le parasite d'Apollon, pourvu que Rome sache que je suis le
serviteur de son Jupiter.
(76)
Valer-Max., II,10, 8. 8.
Un
autre jour qu'il assistait aux jeux Floraux donnés par l'édile Messius, le
peuple n'osa pas devant lui demander que les comédiens quittassent leurs
vêtements. Favonius, son ami intime qui se trouvait assis à ses côtés, le
lui fit remarquer. Aussitôt il sortit du théâtre, ne voulant pas que sa
présence empêchât d'observer la coutume du spectacle. Le peuple salua sa
sortie par de vifs applaudissements et demanda qu'on rendît aux jeux scéniques
leur forme traditionnelle. Il montrait par là plus de respect pour la grandeur
du seul Caton qu'il n'en réclamait pour l'assemblée entière. Quelles
richesses, quels commandements militaires, quels triomphes valurent à Caton un
tel hommage ? Ce grand homme avait peu de bien, des mœurs austères, un petit
nombre de clients, une maison fermée à l'intrigue, une seule illustration du
côté paternel, une physionomie peu prévenante, mais en revanche une vertu de
tous points accomplie. Aussi, veut-on parler d'un citoyen d'une grande vertu, on
en exprime l'idée par le nom de Caton.
-
Voir sur ce sujet une thèse remarquable de M. Lacroix : De la religion des
Romains d'après Ovide, Paris, Joubert, 1816, p. 252. Je crois qu'il s'est
trompé en nommant ici Caton d'Utique. N'est-ce pas plutôt de Caton l'ancien
qu'il s'agit
(77)
Gruter, 1089, 6. - Orell., 2625 : L. Acilio... nobili archimimo communitas
mimorum adiecto diurno parasito Apoll. tragico comico primo sui temporis,
etc. - Cf. Mem. acad. lnscript. XXXI, p. 51. Mémoire de M. Lebeau jeune.
(78) Gruter,
330, 1.
(79) Persa,
101. traduction de M. Naudet. Voir sa note ingénieuse sur le mot caepulonus.
Titinius, Barbatus, edit. Neukirch, p. 103, fait dire à un personnage :
Namque uni (pour unius) collegi sumus.
Vid.
Festus voc. epolonos.
EPOLONI.
Les anciens appelaient ainsi ceux que nous appelons aujourd'hui epulones; on
leur a donné ce nom parce qu'ils avaient le droit de fixer les festins
solennels en l'honneur de Jupiter et des autres dieux.
(80)
Voir le monologue d'Ergasile, Captiv.,
vers 425.
(81) Stichus,
386.
(82) Tite-Live, XL, 51.
Il
fit blanchir le théâtre voisin du temple d'Apollon et son avant-scène, le
temple de Jupiter au Capitole, et le péristyle qui l'entourait. Il fit
disparaître de ce péristyle les statues qui le masquaient d'une manière
désagréable, et enlever les boucliers et les étendards de toute sorte qui y
étaient suspendus
Saint
Augustin Civit. Dei, VI, 7.
(83) Jul. Pollux, Onom. Edit. Henisterhuys,
v, 19, p. 138
(84) Id.
p. 420 et 424. Cette robe du parasite s'appellera trexedeÝpnon,
dans Juvénal, III, vers 67.
(85) Donat. fragm.
Com. et trag. dit en parlant des costumes du parasite: laeto vestitus
candidus; aerumnoso obsoletus, purpureus diviti pauperi phoeniceus datur.
(86) Athen.
VI, 48, p. 45
(87) Suidas voc. stleggÛw.
Il cite ce vers des Detaliens ou Convives d'Aristophane
Oéd' ¤stin aétú stleggÜw oéd¢ l®kuyow
- Voir Stichus, 230. Ils remplissaient ainsi le métier d'aliptae ou
frotteurs de profession. Cf. Cicer. Epist. fam. 1, 9.
(88) Persa,
v. 1-25. - Donat, fragm. Trag. et com., dit : Parasiti cum intortis
palliis veniunt.
(89) J.
Pollux, p. 438. vid. supra.
(90)
Terent. Eunuch. v. 243. - Cf. Juvénal. Sat. V, passim.
(91) Plaute, Persa.,
v. 61.
(92) Plaute, Captiva,
v. 20 et 21.
(93) Curcul.,
401.
(94) Menechmes.,
v. 155.
(95) Sueton, Vita
Horat.
(96) Stichus,
350.
(97) Idem 618
(98) Captiv.,
v. 471.
(99) Voir principalement Epist., I, 17
et 18.
(100)
Horat., Sat., I, 2, 2.
Les
collèges de joueuses de flûte, les pharmacopoles, les mendiants, les mimes,
les coquins, toute cette espèce est triste et désolée de la mort du chanteur
Tigellius
-
Cf. Carin. Vopisc., 22.
(101) Id. Sat., I, 10, 81. ;
(102) Id.
Epist., I, 19, 38.
je
ne quête pas les suffrages de la plèbe mobile par des repas et le don de vieux
habits
Cf
Ars poetic., 420, 599.
(103) Id. Epist.,
I, 5, 28.
Il
y a place pour quelques ombres; mais des convives trop serrés sont gênés par
l'odeur de la chèvre.
(104) Vid.
Querolus, edit. Klinkhammer, act. 2, scèn. 1, vers 10, p. 79.
(105) Magnin, Revue des deux Mondes,
juin 1835, p. 670.
(106)
J'ai cru superflu de noter avec détails les chapitres de Lucien sur le Parasite
et sur le triste sort des gens de lettres qui se louent aux grands seigneurs, et
les lettres de Parasites qu'on trouve dans le romancier Alciphron. Dans une
telle matière le plus sage est de se borner.
(107) Lamprid, Heliogab, XXIV.
Il s’amusait à attacher à
la roue d’un moulin ses parasites ; et, par un mouvement de rotation, tantôt il les plongeait sous l’eau, tantôt il les faisait revenir au-dessus : il les appelait alors ses chers Ixions.
(108)
Id. XXIII.
Il parsemait de roses ses salles à manger, les lits et les portiques, et se promenait sur les fleurs de toute sorte, lis, violettes, jacinthes et narcisses.
(109)
Athen., VI, 61, p. 57.
(110) De
aestimatione injuriarum quas parasiti patiantur. Vid. Querolus, sub fine.
(111) 2°
Edit., petit in-12, Delloye, tom. IX, p. 179.
(112) Par
Sallengre, 2 vol. in-12. Lahaye, 1715. - Cf. Montesquieu, Lettres persanes,
48 et 137. - Gilblas, de Lesage, liv. 13, - et Régnier, satire
III, vers 122 et suivants.
(113) Tom.
I, préfac., p. CXV.
(114) Voir
Le Gastronome sans argent, par MM. Scribe et Dupin, représenté au
théâtre de Madame le 10 mars 1821. - M. Pique-Assiette,
comédie-vaudeville en 1 acte, par MM. Dartois et Gabriel, représentée le 18
mai 1824 aux Variétés, est la dernière pièce française qui se soit
spécialement occupée de ce personnage.