HISTOIRE DE NORMANDIE
DEUXIEME PARTIE : LIVRE VI (PARTIE I)
livre V partie III - LIVRE VI : PARTIE II
Œuvre mise en page par Patrick Hoffman
Texte latin de Migne.
HISTOIRE
DE NORMANDIE
LIVRE SIXIEME.
LIBER SEXTUS.
I. Prologus. Eventus varii.
Humani acumen ingenii semper indiget utili sedimine competenter exerceri, et, praeterita recolendo, praesentiaque rimando, ad futura feliciter virtutibus instrui. Quisque debet quemadmodum vivat quotidie discere et fortia translatorum exempla heroum ad commoditatem sui capescere. Plerumque multa, quae velut inaudita putantur, rudium auribus insonant, et nova modernis in repentinis casibus frequenter emanant; in quibus intellectuales inexpertorum oculi, nisi per revolutionem transactorum, caligant. Studiosi ergo abdita investigant, et quidquid benignae menti profuturum autumant, pie amplexantes, magni existimant. Ex benevolentia laborant, et praeterita posteris sine invidia manifestant; quorum solertiam dente canino nonnunquam inertes lacerant. Unde invidiosi quidam, invidorum morsibus injuriati, plerumque torpescunt, et ab incoepto specimine, quod aeterno fortassis silentio recludetur, desistunt. Sic interdum frivola occasione saeculo damnum oritur lugubre, quod benevola posteritas, si posset restaurare, et intermissa recuperare, alacris excusso insurgeret torpore, et invisi operis florem fructumque obnixa expeteret voluntate, et ardenter perscrutaretur sedula perspicacitate. In priscorum questibus haec plerumque legimus, et insignes didascalos, de suorum insultationibus aemulorum plangentes, plangimus. Hieronymum et Origenem, aliosque doctores de cavillationibus oblatratorum in allegationibus suis conquestos cernimus, et contristamur quod hac de causa nostris multa praecipua subtracta sunt obtutibus, dum dicaces sophistae malebant in otio quiescere quam abdita diserte proferendo laborare, et maledicis corrodentium latratibus patere. Conticescant obsecro et quiescant, qui nec sua edunt, nec aliena benigne suscipiunt, nec, si quid eis displicet, pacifice corrigunt. Discant ea quae nesciunt, et, si discere nequeunt, patiantur saltem symmathites suos edere quae sentiunt! De humano statu lapsuque, de labentis saeculi volubilitate, et praelatorum principumque nostrorum vicissitudine, de pace seu bello, et multimodis, qui non deficiunt, casibus terrigenarum, cuilibet dictanti thema scribendi est copiosum. De miraculis vero prodigiisque sanctorum, quia nimia nunc in terris est penuria eorum, modo scriptoribus in referendo non est insudandum. Antiqui enim patres, Martialis et Taurinus, Silvester, Martinus et Nicolaus, aliique mirabiles viri, quorum linguae claves coeli factae sunt, qui divinis charismatibus pleni, ut Phoebus in Ecclesia fulserunt, et elementis mundi aereisque potestatibus in virtute omnipotentis imperantes dominati sunt, jam cum rege suo, superna mercede potiti, felices in coelo consistunt. Successores autem eorum, qui potestatis apicem obtinent, et Rabbi vocitantur, atque super cathedram Moysi resident, saecularibus pompis et divitiis, quibus plerique nimium inhiant, multipliciter pollent; sed merito sanctitatis, potentiaque virtutum et prodigiorum non aeque renitent.
De cursu tamen saeculi et rebus humanis veraciter
scribendum est, atque ad laudem Creatoris et omnium rerum justi gubernatoris
chronographia pangenda est. Aeternus enim Conditor usque modo operatur et omnia
mire disponit; de cujus gloriosis actibus quisque pro suo libitu et posse pie
promat, quod ei divinitus inspiratum fuerit! Ex his Hugo Abrincatensis, Richardi cognomine Goz filius, inter caeteros magnates effulsit; cui postquam Gherbodus Flandrensis ad suos recessit, rex comitatum Cestrensem consilio prudenter concessit. Hic nimirum amator saeculi fuit, saeculariumque pomparum, quas maximam beatitudinum putabat esse portionem humanarum. Erat enim in militia promptus, in dando nimis prodigus, gaudens ludis et luxibus, mimis, equis et canibus, aliisque hujusmodi vanitatibus. Huic maxima semper adhaerebat familia, in quibus nobilium ignobiliumque puerorum numerosa perstrepebat copia. Cum eodem consule commorabantur viri honorabiles, clerici et milites, quos tam laborum quam divitiarum gratulabatur esse suarum participes. In capella ejus serviebat Abrincatensis clericus nomine Geroldus, religione et honestate, peritiaque litterarum praeditus. Hic servitium Domini quotidie agebat et sacrosanctum libamen devote frequenter exhibebat. Viros curiales, quoscunque poterat, ad emendationem vitae propositis antecessorum exemplis invitabat. In multis videbat, meritoque vituperabat carnalem petulantiam, nimiumque in pluribus erga Dei cultum lugebat ingentem negligentiam. Praecipuis baronibus et modestis militibus, puerisque nobilibus salutares monitus promebat, et de Veteri Testamento, novisque Christianorum gestis imitanda sanctorum militum tirocinia ubertim coacervabat. Luculenter enim enarrabat conflictus Demetrii et Georgii, Theodori et Sebastiani, Mauricii ducis et Thebaeae legionis, et Eustachii praecelsi magistri militum cum sociis suis, qui per martyrium coronari meruerunt in coelis. Addebat etiam de sancto athleta Guillelmo, qui post longam militiam abrenuntiavit saeculo, et sub monachili regula gloriose militavit Domino. Multis igitur profuit ejus exhortatio, quos ad tutam regularis vitae stationem e mundiali protraxit pelago. |
L'esprit humain a besoin de s'exercer et de se fortifier par des études assidues, et de se former sagement aux vertus par la connaissance des choses passées ainsi que par l'examen des choses présentes, pour le service de l'avenir. Chacun doit apprendre comment il doit vivre chaque jour, et pour sa propre utilité avoir sans cesse devant les yeux les exemples mêmorables laissés par les anciens héros. Il arrive souvent que beaucoup d'événemens retentissent aux oreilles des ignorans comme des choses inouïes. Fréquemment de nouveaux faits se présentent tout à coup dans les temps modernes, et n'offrent qu'obscurité aux yeux inexpérimentés de l'intelligence, si elle ne se rappelle pas les révolutions passées. C'est pourquoi les hommes studieux doivent s'appliquer à connaître les choses secrètes, et mettre un haut prix à tout ce qui peut servir à instruire l'ame dans ce qui est bien. Ils travaillent avec bienveillance, sans envie ils découvrent le passé à la postérité, et bravent les méchans dont la dent cruelle cherche à déchirer leurs ouvrages. Mais parfois il arrive qu'outragés par les morsures des jaloux, les hommes instruits laissent engourdir leurs talens, et abandonnent les travaux qu'ils ont commencés, pour se condamner peut-être à un éternel silence. C'est ainsi que parfois, pour de misérables motifs, le siècle éprouve un dommage regrettable: si la postérité pouvait le réparer en recouvrant ce qu'elle a perdu, elle en serait charmée et secouerait, pleine de joie, les langueurs de l'engourdissement; elle rechercherait avec persévérance les fleurs et les fruits d'un travail long-temps dédaigné, et ses recherches pleines d'ardeur se continueraient avec une active sagacité. Nous trouvons souvent de telles plaintes dans les écrits des anciens, et partageons la douleur d'illustres maîtres qui gémissent sur les outrages qu'ils ont reçus de leurs rivaux. En effet, ne voyons-nous pas Jérôme, Origène et les autres docteurs se plaindre dans leurs ouvrages des attaques de leurs ennemis? Nous nous affligeons de ce que par ce motif nous sommes privés de plusieurs ouvrages importans; car ces philosophes éloquens aimèrent mieux se livrer au repos que de travailler à nous révéler ce qu'ils avaient découvert, et de s'exposer ainsi à la fureur des aboiemens de la méchanceté. Qu'ils gardent le silence et le repos, je les en conjure, ceux qui, ne produisant rien eux-mêmes, accueillent avec malveillance les ouvrages d'autrui, et ne savent pas reprendre avec douceur ce qui peut leur déplaire. Qu'ils apprennent ce qu'ils ignorent; et s'ils sont incapables d'apprendre, qu'ils souffrent au moins que leurs maîtres mettent au jour ce qu'ils croient convenable. C'est le vaste sujet d'un ouvrage à offrir à tout le monde, que d'écrire sur l'état et la chute de l'homme, sur les révolutions du temps qui s'écoule, sur les destinées de nos prélats et de nos princes, sur la paix et la guerre et sur les événemens de toute espèce qui ne manquent pas aux enfans de la terre. Quant aux miracles et aux prodiges opérés par des saints, il y en a maintenant une telle disette sur la terre, que les écrivains n'ont pas besoin de se fatiguer beaucoup pour les décrire. Nos anciens pères, Martial et Taurin, Sylvestre et Martin, Nicolas et les autres hommes admirables dont les langues devinrent les clefs du ciel, qui, remplis des grâces divines, brillèrent comme Phébus dans l'Eglise, et qui, par la vertu du Tout-Puissant, commandèrent aux élémens du monde et aux puissances de l'air, reposent maintenant dans le ciel, heureux de jouir des suprêmes récompenses en présence du roi de l'éternité. Leurs successeurs qui occupent le faîte du pouvoir, reçoivent le nom de Rabbi, et sont assis sur la chaire de Moïse, se font remarquer de toutes manières par les pompes et les richesses séculières, après lesquelles ils aspirent pour la plupart trop ardemment; aussi ne brillent-ils pas également par le mérite de la sainteté, ni par la puissance des vertus, ni par le don des miracles. Cependant, il faut écrire avec vérité sur le cours du monde et les événemens humains; il faut développer la chronographie, pour la plus grande louange de l'Auteur de toutes choses, qui gouverne son ouvrage avec équité. L'éternel Créateur travaille sans cesse et dispose tout admirablement. Que chacun, selon sa fantaisie et son pouvoir, expose pieusement ce qui lui a été divinement inspiré sur les actes glorieux de Dieu. L'an de l'Incarnation du Seigneur 1066, la race du grand roi Edgar étant venue à manquer pour tenir convenablement le sceptre royal, Guillaume, duc des Normands, passa par mer chez les Anglais, avec plusieurs milliers de soldats, et, dans les champs de Senlac, fit périr par la guerre Hérald, usurpateur du royaume d'Albion. Ensuite, se rendant aux vœux des Français et des Anglais, il fut dans Westminster, le jour de la Nativité du Seigneur, consacré roi par Adelred, archevêque d'York; il posséda vaillamment le royaume d'Angleterre, pendant vingt ans, huit mois et seize jours. Il renversa les enfans orgueilleux de ce pays; il les jeta dans les fers, les déshérita, les bannit, et les dispersa au delà des limites de l'Etat et du sol natal. Il éleva au faîte des grandeurs ses sujets et ses partisans; il les enrichit des plus grands honneurs, et en fit des personnages importans en leur remettant les fonctions de l'Etat. Parmi ces grands brilla surtout Hugues, fils de Richard, comte d'Avranches, surnommé Goz. Quand Gerbod, de Flandre, se fut retiré dans son pays, le roi confia, de l'avis des sages, le comté de Chester, au comte Hugues. Ce seigneur était grand amateur du siècle et des pompes séculières, qu'il regardait comme la plus riche partie des béatitudes humaines. Il était brave à la guerre, prodigue de ses dons, ami du jeu et du luxe; il était livré aux farceurs, aux chevaux, aux chiens et à toutes les frivolités de cette espèce; toujours entouré d'un nombreux domestique, il voyait s'agiter sans cesse autour de lui l'affluence de ses pages tant nobles que roturiers. Ce comte avait avec lui quelques hommes honorables, clercs et chevaliers, auxquels il se félicitait de faire partager ses travaux et ses richesses. Sa chapelle était desservie par un clerc d'Avranches, nommé Gérold, remarquable par sa religion, son honnêteté et sa science dans les lettres. Tous les jours avec fidélité il s'acquittait du service divin, et fréquemment consacrait avec dévotion la sainte Eucharistie. Autant qu'il le pouvait il excitait les gens de cour à l'amendement de leur vie, en leur proposant l'exemple de leurs prédécesseurs. Il remarquait dans plusieurs et reprenait à bon droit la pétulance charnelle, et se plaignait de l'excessive négligence que la plupart d'entre eux mettaient dans le culte divin. Il n'épargnait pas les avertissemens salutaires aux principaux barons, aux simples chevaliers, ainsi qu'à la jeune noblesse, et tirait abondamment, du nouveau Testament et des nouveaux fastes des Chrétiens, les exemples des saints guerriers qui étaient dignes d'imitation. En effet, il racontait éloquemment les combats de Démétrius et de George, de Théodore et de Sébastien, de Maurice, chef de la légion thébaine, et d'Eustache, illustre capitaine, ainsi que de ses compagnons, lesquels méritèrent par le martyre d'être couronnés dans les cieux: il parlait aussi du saint champion Guillaume, qui, après de longs combats, renonça au siècle, et, sous les règles monacales, combattit glorieusement pour le Seigneur. Ses exhortations furent utiles à beaucoup de personnes, qu'il retira des flots du monde, pour les conduire en sûreté dans le port de la vie régulière. |
II. Digressio. Historia Beati comitis Guillelmi, monachi Gellonensis. Nunc, quia de sancto Guillelmo nobis incidit mentio, libet ejus vitam breviter huic inserere opusculo. Novi quod ipsa raro invenitur in hac provincia et nonnullis placebit de tali viro relatio veridica. Hanc etenim Antonius, Guentoniensis monachus, nuper detulit, et nobis eam videre sitientibus ostendit. Vulgo canitur a joculatoribus de illo cantilena, sed jure praeferenda est relatio authentica, quae a religiosis doctoribus solerter est edita, et a studiosis lectoribus reverenter lecta est in communi fratrum audientia. Verum, quia portitor festinabat adire, et brumale gelu me prohibebat scribere, sinceram abbreviationem, sicut tabellis tradidi compendiose, sic nunc satagam membranae summatim commendare, et audacis marchisi famam propalare. Tempore Pippini regis Francorum, Guillelmus ex patre Theoderico consule et matre Aldana natus est. In infautia litteris imbutus est, et sub Carolo Magno militiae mancipatus est. Nomen consulis et consulatum, et in rebus bellicis primae cohortis sortitur principatum. Deinde a Carolo dux Aquitaniae constituitur, eique legatio contra Theodebaldum regem et Hispanos atque Agarenos injungitur. Alacriter Septimaniam ingressus, Rhodanum transivit, Arausicam urbem obsedit, et, fugatis invasoribus, eripuit. Deinde cum barbaris transmarinis, et vicinis Agarenis multos conflictus egit, in gladio suo populum Dei ope divina salvavit, imperiumque Christianum dilatavit, et Sarracenos perdomuit. In territorio Lutevensi, in valle Gellonis, inter innumeros scopulos in honorem Salvatoris et XII Apostolorum monasterium construxit, monachosque religiosos cum abbate ibidem constituit, et omnia eis necessaria largiter praeparavit, et ipsorum chartas suis et regalibus testamentis confirmavit. Duae vero sorores ejus, Albana et Bertana, factae sunt ibi sanctimoniales, et in Dei cultu bene perseverarunt. Post longum tempus, a Carolo accitus, Franciam expetiit, et honorifice susceptus, se monachum fieri velle denudavit. Rex illi cum multis fletibus concessit, et de thesauris suis quidquid vellet ad ecclesiam suam deferre jussit. Guillelmus autem omnes terrenas opes respuit, sed phylacterium quoddam, sanctae Crucis lignum continens, requisivit et obtinuit. Illud nempe, dum Carolus rex primo anno imperii sui Romae moraretur, Hierosolymitanus patriarcha per Zachariam, magni testimonii sacerdotem, transmiserat. Audita mutatione Guillelmi, tota domus regia consurgit, omnisque civitas subito ruit. Adest magna procerum frequentia, et plorans intrat cum violentia, et Guillelmo ne deserat eos supplicat cum lugubri querimonia. Ille vero Dei igne fervens, omnia reliquit, et cum ingenti honore deductus, omnibus valefecit, demumque ab exercitu Francorum cum lacrymis suspirante discessit. Ad Brivatensem vicum perveniens, arma sua ad altare Sancti Juliani martyris offert, galeam et spectabilem clypeum in templo ad tumulum martyris, foris vero ad ostium pharetram et arcum, ingens telum et versatilem gladium Deo praesentat. Deinde peregrinus Christi per Aquitaniam ad monasterium properat, quod ipse paulo ante in eremo construxerat. Nudis pedibus appropinquat monasterio, ad carnem indutus cilicio. Audito ejus adventu, venitur ei obviam procul in bivio, et valde contradicenti festiva fit a fratribus processio. Ibi tunc offert phylacterium omni auro pretiosius, cum calicibus aureis et argenteis, et aliis multis ornamentis multimodis, factaque petitione, mundum cum suis omnibus reliquit pompis et lenociniis. Igitur anno ab Incarnatione Domini 806, imperii Caroli quinto , in natale apostolorum Petri et Pauli, Guillelmus comes monachus factus est, subitoque immutatus in Christo Jesu et alteratus est. Factus enim monachus, docebatur, nec confundebatur; corripiebatur, sed non irascebatur. Interdum caesus et injuriis laesus, non resistebat, neque comminabatur. Gaudebat in subjectione, et delectabatur in omni abjectione, paratus cunctis servire, obsequi et obedire. Proficiebat quotidie in omni sanctitate et religione, et in omni sanctae Regulae observatione, sicut aurum in camino mirabili coctione. Monasterium, quod ante monachatum ex toto non perfecerat, adjuvantibus filiis suis Bernardo et Guillelmo (90) , quos comitatibus suis praefecerat, comitibusque vicinis, perfecit ut coeperat. Difficilem viam ad jam dictum monasterium pro asperitate montium direxit, rupem cum malleis et securibus, variisque ferramentorum generibus argumentose incidit, jactatoque de lapidibus fundamento secus flumen Araris, viam altius sustulit et monti conjunxit. Ludovicus, Caroli filius, rex Aquitaniae, cum omni bonitate, de fiscis sui juris, Guillelmo petente, monasterio dedit, et cum praecepto regio annulique sui auctoritate firmavit. Guillelmus circa monasterium fecit vineta et oliveta plantari, hortosque plurimos constitui, ipsamque vallem, destructis arboribus infructuosis, fructiferis pomeriis melius complantari. His ipse et aliis hujuscemodi studiis intentus laborabat, propriasque manus rusticanis actibus pro amore Dei mancipabat, et sic in vera humilitate et religione se jugiter exercebat. Coram abbate et fratribus crebro provolvebatur, petens ut, pro misericordia Dei, amplius abjici et humiliari sibi concedatur. Viliora in monasterio expetebat officia. Optat vilissimus fieri et contemptui haberi. Vult esse ut jumentum, ac, ut pullus asini, portare onera fratrum in domo Domini. Quondam dux potentissimus, non erubescit vili asello gestari cum suis flasconibus. Ecce domnus Guillelmus fit de consule coquus, de duce magno efficitur inquilinus, ligna collo deferens, amphoram aquae bajulans, ignem excutiens et succendens. Manibus propriis parapsides abluit, olera colligit, pulmenta condit, legumina infundit. Ipsa vero refectionis hora, nulla interveniente mora, cuncta laute praeparata fratribus anteponit; jejunia continuans, lares fovet et custodit. Ipse pistor clibanum calefacit, panes imponit et coctos extrahit. Quondam pro penuria lignorum, ad coquendum panes, sarmenta congerit, stipulam colligit, et quidquid manus invenit, in caminum cito projicit ac fortiter calefacit; cumque servum Dei tempus vehementer urgeret, eumque nimis introrsus argueret quod hora reficiendi fratres aliquantulum praeteriret, nec ille haberet unde fornacem cineribus evacuandam extergeret, Christum invocat, signo crucis munitur, medium fornacis intrat, et omnia quae ibi agenda erant, diligenter illaesus praeparat. Carbones nudis manibus projicit, illaeso scapulari cineres exponit, lares aptat, et intromittendis panibus temperat. Sic Guillelmus in igne diu stetit, nec ullam adustionem in corpore seu veste sua pertulit. Postea consilio fratrum abbas servilia ei opera omnino prohibuit; sed orationi et sanctae meditationi vacare praecepit, idoneamque cellam ei deputavit. Sic diu exercitatus in activa, incepit requiescere in vita speculativa, et post Marthae servitium frequensque ministerium, delectatur cum Maria in perenni theoria. Tandem Guillelmus, perfectus virtutibus, spiritu prophetiae donatur, et divinis oraculis vita ejus declaratur. Obitus sui diem abbati et fratribus praedixit, multisque vicinis scripto etiam significavit, et Carolo regi delegavit nuntium, et signum, quod fieret dum moreretur, manifestissime indicavit. Tandem, omnibus rite consummatis, migravit B. Guillelmus V Kal. Junii (91) , angelis gaudentibus et terrigenis plorantibus. Tunc fit per omnes circumquaque provincias, per omnes minores ac majores ecclesias, magnus valde et insolitus clangor signorum et campanarum sonitus, longa pulsatio, mirabilis tinnitus, nullis hominibus funes trahentibus vel signa commoventibus, nisi sola virtute divina quae supervenit coelitus. Eximii viri sanctum corpus ibidem honorifice tumulatur, multisque miraculis gloriose patratis laus Dei fideliter cantatur. Venerabile coenobium illic usque in hodiernum diem perseverat, et ingens monachorum exercitus Domino Deo Sabaoth cum tripudio militat, atque meritis sancti Guillelmi, ex illustri milite religiosi monachi, turba infirmantium convalescens exsultat in Christo Jesu, qui omnes sibi adhaerentes in aeternum glorificat. |
Maintenant, puisqu'il nous est arrivé de faire mention de saint Guillaume, j'ai du plaisir à insérer ici sa vie en peu de mots. Je sais qu'on trouve rarement en cette province l'histoire de ce saint personnage, et qu'une relation véridique sur un tel homme plaira généralement. Antoine, moine de Winchester, me l'a apportée depuis peu, et nous l'a communiquée dès qu'il a su à quel point nous la desirions. Les jongleurs chantent ordinairement une chanson sur ce saint, mais il est convenable de leur préférer une relation authentique qui a été mise au jour habilement par des docteurs religieux, et qui est lue avec respect par de studieux lecteurs, dans les réunions de la communauté des frères. Comme celui qui me l'avait apportée était pressé de s'en retourner, et que le froid de la gelée m'empêchait d'écrire, je n'eus que le temps d'en faire un abrégé, qui n'en est pas moins exact, et que je portai sur des tablettes; maintenant, je m'efforcerai de le confier au parchemin d'une manière concise, et de répandre au loin la réputation de ce courageux guerrier1. Du temps de Pepin, roi des Français, Guillaume naquit du comte Théodoric et d'Aldane. Dès l'enfance, il fut instruit dans les lettres, et se livra à la carrière militaire sous Charlemagne. Il obtint le nom de comte, un comté, et dans l'armée le commandement de la première cohorte. Ensuite Charlemagne l'établit duc d'Aquitaine, et lui confia une mission contre le roi Théodebald, les Espagnols et les Sarrasins. Ayant vivement pénétré dans la Septimanie, il passa le Rhône, assiégea la ville d'Orange, et l'enleva à ceux qui l'avaient envahie, après qu'il les eut mis en fuite. Ensuite il eut beaucoup de combats à soutenir contre les barbares d'outremer et contre les Sarrasins de son voisinage. Par le secours divin, il sauva avec son glaive le peuple de Dieu, étendit l'empire du christianisme et dompta les Sarrasins. Guillaume bâtit un monastère en l'honneur du Sauveur et des douze Apôtres, sur le territoire de Lodève, dans la vallée de Gellone, au milieu d'une terre hérissée de rochers; il y établit des moines religieux avec un abbé; il leur fournit largement tout ce qui leur était nécessaire, et leur confirma ces donations par des chartes et par des diplomes royaux. Ses deux sœurs, Albaine et Berlaine, s'y firent religieuses, et persévérèrent parfaitement dans le culte de Dieu. Long-temps après, appelé par Charlemagne, ce duc se rendit en France; il y fut reçu honorablement, et ne cacha pas l'intention qu'il avait de se faire moine. Le roi ne put retenir ses larmes en lui en accordant la permission, et fit porter de son trésor tout ce que Guillaume voulut pour son église. Celui-ci rejeta tous biens terrestres, mais il demanda et obtint un certain reliquaire qui renfermait du bois de la Sainte-Croix. Pendant que Charlemagne, dans la première année de son empire, se trouvait à Rome, le patriarche de Jérusalem lui avait transmis par Zacharie, prêtre d'une grande considération, ce précieux monument. En apprenant le changement d'état de Guillaume, toute la cour éprouva une vive agitation, et toute la ville se souleva en un moment. Une nombreuse affluence de grands se présenta, et tout eu pleurs ils entrèrent violemment dans le palais en se plaignant d'une manière lugubre. Ils supplièrent Guillaume de ne pas les abandonner; mais lui, brûlant du feu de la ferveur divine, abandonna tout, et, congédié avec de grands honneurs, fit ses adieux à tout le monde, et se sépara de l'armée française au milieu des larmes et des soupirs. Parvenu à Brioude, il offrit ses armes à l'autel du martyr saint Julien; il présenta à Dieu son casque, puis un magnifique bouclier sur le tombeau du martyr, et au dehors de la porte son carquois et son arc, un grand javelot, et son épée à deux tranchans2. Ensuite pélerin du Christ, il gagna par l'Aquitaine le monastère que peu de temps auparavant il avait bâti dans le désert. Nu-pieds il s'approcha de ce couvent, le corps couvert d'un cilice. Lorsque l'on apprit son arrivée, on vint au devant de lui fort loin jusqu'à un embranchement de chemins, et, malgré lui, les frères le fêtèrent en le conduisant processionnellement. C'est là qu'il offrit son reliquaire plus précieux que tout l'or du monde, avec des calices d'or et d'argent, et beaucoup d'autres ornemens de différens genres. Après en avoir fait la demande, il abandonna le siècle avec toutes ses pompes et ses séductions. En conséquence, l'an de l'Incarnation du Seigneur 806, l'an cinq de l'empire de Charles, le jour anniversaire du martyre des apôtres Pierre et Paul, le comte Guillaume se fit moine, et soudain fut changé et rendu tout autre en Jésus-Christ. Devenu moine il était enseigné et ne s'impatientait point; il était repris, mais il ne se fâchait pas. Quelquefois frappé et offensé par des injures, il n'opposait aucune résistance, et ne proférait aucune menace. Il se réjouissait de la sujétion, et faisait ses délices de l'abjection, toujours disposé à servir, à se soumettre et obéir. Chaque jour il faisait des progrès dans la sainteté et la religion, ainsi que dans l'observance des saintes règles, comme l'or se purifie par une admirable cuisson dans le fourneau. Il termina, comme il l'avait commencé, le monastère qu'avant sa profession monacale il avait entrepris sans l'avoir conduit à sa fin, secondé par ses fils Bernard et Guillaume auxquels il avait remis ses Etats, et par quelques comtes de son voisinage. L'aspérité des montagnes rendait très-difficile l'accès de ce couvent; il fit tailler le roc avec beaucoup de peine, au moyen de marteaux, de haches et de diverses espèces de ferremens, et, ayant jeté des assises de pierre le long de la rivière de l'Hérault, il éleva là un chemin qui aboutit aux montagnes. Louis, roi d'Aquitaine, fils de Charlemagne, donna à ce monastère, à la demande de Guillaume, plusieurs biens de son domaine, et il les confirma de son autorité royale, et de la garantie de son sceau. Guillaume fit planter autour du monastère des vignes et des oliviers; il y fit établir plusieurs jardins; et après avoir fait détruire les arbres infructueux, il améliora cette terre en la couvrant de vergers productifs. Ce fut par ces travaux et par d'autres du même genre qu'il déployait son zèle, employait ses mains pour l'amour de Dieu à des occupations champêtres, et s'exerçait ainsi constamment dans la véritable humilité et dans la vraie religion. En présence de l'abbé et de ses frères, il se roulait à terre fréquemment, demandant à être de plus en plus abaissé et humilié pour mériter la miséricorde de Dieu. Dans le monastère il recherchait les emplois les plus vils, il desirait devenir le plus abject et obtenir le plus grand mépris; il voulait ressembler aux bêtes de somme et aux ânes pour porter les fardeaux des frères dans la maison du seigneur. Autrefois duc très-puissant, il ne rougit pas de monter sur un âne ignoble avec les vases de service. Voilà ce seigneur Guillaume devenu, de comte, cuisinier, de duc puissant, serviteur dans la maison d'autrui, portant le bois sur son cou, chargé de cruches pleines d'eau, allumant et attisant le feu. De ses propres mains il lave les écuelles, il cueille les herbages, il assaisonne les potages, il dispose les légumes. Dès que l'heure du repas est arrivée, sans nul retard, il place convenablement devant les frères ce qui est préparé pour eux; observant continuellement les jeûnes, il a soin de la maison, et il la garde constamment. Boulanger lui-même il chauffe le four, y enfourne le pain, et le tire lorsqu'il est cuit. Comme le bois était rare autrefois dans ce lieu, Guillaume, pour faire cuire son pain, ramasse des sarmens, recueille du chaume et tout ce qu'il peut trouver sous sa main, le jette aussitôt dans le four et le chauffe fortement. Comme le temps pressait le serviteur de Dieu, et qu'on le réprimandait vivement dans la maison de ce qu'il avait laissé passer de quelques momens l'heure du repas de ses frères, et de ce qu'il n'avait pas de quoi nettoyer le foyer de ses cendres, il invoqua le Christ, se fortifia du signe de la croix, entra au mi lieu du four, et, sans être offensé par la chaleur, y prépara diligemment ce qui était convenable; de ses mains nues, il jeta les charbons, il charga les cendres dans son scapulaire sans le brûler, prépara le foyer et le mouilla un peu pour y placer les pains. Ainsi Guillaume resta long-temps dans le feu, et ne souffrit aucune brûlure, ni sur son corps, ni sur ses vêtemens. Ce fut depuis ce temps-là que, d'après l'avis des frères, l'abbé lui défendit entièrement les travaux serviles, lui prescrivit de vaquer à la prière et aux saintes méditations, et lui assigna une cellule convenable. C'est ainsi que, s'étant long-temps exercé dans les choses actives, Guillaume commença à se reposer dans la vie spéculative, et qu'après s'être acquitté du service et des fréquens travaux de Marthe, il se réjouit avec Marie dans la contemplation éternelle. Enfin Guillaume, rempli de la perfection des vertus, fut doué de l'esprit de prophétie, et le manifesta par de divins oracles; il prédit à l'abbé et à tous ses frères le jour de sa propre mort, la fit connaître par écrit à plusieurs de ses voisins, et envoya un exprès au roi Charlemagne pour lui indiquer clairement à quel signe il reconnaîtrait l'heure de sa mort. Enfin, aprèsa voir fait toutes choses convenablement, le bienheureux Guillaume passa au Seigneur, le 28 mai, à la grande satisfaction des anges et au grand regret des hommes. Alors, dans toutes les provinces d'alentour, dans toutes les églises grandes et petites, on entendit un très-fort et extraordinaire bruit de cloches et de sonnettes, longs battemens, admirables sonneries, car personne ne tirait les cordes, et ne les mettait en mouvement, la seule vertu divine opérait d'en haut ces prodiges. On inhuma honorablement en ce lieu le saint corps de cet homme parfait; et beaucoup de miracles s'y étant glorieusement opérés, on y chanta fidèlement les louanges de Dieu. Ce vénérable monastère subsiste jusqu'à ce jour; une nombreuse armée de moines y combat avec une joie extraordinaire pour le seigneur dieu des armées; et par les mérites de saint Guillaume, devenu d'illustre chevalier moine religieux, de nombreux malades rendus à la santé se réjouissent en Jésus-Christ, qui glorifie éternellement ceux qui lui sont attachés.
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III. De Geroldo, capellano Hugonis Abrincatensis comitis. Ejus consilio plurimi milites in caenobio Uticensi monachalem habitum suscipiunt. Invictissimorum itaque militum tropaea frequenter Abrincatensis Geroldus referebat, et coessentes athletas, armigerosque generosos ad similem conversationem blanditiis et terroribus incitabat. In primis igitur quinque illustres viri de familia consulis egressi sunt, quorum nomina haec sunt: Rogerius Erneisi filius, nepos Guillelmi de Guarenna comitis Suthregiae, et Ernaldus, Unfridi de Telliolo filius, nepos Hugonis de Grentemaisnilio vicecomitis Legrecestrae, cum Guidone Medantensi, ejusdem armigero, Drogo etiam, filius Goisfredi de Novo Mercato, et Odo capellanus comitis, filius Ernulfi Dolensis. Isti nimirum, instinctu Ernaldi, cujus parentes Uticensem abbatiam construxerant, Uticum adierunt, et a Mainerio abbate gratanter in monasterio suscepti sunt. Qui longo tempore regulariter ibidem conversati sunt, et ecclesiasticas res industria et sollicitudine sua commode auxerunt. Geroldus autem, qui sicut gallus dormientes in profunda nocte cantando excitat, sic in obscuritate Lethaeae oblivionis et profunditate mundialis illecebrae illectos, verbum Dei serendo, ad meliora extulerat, sese tandem propriis pennis percutiens, a torpore vivaciter excussit, discipulosque suos, de quibus praedictum est, sequens, Uticum adire sategit. Verum, volente Deo, in Anglia remanere coactus est. Nam ubi Guentam pervenit, graviter aegrotare coepit, metuque mortis in veteri monasterio Sancti Petri monachile schema devote suscepit, diuque sub Gualchelino praesule, et Godefrido peritissimo ac religioso priore regulariter vixit. Inde post aliquod tempus ad regimen ecclesiasticum canonice provectus est; et Teochesburiae, dum Bajocensis Samson Guigornensi episcopio praeerat. primus abbas effectus est, Ibi nempe coenobium Sanctae Mariae Rodbertus, Haimonis filius, super Sabrinam fluvium construxerat, et multis opibus, tempore Guillelmi junioris Anglorum regis, affatim locupletavit. Geroldus autem officium sanctae praedicationis, quod in clericatu gratanter exercuerat, quo plures de coeno libidinis et rapacitatis ad puritatem innocentis vitae pertraxerat, in pastoralis culmine regiminis positus, vigilanter excoluit, et pluribus, opitulante Deo, profuit. Novum monasterium regularis ordinis sanctionibus instituit, novitiorum copiam monachili normae mancipavit, neophytisque optimos ritus rigidae conversationis tradidit. Ad exercitium spirituale cum subjectis commanebat, ad laboriosa etiam iuniores interdum praeibat, solertique studio monasterii res intus et extraprudenter disponebat. Post plures annos invidus Satan in Dominicum gregem surrexit, et, opilione nequiter perturbato, teneras oves atrociter vexavit. Rodbertus enim Brito, post mortem Rodberti filii Haimonis, abbatem suum, a quo susceptus fuerat ad monachatum, de quibusdam falsis criminibus accusavit apud regem Henricum. Porro abbas, ante regem accersitus, prolixis rationibus uti noluit, sed innocenti conscientia contentus, abbatiae dominatum regi ultro reliquit, et post laboriosos Marthae famulatus, optimam Mariae partem intra secretum Guentoniensis claustri repetiit. Denique, dum post aliquod tempus a venerabili Radulpho Roffensi episcopo invitatus fuisset, et ipse rogatu plurimorum eumdem pontificem causa sanctae collocutionis adiisset, ibidem, vocante Deo, in lectum decubuit, et, completis omnibus quae servo Dei rite competunt, reverenter obiit. Rogerius vero de Guarenna, quem praefati sacerdotis, diximus hortatu conversum fuisse, et Uticum quasi de flammis Sodomae cum quatuor commilitonibus pro monachatu accurrisse, fere XLVI annis ibidem vixit, et in ordine fervens, multimoda honestate viguit. Erat enim corpore venustus, habituque vili sponte dejectus. In omni esse suo venerabili pollebat modestia, voce clara et facunda loquela. Ad labores tolerandos erat validus, ad psalmos et hymnos canendos voluntarius, in conversatione vero sua contubernalibus tractabilis et bene morigeratus. In victu sibi parcus, aliisque largus, in vigiliis semper promptus, et indicibiliter sobrius. Non fastu carnalis nobilitatis tumuit, sed in humilitate consistens Regulae succubuit, et vilia quaeque fratrum obsequia hilariter agitare praeelegit. Per plures enim annos ultro solitus est omnium calceamenta fratrum perungere, pedulesque lavare, aliaque servitia, quae quibusdam hebetibus et turgidis despicabilia videntur, libenter exercere. Textum Evangeliorum auro et argento, gemmisque decoravit, et plura vestimenta, cappasque cantorum et tapetia cum cortinis, aliosque plures ornatus ecclesiae suae procuravit. Fratribus et parentibus suis quaeque poterat opportune rapiebat, et subtracta corporibus pro salute animae divino cultui gaudens applicabat. Richardus igitur de Coluncis, praefati Rogerii frater, Uticum venit, et ecclesiam de Estolveio, quam ab Erneiso quodam homine suo redemerat, B. Ebrulfo dedit, decimam quoque duorum molendinorum adjecit. Harum itaque donationem rerum, cum Adelaisa conjuge sua et praefato Erneiso, super altare posuit. Pro hac concessione monachi dederunt Richardo octo libras nummorum; Rodberto etiam de Molbraio, qui capitalis dominus erat, centum solidos dederunt, et ipse incunctanter, in viridario Turstini de Solengi, S. Ebrulfo concessit ecclesiam de Estolveio, ut monachi petierunt. Praefatus autem Richardus valde locupletatus est, et Henrico regi amicus, inter compares suos magnificatus est. Usque ad senectutem prospere vixit, et ex conjuge sua XI filios et V filias habuit, quibus haec indita sunt vocabula: Hugo, Goisfredus et Richardus, Joannes et Rodbertus, Odo et Henricus, Ivo et Rodulfus, Guillelmus et Henricus; Rohes ac Adeliza, Mathildis et Avicia. Ex his duo ab infantia Deo dicati sunt. Joannes enim monachatui Uticensis Ecclesiae addictus est, et Adelidis in coenobio S. Trinitatis Cadomi sanctimonialis effecta est. Deinde anno ab Incarnatione Domini 1125, praefatus Richardus XVII Kalendas Octobris obiit, et sequenti anno filius ejus Hugo Uticum venit, scutellam argenteam Deo super altare obtulit, et omnia quae pater ejus, ut supra dictum est, dederat, libenter concessit, donumque super aram posuit, se etiam ex toto devovit. |
C'est ainsi que Gérold d'Avranches rapportait fréquemment les titres de gloire des invincibles champions du Seigneur, et encourageait tantôt par la douceur, tantôt par la crainte, ceux qui vivaient avec lui, ainsi que les généreux guerriers, à suivre un tel genre de vie. En conséquence, d'abord cinq hommes illustres, de famille de comte, vinrent à quitter le siècle. Voici quels sont leurs noms: Roger, fils d'Erneis, neveu de Guillaume de Varennes, comte de Surrey; Ernauld, fils d'Onfroi du Tilleul, neveu de Hugues de Grandménil, vicomte de Leicester, avec Gui de Mantes son écuyer; Drogon, fils de Goisfred du Neuf-Marché, et Odon chapelain du comte, fils d'Ernulfe de Dol. Ces seigneurs se rendirent à Ouche d'après les inspirations d'Ernauld dont les parens avaient bâti cette abbaye, et furent reçus dans le couvent avec joie par l'abbé Mainier. Ils y vécurent régulièrement pendant long-temps, et lui procurèrent de grands avantages par leurs soins et leur sollicitude. Cependant Gérold, qui, comme le coq réveille par ses chants ceux qui dorment dans les profondeurs de la nuit, portait au bien, en semant la parole de Dieu, ceux qui se plongeaient dans un oubli fatal du ciel, et dans les gouffres des délices mondaines, se tira lui-même de l'engourdissement par un violent coup de ses ailes, et, suivant ses disciples dont nous avons parlé, il fit tous ses efforts pour se rendre à Ouche; mais, par la volonté de Dieu, il fut forcé de rester en Angleterre. En effet, dès qu'il fut arrivé à Winchester, il commença à devenir gravement malade; par la crainte de la mort, il prit dévotement l'habit monastique, dans l'ancien couvent de l'apôtre saint Pierre, et long-temps il y vécut régulièrement sous l'abbé Gaulchelin3, et sous Godefroy, prieur religieux et très-habile. Quelque temps après, il fut promu canoniquement au gouvernement de l'église, et devint premier abbé de Tewksbury, pendant que Samson de Bayeux était évêque de Worcester. C'est là que Robert, fils d'Haimon, avait fondé le couvent de Sainte-Marie, sur la rivière de Saverne; il l'enrichit amplement de beaucoup de biens pendant le règne de Guillaume-le-Jeune, roi des Anglais. Quant à Gérold, placé au faîte du gouvernement pastoral, il s'acquitta avec vigilance des fonctions de la sainte prédication, que, pendant sa cléricature, il avait si bien exercées, et de manière à conduire à la pureté d'une vie innocente plusieurs personnes qui étaient plongées dans la fange de la débauche et de la rapacité; c'est ainsi qu'avec l'aide de Dieu il se rendit secourable à beaucoup de pécheurs. Il donna les institutions d'un ordre régulier au nouveau monastère; il attacha aux règles monacales la troupe nombreuse des novices, et fit prendre aux néophytes les excellentes habitudes d'une conduite rigide. Dans les exercices spirituels, il ne quittait pas ses subordonnés, souvent même il devançait les plus jeunes dans les choses pénibles, et disposait prudemment au dehors et au dedans, avec un zèle intelligent, toutes les affaires de la maison. Au bout de quelques années, le jaloux Satan s'éleva contre le troupeau du Seigneur, et vexa avec atrocité ces tendres brebis, après avoir méchamment maltraité leur berger. En effet, Robert le Breton4, après la mort de Robert, fils d'Haimon, accusa faussement de certains crimes, auprès du roi Henri, son abbé, qui l'avait élevé à l'état monastique. L'abbé, mandé devant le roi, refusa d'en venir à une longue explication; mais, satisfait de l'innocence de sa conscience, il remit volontairement à ce monarque l'abbaye qui lui avait été confiée; et, après les laborieux services de Marthe, il trouva la meilleure part, qu'avait choisie Marie, dans la retraite de Winchester. Ayant été, quelque temps après, invité par le vénérable Radulfe, évêque de Rochester, et s'étant, à la prière de plusieurs personnes, rendu auprès de ce prélat pour une sainte entrevue, il fut forcé de se mettre au lit, appelé par la voix de Dieu, et mourut saintement, après avoir accompli tout ce que doit faire convenablement un serviteur du Seigneur. Roger de Varennes (qui, comme nous l'avons dit, avait été converti par les exhortations de Gérold, et s'était rendu à Ouche. comme s'il eût fui les flammes de Sodôme, avec quatre frères d'armes, pour y combattre sous les lois monacales) y vécut près de quarante-six ans, et, plein de ferveur pour l'ordre, excella en toutes sortes de vertus. En effet, il était beau de corps, mais volontairement humilié sous d'ignobles vêtemens; dans toutes ses manières, il se faisait remarquer par une modestie vénérable, par une voix sonore et par des discours éloquens. Sa force lui faisait supporter le plus rude travail; il était toujours disposé à chanter les psaumes et les hymnes, affable dans ses rapports avec ses frères, et doué des mœurs les plus agréables; économe et sobre pour lui-même, il était libéral pour les autres; toujours il était prêt à veiller, et incroyablement modeste en tout. Il ne s'enorgueillit point de sa noblesse charnelle; mais, ferme dans son humilité, il se soumit à la règle, et choisit gaîment tous les services les plus vils de la maison. C'est ainsi que, pendant plusieurs années, il prit l'habitude volontaire de cirer les chaussures de tous ses frères, de laver leurs bas, et de faire de bon cœur tous les autres offices qui paraissent méprisables à certains hommes imbécilles et orgueilleux. Il décora le livre des Evangiles d'or, d'argent et de pierres précieuses, et procura à son église plusieurs vêtemens, des chappes pour les chantres, des tapis avec des courtines, et plusieurs autres ornemens. Il dérobait à propos à ses frères et à ses parens tout ce qu'il pouvait, et appliquait, plein de joie, au culte divin tout ce qu'il avait enlevé aux corps pour le salut des ames. Richard de Coulonges, frère de Roger de Varennes, dont nous venons de parler, se rendit à Ouche, et donna à Saint-Evroul l'église d'Echaufour, qu'il avait rachetée d'un certain Erneis, son vassal; il y ajouta la dîme de deux moulins; conjointement avec sa femme Adélaïde, et Ernest dont il est question, il déposa la donation de ces objets sur l'autel. Pour cette concession, les moines donnèrent à Richard huit livres d'écus, à Robert de Montbrai5, qui était seigneur suzerain6 la somme de cent sous: ce dernier concéda sans retard à Saint-Evroul, dans le verger de Turstein de Soulangi, l'église d'Etouvi7, comme les moines lui en firent la demande. Richard de Coulonges devint très-riche: distingué parmi les autres seigneurs par le roi Henri dont il fut l'ami, il vécut dans la prospérité jusqu'à la vieillesse; il eut de sa femme onze fils et quatre filles, dont nous allons rapporter les noms: Hugues, Goiffred, Richard, Jean, Robert, Odon, Henri, Yvon, Raoul, Guillaume et Henri; Rohès, Adelise, Mathilde et Aricie. Parmi eux, deux furent voués à Dieu dès leur enfance. En effet, Jean fut consacré à l'état monastique dans l'église d'Ouche, et Adelise devint religieuse à Caen, dans le couvent de la Sainte-Trinité. L'an de l'Incarnation du Seigneur 1125, Richard de Coulonges mourut le 15 septembre: l'année suivante son fils Hugues vint à Ouche, offrit à Dieu sur l'autel une écuelle d'argent, concéda de son propre mouvement tout ce que son père avait donné, comme nous l'avons dit ci-dessus, déposa la donation sur l'autel, et se voua lui-même entièrement au Seigneur. |
IV. Iter Mainerii abbatis in Angliam. Charta Guillelmi regis pro Uticensi coenobio. De tribus fratribus Uticensis coenobii monachis. Serenitate prosperi temporis arridente, Mainerius abbas in Angliam, XIV anno regiminis sui (92) , transfretavit, et Rogerium de Guarenna, Drogonemque de Novo-Mercato secum adduxit. Curiam vero Guillelmi regis, a quo multoties accersitus fuerat, adiit, et Lanfrancum archipraesulem, aliosque sibi charissimos charitative visitavit. A rege et optimatibus ejus honorifice susceptus est, et fratres Uticensis ecclesiae prudenti affatu exhortatus est, illos scilicet qui de Normannia exierant, et in Anglia exuberantius spe sublimati fuerant. Illustres quoque monachi a nobilibus regni proceribus gaudenter suscepti sunt, et de opibus in aliena regione violenter acquisitis, ut forensis favor appetit, honorati sunt. Rex itaque et magnati fundos et pecunias ac ornatus ecclesiae cum gaudio eis dederunt, et orationibus eorum sese fideliter et devote commendarunt. Possessiones et ecclesiae, decimaeque, quas amici et affines Uticensium eis condonarunt, ad notitiam futurae posteritatis in charta consignatae sunt. Magnificus enim Guillelmus hujuscemodi testamentum S. Ebrulfo condidit, in quo sua, hominumque suorum dona in his verbis regali auctoritate gratanter confirmavit: « GUILLELMUS, Dei gratia, rex Anglorum et dux Normannorum atque princeps Cenomannorum, omnibus fidei Catholicae fautoribus, pacemque in Ecclesia servantibus, summum et inexplebile gaudii munus. » « Quoniam brevis est mortalis vita, et de generatione in generatione transeunt omnia, volumus litterarum testimonio temporis nostri decreta confirmare, ut quae nos recte facimus e nostro jure et ex data a Deo potestate, nemo successorum nostrorum audeat violare; ne scilicet ei contradicat, qui omnia regna suo arbitrio dispensat. Ego itaque Guillelmus, Dei gratia rex, in regno mihi divinitus commisso eleemosynam, quae mihi perenniter prosit, coenobio B. Ebrulfi tradere dispono, et ea quae fideles nostri, pro communi omnium salute, de possessionibus, quas eis dedi, legitime Deo dant, concedo, praesentique chirographo confirmationem nostram praesentibus et futuris omnibus Dei fidelibus notifico. In primis igitur Uticensi monasterio, quod beatus Christi confessor Ebrulfus construxit in eremo, de dominio meo, pro amore Dei, dono in Gloucestrae scira villam, quae Rawella, id est Capreae Fons dicitur; et in Nicholae scira quamdam ecclesiam, et quidquid ad eam pertinet in villa quae Nethleham vocatur. Praeterea optimates nostri de rebus suis S. Ebrulfo haec largiti sunt, atque ut in charta regiae auctoritatis contra omnium infestationes inserantur, poposcerunt. Rogerius, comes Scrobesburiae dedit omne quod habebat in Melleburna, in Grantebrugae scira; Othnam quoque et Merestonam in Estafordae scira, et unam hidam terrae in Graphan, et terram Vulfuini aurifabri in Cicestra, decimamque caseorum et lanarum de Pultona, et decimam de Senegai in Grantebrugae scira. Mabilia vero, ejusdem comitis filia, de redditibus suis in Anglia LX solidos Sterilensium pro decimis suis dedit S. Ebrulfo per singulos annos, ad luminaria ecclesiae. Guarinus vicecomes de Scrobesburia dedit S. Ebrulfo Neutonam et ecclesiam de Halis cum decima, decimamque de Guestona in Estaforde scira; et haec dominus ejus Rogerius comes concessit. Porro Hugo de Grentemaisnil, qui cum Rodberto fratre suo, et avunculis suis Guillelmo et Roberto, filiis Geroii, Uticense restaurarat coenobium, haec eidem dedit in Anglia in perpetuam haereditatem: totam terram, quam habuit in Parva Pilardentona in Guarevichae scira, omniumque duas partes decimarum totius terrae suae dedit, et XVI rusticos ad ipsas decimas custodiendas, atque novem ecclesias. Dedit enim tres villanos Sceltonae, tres Guaris, duos Belegravae, unum Stotonae, unum Cherchebiae, unum Mersitonae, unum Ostesilvae, unum Cherlentonae, et alium in alia Cherlentona. Dedit etiam ecclesiam de Guaris, et totam decimam quae ad illam pertinebat, terramque duarum carrucarum; ecclesiam de Turchillestona, decimamque ad illam pertinentem, et duas virgatas terrae; ecclesiam de Clenefeld, cum decima tota et duabus virgatis terrae; ecclesiam de Charlentona, cum decima et quinque virgatis terrae; ecclesiam de Noveslai cum decima et duabus virgatis terrae; ecclesiam de Merthegrava, quae nunc alio nomine Belegrava dicitur, cum tota decima et XI virgatis terrae, et Guillecotam, et quidquid Hugo Clericus de Sappo in Anglia de ipso tenebat; ecclesiam de Mersitona cum tota decima et terra ad ecclesiam pertinente; ecclesiam vero de Coteford cum decima, et una hida terrae, ecclesiamque de Pellingis, cum toto quod Leofricus ibidem de ipso tenebat. Haec sunt quae Hugo de Grentemaisnil S. Ebrulfo, me concedente, dedit in Anglia. Radulfus quoque de Conchis eidem sancto dedit duos manerios, Alwintonam in Guighercestrae scira, et Caldicotam in Nortfuch; et Hugo filius Constantii dedit ecclesiam de Guafra, et unam hidam terrae. Hugo autem, Cestrensis comes, filium suum nomine Rodbertum in Uticensi ecclesia ad monachatum Deo obtulit, et eidem ecclesiae dedit unam hidam terrae in Parva Pilardentona, et decimam ac unum rusticum in villa quae dicitur Brichella, decimamque de Sanleia in Buccingeham scira. Rodbertus vero de Rodelento, praefato Hugone Cestrensi comite domino suo concedente, dedit S. Ebrulfo Cherchebiam, cum duabus ecclesiis, unam scilicet quae in ipsa villa est, et alia prope illum manerium in insula maris; et ecclesiam S. Petri apostoli, et quidquid ad eam pertinebat in Cestrensi urbe; et in Merestona, quae est in Northamtonae scira, ecclesiam S. Laurentii, et quidquid ad eam pertinet; et in eadem provincia ecclesiam de Bivella cum duabus terrae carrucatis. Alii quoque homines Hugonis comitis Uticensi ecclesiae decimas suas dederunt: in Nicholae scira Rozscelinus de Estentona, Osbernus Tezsonis filius de Neubela, Baldricus de Farefort decimam cum uno rustico; Rogerius de Millai, et Brisard, et Robertus Pultrel in Legrecestrae scira. Omnes hi decimas suas S. Ebrulfo dederunt, et praedictus comes gratanter concessit. Haec itaque, quae de nostro dominio saepe-memoratae ecclesiae dedi, et omnia quae, sicut a baronibus nostris eidem data sunt, concessi, anno ab Incarnatione Domini 1081, indictione IV, praesenti chirographo in urbe Guenta corroboro; et proceribus meis, qui eleemosynas suas dederunt, vel astipulatores earum sunt, hoc testamentum signo sanctae Crucis dedicandum trado, ut in aeternum regali auctoritate rata sit haec donatio, et sacrilegos sacrarum violatores rerum irremediabilis, nisi a reatu resipuerint, feriat maledictio. » In hac nimirum charta Guillelmus Magnus, rex Anglorum, primus signum sanctae Crucis edidit, et subsequentes magnati subscripserunt, quorum nomina hic subscripta sunt: Rodbertus et Guillelmus filii regis, maximique consules: Rogerius de Scrobesburia et Hugo de Cestra, Rodulfus de Conchis et Guillelmus de Britolio, Hugo de Grentemaisnil, et nepos ejus Rodbertus de Rodelento, Rodbertus filius Murdaci et Gulferius de Vilereio, Guillelmus de Molinis et Richerius de Aquila, Eudo dapifer et Guarinus vicecomes de Scrobesburia. Regressus de Anglia Mainerius abbas hujusmodi chartam secum detulit, et archivis ecclesiae ad servandum porrexit. Tunc Mathildis regina, comperto laudabili rumore de moribus Uticensium, orationis gratia Uticum venit; et a fratribus honorifice suscepta, marcum auri super aram obtulit, seque cum filia sua Constantia precibus fratrum commendavit, eisque, datis sumptibus, lapideum tricorium, ubi una reficerent, construi praecepit. Casulam auro et margaritis comptam, et elegantem cappam cantoris sancto Ebrulfo dedit, et plura, si diu viveret, promisit; sed, morte praeveniente, promissa complere non potuit. Adelina quoque, uxor Rogerii de Bellomonte, albam, aurifrasio copiose ornatam, Uticensibus contulit, qua indutus sacerdos praecipuis in solemnitatibus missam celebrare consuescit. Sic alii plures utriusque sexus praedicto monasterio de suis donariis in diversis speciebus erogabant, et participatione beneficiorum, quae ibidem coeli architecto conferebantur, spiritualiter perfrui peroptabant. His temporibus, tres ibidem germani laudabiliter militabant in monachili habitu, Rodbertus cognomento Nicolaus, Rogerius et Odo. Hi fuerunt filii cujusdam presbyteri nomine Gervasii de Monasterolo, quem Theodericus abbas jamdudum de Sartis transtulit ad regendam dioecesim de Sappo. Tres itaque praedicti fratres ad conversionem in juventute venerunt, et bonis moribus inter fratres pollentes, Deo grati et hominibus habiti sunt. Primus eorum illitteratus, sed fervidus amator virtutis erat, novaeque basilicae, quae construebatur, operi solerter praeerat. Alii duo erant grammatici et sacerdotes conspicui, abbatisque sui adjutores strenui, et intus ac foris illustres vicarii. Praefatus enim archimandrita Odonem, qui aetate junior, sed eloquentior, et ad tolerandos labores erat robustior, priorem monasterii sui constituit. Rogerium vero, qui aetate et eruditione litterarum major erat, in Angliam pro utilitatibus ecclesiasticis destinavit. Ipse autem haud segniter jussa magistri complevit, et capsam, in qua reliquiae sanctorum apte conderentur, procuratione sua fabricavit, quam auro argentoque comiter ornavit. Solertia itaque sua ecclesiae suae nactus est plurima bona: variam scilicet supellectilem et cantorum cappas atque vestes, candelabra et argenteos calices, aliosque ornatus divino cultui congruentes. Erat enim mitis et modestus, in cibo et potu somnoque sobrius, et pro inolita mansuetudine amabilis omnibus. Per diversa igitur officia XX annis, ut ordo monasticus exigit, exercitatus est, et succedenti tempore, post Mainerium et Serlonem. ad tenendum regimen Uticensis abbatiae communi fratrum electione promotus est. Quod XXXIII annis in adversis et prosperis tenuit, senioque fractus uni discipulorum suorum nomine Guarino commisit; et ipsum, quantum in ipso fuit, tribus annis ante obitum suum, sui vicarium et successorem constituit. Verum de his in subsequentibus, si vita comes fuerit, si facultas opitulante Deo suppetierit, sedimine nostro manifesta posteris enarratio res gestas enodabit |
La sérénité d'un temps favorable venant à lui sourire, Mainier passa en Angleterre l'an quatorzième de son gouvernement; il conduisit avec lui Roger de Varennes et Drogon de Neuf-Marché. Il se rendit à la cour du roi Guillaume, qui l'avait souvent appelé auprès de lui, et rendit une visite amicale à l'archevêque Lanfranc et à plusieurs autres personnages qu'il aimait beaucoup. Il reçut du roi et des grands un honorable accueil; il adressa des exhortations prudentes à ceux de ses frères de l'église d'Ouche qui avaient quitté la Normandie, et que l'espoir d'un meilleur sort avait attirés en Angleterre, où ils étaient parvenus aux honneurs. Ces illustres moines furent aussi accueillis avec joie par les principaux seigneurs du royaume, et, par suite de la faveur accordée aux voyageurs, ils furent enrichis des biens que la violence avait acquis dans cette terre étrangère. En conséquence, le roi et les grands leur donnèrent avec joie des fonds de terre, de l'argent, ainsi que des ornemens d'église, et se recommandèrent fidèlement et dévotement à leurs prières. Pour l'instruction de la postérité on consigna dans une charte les terres, les églises et les dîmes que les amis et les voisins de l'abbaye d'Ouche lui avaient données. Dans sa magnificence, le roi Guillaume délivra à Saint-Evroul la charte suivante, dans laquelle il confirma avec plaisir, de sa royale autorité et en ces termes, ses propres dons et ceux de ses vassaux. «Guillaume, par la grâce de Dieu, roi des Anglais, duc des Normands et prince des Manceaux, à tous ceux qui professent la foi catholique, et à tous ceux qui conservent la paix de l'Eglise, grande et infinie joie. Comme la vie mortelle est courte, et que toute chose passe de génération en génération, nous voulons, par le témoignage de ces lettres, confirmer les décrets de notre temps, de manière que nul de nos successeurs ne se permette (à moins de s'exposer à l'animadversion de celui qui dispense à son gré tous les royaumes) de violer ce que nous avons justement fait d'après nos droits et la puissance qui nous a été conférée par Dieu même. En conséquence, moi Guillaume, roi, par la grâce de Dieu, je suis dans la disposition de donner au couvent de Saint-Evroul, dans le royaume qui m'a été confié par Dieu même, une aumône qui me soit éternellement profitable; je concède les biens que nos fidèles sujets ont légitimement donnés à Dieu pour leur salut commun, et qui proviennent des propriétés dont je leur ai fait don; j'en notifie la confirmation par ce présent écrit signé de ma main, à tous les fidèles présens et à venir. En conséquence je donne d'abord de mon domaine dans le Glocestershire, pour l'amour de Dieu, au monastère d'Ouche, que le bienheureux confesseur de Dieu a construit dans un ermitage, la terre que l'on appelle Ravinel, c'est-à-dire, fontaine de la Chèvre; et, dans le Lincolnshire, une certaine église, et tout ce qui lui appartient dans la terre qu'en nomme Nettleham. En outre, les seigneurs qui relèvent de nous ont donné à Saint-Evroul quelques objets, et ont demandé qu'il en fût fait mention dans la charte de notre autorité royale, afin de les mettre à l'abri de toute attaque. Roger, comte de Shrewsbury, a donné tout ce qu'il possède à Melleburn, dans le Granteburgshire; Othna et Méreston dans le Staffordshire; une hyde de terre à Graphan, la terre d'Wlfecin, orfèvre à Chichester, la dîme des fromages et des laines de Pulton, et la dîme de Sénégay, dans le Granteburgshire. Habille, fille du comte Roger, donne, de ses revenus en Angleterre, soixante sous sterling pour ses dîmes par chacun an, afin de pourvoir à l'entretien des luminaires de l'église de Saint-Evroul. Guërin, vicomte de Shrewsbury, donne au même monastère Newton, l'église de Halis avec sa dîme, la dîme de Gueslon dans le Staffordshire; ce qui a été confirmé par le comte Roger son seigneur. Hugues de Grandménil (lequel, avec son frère Robert, et ses oncles Guillaume et Robert, fils de Giroie, avait restauré le couvent d'Ouche) lui a donné en Angleterre, en perpétuel héritage, toute la terre qu'il possédait au petit Pilardenton, dans le Warwickshire, et deux parties de fa totalité des dîmes de tout son domaine, seize paysans pour la garde de ces mêmes dîmes, ainsi que neuf églises. Il donna en outre trois villains à Skelton8, trois à Guaris, deux à Belgrave, un à Stoton, un à Lamperston, un à Langethon, un à Termodeston, un à Stormodeston, un à Chercheby, un à Mersiton, un à Ostelsilve, un à Cherlenton, et un autre dans une autre terre appelée aussi Cherlenton. Il ajouta à ce don l'église de Guaris, toute la dîme qui lui appartient, une terre de deux charrues, l'église de Turchilleston avec sa dîme et deux verges de terre, l'église de Clenefeld avec toute sa dîme et deux verges de terre, l'église de Charlenton avec sa dîme et cinq verges de terre, l'église de Noveslay avec sa dîme et deux verges de terre, l'église de Mertegrave, dont le nouveau nom est maintenant Belgrave, avec toute la dîme et onze verges de terre, Guillecote, et tout ce que Hugues le clerc du Sap tenait de lui en Angleterre, l'église de Mersiton, l'église de l'autre Cherlenton avec la dîme et trois verges de terre, l'église de Pilardenton avec la dîme et trois verges de terre9. Telles sont les choses que Hugues de Grandménil a données avec ma concession, en Angleterre, à l'abbaye de Saint-Evroul. Raoul de Conches a donné au même saint deux manoirs, Alvinton dans le Winchestershire, Caude-Côte dans le Norfolk. Hugues, fils de Constant, a donné l'église de Gafre et une hyde de terre. Hugues, comte de Chester, a offert à Dieu son fils, nommé Robert, pour embrasser la profession monastique, et a donné à la même église une hyde de terre dans le petit Pilardenton, ainsi que la dîme, un paysan dans la terre nommée Brichel, et la dîme de Sanley dans le Buckinghamshire; Robert de Rhuddlan a donné à Saint-Evroul, avec la permission de Hugues, comte de Chester, son seigneur, Chercheby, avec deux églises, savoir, une qui est dans la même terre, et l'autre près de ce manoir, dans une île de la mer10 l'église de l'apôtre Saint-Pierre avec tout ce qui lui appartenait dans la «ville de Chester, ainsi qu'à Méreston dans le Northamptonshire, l'église de Saint-Laurent avec ses appartenances, et, dans la même province, l'église de Bivelle, avec deux charrues de terre. Les autres hommes du comte Hugues ont aussi donné leur dîme à l'église d'Ouche; savoir, dans le Lincolnshire, Rozscelin d'Estenton, Osbern, fils de Tezson de Neubelle, Baudri de Farefort, sa dîme avec un paysan; Roger de Millay11 et Brisard et Robert Poultrel dans le Leicestershïre, lesquels ont donné à Saint-Evroul toute leur dîme, avec la concession bienveillante du comte Roger. En conséquence, j'ai concédé toutes les choses que j'ai données de notre domaine à l'église de Saint-Evroul, et toutes a celles qui lui ont été également données par nos barons, et je les confirme de ma présente signature dans la ville de Cantorbéry, l'an de l'Incarnation du Seigneur 1081; je remets à mes seigneurs qui ont fait lesdits présens, ou qui figurent ici comme garans, cet acte, pour être consacré par le signe de la sainte croix, afin que cette donation soit à jamais ratifiée de notre royale autorité, et que les violateurs sacrilèges des choses sacrées soient frappés de malédiction, à moins qu'ils ne viennent à «résipiscence de leur crime.» En conséquence, au bas de cette charte, Guillaume-le-Grand, c'est-à-dire le Conquérant, roi des Anglais, apposa le premier le signe de la sainte croix; ensuite souscrivirent les grands dont les noms suivent: Robert et Guillaume, fils du roi, les illustres comtes Roger de Shreswbury et Hugues de Chester, Raoul de Conches et Guillaume de Breteuil, Hugues de Grandménil, et son neveu Robert de Rhuddlan, Robert, fils de Murdac12, Goulfier de Villerée, Guillaume de Moulins et Richer de L'Aigle, Eudes le sénéchal, et Guérin vicomte de Shrewsbury. A son retour d'Angleterre, l'abbé Mainier apporta avec lui cette charte et la déposa pour être conservée dans les archives de l'église. Ce fut alors que la reine Mathilde, ayant entendu faire l'éloge de la piété des religieux d'Ouche, se rendit en ce monastère pour y faire ses dévotions: elle fut accueillie honorablement par les religieux; elle offrit sur l'autel un marc d'or; elle se recommanda, ainsi que sa fille Constance, aux prières des moines; elle fit les frais d'un réfectoire commun, dont elle ordonna la construction en pierres et la division en trois pièces; elle fit don à Saint-Evroul d'une chasuble ornée d'or et de pierreries, ainsi que d'une chappe élégante pour le chantre; elle promit beaucoup d'autres choses si elle vivait longtemps; mais la mort l'ayant prévenue, elle ne put accomplir ses promesses. Adeline, femme de Roger de Beaumont, envoya aux religieux d'Ouche une aube amplement ornée de franges d'or13, et dont le prêtre a coutume de se revêtir pour célébrer la messe dans les principales solennités. C'est ainsi que plusieurs personnes des deux sexes faisaient à ce monastère des dons de divers genres, et témoignaient le desir qu'elles avaient de jouir spirituellement de la participation des biens qu'elles offraient en ce lieu à l'architecte du ciel. Dans ce même temps, trois frères combattaient louablement pour Dieu, dans l'abbaye d'Ouche, sous l'habit monastique: c'étaient Robert, surnommé Nicolas, Roger et Odon. Ils étaient fils d'un certain prêtre nommé Gervais de Montreuil, que l'abbé Thierri avait depuis long-temps transféré de la cure des Essarts à celle du Sap14. Ces trois frères, jeunes encore, vinrent se convertir, et, par leur bonne conduite, se faisant remarquer parmi les religieux, devinrent agréables à Dieu et aux hommes. Le premier d'entre eux était étranger aux lettres, mais il aimait la vertu avec ferveur, et présidait habilement aux travaux de la nouvelle église que l'on bâtissait. Les deux autres étaient grammairiens et prêtres distingués; ils secondaient courageusement leur abbé, vicaires illustres au dedans et au dehors. Cet abbé nomma prieur de son couvent Odon, qui était le plus jeune, mais le plus éloquent et le plus robuste pour supporter le travail. Il destina pour le service de l'Eglise, en Angleterre, Roger, qui était l'aîné et le plus instruit. Ce dernier exécuta sans nonchalance les ordres de son maître, et fabriqua par ses soins une châsse propre à renfermer convenablement les reliques des saints, qu'il orna agréablement d'or et d'argent. Grâce à son habileté, son église obtint plusieurs avantages, tels qu'un mobilier varié, des chapes et des vêtemens pour les chantres, des candélabres, des calices d'argent, et divers ornemens propres au service divin. Ce Roger était un homme doux et modeste, sobre pour la nourriture, la boisson et le sommeil, et aimable pour tout le monde à cause de son aménité naturelle. Conformément à l'ordre monastitique, il remplit divers emplois, pendant vingt ans; et dans la suite des temps, après Mainier et Serlon, il fut, par l'unanime élection de ses frères, élevé au gouvernement de l'abbaye d'Ouche, où il se maintint trente-trois ans dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, et qu'il remit, lorsqu il fut accablé de vieillesse, à un de ses disciples nommé Guérin; il l'avait même, trois ans avant sa mort et autant qu'il fut en lui, établi son vicaire et désigné pour son successeur. Par la suite, si la vie nous accompagne, et si, avec l'aide de Dieu, nous en avons la faculté, nous expliquerons15 ces événemens d'une manière claire pour la postérité, dans un travail subséquent.
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V. Sequentia Recensionis donationum Uticensi coenobio factarum. Nova Alfagiensis cella Uticensibus monachis datur. Historiae variae. Nunc ad disserendas res Sancto Ebrulfo datas regrediar. Radulfus tiro, filius Alberti de Crevento, dum primitus arma militaria gestare coepit, contra Guitmundum monachum cum famulo suo Manlia venientem in valle Guidonis insurrexit, dejectoque monacho, caballos abduxit. Monachus vero pedes Paceium expetiit, Albertum moerens ut erga filium sibi suffragaretur rogavit. Cui praefatus miles proterve respondit, et de reddendis equis omne subsidium mox denegavit. Hoc videns Alberada uxor ejus coepit plorare, manus torquere, capillos trahere, atque filium quasi mortuum jam flere. Alta voce velut amens clamabat, et cum multis fletibus ejulans, dicebat: « Fili mi Radulfe, qualem coepisti non militiam, sed dementiam exercere? Detestabilibus paedagogis prave, proh dolor! agitaris, quorum lethiferis sophismatibus insulse nunc seduceris, et in barathrum perditionis miserabiliter traheris. O quam triste mihi nuntium misisti, quamque acerbum mihi moerorem peperisti! Decepte juvenis, quid tibi dicam? Nequiter injuriando inermem famulum Christi, mortiferam tibi dejectionem promeruisti. Fili mi Radulfe, quid debacchando fecisti, qui primordia tuae militiae contra Omnipotentem exercuisti? Novi certissime quod breve gaudium et longam tristitiam habitura sum pro tuo facinore. Nonne omnes doctores pariter consonant et una voce passim praedicant quod Altissimus in sanctis suis habitat, et cum eis laeta vel adversa pie tolerat? Succurre, pater, insanienti filio, et omni elabora studio ut ablati cornipedes lugubri reddantur monacho, ne unicus filius tuus pro tanto scelere statim tradatur daemonio. » Sic prudenti matrona pro salute filii supplicante, monachumque desolatum fideliter mulcere satagente, Albertus cum omni familia sua commotus contremuit, mulam suam monacho tradidit, armigerosque suos cum illo Brehervallum destinavit, filiumque suum, ut ei sine mora quaeque ablata fuerant redderet, terribili adjuratione obtestatus, constrinxit. Guitmundus itaque, receptis equis, Paceium remeavit, Alberto et uxori ejus gratias egit, a quo uterque veniam pro commisso reatu postulans impetravit. Praefata nempe mulier Hugonis Bajocensis episcopi filia fuit, et inter affines pro modulo suo multa honestate viguit. Eodem anno, praefatus tiro aegrotavit, factique sui poenitens, ab Uticensibus veniam petiit, se et omnia sua Sancto Ebrulfo devovit. Quo defuncto, pater moerens corpus ejus Uticum devehi fecit, et medietatem decimae de Ulmeio, totam liberam, sicut eam ipse tenuerat, Sancto Ebrulfo concessit. Aliam nempe medietatem decimae de eo monachi Columbenses tali tenebant pacto ut omnes episcopales consuetudines et omnes exactorias servitutes persolverent pro illo. Haec itaque donatio facta est Uticensibus anno Incarnationis Dominicae 1070, tempore Philippi regis Francorum, et Goisfredi Carnotensis episcopi, nepotis scilicet Rainaldi, Parisiensis episcopi. Radulfus autem cognomento Malus Vicinus, qui capitalis dominus erat, gratanter apud Medantum annuit poscenti Mainerio abbati decimam de Ulmeio, quae, ut dictum est, in jus Ecclesiae cesserat. Non multo post, praefatus Albertus defunctus est, et corpus ejusdem Uticum delatum est. Haeredes vero decimam, quam dederat Sancto Ebrulfo, concesserunt, Guido scilicet gener ejus, Ebrardi de Rui filius, et Radulfus de Cunella, aliique, qui usque in hodiernum diem successerunt; eamque Uticenses monachi sub tribus episcopis, Goisfredo, Ivone et Goisfredo, per annos ferme LX, opitulante Deo, quiete possederunt. Nunc qualiter et quo tempore Alfagiensis cella sit in comitatu Talogii constructa, et Guillelmi regis atque Joannis archiepiscopi tempore Uticensibus subacta, placet scripto posteris intimare, et chartam donationis atque confirmationis, quae tempore Henrici regis sancita est, huic operi coaptare. Quia mortalis vita quotidie labitur, et mortalis homo irrecuperabiliter perdit mundanos honores, quos cum summo labore adipiscitur, debet quisque praeceptis Dei, dum vivit et potest, fideliter obtemperare, ut, contemptis labilibus, per Dei gratiam aeterna possit impetrare. Haec diligenter considerans, quidam generosus in Normannia miles, nomine Gulbertus, Richardi de Huglevilla filius, instinctu Beatricis conjugis suae, decrevit in patrimonio suo apud Alfagium monachos constituere, quorum precibus meritisque juvaretur in extremo examine. Et quia Drogo nepos suus saecularem militiam nuper reliquerat, et apud Uticum monachatum assumpserat, Mainerium abbatem et Ebrulfianos monachos vehementer adamavit, eisque ecclesiam S. Mariae de Alfagio cum omnibus praebendis suis dedit, tali pacto ut sex monachi pro sex canonicis, qui tunc ibidem deserviebant, constituerentur, et canonicis quolibet modo, vel emendatioris vitae pio conatu, mundum relinquentibus, praebendas eorum nanciscerentur. Dedit etiam praefatus heros eisdem monachis totam villam de Parco, cum ecclesia et tota decima ejusdem villae, ita liberam et ab omni molesta consuetudine absolutam, sicut ipse hactenus tenuerat eam. Homines de Parco omnino absolvit ut nullam sibi coactitiam exhibeant servitutem, nec eant nisi in generalem principis Normanniae expeditionem. In molendino de Alfagio dedit pro decima duos modios tritici singulis annis, et in alio molendino super Sedam dimidium modium cujuslibet segetis. Concessit etiam ut monachi de lignis silvae suae, quae Harulsart dicitur, ad fomitem ignis duas sagmas asini quotidie acciperent. Praefatus miles duas quadrigatas vini de principe Normannorum in feudo tenebat singulis annis; ex quibus unum modium ad celebrandas missas perenniter concessit monachis, Duas nimirum dedit ecclesias cum tota decima et terra, quae ad easdem pertinebant, unam scilicet de Parco, quae in honore sanctae Dei genitricis Mariae constructa erat, aliamque de Belnaio, quae in honore sancti Petri apostolorum principis condita erat. Quas, quia praebendae Alfagiensis ecclesiae erant, duo canonici tunc possidebant. Radulfus enim ecclesiae de Parco deserviebat, quem post aliquod tempus de Anglia redeuntem marina tempestas involvit, et, fracta navi, cum omnibus sociis fluctus absorbuit. Gualterius autem ecclesiam de Belnaio tenebat, qui postmodum monachus Sancti Ebrulfi factus est. Haec omnia Gulbertus, cum conjuge sua Beatrice, libenter Ecclesiae Dei pro aeterna salute contulit, hominesque suos et amicos, ut eleemosynam suam augmentarent, multoties benigniter obsecravit. Goisfredus igitur, miles ejus, ecclesiam Sancti Dionysii cum tota decima Sanctae Mariae dedit, partesque decimae, quas de eo tres milites, Osbernus Capes, et duo filii Aszonis, Bernardus et Radulfus tenebant, hortatibus et muneribus datis, Ecclesiae Dei recuperavit. Ipse quoque terram et villanos, et omnes consuetudines de ipsis villanis in Vico Silvatico concessit. Rodbertus, miles de Huglevilla, ecclesiam Sancti Albini cum tota decima monachis concessit, et inde ex eorum charitate XVI libras Rodomensium habuit. Bernardus, Goisfredi de Novo-Mercato filius, ecclesiam de Speinis et totam terram ad ipsam pertinentem cum tota decima, quam Ebrardus presbyter tenebat, Sanctae Mariae dedit, et pro mutuatione ecclesiarum de Burchella et de Bruneshopa, XX solidos de censu Neoburiae ad festivitatem Sancti Michaelis concessit. Baldricus, filius Nicolai, ad Deppam dedit unum burgensem, et Radulfus, Anserede filius, ad Hotot dedit unum hospitem. Anno itaque Incarnationis Domini 1079, indictione II, anno scilicet XIV Guillelmi Magni, regis Anglorum et ducis Normannorum, praefatus Gulbertus et Beatrix uxor ejus suprascriptarum rerum donationem super altare Sanctae Mariae posuerunt, et hi sunt testes qui praesentes adfuerunt: Gislebertus et Radulfus, Gualterius et Joannes, quatuor canonici ejusdem Ecclesiae; Bernardus de Novo-Mercato et Goisfredus de Sancto-Dionysio, Osbernus Capes et Osbernus Buflo, Eustachius de Carquita et Eustachius de Torceio, Rodbertus de Huglevilla et Rogerius de Parco, et alii multi. Denique Gulberto XVIII Kal. Septembris defuncto, et a monachis, quos in fundo suo constituerat, honorabiliter sepulto, Gualterius filius ejus paternum honorem obtinuit, et omnia, quae pater suus hominesque ejus Sanctae Mariae dederant, concessit. Iterum, tempore Rodberti ducis Normannorum, postquam Aviciam, Hebranni de Salchevilla filiam, uxorem duxit, ipsius instinctu, patris et matris eleemosynam concessione sua confirmavit. Decimam quoque telonei de Alfagio addidit, et sex burgenses, omnesque consuetudines eorum concessit, eosque penitus sic absolvit ut sibi nil ab eis exigat, nisi generale comitis Normanniae servitium. Totam vero aquam suam ad piscationem annuit, prout monachis libuerit. Praeter haec, Avicia uxor ejus, amore Dei fervens, LX solidos de censu suo, Kalendas Octobris, monachis, ut inde ceram et oleum ad luminaria ecclesiae et thus per totum annum emant, singulis annis concessit, et donationem super altare Sanctae Mariae cum marito suo posuit. Testes harum donationum sunt Adam et Guillelmus filii Tedfredi, Osbernus Buflo et Eustachius de Torceio, Rodbertus de Cropus et Rodbertus filius Godmundi, Joannes Catus, et multi alii. Post aliquot annos idem Gualterius et Avicia uxor ejus, in amore Dei proficientes, a Rogerio abbate Sancti Ebrulfi XII monachos expetierunt, eisque ad victum necessarium molendinum de Parco, quod reddebat XI modios, et V acras terrae ad Huglevillam, et tres hospites, in anno XV solidos habentes, ac ad villam quae Centum-Acras dicitur, ecclesiam Sanctae Trinitatis cum tota decima dederunt. Haec omnia, quae a Gulberto et ab hominibus ejus data Uticensibus retuli, Guillelmus rex Anglorum, et Joannes atque Guillelmus Rothomagenses archiepiscopi concessione sua confirmaverunt. Deinde quidquid Gualterius, Gulberti filius, eleemosynae patris addidit, Rodbertus II, dux Normannorum, monachis Sancti Ebrulfi concessit, et nundinas etiam ad Parcum in Nativitate Sanctae Mariae ipsis erigere permisit, et per seniorem Gualterium, cognomento Gifardum, omnino interdixit ne ullus aliquam consuetudinem seu privilegium absque monachorum voluntate in ipsis haberet. Fratres quoque ejus, Guillelmus Rufus et Henricus, reges Anglorum, atque Goisfredus archiepiscopus, omnia quae praescripta sunt, Uticensibus monachis concesserunt, qui jam per multos annos eadem in pace possederunt. Canonici quippe monachis cesserunt quia virtutes eorum, quos assequi nequibant, in omnibus excellere viderunt. Guinimarus enim et Benedictus, atque Joannes, filius ipsius, monachis pluribus annis comitati sunt, morbisque tandem ingravescentibus, decesserunt. Gislebertus autem, qui sociis omnibus sapientior eminebat, et Gualterius monachatum sponte subierunt, et emendationem vitae pollicentes, jam senio fracti migraverunt. Nunc de generositate Alfagensium neroum, et moribus eorum libet parumper adnotare. Gulbertus, cognomento Advocatus de Sancto Gualerico, filiam Richardi ducis uxorem duxit; ex qua Bernardum, patrem Gualterii de Sancto-Gualerico, et Richardum de Huglevilla genuit. Richardus autem duci Normanniae, avunculo videlicet suo, diu militavit, cujus dono nobilem Adam, Herluini senis de Huglevilla relictam, cum toto patrimonio ejus accepit. Multa siquidem dux illi dedit, et multo majora promisit, et promissa liberaliter complesset, si humiliter illi famulando placuisset. Hic super Sedam, in vico, qui olim Isnellivilla vocabatur, burgum constituit, et pro imminenti monte altis fagis obsito Alfagium nuncupavit. Leges etiam Cormeliensium colonis intulit. Militari probitate et ingenti liberalitate viguit, unde hostibus formidabilis et fidus amicis exstitit. Tempore Guillelmi juvenis, filii Rodberti ducis, dum Guillelmus de Archis contra ducem rebellavit, et pene omnium Talogiensium parilis defectus nothum principem deseruit, solus Richardus contra rebelles in castello suo secus ecclesiam Sancti-Albini perstitit, et pro fidelitate ducis contra discursus Archacensium provinciam circumjacentem defensare curavit. Adjutores autem ejus in illo conflictu Goisfredus gener ejus, et Hugo de Morio-Monte, Turchetilli de Novo-Mercato filii, fuerunt; ex quibus Hugonem cum omnibus suis Archacenses apud Morium-Montem repente circumdederunt, seseque viriliter defendentem interemerunt. Porro Goisfredus ex Adda, Richardi filia, Bernardum et Drogonem genuit, quibus varius eventus exstitit. Drogo enim, relicta militia, apud Uticum religiose vixit, et in monachatu litteras didicit, et per sacrorum gradus ordinum usque ad sacerdotium ascendit. Bernardus autem usque ad senium militiae inhaesit, et sub tribus Angliae regibus strenue militavit. Denique tempore Guillelmi Rufi, contra Resen, Guallorum regem, pugnavit; quo perempto, Brachaniaueum castellum condidit, regnumque Britonum, cujus caput Talgard vocatur, multis annis possedit. Ecclesiam quoque in honore Sancti Joannis evangelistae in oppido suo construxit, ibique monachos constituit, et omnium eis rerum suarum decimas donavit. Gulbertus autem, Richardi filius, Beatricem, filiam Christiani de Valencenis illustris tribuni, uxorem duxit, quae viro suo Gualterium et Hugonem atque Beatricem peperit. Praefatus heros, consanguineus ducis, semper ei fidelis fuit, et cum illo praecipua, coetibus suis stipatus, in bello Anglico discrimina pertulit. Verum, postquam regnum pacatum est, et Guillelmus regnavit, Gulbertus, rege multas in Anglia possessiones offerente, Neustriam repetiit, legitimaque simplicitate pollens, de rapina quidquam possidere noluit. Suis contentus, aliena respuit, filiumque suum Hugonem ecclesiasticae disciplinae, sub magisterio Mainerii abbatis, in Uticensi monasterio devotus obtulit. Cum religiosa conjuge, quae Mathildis reginae consobrina erat, diu vixit, et eleemosynis ac orationibus, aliisque bonis operibus usque ad finem laudabiliter studuit. Venerabilis autem Beatrix post obitum viri sui tribus annis supervixit, et in sancta confessione II Nonas Januarii obiit. Gualterius vero puer elegans, sed parum sapiens fuit, et ob hoc Godmundo aliisque dolosis tutoribus ultro subjacuit. Societatem nebulonum familiariter sibi ascivit; quorum nefaria persuasione paternum honorem insipienter dilapidavit, et monachos ac clericos, legitimosque colonos injuriis crebro illatis perturbavit. Tandem miles effectus, pulchram et eloquentem Aviciam, Herbranni filiam, uxorem duxit; cujus consilio et sagaci conatu a pristina pravitate aliquatenus retrahi coepit. Erat enim prudens et facunda, et a puerilibus annis Deo devota, multisque pro posse suo bonis operibus dedita. Haec tres fratres habebat praeclaros milites, Jordanum et Guillelmum atque Rodbertum. Quorum auxilio sororius eorum in dolosos persuasores praevaluit, et plura, quae fraudulentis subreptionibus nequidquam distraxerat ac perdiderat recuperavit. Praefata mulier viro suo filios et filias numero XII peperit, quorum majorem partem immatura mors in infantia mox absorbuit. Deinde ipsa, completis cum viro suo XV annis, VIII Kal. Februarii (93) defuncta est, et in claustro monachorum, quos valde dilexerat, ad ostium basilicae sepulta est. Arcum vero lapideum super ipsam Guarinus prior construi fecit, et Vitalis Angligena epitaphium hujusmodi edidit:
Nobilis Aviciae corpus jacet hic; sine fine Gualterius autem post humationem conjugis fere tribus annis vixit, et diutino langore cruciatus, monachi cucullam induit, et paulo post, data confessione, perceptaque poenitentia, VI Kal. Junii obiit. Porro corpus ejusdem Hildegarius prior ad pedes praefatae conjugis suae tumulavit, et Vitalis hujusmodi naenias super illo prompsit:
Alfaiensis herus Gualterius hic requiescit; Defuncto Gualterio, quatuor pupilli desolati remanserunt, Richardus et Jordanus, Gualterius et Helias; quos Henricus rex in sua tutela suscepit, et Alfagiense jus Rodberto vicecomiti duobus annis regendum praecepit. Porro Jordanus de Salcavilla, servitiis et muneribus regi ablatis, totum jus obtinuit, ipsosque nepotes suos alturus cum patrimonio suo recuperavit, et quatuor annis honorifice conservavit et auxit. Interea Richardus duodennis puer obiit, et in ecclesia Sanctae Dei genitricis Mariae tumulatus quiescit. Jordanus deinde successit, frater ejus, juvenis pulcher, bonisque pollens moribus. In curia Henrici regis inter coaevos militavit; cui praefatus rex prudentem et pulchram conjugem nomine Julianam, Godescalchi filiam, dedit, quae cum Adelide regina de Lovennensi regione in Angliam venit. |
Maintenant je reviens aux donations qui furent faites à Saint-Evroul. Le jeune Raoul, fils d'Albert de Gravent, commençant sa carrière militaire, attaqua dans le Val-Guyon16 le moine Guitmond, qui venait de Maulle avec son domestique; il jeta à bas ce religieux et emmena ses chevaux. Guitmond se rendit à pied à Paci, et, tout affligé, pria Albert de le protéger contre son fils. Ce chevalier lui répondit insolemment, et refusa sans hésiter de lui prêter son assistance pour la remise des chevaux. Ce que voyant, Alberade sa femme se mit à verser des pleurs, se tordit les bras, s'arracha les cheveux, et pleura son fils comme s'il était mort. Comme si elle eût eu l'esprit aliéné, elle criait à haute voix, et mêlant les gémissemens aux larmes abondantes, elle disait: «Raoul, mon cher fils, pourquoi avez-vous commencé à vous livrer à la folie plutôt qu'au métier des armes? Quelles douleurs! vous vous êtes laissé séduire par des instituteurs détestables, dont les sophismes mortels vous égarent follement en ce jour, et vous poussent misérablement dans le gouffre de la perdition. O quelle est triste la nouvelle que je reçois de vous, et que vous me causez d'amers chagrins! Insensé jeune homme, que vous dirai-je? En offensant méchamment un serviteur désarmé du Christ, vous vous êtes attiré le mépris et la mort. Mon cher Raoul, qu'avez-vous fait dans vos fureurs, en employant contre le Tout-Puissant le début de votre carrière militaire? Je vois, sans en pouvoir douter, que vous ne m'avez fait jouir que d'une joie de peu de durée, tandis que votre crime m'occasionera une longue tristesse. Est-ce que tous les docteurs ne sont pas d'accord, et ne disent pas en cent lieux d'une voix unanime que le Très-Haut habite dans ses saints, et qu'avec eux il supporte pieusement la bonne et la mauvaise fortune? Tendre père, secourez votre fils insensé, et mettez tous vos soins à faire rendre au moine affligé les chevaux qu'il lui a ravis, de peur que votre fils unique ne soit, pour un si grand forfait, livré aussitôt au démon.» C'est ainsi que, grâces aux prudentes supplications de cette respectable femme pour le salut de son fils, et pour tâcher d'adoucir fidèlement la désolation du religieux, Albert ainsi que toute sa famille fut ému et trembla; que la mule fut rendue à Guitmond; qu'il envoya avec lui à Bréval ses écuyers, et qu'ayant réprimandé son fils d'une manière terrible, il le força de rendre à ce pieux personnage tout ce qu'il lui avait enlevé. Guitmond ayant recouvré ses chevaux, partit pour Paci, rendit grâce à Albert ainsi qu'à sa femme, et leur accorda le pardon, sur leur demande, pour le crime qui avait été commis. Alberade était fille de Hugues, évêque de Bayeux, et se distingua parmi ses voisins, et, selon ses moyens, par une très-grande honnêteté. Dans le cours de la même année, le jeune homme dont on vient de parler tomba malade, se repentit de son crime dont il demanda pardon aux moines d'Ouche, et se voua de son propre mouvement, lui et tous ses biens, à Saint-Evroul. Quand il fut mort, son père fort affligé, fit transporter son corps à Ouche, et concéda à Saint-Evroul la moitié de la dîme de Lommoi17, quitte de toute redevance comme il l'avait tenue lui-même. Les religieux de Coulonges possédaient l'autre moitié de cette dîme, de la même main, et à la condition d'acquitter pour Albert toutes les redevances épiscopales et toutes les servitudes exigibles. Cette donation fut faite aux religieux d'Ouche, l'an de l'Incarnation du Seigneur 1070, du temps de Philippe, roi des Français, et de Goisfred, évêque de Chartres, qui était neveu de Renaud, évêque de Paris. Raoul surnommé Malvoisin, qui était seigneur suzerain, accorda volontiers à Mantes18, sur la demande de l'abbé Mainier, la dîme de Lommoi, qui, comme nous l'avons dit, appartenait à l'église. Peu de temps après, Albert vint à mourir, et son corps fut porté à Ouche. Ses héritiers concédèrent la dîme qu'il avait donnée à Saint-Evroul, savoir: Gui son gendre, fils d'Evrard de Rui19, Raoul de Connelles, et tous ceux qui succédèrent jusqu'à ce jour. Les religieux d'Ouche en jouirent tranquillement avec l'aide de Dieu, pendant près de soixante ans, sous les évêques Goisfred, Yves, et un autre Goisfred. Maintenant il me plaît de faire connaître par écrit à la postérité comment, et dans quel temps, le couvent d'Aufai, dans le comté de Talou, fut construit et confié aux moines d'Ouche, du temps du roi Guillaume et de l'archevêque Jean. Je crois convenable de joindre à cet ouvrage la charte de donation et de confirmation qui fut écrite du temps du roi Henri. Comme la vie mortelle décline chaque jour, et que l'homme, mortel aussi, perd, pour ne jamais les recouvrer, les vains honneurs du monde, qu'il ne peut acquérir qu'au prix des plus pénibles travaux, chacun doit obéir fidèlement, tant qu'il le peut et tant qu'il vit, afin d'obtenir en méprisant les choses périssables, et par la grâce du Seigneur, les dons de l'éternité. C'est en considérant diligemment ces choses qu'un certain chevalier normand, plein de générosité, nommé Gilbert20, fils de Richard de Heugleville21, inspiré par Béatrix sa femme, résolut d'établir des moines dans son patrimoine, à Aufai, afin qu'au jugement dernier il pût recevoir l'assistance de leurs prières et de leurs mérites. Comme Drogon, son neveu, avait depuis peu renoncé à la milice séculière, et avait pris l'habit monacal à Ouche, dans le couvent du confesseur saint Evroul, il aima tendrement l'abbé Mainier et les religieux de ce monastère, et leur fit don de l'église de Sainte-Marie-d'Aufai, avec toutes ses prébendes, à la condition qu'il y serait établi six moines à la place de six chanoines, qui y faisaient le service, et qu'à mesure que les chanoines mourraient ou quitteraient la vie séculière dans la pieuse intention d'en embrasser une plus austère, leurs prébendes seraient dévolues aux moines. Ce guerrier fit don aux mêmes moines de toute la terre du Parc22 avec l'église et la totalité de la dîme de la même terre, quitte et libre de toute redevance onéreuse, de même qu'il l'avait tenue jusqu'alors; il affranchit entièrement les hommes du Parc, de manière qu'ils n'eussent plus à acquitter aucun service forcé, et qu'ils n'eussent à marcher que dans les expéditions générales des ducs de Normandie. Il donna pour la dîme, dans le moulin d'Aufai, deux boisseaux de froment chaque année, et dans un autre moulin sur la Sie, un demi boisseau de grain quelconque; en outre il accorda aux moines, pour leur chauffage de chaque jour, deux charges d'âne des bois de sa forêt d'Hérichard23. Le même chevalier tenait en fief pour chaque année des souverains de la Normandie deux charretées de vin: il en donna à perpétuité un muid aux moines, pour célébrer la messe. De plus il donna deux églises avec leur terre et toute leur dîme, savoir, celle du Parc, qui avait été bâtie en l'honneur de sainte Marie, mère de Dieu, et celle de Beaunai24 qui était consacrée à saint Pierre prince des Apôtres. Comme ces deux églises formaient des prébendes de l'église d'Aufai, elles étaient alors possédées par deux chanoines. En effet, celle du Parc était desservie par Raoul, qui, quelque temps après, à son retour d'Angleterre, fut assailli sur mer par une tempête, et enseveli dans les flots avec tous ses compagnons au milieu du naufrage. Quant à l'église de Beaunai, elle était tenue par Gautier, qui, quelque temps après, se fit moine à Saint-Evroul. Gilbert, d'accord avec sa femme Béatrix, fit librement tous ces dons à l'église de Dieu pour obtenir le salut éternel; il engagea fréquemment et avec bonté ses hommes et ses amis à augmenter son aumône. En conséquence le chevalier Goisfred donna à Sainte-Marie d'Aufai l'église de Saint-Denis avec toute la dîme, et recouvra en faveur de l'église de Dieu, à force d'exhortations et de présens, quelques parties de dîme que tenaient de lui trois chevaliers, Osbern-le-Bouc, Bernard et Raoul tous deux fils d'Aszon. Pour lui, il donna en outre une terre, des villains, et toutes les redevances que ceux-ci devaient dans la Rue-Sauvage. Robert, chevalier d'Heugleville, céda aux moines l'église de Saint-Aubin avec la totalité de sa dîme, et en conséquence reçut de leur charité seize livres rouennaises. Bernard, fils de Goisfred de Neuf-Marché, fit don de l'église de Speims en Angleterre, de toute la terre qui en dépendait, avec toute la dîme qui était tenue par le prêtre Ebrard, et concéda, pour l'échange des églises de Burchel et de Bruneshop, vingt sous du cens de Newbury, payables à la fête de saint Michel. Baudri, fils de Nicolas, fit don d'un bourgeois à Dieppe, et Raoul, fils d'Ansered, d'un hôte à Hottot. L'an de l'Incarnation du Seigneur 1079, qui répond à l'an quatorze du règne de Guillaume-le-Grand, roi des Anglais et duc des Normands, le même Gilbert et sa femme Béatrix déposèrent sur l'autel de Sainte-Marie d'Aufai la donation des choses dont nous venons de parler. Voici quels turent les témoins présens: Gilbert et Raoul, Gaultier et Jean, tous quatre chanoines de cette même église, Bernard de Neuf-Marché, Goisfred de Saint-Denis, Osbern-le-Bouc, Osbern Buflon, Eustache de Criquetot25, Eustache de Torci, Robert de Heugleville, Roger du Parc et beaucoup d'autres. Enfin Gilbert étant mort le 15 août, et ayant été honorablement enseveli par les moines qu'il avait établis sur ses terres, son fils Gaultier obtint ses biens, et confirma la concession de tout ce que son père et ses vassaux avaient donné à Sainte-Marie; du temps de Robert, duc des Normands, il confirma ce don par une nouvelle concession, d'après l'inspiration de son père et de sa mère, après qu'il eut épousé Avicie, fille de Herbran de Sauqueville. Il ajouta la dîme de l'impôt d'Aufai, six bourgeois et toutes leurs redevances; puis il les affranchit entièrement de manière qu'il n'eût rien à exiger d'eux si ce n'est le service général du duc de Normandie; en outre il autorisa les moines à user de tontes ses eaux pour la pêche, selon leur bon plaisir. Outre ces dons, Avicie, femme de Gaultier, fervente dans l'amour de Dieu, donna aux moines, pour chaque année, soixante sous de son revenu, payables aux calendes d'octobre, afin qu'ils en pussent acheter de la cire et de l'huile pour les luminaires de l'église, ainsi que l'encens dont ils avaient besoin pour la totalité de leur année: cette donation fut déposée par elle et par son mari sur l'autel de Sainte-Marie. Les témoins de ces donations furent Adam et Guillaume, tous deux fils de Tedfred, Osbern Buflon, Eustache de Torci, Robert de Cropus, Robert, fils de Godmond, Jean-le-Chat, et beaucoup d'autres. Au bout de quelques années, Gaultier et Avicie sa femme, faisant des progrès dans l'amour de Dieu, demandèrent à l'abbé Mainier douze moines de Saint-Evroul, et leur donnèrent, pour leur entretien, le moulin du Parc qui rendait onze boisseaux, cinq acres de terre à Heugleville, trois hôtes payant annuellement quinze sous, et l'église de la Sainte-Trinité avec toute sa dîme dans la paroisse que l'on appelle Centacres. Toutes ces choses, dont j'ai raconté la donation faite à Ouche par Gilbert et par ses hommes, furent confirmées par la concession de Guillaume, roi des Anglais, ainsi que de Jean et de Guillaume, archevêques de Rouen. Ensuite Robert II, duc des Normands, concéda aux moines de Saint-Evroul tout ce que Gaultier, fils de Gilbert, avait ajouté à l'aumône de son père; il permit en outre d'établir une foire au Parc, pour le jour de la Nativité de sainte Marie, et défendit absolument par l'entremise de Gaultier-le-Vieux, surnommé Giffard, à qui que ce fût d'exiger aucune redevance ou privilége, sans la permission des moines. Les frères de ce prince, Guillaume-le-Roux, et Henri, roi des Anglais, ainsi que l'archevêque Goisfred, concédèrent tout ce qui avait été donné aux moines d'Ouche, qui l'ont déjà possédé en paix pendant beaucoup d'années. Les chanoines furent remplacés par des moines, parce que les premiers virent que ceux-ci excellaient en toutes sortes de vertus auxquelles ils ne pouvaient atteindre. Guinimar, Benoît et Jean, son fils, restèrent avec les moines pendant plusieurs années, et moururent accablés d'infirmités. Gilbert, qui était beaucoup plus sage que tous ses compagnons, et Gaultier aussi, embrassèrent spontanément l'état monastique, et, promettant d'amender leur vie, moururent accablés de vieillesse. J'éprouve du plaisir à raconter quelque chose de la générosité des héros d'Aufai ainsi que de leurs bonnes mœurs. Gilbert, surnommé l'avoué de Saint-Valéri, prit pour femme une fille26 du duc Richard, de laquelle il eut Bernard, père de Gaultier de Saint-Valéri, et Richard de Heugleville. Ce dernier combattit long-temps sous les drapeaux du duc de Normandie, son oncle, par la faveur duquel il obtint avec tout son patrimoine la noble Ada, veuve du vieux Herluin de Heugleville. Le duc lui fit des dons considérables, et des promesses plus grandes encore qu'il eût libéralement accomplies, si Richard eût mis plus de soin à lui plaire. Il bâtit un bourg sur la Sic, dans le lieu qu'on appelait auparavant Isnelville, qu'il nomma Aufai à cause d'une montagne voisine qui était couverte de hêtres fort élevés, il soumit sa colonie aux institutions des moines de Cormeilles. Sa valeur guerrière et sa grande libéralité le rendirent recommandable: aussi fut-il formidable à ses adversaires, et fidèle à ses amis. Du temps du jeune Guillaume, fils du duc Robert, Guillaume d'Arques se révolta contre ce duc, et presque tout le Talon abandonna par une même défection le parti de ce prince bâtard. Le seul Richard de Heugleville tint bon contre les rebelles dans son château près de l'église de Saint-Aubin, et ne négligea rien pour maintenir, dans la fidélité qu'elles devaient au duc, toutes les contrées voisines qui étaient menacées des incursions de la garnison d'Arques. Il fut secondé dans cette entreprise par son gendre Goisfred et par Hugues de Morimont, tous deux fils de Turchetil de Neuf-Marché; mais Hugues, enveloppé à l'improviste avec tous les siens par les troupes d'Arques auprès de Morimont, périt comme eux en se défendant vaillamment. Quant à Goisfred, il eut d'Ada, fille de Richard, Bernard et Drogon, qui eurent une destinée fort différente. En effet, Drogon, ayant quitté la carrière des armes, vécut religieusement à Ouche, se forma aux lettres dans l'état monastique, et, parcourant tous les degrés des ordres sacrés, s'éleva jusqu'au sacerdoce. Bernard porta les armes jusque dans sa vieillesse, et combattit vaillamment sous trois des rois d'Angleterre. Enfin, du temps de Guillaume-le-Roux, il fit la guerre à Resen, roi des Gallois, après la mort duquel il bâtit le château de Wrexham27, et posséda plusieurs années le royaume des Bretons qui a pour capitale Talgard28. Il bâtit dans son nouvel établissement une église en l'honneur de L'évangéliste saint Jean; il y appela des moines, et leur donna la dîme de tous ses biens. Cependant Gilbert, fils de Richard, épousa Béatrix, fille de Chrétien de Valenciennes, illustre capitaine, de laquelle il eut Gaultier, Hugues et une fille nommée aussi Béatrix. Ce chevalier, cousin du duc de Normandie, lui fut toujours fidèle, et, dans la guerre d'Angleterre, accompagné de ses troupes, se trouva avec lui aux principales batailles qu'il livra. Quand le royaume fut pacifié, et que Guillaume fut établi sur le trône, Gilbert, malgré l'offre que lui fit ce prince de grandes possessions dans ses nouveaux Etats, revint en Neustrie, et, fier de sa simple honnêteté, ne voulut participer en rien aux rapines d'outremer. Content de son bien il repoussa celui d'autrui, et offrit dévotement son fils Hugues à la discipline ecclésiastique dans le monastère d'Ouche. sous le gouvernement de l'abbé Mainier. Il vécut long-temps avec sa pieuse femme, qui était cousine de la reine Mathilde, et se livra louablement, jusqu'à là fin de ses jours, aux aumônes, aux prières et aux autres bonnes œuvres. La vénérable Béatrix survécut trois ans à son mari, et mourut dans une sainte confession le quatrième jour de janvier. Gaultier était un jeune homme élégant, mais il se montra peu sage: c'est ce qui fut la cause de sa volontaire soumission à Godmond et à d'autres tuteurs fallacieux. Il rechercha principalement la société intime des débauchés, à la persuasion criminelle desquels il dilapida follement la fortune de ses pères; il ne cessa d'outrager et de vexer les moines, les clercs et les légitimes cultivateurs. Enfin, devenu chevalier, il prit pour femme Avicie, fille de Herbran, qui était belle et éloquente, et qui, par ses conseils et son adresse, commença à l'arracher un peu à son ancienne méchanceté. Avicie parlait avec facilité; elle avait de la prudence, et depuis les années de son enfance, elle s'était montrée dévote à Dieu, et, autant qu'elle l'avait pu, elle s'était rendue recommandable par le grand nombre de ses bonnes œuvres. Elle avait trois frères, chevaliers distingués, Jourdain, Guillaume et Robert. Avec l'assistance qu'ils prêtèrent à leur beau-frère, celui-ci triompha de la perfidie de ceux qui avaient envahi ses biens, et recouvra plusieurs des objets que la fraude et le larcin lui avaient enlevés et fait perdre. Avicie, dont nous venons de parler, donna à son mari des fils et des filles au nombre de douze, dont une mort prématurée enleva la plus grande partie dès l'enfance. Ayant passé avec Gaultier quinze années, elle mourut le 24 janvier, et fut inhumée à la porte de l'église dans le cloître des moines qu'elle avait beaucoup aimés. Le premier Guérin fit placer sur sa tombe un arc en pierre, et l'Anglais Vital29 lui fit l'épitaphe suivante: «Ci-gît le corps de la noble Avicie. Que le Christ lui accorde éternellement une vie heureuse dans le ciel, auquel cette femme vertueuse aspira constamment pendant le cours de son honorable existence, et que, par de continuels efforts, elle s'étudia à mériter! Elle fut fort belle, assez éloquente et très-sage; elle s'appliqua à assister assidûment au culte divin; elle s'étudiait à entendre chaque jour et la messe et les heures: c'est ainsi que, de son propre mouvement, cette femme honnête commenca à vivre. Ayant ensuite pris pour mari le généreux Gaultier avec lequel elle vécut heureusement durant quinze années, elle combla ses vœux en lui donnant douze enfans. Cette noble dame brilla spécialement par des mœurs excellentes, et, s'appliquant à faire prospérer le culte de l'Eglise, elle fit de grandes largesses de ses propres parures pour le service de l'autel. Toujours elle honora les prêtres, les moines, les veuves, les malades et les pauvres, et leur prodigua son assistance. Sa chasteté fut si évidente que nul libertin n'osa jamais essayer de la calomnier. Au mois de février30 la mort lui fit trouver affligeante et sombre la journée où Pierre s'éleva à la chaire pontificale. Le trépas d'une si grande dame fait couler les pleurs des moines d'Aufai. Que Dieu donne à l'ame d'Avicie les joies de la vie éternelle! Ainsi soit-il.» Après la mort de sa femme, Gaultier vécut près de trois ans, et, tourmenté journellement par les maladies, il prit l'habit monacal, et peu après s'étant confessé et ayant reçu la pénitence il mourut le 26 mai. Le prieur Hildegaire inhuma son corps aux pieds de sa femme, et Vital fit sur lui les vers suivans: «Gaultier, seigneur d'Aufai, repose en ce lieu. Puisse-t-il éternellement trouver ici le véritable repos! Déjà le mois de mai avait vu vingt-sept soleils quand ce chevalier sortit de l'humaine prison sous la tunique d'un moine, tourmenté par de longues douleurs, ayant confessé ses propres crimes: puisse-t-il, ô Christ, en recevoir de vous l'absolution! Ainsi soit-il.» Gaultier laissa à sa mort quatre pupilles désolés, Richard et Jourdain, Gaultier et Hélie, que le roi Henri prit sous sa tutelle en confiant au vicomte Robert le domaine d'Aufai à régir pendant deux ans. Cependant Jourdain de Sauqueville ayant offert au roi son service et des présens obtint tout ce domaine, se fit remettre ses neveux pour les élever de son patrimoine, et, pendant quatre ans, conserva honorablement et augmenta leurs biens. Le jeune Richard mourut à douze ans: il repose enseveli dans l'église de Marie, sainte mère de Dieu. Son frère Jourdain lui succéda, beau jeune homme dont les mœurs furent excellentes. Resté à la cour du roi Henri, il combattit avec ses contemporains; et le monarque lui donna une femme prudente et belle nommée Julienne, fille de Gottschalk, qui passa du pays de Louvain en Angleterre avec la reine Adelide. |
VI. Meditationes. Vita B. Patris Ebrulfi. Huc usque de rebus S. Ebrulfi diutius locutus sum, quae nostrum magna ex parte implent libellum. Inde mihi quaeso non indignentur lectores, si, beneficii accepti memor, recolo nostros benefactores. Opto equidem fundatores et benevolos cooperatores eorum scripto commendare tenaci memoriae posterorum, ut filii Ecclesiae coram Deo in conspectu angelorum memores sint eorum, quorum beneficiis in hac mortali vita sustentantur, ad peragendam servitutem Conditoris universorum. Hinc victor Abraham, postquam a caede quatuor regum remeavit, et Loth nepotem suum cum concaptivis suis utriusque sexus et substantia reduxit, sociis suis ut partes suas de spoliis Sodomorum acciperent praecepit. Per Abraham, qui Pater Excelsus interpretatur, perfecti viri designantur, qui contra malignos spiritus et vitia carnis quotidie dimicant, mundum mundique principem superant, terrenos fastus et lenocinia carnis conculcant, ac veluti stercus reputant. Per Loth a barbaris in captivitatem ductum, sed vivaci virtute spiritualis patrui nobiliter ereptum, qui vinctus vel declinatio interpretatur, carnalis animus seu bestialis populus significatur, qui in Sodomis, id est delectabilibus flagitiis, illaqueatur, et nexu peccati vinctus, a Deo declinans, a malignis spiritibus captivatur. Per socios Abrahae, qui pugnasse leguntur, fideles laici jure intelliguntur, qui jussu ejus portionem exuviarum sibi sumpsisse referuntur. Sic enim in libro Geneseos scriptum est: Dixit rex Sodomorum ad Abraham: Da mihi animas; caetera tolle tibi. Qui respondit ei: Non accipiam quidquam ex omnibus quae tua sunt, exceptis his quae comederunt juvenes, et partibus virorum qui venerunt mecum: Aner, Escol, et Mambre; isti accipiant partes suas! (Gen. XIV, 21-24.) Plerique laicorum mansuetis et modestis moribus adornantur, fide et bona voluntate perfectis Christi bellatoribus adjunguntur, eisque in daemones viriliter pugnantibus benigniter congratulantur. Fragile tamen saeculum non relinquunt, omnino mundana deserere nolunt, sed legali conjugio deserviunt, legis transgressionibus Deum in multis offendunt, eleemosynis tamen peccata sua, secundum Danielis consilium, redimunt. Isti nimirum partes suas de manubiis hostium accipiunt, dum de terrenis possessionibus Deo servientium monasteria construunt, et de iniquo mammona pauperum et infirmorum xenedochia pie constituunt, et de substantiis suis oratoribus coeli victum et vestitum porrigunt. Porro rex Sodomorum, triumphanti Abraham adulans, diabolum figurat, qui mille artibus nocendi sanctos quotidie tentat; quos blanditiis et terroribus nocte dieque impugnat, et omnia mundi delectamenta, divitias que vel honores ad hoc callide subministrat, ut animas solummodo in barathrum perditionis secum pertrahat. Abraham vero blandientis assentationes regis contempsit, nec laudes nec munera quaelibet ab illo recipere dignum duxit, sed commilitonibus tantum suis partes suas, et quae ad esum necessaria erant, sumere permisit. Sic nimirum sancti viri, dum in hac vita tempus militiae suae peragunt, omnia mundana pro coelesti desiderio spernunt, nec ullam mercedem pro sanctitatis suae remuneratione appetunt. Verum mundanos principes, qui fide Catholica et aeternorum desiderio bonorum eis comitantur, admonent ut ecclesiis partes suas de patrimoniis et quaestibus suis donent, et egenos mundique contemptores suis beneficiis sustentent; ut a Christo, qui se in pauperibus esse asserit, perennem gloriam sibi vindicent. Multis approbari potest auctoritatibus et exemplis quod tantum sibi homines retinent ad emolumentum aeternae salutis, quantum in eleemosyna misericorditer distribuunt juxta praeceptum Salvatoris. Nam ea quae pro delectatione carnis prodige distrahunt, seu pro mundialis inani splendore felicitatis inutiliter diffundunt, sine dubio velut aqua defluens irremediabiliter transeunt. Alii vero, qui haeredibus suis ingentes gazas augent et reservant, proh dolor! augmentum malitiae miseriaeque sibi multoties accumulant, natosque suos ad multorum detrimenta solerter educant. Ipsi enim furtis et rapacitatibus, multimodisque nequitiis summopere inserviunt, meritoque, malignitatis suae dignis ultionibus mulctati, depereunt. Sic nempe fit ut nec coelo, nec terra digni judicentur, et amplos honores ingrati successores adipiscantur, et antecessores, qui pravis haeredibus nimias opes procuraverint, a multis maledicantur. Providi sophistae de mammona iniquitatis amicos sibi faciunt, qui, dum carnalia eorum ad praesentis vitae sustentationem percipiunt, meritis et orationibus spiritualia benefactoribus suis in aeternum rependant. Bajocensis Ebrulfus summopere sibi perquisivit debitores hujuscemodi; de cujus jam rebus in praesenti opusculo plurima retuli. Amodo de ipso patre ordiar, et ejus gesta, sicut a priscis scripto seu relatione traduntur, breviter prosequar, et vitam ejus ad refectionem legentium hic ita inserere nitar. Venerabilis igitur Pater Ebrulfus, admodum nobili ortus prosapia, Bajocasinae urbis oriundus exstitit. Quem parentes, nimia educantes cura, catholicae fidei magisterio tradiderunt. Qui mira velocitate divina et humana diligenter percurrens studia, etiam adhuc puer ipsos magistros dicitur praecessisse doctrina. Coelestis enim gratia, quae sibi eum religionis doctorem futurum praeviderat, in omnibus efficacissime docilem reddiderat. Neque ex insolentia, ut mos est hujus aetatis, superbe aliquid agendo, tantae indolis dignitatem inficiebat. Vultu siquidem spectabilis et affatu dulcis, nulli levitate aliqua existebat gravis. Qui, sicut dictum est, nobilitatis lampade clarus, immortalis Dei jam notus praescientiae, mox innotuit Clothario regi, filio Clodovei, qui primus ex regibus Francorum Christianus factus est, et a beato Remigio, Remorum archiepiscopo, cum tribus nobilium millibus baptizatus est. Qui comperiens quis, vel cujus nobilitatis esset, illico praesentari sibi eum jubet, condignum fore dijudicans ut quem mentis nitor extulerat, regalibus ministeriis deserviret. Per humilitatis autem officium tantam ei supernus imperator contulit gratiam apud terrenum, quatenus, caeteris praelatus, in palatio maximum obtineret locum. Oratoris quippe facundia praeditus, ad agendas causas inter aulicos residebat doctissimos. Ita tamen saecularibus intendebat negotiis, ut nunquam relaxaret animum ab aspectu internae dilectionis. Sed cum opportuna spes propagandae sobolis haberetur in domo patris, crebra et honesta amicorum compulsus persuasione, condignam natalibus uxorem instituit ducere. Quam gratia posteritatis suscipiens, non carnis voluptate, divina praecepta exsequendo devote, solerti eadem crebro secum volvebat meditatione. Fruebatur itaque vir Deo plenus temporalibus, cauta cogitatione providens ne displiceret conditori in acceptis rebus. Cumque locupletatus nimis fieret, plus gaudebat bono opere quam bona possessione. Priscorum Patrum gesta, quae per multos codices legerat, qualiter in sese transferret, summo studio elaborabat. Insistens autem eleemosynis, orationibus atque vigiliis, conjugem quam duxerat ad idem sanctitatis opus evocabat; quatenus per virum fidelem, etsi fidelis, accresceret devotio mulieris. Sicque degens adhuc sub laicali habitu vitam instituerat, ut nihil ab his discrepare videretur, quos imperium regulare coercebat. Cum ergo beatissimus vir quadam propria lege, laudabiliter viveret, et Dominicis praeceptis ardenter inserviret, contigit ut Dominum in Evangelio suis praecipientem audiret: Qui vult venire post me abneget semetipsum, et tollat crucem suam, et sequatur me (Luc. IX, 23) . Illud etiam ad cumulum perfectionis vir Dei altae memoriae condiderat, quod ipsa contemptoribus mundi pollicetur Veritas: Amen dico vobis quod vos, qui propter me reliquistis omnia, centuplum accipietis, et vitam aeternam possidebitis (Matth. XIX, 29) . Veridicis igitur accensus promissis, quod antea cum discretione fecerat, facta distractione rerum, quidquid habere potuit, pauperibus erogat. Conjugem, quam ut patris nomen haberet acceperat, sacro velamine consecrans, coelesti sponso condonavit. Ipse, tanquam elapsus a naufragio, ad monasterium festinavit, et factus monachus, mansit ibi in omni humilitate serviens Deo per aliquod tempus; excrescebatque in eo magis atque magis sanctae conversationis affectus. Relator vitae monasterium, ad quod praefatus vir confugit, proprio nomine nobis non distinguit. Unde quod de hoc seniorum narratione didici, dignum duco futuris breviter enodare. Venerabilis Martinus, Vertavensis abbas, abbatiam construxerat in loco, quem Duos-Gemellos ab antiquitate vulgus vocitat, pro resuscitatione geminorum, quam ibidem factam vetustas memorat. Nam geminam prolem potentis heri mors immatura sine baptismate rapuerat; unde nimius dolor utrosque parentes invaserat. Martinus autem, ab Anglia reversus, amicos lugentes invenit, consolationem e coelo quaesivit, meritis et precibus geminos vitae reddidit, eosque in patrimonio eorumdem monachos Deo dicavit. Antiquum ab eventu eidem vico nomen usque hodie perseverat, et ingens congeries lapidum in fundamentis aedificiorum et ruinis maceriarum evidens testimonium dat quod magnae dignitatis hominum habitatio Bajocensem pagum illustraverit. Ebrulfus, adhuc divitiis et honoribus potens laicus, praefati, ut dicunt, coenobii constructionis astitit cooperator idoneus. Incipientes enim consilio adjuvit, haesitantes corroboravit, opibus et fundis, multisque modis res nuper incoeptas augmentavit. Ad postremum omnibus nudatus, ibi se abdicavit, verusque Dei pauper monachile schema ibidem suscepit, et armis obedientiae Deo militavit, et intuentibus exemplo coruscavit. Verum, cum ob sanctitatis gratiam coepisset gloriosus confessor Ebrulfus a fratribus honorari, casum elationis metuens incurrere, accitis secum tribus monachis, quos sibi familiari collocutione conjunxerat, et ad id perfectionis certamen promptiores cognoverat, utpote solius Dei contemplationi volens incumbere, summa cum velocitate studuit eremum expetere. Qui, per Oximensem pagum, in locum qui Montis-Fortis dicitur, venerunt, ibique, quia locus amoenus silvis et fontibus abundabat, hospitati sunt, et aliquandiu solitariam vitam ducentes, sancte vixerunt. Sed, quia duo castella, Oximis, Guaceiumque in vicinio erant, ubi plures acturi forenses causas veniebant, servi Dei adventantium multitudine molestias plerumque perferebant. Praefata nempe oppida temporibus Caesaris fuisse, eique leguntur fortiter restitisse; ibique per multa saecula principum sedes permansisse. Inde frequentia procerum atque mediocrium, quibus antea nobilis heros in saeculi fastigio notus fuerat, jam speciali theoriae ferventer inhaerentem visitabat, et multiplici colloquio de causis utilibus prolato, coelestia meditantem inquietabat. Illum igitur venerabilis viri locum deseruerunt, ibique posteri basilicam, quae adhuc perdurat, in honore S. Ebrulfi condiderunt. Deinde silvam ingressi sunt amatores eremi, quam Uticum protestantur incolae. Quae silva densitate arborum horribilis, crebris latronum frequentata discursibus, habitationem praestabat immanibus feris. Cumque intrepidis gressibus vastissima loca solitudinis peragrarent, non invenientes ubi conveniens suae devotioni hospitium collocarent, beatus Ebrulfus, purae conscientiae spiritu inardescens, oravit ad Dominum, dicens: « Domine Jesu Christe, qui populo tuo Israel gradienti per desertum, te ductorem fidelissimum in columna nubis et ignis exhibuisti, dignare propitius nobis volentibus Aegyptiacae servitutis damnationem effugere, locum libertatis et nostrae fragilitati opportunum clementer ostendere! » Mox vero completa oratione, apparuit fideli viro angelus Domini, adveniens quod poposcerat indicare. Quem sequentes praevium, pervenerunt ad fontes habilissimos ad potandum; qui paululum dirivati colligebantur in magnum stagnum. Ubi genua flectentes, monstratori Deo immensas referunt laudes, qui nunquam servos suos spernit sperantes in se. Celebrata autem gratiarum actione, nomen Domini invocantes, pro quantitate habitantium de virgultis et frondibus construxere tugurium. Quod claustro parvulo ejusdem materiae circumcingentes, manserunt ibi, optatae quietis refugium consecuti. Quorum servitus quantum libera, tantum Deo comprobatur exstitisse grata. Omnem quippe mundi strepitum conculcantes pedibus, solis inhaerebant coelestibus; et qui cuncta contempserant, praeter Deum nihil habebant. Unde bene cum Psalmographo cantare meruerunt: Portio mea, Domine, dixi, custodire legem tuam (Psal. CXVIII, 57) . Summi namque Dei obsequentes legi, eum solum partem conabantur adipisci. Dum ergo tota vigilantia interioris hominis profectum acquirerent, neque eos aut loci asperitas, aut bestiarum feritas a proposito deterreret, factum est ut quidam latronum, qui silvam incolebant, ad eos diverteret. Et admirans eorum constantiam, et in Christi servitio perseverantiam, ait: « O monachi, quae causa turbationis vos has partes coegit adire? Vel quomodo praesumpsistis in tanta hospitari solitudine? Non optimum locum invenistis. An nescitis quia hic est locus latronum, et non eremitarum? Hujus nemoris incolae rapina vivunt, proprioque viventes labore, consortes pati nolunt. Non diu tuti hic esse potestis. Praeterea arva inculta et infructuosa, vestroque labori invenistis ingrata. » Ad haec venerabilis Pater Ebrulfus, ut erat vir eloquens, singula propositionum exsecutus, respondit: « Vere, frater, non turbationis insolentia, sed cunctipotentis Dei huc nos appulit praescientia. Neque ex ulla usurpatione ad haec devenimus loca, sed potius ut liberius defleamus peccata nostra. Et quia nobiscum est Dominus, in ejus tutela positi non timemus minas hominum, cum ipse dixerit: Nolite timere eos qui occidunt corpus; animae autem non habent quid faciant (Matth. X, 18) . Illud autem quod proposuisti ultimum de labore, noveris quia potens est Dominus servis suis parare in deserto mensam refectionis. Cujus opulentiae particeps et ipse fieri potes, si pravitatem quam exerces deseris, et Deo, qui vivus et verus est, te famulaturum devotissime spoponderis, fili. Noster namque Deus, ut ait propheta, in quacunque die peccator conversus fuerit, quaecunque operatus est mala oblivioni tradit (Ezech. XVIII, 21) . Ne ergo desperes, frater, de bonitate Dei propter immanitatem scelerum; sed admonitionem Psalmographi sequens: Diverte a malo, et fac bonum (Psal. XXXIII, 15) , pro certo intelligens quia oculi Domini super justos, et aures ejus ad preces eorum. Sed et illud nolumus te ignorare, quod idem propheta personat continuo terribili relatione: Vultus autem Domini super facientes mala, ut perdat de terra memoriam eorum (ibid., 17) . Quod si divinae pietatis intuitus praesens adest justis, ut eorum preces exaudiat, patet procul dubio quia divertitur ab injustis, ut eorum quandoque impudentiam potenter puniat. » Tunc ille, in his sermonibus superna compunctus gratia, reversus est ad propria. Mane autem facto, renuntiatis omnibus quae habebat, deportans secum tres tantum subcinericios panes et favum mellis, citato calle repedavit ad servos Dei, et procidens ante pedes S. Ebrulfi, protulit eulogias benedictionis; moxque sancto afflatus Spiritu, emendatiorem vitam pollicitus, ibidem monachilem adeptus est professionem primus. Quem imitantes multi ejusdem silvae latrones, per admonitionem beati viri aut fiebant monachi, aut deserentes latrocinia efficiebantur cultores agri. Ex vicinis etiam locis, fama divulgante beati viri nomen et meritum, nonnulli veniebant ad eum, desiderantes ejus contemplari angelicam faciem et jucundissimum audire sermonem. Cumque ei administrarent quae corpori erant necessaria, refecti spiritualibus cum alacritate mentis remeabant ad sua. Quidam autem ex ipsis, ut meruerunt perfrui ejus colloquio, deprecabantur ascribi tam spirituali collegio, jamque propter frequentiam venientium praedicta silva solitudinis amiserat vocabulum. |
Jusqu'à ce moment j'ai souvent parlé de ce qui concerne Saint-Evroul, et j'en ai en grande partie rempli ce livre. Je prie mes lecteurs de me pardonner si, reconnaissant des bienfaits reçus, j'ai du plaisir à en célébrer les auteurs. C'est pourquoi je desire que mes écrits fassent passer à la mémoire durable de la postérité les fondateurs pieux et leurs bienveillans collaborateurs, afin que les fils de l'Eglise, devant Dieu et en présence des anges, se souviennent de ceux qui, dans cette vie mortelle, soutiennent par leurs bienfaits les hommes qui s'acquittent du service du Fondateur de toutes choses. C'est ainsi qu'Abraham vainqueur, de retour du combat où quatre rois tombèrent sous ses coups, ramena Loth son neveu, avec ses compagnons de captivité de l'un et de l'autre sexe, reconquit leurs biens, et ordonna à ses frères d'armes de prendre leur part des dépouilles de Sodôme. Par Abraham, qui signifie père suprême, on doit entendre ces hommes parfaits qui combattent journellement contre les malins esprits et les vices de la chair, qui triomphent du monde et de son prince, foulent aux pieds le faste et les délices de la terre, et les considèrent comme un vil fumier. Par Loth, conduit en captivité par les barbares, mais délivré noblement par l'active valeur de son beau-père spirituel, par Loth, qui signifie lie ou abaissement, on doit entendre l'esprit charnel ou le peuple abruti qui est enchaîné à Sodôme, c'est-à-dire dans des crimes remplis d'attraits, et enlacé dans les liens du péché en s'éloignant de Dieu, et qui se trouve captif des malins esprits. Par les compagnons d'Abraham qui combattirent avec lui, c'est à bon droit que l'on entend les fidèles laïques qui, par son ordre, prirent une partie des dépouilles. En effet, il est écrit ainsi dans le livre de la Genèse: «Le roi de Sodôme dit à Abraham: Donnez-moi les personnes; enlevez le reste pour vous. Celui-ci lui répondit: Je ne prendrai rien de ce qui vous appartient, à l'exception de ce qui a été mangé par les jeunes gens, et de la part de butin qui est due aux hommes qui sont venus avec moi, Aner, Escol et Mambré: ceux-là prendront leur part.» La plupart des laïques sont ornés de mœurs douces et modestes; ils se réunissent par la foi et la bonne volonté aux guerriers parfaits de Jésus-Christ, et félicitent avec bonté ceux qui combattent virilement contre les démons. Cependant ils ne quittent pas les fragilités du siècle; ils ne veulent pas abandonner entièrement les choses mondaines, ils s'y attachent selon les lois du siècle, et offensent Dieu dans beaucoup de choses en transgressant ses préceptes. A la vérité ils rachètent par l'aumône leurs péchés, selon le conseil de Daniel; ces hommes reçoivent leur part des dépouilles de l'ennemi, quand, aux dépens de leurs possessions terrestres, ils bâtissent des monastères pour les serviteurs de Dieu, élèvent pieusement de leurs injustes richesses des hôpitaux pour les infirmes et les pauvres, et tirent de leurs biens de quoi nourrir et vêtir les orateurs du ciel. Ainsi le roi de Sodôme, flattant Abraham dans son triomphe, est l'image de Satan, qui journellement, par mille artifices pernicieux, cherche à tenter les saints, qu'il attaque nuit et jour en employant tour à tour les caresses et la terreur; il leur donne perfidement, pour parvenir à son but, tous les plaisirs du monde, les richesses et les dignités, afin d'entraîner avec lui pour tout résultat leurs ames dans les gouffres de la perdition. Toutefois Abraham méprisa les séductions du roi qui le flattait, et ne crut pas digne de lui de recevoir rien de ce prince, ni louanges, ni présens: il se borna à permettre à ses compagnons d'armes de prendre leur part et ce qui était nécessaire pour leur subsistance. C'est ainsi que les saints personnages, tant qu'ils poursuivent le cours de leur guerre spirituelle dans cette vie, méprisent toutes les choses mondaines, pour ne songer qu'aux choses célestes, et ne réclament aucun prix pour la récompense de leur sainteté. Toutefois ils avertissent les princes du siècle, qui marchent avec eux dans la foi catholique et dans le desir des biens éternels, de donner aux églises une part de leur patrimoine et de leurs autres richesses, afin de soutenir par leurs bienfaits les pauvres et ceux qui méprisent le monde, de manière à réclamer la gloire éternelle auprès du Christ, qui vit dans les pauvres. On peut prouver par beaucoup d'autorités et d'exemples que les hommes gagnent pour l'avantage du salut éternel ce qu'ils distribuent miséricordieusement en aumônes selon le précepte du Sauveur. En effet, ce qu'ils prodiguent pour les plaisirs de la chair, ou ce qu'ils gaspillent inutilement pour le vain éclat d'une félicité temporelle, passe sans aucun doute, et d'une manière irrémédiable, comme l'eau qui s'écoule. Ceux qui entassent et réservent pour leurs héritiers d'immenses trésors n'accumulent, hélas! en cent manières, qu'un surcroît de perversité et de misère, et mettent beaucoup de soin à élever leurs enfans pour la calamité commune. Eux-mêmes se livrent au vol, à la rapine, et à toutes sortes de vices. et périssent à bon droit, frappés par la juste vengeance qui punit leur malignité. C'est ainsi qu'il arrive qu'on ne les juge dignes du ciel ni de la terre, et qu'ils laissent leur vaste opulence à d'ingrats successeurs, toujours maudits comme des prédécesseurs qui cèdent d'excessives richesses à de coupables héritiers. Mais dans leur prévoyance, les sages se font des amis avec les trésors de l'iniquité: tout en tirant la subsistance de la vie présente de ces biens charnels, ils rendent en échange pour l'éternité à leur bienfaiteur les richesses spirituelles qu'ils obtiennent par leurs mérites et leurs prières. C'est ainsi qu'Evroul de Baveux mit tant de soin à chercher de pareils débiteurs: j'ai déjà dans ce livre rapporté beaucoup de choses à cet égard, maintenant je vais parler de ce père; je raconterai brièvement ses actions telles que les anciens nous les ont transmises, soit par écrit, soit par tradition, et je vais tâcher de placer ici sa vie pour l'édification de mes lecteurs. Le vénérable père Evroul, sorti d'une très-noble famille, naquit dans la ville de Bayeux. Ses parens l'ayant élevé avec les plus grands soins, lui firent acquérir diligemment l'instruction de la foi catholique. Avec une merveilleuse rapidité, il parcourut toutes les études divines et humaines, et l'on raconte que, même enfant, il avait surpassé en science ses propres maîtres. En effet, la grâce céleste, qui avait prévu qu'il deviendrait un docteur de la religion, l'avait rendu efficacement docile en toutes choses. La présomption si familière à cet âge, et qui mêle l'orgueil aux actions, ne gâtait pas la dignité de ce bon caractère. Sa figure agréable, et douce dans son affabilité, ne se montrait point mobile ni sévère à personne. Comme nous l'avons dit, illustre par l'éclat de la noblesse, déjà connu de l'immortelle prescience de Dien, il se fit bientôt connaître au roi Clotaire, fils de Clovis, qui, le premier des rois Francs, devint chrétien, et se fit baptiser avec trois mille hommes de sa noblesse par le bienheureux Remi, archevêque de Rheims. Clotaire ayant su ce qu'était Evroul, et à quelle noblesse il appartenait, ordonna qu'on le lui présentât sans retard, jugeant que celui qui se distinguait par la pureté de son ame était digne de le servir dans les hautes fonctions de la royauté. Sans porter atteinte au devoir de l'humilité, le suprême monarque lui fit. auprès du monarque terrestre, assez de grâces pour que, préféré aux autres seigneurs, il obtînt la première place dans le palais. En effet, doué d'une admirable éloquence, il siégeait parmi les officiers du palais les plus savans pour l'administration des affaires publiques. Toutefois il s'occupait de ces affaires séculières de manière à ne jamais détourner son esprit de l'amour intérieur du Seigneur. Comme c'était sur lui que reposait, dans la maison de son père, l'espérance d'obtenir de la postérité, excité par les conseils fréquens et honnêtes de ses amis, il chercha une épouse digne de sa naissance. Comme il la recherchait plutôt pour l'avantage de sa lignée que pour les voluptés de la chair, il méditait en lui-même fréquemment et avec attention les divins préceptes qu'il voulait exécuter dévotement. C'est ainsi que cet homme, plein de Dieu, jouissait des choses temporelles, s'appliquant avec précaution à ne pas déplaire au Créateur dans les choses qui lui sont agréables. Devenu extrêmement riche, il se réjouissait plus des bonnes œuvres que des bonnes possessions. Il s'étudiait avec le plus grand zèle à faire passer en lui les vertus des anciens Pères, dont il avait lu le récit dans beaucoup de livres. Multipliant les aumônes, les prières et les veilles, il appelait aux mêmes actes de sainteté la femme qu'il avait épousée, de manière que, grâce au mari fidèle, la dévotion de l'épouse fidèle aussi ne pouvait manquer de s'accroître. C'est ainsi que, restant encore sous l'habit laïque, il avait réglé sa vie de manière à ne pas paraître différer de ceux qui sont soumis à l'empire de la règle. Comme ce bienheureux vivait louablement sous une certaine loi qui lui était propre, et obéissait ardemment aux préceptes divins, il arriva qu'il entendit ce que le Seigneur prescrit aux siens dans l'Évangile: «Celui qui veut venir avec moi doit renoncer à lui-même, porter sa croix et me suivre.» L'homme de Dieu avait soigneusement retenu ce précepte pour parvenir au comble de la perfection; c'est ce que la vérité même promet à ceux qui méprisent ce monde. «Je vous dis que vous qui avez abandonné tout pour moi, recevrez le centuple et posséderez la vie éternelle.» En conséquence, enflammé par ces promesses véridiques, Evroul ne se borna pas à ce qu'il avait fait auparavant avec discrétion, il vendit tous ses biens et donna aux pauvres tout ce qu'il pouvait avoir. Consacrant sous le voile sacré la femme qu'il avait épousée, pour avoir le nom de frère, il la remit au céleste époux; et lui-même, comme échappé du naufrage, se hâta de se retirer dans un monastère. Devenu moine, il y resta quelque temps servant Dieu en toute humilité; l'attachement à son saint état s'accroissait de plus en plus en lui. L'auteur de sa vie ne désigne pas par son nom propre le couvent où Evroul se retira. C'est pourquoi je crois convenable d'expliquer pour nos neveux en peu de mots ce que j'ai appris sur son compte, par le rapport des vieillards. Le vénérable Martin, abbé de Vatan31, avait fondé une abbaye dans le lien que de toute antiquité le peuple appelle les Deux-Jumeaux, à cause de la résurrection qui, suivant le rapport des anciens, s'opéra sur deux frères. En effet, une mort prématurée avait enlevé sans baptême les deux enfans d'un seigneur puissant, ce qui avait profondément affligé le père et la mère. De retour d'Angleterre, Martin trouva ses amis affligés; il demanda au ciel pour eux des consolations. Par ses mérites et ses prières, il rendit à la vie ces deux jumeaux, et les voua à Dieu comme religieux dans leur propre patrimoine. Depuis cet événement, ce nom a subsisté jusqu'à ce jour. Une grande masse de pierres employée dans les fondations de l'édifice et dans les ruines des maçonneries atteste évidemment qu'une habitation d'hommes d'une grande dignité a jadis illustré le territoire de Bayeux. Laïque puissant encore par les richesses et les honneurs, Evroul contribua efficacement, comme nous l'avons dit, à la construction de ce monastère: il aida de ses conseils ceux qui commençaient le travail; il encouragea ceux qui hésitaient, et tant par l'argent et les fonds que par tout autre moyen, il étendit l'entreprise. Enfin s'étant dépouillé de tout, et vrai pauvre de Dieu, il y prit la robe monacale, combattit pour Dieu avec les armes de l'obéissance, et brilla par l'exemple devant ceux qui le contemplaient. Le glorieux confesseur Evroul ayant commencé à être honoré par ses frères à cause de la grâce de sa sainteté, et craignant d'être exposé aux malheurs de l'orgueil, se réunit à trois moines qu'il s'était attachés dans des entretiens familiers, et qu'il reconnaissait comme les plus disposés à ce combat de la perfection; et voulant ne se livrer désormais qu'à la contemplation de Dieu seul, il s'empressa de courir au fond d'un ermitage. Ces quatre personnages vinrent dans le territoire d'Exmes, au lieu que l'on appelle Mont-Fort32, et s'y fixèrent, parce que ce lieu agréable est tout couvert de forêts et de fontaines: ils y vécurent quelque temps saintement en menant une vie solitaire. Mais, comme il y avait dans le voisinage deux châteaux, Exmes et Gacé, où beaucoup de personnes étaient appelées par des affaires judiciaires, les serviteurs de Dieu étaient souvent exposés à beaucoup de désagrémens de la part de cette multitude de voyageurs. On raconte que ces places fortes existaient du temps de César, qu'elles lui résistèrent courageusement, et que, pendant plusieurs siècles, elles furent la résidence de divers princes. Il en résultait que le grand nombre de seigneurs et d'hommes du commun, dont le noble Evroul avait été connu autrefois lorsqu'il était au faîte des grandeurs, ne cessaient de le visiter, quoiqu'il fût avec ferveur attaché aux contemplations célestes, et par de longs entretiens sur des affaires qui les intéressaient, ils troublaient celui qui ne voulait plus méditer que sur les choses divines. En conséquence, les vénérables solitaires abandonnèrent ce lieu, où par la suite on bâtit en l'honneur de saint Evroul une église qui subsiste encore. Les zélateurs de la vie d'ermite entrèrent dans la forêt que les habitans appellent Ouche. Cette forêt, que l'épaisseur de ses ombrages rend horrible, exposée aux fréquentes incursions des brigands, servait de repaire aux bêtes féroces. Comme ils parcouraient d'un pas intrépide ces vastes asiles de la solitude, sans pouvoir trouver où placer une demeure convenable pour leur dévotion, le bienheureux Evroul, dans la ferveur d'une pure conscience, adressa sa prière au Seigneur, et dit: «Seigneur Jésus-Christ, vous qui vous montrâtes dans une colonne de nuages et de feu comme un guide fidèle pour votre peuple d'Israël marchant dans le désert, daignez, propice pour nous, qui voulons fuir la damnation de la servitude d'Egypte, nous indiquer, dans votre clémence, le lieu de notre liberté et l'asile de notre fragilité.» A peine cette prière était terminée, tout à coup apparut à l'homme fidèle un ange du Seigneur, arrivant pour lui indiquer ce qu'il demandait. Les solitaires le suivirent, et, guidés par lui, arrivèrent à des fontaines très-propres à servir de breuvage, et qui, se rassemblant peu à peu dans leur cours, formaient un grand étang. Là, fléchissant le genou, ils rendirent les grâces les plus ferventes à Dieu qui leur montrait ces biens, et qui ne délaisse jamais ses serviteurs lorsqu'ils espèrent en lui. Après avoir célébré des actions de grâces, invoquant le nom du Seigneur, ils construisirent avec des rameaux et des feuillages une chaumière propre à contenir les habitans qu'elle devait recevoir. Ils l'entourèrent d'une petite clôture de la même matière, et s'y fixèrent après avoir ainsi obtenu l'asile de repos qu'ils desiraient. Il est prouvé qu'autant leur servitude fut libre, autant elle fut agréable à Dieu. En effet, foulant aux pieds tout le vain bruit du monde, ils ne s'attachaient qu'aux choses célestes, et ceux qui avaient méprisé tous les biens n'avaient rien autre chose que Dieu seul. C'est pourquoi ils furent dignes de chanter avec l'auteur des psaumes: «Seigneur, je l'ai dit, c'est ma part que de conserver votre loi.» En effet, obéissant à cette loi du Dieu suprême, ils s'efforçaient de mériter de n'avoir plus que lui pour père. En conséquence, pendant qu'ils tâchaient d'acquérir à force de vigilance tout le mérite de l'homme intérieur, et qu'ils ne se laissaient détourner de leur projet, ni par l'horreur des lieux, ni par la cruauté des bêtes, il arriva que l'un des brigands qui habitaient la forêt se rendit auprès d'eux. Admirateur de leur constance et de la persévérance qu'ils mettaient dans le service du Christ, il leur dit: «O moines, quelle cause malheureuse a pu vous forcer de vous retirer en ces lieux? Comment pouvez-vous présumer que vous habiterez dans une telle «olitude? Ce lieu que vous avez trouvé n'est pas bon. Est-ce que vous ignorez qu'il est plutôt la retraite des brigands que des ermites? Les habitans de cette forêt vivent de rapines, et ne veulent pas souffrir pour censeurs ceux qui subsistent de leur propre travail. Vous ne pouvez être ici long-temps en sûreté. En outre vous n'avez rencontré ici que des champs incultes et stériles, qui répondront avec ingratitude à vos travaux.» Le vénérable père Evroul, qui était un homme éloquent, discutant chacune de ces propositions, répondit en ces termes: «Il est vrai, mon frère, que ce n'est pas l'insolence du désordre, mais bien la providence du Dieu tout-puissant qui nous a conduits ici. Ce n'est point par un motif d'usurpation que nous arrivons en ces lieux: au contraire, nous y venons en liberté pleurer nos péchés. Comme le Seigneur est avec nous, nous ne redoutons pas les menaces des hommes, placés que nous sommes sous sa garde, puisqu'il a dit lui-même: Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, ils ne peuvent rien sur les ames. Quant à ce que vous avez dit en dernier lieu sur la stérilité de nos travaux, vous saurez que le Seigneur est assez puissant pour préparer dans le désert à ses serviteurs la table de réfection. Vous-même vous pouvez participer à tant d'opulence, si vous abandonnez la dépravation à laquelle vous vous livrez, et si vous promettez, mon fils, de servir dévotement ce Dieu, qui est le ci seul et le véritable. En effet, notre Dieu, comme dit le prophète, livre à l'oubli tous les maux qu'a faits le pécheur, aussitôt qu'il vient à se convertir. Ne désespérez donc pas, mon frère, de la bonté de Dieu, quelque énormes que soient vos crimes; mais suivant les avertissemens du psalmiste, éloignez-vous du mal et faites le bien. Vous comprendrez certainement que le Seigneur tient toujours ouverts les yeux sur les justes et les oreilles à leurs prières. Nous ne voulons pas que vous ignoriez que ce même prophète proclame continuellement cette terrible sentence: La face du Seigneur est toujours tournée sur ceux qui font le mal, afin qu'il fasse disparaître leur mémoire de la surface de la terre. Si les regards de la divine bonté «sont toujours présens sur les justes, afin d'exaucer leur prière, ils s'éloignent des méchans, afin de les punir quelquefois.» Alors, pénétré de la grâce suprême qu'il recevait de ces discours, le brigand s'en retourna. Le matin étant venu, renonçant à tout ce qu'il avait, n'apportant avec lui que trois pains cuits sous la cendre et un rayon de miel, il revint en toute hâte vers les serviteurs de Dieu. Tombant aux pieds de saint Evroul, il lui offrit ses petits présens en réclamant sa bénédiction, et bientôt, inspiré par le Saint-Esprit, promettant d'amender sa vie, il fut le premier à faire en ces lieux sa profession monastique. A son imitation, plusieurs voleurs de la même forêt, avertis par le saint homme, ou se firent moines, ou, renonçant au brigandage, devinrent cultivateurs. La renommée ayant publié le nom et les mérites du bienheureux Evroul, beaucoup de personnes des contrées voisines venaient à lui, desirant contempler sa face angélique et entendre ses excellens sermons. Ils lui procuraient les choses qui étaient nécessaires aux besoins du corps. En échange, rassasiés des choses spirituelles, ils retournaient chez eux dans toute la joie de leur ame. Comme quelques-uns d'entre eux méritaient de jouir de ses entretiens, ils le priaient de les adjoindre à son pieux collége; et déjà, à cause du grand nombre des survenans, la forêt avait perdu le nom de solitude. |
VII. Sequentia vitae B. Ebrulfi Accrescente itaque numero fratrum, accrescebat et in beato Ebrulfo gratia virtutum. Patientiae quippe singularis, abstinentiae erat praedicabilis, creber in oratione, hilaris in exhortatione. Prosperitate nesciebat extolli, adversitate non poterat frangi. Quod ei deferebatur a populo fideli, pauperibus qui ad eum confluebant mandabat distribui, dicens non oportere monachos aliqua de crastino sollicitudine angi. Quadam igitur die, deficiente copia panis, pauper ad januam veniens, eleemosynam postulare coepit. Qui cum denegantem se habere quod largiri posset ministrum inclamaret, venerabilis Pater ait: « Frater, quare negligis clamorem pauperis? Da, quaeso, eleemosynam inopi. » At ille: « Non habeo, inquit, Pater, nisi dimidium panis quem reservo parvulis nostris. Nam caetera secundum jussum tuum erogavi. » Cui ille: « Non debes haesitare, fili. Num legisti Prophetam dicentem: Beatus qui intelligit super egenum et pauperem; in die mala liberabit eum Dominus? (Psal. XL, 1.) Nunquam sane desinet fidelis conditor pascere, pro quibus dignatus est, affixus cruci, pretiosum sanguinem impendere. » His a venerando Patre auditis, minister dimidium panis quem reservaverat parvulis, uni famulorum tradidit, dicens: « Cito curre, et pauperi largire, sed noli eum revocare. » Qui jussis obtemperans, tandiu cucurrit, donec egenum fere uno stadio a monasterio remotum reperit. Cui cum diceret: « Accipe, Domine, eleemosynam quam tibi abbas mittit, » ille baculum, quem manu gestabat, in terra defixit, Deoque gratias agens, ambabus manibus agapem suscepit. Cumque de humo baculum abstraxisset, nec adhuc eleemosynae portitor de loco recessisset, subito fons magnus, cuspidem baculi secutus, erupit, qui usque in hodiernum diem ebulliens, ibidem fluit. In quo loco multae infirmorum sanitates patratae sunt, et de longinquis regionibus febricitantes pro desiderio curationis illuc asciti sunt. Per visum etiam pluribus jussum est ut pro salute nanciscenda Uticensem saltum quaererent, et de S. Ebrulfi fonte, qui manat illic, biberent. Plures igitur de Burgundia vel Aquitania, seu de aliis Galliarum regionibus exierunt, Uticum cum summa difficultate quaesierunt, et vix, quia tunc locus ille obscurus erat, uti desertus, indagantes, invenerunt. Tandem invento fonte cum hausissent, et inde cum sancti nominis invocatione fideliter bibissent, seu caput vel alia membra lavissent, recepta sanitate gaudebant, Deoque gratias agentes, ad propria laeti redibant. Haec ibidem per multa saecula frequenter usque ad tempora Henrici, regis Francorum, agebantur, dum post devastationem Danorum raro cultore Uticensis pagus incolebatur. Tunc quidam pagensis, nomine Berengarius, ex paterna successione illud rus suscepit; et, ne adventantes infirmi sata sua devastarent, fontem sepe circumclusit. Dolens namque ruricola crebro irascebatur quod prata, horti et alia quae in circuitu habebantur, ab extraneis, qui causa salutis illuc confluebant, conculcabantur. Ab eodem tempore miracula sanitatum ibidem fieri cessaverunt, quandiu praefatus Berengarius et haeredes ejus Leterius et Guillelmus atque Gervasius praedium illud possederunt. Erogato itaque a S. Ebrulfo pane pauperi, ecce ante solis occasum quidam clitellarius astitisse pro foribus cellulae visus est, pane et vino sufficienter onustus. Qui vero eum adduxerat, dicens se feneratorem esse, ministrum advocavit. Cui tradens quae delulerat, ait: « Vade frater, et da tuo abbati. » Quo dicto, velut iter accelerans, equum ascendit et festinus abscessit. Cumque pater personam datoris requireret, responsum est ei quanta celeritate discessisset. Intellexit ergo haec sibi a Deo delata fuisse, et exhilaratus spiritu, gratias egit pietati ejus immensae, qui multiplicat misericordiam suam servis suis, et reddit plura pro paucis. Ab illo vero die nunquam defuit illis quod poscit usus humanae fragilitatis. Sed cum paulatim, pio Domino praestante auxilium, temporalibus bonis augmentari coepissent, duo saevi latrones ex alia provincia, audientes multiplicari eorum substantiam, direxerunt gressum ad beati viri cellulam, et assumpto grege porcorum, cum silvam egredi festinarent, reciprocato itinere ipsam eremum coeperunt circumire. Et non invenientes liberam exeundi potestatem, obstupefacti cur hoc contingeret, et jam errando fatigati, audierunt signum, quo fratres acciti convenirent ad orationis studium. Ad cujus sonitum nimio terrore perculsi sunt, et, relictis porcis, ad hominem Dei velociter accesserunt; et confessi crimen quod egerant, facti sunt ei monachi. Verum ad commendandam illustrem gloriam magistri, non illud tacendum esse duximus, quod per quemdam discipulorum ejusdem honorificentissimi viri exhibuit praecellens gratia septiformis Spiritus. Corvus namque, qui prope monasterium nidificaverat, ova furtive rapiebat, et per insertam fenestram refectorium intrans, omnia turbabat, nidoque suo quod tollere posset asportabat. Tunc unus ex fratribus, cujus hoc erat officium, simpliciter orans inquit: « Domine, vindica nos de adversario qui aufert quod nobis donat tua miseratio. » Nec mora reperierunt volucrem sub arbore mortuam, qua sibi collocaverat nidum. Sic quidquid eis nocere voluit, aut cito periit, aut poenitens melioris propositi habitum recepit. Igitur cum omnium inspector Deus gloriosum certamen Ebrulfi dilecti sui clementer aspiceret, cor illius fidei soliditate roboravit, quatenus perseverans in opere, exemplum fieret caeteris regularis disciplinae. Qui licet vehementer arderet adire remotioris deserti loca, et hominum declinare consortia, prudentiori tamen consilio deliberavit praesens prodesse exercitui, cujus dux atque magister exstiterat propositi. Metuens videlicet, si se fundamenti auctor subtraheret, opus aedificii propter novitatem aliquatenus vacillaret, praecavebat ne, dum sibi locum quietis provideret, aliis detrimentum foret. Persistit ergo princeps agonizantis exercitus, et in acie ut miles pugnans, et extra aciem ut fortis ductor per incrementa virtutum sese proferendo sublimans. Cujus celeberrima sanctitatis opinio plurimas percurrens provincias, ad ejusdem professionis luctamen felices et strenuas, Deumque metuentes personas illexerat. Tradebant autem beato viro domos, praedia, possessiones et familias, rogantes ut eis monasteria aedificari praeciperet, et ordinem quem vellet vitae solers pastor imponeret. Quorum petitionibus vir sanctus acquievit, et XV monasteria virorum seu mulierum regulariter in stituit, et singulis probatissimae vitae personas praefecit. Ipse autem proprio coenobio, quod prius aedificaverat praefuit, in quo jugiter in Dei servitio permansit, exhortans fratres « ad altiora progredi, et pertimescere multiformes insidias diaboli. » Fama sanctitatis tanti Patris pervenit ad aures principum, qui temporibus illis frena regni rexerunt Francorum, qui nuper submissi fuerant leni jugo Christianorum. Clotharius enim Senior annis quinquaginta et uno regnavit, moriensque quatuor filiis suis regnum in tetrarchias divisum reliquit. Caribertus itaque Parisius, Hilpericus Suessonis, Guntrannus Aurelianis, et Sigisbertus Mettis regni sedem sibi collocavit. Sigisbertus autem, qui junior omnibus erat, primus omnium duxit uxorem, filiam scilicet regis Galiciae, Brunichildem, quae peperit ei Childebertum regem, et Ingundem, Herminegeldi Guissigothorum regis et martyris conjugem, et Bertam, Adelberti Cantuariorum regis uxorem, atque Bovam Deo sacratam virginem. Deinde post VIII annos, fraude Chilperici fratris sui occisus est, et Childebertus adhuc puer cum Brunichilde matre sua regnum adeptus est. Quo fere XXV annis fortiter, ut in gestis ejus legitur, potitus est. Qui, postquam multos labores perpessus veneno periit, Theodeberto et Theoderico filiis suis duas tetrarchias patris sui dimisit; cum quibus Lotharius Magnus, Chilperici filius, fere XX annis inimicitias exercuit. Tandem Theodebertum regem bello peremit, et vetulam Brunichildem ad caudas equorum indomitorum crudeliter ligari fecit, potentem reginam, cui quondam Gregorius papa, ut in Gestis pontificalibus et Registro declaratur, suppliciter faverat, frustatim discerpsit. Sic nimirum, omnibus aemulis de medio ablatis, monarchiam Franciae solus obtinuit, moriensque Dagoberto filio suo, cujus gesta Francis notissima sunt, reliquit. In illo tempore, dum isti Gallis principati sunt, Romanum imperium Justinianus et Justinus minor tenuerunt, Tiberius quoque et Mauritius, Phocas et Heraclius. Apostolicam vero sedem tunc rexerunt Hormisda et Joannes, Felix et Bonifacius, Joannes et Agapitus, Silverius, Vigilius et Pelagius, Joannes et Benedictus, Pelagius et magnus doctor Gregorius, Sabinianus et Bonifacius, Deusdedit et Bonifacius, in solemnitate Omnium Sanctorum famosus. In diebus illis Rothomagensem metropolim tenuerunt Flavius et Praetextatus, Melantius, Hildulfus, celebrisque proles Benedicti Romanus. |
A mesure que le nombre des frères s'accroissait, la grâce des vertus s'accroissait aussi dans le bienheureux Evroul. En effet, remarquable par sa patience, illustre par son abstinence, assidu à la prière, gai dans l'exhortation, il ne s'enorgueillissait pas dans la prospérité, et ne se laissait point abattre par le malheur. Ce qu'un peuple fidèle lui offrait, il le faisait distribuer aux pauvres qui accouraient en foule vers lui, disant qu'il ne fallait pas que les moines fussent jamais tourmentés par aucun souci du lendemain. Un certain jour que le pain vint à lui manquer, un pauvre vint à sa porte lui demander l'aumône. Comme il s'adressait au moine de service qui lui disait qu'il n'avait rien à lui donner, le vénérable père lui adressa ces mots: «Mon frère, pourquoi ne répondez-vous pas au cri du pauvre? Donnez, je vous prie, l'aumône à cet infortuné.» Le moine répondit: «Mon père, je n'ai plus que la moitié d'un pain que je réserve aux enfans; car j'ai donné tout le reste selon vos ordres.» Evroul ajouta: «Mon fils, vous ne devez pas hésiter. Est-ce que vous n'avez pas lu le prophète qui dit: Heureux celui qui s'occupe du pauvre et de l'indigent! le Seigneur le délivrera au jour de sa calamité. Assurément le fidèle Créateur de toutes choses ne cesse jamais de nourrir ceux pour lesquels, attaché à la croix, il a daigné répandre son précieux sang.» Après avoir entendu ces paroles du vénérable père, le frère remit à un des domestiques le demi-pain qu'il avait réservé pour les enfans, et lui dit: «Allez vite secourir l'indigent, mais ne le rappelez pas.» Obéissant aux ordres qu'il recevait, le domestique courut long-temps, et n'atteignit le mendiant qu'à un stade du couvent. Il lui dit: «Seigneur, recevez l'aumône que notre abbé vous envoie.» Cet homme enfonça en terre le bâton qu'il portait à la main, rendit grâces à Dieu, et reçut l'agape dans ses deux mains. Lorsqu'il arracha de la terre son bâton, le porteur de l'aumône étant encore présent, soudain une fontaine abondante, suivant la pointe du bâton, vint à jaillir, et n'a pas, jusqu'à ce jour, cessé de couler en bouillonnant. Il s'est opéré là de nombreuses guérisons de malades, et, des pays lointains, plusieurs fiévreux s'y sont rendus pour y trouver un remède à leurs maux. Plusieurs personnes ont, dans des visions, reçu l'ordre de se rendre dans la forêt d'Ouche pour y recouvrer la santé, et y boire de l'eau qui coule de la fontaine de Saint-Evroul. En conséquence, plusieurs malades sortirent de la Bourgogne, de l'Aquitaine et d'autres contrées de la France; ils cherchèrent Ouche avec les plus grandes difficultés, et ce ne fut pas sans peine qu'ils le découvrirent, car ce lieu désert n'était pas encore sorti de son obscurité. Enfin, ayant trouvé la fontaine, ils y puisèrent, en burent de l'eau fidèlement en invoquant le saint nom, et, s'y lavant soit la tête soit d'autres membres, ils eurent le bonheur de recouvrer la santé, et s'en retournèrent pleins de joie. Ces miracles s'opérèrent en ce lieu fréquemment et pendant plusieurs siècles jusqu'au temps de Henri, roi des Français. A cette époque, ravagé par les Danois, le territoire d'Ouche ne fut plus cultivé que par un petit nombre d'habitans. Alors un certain paysan nommé Béranger obtint ce terrain de la succession paternelle, et renferma d'une haie la fontaine pour préserver ses cultures de la dévastation occasionée par les malades qui y survenaient. Ce cultivateur se mettait fréquemment en colère parce que les étrangers qui, pour leur santé, accouraient en ce lieu, foulaient aux pieds ses prés, ses jardins et tout ce qu'il avait aux environs. Depuis ce temps les miracles des guérisons cessèrent d'y avoir lieu tant que ce Béranger ainsi que ses héritiers, Lethier, Guillaume et Gervais, possédèrent ce domaine. Saint Evroul ayant fait donner un pain au pauvre, on vit paraître avant le coucher du soleil, devant les portes du monastère, une bête de somme chargée d'une certaine quantité de pain et de vin. Celui qui la conduisait se dit usurier, et demanda à parler au moine de service. Il lui remit ce qu'il avait apporté, et lui dit: «Allez, mon frère, et donnez ces choses à votre abbé.» A ces mots, comme pour reprendre son chemin, il remonta à cheval et se retira promptement. Evroul ayant demandé quel était celui qui avait fait ce don, on lui répondit qu'il était parti en toute hâte. C'est pourquoi il comprit que c'était de Dieu même qu'il tenait ce don; il se réjouit dans son esprit, et rendit grâce à celui dont l'immense bonté multiplie ses miséricordes pour ses serviteurs, et donne beaucoup pour peu. Depuis ce jour il ne manqua plus dans le couvent rien de ce qu'exigent les besoins de l'humaine fragilité. Peu à peu, grâces aux bontés du Seigneur, les biens temporels d'Ouche commencèrent à s'accroître. Deux brigands cruels d'une autre province, apprenant cet état de choses, dirigèrent leurs pas vers la cellule du bienheureux personnage. Ayant volé un troupeau de pourceaux, ils se hâtaient de sortir de la forêt; mais ayant pris un chemin qui les ramenait sur leurs pas, ils se mirent à tourner autour de l'ermitage. Ne pouvant trouver le moyen de sortir, ils restèrent confondus de cet événement. Fatigués d'errer, ils entendirent la cloche qui appelait les frères à la prière accoutumée. A ce son, ils furent frappés d'une excessive terreur, et ayant laissé leur troupeau ils allèrent promptement vers l'homme de Dieu. Après avoir confessé leur crime, ils se firent moines en ce lieu. Pour rendre plus éclatante la gloire du maître, il ne faut pas cacher ce que la grâce supérieure de l'esprit à sept formes accomplit par l'un des disciples de ce personnage si honorable. Un corbeau qui avait fait son nid auprès du monastère enlevait furtivement les œufs, et, pénétrant dans le réfectoire par on ne savait quelle fenêtre, mettait le désordre partout, et emportait dans son nid tout ce qu'il pouvait enlever. Alors un des frères qui avait la charge du réfectoire, priant avec simplicité, parla ainsi: «Seigneur, vengez-nous d'un ennemi qui enlève ce que votre miséricorde nous donne.» Sans nul retard ils trouvèrent l'oiseau mort sous l'arbre où il avait placé son nid. C'est ainsi que tout ce qui voulut nuire à ces religieux, ou périt promptement, ou, rempli de repentir, prit l'habitude d'une meilleure vie. Comme Dieu, qui voit tout, considérait avec bienveillance le glorieux combat de son cher Evroul, il fortifia son cœur de toute la solidité de la foi, jusqu'à ce que, persévérant dans ses bonnes œuvres, il devint pour les autres un modèle de discipline régulière. Quoiqu'il desirât ardemment visiter les points du désert les plus retirés, et de fuir le commerce des hommes, il résolut, d'après de plus mûres réflexions, de rester présent à la tête de l'armée dont il commandait et dirigeait les exercices. Craignant, en effet, que si le fondateur s'éloignait, tout l'édifice, vu sa nouveauté, ne reçût quelque secousse, il usait de précautions pour que le soin qu'il prendrait de choisir un lieu de repos ne devînt préjudiciable à personne. Le chef de cette pieuse armée resta donc avec elle, s'élevant de plus en plus par l'accroissement de ses vertus, soit comme soldat combattant, soit comme général prudent. La réputation très-étendue de la sainteté d'Evroul, parcourant un grand nombre de provinces, attirait au combat de la même profession des personnes riches, courageuses et craignant Dieu; elles livraient à ce bienheureux leurs maisons, leurs fermes, leurs propriétés et leurs familles, priant l'habile pasteur de leur faire bâtir des monastères, et d'y établir l'ordre qu'il voudrait. L'homme saint acquiesça à leur demande; il institua régulièrement quinze couvens, tant d'hommes que de femmes, et mit à la tête de chacune de ces maisons des personnes d'une vie très-éprouvée. Lui-même fut le chef du monastère qu'il avait auparavant bâti, dans lequel il resta constamment pour le service de Dieu, exhortant ses frères à s'élever aux choses d'en haut, et à craindre les embûches de toute espèce que tend le démon. La réputation de sainteté d'un père si illustre parvint aux oreilles des princes qui dans ces temps dirigèrent les rênes du royaume des Francs, nouvellement soumis au joug léger du christianisme. Clotaire-le-Vieux33 régna quinze ans, et laissa en mourant son royaume divisé en tétrarchies à ses quatre fils. Aribert (Charibert) fixa en conséquence le siége de ses Etats à Paris, Chilpéric à Soissons, Gontran à Orléans, et Sigebert à Metz. Celui-ci, le plus jeune de tous, se maria le premier, et prit pour femme Brunehaut, fille du roi de Galice: elle lui donna Childebert, qui devint roi, Ingonde qui épousa Hermenegild, roi des Visigoths et martyr, Berthe épouse d'Edelbert, roi de Kent, et Bone qui consacra sa virginité à Dieu. Huit années après, Sigebert fut tué par la perfidie de son frère Chilpéric; Childebert, encore enfant, monta sur le trône avec sa mère Brunehaut, et régna près de vingt-cinq ans, et dignement comme on le lit dans son histoire. Après avoir éprouvé beaucoup de traverses, il mourut empoisonné, laissant les deux royaumes de son père et de Gontran, son oncle, à ses fils Théodebert et Théodoric, avec lesquels Clotaire-le-Grand, fils de Chilpéric, fut en mésintelligence durant près de vingt ans. Enfin il tua dans une bataille le roi Théodebert, et fit attacher cruellement à la queue de chevaux indomptés Brunehaut, fort avancée en âge, reine puissante, que le pape Grégoire avait traitée avec déférence, comme on le lit dans le registre et les gestes pontificaux. Cette princesse fut mise en pièces. C'est ainsi qu'après avoir fait périr tous ses rivaux, Clotaire posséda seul la monarchie de France, qu'il laissa en mourant à son fils Dagobert, dont l'histoire est assez connue des Francais. Dans ce temps-là, pendant que ces princes gouvernaient la France, l'empire Romain était régi par Justinien et Justin-le-Jeune, par Tibère et Maurice, par Phocas et Héraclius. Alors occupaient le siége apostolique Hormisdas, Jean, Félix, Boniface, Jean, Agapit, Silvère, Vigile, Pélage, Jean, Benoît, Pélage, le grand docteur Grégoire, Sabinien, Boniface, Dieudonné, etBoniface fameux par la solennité de tous les saints34. A cette époque, la métropole de Rouen avait pour prélats, Flavius et Prétextat, Melance, Hildulfe et Romain, célèbre fils de Benoît. |
VIII. Sequentia. Haec de chronicis rimatus sum, lectorique meo satisfacere volens, breviter adnotavi, ut satis eluceat quibus temporibus octogenaria floruerit in mundo vita sancti Patris Ebrulfi. Nunc ad quaedam nitor enarranda regredi, quae non scripto, sed seniorum didici relatione. In nimiis enim procellis, quae tempore Danorum enormiter furuerunt, antiquorum scripta cum basilicis et aedibus incendio deperierunt; quae fervida juniorum studia, quamvis insatiabiliter sitiant, recuperare nequeunt. Nonnulla vero, quae per diligentiam priscorum manibus barbarorum solerter erepta sunt, damnabili subsequentium negligentia, proh pudor! interierunt: qui sagacem spiritualium profunditatem Patrum libris insertam servare neglexerunt. Codicibus autem perditis, antiquorum res gestae oblivioni traditae sunt; quae a modernis qualibet arte recuperari non possunt, quia veterum monumenta cum mundo praetereunte a memoria praesentium deficiunt, quasi grando vel nix in undis cum rapido flumine irremeabiliter fluente defluunt. Nomina locorum, in quibus Pater Ebrulfus XV monasteria construxit, et vocabula patrum, quos idem coenobialibus turmis vicarios Christi praefecit, variis mutationibus rerum per CCCC annos abolita sunt, quae sub multis principibus a Lothario Magno et Childeberto contigerunt, qui usque ad Philippum et Ludovicum, ejus filium, in Galliis regnaverunt. Quaedam tamen annosi senes visa vel audita filiis ore facundo retulerunt, quae nihilominus et ipsi tenacis glutino memoriae retinuerunt, et sequenti aevo divulgaverunt. Digna itaque relatu serentes fratribus suis insinuant, per quae dura mortalium corda Creatoris ad amorem incitant, ne pro abscondito in terra talento cum torpenti servo damnationem incurrant. Igitur quae priscis a patribus jamdudum puer didici auscultate, et mirabilem Deum in sanctis suis mecum magnificate. Dum longe lateque fama beati Patris diffunderetur Ebrulfi, ad regis Franciae pervenit aures Childeberti. Qui nimio cupiens desiderio videre illum, cum uxore sua et aliquibus de familia sua, perrexit Uticum. Cumque prope monasterium viri Dei pervenisset, in locum scilicet ubi nunc basilica in honore beatae Dei genitricis, virginis Mariae constructa est, de equo reverenter descendit, ac ut omnes ad obviandum servo Dei honeste se praepararent, imperavit. Tunc clerici qui comitabantur ei, vestimentis induti astiterunt, manus ad reliquias atque cruces, quas super pallia posuerant, miserunt, et eadem resumere voluerunt, sed nullo modo movere potuerunt. Unde omnes, nimio moerore affecti, in terram se prostraverunt, et misericordiam Domini suppliciter deprecati sunt. Regina vero, sese voto constringens, ait: « Si omnipotens Deus dederit nobis potestatem ut sacra quae hic posuimus, sospites recipere possimus, in hoc loco venerabilem ecclesiam in honore Genitricis ipsius construi faciam. » His dictis, clerici manus sacris apposuerunt, sed nihil profecerunt. Tunc regina nimis moesta, cum lacrymis aiebat: « Scio peccata mea promereri ut servum Dei non possim contemplari. Attamen, si per intercessionem ipsius sancti creator omnium Deus nos respexerit, et sanctas nobis reliquias auferre permiserit, altare marmoreum ex propriis sumptibus praeparabo, et eidem faciam deferri beato. » Cumque ab ore hoc protulisset, omnes reliquiae per se ipsas motae sunt, quas accipientes, obviam viro Dei cum gaudio processerunt. Jam enim beatus vir, adunata fratrum turma, veniebat, et cum eo multitudo populi utriusque sexus in adventu regis tripudians properabat. Susceptus itaque rex, per triduum ibidem demoratus est. Tertio autem die sub chirographo XCIX villas B. Ebrulfo tradidit, ac ad suos inde laetus lares remeavit. Regina vero, voti sui memor, in colle, qui inter rivum Carentonae et silvam consistit, intemeratae Dei genitrici Mariae honorabilem ecclesiam construi fecit, et altare marmoreum, ut spoponderat, venerabili viro transmisit, quod multis annis in eodem loco perduravit. Deinde, post multorum annorum curricula, quidam homuncio partem ejusdem marmoris ad alium locum transferre voluit; sed casu illud per medium fregit. Quod factum, ut omnibus manifestaretur Deo displicuisse, non in longum passus est inultum remanere. Nam antequam annus revolveretur, praefatus homo vita privatur. In basilica quam retuli reginam condidisse, duae arae sunt consecratae, quarum una dicata est sanctae et individuae Trinitati, altera vero intactae Virgini, Dei genitrici. Fertur quod ibi fuerit coenobium sanctimonialium, necnon coemeterium monachorum et sublimium virorum, quorum illuc cadavera bajulabantur ad sepeliendum, quia in valle palustris humus erat, et in hieme passim dum foderetur, lympha mox scaturiebat, manansque foveam fons adimplebat. Unde in praedicta aede Virginis Matris plurima insignis habitationis indicia panduntur, et usque in hodiernum diem honorabiles ibidem sarcophagi servantur, qui spectabilium fuisse personarum sine scrupulo creduntur. His ita se habentibus, ad ea narranda quae restant veniamus. Vir Deo plenus, ut frequentiam ad se adventantium se ferre non posse vidit, suum digne monasterium ordinavit, latenter inde secessit, et in crypta quadam per tres annos ita delituit, quatenus a nullo monachorum penitus sciretur, excepto uno, nomine Malcho, qui filiolus viri Dei erat, caeterisque familiarior arcana ejus noverat. Crypta vero sub monte frondoso prope rivulum erat, et a monasterio fere dimidia leuga distabat. Diabolus autem, omnium bonorum inimicus, videns fratres in bonis excrescere operibus, nisus est eos ex felle malignitatis suae nequiter inebriare, et nefaria perturbatione omnes pariter contristare. Seditionem itaque inter eos quondam immisit, quae adeo convaluit ut duo ex illis necarentur, et reliqui omnes inedicibili moerore afficerentur. Filiolus ergo servi Dei, ut insanabile sibi ulcus in corpore fratrum prospexit, concito cursu ad archiatrum properavit. Quem cum vir sanctus venientem conspiceret a longe, intellexit non sine causa illum tantopere festinare, veniensque in occursum illius, sciscitatus est causam adventus ipsius. Porro Malchus seriatim exposuit illi quomodo fratres immissione daemonis in seditionem fuissent excitati. Quod cum audisset, zelo Dei succensus infremuit, et cum nuntio festinus accurrit. Cumque coenobio appropinquasset, et in locum, ubi nunc ecclesia in honore ipsius condita stat, advenisset, omnia signa coenobii per se ipsa sonare coeperunt. Similiter de ecclesia Beatae Mariae signa sonuerunt, et de basilica S. Martini, qui Elegans dicebatur, ubi parochia conveniebat, in loco qui Bercoteria vulgo nuncupatur. Tunc diabolus animadvertens sanctum advenire, assumpta humana effigie coepit fugere. Quod cernens vir beatus, ait ad filiolum suum: « Videsne, frater, hominem illum currentem? » At ille: « Non video, domine. » -- « Ecce, inquit, diabolus in hominis forma transfiguratus aufugit, timens ibidem amplius remorari. » Haec dicens, insequebatur Belial fugientem. Qui cum in illum locum, qui nunc ab incolis Escalfou vocitatur, pervenisset, Satan ulterius fugiendi licentiam non habens, stetit. Beatus vero Ebrulfus audacter accessit, in furnum ardentem, qui coquendis panibus parabatur, illum projecit, et os clibani operculo ferreo, quod ibi forte reperit, protinus obstruxit. Locus idem exinde ab eventu Escalfou vocatus est. Hoc itaque mulieres, quae panes suos ad coquendum detulerant, ut viderunt, obstupefactae viro Dei dixerunt: « Quid faciemus, domine, de panibus nostris? » Quibus ille ait: « Potens est Deus absque corporeo igne panes vestros coquere. Plateam ante clibanum diligenter scopate, et seriatim panes vestros ibidem exponite, et, cum ad plenum excocti fuerint, ad proprias domos deferte. » Quod ita factum est, cunctis Deum collaudantibus quibus hoc ostensum est. Deinde beatus Ebrulfus ad monasterium suum rediit, duosque fratres qui perempti fuerant, coram se deferri praecepit. Prostratus autem in terram, tandiu precibus incubuit, donec ipsi a somno mortis excitarentur. Qui, data confessione, et communicati Dominico corpore, rursus spiritum exhalaverunt, mirantibus cunctis et exsultantibus, qui hoc viderunt. Quos venerabilis Pater honorifice tumulari jussit, et de salvatione illorum certus, Deo gratias devotus reddidit. Haec et multa his similia seniores referunt exhibita per Ebrulfum, addentes quod grandaevum monachum viderint, nomine Natalem, apud Uticum, qui grande volumen habebat de miraculis et rebus gestis per saepefatum omnipotentis Dei famulum. Quondam missa finita, ardens candela per incuriam super altare dimissa est. Incolis vero alia curantibus, flamma lichinum usque ad mappulam altaris absumpsit, et ignis edax inde altaris linteamina casu corripuit, et librum, cujus exemplar a nobis usquam reperiri nequit, et quaeque ibidem comburi potuerit, quae circa vel super aram erant, concremavit. Omnes igitur irreparabile damnum de notitia praeteritorum planxerunt, et, quia illitterati erant eremicolae, non scripto reparaverunt, sed eloquio junioribus, de his quae visu vel auditu perceperant, intimaverunt. Ipsis quoque deficientibus, ignorantiae caligo nepotes obtexit, et indaginem transactorum irretitabiliter abdidit, nisi ea tantum quae solertia cujusdam sophistae in vita sancti Patris ad legendum in Ecclesia strictim congessit. Nunc autem, sicut principium ejusdem lectionis nostro inserui opusculo, sic etiam finem operum et vitae sine fuco falsitatis utiliter compaginabo. Elapso interea anno vicesimo secundo inchoationis eorum in ipsa eremo, in eodem monasterio ab incursione insidiatoris generis humani pestifera clades subitaneae mortis ingressa adfuit. Beatus vero Ebrulfus, non sicut mercenarius, qui in medio luporum, derelictis ovibus, fugam arripuit, sed ut verus pastor cum eis certamen iniit, et implens Apostoli monita, gaudebat cum gaudentibus, flebat cum flentibus (Rom. XII, 15) . Quibus verba exhortationis faciens, ait: « O fratres, roborate corda vestra, et estote parati. Viriliter agite, et confortamini (I Cor. XVI, 13) in Domino, scientes quod tribulatio patientiam operatur (Rom. V, 3) . Renovamini spiritu mentis vestrae, et pugnate cum antiquo serpente. Sit vobis cor unum, et anima una in Domino. Ecce appropinquat vocatio nostra, et manifestabuntur opera nostra, reddetque verus arbiter prout exposcunt singulorum merita. Vigilate ergo et orate, quia nescitis diem neque horam. Beatus ille servus, quem, cum venerit Dominus, invenerit vigilantem (Matth. XXIV, 41) . » His et hujusmodi Dominicis persuasionibus prudens concionator conscientias fratrum conveniebat, adnectens etiam quae bonis gaudia, quae male viventibus debeantur tormenta. Cum igitur velociter interire coepissent, ut plenius beati viri sanctitas claresceret, quidam ex fratribus, Ansbertus nomine, sine viatico defunctus est. Custos autem ejus ad abbatem veniens, ait: « Ora, Pater, pro filio rebus humanis miserabiliter jam egresso. Tua ei ducatum praestet oratio, cujus iter non munivit salutaris hostiae communio. » Qua de re beatus Ebrulfus semetipsum multum incusans quasi negligenter acciderit, ad torum defuncti venit, et praecedentibus lacrymis stratus in pulvere, arma orationis quae consueverat arripuit. Postquam autem sibi sensit adesse divini favoris praesidium, surgens a terra inclamavit mortuum. Ad cujus vocem, qui lumen amiserat caput erexit, et apertis oculis, suae libertatis intuens auctorem, ait: « Bene venisti, liberator meus, bene venisti. Me etenim, quem inimicus sibi vindicaverat, quia incommunicatum reperit, tua salvat oratio, quae calliditatis ejus argumenta solvit. Privatus namque beatorum convivio, sententiam exceperam, utpote non habens viaticum, misere famis cruciandus supplicio. Quapropter, benigne Pater, rogo ne differas quin salutaris hostiae me participem facias. » Quid multa? Jubetur afferri sacrificium. Quod mox ut accepit, admirantibus cunctis quod revixerat, provida dispensatione Dei rursus spiritum exhalat. Exsultat gloriosus Pater, certior factus de salute fratris; exsultant fratres, collaudantes Deum pro novitate miraculi. Ille laetatur, quia fratrem morti ereptum per acceptam vitam vitae remiserat; illi gloriantur se habere Patrem, cujus ad preces infernus expavescat. Qui etsi imminentis pestis considerant periculum, minus tamen sub tali ac tanto duce jam formidant improvisae mortis interitum. At vero eodem mortalitatis ingruente incommodo, mortui sunt ex monachis LXXVIII, sed et famulorum non minima multitudo. Caeterum, quid de quodam eorum contigerit, non oportet praeterire silentio. Ipso namque die Dominicae Nativitatis, ab uno valde necessario monasticae rei ablata est anima. Qui diligenti studio funeris compositus, extra monasterium, ubi locus erat sepeliendi asportatur, ibique eum deponentes, exspectabant quatenus expleto missarum praeconio sepulturae traderetur. Flebat autem totius ecclesiae conventus pro tanti famuli morte. Procurator quippe diligentissimus, res fratrum administrabat officiosissime, qua de causa nimio ab omnibus colebatur amore. Cum ergo pariter omnes flerent, beatus Ebrulfus, Spiritum sanctum tota mente concipiens, infremuit, dolorique fratrum compatiens, ad nota praesidia recurrit, orationi incubuit, pectus vehementer caedit, tandiuque sese lacrymabiliter afflixit in prece, donec pro quo precabatur famulus resurgeret, et gratias agens pro reddita vita, ante pedes resuscitatoris procumberet. Quo facto, ad coelum clamor tollitur, nomen sanctae Trinitatis in commune benedicitur, clarus et apostolicus, quia mortuos suscitaverit, apud cunctos Ebrulfus habetur. Qui autem vivificatus fuerat, pristino restitutus officio, postea plures vixit annos. At demum annuente nutu supernae pietatis, cessavit languor ille mortalis. Verum cessante infirmitate, non cessabat pius pastor pro defunctis exorare, intelligens quia vera charitas amplius laborat pro anima quam pro corpore. Qui licet canitie veneranda canderet, nescius tamen cedere senectuti, aut orando, aut legendo, diem continuabat nocti, juxta illud quod inter alia de beato viro Psalmista dicit: Et in lege Domini meditabitur die ac nocte (Psal. I, 2) . Charitatis quidem igne repletus, in omni exercitio virtutum persistebat attentius. Peccantibus misericors, sui oris invigilabat firmissimus custos. Cui neglecta suae cutis cura, tribus vicibus tantum in anno tondebatur coma. Nulli unquam in ultione retribuit mala. Si quis aliquod damnum de rebus transitoriis ei nuntiasset, continuo respondebat: Dominus dedit, Dominus abstulit: sit nomen Domini benedictum! (Job I, 21.) Tanta ei virtus reconciliandae pacis inerat ut quicunque discordes ad eum venirent, ejus mellifluis mitigati sermonibus, pacifici remearent. Omnes autem ad se venientes, tam nobiles quam ignobiles, pauperes atque peregrinos hilari vultu recipiebat. Semper apud cunctos laetissimus esse volebat, raroque aut vix, quem reciperet, absque quolibet munusculo a se recedere permittebat. Infirmi etiam, per benedictionem ejus sanitate recepta, benedicentes Deum redibant cum ingenti laetitia. Cunctis denique beatum virum petentibus optata proveniebat veniebat salus. Multi quoque, quos adeo vexabat immanissima vis febrium, cum nequirent adire beatissimi viri conspectum, missis legatis rogabant ejus munificentiam, quatenus cinctorium, quod sibi de funiculo paraverat, aut aliquid de veste sua, charitatis gratia, mererentur accipere. Qui ex fide hoc ipsum contingebant, et pristina donabantur sanitate. Quaedam materfamilias, quam nullus medicorum sanare poterat, audita fama virtutum beatissimi viri, poscit ejus fimbriam sibi per nuntium afferri. Quam cum acciperet, ipsa infirmitatem evasit, et alii quamplures. Ecce medicus laudabilis, qui praesens praesentibus beneficia sanitatis impertit, et absens absentibus idem exhibere non desistit. Sentiunt virtutem qui ejus non novere faciem. Confluentibus itaque ad eum universis certis ex causis, advenit etiam inter eos ex alia regione quidam pauperculus. Quem cum omni corpore attenuatum ex nimia infirmitate, et curvatum super crura piissimus senex cerneret incedere, dixit: « O frater, quomodo valuisti explicare tantum laborem itineris, cum tanta debilitate afficiaris? » Cui ille: « Gemina, inquit, necessitate compulsus; tuam, domine, sanctitatem decrevi adire, videlicet ut et famelicum saties, et mediceris infirmum potestate qua praevales. » Quem cum ibi residere juberet, continuo sanum reddidit, et faciens monachum, hortulanum esse praecepit. Itaque qui duo petiturus advenerat, trino munere se donari gavisus est. Famis itaque effugato periculo, incolumitatis invenit remedium, et emendatioris vitae adeptus est propositum. |
Telles sont les recherches que j'ai faites dans les chroniques et que j'ai recueillies en peu de mots, par le desir que j'éprouve de satisfaire mon lecteur, afin de montrer clairement à quelle époque fleurit en ce monde la vie octogénaire du saint père Evroul. Maintenant je vais tâcher de revenir sur mes pas, pour raconter certaines choses que je n'ai pas apprises dans les livres, mais que j'ai puisées dans les récits des vieillards. An milieu des affreuses tempêtes qui causèrent tant de maux du temps des Danois, les écrits des anciens périrent dans les incendies qui dévorèrent les églises et les habitations; quelque insatiable qu'ait été la soif d'étude de la jeunesse, elle n'a pu recouvrer ces ouvrages. Quelques-uns que la diligence de nos ancêtres arracha adroitement de la main des barbares, périrent, ô honte! par la condamnable insouciance de leurs successeurs, qui négligèrent ainsi de conserver la profonde sagesse que renfermaient les livres des pères spirituels. Ces écrits ayant été perdus, les actions des anciens furent livrées à l'oubli: les modernes feraient d'inutiles efforts pour tâcher de les recouvrer, car ces antiques monumens disparaissent avec le cours des siècles de la mémoire des vivans, comme la grêle et la neige qui tombent dans les fleuves suivent, pour ne jamais revenir, le cours rapide de leurs ondes. Les noms des lieux dans lesquels le bienheureux père Evroul construisit quinze monastères, et des religieux qu'il établit vicaires du Christ, à la tête des phalanges cénobitiques, ont péri par l'effet des divers changemens arrivés, pendant quatre siècles, sous les princes Clotaire-le-Grand et Childebert, jusqu'à Philippe et Louis, son fils, qui tous régnèrent en France. Cependant plusieurs vieillards chargés d'années ont raconté à leurs enfans avec éloquence certaines choses qu'ils avaient vues et entendues, et que ceux-ci ont retenues fortement dans leur mémoire, et racontées à l'âge suivant. Ainsi, conservant la tradition des choses qui en sont dignes, ils les ont communiquées à leurs frères, excitant ainsi à l'amour du Créateur les cœurs endurcis des mortels, afin qu'ils n'encourussent pas la damnation, pour avoir enfoui le talent dans la terre comme le serviteur paresseux. Ainsi prêtez l'oreille aux récits que, dans mon enfance, j'ai dès long-temps entendus de mes anciens pères, et célébrez avec moi, dans ses saints, un Dieu digne d'admiration. Pendant que la réputation du bienheureux père Evroul se répandait au loin et au large, elle parvint jusqu'aux oreilles de Childebert, roi de France. Ce prince desirant vivement voir Evroul, se rendit à Ouche avec sa femme et plusieurs personnes de sa cour. Parvenu à peu de distance du monastère de l'homme de Dieu, au lieu où fut bâtie l'église de la bienheureuse Marie, mère de Dieu et toujours vierge, le monarque descendit respectueusement de cheval, et ordonna à tous ceux qui l'accompagnaient de se préparer dignement à se présenter aux serviteurs de Dieu. Alors les clercs qui l'accompagnaient se rêvêtirent de leurs habits de cérémonie, mirent la main sur les reliques et les croix qu'ils avaient posées sur des draperies, et voulurent les retirer; mais ils n'en purent venir à bout en aucune manière. Il en résulta que toute l'assistance, affligée d'un profond chagrin, se prosterna par terre et implora par ses supplications la miséricorde de Dieu. La reine, se liant par un vœu, parla en ces termes: «Si le Dieu tout-puissant nous donne le pouvoir d'enlever en bon état les choses sacrées que nous avons posées ici, je ferai construire en ce lieu une vénérable église en l'honneur de sa sainte Mère.» A ces mots, les clercs mirent la main sur les reliques, mais ce fut inutilement. Alors la reine, profondément affligée, dit en pleurant: «Je sais trop que mes péchés me rendent indigne de pouvoir contempler le serviteur de Dieu. Cependant, si, par l'intercession de ce bienheureux, Dieu, créateur de toutes choses, daigne nous regarder en pitié, et nous permet d'enlever ces saintes reliques, je ferai construire à mes propres frais un autel de marbre, et je le ferai apporter à ce saint personnage.» A peine ces paroles furent-elles sorties de sa bouche, que toutes les reliques se mirent d'elles-mêmes en mouvement, de manière que l'assistance, les emportant avec elle, alla gaîment au devant de l'homme de Dieu. Déjà le saint homme réuni à la troupe de ses frères, s'était mis en marche, et une multitude de peuple de l'un et l'autre sexe, joyeux de l'arrivée du roi s'avançait avec eux. Le monarque, reçu dans le monastère, y demeura trois jours. Au bout de ce temps, il donna à Saint-Evroul, par une charte signée de lui, quatre-vingt-dix-neuf mêlairies; et plein de satisfaction, retourna dans son palais. La reine, qui n'avait point oublié son vœu, fit bâtir, sur la colline qui se trouve entre la rive de la Charentonne et la forêt, une belle église à Marie, mère immaculée de Dieu, et adressa à l'homme vénérable, comme elle l'avait promis, un autel de marbre qui subsista beaucoup d'années dans le même lieu. Au bout de ce temps, un certain homme de rien voulut transférer ailleurs une partie de cet autel, et, par accident, le cassa par le milieu. Dieu ne souffrit pas long-temps que cette insulte restât sans vengeance, afin de faire voir à tout le monde que cette entreprise lui était désagréable. En effet, avant qu'une année fût révolue, cet homme fut privé de la vie. Dans l'église qui, comme nous l'avons dit, fut bâtie par la reine, on consacra deux autels, dont l'un fut dédié à la sainte et indivisible Trinité, et l'autre à la Vierge, immaculée mère de Dieu. On raconte qu'il y avait là un couvent de religieuses ainsi qu'un cimetière pour les moines et les hommes de distinction. On y portait les corps pour leur donner la sépulture, parce que la terre de la vallée était marécageuse, et que lorsqu'on y creusait pendant l'hiver, dans quelque endroit que ce fût, l'eau venait à sourdre sur-le-champ, et formait comme une fontaine qui remplissait les fosses. En effet on voit clairement, près de l'église de la vierge Marie, plusieurs indices d'une grande et ancienne habitation, et jusqu'à ce jour on y conserve plusieurs tombeaux honorables que l'on est fondé à croire avoir appartenu à des personnages illustres. Les choses étant ainsi, nous passerons à ce qui nous reste à raconter. L'homme de Dieu, voyant qu'il ne lui était plus possible de supporter l'affluence des pélerins qui venaient à lui, fit toutes les dispositions convenables dans son monastère, puis il se retira secrètement, et, pendant trois ans, se cacha dans une certaine crypte, si bien que presque aucun de ses moines ne connut son asile, à l'exception d'un seul nommé Malchus. qui était le filleul de l'homme de Dieu, et qui, plus intime que les autres, connaissait tous ses secrets. Cette crypte était placée sur le bord d'un ruisseau, sous une montagne couverte de bois épais, et était éloignée du monastère de près d'une demi-lieue. Cependant le diable, ennemi de tout ce qui est bien, voyant les moines se livrer aux bonnes œuvres, s'efforça de les enivrer méchamment du fiel de sa méchanceté, et de les livrer tous également à des troubles criminels. En conséquence il suscita parmi eux une sédition qui fut si violente que deux des religieux furent tués, et que tous les autres furent affligés d'une indicible douleur. Le filleul du serviteur de Dieu, voyant cette incurable plaie sur le corps de ses frères, courut en toute hâte vers le médecin qui pouvait la guérir. Dès que le saint homme le vit venir de loin, il comprit que ce n'était pas sans cause qu'il courait si vite, et, venant à sa rencontre, il lui demanda la cause de son arrivée. Malchus lui exposa comment les frères, par l'impulsion du démon, avaient été poussés à la sédition. Quand Evroul eut entendu ce récit, enflammé du zèle de Dieu, il frémit et accourut en toute hâte avec le messager. En arrivant près du couvent, parvenu au lieu où existe maintenant l'église bâtie en son honneur, toutes les cloches du couvent se mirent à sonner d'elles-mêmes. Il en arriva autant à celles de l'église Notre-Dame, et de l'église de Saint-Martin que l'on appelle l'Elégante, et où se réunissait la paroisse dans le lieu que l'on appelle vulgairement aujourd'hui la Bercoterie. Alors le diable voyant venir le saint prit la figure humaine et s'enfuit. Ce que voyant le bienheureux, il dit à son filleul: «Mon frère, voyez-vous courir cet homme?» Malchus lui répondit: «Seigneur, je ne vois rien.» «Voici, repartit Evroul, le diable transfiguré sous la forme d'un homme; il prend la fuite, et craint de rester plus long-temps en ce lieu.» En disant ces mots, il poursuivit Bélial, qui fuyait. Quand il fut parvenu au village que les habitans appellent maintenant Echaufour, Satan, qui n'avait pas le pouvoir d'aller plus loin, fut forcé de s'arrêter. Alors le bienheureux Evroul l'aborda hardiment et le jeta dans un four tout chaud qui était disposé pour recevoir le pain, et en ferma aussitôt la bouche avec l'étoupoir de fer que par hasard il trouva là. C'est depuis cet événement que ce lieu s'est appelé Echaufour35. Quand les femmes qui avaient apporté leur pain pour le faire cuire virent ce qui se passait, elles restèrent dans l'étonnement, et dirent à l'homme de Dieu: «Seigneur, que ferons-nous de nos pains?» Il leur répondit: «Dieu est assez puissant pour cuire votre pain sans un feu matériel. Balayez proprement cette place qui est devant le four, et rangez«y vos pains en ordre; quand ils seront complétement cuits, vous les emporterez chez vous.» C'est ce qui arriva. Chacun de ceux qui avaient vu ce miracle chanta les louanges de Dieu. Ensuite le bienheureux Evroul se rendit au monastère, et fit apporter devant lui les deux frères qui avaient été tués. Il se prosterna à terre dans l'attitude de l'oraison, et pria jusqu'à ce qu'ils se fussent réveillés du sommeil de la mort. Les ayant confessés et leur ayant communiqué le corps du Seigneur, ils rendirent de nouveau l'esprit, toute l'assistance admirant et célébrant tout ce dont elle était témoin. Le vénérable père les fit inhumer honorablement, et, désormais certain de leur salut, rendit dévotement grâces à Dieu. Les vieillards rapportent ces choses et beaucoup d'autres du même genre, toutes relatives à saint Evroul. Ils ajoutent qu'ils ont vu à Ouche un vieux moine nommé Natal, qui possédait un grand volume des miracles et des actions opérés par le serviteur du Dieu tout-puissant. Un jour, comme la messe était finie, on laissa par inadvertance un cierge allumé sur l'autel; pendant que les assistans s'occupaient d'autre chose, la flamme brûla la mèche jusqu'à ce qu'elle fût parvenue à la nappe de l'autel; le feu dévorant consuma les autres linges qui s'y trouvaient ainsi que ce livre dont nous n'avons pu jusqu'à ce jour retrouver un pareil exemplaire, et tout ce qu'elle put atteindre autour et sur l'autel. Chacun s'affligea de cette perte irréparable qui anéantissait la connaissance des événemens passés; et comme ces ermites étaient illétrés, ils n'y suppléèrent point par écrit, mais ils transmirent verbalement à la jeunesse ce qu'ils avaient vu et entendu. A leur mort, les ténèbres de l'ignorance couvrirent leurs neveux, et anéantirent à jamais la connaissance des événemens passés, à l'exception de ce que la prudence d'un certain sage recueillit en peu de mots de la vie de saint Evroul pour être lu dans l'église. Maintenant, comme j'ai inséré dans cet ouvrage le commencement de ce récit, je donnerai la fin des œuvres et de la vie de ce bienheureux pour l'utilité de mes lecteurs, et sans avoir recours au fard de l'imposture. Vingt-deux ans s'étaient écoulés depuis la fondation du monastère dans cet ermitage, quand l'arrivée de celui qui tend des piéges au genre humain y introduisit la peste et le ravage d'une mort subite. Le bienheureux Evroul ne fit pas comme ce mercenaire qui, laissant son troupeau au milieu des loups, prend la fuite; mais, comme le vrai pasteur, il leur livra le combat. Accomplissant les préceptes de l'apôtre, il s'égayait avec ceux qui étaient gais, il pleurait avec ceux qui pleuraient, et, leur adressant des paroles d'exhortation, il disait: «O mes frères, fortifiez vos cœurs, et tenez-vous prêts. Comportez-vous virilement. Soyez fermes dans le Seigneur. Vous n'ignorez pas que la tribulation fait naître la patience; renouvelez-vous par l'esprit de votre courage, et combattez contre l'ancien serpent. C'est ainsi que vous n'aurez dans le Seigneur qu'un cœur et qu'une ame. Vous le voyez, le moment où nous serons appelés approche; nos œuvres se manifesteront, et le vrai juge rendra à chacun selon ses mérites. Veillez donc et priez, puisque vous ignorez le jour et l'heure. Heureux le serviteur que le Seigneur à son arrivée aura trouvé veillant!» C'est par ces discours et par d'autres exhortations du même genre, que, comme un maître prudent, Evroul pénétrait dans la conscience de ses frères, en leur peignant quelles joies attendaient les bons, quels tourmens les méchans. Comme la mort de ses religieux devenait plus fréquente, il arriva que, pour faire briller plus pleinement la sainteté de l'homme bienheureux, un certain religieux, nommé Ausbert, vint à mourir sans viatique. Celui qui le gardait alla trouver l'abbé, et lui dit: «Mon père, priez pour votre fils qui vient d'abandonner misérablement les choses humaines; que vos prières servent à conduire celui qui, pour sa route, n'a point été fortifié par la communion de l'hostie salutaire.» Au récit de cet événement, le bienheureux Evroul, s'accusant beaucoup lui-même comme si c'était l'effet de sa négligence, se rendit au lit du défunt. Il commença par répandre des larmes, se prosterna dans la poussière, et prit les armes de l'oraison, qui lui étaient familières. Aussitôt qu'il sentit l'assistance de la grâce divine, se relevant de terre, il fit un appel au mort. A cette voix, celui qui avait perdu la lumière leva la tête, et ayant ouvert les yeux, considérant l'auteur de sa libération, il lui dit: «Vous êtes le bienvenu, mon libérateur, vous êtes le bienvenu. Vos prières me sauvent, réclamé que j'étais par l'ennemi qui m'a trouvé sans communion: elles rendent vaines les ressources de sa perfidie. En effet, privé de la société des bienheureux, j'avais entendu ma sentence, et pour n'avoir pas recu le viatique j'allais souffrir le supplice d'une faim cruelle. C'est pourquoi, père bienveillant, ne différez pas, je vous prie, de me faire participer à la salutaire hostie.» Que dirais-je de plus? Alors le bienheureux Evroul fit apporter le sacrifice. Dès qu'Ausbert l'eut reçu, comme chacun admirait sa résurrection, il rendit l'ame de nouveau par une sage disposition de la volonté divine. Désormais, certain du salut de son frère, le glorieux père se réjouit, et les frères se réjouirent aussi en louant Dieu de ce miracle d'un genre nouveau. Evroul est comblé de joie d'avoir rendu à la vie son frère arraché à la mort; les moines se glorifient d'avoir un père aux prières duquel l'enfer prend l'épouvante. Ils n'oublient point les dangers de la contagion qui les menace; mais ils redoutent moins les accidens d'une mort imprévue, sous un tel et si grand chef. Cependant la mortalité continuant ses ravages, il mourut soixante-dix-huit moines; la perte des domestiques ne fut pas moindre. On ne doit point passer sous silence ce qui arriva à quelques-uns d'entre eux. Le jour même de la Nativite du Seigneur, l'un des officiers les plus nécessaires aux affaires du monastère vint à mourir. Tout étant préparé convenablement pour ses funérailles, on le transporta hors du monastère, au lieu ordinaire des sépultures: ceux qui allaient l'y déposer attendaient que l'on eût fini de célébrer la messe pour le livrer à la tombe; toute l'église pleurait la mort d'un si bon serviteur: comme il était le procureur de la maison, et qu'il administrait avec autant de diligence que d'attention les affaires de ses frères, il avait inspiré à tous un tendre attachement. Comme tout le monde versait également des larmes, le bienheureux Evroul, recevant le Saint-Esprit dans son ame, fut saisi d'un frémissement, et, compatissant à la douleur de ses frères, eut recours aux moyens qu'il connaissait: il s'inclina pour prier, et se frappa violemment la poitrine. Pendant sa prière, il versa des pleurs en abondance, jusqu'à ce que le religieux pour lequel il priait vînt à ressusciter, et, rendant grâce pour la vie qu'il recouvrait, se jetât aux pieds de celui qui la lui rendait. Quand il eut fini, il s'éleva une clameur vers le ciel; et le nom de la Sainte-Trinité fut béni en commun: chacun considéra Evroul comme illustre et apostolique, puisqu'il ressuscitait les morts. Quant à celui qui avait été rendu à l'existence, il reprit son ancien emploi, et vécut ensuite plusieurs années. Enfin, grâces aux bienfaits de la suprême bonté, cette contagion mortelle eut un terme. Cependant, malgré la cessation du mal, le pieux pasteur ne cessait pas de prier pour les morts, convaincu que la vraie charité prie plus vivement pour l'ame que pour le corps. Quoique sa chevelure fût devenue blanche et vénérable, il ne savait pas céder à la vieillesse, et, suppléant au jour par la nuit, il lisait et priait, suivant ce que dit entre autres choses le bienheureux psalmiste: «On méditera jour et nuit la loi du Seigneur.» En conséquence, animé du feu de la charité, Evroul persistait avec plus d'attention dans l'exercice des vertus. Miséricordieux pour les pécheurs, il surveillait continuellement ses paroles. Négligeant le soin de son corps, il ne faisait couper ses cheveux que trois fois par an. Jamais il n'exerça la vengeance envers qui que ce soit. Si on lui annonçait quelque perte des choses fugitives de ce monde, il répondait sans balancer: «Le Seigneur me l'a donné, le Seigneur me l'a ôté; que le nom du Seigneur soit béni.» Il possédait à tel point le don de la réconciliation, que ceux qui arrivaient à lui divisés s'en retournaient en paix, calmés par la douceur de ses discours. Il recevait d'un air riant tous ceux qui venaient le trouver, tant nobles que vilains, tant pauvres qu'étrangers. Sans cesse il voulait paraître à tous avec un air d'allégresse. Rarement il permettait à ceux qu'il recevait de le quitter sans emporter quelque présent: même les infirmes, recouvrant la santé par sa bénédiction, s'en retournaient avec une grande joie en bénissant Dieu. Tous ceux qui réclamaient l'assistance de ce bienheureux personnage recouvraient la santé qu'ils desiraient. Beaucoup de personnes qui souffraient de l'excessive violence de la fièvre, ne pouvant jouir de la présence du saint homme, envoyaient auprès de lui pour réclamer son assistance, le suppliant de leur envoyer, comme grande charité, soit sa ceinture, qui était faite d'une corde, soit toute autre partie de ses vêtemens. Ceux qui touchaient ces objets avec foi retournaient à leur ancienne santé. Une certaine mère de famille qu'aucun médecin n'avait pu guérir, informée des vertus du bienheureux Evroul, le pria de lui envoyer par un messager la frange de sa robe. Quand elle l'eut reçue, son infirmité disparut. Il en fut ainsi de plusieurs antres personnes. Le voilà ce médecin digne d'éloges, qui présent accorde à ceux qui sont présens les bienfaits de la santé, et absent ne les refuse pas aux absens. Ceux qui ne virent pas sa face n'en éprouvèrent pas moins le pouvoir de ses vertus. Comme chacun venait le trouver par des motifs particuliers, il arriva entre autres un misérable mendiant d'un pays étranger. Considérant que tout son corps était affaibli par l'excès des infirmités, et qu'il marchait courbé jusque sur ses cuisses, Evroul, le pieux vieillard, lui dit: «Comment avez-vous pu, mon frère, triompher des grandes fatigues du voyage, vous qui êtes accablé d'une si grande faiblesse?» Le mendiant lui répondit: «Poussé par une double nécessité, j'ai résolu, seigneur, d'aborder votre sainteté, afin que, par la puissance par laquelle vous êtes élevé au dessus des autres, vous donniez du pain au famélique et des remèdes à l'infirme.» Evroul lui ayant ordonné de rester dans la maison, il le guérit sur-le-champ, le fit moine, et lui confia les travaux du jardin. C'est ainsi que celui qui était venu pour demander deux grâces eut à se réjouir d'en recevoir trois: ayant échappé aux dangers de la faim, il trouva le remède qui lui rendit sa santé, et acquit les moyens d'amender sa vie. |
IX. Mors B. Ebrulfi. Inter haec igitur virtutum insignia, cum jam Christi miles emeritus LXXX esset annorum, toto desiderio mentis, cui devote servierat, faciem adoptabat contemplari; servum videlicet arguens infidelitatis, qui praesentiam velit refugere Domini. Qui febricitatus, nullum visus est per XLVII dies sumpsisse cibum, nisi aliquoties Domini Jesu corporis sacramentum; incessanter fratribus erogans, quasi nihil inaequalitatis pateretur, divini verbi mysterium. Et dum ex vicinis locis religiosi viri studio visendi ad eum devenirent, lacrymantesque precarentur ut, aliquid ex oblata charitate accipiens, corpusculum dignaretur recreare, dicebat: « Silete, silete, fratres; nolite suadentes mihi fastidium ingerere, quod nolo penitus. » Neque enim terrenis epulis indigebat, quem Spiritus sanctus intus alebat. Pascebatur quippe spe aeternae suavitatis, certus donari pro labore commercio beatae immortalitatis. Denique instante die, qua ei voluntas erat dissolvi, et optato perfrui vultu Creatoris, convocavit fratres, quos ejus discessu moerentes, et quid agerent mortuo pastore proclamantes, sic allocutus est: « Filioli, unanimiter persistite, connexi vinculo charitatis! Sit vobis in invicem dilectio spiritualis! Non vos subripiat subdola fraus insidiatoris, et quod promisistis Deo implere studete. Sobrietatem diligite, castitatem custodite, humilitatem tenete, superbiam vitate, et alius alium in bono opere festinet praeire! Hospites et peregrinos benigno animo suscipite, propter illum qui dixit: Hospes fui, et suscepistis me (Matth. XXV, 43) . » Haec et alia hujusmodi glorioso Ebrulfo perorante, data etiam pace fratribus, sanctissima ejus anima egressa est de corpore, moxque tanta claritate enituit vultus, ut nulli dubium quin triumpharet liber spiritus in coelestibus. Migravit autem a saeculo IV Kalendas Januarii, tempore Rodoberti Sagiensis episcopi, anno videlicet XII regni regis Childeberti. Quem fratres cum magna reverentia in ecclesiam deportantes, tribus diebus ac noctibus hymnos ac laudes Deo canentes, sanctum illius corpus diligenter visi sunt custodisse, exspectantes conventum servorum Dei. Postquam vero compertum est in praedicta civitate excessisse rebus humanis consolatorem totius patriae, concurrunt omnes ad monasterium, beato funeri congaudentes interesse. Lamentabantur quoque pauperes verum Dei pauperem, divites divitem, pueri patrem, senes senem. Commune namque bonum omnibus, merito communis habebatur luctus. Verum illud pietatis insigne, quod vir piissimus inter caetera egit, jam fruens aeterna luce, non arbitror tacendum esse. Quidam namque ex fratribus religionis et obedientiae gratia perspicuus, in ipso monasterio serviebat, diaconi titulo sublimatus. Quem Pater ob sanctitatis praerogativam nimium dilexerat. Hic ergo, cum videret privatum se tanto Patre, nimio affectus dolore, dicebat: « Heu! quid faciam miser? Cur destituis quem te fatebaris dilexisse, Pater? Qui tuis eram intimus consiliis, cur a te divelli pateris? Quem tractabas ut filium, cur despicis ut exosum? Sane nunquam apud te promerui ut ante me velles sepulturae tradi. » Talia perstabat memorans, lacrymasque ciebat. Et ecce in ipsa nocte Dominicae Circumcisionis nutu divino emisit spiritum. Quod nimirum precibus beatissimi Patris Ebrulfi constat fuisse gestum, videlicet ne quem dilexerat hujus mundi ludibrio subjaceret, et ut precantum votis se promptissime adfuturum demonstraret. Sicque monachus ille juxta quod precatus fuerat expositus est ad sepeliendum in crastino cum suo abbate. O mors gloriosa, quae pretiosior consistit quam vita! Quod enim subripuit mundo, indubitanter ascripsit coelo. Verum, quantum possum conjicere, melius fuit illi sic mori, quam de morte iterum ad mortem resuscitari. Nunc enim certus de salute, nullo timet contaminari peccamine. Si resuscitaretur, spe anxius, laboraret dubio discrimine. Non ergo istud levius accipiendum est suprascripta mortuorum vivificatione. Itaque venerabilis Pater Ebrulfus in basilica Sancti Petri apostolorum principis, quam ipse ex lapidibus aedificaverat, in saxo marmoreo mirifice sepultus est. Ubi usque in hodiernum diem diversi curantur languores, et, praestante pio Salvatore nostro, moerentibus proveniunt consolationes; cui est honor et potestas, una cum Patre et Spiritu sancto, per omnia saecula saeculorum. Amen. Ecce vitam sancti Patris Ebrulfi veraciter descripsi eamque, sicut a prioribus edita est, idcirco huic opusculo diligenter inserui, ut legentibus prosit tanti notitia patroni, Dominoque Deo placeat meus labor et affectus, qui satago propalare nutritoris mei gloriosos actus, ad laudem illius in quo vivimus, movemur et sumus. |
Un autre pauvre qui était arrivé bien portant feignit d'être malade et comme paralysé, afin de recevoir quelque chose de plus que les autres; mais bientôt ayant reçu l'aumône de l'homme de Dieu, il fut frappé d'une fièvre plus réelle qu'il ne l'avait feinte, et ayant confessé dans le monastère même ses desseins pervers, il rendit l'ame peu de jours après36. Au milieu de tant de preuves éclatantes de vertus, comme ce champion du Christ, déjà émérite, était âgé de quatre-vingts ans, il desira de tout son cœur contempler la face de celui qu'il avait servi dévotement, regardant comme un serviteur infidèle celui qui veut fuir la présence de son maître. On le vit au milieu de la fièvre ne prendre pendant quarante-sept jours aucun aliment, si ce n'est quelquefois le sacrement du corps de Jésus-Christ, et ne cesser de faire participer les frères aux mystères de la divine parole, comme s'il n'éprouvait aucun dérangement dans sa santé. Cependant comme, des lieux voisins, les hommes religieux venaient pour le voir et le priaient en pleurant de recevoir quelque chose de leurs offres charitables pour sustenter son faible corps, il disait: «Taisez-vous, mes frères, taisez-vous; ne me persuadez pas de faire une chose désagréable dont je suis tout-à-fait éloigné.» En effet, celui que le Saint-Esprit nourrissait intérieurement n'avait pas besoin d'aliment terrestre; nourri de l'espoir des éternelles délices, il était certain de recevoir, pour ses travaux, les dons de la bienheureuse immortalité. Enfin, le jour approchant où sa volonté était de mourir et de jouir de la présence si long-temps desirée de son Créateur, il convoqua ses frères. Comme ils étaient affligés de son départ, et qu'ils se demandaient ce qu'ils feraient après la mort de leur pasteur, il leur parla en ces termes: «Mes enfans, soyez fermes tous ensemble; tenez-vous liés par les nœuds de la charité. Qu'un amour spirituel vous anime à l'envi; ne vous laissez pas surprendre aux ruses frauduleuses du démon; appliquez-vous à accomplir ce que vous avez promis à Dieu. Aimez la sobriété; gardez la chasteté; observez l'humilité; évitez l'orgueil, et empressez-vous de vous surpasser l'un l'autre dans les bonnes œuvres. Accueillez avec bonté les hôtes et les pélerins, en l'honneur de celui qui a dit: Je fus étranger, et vous m'avez accueilli.» En disant ces choses et beaucoup d'autres du même genre, Evroul pria, donna l'adieu de père à ses frères, et son ame très-sainte quitta son corps. Soudain sa face brilla d'une telle clarté que personne ne put douter que son esprit, libre enfin, ne triomphât parmi les anges. Il quitta le siècle le 29 décembre, du temps de Robert, évêque de Seès, l'an douzième du règne du roi Childebert. Ses frères le portèrent à l'église avec un grand respect; ils chantèrent à Dieu des hymnes et des louanges pendant trois jours et trois nuits: c'est ainsi qu'on les vit garder soigneusement ce saint corps, en attendant la réunion des serviteurs de Dieu. Quand on eut appris à Seès que le consolateur de tout le pays avait quitté les choses humaines, tout le monde accourut au monastère, pour jouir du bonheur d'assister à ses bienheureuses funérailles. Les pauvres pleuraient la mort du vrai pauvre de Dieu, les riches de l'homme jadis puissant, les enfans de leur père, les vieillards d'un homme de leur âge: car comme le bien que l'on venait de perdre était commun à tous, il était juste que le deuil qu'il inspirait le fût également. Je ne crois pas devoir taire une preuve de bonté que donna entre autres l'homme très-pieux qui jouissait de l'éternelle lumière. Un des frères qui se faisait remarquer par la grâce de la religion et de l'obéissance, élevé au titre de diacre, servait dans le monastère; Evroul l'aimait beaucoup à cause de sa prérogative de sainteté. Quand ce diacre se vit privé d'un tel père, il dit dans la douleur cruelle qui le tourmentait: «Hélas! que ferai-je, malheureux que je suis? Pourquoi m'abandonnez-vous, mon père, vous qui conveniez de votre amour pour moi? Admis à l'intimité de vos conseils, pourquoi souffrir que je sois séparé de vous? Pourquoi mépriser comme ennemi celui que vous traitiez comme fils? Assurément je n'ai jamais mérité à vos yeux que vous voulussiez avant moi descendre dans la tombe.» Talia perstabat memorans37, lacrymasque ciebat38. «Fixe dans sa résolution, il parlait en ces mots, et répandait des larmes.» Par la permission divine, et dans la nuit même de la circoncision du Seigneur, ce diacre rendit l'esprit. Il est constant que cet événement arriva par l'effet des prières du très-bienheureux père Evroul, afin que celui qu'il avait aimé ne fût pas le jouet du monde, et pour démontrer qu'il s'empressait de se rendre aux vœux de ceux qui le priaient. C'est ainsi que ce moine fut, conformément à sa demande, exposé pour être enseveli le lendemain avec son abbé. O mort glorieuse, qui lui fut plus précieuse que la vie, puisqu'elle lui assura indubitablement dans le ciel ce qui lui était enlevé sur la terre! Autant que je puis le conjecturer, il lui fut plus avantageux de mourir ainsi que de ressusciter de la mort pour mourir une seconde fois. Certain désormais de son salut, il n'a plus à craindre d'être souillé par aucun péché. S'il était ressuscité, il aurait à souffrir un combat douteux, incertain qu'il serait dans ses espérances. Il ne faut donc pas regarder ce miracle comme moins important que celui des résurrections que j'ai ci-dessus racontées. Le vénérable père Evroul fut enseveli dans un admirable tombeau de marbre, au sein de l'église de Saint-Pierre, prince des Apôtres, que lui-même avait bâtie en pierre. Jusqu'à ce jour, beaucoup de malades y sont guéris, et les affligés y trouvent des consolations, par la bonté du Rédempteur, à qui appartient l'honneur et la gloire, ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, pendant tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il! J'ai écrit avec véracité la vie de saint Evroul, et je l'ai insérée avec soin dans ce livre, telle qu'elle a été publiée par nos devanciers, afin que l'histoire d'un si grand patron soit utile aux lecteurs. Puissent plaire au Seigneur, mon Dieu, mon travail et mon intention, empressé que je suis de faire connaître les belles actions de mon père nourricier, à la louange de celui dans lequel nous vivons, nous marchons et existons! |
X. Obscuritas Uticensis historiae post mortem B. Ebrulfi. Normannorum depraedationes. Verum ex quo praefatus heros transiit e mundo, qui vel quot successores illi fuerint per CCCC annos in Uticensi coenobio, seu quales eventus pertulerint provinciales vel coenobitae, penitus ignoro. Nam subsequenti tempore, sicut jam in plerisque locis pleniter enodavi, piratae de Dacia egressi sunt, et prius Hastingo ductore, ac postmodum Rollone, in Neustriam venerunt, et Christianae fidei divinique cultus ignari, super fidelem populum immaniter debacchati sunt. Noviomum atque Rothomagum, aliasque multas urbes et oppida vicosque concremaverunt, coenobia multa ingenti religione pollentia destruxerunt, pluresque innumeris caedibus regiones admodum devastatae sunt, et fugatis vel interfectis incolis, civitates et villae in solitudinem redactae sunt. In tanta desolatione inermes monachi, quid facerent nescii, saepe contremuerunt; in miseriis afflicti, sedulo ploratu dolori suo satisfecerunt, finemque suum in latebris gementes praestolati sunt. Quidam vero intolerabilem barbarorum immanitatem metuentes, ad extera regna fugerunt, ubi paganorum bellicae vires nondum attigerant. Corpora quoque patrum suorum secum transtulerunt, quorum animae regnant cum rege Sabaoth, cui devote in hoc saeculo servierunt. Scripta etiam de gestis eorumdem Patrum, et de possessionibus ecclesiarum, quae et quantae fuerint, vel a quibus datae, fugitivi secum peregre asportaverant, quorum magnam partem tot perturbationum procellae rapuerunt, quae, proh dolor! in tantis motionibus tam periculosis irreparabiliter perdita sunt. Hoc nimirum Gemmeticenses et Fontinellenses fecerunt, tristique infortunio praeventi, ablata nunquam reportaverunt. Gemmeticenses enim corpora sanctorum Hugonis archiepiscopi, et Aichadri abbatis Haspas transtulerunt, quae in scriniis pretiosis Camaracenses et Atrebatenses incolae reverenter usque hodie servant et excolunt. Fontinellenses nihilominus reliquias sanctorum confessorum Wandregisili abbatis, Ansberti et Wulfranni archiepiscoporum Gandam portaverunt; quae a Flandritis usque in hodiernum diem servatae, magnae ibidem venerationi sunt. Similiter aliis pluribus contigere, quorum nomina singillatim proferre, aut pro inscitia, quoniam omnia mihi non comperta sunt, omitto, aut pro nimia prolixitate fastidientia minusque necessaria protelare verba omitto. De adventu Normannorum et crudeli barbarie illorum Dudo, Veromandensis decanus, studiose scripsit, et Richardo II, Gunnoridis filio, duci Normannorum, destinavit. Guillelmus quoque cognomento Calculus, Gemmeticensis monachus, Dudonis materiam subtiliter replicavit, facete abbreviavit, et successorum actus usque ad subjectionem Anglorum adjecit, post certamen Senlacium narrationem suam consummavit, Guillelmoque regi, sublimissimo suae gentis, obtulit. Ego autem, sicut alii de sublimibus locis ad sublimes personas sublimia ediderunt, et res magnas magnifice gratis extulerunt, eorum exemplo provocatus, ad simile studium assurgo, et plurima jamdudum dictavi de monasterio in Uticensi saltu, tempore Guillelmi ducis, postea regis, honorifice restaurato. Nihil quippe de antiquis temporibus post transitum Patris Ebrulfi scriptum reperire potui, ideoque praecipue conabor litteris mandare quae a senioribus audivi, qualiter corpus sancti confessoris de loco suo translatum est Ebrulfi. Lectiuncula siquidem reperitur apud Resbacum, quam non satis approbo, edita nimirum ab auctore ignaro, cui non plene, ut opinor, patuit rerum et temporum certitudo. Oportet ergo ut, dum alterius relationi non acquiescam, illud quod a senioribus indigenis Utici didicerim, evidenti scripto detexam, qualiter et quando Francigenae pretiosam venerabilis Ebrulfi obtinuerint glebam. |
Depuis que l'homme illustre dont nous avons parlé quitta ce monde, j'ignore entièrement quels furent ses successeurs, combien il en eut dans le couvent d'Ouche pendant quatre cents ans, et quels événemens eurent à souffrir les hommes du pays, ainsi que les cénobites. Dans les temps qui suivirent la mort d'Evroul, ainsi que je l'ai déjà pleinement expliqué plusieurs fois, des pirates sortirent du Danemarck, et, sous le commandement d'abord de Hastings, puis de Rollon, ils vinrent dans la Neustrie; ignorant la foi chrétienne et le culte divin, ils exercèrent inhumainement les plus grandes fureurs contre les fidèles. Ils livrèrent aux flammes Noyon et Rouen, ainsi que plusieurs autres villes, places fortes et bourgs; ils détruisirent un grand nombre de couvens remarquables par leur grande religion; ils dévastèrent entièrement, par des meurtres innombrables, un grand nombre de contrées; et, après avoir mis en fuite ou massacré les habitans, ils ne firent qu'une solitude des cités et des villages. Au milieu d'une si grande désolation, les moines, désarmés et ne sachant ce qu'ils devaient entreprendre, furent saisis d'épouvante; dans l'affliction de la misère, ils ne satisfaisaient à leur douleur que par des larmes continuelles, et gémissant dans les cavernes, ils y attendaient leurs derniers momens. Cependant quelques-uns, redoutant l'excessive cruauté des barbares, passèrent à l'étranger, où ne purent les atteindre les violences guerrières des païens. Ils emportèrent avec eux les corps de leurs pères, dont les ames régnent avec le dieu des armées, qu'ils avaient dévotement servi dans ce siècle. Ces fugitifs emportèrent aussi avec eux les écrits qui racontaient la vie de ces pères, ou qui indiquaient les possessions des églises, ainsi que leur qualité, leur étendue et la dénomination de ceux qui les avaient données: une grande partie de ces titres, anéantie par les orages des temps, fut, hélas! perdue à jamais au milieu des calamités de ces révolutions. C'est ce que firent les religieux de Jumiège et de Fontenelle. Prévenus par une triste infortune, ils ne purent rapporter ce qu'ils avaient enlevé. En effet, les moines de Jumiège transportèrent à Haspres39 les corps de l'archevêque saint Hugues et de saint Aichadre, que les habitans de Cambrai et d'Arras conservent et révèrent jusqu'à ce jour dans des châsses précieuses. Les religieux de Fontenelle portèrent à Gand les reliques des saints confesseurs Wandrille abbé, Ansbert et Vulfran archevêques, lesquelles sont encore conservées avec vénération par les Flamands. Plusieurs autres cénobites en agirent de même: je n'en indiquerai pas les noms séparément, soit parce que je les ignore en grande partie, soit pour ne pas tomber dans une fastidieuse prolixité relativement à des détails peu nécessaires. Dudon, doyen de Saint-Quentin, a écrit avec soin sur l'arrivée des Normands et sur leur barbarie cruelle; il dédia son livre au duc de Normandie, Richard II, fils de Gunnor. Guillaume, surnommé Calcul, moine de Jumiège, se servit habilement des matériaux de Dudon; il en fit un abrégé agréable, ajouta l'histoire des successeurs de ce prince jusqu'à la soumission de l'Angleterre, termina sa narration après la bataille de Senlac, et l'offrit à Guillaume, le plus grand des rois de sa nation. Quant à moi, de même que d'autres ont fait connaître les actions sublimes qui concernent les grands personnages, et ont gratuitement exalté la magnificence des exploits mémorables, excité par leur exemple, je m'élève vers une pareille entreprise, et j'ai déjà écrit beaucoup de choses sur le monastère de la forêt d'Ouche, restauré du temps de Guillaume, d'abord duc, puis élevé honorablement au rang des rois. Je n'ai pu trouver aucun écrit sur les anciens temps qui ont suivi la mort du bienheureux Evroul. C'est pourquoi je m'efforcerai principalement de faire connaître ce que j'ai appris des vieillards, et de dire comment le corps de ce saint confesseur fut transféré du lieu où il était placé. On trouve à Rebais un petit récit que je n'approuve pas entièrement, et qui a été mis au jour par un auteur ignorant, qui, comme je le pense, n'a pas connu certainement les événemens et les temps. En conséquence, puisque je ne peux approuver la relation de cet homme, il faut que je publie ce que j'ai appris des vieillards nés à Ouche, comment et quand les Français s'emparèrent des précieuses reliques du vénérable Evroul.
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(1) Audax marchisus. (2) Gladius versatilis. (3) Ou Vauquelin. (4) Brito; dans quelques manuscrits Briolto. (5) Molbraium. (6) Dominas capitalis. (7) Estolveium. (8) Dans un manuscrit, Stellone (9) Au lieu de ce passage: Ecclesiam de alia Cherlentona cum decima et tribus virgatis terrœ, etc., on lit dans le texte imprimé: «Ecclesiam de Mersitona cum tota decima et terra ad ecclesiam pertinente; ecclesiam vero de Cotejord cum decima et una hida terrœ; ecclesiamque de Pellingis cum toto quod Leofricus ibidem de ipso tenebat.» (10) In Insula maris. (11) Dans un manuscrit on lit Nullai, au lieu de Millai. (12) Miudacus. (13) Autrefois, orfroi ou orfroie. (14) Diocesis de Sappo. (15) Voyez Liv. VIII, ci-après. (16) ln valle Guidonis. (17) Ulmeium. (18) Medantum; peut-être Médan, entre Poissi et Meulan. (19) Rui. (20) Ou Guilbert. (21) Heugleville sur Sie. (22) Notre-Dame-du-Parc. (23) Harulsart. (24) Belnaium, et non pas Belvaium, comme le porte l'imprimé. (25) Carguita. (26) Fille naturelle; elle était sœur d'Alix ou Edelis, femme de Rainulfe, vicomte de Baveux. Nicolas, abbé de Saint-Ouen, était son frère. (27) Brachaniaucum; selon un manuscrit Brachamaneum. (28) Peut-être Tregaron. (29) Orderic Vital, l'auteur de cette histoire. (30) La fête de la Chaire de saint Pierre, à Antioche, avait lieu le 22 février. (31) Abbas Vatanensis, et non pas Vertanensis, comme on lit dans l'imprimé. (32) Aujourd'hui Saint-Evroul de Mont-Fort. (33) Clotaire Ier. (34) Auxquels il dédia le Panthéon, dont l'empereur Phocas lui avait fait présent pour cet objet. (35) Escalfou; en latin Escalfoium. (36) Cet alinea manque dans le texte de Duchesne. (37) Virgile, En., liv. II, v. 649. (38) Ces trois derniers mots n'appartiennent pas au même vers. (39) Bourg pris de Cambrai. |