Thomas de Split

THOMAS DE SPLIT

 

HISTOIRE DES EVEQUES DE SALONE ET DE SPLIT

CHAPITRE I

 

Oeuvre numérisée et traduite par Marc Szwajcer

Chapitre II


 

 

THOMAS DE SPLIT

HISTOIRE DES EVEQUES DE SALONE ET DE SPLIT.[1]

Thomas archidiacre de Spalato[2] naquit en 1200 et mourut en 1268. Il a écrit l’histoire de son pays natal

 

INCIPIT ISTORIA SALONITARUM PONTIFICUM ATQUE SPALATENSIUM

I. DE DALMATIA

 

Dalmatia secundum Isidorum est prima pars Grecie, et dicitur a Delmi civitate antiqua, que ibi fuit; sed ubi hec civitas Delmis in Dalmatie partibus fuerat, non satis patet. Verum tamen Dalmatia dicebatur olim largius; censebatur enim cum Chrouatia una provintia. Est enim regio quedam in superioribus partibus, que dicitur Del-mina, ubi antiqua menia hostenduntur ; ibique fuisse Delmis civitas memoratur.

Nunc vero Dalmatia est regio maritima, incipiens ab Epyro, ubi est Dirachium et protenditur usque ad sinum Quarnarium, in cujus interio-ribus est oppidum Stridonis, quod Dalmatie, Pannonieque confinium fuit. Hec fuit patria tellus beati Hieronymi egregii doctoris. Dicta est Dalmatia alio nomine Liburnia, a quodam genere navis piratae, que in usu erat apud illos; unde Lucanus: Pugnacesque mari Graia cum classe Liburnos. Exercebant piraterium propter oportunitatem locorum, quia mare illud ob multitudinem insularum latebrosum et portuosum est valde.

Dicta est etiam hec provincia Illliris a quadam regina Amasonum, que ibi regnavit, de cujus stirpe dicuntur illi populi traxisse originem. Per mare hujus provincie transmit Anthenor Troyanus, qui sue urbis evadens excidium, cum gente dalmatica prelia multa commisit; ad ultimum pervenit ad partem Venetiarum. Idem progrediens super horas Padi fluminis edificavit civitatem Patavium, que nunc Padua nuncupatur, sicut in Virgilio legitur.

In istoriis vero Romanorum habetur, quod cum imperator Augustus in partibus illiricis exercitum duceret, et ipse alio properaret, misit quendam ducem, Venium nomine, contra Pannonios, qui duobus acribus fluviis circumvallantur, Drava et Sava; contra Dalmaticos ibidem misit ducem Julium cum exercitu multo, qui Dalmate, commorantes in silvis, circumadiacentes provincias latrocinando vastabant; qui Julius congressus cum eis, victoriaque potitus, gentem illam, licet esset efferum genus hominum, coegit ab armis discedere, et terram fodere. aurumque de venis terre purgare.

Secundum poetarum fabulas Cadmus dicitur in eandem devenisse provinciam, quando in serpentem mutatus est. Fuit autem civitas ejus Epitaurus, que est juxta Ragusium, in qua est magnum antrum; et usque hodie opinio est, ibi habitare draconem ; unde poeta : Cur in amicorum vitiis tam cernis acutum, ut serpens Epithaurius. Ob hanc causam populi dicebantur anguigene. Et etiam de beato Illarione legitur, quod magnum ibi draconem perremit. Secundum ystoriam vero idem Cadmus rex fuit in Grecia, qui depulsus regno venit in Dalmatiam, factusque pirata sevissimus, ceepit quasi lubricus anguis per mare discurrere, navigantibus insidiari, et quoscunque poterat opprimere impotentes. Adria nichilominus hec provintia nuncupatur ab Adriane filia Minois regis, quam rapuit Theseus, et per mare navigans, cum jam ipsam exosam haberet, reliquit in quadam insula solam, et aufugit cum sorore ipsius Phedra ; sed Bachus, qui et Liber pater dicitur, eam inveniens sibi in uxorem accepit. Quidam dicunt, quod Adria dicitur a quodam Adrio Ytali fratre, qui regnavit ibidem; vel secundum quosdam Adria dicitur ab adra, quod est lapis, quia lapidosa et montuosa est hec provintia. Unde Ovidius: Subdita montane brac(h)ia Dalmatie.

 


 

 

Chapitre I. – De la Dalmatie

 

 

 

Selon Isidore,[3] la Dalmatie est la première partie de la Grèce et est ainsi appelée d’après l’ancienne ville de Delmi qui s’y trouvait; mais où exactement en Dalmatie, ce n’est pas tout à fait clair. Autrefois, cependant, la Dalmatie désignait un territoire plus vaste — en effet, avec la Croatie elle était considérée comme une province. Dans ses parties hautes il y a une zone qui s'appelle Delmina, où apparaissent d'anciennes murailles qui rappellent que là, selon la légende, il y avait une ville de Delmis.

Maintenant, en effet, la Dalmatie est une région maritime; commençant de l'Epire, où se trouve Dyrrachium, et s'étendant jusqu'au golfe de Quarnero, au fond duquel est située la forteresse de Stridon, à la frontière entre la Dalmatie et la Pannonie. C'était la patrie du remarquable et docte saint Jérôme. A l’époque des navires de pirates, ces derniers utilisaient un autre nom pour la Dalmatie — Liburnie; d'où ce qu’a dit Lucain — « sur la mer la flotte des Grecs, jointe aux Liburniens belliqueux.[4] » Ils exerçaient la piraterie, en utilisant la situation géographique avantageuse, puisque grâce à une multitude d’îles, la côte maritime abonde ici en abris et ports cachés.

Cette province s'appelle aussi Illyrie, du nom de la reine des amazones qui gouvernait ici, et dont descend, dit-on, le peuple local. Anténor[5] le Troyen arriva par la mer dans cette province, s'étant échappé pendant la destruction de la ville ; il fit souvent la guerre au peuple dalmate. Finalement il parvint jusqu'aux terres de [l’actuelle] Venise. Ayant passé la rivière de Padus après un certain temps, il bâtit la ville de Patavium, qui s'appelle maintenant Padoue, comme on peut le lire dans Virgile.

Des ouvrages d’histoire des Romains, on sait que quand l'empereur Auguste mena son armée sur les terres illyriennes, se hâtant vers un autre endroit ; il envoya un chef militaire nommé Venius contre les Pannoniens, qui habitent entre les deux rivières rapides Sava et Drava; au même moment il envoya le général Julius avec une armée nombreuse contre les Dalmates; vivant dans les bois, ces Dalmates dévastaient les provinces voisines par le pillage. Bien que leur peuplade fut farouche, Julius, engagea un combat avec eux et ayant remporté la victoire ; il obligea ce peuple à déposer les armes et à creuser le sol, pour en extraire de l'or des mines profondes.

Dans l’imagination des poètes, c’est dans cette province qu’était Cadmus quand il se transforma en serpent. Sa ville était Epidaure qui se trouvait à côté de Raguse, où se trouve une grande caverne. Cette croyance s’est maintenue jusqu'à présent que le serpent y demeure ; c’est pourquoi le poète a dit: « Pourquoi appelle-t-on serpent d’Epidaure celui qui examine les défauts de ses amis ? » Pour cette raison les gens se disent « nés d’un serpent ». On raconte même que saint Hilarion tua là un grand serpent. Selon les historiens, ce Cadmus fut le roi de la Grèce; après avoir été détrôné, il arriva en Dalmatie et devint le pirate le plus féroce, fut accepté, comme un serpent glissant, courant la mer pour réparer les malheurs des navigateurs, et opprimer, dès que cela était possible les faibles.

Cette province, s'appelle aussi Adria, du nom de la fille du roi Minos, Adriane, enlevée par Thésée qui, pendant sa navigation, s’en lassa et l’abandonna sur une certaine île puis partit avec sa sœur Phèdre ; mais Bacchus nommé aussi le père Liber, l'ayant trouvé, la prit pour épouse. Certains affirment qu'Adria s'appelle du nom d'un certain Adrius, frère d'Ytalus qui régna là ; mais selon les autres, le nom d'Adria provient de « adra » qui signifie "la pierre", puisque cette province est pierreuse et montagneuse. D'où ce que dit Ovide : « les contreforts éclairés de la Dalmatie montagneuse. » Pontiques, II, 2, 76


 

 


 

 

 

[1] Thomae archidiaconi Salonitana dans le recueil de Jean Lucius intitulé De regno Dalrnatiae et Croatiae Amstelodami, 1668. Une traduction  anglaise existe depuis 2006 sous le nom de Historia Salonitanorum atque Spalatinorum pontificum, CEU Press.

[2] On sait que Spalato/Spalatro s’appelait autrefois Salone, ville célèbre par le souvenir de l’empereur Dioclétien. Aujourd’hui Split.

[3] Isidore de Séville.

[4] Pharsale, livre IV.

[5] Prince troyen, mari de Théano et beau-frère de Priam. Théano est grande-prêtresse d'Athéna à Troie. Homère rapporte que lorsqu’Hécube et les femmes troyennes viennent implorer le secours de la déesse pendant la guerre de Troie, Théano place les offrandes sur les genoux d'Athéna, les accompagnant de prières qui sont rejetées.