Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Les premières annales de Castille sont connues par le biais d’un manuscrit daté de 1058 et trouvé à Saint Isidore de León. Ce sont des fragments couvant la période 618-939. Elles furent écrites par un compilateur anonyme peu de temps après 939. Cette date peut en effet être prise en compte car la datation fait référence à « notre roi Ramiro de León » (
931–51) dans sa bataille contre les Maures à Osma.Le texte latin utilisé provient du site : http://humanidades.cchs.csic.es/ih/paginas/fmh/analesI.htm
In era DCLVI profetabit Mahomati seudeoprofete in regno Sisibuti regis et Isidoris Palensis aepiscopi.
Dans l’ère 656 (an 618) le pseudo-prophète Mahomet prophétisait; c’était le règne de Sisebut[1] et Isidore était évêque de Palencia.
In era DCCLII venerunt sarracini in Spania tempore Rudericu regis.
Dans l’ère 752 (an 714) les Sarrasins arrivèrent en Espagne à l’époque du roi Ramiro.
In era DCCCLII exierunt foras montani de Malacoria et venerunt ad Castella.
Dans l’ère 852 (an 814) les foramontanos[2] sortirent de Malacoria en Espagne et allèrent en Castille.
In era DCCCLXXVI fregerunt cortobesses Sotoscoba.
Dans l’ère 876 (an 838) les Cordouans[3] assaillirent Sotoscueva.[4]
In era DCCCLXXVIIII ovit domnus Adefonsus rex in Obaeto vin Kalendas martias.
Dans l’ère 879 (an 841) le seigneur Alphonse, roi d’Oviedo, mourut aux calendes de mars.[5]
In era DCCCLXVIIII populavit domnus Ordonius Legione et in tertio anno sic fregit.
Dans l’ère 869 (an 831) (sic) le seigneur Ordoño, peupla le León, et la troisième année il fut attaqué.
In era DCCCLXVVIII populavit Rudericus commes Amaya et fregit Talamanka.
Dans l’ère 873 (an 835) (sic) le comte Rodrigue, peupla Amaya,[6] et attaqua Talamanca.[7]
In era DCCCCIIII fregit Rudericus commes Asturias.
Dans l’ère 904 (an 866) le comte Rodrigue[8] tailla en pièces les Asturies.
In era DCCCCIIII adeptus est in regnum domnu Adefonsu.
Dans l’ère 904 (an 866) on prit pour roi le seigneur Alphonse.[9]
In era DCCCCXX populavit Didacus commes Burgus et Auvirna pro iussionem domno Adefonso. Regnavit Adefonsus rex annos XVI et migravit a secculo in mense decembris·et suscepit ipso regno filio eius Garsea.
Dans l’ère 920 (an 882) le comte Diego peupla Burgos et Ubierna[10] par ordre du seigneur Alphonse. Le roi Alphonse régna 16 ans et il mourut au mois de décembre et son fils Garcia[11] lui succéda dans le royaume.
In era DCCCCL populaverunt commites Monnio Nunniz Rauda et Gondesalbo Telliz Hocsuma et Gundesalbo Fredenandiz Aza et Clunia et Sancti Stefani iusta fluvius Doyri.
Dans l’ère 950 (an 912) le comte[12] Nuño Nuñez peupla Roa[13]; le comte Gonzalo Tellez peupla Osma; et le comte Gonzalo Fernandez peupla Aza, Clunia[14] et San Esteban,[15] près du fleuve Douro.
In era DCCCCLVIII sic fregerunt cortobesses civitatem Burgus cum illorum nefandissimum regem Abderaheman tempore Ordoni princeps.
Dans l’ère 958 (an 920) les Cordouans attaquèrent la ville de Burgos avec leur roi le plus impie Abd-al-Rahman[16] à l’époque du prince Ordoño.[17]
Item secunda vice supervenerunt iterum in Burgos ipsos mauros in era DCCCCLXXII unde oviabit illis rex noster Ranemirus in Ocsuma - et multa milia occiserunt de illis.
Les maures attaquèrent la ville de Burgos une deuxième fois, dans l’ère 972 (an 934), mais notre roi Ramiro[18] les repoussa à la bataille d’Osma,[19] et des milliers d’entre eux moururent.
In era DCCCCLXXVIII populavit Fredenando Gundesalbiz civitatem que dicitur Septepubplica cum Dei auxilio et iussionem principem Ranemirus Deo gratias.
Dans l’ère 978 (an 940) Fernand Gonzalez peupla la ville appelée Sepulveda[20] avec l’aide de Dieu et sur ordre du prince Ramiro. Rendons grâce à Dieu.
In era DCCCCLXXVII videlicet die II feria ora IIII sic demonstrabit Deus signum in celum et versus est sole in tenebris in universum mundum quasi ora una Post inde ad XVIIII dies quod est VIIII idus agustus in diem quod celebratur christianis Sancti Iusti et Pastoris die III feria sic venerunt cortoveses ad Septemmankas cum illorum nefantissimum regem Abterahaman cum omni exercito suo ibique fixerunt temptoria sua invenerunt enim ibidem rex Ranemirus et eius comites qui exierunt cum illo congregati cum suas ostes id est Fredenando Gundesalbiz et Asur Fredenandiz et alia multitudo acmina preliatores. Adiubante Deo inruerunt super mauros et ceciderunt ad gladio in die ilia quasi tria milia vel amplius ibique est captus mauro Aboyahia. Deinde ad XVI dies quod est XII kalendas sebtembris dum perrexissent mauros in fuga et subtraxissent se exire de christiannorum terra oviaverunt eis in locum que dicitur Leocaput et ribo nomine Verbera ibique dispersi sunt smahaelitas et mortui et expoliati sunt nimis et gavisi sunt christiani sicut reversi sunt cum multa munera ·et letati sunt super illorum spoliis et repleta est Galletia et Castella et Alaba et Pampilonia cum illorum regem Garsea Santio. Deo gratias.
Dans l'ère 977 (an 939), un mardi, à dix heures du matin le 20 juillet, quand Dieu montra des signaux dans le ciel et transforma le soleil en ténèbres dans le monde pendant environ une heure. Dix-huit jours plus tard, c'est-à-dire le 6 août, le jour où les chrétiens célébraient les saints Juste et Pasteur, arrivèrent les Cordouans à Simancas[21] avec leur roi le plus impie Abd-el-Rahman[22] et toute son armée, et c’est là qu’il installa ses tentes. Mais le roi Ramiro entouré de comtes les repoussa lors de la bataille ; ils se joignirent à lui avec leurs troupes, savoir: Fernand González, Assur Fernández et de nombreuses troupes. Avec l'aide de Dieu ils vainquirent les maures et là tombèrent, fauchés par le glaive plus de trois mille hommes : entre autres Aboyahia de Saragosse fut fait prisonnier et les autres s’enfuirent. Ensuite, après seize jours, c'est-à-dire le 21 août alors qu'ils continuaient à fuir, étant sur le point de partir vers leur terre, les nôtres s’opposèrent à eux en un endroit appelé Leocaput[23] où est la rivière Verbera, et les Ismaélites furent dispersés, tués et dépouillés. Les adorateurs du Christ se réjouirent et s’en retournèrent chez eux avec un riche butin, et ils enrichirent de leurs dépouilles la Galice, la Castille, Alava et Pampelune, avec son roi Garcia Sanchez. Rendons grâce à Dieu.
[1] Sisebuth (Flavius Sisebutus en latin; Flavio Sisebuto en espagnol) est un roi wisigoth d'Espagne règnant de 612 à février 621.
[2] Les foramontanos, sont des cantabres originaires de Malacoria (localité identifiée à l'actuelle Mazcuerras). Le terme foramontanos se réfère à des gens du nord de l'Espagne, qui, au IXe siècle, repeuplèrent les terres au nord du Douro, restée vide à la suite des guerres entre musulmans et chrétiens pendant les premières années de la reconquête.
[3] A l’époque mentionnée, les Cordouans sont des musulmans.
[4] En 837, Abd al-Rahman II entre à Tolède pour étouffer une rébellion. Peu après trois armées se dirigent vers le royaume des Asturies. La première attaque la Galice, la deuxième León et la troisième frappe l'Alava et la Castille. Les Musulmans parviennent à prendre une forteresse, sans doute Pancorvo, porte de la Castille et de l'Alava. Dès lors, ce site devient le point de départ des opérations de pillage de l'Alava et de la Castille. Il faut attendre les années 870 pour que Pancorvo passe à nouveau entre les mains des Asturiens. Cette place permet à l'émir d'ordonner une campagne en 838, sous le commandement d'Ubaid ben al-Balesi. Celui-ci remonte l'Èbre, passe par la région de Villarcayo et dévaste la région de Sotoscueva.
[5] Alphonse II, le Chaste, roi des Asturies en 783, fut renversé la même année parmi compétiteur et ne remonta sur le trône qu'en 791. Il remporta plusieurs victoires sur les Musulmans, établit sa cour à Oviedo, s'empara de Lisbonne, et mourut en 842. Dès 835, il avait abdiqué en faveur de Ramire, fils aîné de Bermude
[6] Amaya est le nom d'une cité antique de Cantabrie, située au sommet du massif du même nom, haut de 1 377 mètres, au nord-ouest de la Province de Burgos, en Espagne. La ville était située à la limite sud de la Cantabrie à l'époque romaine, à une position stratégique contrôlant l'accès au territoire cantabre depuis le sud. Durant le règne d'Alphonse Ier des Asturies (739-757), roi des Asturies, la ville se relève et devient siège d'un évêché en 780, mais sa situation exposée aux incursions ennemies provoque son dépeuplement rapide, jusqu'à ce qu'Ordoño Ier d'Oviedo charge le premier comte de Castille, Rodrigo, de sa reconstruction sous le nom d'Amaya Patricia en 860. Sous le règne de Ramire II, la ville se repeuple. Cependant, le déplacement de la frontière vers le sud permet l'installation des habitants dans les vallées.
[7] Talamanca est une commune de la province de Barcelone, en Catalogne, en Espagne, de la comarque de Bages.
[8] Rodrigue est né vers 825 dans le royaume des Asturies et mort le 4 octobre 873 en Castille. Il est le premier comte de Castille de 860 à sa mort en 873. Il cumule ce titre avec le titre de comte d'Alava à partir de 868.
[9] Alphonse III des Asturies, dit Le Grand, roi des Asturies de 866 à 910.
[10] Ubierna est le nom d'une ancienne municipalité. Aujourd'hui c’est à la fois une ville et une entité locale Mineure, en Vieille-Castille, maintenant communauté autonome de Castille et León, province de Burgos (Espagne). Elle est située dans la région d’Alfoz de Burgos et dépend désormais de Merindad de Rio Ubierna.
[11] García Ier d'Oviedo, roi d'Oviedo entre 910 et 914.
[12] Nuño Núñez n’est que comte d’Amaya, sa terre, endroit d'où il lança le repeuplement de Castrogeriz. Il y a alors deux seigneurs important dans cette région: Gonzalo Fernandez à partir de son centre de Lara, comte de Castille de Burgos, et Gonzalo Téllez qui se fait appeler comte de Lantarón et Cerezo.
[13] Roa est une ville située au nord de l’Espagne, comarca de Ribera del Duero, dans la Communauté autonome de Castille-et-León, province de Burgos.
[14] Durant la conquête de la Péninsule Ibérique par les musulmans la ville fut conquise par les troupes du général berbère Tariq ibn Ziyad, en 713. Les chrétiens la repeuplèrent en 912, formant la ville qui est devenue Coruña del Conde.
[15] San Esteban de Gormaz est une ville de Castille située à 70 km de la capitale de la province de Soria, à 28 kilomètre des fouilles archéologiques de Tiermes et à 45 km d’Aranda de Duero. Elle est érigée de manière stratégique sur la rive supérieure du fleuve Douro, un petit mont la domine sur lesquelles se trouve les restes de son château.
[16] Abû al-Mutarraf al-Nâsir li-Dîn Allah `Abd ar-Rahman ben Muhammad, Abd al-Rahman III ou `Abd ar-Rahman III dont le nom est parfois francisé en Abdérame III, surnommé An-Nâsir (Cordoue, 7 janvier 891 – Madinat al-Zahra, 15 octobre 961) fut émir puis calife omeyyade de Cordoue. Il est le fils de Muhammad, prince omeyyade mort avant son père `Abd Allah. Il est né en 889. Il a succédé à son grand père `Abd Allah comme émir omeyyade de Cordoue en 912. Il reconstitue un état unifié dès 917 et représentant de l'orthodoxie musulmane, il décida de s'affranchir définitivement de l'autorité politique et religieuse de Bagdad en s'attribuant les titres de calife (929), Amir al-Mu'min ("prince des croyants") et al-Nasir li-din Allah ("le victorieux pour la religion de Dieu"). Il est mort le 16 novembre 961 à Cordoue.
[17] Ordoño II de León et I de Galice (? - León, 924). Roi de León (914 - 924) et de Galice (910 - 924).
[18] Ramire II de León (900 - León 951) fut roi de León de 931 à 951, successeur de son frère Alphonse IV.
[19] La victoire d’Osma obtenue avec le concours de Fernand Gonzalez ne donnera cependant lieu ni à la soumission des Castillans ni à la confirmation par le roi Ramire de Fernand Gonzalez dans sa charge comtale.
[20] Ville proche de Ségovie.
[21] La bataille de Simancas voit s'affronter, en 939, les troupes chrétiennes coalisées des rois de León Ramire II et de Pampelune García II et celles du calife Abd al-Rahman III, sous les murailles de la cité de Simancas, proche de Valladolid, sur la frontière séparant l'émirat de Cordoue du royaume de León. L'issue de cette bataille, favorables aux armées chrétiennes, leur donnent le contrôle des territoires du Douro.
[22] Abd-el-Rahman III
[23] Identifié comme la ville de Monleón.