Odorannus

ODORANNUS

 

CHRONICON - CHRONIQUE

 

Traduction française : Marc Szwajcer

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

ODORANNUS

 

MONACHUS SANCTI PETRI VIVI SENONENSIS

 

CHRONICON

 

ODORANNUS DE SENS[1]

 

 

CHRONIQUE

 

 

 

 

L’an de l’incarnation du Seigneur 675, mourut saint Emmon archevêque de Sens. C’est lui qui rassembla un synode, et attribua, de concert avec les évêques de sa province, un privilège de liberté pour les moines de saint Pierre à l’époque du roi Clotaire et de sa mère BathildeEn l’an 688, Pépin II de Herstal,[2] maire du palais royal, reçut le principat des Francs. A cette époque le saint archevêque Vulfran entreprit d’évangéliser la Frise (au nord de la Hollande)

En l’an 712, mourut Pépin l’Ancien; et son fils appelé Charles Martel prit possession du principat.

En l’an 721, mourut le prêtre Bède, historien des Anglais

En l’an 741, St Vulfran fut rappelé à Dieu ainsi que Charles (Martel); ce dernier mort, Carloman et Pépin (le Bref), ses fils, reçurent le principat.

En l’an 750, Pépin, de petite taille,[3] fut élu roi et Childéric (III), survivant de la lignée du roi Clovis, fut tonsuré. Voilà comment s’arrêta le règne des Clovis. A cette époque le sanctissime Ebbon archevêque de Sens fut rappelé à Dieu et il est inhumé dans le monastère de S. Pierre l’apôtre après avoir jusqu’à ce jour éclaté en vertus et en miracles.

En l’an 764, décès du roi Pépin. Son fils Charles, qu’on appellera le Grand (Charlemagne) et Carloman prennent sa succession

En l’an 767, mort de Carloman.

En l’an 804, mort du philosophe Alcuin, abbé de saint Martin (de Tours). Alcuin et Charles discutèrent de philosophie, dont un écrit subsiste.

En l’an 814, Mort de l’empereur Charlemagne (28 janvier); son fils Louis dit le Pieux devient roi des Francs et empereur des Romains (empereur d’Occident).

En l’an 828, mourut Jérémie, archevêque de Sens. C'est lui qui obtint des préceptes impériaux pour la sainte mère église de Sens et les monastères et établissements en dépendant, pour leur protection et leur défense contre tous les pouvoirs judiciaires

En l’an 833, Louis le Pieux perd son royaume : son fils Lothaire le dépose. Louis revient la même année

En l’an 840, mort de l’empereur Louis le Pieux.

En l’an 841, guerre entre Charles dit le Chauve, Lothaire, Louis (le Germanique) et Pépin à la bataille de Fontenoy (en Puisaye)

En l’an 847, les corps des saints martyrs Savinien, Potentien, Altin et Eodald furent transférés par l'archevêque Wénilon dans la basilique de Saint Pierre (le Vif), le VIII des calendes de septembre (25 août).

En l’an 865, mort de Wénilon archevêque de Sens (le 3 mai) qui avait sacré Louis, frère de Charles, roi de Bourgogne. Lui succéda l’abbé Egil(on).

En l’an 870, mort de l’archevêque Egil(on), qui par un privilège fit don à Saint-Pierre de l'autel d'Auxon. C'est lui qui, avec la permission de Lothaire le jeune et sur l'ordre de l’évêque de Maastricht — fut retiré du diocèse de celui-ci et du monastère de Prüm, et fut placé par le roi Charles comme abbé du monastère de Flavigny. Nommé archevêque de Sens ensuite en raison de son mérite, il repose dans le monastère de Saint-Pierre. A sa mort, le vénérable Anségise reçut l'épiscopat. Ce fut lui qui sacra roi Charles le Chauve.

En l’an 874, mort de Charles le Chauve,[4] fils de Louis le Pieux, pendant le retour de son second voyage à Rome (3e jour des calendes d’octobre), et avènement de son fils Louis (II le Bègue). A l’époque de Charles, furent faits les canons de Ponthion par l’apocrisiaire Léon.

Le saint synode qui, au nom de Dieu, à l’appel de monseigneur Jean, pape, trois fois très saint, et sur l'ordre de monseigneur Charles, empereur perpétuel, fut assemblé au lieu appelé Ponthion.[5] En l’an de l’incarnation du Seigneur 876, indiction 9, 37e année du règne de cet invincible empereur et Premier de son empire, 13e jour des calendes d’août), les chapitres suivants ont été adoptés

CHAP. I. A la mort de Louis qui exerçait le gouvernement de l'empire romain, monseigneur Jean, pape, trois fois très saint, invita, par l'intermédiaire des vénérables évêques Jaderic de Velletri, Formose de Porto, Jean d'Arezzo, et aussi Ansegise de Sens, le seigneur Charles, alors roi, à venir auprès des saints apôtres faire une visite ad limina[6] et il l'élut comme défenseur et protecteur de l'Église, le couronna du diadème impérial le distinguant seul de tous les autres pour tenir le sceptre de l'empire romain. Obéissant selon notre devoir à ses saintes instructions, nous avons tous donné notre consentement et avons confirmé ce qu’il avait confirmé lui-même.

CHAP. II. Comme Monseigneur Jean l’a consacré — avec l'accord, le consentement et la participation de monseigneur le très glorieux Charles, empereur, toujours auguste, Ansegise le vénérable évêque métropolitain de Sens, tiendra son rôle et il lui a conféré le titre de primat des Gaules et de Germanie en convoquant au synode, afin de prendre une décision canonique si quelque nécessités survenaient, en portant à sa connaissance les cas les plus graves ; nous aussi à l'unanimité, lui avons décerné le titre de primat des Gaules et de Germanie, et l’avons consacré, ainsi que ses successeurs dans la même cité.

En l’an 878, Jean (VIII), pape de Rome, venant en Gaule, d’abord par Arles en bateau, se rendit dans la ville de Troyes, en passant par Lyon et par d'autres villes puis, après s'y être entretenu avec Louis fils de Charles, regagna par terre l'Italie.

En l’an 879, mort de Louis (II le Germanique) roi de Bourgogne, frère de Charles.[7]

En l’an 883, mort du vénérable Ansegise archevêque de Sens, inhumé dans le monastère de saint Pierre. C'est lui qui fit transporter les corps des saints évêques et confesseurs Léon, Ursicin, Ambrosius et Agricius vers le monastère St Pierre (le Vif) et rapporta avec lui de Rome, enfermés dans une boîte plombée, le chef de saint Grégoire, docteur de l'Église, ainsi que le bras de saint Léon, docteur ; il les déposa dans ce même monastère pour les conserver. A cette époque les corps des saint martyrs Sanctien et Augustin, furent ramenés d'une villa nommée Sanceia[8] ainsi que ceux d’Eodald du presbytère dans le même monastère (8e jour des calendes de juillet). En outre, monseigneur Anségise, après avoir obtenu le vicariat de toute la Gaule, son extrême modération lui valant d'être appelé le “second pape”, expulsa, pour un motif certain,[9] les Juifs et les moniales [10] de la ville de Sens et pour qu’ils n’y reviennent pas y séjourner par la suite les menaça d’anthème.

En l’an 886, mort de Louis, fils de l’empereur Charles III.[11] Cette année, le 2e jour des calendes de décembre (30 novembre), les Normands remontèrent de Paris à Sens et, au mois de mai suivant repartirent en France, l'archevêque Evrard étant déjà défunt et Gautier ayant été élu à sa place. Ce dernier, la même année, sacra Eudes roi. C'est lui qui attribua aux moines de Saint-Pierre un privilège pour l'élection de leur abbé.

En l’an 896, Richard le Justicier, duc de Bourgogne, très désireux de la possession de Sens ; prend la ville le 8 juin 896 malgré la résistance de l’archevêque Gauthier et du comte Garnier.

En l’an 898, mort de Eudes ; Charles III le Simple devient roi de France

En l’an 922, le prince Robert est sacré roi et cette année, le 17e des calendes de juillet (15 juin), eut lieu une bataille[12] entre Charles et Robert, où Robert fut tué. Charles revenait d’un combat victorieux, quand vint au-devant de lui Herbert,[13] le plus méchant de tous les méchants, le pire des infidèles qui, sous la simulation d'une feinte paix, le poussa à accepter l'hospitalité au château de Péronne et l’y retint par trahison. Charles ayant été destitué en l'an 923, on éleva au pouvoir royal Raoul,[14] noble fils de Richard, prince de Bourgogne, avec l'accord de Hugues le Grand, duc des Francs. A la mort de Raoul, en l'an 936, le duc Hugues, avec les Francs, fit revenir Louis fils de Charles, et après avoir prêté serment à sa mère Otgive le rétablit sur le trône.

En l’an 954, mort du roi Louis;[15] son fils Lothaire lui succède.

En l’an 956, mort d’Hugues le Grand. Son fils Hugues (Capet) hérite du duché. Et mort de Gilbert comte de Bourgogne (8 avril); son fils Hugues reçut son duché. Othon, frère du duc Hugues, reçut ses « honneurs » avec sa fille, appelée Leudegarde, qui le fit cocu plus tard avec Raoul de Dijon. Une autre fille du nom de Werra épousa Robert comte de Troyes. Othon étant mort sans enfant (le 23 février), laissa le duché de Bourgogne à son frère Henri

En l’an 986, mort du roi Lothaire (2 mars) qui avait confié son fils Louis au duc Hugues

En l’an 987, mort du roi Louis “qui n’a rien fait”,[16] qui avait légué son royaume au duc Hugues (Capet), élu cette année-là roi par les Francs. La même année son fils Robert le très pieux est sacré roi. Ainsi s’achève le règne des Carolingiens.

En l’an 998, mort du roi Hugues;[17] règne de son fils Robert le Pieux.

En l’an 999, mourut l'archevêque Séguin, qui restaura en son état premier les bâtiments endommagés du monastère de Saint-Pierre que son prédécesseur l'archevêque Anastase avait commencé à relever. Là il nomma Rainard abbé sous la discipline monastique ; son corps est enseveli dans le monastère. Dans un voyage qu'il fit à Rome, le métropolitain de Sens reçut des mains du pape Jean le pallium archiépiscopal dont ses prédécesseurs étaient détenteurs et lui conféra également la dignité de primat des Gaules. C'est lui encore qui releva depuis ses fondations le monastère de Saint Pierre de Melun et, y ayant envoyé des moines, plaça à leur tête l'abbé Gautier. Il fit reconstruire l’église cathédrale de Saint Etienne, détruite par un incendie, à partir des architraves, l’acheva complètement, la fit décorer avec des ornements et des statues ecclésiastiques et procéda à sa dédicace en très grande pompe en compagnie des évêques Milon de Troyes, Herbert d’Auxerre ainsi que Roclène de Nevers. Le même jour, il attribua trois églises, par privilèges, pour le revenu des clercs assurant le service de Dieu. Ayant obtenu de l'abbé Renard et des frères du monastère de Saint-Pierre, grâce à de nombreuses prières, le bras du pape saint Léon et les doigts de saint Ebbon, il les orna d'or et de gemmes et en fit présent à cette maison de Dieu. Réciproquement et pour le salut de son âme, portant sur l'église de Saint-Savinien qui est distante de trente pas de la crypte du monastère et de l’église de saint Sanctien qui est dans la villa Sanceias et de l’église de saint Pierre dans la villa appelée Auxon,[18] et sur l'église de Saint-Loup dans la villa de Naud, avec le consentement et l'accord du pape de Rome et celui de ses co-évêques, il concéda en faveur de Saint-Pierre et de ses moines des privilèges perpétuels. Il décréta aussi que l'abbé de Saint-Pierre siégerait le premier après les évêques dans les assemblées d’abbés et de clercs et qu'il occuperait la première place parmi les autres abbés du diocèse; qu'il se montre donc digne d'un tel honneur! Il construisit aussi un devant d’autel d’or pour l’autel de saint Etienne, ultérieurement, servit à construire une tour devant la cathédrale.

En l’an 1002, mourut sans enfants le duc Henri (oncle du roi Robert).

En l’an 1003, le roi Robert vint devant Auxerre et ravagea la Bougogne.

En l’an 1015, prise de Sens par les troupes du roi Robert (le Pieux) et mort de l’abbé Rainard du monastère de St Pierre. C'est lui qui rénova à partir des fondations le monastère et reconstruisit entièrement le cloître et ses dépendances, il fit construire aussi un devant d'autel d’or et d’argent, fit fabriquer un crucifix d'or avec des pierres précieuses. Il enrichit son monastère de statues, de manuscrits, de tapisseries, de vases sacrés et autres ornements ecclésiastiques. De plus instruisant les moines conformément à la règle, il leur enseigna les arts libéraux.[19]

En l’an 1023, le moine Odorannus, après qu’il fît le crucifix et le puits du monastère, supporta le guet-apens que ses péchés lui avaient mérité, d’où il ne sauva sa vie que par un miracle de la bonté divine. Il séjourna pendant assez longtemps à saint Denys où on lui rendit avec beaucoup d’égard ses propres fonctions.

En l’an 1031, mourut le roi Robert le Pieux, qui pria humblement les saints de Dieu, fut bienveillant, dévot et ayant beaucoup d’affection pour la religion. Après avoir fait exécuter diverses restaurations à des églises et également fait orner les tombeaux des saints, il décora d'or, de gemmes et d’argent le corps de saint Savinien. Quant à la manière dont ce fut accompli, il y a peu à dire.

Il arriva que pendant un temps où le roi Robert allait à Rome, la reine Constance demeura au château de Theil avec son fils Hugues encore enfant. Dès que cela vint à la connaissance de la reine Berthe, sa première femme, dont le divorce avait été prononcé depuis longtemps pour cause de parenté, elle se mit en route pour rejoindre le roi, espérant, qu’à l’.aide de certains personnages puissants, elle rentrerait en faveur auprès de lui et ferait rapporter par le Saint-Père la sentence de divorce. C’est pourquoi la reine Constance, craignant d’être arrachée des bras du roi, était en proie à une indicible tristesse. Une nuit, pendant que ces pensées tumultueuses l’agitaient durant son sommeil, elle vit dans une lumière éclatante un personnage semblable à un ange, en habit sacerdotal, tenant en main le bâton pastoral. Et, comme effrayée elle lui demandait qui il était, il répondit qu’il était évêque et qu’il s’appelait Savinien. Et il ajouta : Constance, soyez constante, car, par la grâce de Dieu, vous êtes délivrée d’une imminente affliction. Mais elle, toujours effrayée d’une si éclatante vision, demanda dès le matin aux clercs qui se trouvaient près d’elle si dans cette contrée il y avait un évêque qui s’appelât Savinien. Ceux-ci avouant n’en rien savoir, un d’eux nommé Théodoric, qui avait été moine dans le monastère de Saint-Pierre, et qui devait plus tard devenir évêque d’Orléans, répondit : Il y a, Madame, dans le monastère de Saint-Pierre, Savinien, premier apôtre du Sénonais, qui fut martyrisé avec ses compagnons et arriva ainsi à la gloire du royaume céleste. Si vous allez dévotement trouver ce saint martyr, vous connaîtrez immédiatement si vous devez obtenir ce qu’il vous a promis. La reine accueillant ce conseil avec empressement, alla bien vite à Saint-Pierre (le Vif) et, fondant en larmes devant le corps du saint martyr, elle sentit sa confiance se raffermir et revint dans une joyeuse assurance de son pèlerinage. Il ne s’était pas écoulé trois jours, quand tout-à-coup au milieu de la nuit arriva un messager du roi, annonçant son prochain retour auprès d’elle. Et de fait, pour que la promesse du saint martyr se réalisât, le roi témoigna à sa femme plus de tendresse que jamais et lui accorda dorénavant la libre disposition de tous ses droits de maître et de roi. La reine, qui n’avait pas oublié la promesse du saint, songea dès ce moment à orner d’or et de pierres précieuses ses restes, qui jusque là avaient reposé au sein de la terre dans un cercueil de plomb. Elle fit part au roi de son vœu et, avec l’aide de Dieu, elle le disposa à tout faire pour l’accomplir. C’est alors qu’il manda auprès de lui Odorannus, moine de ce monastère, qui était connu par son talent dans ces sortes d’ouvrages et, d’accord avec la reine, il lui confia l’exécution de cette œuvre de piété. Ils font remettre alors à Odorannus par le prévôt Gaudry : 4 livres d'argent fin puis, par les mains du chambrier Guillaume, cinquante-cinq sous d'argent fin. Ensuite ils envoyèrent par l'intermédiaire d'Eudes Parage trente-sept sous d’argent fin. Odorannus se rend à Paris et par l'intermédiaire du moine Odorannus, dix-sept sous et huit deniers d'or et des pierres très précieuses Ceci fait/achevé, il nous reste à dévoiler aux fidèles du Christ les miracles de Dieu que lors de la fabrication de cet ouvrage, nous avons vu de nos yeux et en partie touchés de nos mains. Ce serait un crime de les passer sous silence.

Le roi, occupé de divers soucis du siècle, interrompit quelque peu l’envoi au monastère de sommes d’argent pour nos œuvres. Une fois sa tranquillité d'esprit revenue, il fit dire par Francolin au susdit frère (Odorannus) qu’il vint au plus vite à Dreux pour y recevoir son offrande pour le travail. Après le synaxe[20] du soir et après avoir reçu, suivant la coutume monastique, la bénédiction de l'abbé, Odorannus se mit en route pour gagner les hauteurs du château de Dreux. Arrivant un soir au port de Sainte-Colombe il traversa l'Yonne avec les siens et, comme il s'était un peu attardé sur la rive, il vit parmi les étoiles illuminant la nuit se lever un astre à l'endroit où, pendant la saison d’été, le soleil marque la première heure du jour. Cet astre s'élevant au-dessus du lieu d'où il avait surgi se mit à se mouvoir avec rapidité dans le ciel, monta au zénith presque jusqu'au point où, en cette saison, le soleil se trouve à la sixième heure Le serviteur qui avait préparé le cheval qu'il devait chevaucher, invita à le monter parce que la nuit tombait. « Attends un peu, dit-il, et regarde avec ton compagnon des merveilles de Dieu que je n’avais jamais vu jusqu’alors. » Les serviteurs, stupéfaits de ce miracle, ignorants de ce qu'il présageait, se réconfortèrent par le signe de croix, se confièrent de tout cœur à Dieu et à saint Savinien. Quant à l’astre, il resta un certain temps au même endroit; et revint en une heure à son point de départ. Le contemplant presque jusqu'à la troisième veille de la nuit, ils le virent faire sa course habituelle parmi les autres astres, poussant des cris de joie et réunis entre eux pour le montrer. Cela émut leurs âmes, ils poursuivirent leur entreprise de voyage d’un pas heureux, et c’est seulement après avoir réalisé leurs voeux qu’ils revinrent excités. Aussi, se consacrant plus entièrement aux fatigues du voyage, ils traversèrent la « sale Beauce » et arrivèrent au palais du roi. Après avoir salué le roi et la reine, les présages fournis par l'astre allaient apparaître entièrement vrais, car la reine dit au moine : Prends les offrandes que nous avons décidé de remettre tout de suite, selon nos possibilités, à saint Savinien et hâte-toi de t'en retourner, car nous devons nous-mêmes partir ailleurs de très bon matin. Et, lui tendant sur le champ treize sous d'or pesés à la monnaie publique d'Orléans, elle ajouta : « Si cette pesée que j'ai fait faire ne te contente pas, fais en faire une nouvelle de tes propres yeux qui fasse foi. Par le peseur, on ne put trouver rien d'autre que ce que la reine avait fixé. Aussi le moine retourna au monastère pour exaucer ses vœux, après avoir salué l'abbé et les frères de la part du roi et de la reine, il sortit de son sac l'offrande en or fauve envoyée à saint Savinien. Revenu à son monastère, en compagnie de Francolin, portier, et de Raimbert, cellérier du roi trutina urgente inventum l'aiguille de la balance trouva sept deniers de plus. Ainsi, le frère qui avait apporté l'or, stupéfait, et les autres, admiratifs, tinrent pour sûr que Celui qui, en modifiant le trajet d’une étoile, avait daigné faire un miracle et qui avait créé l'univers à partir de rien, renouvelant en faveur de la châsse du saint martyr les miracles anciens, avait permis, qu'à cause des mérites du martyr de la foi, l'or jaunâtre s'accrût dans le petit sac d'un chiffre correspondant aux sept dons de l'Esprit Saint. Et Celui qui, pour racheter les fils de la veuve, fit, à la prière d'Elisée, augmenter le volume de l'huile, a fait d'un tout petit tas d'or offert par la dévotion du roi et de la reine un tas beaucoup plus grand. Et Dieu, père du Christ, a dit par son prophète : « C’est à moi qu'appartient l'or et l'argent », tout ce qu'il confère à ses membres, c’est-à-dire aux saint martyrs, n’est pas à un autre. Plus tard le roi fit remettre à Odorannus moine de Sens huit onces d'or et quinze sous d'argent pur. Pour l'achèvement de cet ouvrage, afin de point être trop à la charge du roi par des demandes d'or et d'argent répétées, on ajouta sur le trésor de l'abbaye : 5 onces d'or et 3 livres d'argent.

J’ai ainsi décrit la magnificence d'un ouvrage tout à fait digne de Dieu ; on ajoutera à sa valeur en retraçant d'un trait de plume d’oie le miracle que la toute-puissance de Dieu daigna, sous nos yeux accomplir lors de la translation du saint martyr. Le jour de fête approchait pour la fêtes souhaitée; il devait donner lieu au transfert fait par les anciens Pères en la basilique de Saint-Pierre, du corps vénérable du martyr avec ceux de ses compagnons; le roi, après être resté quelque temps à Sens, se disposait à rentrer à Paris. D’où faisant venir l'archevêque Léotheric, il lui demanda humblement de se rendre au monastère et de transférer le corps du saint martyr du cercueil de plomb où il avait été enfermé par les anciens pères dans la châsse d'or qu'il lui avait préparée. Le vendredi précédant le dimanche où devait avoir lieu les festivités, il vint au monastère et, avec la plus grande dévotion, il accomplit, avec les frères, les demandes du roi; il déposa le corps de saint Eodald, qu'il avait trouvé avec celui de saint Savinien, et les ossements d'un petit enfant inhumé avec lui puis, après avoir célébré une messe solennelle, il s'en alla manger. Quant au frère, au jugement et à la prévoyance de qui on s'en était remis pour la conception de la totalité de l'œuvre, il était resté dans le chœur du monastère et remplissait avec de la cire amollie par la chaleur les figurines d'argent qu'il s'apprêtait à placer sur le couvercle de la châsse. Arriva alors à l'improviste, sous la conduite d'un tout petit enfant, un aveugle qui demanda à être introduit dans la crypte où reposait le corps de saint Savinien. Comme le moine lui demandait qui il était, d'où il venait et pourquoi il était venu, il répondit qu'il était un paysan habitant dans le Gâtinais une villa appelée Fontenotte.[21] Il assura avoir été témoin de la guérison d'un aveugle nommé Mainard, qui recouvra la vue par l'entremise de S. Savinien (en effet il avait perdu l'usage de ses yeux depuis trois années). Introduit donc près du saint, il pria longtemps mais, ce jour-là, n'obtint pas la lumière en retour. Il retourna cependant chez lui, débordant, disait-il, d'un parfum d'une suavité extrême. Le dimanche suivant, le roi est là, avec ses évêques et ses grands, les abbés, les clercs et une foule innombrable, pour le transfert du corps du saint martyr. Le roi lui-même, aidé de son fils Robert, prit le corps sur ses propres épaules, le déposa de ses mains là où il est actuellement exposé à la vénération des fidèles. L'office solennel terminé, le roi étant à table et les moines mangeant également, le moine dont nous avons souvent parlé était assis au même endroit où l'aveugle l'avait trouvé assis l'avant-veille. Ce dernier survint alors, à l'appel de Dieu, et conduit par l'enfant, dit que de nouveau, il avait été averti en songe de demander avec instance l'aide de saint Savinien. Et se prosternant jusqu’au sol devant le saint, par son intercession, il recouvra la vue. Et lui qui jusqu'alors marchait guidé par un tout petit enfant, reconduisit cet enfant. Le roi se levant de table pour aller prier comme c’était la coutume, se trouvait seul dans l’église. Il arriva alors qu’Odorannus y entra. Le roi l’apercevant lui fit doucement signe d’approcher et lui dit : Contez-moi donc ce que fut saint Potentien à saint Savinien. Le moine lui répondit humblement que c’était le compagnon de ses voyages et de ses travaux, son successeur dans sa dignité et son collègue dans le martyre. Alors le roi se mit à gémir fortement et à se frapper de ses poings la poitrine de ce qu’il avait séparé ces deux corps, et, en promettant de les réunir l’un à l’autre, il remit au moine trente-trois sous de pur argent, pour qu’il commençât la châsse de saint Potentien. Mais au moment où l’on allait se mettre à l’œuvre, il fut appelé par l’ordre de Dieu et lui rendit la dette de notre père Adam.

Prends pitié de lui, Dieu de clémence, de miséricorde et de bonté,

Et joins-le à tes saints, Dieu tout-puissant

O Pierre, souviens-toi toujours de ton serviteur Odorannus.

O puissant Savinien, regarde avec clémence Odorannus

En l’an 1032, mort de l'archevêque Léothéric. C'est lui qui fit don à Saint-Pierre de la ville appelée Arces, avec deux églises, celle de Saint-Michel et celle de Notre-Dame et Saint-Ebbon, avec leurs appartenances et de la terre de Theil dont le revenu est de deux sous Il obtint à Rome des mains du pape Gerbert, qu'on appelle Silvestre, recavnt le pallium archiépiscopal de Rome, reçut également la dignité de primat de la Gaule. A cette époque, le corps de sainte Béate sœur de saint Sanctien, transféré sans grand soin et en cachette par le chanoine Herbert, fut réuni au corps de son frère avec un peu plus d'honneur par le moine Odorannus qui orna l'extrémité de leur reliquaire avec l'or et l'argent qu'il se procura, si je puis le dire, par ses propres soins. Si, dans ce présent chapitre, dit-il, en terminant sa chronique, tu ne trouves pas, studieux lecteur, comment et par qui le corps de saint Sérotin, disciple de saint Savinien, a été apporté dans le monastère de Saint-Pierre, n'en accuse pas notre négligence, mais plutôt notre ignorance. Toutefois, nous savons, de source certaine, que la basilique, dans laquelle il a d'abord reposé, a été renversée et détruite par les Normands; mais son corps, transféré dans le monastère de Saint-Pierre, y repose en paix, brille par des miracles et obtient, pour ceux qui viennent l'implorer, les biens qui leur sont nécessaires.

 


 

Anno ab Incarnatione Domini 675 obiit sanctus Emmo Senonensis archiepiscopus. Hic privilegium libertatis una cum provincialibus episcopis monachis sancti Petri fecit synodaliter temporibus Chlotarii regis et Baltechildae matris ejus.

Anno 688 Pippinus Auster major domus regiae principatum Francorum suscepit. Hujus temporibus sanctus Vulfrannus Senonum archioraesul Fresiam praedicare coepit.

Anno 712 obiit Pippinus senior; et filius ejus, qui dicitur Carolus Martellus, principatum usurpavit.

Anno 721 obiit Beda presbyter, historiographus Anglorum.

Anno 741 migravit ad Dominum S. Vulfrannus, et Carolus princeps obiit; quo mortuo Carlomannus et Pippinus filii ejus principatum suscipiunt.

Anno 750 Pippinus statura pusillus electus est in regem, et Childericus, qui de stirpe regis Chlodovei remanserat, tonsoratus. Hic deficit regnum Chlodovei. His temporibus migravit ad Dominum sanctissimus Ebbo Senonum archiepiscopus, et sepultus est in monasterio sancti Petri apostoli, ubi usque in praesentem diem gloriosis miraculis fulget.

Anno 764 Pippinus rex moritur, et filii ejus Carolus, qui dicitur imperator Magnus, et Carlomannus, eliguntur in regno.

Anno 767 Carlomannus obiit.

Anno 804 obiit Alcuinus philosophus, abbas sancti Martini. Alcuinus et Carolus disputaverunt de philosophia, qui liber exstat.

Anno 814 obiit Carolus imperator Magnus; et Ludovicus filius ejus, qui Pius dicitur, regnum Francorum et imperium Romanorum suscepit.

Anno 828 obiit Hieremias Senonum archiepiscopus. Hic praecepta imperialia sanctae matris Ecclesiae Senonum et monasteriis et cellis ad se pertinentibus obtinuit, ad munimen et defensionem contra omnes judiciarias potestates.

Anno 833 Hludovicus Pius regnum amisit, et Lotharius filius ejus usurpavit, eodemque anno Hludovicus recepit.

Anno 840 obiit Hludovicus Pius imperator.

Anno 841 actum est bellum inter Carolum regem, qui dicitur Calvus, et Lotharium, et Ludovicum et Pippinum apud Fontanetum.

Anno 847 translata sunt sanctorum martyrum corpora, Saviniani, Potentiani, Altini, atque Eodaldi, in basilica S. Petri a Wenilone archiepiscopo, VIII Kal. Septemb.

Anno 865 obiit Wenilo archiepiscopus Senonum, qui Ludovicum fratrem Caroli unxit in regem in Burgundia. Huic successit Egil abba.

Anno 870 obiit domnus Egil archiepiscopus, qui privilegium sancto Petro fecit de altare Alsonis villae. Hic Lothario juniore concedente, et Trejectensium episcopo jubente, ex ipsius dioecesi, et monasterio quod dicitur Promia, assumptus, a Carolo rege in monasterio Flaviniensi abba est constitus. Postea Senonum archiepiscopus ob sui merita factus, quiescit in monasterio S. Petri. Quo mortuo, Ansegisus venerabilis episcopatum suscepit. Hic Carolum Calvum unxit in regem.

Anno 874 Carolus imperator tertius, qui dicitur Calvus, filius Hludovici Pii, cum secunda profectione Romam peteret, III Kal. Octob., in ipso itinere obiit, et Hludovicus filius ejus regnum suscepit. Hujus Caroli temporibus facta sunt Capitula in Pontigone a Leone apocrisiario.

Sancta synodus, quae in nomine Domini, vocatione domni Joannis ter beatissimi universalis papae, et jussione domini Caroli perpetui Augusti congregata est in loco qui vocatur Pontigonis, anno incarnationis Dominicae 876, indictione IX, regni praefati invictissimi imperatoris XXXVII, imperii autem primo, XIII Kal. August., haec capitula quae subtus annexa sunt instituit:

CAP. I. Obeunte Hludovico, qui Romani imperii jura regebat, domnus Joannes ter beatissimus papa per Jadericum Veliternensem, Formosum Portuensem, Joannem Arelatinum, necnon per Ansegisum Senonensem, venerabiles episcopos, domnum Carolum tunc regem ad limina SS. apostolorum invitavit, eumque Ecclesiae ipsius defensorem auctoremque elegit, imperialique diademate coronavit, eumque prae cunctis solum specialiter eligens, qui Romani imperii sceptra teneret. Cujus sacris institutionibus pro debito parentes, quod ipse confirmavit, pari consensu omnes confirmavimus.

CAP. II. Sicut domnus Joannes papa sanxit, commonente et consentiente, ac condecernente domno ac gloriosissimo Carolo imperatore semper Augusto, Ansegisum venerabilem episcopum Senonum suam vicem tenere, et primatum ei Galliae et Germaniae contulit, in evocanda synodo, et definiendo canonice, si quaelibet insurrexerint necessaria, et ut graviora quaelibet ad ipsius notitiam referat; et nos unanimiter omni devotione laudamus, et ut ita ipse primatum teneat Galliae et Germaniae decernimus, et sancimus, cunctique successores ejus in propria urbe.

Anno 878 Joannes papa Romanus ad Gallias veniens, primo Arelatum navigio advectus, per Lugdunum, aliasque civitates usque ad Trecassinensem urbem accessit, ibique cum Hludovico filio Caroli collocutus ad Italiam repedavit.

Anno 879 obiit Ludovicus rex Burgundionum, frater Caroli.

Anno 883 obiit Ansegisus venerabilis Senonum archiepiscopus, et sepultus est in monasterio S. Petri. Hic corpora SS. praesulum et confessorum Leonis, Ursicini, Ambrosii, atque Agricii in monasterio S. Petri transtulit, et ab urbe Roma caput S. Gregorii doctoris plumbo inclusum, cum brachio S. Leonis doctoris deferens, in eodem monasterio conservandum reposuit. Hujus temporibus corpora SS. martyrum Sanctiani atque Augustini de villa quae dicitur Sancceias a fratribus jam dicti loci, et presbytero ejusdem nomine Eodaldo translata sunt in eodem monasterio VIII Kal. Jul. Praeterea domnus Ansegisus, postquam primatum totius Galliae obtinuit, et superna moderatione secundus papa appellari meruit, Judaeos certa de causa, et moniales ab urbe Senonica expulit, et ne ulterius in ea habitaculum manendi haberent sub anathematis jugulo interdixit.

Anno 886 obiit Hludovicus, filius Caroli III imperatoris. Hoc anno, II Kal. Decembr., ascenderunt Normanni a Parisius Senonis. Et sequenti mense Maio redierunt in Franciam, jam defuncto Ewrardo archiepiscopo, et ordinato Walterio in loco ejus. Qui eodem anno unxit Odonem in regem. Hic privilegium monachis S. Petri fecit de abbatis electione.

Anno 896 Richardus princeps Burgundiae recepit Senonas contra Walterium archiepiscopum et Warnerium comitem.

Anno 898 obiit Odo rex, et Carolus Simplex regnum accepit.

Anno 922 Robertus princeps unctus est in regem, et eo anno XVII Kal. Jul. factum est bellum inter Carolum et Robertum, ubi interfectus est Robertus. Carolo vero a caede belli victore revertente, occurrit illi Heribertus, infidelium nequissimus, et sub fictae pacis simulatione in castro quod Parrona dicitur, ut hospitandi gratia diverteret, compulit, et sic eum dolo captum retinuit. Illic positus Carolus, anno 923 Rodulphum nobilem filium Richardi principis Burgundionum, una cum consilio Hugonis Magni Francorum ducis, et procerum Francorum, in regnum sublimavit. Quo mortuo anno 935 accersiens una cum Francis Hugo dux Hludovicum filium jam dicti Caroli, datis sacramentis Otgivae matri ejus, in regno constituit.

Anno 954 obiit Hludovicus rex, et Lotharius filius ejus regnum suscepit.

Anno 956 obiit Hugo dux Magnus, et filius ejus Hugo ducatum suscepit. Et Gislebertus comes Burgundionum obiit, et honorem ejus cum filia nomine Leudegarde, ex qua postea a Radulpho Divionensi pipicus factus est, Otho frater Hugonis ducis recepit. Aliam vero filiam nomine Werram duxit in matrimonium Robertus comes Trecasinorum. Mortuo vero Othone, Ainricus frater ejus ducatum suscepit Burgundiae.

Anno 986 obiit Lotharius rex, commisso filio suo Hludovico juvene Hugoni duci, una cum regno.

Anno 987 obiit Hludovicus rex juvenis, qui nihil fecit, donato regno Hugoni duci, qui eodem anno rex factus est a Francis. Et eodem anno Robertus filius ejus regum piissimus rex ordinatus est. Hic deficit regnum Caroli Magni.

Anno 998 obiit Hugo rex, filio suo Roberto regnante.

Anno 999 obiit Sewinus archiepiscopus, qui jacturam monasterii sancti Petri, quam Anastasius archiepiscopus antecessor ejus relevare coeperat, in pristinum restituit statum: ibique sub districtione regulari ordinavit abbatem Rainardum, cujus etiam corpus in eodem monasterio est sepultum. Hic ab urbe Roma per manum Joannis papae archiepiscopale pallium, quo antecessores ejus infulati sunt, et primatum Galliae suscepit. Hic etiam monasterium sancti Petri Milidunensis ab imo relevavit, et monachos in illo mittens, abbatem Walterium eis praefecit. Hic matrem ecclesiam S. Stephani, quae igne cremata fuerat, ab epistiliis erigens, et ex integro perficiens, signis et ornamentis ecclesiasticis decoravit, et adjunctis sibi Milone episcopo Trecassensium et Eriberto Antissiodorensium, Rocleno quoque Nivernensium, cum maximo honore dedicavit. Eadem quoque die ad stipendia clericorum ibidem Deo famulantium tria altaria sub privilegii testamento delegavit. Deinde brachium sancti Leonis papae cum digitis sancti Ebonis ab abbate Rainardo et a fratribus monasterii S. Petri multa prece obtinens, auro et gemmis ornavit, et eidem casae Dei contulit. Pro quibus mutua vicissitudine et pro remedio animae suae, de altario S. Saviniani, quod XXX passus a crypta monasterii abest, et de altario S. Sanctiani, quod est in villa Sanceias, et de altario S. Petri, quod est in villa quae Alsonus vocatur, et de altario S. Lupi, quod est in villa quae Naudus dicitur, perpetua privilegia una cum consensu et voluntate papae Romani et coepiscoporum suorum, sancto Petro ejusque monachis fecit. Decrevit etiam ut abba ejusdem monasterii in conventu abbatum vel clericorum post episcopum primus sedeat, et inter caeteros ejusdem episcopatus abbates primatum teneat; ipse autem talem se exhibeat, ut dignus sit tali honore. Tabulam quoque ex auro et argento ante altare sancti Stephani construxit, de qua postmodum ante monasterium facta est turris.

Anno 1002 obiit Ainricus, dux Burgundiae.

Anno 1003 obsedit Robertus rex Antissiodorum, et vastavit Burgundiam.

Anno 1015 recepit Robertus rex civitatem Senonum, et Rainardus abba monasterii S. Petri obiit. Hic monasterium S. Petri ab imo renovavit, et claustra monasterii cum domibus ad se pertinentibus ex toto reaedificavit. Tabulam etiam auream et argenteam ante altare construxit, crucem auream cum gemmis fabricavit, signis, codicibus, palliis, sacris vasis, et reliquis ornamentis ecclesiasticis idem monasterium ditavit. Insuper et regulari tramite monachos instruens, liberalibus disciplinis edocuit.

Anno 1023 Odorannus monachus, postquam crucifixum et puteum monasterii fecit, peccatis suis promerentibus insidias a falsis fratribus perpessus, Deo propitio vix mortem evasit. Qui apud S. Dionysium aliquantisper commoratus, cum maximo honore propriis sedibus est redditus.

Anno 1031 obiit Rotbertus rex pius, qui fuit erga sanctos Dei supplex, benevolus et devotus, et totius religionis amator egregius. Hic peractis diversis restaurationibus ecclesiarum, necnon ornamentis sanctorum corporum, sanctum corpus sancti Saviniani auro et gemmis argentoque ornavit. Quod qualiter actum sit, paucis est disserendum:

Factum est, dum quodam tempore Rotbertus rex Romam peteret, ut Constantia regina una cum Hugone filio parvulo Tillo remaneret. Quod ut Berta regina, dudum causa consanguinitatis a rege repudiata, comperit, prosecuta est eum, sperans se, faventibus ad hoc quibusdam aul cis, decreto apostolico restituturam toro regio. Unde Constantia regina, timens se amoveri a regio latere, inenarrabili detinebatur moerore. Quae dum nocte quadam ob hoc nimiis cogitationum tumultibus pulsata obdormiret, apparuit ei per visum inenarrabili claritate circumdatus vir quidam angelicis decoratus canis, in sacerdotali habitu virgam pastoralem gestans manu. Quem nimio terrore perterrita dum requireret quisnam esset, innotuit se esse episcopum, et appellari Savinianum. Qui et dixit: « Constans esto, Constantia, quia Deo propitio liberata es ab imminenti tristitia. » Illa vero de tam praeclara visione perterrita, facto mane, coepit a circumstantibus clericis sollicite perquirere si illis in regionibus haberetur episcopus qui Savinianus diceretur. Quibus ignorantiam suam profitentibus, unus ex eis, qui in monasterio S. Petri fuerat nutritus, redeunte rege Aurelianorum futurus episcopus, nomine Theodericus, respondit pro omnibus: « Est, domina, in monasterio S. Petri Savinianus, primus Senonum archiepiscopus, qui per martyrii triumphum una cum sociis pervenit ad coelestis regni bravium. Si hujus martyris devote adieris praesentiam, id quod promisit, absque dilatione noveris te consecuturam. » At illa de tanti viri consilio gaudens effecta, citissime una cum filio expetiit sancti Petri limina, et diutissime lacrymas fundens ante corpus beati martyris, totisque viribus se committens ejus fidei, gaudens remeavit ad propria de visitatione tanti patroni confortata. Nondum transierat dies tertia, cum subito adest intempesta nocte legatus regis ante januam, nuntians in proximo adfuturam ejus praesentiam. Qui Deo ducente propriis sedibus restitutus, ut verissima approbaretur promissio martyris, deinceps propriam conjugem magis quam eatenus dilexit, et sub ejus nutu omnia jura regalia, et quaecunque possidere videbatur, manere disposuit. Sed illa minime oblita promissionis sancti, satagere coepit qualiter exornaretur corpus ejus gemmis et auro, quod diu inclusum plumbo ab antiquis Patribus absconditum fuerat sub arvo. Et regi suggerens sua vota, Deo auxiliante, ad ea implenda paratum illum invenit per omnia. Qui accersiens Odorannum ejusdem loci monachum, qui ad hoc opus perficiendum videbatur idoneus, commisit una cum regina ejus fidei tantae pietatis opus. Dederunt igitur Senonis in primis per manum Waldrici praepositi argenti meri libras IV. Deinde Senonis per manum Willelmi cubicularii argenti meri solidos LV. Postea miserunt per manum Odonis paratgii argenti meri solidos XXXVII. Miserunt etiam a Parisiis per manum Odoranni monachi auri solidos XVII et denarios VIII et gemmas pretiosissimas. His ita patratis, restat ut mirabilia Dei, quae in fabricis hujus operis oculis nostris vidimus, et ex parte manibus contrectavimus, Christi fidelibus intimemus. Quae silentio tegere, crimen est admittere.

Igitur occupatus rex variis saeculi curis intermisit aliquantulum, ad monasterium mittere sumptas coepti operis. Tranquillitate vero percepta, mandavit per Francolinum jam dicto fratri, ut concito gradu veniret Druis ad suscipiendum munus operis. At ille vespertina synaxi expleta, et ut mos est monachis percepta benedictione abbatis, ire perrexit ad cacumina Druensis castri. Veniens vero post solis occasum ad sanctae Columbae portum, transfretavit cum suis Icaunam fluvium. Cumque paululum substitisset in littore, inter caeteras stellas quibus nox illustrabatur, vidit quoddam sidus exsurgere, eo quo aestivo tempore solet horam diei primam sol demonstrare. Quod exsiliens de sui ortus loco virtute divina coepit ferri velociter per aera, petens coeli eminentiora loca, pene usque ad illud punctum quo ea tempestate solet fieri hora sexta. Quem cum famulus, equo praeparato cui insidere debebat, hortaretur, quia nox imminebat, ut ascenderet: « Sustine me paululum, inquit, et intuere cum tuo socio mirabilia Dei, quae hactenus non vidi. » Quo miraculo famuli attoniti, ignorantes quid praesagii praeferret signaculo crucis se muniunt, et Deo sanctoque Saviniano pavefacti toto corde se committunt. Stella vero in loco quo venerat paululum substitit, et retrogrado cursu ad locum unde venerat in unius horae spatio iterum rediit; quam pene usque ad tertiam vigiliam noctis contemplantes, eam inter caetera sidera implere cursum solitum viderunt ovantes, et inter se quid demonstraret conferentes. Quibus animo occurrit, quod coeptum iter prospero gressu peragerent, et demum voti compotes conciti ad domum redirent. Dantes praeterea sese maturius labori coepti itineris, per squalidam Belsam, eo surgente a mensa pervenerunt ad palatium regis. Praemissa vero salutatione regis et reginae, ut veracissima apparerent sideris praesagia: « Suscipiens, inquit monacho regina, quae sancto Saviniano pro posse disposuimus ad praesens mittere munera, festinus revertere ad propria, quia nos summo mane disposuimus abire alias. » Et statim proferens auri tredecim solidos ad publicam monetam Aurelianensem appensos: « Si tibi, inquit, non sufficit monetae ponderatio, praebeat fidem proprio oculo iterata propensio. » Quo ponderato, re nihil aliud quam quod regina praedixerat fuit invenire. Regressus itaque monachus voti compos ad monasterium, postquam regis ex parte et reginae dixit abbati et fratribus ave, protulit auri fulvi sancto Saviniano transmissum munus de cassilide. Appensum ergo palam omnibus, per manum Francolini ostiarii et Raimberti cellerarii regis, trutina urgente inventum est septem denarios plus habens. Unde stupefactus frater qui detulerat, et caeteri admirantes, cognoverunt pro certo quia qui sideris mutatione in eundo dignatus est ostendere miraculum, et qui ex nihilo fecit totum mundum, in sacculo fidei ob meritum martyris concessit exuberare fulvum, sub septiformis numero spiritus, aurum. Et qui ad redimendum filios viduae, Elisei intercessu fecit super excrescere oleum, exigui auri munusculum devotione regis et reginae fecit maximum. Et caput Christi Deus, qui per prophetam suum dixit: Argentum et aurum meum est, quidquid membris suis, id est sanctis martyribus, confert, alterius non est. Postea dedit rex per manum Odoranni monachi Senonis auri uncias VIII et argenti meri solidos XV. In perficiendo vero opere, ne fieret regi oneri frequens requisitio auri et argenti, additae sunt de thesauro Ecclesiae quinque unciae auri, et tres librae argenti meri.

Descripto itaque apparatu Deo dignissimi operis, operae pretium est exarari miraculum anserino vomere, quod Dei omnipotentia praesentibus nobis dignata est agere in sancti martyris translatione. Optata festivitatis ejus dies, qua ab antiquis Patribus ejus venerabile corpus una cum sociis in basilica sancti Petri translatum est, appropinquabat, et rex aliquantulum Senonis commoratus, redire disponebat Parisius. Unde evocans archiepiscopum Leothericum, humiliter postulavit ut monasterium adiret, et sancti martyris corpus de locello plumbeo, in quo ab antiquis Patribus positum fuerat, in aurea capsa, quam illi paraverat, transponeret. At ille sexta feria, cui succedente die Dominica futura praestolabatur festivitas, ad monasterium veniens summa cum veneratione, una cum fratribus monita regis implevit, corpusque S. Eodaldi, quod cum eo reperit, cum corpore S. Saviniani ponens, ossa pueri parvuli cum eo humati reposuit una, et expletis missarum solemniis edendum abiit. Fratre vero, sub cujus arbitrio et providentia totius operis fabrica constabat, in choro monasterii residente, et imagines argenteas, quas operculo capsae superponi disposuerat, cera molli refovente, supervenit ex improviso, duce puero parvulo, quidam caecus postulans se intromitti in crypta ubi S. Saviniani repositum erat corpus. Qui sciscitatus a monacho quis esset, et unde vel cujus rei gratia advenisset, professus est se esse rusticum, et in pago Wastinense, in villa quae Fontanas dicitur, habere habitaculum ad manendum, et proprio nomine vocari Mainardum; et admonitum nocte praeterita in somnis, ut ad S. Saviniani praesentiam veniret, et lumen oculorum ibi reciperet. Erat enim triennium ex quo lumen amiserat oculorum. Intromissus itaque ad sanctum diutius oravit, sed nihil luminis ipsa die percipere meruit. Nimio vero suavitatis odore, ut ipse dixit, repletus, ad propria est reversus. Adveniente igitur die Dominica, adest rex cum suis episcopis et proceribus, abbatibus quoque et clericis, necnon et populo innumerabili, ad transvehendum corpus sancti martyris. Quem suscipiens una cum filio suo Roberto, propriis scapulis reposuit cum manibus suis illo, ubi in praesenti veneratur a fidelibus populis. Peracto deinde solemni officio, et rege recumbente ad mensam, monachisque edentibus, sedebat ibi saepe factus monachus, ubi eum perendie sedentem supra scriptus invenerat caecus. Qui nutu Dei ducente se puero superveniens, dixit se iterum in somnis admonitum, ut quantocius repeteret S. Saviniani auxilium. Et projiciens se solo tenus ante praesentiam sancti, ejus suffragantibus meritis, visum recepit. Et qui eousque a parvulo puerulo ducebatur, eo ducente, puer ad domum revertitur. Rex vero surgens a mensa orationis causa, ut mos illi erat, solus remansit in ecclesia. Qui dum oraret, contigit ut saepedictus frater ecclesiam intraret. Quem aspiciens eminus, tranquilla manu innuit ut accederet propius. Cui: « Enarra mihi, inquit, S. Potentianus S. Saviniano quid fuerit. » At ille, quod socius ejus in itineris labore, et successor in honore, et collega martyrii fuerit, humiliter intulit. Tunc rex graviter coepit conqueri, et pugnis pectus tundere, eo quod eos ab invicem separasset corpore. Et promittens se eum socio redditurum, commisit eidem fratri triginta et tres solidos meri argenti, ut inde inciperet praeparare scrinium S. Potentiani. Sed dum ista agitabat agere, praeventus superna vocatione reddidit Deo debitum patris nostri Adae.

Cui miserere Deus, clemens, pius atque benignus.

Et sanctis junge, cunctipotens Domine.

Petre, memor famuli semper tu sis Odoranni.

Saviniane potens, Odorannum respice clemens.

Anno 1032 obiit Leothericus archiepiscopus. Hic dedit S. Petro villam quae Arcia dicitur, cum duabus ecclesiis, S. Michaelis scilicet et sanctae Mariae, sanctique Ebonis cum appendiciis suis. Et terram de Tillido, quae reddit solidos II de censu. Hic per manum Gerberti papae, qui et Sylvester dictus est, pallium archiepiscopale Romae suscipiens, primatum etiam Galliae per baculum ejus recepit. Hujus temporibus corpus sanctae Beatae sororis S. Sanuciani, quod cum eo minus studiose ab Heriberto canonico latenter fuerat transpositum, ab Odoranno monacho meliuscule cum ejus corpore est collecatum, et caput scrinii eorum auro et argento, quod ipse labore, ut ita dicam, proprio acquisivit, ornatum. Corpus S. Serotini, discipuli S. Saviniani, in praesenti capitulo qualiter vel a quibus in monasterio S. Petri sit delatum, cur minime scriptum sit, studiosus lector nequaquam reputet segnitiae nostrae, sed potius ignorantiae. Praeterea pro certo scimus quod basilica in qua primum jacuit a Nortmannis eversa et funditus sit deleta. Corpus vero ejus in monasterio S. Petri transpositum in pace requiescit, et fulgens miraculis pie petentibus apud Deum necessaria acquirit.

 

[1] ~975-1046. Sur cet auteur, moine très cultivé qui écrivait aussi bien sur la théologie que sur la musique cf. le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. Vol 10, 1856, p. 275-316 et 1890 (Histoire de St Pierre le Vif). On se reportera également à la Chronique de l’abbaye de saint Pierre le Vif rédigée par Geoffroy de Coulon, texte latin & trad. de G. Julliot ; pour une analyse plus moderne cf. Odorannus de Sens. Opera omnia. Textes éd., trad. et annotés par Robert-Henri Bautier, et Monique Gilles, et pour la partie musicologique, par Marie-Elisabeth Duchez et Michel Huglo, CNRS, 2001.

[2] Dit Pépin le Gros ou encore Pépin le Jeune.

[3] D’où son surnom le Bref.

[4] La date est erronée. En réalité Charles Chauve est mort le 6 octobre 877.

[5] Le synode de Ponthion se tint du 21 juin au 16 juillet 876.

[6] La visite ad limina, du latin ad limina apostolorum ("au seuil [des basiliques] des apôtres"), désigne la visite que chaque évêque fait tous les cinq ans au Saint-Siège. Cette visite est d'abord un pèlerinage sur les tombeaux des apôtres saint Pierre et saint Paul. Elle permet également de renforcer les liens avec le Saint-Siège, ainsi qu'entre diocèses voisins et entre provinces proches.

[7] Demi-frère de Charles le Chauve.

[8] Sanceias, lieu détruit de la commune de Sens où s'élevait au Moyen Age la chapelle de Sainte-Béate (Dictionnaire topographique du département de l'Yonne : comprenant les noms de lieux anciens et modernes / réd. par M. Max. Quantin, 1862)

[9] Ou pour un certain motif, d’ailleurs inconnu.

[10] Moniale : religieuse contemplative, ayant prononcé des vœux solennels et vivant généralement cloîtrée.

[11] Charles III le Gros (839-888), roi de Francie orientale de 876 à 887 et empereur d'Occident de 881 à 888.

[12] Soissons, en 923.

[13] Herbert II de Vermandois.

[14] Raoul de France, aussi appelé Rodolphe (v. 890 - † 936), duc de Bourgogne (921-923), roi de France (923-936), est le fils de Richard II de Bourgogne dit Richard le Justicier.

[15] Louis IV meurt accidentellement d'une chute de cheval.

[16] Louis V dit le Fainéant. D’où vraisemblablement le surnom de roi Fainéant.

[17] En fait Hugues Capet est mort le 24 octobre 996.

[18] Dictionnaire topographique du département de l'Yonne : comprenant les noms de lieux anciens et modernes / réd. par M. Max. Quantin, 1862, p. 6.

[19] Parmi eux, l’auteur de cette chronique, Odorannus. A la mort de Rainard, Odorannus avait trente ans.

[20] Nom donné aux réunions des chrétiens primitifs, et à la sainte communion. (Littré)

[21] Lieu-dit situé dans la commune de Til-Châtel, dans le département de la Côte-d'Or.