Ermold le Noir

(SUGER)

 

VIE DE LOUIS-LE-JEUNE

Oeuvre mise en page par Patrick Hoffman

 

 

 

 

 

 

COLLECTION

DES MÉMOIRES

RELATIFS

A L'HISTOIRE DE FRANCE,

depuis la fondation de la monarchie française jusqu'au 13e siècle

AVEC UNE INTRODUCTION DES SUPPLÉMENS, DES NOTICES ET DES NOTES;

Par M. GUIZOT,

PROFESSEUR D'HISTOIRE MODERNE A L’ACADÉMIE DE PARIS.

 

 

A PARIS,

CHEZ J.-L.-J. BRIÈRE, LIBRAIRE,

RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS, N°. 68.

 

1824.


 

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207 VIE DE LOUIS-LE-JEUNE*.

 

* Voyez la Notice sur Sngec placce en tête de ce volame.

 

 

 

 

 

 

209 VIE DE LOUIS-LE-JEUNE.

 

Le glorieux Louis, fils du glorieux roi Louis, ayant appris par un prompt message la mort funeste d'un père si grand1, pourvut d'abord prudemment à la sûreté du duché d'Aquitaine; puis se hâtant de prévenir les pillages, querelles, séditions et autres désordres qui éclatent d'ordinaire à la mort des rois, il revint promptement à la cité d'Orléans, où il avait appris que, sous prétexte d'intérêts de la commune, quelques insensés méditaient la ruine de l'autorité royale; il réprima hardiment ces complots, non sans malheur pour certains hommes. Delà ce prince se rendit à Paris, comme à sa résidence habituelle (car c'est dans cette, ville, ainsi qu'on le lit dans les anciennes chroniques, que les rois des Français avaient coutume de passer leur vie), et s'occupa glorieusement, pour son âge et pour le temps, de l'administration du royaume et de la défense de l'Église.

Tous le pays s'estimait heureux qu'un homme ami de la paix et un si noble père laissât un tel rejeton, et qu'à la protection de tout le royaume, qui demandait la plus grande fermeté, succédât un si glorieux héritier qui accueillait les pieux et repoussait les im- 210 pies. Plus on voyait, en effet, que, par le manque de successeurs naturels, l'Empire romain ainsi que le royaume d'Angleterre avaient souffert de nombreux malheurs qui avaient presque amené la ruine de l'État, plus on apprenait combien les habitans de ces pays gémissaient de ces maux, et plus on se louait, pour le bonheur de tous, tant en général qu'en particulier, d'avoir des héritiers du royaume et du roi.

En effet, Henri, empereur des Romains, étant mort sans héritier2, de violens débats s'élèverent dans une nombreuse assemblée générale tenue à Mayence de près de soixante mille chevaliers; Frédéric, duc d'Allemagne3 s'efforçait, comme neveu du défunt empereur Henri, d'obtenir le trône; mais au grand scandale et déchirement du royaume, les évêques de Mayence et de Cologne, et la plupart des principaux et grands de l'État, rejetèrent ce duc, se déclarèrent pour Lothaire, duc de Saxe, et le couronnèrent à Aix-la.Chapelle du diadême royal4, au milieu des transports de joie du peuple et du clergé. Ce choix, quoiqu'illustre, n'eut pas lieu sans que beaucoup de gens en souffrissent; car ledit duc Frédéric, repoussé du trône, s'unit avec son frère Conrad, qui cependant à la mort de Lothaire succéda à la couronne, et avec ses parens et ses autres partisans, se livra contre les États de Lothaire aux ravages, aux guerres, aux incendies, au pillage des pauvres, à la destruction des églises, à d'innombrables excès, et eut lui-même de semblables maux à souffrir dans ses domaines. Lothaire ayant fait plusieurs actions éclatantes, se 211 montra surtout grand et digne de louanges et d'admiration en administrant avec habileté le royaume d'Allemagne, auquel il ne s'était point élevé par droit d'héritage, en soumettant l'Italie par la force, et en prenant des mains du pape Innocent5, malgré la résistance des Romains, la couronne de l'Empire; dans sa route par les provinces de Capoue et de Bénévent, il subjugua la Fouille à la pointe de l'épée, mit en fuite le roi de Sicile, et s'empara de la cité de Bari et du pays d'alentour. Comme il revenait de ces contrées complétement victorieux, il sentit les approches de la mort commune à tous, et transporté dans sa terre natale, et sur ses propres pénates en son duché de Saxe, il termina par une noble fin de si grands travaux6.

Le royaume d'Angleterre n'eut pas moins à souffrir, comme on l'a su, d'un événement semblable; car le vaillant roi Henri étant mort sans héritier7 mâle, Etienne, comte de Boulogne, son neveu, frère puîné du comte Thibaut, entra tout à coup dans le royaume sans vouloir songer que le comte d'Anjou avait épousé la fille dudit roi Henri son oncle, qui avait été impératrice des Romains, et qu'il en avait eu des fils; et il s'empara de la couronne. Sa pernicieuse faction, par la jalousie et les discordes des comtes, des grands du royaume et la méchanceté des habitans, ruina tellement, durant une époque de calamité, cette terre fertile et abondante que près d'un tiers du royaume fut, dit-on, dévasté par les 212 pillages, les ravages et le meurtre. Ces malheurs étaient une consolation aux Français qui, voyant les autres éprouver tant de maux par le défaut de successeur au trône, se félicitaient et s'applaudissaient de la continuation d'une race si grande et si glorieuse.

Pour en revenir à notre sujet, le jeune roi Louis, âgé d'environ quatorze ou quinze ans, croissait de jour en jour en vertus tant naturelles qu'acquises par le travail.

En ce temps, Guillaume, duc d'Aquitaine, étant parti pour aller en pélerinage à Saint-Jacques, fut saisi d'une maladie et entra dans la voie de toute chair8. Il n'avait que deux filles, appelées l'une Éléonore et l'autre Alix. La terre d'Aquitaine privée de son seigneur demeura sans héritier mâle. C'est pourquoi le roi Louis garda entre ses mains toute l'Aquitaine, épousa Éléonore, l'aînée des deux susdites sœurs, et donna en mariage à Raoul, comte de Vermandois, la cadette Alix. Le roi eut de sa femme Éléonore une fille nommée Marie.

Peu de jours s'étaient écoulés que Gaucher de Montjai, enflé de l'orgueil du diable, voulut se révolter contre le roi et s'efforça audacieusement, mais non pas impunément, de troubler son royaume. Le roi, trop haut de cœur pour le supporter patiemment, ayant rassemblé des troupes de tous côtés, marcha promptement contre Montjai et détruisit son château avec toutes ses fortifications9.

La même année, il arriva aux Chrétiens du pays de Jérusalem un déplorable malheur: car les Parthes, 213 poussés par l'esprit diabolique, étant venus assiéger avec de puissantes forces la ville d'Édesse, s'en emparèrent, non sans un grand carnage des leurs10. Grandement enorgueillis de cette victoire, ils menacèrent de détruire tous les Chrétiens du pays. La nouvelle de ce malheur étant parvenue aux oreilles du très-pieux roi Louis que remplissait le zèle du Saint-Esprit, il fut ému de pitié: c'est pourquoi à la fête de Pâques de cette même année, il tint à Vézelai une grande assemblée11, où il invita les archevêques, les évêques, les abbés et plusieurs grands et barons de son royaume, parmi lesquels était Bernard, abbé de Clairvaux. Lui et les évêques ayant donc pris place dans cette assemblée, ils prêchèrent au sujet du pays où notre Seigneur Jésus-Christ, après avoir vécu corporellement, a souffert le supplice de la croix pour la rédemption du genre humain. Le roi Louis, enflammé de ces prédications et admonitions par l'inspiration de la grâce divine, prit la croix, et après lui sa femme Eléonore; ce qu'à leur exemple firent aussi les grands qui assistèrent à cette assemblée: Simon, évoque de Noyon; Godefroi, évêque de Langres; Arnoul, évêque de Lisieux; Herbert, abbé de Saint-Pierre de Sens; Thibaut, abbé de Sainte-Colombe; Alphonse, comte de Saint-Gilles; Thierri, comte de Flandre; Henri, fils de Thibaut, comte palatin de Blois, alors vivant; Guillaume, comte de Nevers; Renaud son frère, comte de Tonnerre; le comte Robert, frère du roi; Yves, comte de Soissons; Gui, comte de Ponthieu; Guillaume, comte de Varennes; Archambaud de Bourbon, Enguerrand 214 de Couci, Geoffroy de Rancogne, Hugues de Lusignan, Guillaume de Courtenai, Renaud de Montargis, Itier de Touzy, Gaucher de Montjai, Evrard de Breteuil, Dreux de Mouchi-le-Châtel, Manassé de Beuil, Anselme de Trenacel, Guérin son frère, Guillaume le Bouteiller, Guillaume-Agillon de Trie, plusieurs autres chevaliers, et une multitude infinie de gens de pied.

Dans le même temps, Conrad, empereur d'Allemagne, ayant appris la désolation des Chrétiens, prit la croix ainsi que son neveu Frédéric, duc de Saxe, et Amédée, comte de la Maurienne, oncle du roi Louis, et beaucoup de gens les accompagnèrent. Ensuite, par dévotion pour la sainte Croix, que le roi avait reçue avec ses gens, le vénérable Pons, abbé de Vézelai, construisit en l'endroit où avait eu lieu cette prédication, c'est-à-dire sur le penchant de la montagne, entre Écouen et Vézelai, une église en l'honneur de la sainte Croix, sur laquelle le Seigneur opéra un grand nombre de miracles, en faveur de ceux qui s'y rendaient avec une foi sincère.

Cependant le roi Louis, avant de partir pour la Terre-Sainte, passa toute l'année dans son royaume, depuis la fête de Pâques, où il avait reçu la croix, jusqu'à l'autre fête de Pâques, et même jusqu'à la Pentecôte. Sur ces entrefaites, les bourgeois de la ville de Sens, enflammés de colère contre Herbert, abbé de Saint-Pierre-le-Vif, parce qu'il avait fait dissoudre leur communauté, le mirent cruellement à mort. En punition de ce crime, le roi fit précipiter du haut de la tour de Sens quelques-uns 215 de ces meurtriers, et en fit décapiter quelques autres à Paris.

L'an de l'Incarnation du Seigneur 1147, le glorieux roi Louis, pompeusement environné, comme il convenait, d'un cortége royal, partit de Paris, la semaine d'après la Pentecôte, pour le voyage qu'il avait fait vœu d'accomplir. Il souffrit dans ce voyage beaucoup de fatigues, et arriva enfin à Jérusalem. Là, après avoir prié devant le Saint-Sépulcre, et adoré, avec la vénération qui lui est due, la croix de Notre-Seigneur, il quitta ce pays sacré, et revint dans son royaume sans avoir éprouvé aucun fâcheux accident12. Après son retour, Il eut de sa femme Éléonore une fille nommée Alix.

Peu de temps après, Geoffroi, comte d'Anjou, et son fils Henri, qui, dans la suite parvint au trône d'Angleterre, se rendirent auprès du roi Louis, et se plaignant à lui d'Etienne, roi des Anglais, ils lui exposèrent l'injustice avec laquelle il leur enlevait ce qui leur appartenait de droit, à savoir, le royaume d'Angleterre et le duché de Normandie. Le roi, voulant, comme il convient à la majesté royale, maintenir tout le monde dans la justice et la raison, et conserver les droits de chacun, attaqua la Normandie avec une armée considérable, s'en empara par la force, et la remit entre les mains de Henri, fils du comte d'Anjou, qui tint de lui ce pays comme son homme lige. Pour prix du service qu'il lui avait rendu, Henri, avec la permission de son frère Geoffroi, donna au roi Louis le Vexin Normand, situé entre l'Iton et l'Andelle, sans lui en demander aucune redevance. Ce pays contient les châteaux et forteresses 216 de Gisors, de Neaufle, d'Etrechy, de Dangu, de Gamaches, d'Archeville, de Château-Neuf, de Baudemont, de Brai, de Gournai, de Bucail, de Nogent-surAndelle, et quelques autres encore. Ce fut de cette manière que, comme on l'a dit, le roi Louis conquit et restitua la Normandie au perfide Henri, ne prévoyant pas la trahison que dans la suite ce dernier médita contre lui.

Peu de temps après, en effet, se justifia le proverbe vulgaire que plus on aggrandit un pervers, plus il s'élève contre son bienfaiteur. Henri, replacé sur le trône de Normandie par la main du roi, s'enfla d'un orgueil excessif, et refusa de comparaître en justice devant son seigneur le roi Louis. Le roi, enflammé d'une ardente colère, et ne pouvant contenir son courroux, marcha sur Vernon avec une grande armée, et, après un siége de peu de jours, se rendit maître de cette ville par l'effort de son courage. Il prit de même la ville de Neuf-Marché. Le traître Henri, duc de Normandie, voyant enfin que rien ne pouvait résister au tout-puissant roi Louis, tel qu'un renard rusé, eut recours à ses artifices accoutumés; feignant de s'abaisser, afin de recouvrer, de quelque manière, ce qu'il avait perdu, il jura faussement qu'il ne leverait plus désormais un pied orgueilleux13 contre le roi son seigneur; le roi Louis, toujours plein de bonté et trompé par cette promesse mensongère, le traita avec une grande bénignité, et lui rendit les deux places qu'il lui avait enlevées14.

Dans la suite, après un intervalle de peu d'années, 217 quelques-uns des proches et des parens du roi Louis vinrent le trouver, et lui dirent qu'il y avait entre lui et la reine Eléonore un degré de consanguinité, et lui promirent de l'affirmer par serment; ce qu'apprenant le roi ne voulut point garder plus long-temps sa femme contre la loi catholique. C'est pourquoi Hugues, archevêque de Sens, les manda tous deux, à savoir, le roi Louis et la reine Eléonore, en sa présence à Beaugency, où, sur son injonction, ils se rendirent le vendredi d'avant le dimanche des Rameaux. Il s'y trouva aussi Samson, évêque de Rheims, Hugues, évêque de Rouen, l'archevêque de Bordeaux dont j'ignore le nom15, quelques-uns de leurs suffragans, et une grande partie des grands et des barons du royaume de France. Quand ils furent assemblés dans l'endroit ci-dessus désigné, lesdits parens du roi prononcèrent, selon qu'ils l'avaient promis, le serment qu'il existait, comme nous l'avons dit plus haut, un proche degré de parenté entre le roi et la reine Eléonore, et ainsi fut dissoute entre eux la société matrimoniale16; après quoi Eléonore regagna promptement son pays d'Aquitaine. Henri, duc de Normandie, et qui, dans la suite, fut élevé au trône d'Angleterre, la prit aussitôt pour femme. Le roi Louis maria les deux filles qu'il avait eues d'Eléonore, l'aînée Marie, à Henri, comte palatin de Troyes, et la plus jeune, Alix, au frère de celui-ci, Thibaut, comte de Blois.

Ensuite, le roi voulant vivre selon la loi divine qui ordonne qu'un mari s'attache à sa femme, et qu'ils ne fassent tous deux qu'une même chair, et dans l'espoir d'avoir une postérité qui gouvernât après lui le 218 royaume de France, prit en mariage Constance, fille de l'empereur d'Espagne. Hugues, archevêque de Sens, la sacra reine à Orléans et couronna le roi avec elle. Après avoir habité quelque temps ensemble, le roi eut d'elle une fille nommée Marguerite. Avec les dispenses de l'Église romaine, cette même Marguerite fut mariée à Henri, fils de Henri, roi des Anglais, et d'Eléonore sa femme, et qui, dans la suite, monta sur le trône d'Angleterre17. Le roi donna en mariage à sa fille Marguerite le pays du Vexin, que Henri, roi d'Angleterre, le père de ce Henri, lui avait donné exempt de toute redevance.

Dans le même temps, Geoffroi de Gien donna sa fille en mariage à Etienne de Sancerre: ce qu'il faisait à dessein, car il pensait que son gendre le protégerait contre les dégâts que faisait sur ses terres le comte de Nevers. Geoffroi donna même Gien pour dot à sa fille. Ce que voyant Hervée, fils de ce même Geoffroi, s'opposa à ce qu'on donnât ainsi une ville qui lui revenait par droit d'héritage; mais son père, ne tenant nul compte de son opposition, remit cette ville en, la possession d'Etienne de Sancerre. C'est pourquoi Hervée alla trouver le roi, et se plaignit à lui de ce que son père le déshéritait ainsi. Il porta plainte aussi contre Etienne qui, malgré lui, avait reçu ladite ville, appartenant à son héritage, et la possédait sans son consentement. Ayant entendu ces plaintes, le roi, comme ami constant du droit et de la justice, ne put souffrir une telle iniquité, ni qu'Hervée fût plus long-temps dépouillé de ses 219 droits; ayant donc rassemblé une armée, il marcha promptement contre Gien, qu'Etienne de Sancerre avait munie de troupes, mais dont il s'était lui-même absenté. Le roi, ayant vigoureusement assiégé la place avec ses soldats, s'en empara aussitôt, et la rendit à Hervée. Après cette expédition, chacun s'en retourna chez soi.

Ensuite le roi eut de la reine Constance une fille qu'on appela Adélaïde18. La reine termina son dernier jour dans le travail de cet enfantement19, ce qui causa une grande tristesse à tout le royaume. Louis, cependant, par les consolations de ses seigneurs, ayant un peu oublié son affliction, se disposa, d'après les conseils et les avis des archevêques et évêques, et des autres barons de son royaume, à prendre une épouse. Il avait toujours présente à l'esprit cette parole: qu'il vaut mieux se marier que de brûler20. Il craignait d'ailleurs que le royaume de France ne cessât d'être gouverné par un successeur sorti de son sang. C'est pourquoi, tant pour son propre salut que pour la sûreté future du royaume, il prit en mariage Adèle21, fille de Thibaut, comte de Blois, qui était mort, laissant quatre fils et cinq filles, à savoir: Henri, comte palatin de Troyes, Thibaut, comte de Blois, Etienne, comte de Sancerre, Guillaume, archevêque de Sens, la duchesse de Bourgogne, la comtesse de Bar, la femme de Guillaume Goiet, qui avait été d'abord duchesse de Pouille, la comtesse du Perche, et enfin 220 Adèle, la plus jeune, que Notre-Seigneur éleva à ce point qu'elle régna sur ses frères et sur ses sœurs, elle qui auparavant leur avait été soumise. Elle fut digne de louanges par ses qualités tant naturelles qu'acquises, car elle rayonnait de l'éclat de la sagesse, excellait en beauté dans sa personne, et brillait par la chaste pureté de ses mœurs: c'est pourquoi, décorée d'une telle fleur de vertu, elle mérita d'être élevée à un si haut rang. Ainsi que nous l'avons dit, elle fut unie solennellement par la loi conjugale au sérénissime roi Louis22, et à la Saint-Brice, Hugues, archevêque de Sens, la sacra à Paris dans l'église de la bienheureuse vierge Marie, et couronna le roi avec elle. Il célébra le même jour la messe en cette église. Etienne, chanoine de Sens, et qui devint dans la suite évêque de Meaux, lut l'épître, et Guillaume, archidiacre de Sens, dans la suite évêque d'Autun, lut l'évangile; Mathieu, préchantre de Sens, et Albert, chantre de Paris, dirigèrent le chœur, et imposèrent les versets pendant la procession.

Peu de temps après cette cérémonie, la méchanceté et la cupidité croissant et augmentant de jour en jour, Nivilon de Pierre-Fontaine et Dreux de Meulent, qui avaient épousé les deux filles de Dreux de Mouchi-le-Châtel, eurent ensemble un différend. Nivilon de Pierre-Fontaine enleva injustement à Dreux de Meulent la moitié de Mouchi-le-Châtel, qui lui appartenait aux droits de sa femme. Ce dont celui-ci s'étant plaint au roi Louis, il le vint supplier qu'il daignât se rendre le vengeur d'une telle injustice; le roi ayant accueilli sa demande, et voulant avec équité retenir 221 chacun dans la justice, aussi bien les puissans que les faibles, rassembla une armée et marcha contre Mouchi-le-Châtel, dont il s'empara à main armée; il en fit renverser la tour avec toutes les fortifications, et rendit à Dreux de Meulent la moitié de cette ville qui lui appartenait de droit. Nivilon étant mort peu de jours après, le roi maria sa femme à Enguerrand de Trie, et lui donna avec la moitié de Mouchi-le-Châtel.

Dans ce temps il s'éleva un horrible schisme dans l'Église romaine: son siége étant devenu vacant, les cardinaux, assistés de la grâce divine, élurent unanimement pour leur chef Alexandre III, d'heureuse mémoire23. Victor, appelé aussi Octavien, rempli d'arrogance et aspirant avec avidité aux honneurs terrestres, voulut usurper présomptueusement le pontificat de l'Église romaine, quoique son élection ne fût pas canonique; car les clercs de son parti concoururent seuls à cette élection irrégulière, il y manqua la participation et les suffrages des cardinaux ou évêques, à l'exception de deux seulement, tous les cardinaux et évêques ayant unanimement voté en faveur du seigneur pape Alexandre. Ensuite le vénérable pape Alexandre étant parti pour la Gaule, passa à Montpellier; le bruit de son arrivée étant parvenu aux oreilles du seigneur roi Louis, il prit conseil à ce sujet sur ce qu'il devait faire, et envoya vers lui le seigneur Thibaut, abbé de Saint-Germain. L'affaire du seigneur roi terminée, Thibaut fit dessein de s'en retourner, avec le bon plaisir du seigneur pape et de la cour romaine. Comme il était en route pour revenir, une grave maladie le prit à Clermont. Ne voulant pas cependant 222 séjourner plus long-temps dans un pays étranger, il se hâta, tout malade qu'il était, de gagner Vézelai, et arriva trois jours avant la fête de sainte Marie, dans l'église de la bienheureuse Marie Magdeleine, où il avait été élevé depuis son enfance, avait reçu l'habit religieux et fait sa profession. Sa maladie s'étant aggravée, il quitta le monde dans cette église, le lendemain de la fête de Marie Magdeleine: Hugues, moine de Sainte-Marie de Vézelai, fut nommé en sa place l'an du Seigneur 1162.

Eu ces mêmes jours, le roi Louis, avec tout son royaume, reconnut le pape Alexandre pour le véritable pasteur24. La nouvelle de ce fait s'étant répandue dans tous les pays, les empereurs de Constantinople et d'Espagne, le roi d'Angleterre, le roi de Jérusalem, le roi de Sicile, le roi de Hongrie et tous les rois de la chrétienté, suivant l'exemple du roi Louis, reconnurent le dit pape avec les marques de respect convenables; excepté Frédéric, empereur d'Allemagne, qui, persévérant dans sa fureur et sa tyrannie accoutumée, maintint, contre les lois et le droit, le schismatique Octavien, et le tint pour pape toute sa vie durant. A la mort d'Octavien cet abominable empereur éleva en sa place Gui de Crémone, un des deux cardinaux du parti schismatique. Excité par ses exhortations, le même empereur marcha contre Rome pour la détruire. Là périt, non point par la force des Romains ni d'autres mains mortelles, mais par la seule vengeance divine, une grande partie de son armée. Il arriva, chose merveilleuse à dire, que le Seigneur, étendant la main de la vengeance sur l'armée de cet exécrable tyran, fit, à travers l'air corrompu, tomber 223 sur elle des ilots d'une pluie bouillante, en sorte qu'une multitude infinie de cavaliers et de fantassins, frappés du glaive invincible de la divine puissance, finirent misérablement leurs jours. Parmi ceux qui moururent furent le fils de l'empereur Conrad, et Renaud archevêque de Cologne, dont les serviteurs transportèrent jusqu'à Cologne le corps divisé en morceaux, cuit dans de l'eau bouillante, et assaisonné de sel. L'empereur, frappé de la crainte du châtiment divin, leva le siége, et arriva en fuyant dans la Toscane; de là, traversant la Lombardie, et chassé par les courageux habitans de ce pays, il se hâta d'arriver à Suze, d'où s'échappant furtivement avec quelques-uns de ses compagnons, il passa les Alpes, ayant ainsi perdu dans ce siége un grand nombre de ses évêques et de ses barons, et tellement effrayé, tellement confus, que n'osant demeurer plus long-temps en ce pays, misérable fuyard, il retourna en Allemagne.

Puisque la méchanceté croit de jour en jour, c'est à la majesté royale à pourvoir à la sûreté du royaume, et à défendre ses sujets contre les attaques des méchans; car si l'autorité des rois ne veillait attentivement à la défense de l’État, les puissans opprimeraient excessivement les faibles; ce qui arriva alors, comme le fera connaître un récit fidèle. Le comte de Clermont et son neveu Guillaume, comte du Puy , ainsi que le vicomte de Polignac, poussés par l'instinct du diable25, avaient coutume d'employer à la rapine leur misérable vie. Ils dévastaient les églises, arrêtaient les voyageurs, et opprimaient les pauvres. Les évêques de Clermont et du Puy, et les abbés de cette 224 province, ne pouvant supporter plus long-temps leur tyrannie, et n'ayant, ni eux ni les leurs, la force de leur résister, s'avisèrent sagement de se rendre auprès du roi Louis; ils lui portèrent leurs plaintes contre les susdits tyrans, lui peignirent leurs cruelles injures envers les églises, et l'exhortèrent par de pieuses prières à venger les pauvres et les prisonniers. En sorte que le pieux roi apprenant les forfaits de ces tyrans, rassembla aussitôt une armée, et alla combattre ses ennemis avec la verge du châtiment qu'il ne tardait jamais à saisir; les ayant attaqués à la tête de cette troupe guerrière, exploit digne de la majesté royale, il les vainquit à la pointe de l'épée; les ayant vaincus il les prit, et les ayant pris il les emmena avec lui, et les retint captifs jusqu'à ce qu'ils eussent fermement juré de cesser désormais pour toujours d'inquiéter les églises, les pauvres et les voyageurs.

Peu de temps après qu'il eut accompli cette œuvre insigne, il se répandit, en divers pays, la nouvelle d'une action exécrable et inouïe dans notre temps. Guillaume, comte de Châlons, suivant les traces du diable qui osa tenter le Seigneur, persécutait d'une manière atroce l'église de Cluni. Ayant ramassé, pour exercer ses tyranniques cruautés, une multitude de brigands, appelés vulgairement Brabançons, hommes n'aimant point Dieu, et ne voulant point connaître la voie de vérité, soutenu par ces criminels satellites, le brigand partit pour ravager ladite église. Les moines, qui y étaient consacrés au service de Dieu, défendus, non par le fer ou le bouclier, mais seulement par des armes divines, et revêtus des habits ecclésiastiques, s'avancèrent au devant du tyran avec les reliques des 225 Saints et la croix, et accompagnés d'une grande multitude de peuple. L'exécrable troupe de ces brigands dépouilla les moines de leurs vêtemens sacrés, et, à l'instar des bêtes féroces qui, pressées par la faim, se jettent sur les cadavres, ils égorgèrent comme des brebis plus de cinq cents bourgeois de Cluni. La nouvelle de ce crime inouï s'étant répandue dans différens pays, parvint aux oreilles du pieux roi Louis. Ne pouvant supporter qu'avec la plus grande indignation un tel forfait envers la sainte Église, il se sentit animé, par le zèle ardent du Saint-Esprit, à prendre vengeance de cet abominable massacre. Que dirai-je de plus? Un édit royal rassembla les phalanges valeureuses des belliqueux Français. Soutenu par eux, il marcha promptement contre le tyran pour l'exterminer26; mais l'infâme comte de Châlons, apprenant l'arrivée du roi, n'osa pas attendre sa présence, et, abandonnant ses terres, prit la fuite. Comme le roi, dans sa route, traversait le territoire de Cluni, vinrent à sa rencontre des femmes veuves et de jeunes filles, et de jeunes garçons orphelins qui, s'étant jetés à ses pieds en pleurant et gémissant, l'instruisirent de leur misère par de lugubres clameurs, et offrant à la majesté royale leurs très-pieuses prières, la supplièrent d'étendre miséricordieusement sur eux la main de sa sagesse et de son assistance; ils excitèrent de plus en plus à la ruine de cette gent scélérate le pieux roi et toute l'armée, que leur malheur toucha presque jusqu'aux larmes. Et comment s'en étonner? Vous auriez vu des enfans orphelins suspendus encore à la mamelle de leurs mères, de jeunes filles éplorées s'é- 226 criant lamentablement qu'elles étaient privées de l'appui paternel; vous auriez entendu les airs retentir des vagissemens des enfans. Enfin, pour abréger, le roi prompt à accomplir son dessein, pénétra hardiment avec son armée, sans être arrêté par aucun obstacle, dans les terres de l'exécrable comte de Châlons, et s'empara à la pointe de l'épée de la ville de Châlons, du mont Saint-Vincent et de toutes les terres de ce tyran, dont il donna une moitié au duc de Bourgogne, et le reste au comte de Nevers. Tous ceux qu'il put prendre des Brabançons, gens qui méprisent la volonté divine et se font suivans du diable, il les fit pendre à des fourches pour venger l'Église de Dieu. Un d'eux ayant voulu racheter sa vie par une immense somme d'argent ne put rien obtenir, et fut livré au même supplice que les autres. Ayant donc enfin tiré une juste vengeance du massacre et de la persécution atroces infligés à Cluni et à la sainte Église, le roi s'en retourna joyeux, remportant un si glorieux trophée.

Comme il convient à la majesté royale de couvrir les églises de Dieu du bouclier de sa défense contre toute persécution, le très-bienfaisant roi, qui ne voulait pas que, par négligence, il survînt faute de justice qui les exposât aux ravages des brigands, après avoir glorieusement vengé les outrages faits à l'église de Cluni, délivra aussi l'église de Vézelai des attaques de ses ennemis. Il arriva, en effet, que les bourgeois de Vézelai, se liguant entre eux, enflés d'orgueil, se soulevèrent contre leur seigneur abbé et contre les moines, et les persécutèrent long-temps par des incursions sur leurs terres. Ils étaient tous convenus par serment de ne plus se soumettre à la domination 227 de l'Église; en quoi ils avaient l'assentiment et les conseils du comte de Nevers, ennemi de cette même église. L'abbé et les moines furent contraints, parles violentes attaques des bourgeois, de fortifier, pour leur défense, les tours du monastère; les bourgeois, par dehors, les pressaient et inondaient sans relâche d'une pluie de traits et de coups de bélier; ils les tinrent si long-temps bloqués que, n'ayant point de pain à manger, ils furent réduits à ne se substanter que de viande. Une partie des moines était de garde pendant la nuit, tandis que l'autre réparait un peu par le sommeil ses membres fatigués. Comme ils étaient sous le poids d'une telle persécution, l'abbé, voyant que ces hommes iniques ne se relâchaient en rien de leur entreprise impie, et les assiégeaient avec une violence toujours croissante, sous la conduite de quelques-uns de ses amis, sortit secrètement du monastère, et se rendit promptement auprès du roi Louis, qui résidait alors à Corbeil. Il lui exposa leur malheur et se plaignit hautement de l'injuste persécution de la commune de Vézelai. Instruit par l'abbé, le roi, toujours prêt à défendre les églises, envoya l'évêque de Langres vers le comte de Nevers qui soutenait ladite ligue, et lui manda de rétablir la paix de l'Église et d'obliger la commune à se dissoudre; mais le comte négligeant d'obéir aux ordres du roi, laissa les gens de Vézelai persister en leur iniquité. Cette désobéissance étant parvenue aux oreilles du roi, dans le digne projet de réprimer lui-même cette indigne violence, il rassembla une armée, ensuite de quoi il se mit en marche contre ledit comte. Ce qu'apprenant, celui-ci envoya vers le roi l'évêque d'Autun, pour lui mander 228 qu'il fit de la commune à sa volonté. Ensuite étant venu lui-même à Moret à la rencontre du roi, il lui engagea sa foi de ne plus soutenir la commune, et de la dissoudre entièrement. Le roi, acceptant la promesse du comte, congédia son armée, et vint avec ce même comte à Autun, où ayant convoqué les bourgeois de Vézelai, il leur fit jurer de se conformer à la volonté de l'abbé Pons et de ses successeurs, de dissoudre leur commune, et de n'en plus former à l'avenir. Ensuite, par un décret du roi, ces mêmes bourgeois donnèrent à l'abbé Pons quarante mille sols, et ainsi fut rétablie la paix de l'Eglise27.

Peu d'années après, Guillaume, comte de Nevers, commença à s'élever contre cette même église, car il réclamait d'elle certains droits qu'elle ne lui devait pas, et que lui devaient Guillaume, abbé de Vézelai, et les moines du monastère28. C'est pourquoi le comte, oubliant tout respect de Dieu, enleva aux moines leur nourriture. Ceux-ci, manquant de subsistance, se rendirent à pied vers le roi Louis; l'ayant trouvé à Paris, ils se prosternèrent à terre, et en répandant des larmes, ils lui exposèrent leurs plaintes sur les mauvais traitemens que leur faisait éprouver ledit comte. Le roi donc, ému de compassion par les plaintes pitoyables de ces moines, fit rétablir dans l'église de Vézelai une paix très-solide.

C'est pourquoi, à cause de ces œuvres de justice et de beaucoup d'autres encore, que le pieux roi Louis, 229 par l'inspiration de la divine majesté, avait accomplies en faveur de cette église et de plusieurs autres, ainsi que du châtiment qu'il avait tant de fois fait tomber sur les ennemis de l'église de Cluni, et ceux de plusieurs autres églises, la divine bonté lui accorda une digne récompense de tant de bonnes œuvres. En effet, le roi, par la grâce de la divine munificence, eut un fils de la noble reine Adèle.

Ce noble rejeton naquit l'an de l'Incarnation du Seigneur, 1165, le samedi de l'octave de l'Assomption de la bienheureuse vierge Marie29, dans la nuit, pendant qu'on célébrait les solennités des matines; un messager, annonçant la joyeuse nouvelle de cette naissance, vint à Saint-Germain-des-Prés transmettre le bruit de cet heureux événement au moment où les moines commençaient à chanter le cantique du prophète: «Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, parce qu'il nous a visités et a racheté son peuple.» D'où l'on peut conjecturer, avec évidence, que cela arriva par un décret du Seigneur. La renommée d'une naissance si desirée s'étant répandue partout, remplit tous les Français de la plus grande joie: car un grand nombre de gens avaient long-temps et ardemment desiré qu'il sortît du roi Louis un successeur du sexe masculin, qui, après la mort de son glorieux père, parvînt au rang de la majesté royale. Le Seigneur satisfit leur desir, et ils ne furent point déçus dans leurs vœux. Ce royal enfant venu au monde, le lendemain du jour de sa naissance, c'est-à-dire, le dimanche, le roi Louis son père lui fit donner le sacrement du baptême. Maurice, évêque de Paris, mandé par le roi 230 pour le lui administrer, se revêtit des habits sacerdotaux dans l'église de Saint-Michel-de-la-Place, et régénéra solennellement, par le baptême, le rejeton de la race royale. Hugues, abbé de Saint-Germain, fut son parrain, et tint l'enfant dans ses bras sur les fonts baptismaux. Hervée, abbé de Saint - Victor, et Eudes, autrefois abbé de Sainte-Geneviève, furent aussi parrains; Constance, sœur du roi Louis, épouse de Raimond, comte de Saint-Gilles, et deux veuves parisiennes, furent marraines du jeune prince, qui fut appelé Philippe.

 

FIN DE LA VIE DE LOUIS-LE-JEUNE.

 

 

NOTES

(1 Louis-le-Gros mourut le Ier août 1137; son fils en reçut la nouvelle à Poitiers.

(2) Henri V mourut à Utrecht, le 23 mai 1125.

(3) Duc de Souabe.

(4 Le 13 septembre 1125.

(5) Innocent II couronna Lothaire empereur le 4 juin 1133.

(6Le 4 décembre 1137.

(7Henri Ier, mort le 1er décembre 1135.

(8Guillaume x, duc d'Aquitaine, mort le 9 avril 1137.

(9En 1138.

(10) Le 24 décembre 1144.

(11) En 1146.

(12) En octobre 1149.

(13) Calcaneum elevare, calcaneum erigere; expression consacrée en ce temps pour designer la révolte; on la trouve même dans les chartes.

(14En 1154.

(15 Geoffroi.

(16) Le 18 mars 1152.

(17) Henri dit au court mantel, qui fut seulement sacre roi d'Angleterre, et ne régna jamais.

(18) Ou Alix, accordée à Richard Cœur-de-Lion; puis mariée en 1195 à Guillaume III, comte de Ponthieu.

(19)  En 1160.

(20) Ire Épitre de saint Paul aux Corinthiens, chap. vii, v. 9.

(21Ou Alix.

(22) Le 13 novembre 1160.

(23 Le 7 septembre 1159.

(24En juillet 1160

(25 En 1163.

(26En 1166.

(27) Cette affaire eut lieu en 1155, c'est.à-dire environ dix ans avant la précédente. Le biographe de Louis-le-Jeune bouleverse souvent les dates. Voyez du reste dans le tome VII de cette collection l'Histoire du Monastère de Vézelai.

(28) En 1166.

(29 Le 22 août.