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HINCMAR

 

De Ordine Palatii.

 

 

INTRODUCTION

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Hincmar fut mêlé à tous les évènements politiques et religieux de son temps. Encore jeune, et simple moine de l’abbaye de Saint-Denis, il avait su gagner la confiance de Louis le Pieux, à ce point qu’il obtint le rappel de son maître Hilduin, exilé pour avoir pris le parti de Wala. Plus grand encore fut son crédit auprès de Charles le Chauve, dont il apparut comme le premier ministre. De 845 à 876, il dirigea l’Eglise de France. Il était bien, comme il le dit lui-même, « primas inter primates et unus de primis Galliæ primatibus. » Il donna au siège qu’il occupait une telle prépondérance sur les autres que Reims devint le centre du gouvernement carolingien, et que ses successeurs prétendirent à son héritage politique.

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Après la mort de Charles le Chauve (6 octobre 877), un certain nombre de grands, et parmi eux l’abbé Hugues, Gozlin, Conrad, Bernard de Gothie, Bernard d’Auvergne, mécontents des faveurs dont d’autres avaient été l’objet de la part de Louis le Bègue, l’accusèrent d’avoir distribué des honores, abbayes, comtés, villas, sans leur consentement et se soulevèrent contre lui. Le jeune roi eut, recours à la sagesse d’Hincmar et lui demanda conseil; on peut croire que l’archevêque de Reims ne fut pas sans avoir facilité l’accord qui intervint bientôt entre Louis le Bègue et les grands révoltés. Le 8 décembre 877, Hincmar couronna Louis à Compiègne. Cependant il ne semble avoir joué sous son règne qu’un rôle très effacé.

Un autre l’avait supplanté dans la direction des affaires, c’était Hugues l’abbé. Hugues était fils de Conrad, comte d’Auxerre, l’oncle de Charles le Chauve. En 866, il reçut du roi les dignités de Robert le Fort, les comtés de Tours et d’Angers, l’abbaye de Saint-Martin et d’autres monastères, et tout à la fois le commandement des troupes cantonnées en Neustrie. Il avait pour mission spéciale de repousser les Normands. C’était, dit Réginon, un homme courageux, humble, juste, pacifique et remarquable par la dignité de ses mœurs. En 877, uni à Boson et aux deux Bernard, il avait conspiré contre Charles le Chauve, et, après sa mort, s’était tout d’abord montré hostile à son fils. Mais, une fois rallié à Louis le Bègue, il devint le plus ferme appui du trône et prit en main la direction du gouvernement.

Louis le Bègue mourut le 10 avril 879. Ses fils, Louis et Carloman, avaient contre eux l’abbé Gozlin et Conrad, comte de Paris, qui appelaient Louis de Germanie en France. Mais cette fois, Hugues l’abbé combattait pour les héritiers légitimes du trône; il offrit à Louis de Germanie la portion du royaume de Lothaire que Charles le Chauve avait retenue, et obtint par là qu’il renonçât à ses prétentions sur la couronne de France. Les deux frères Louis et Carloman furent sacrés à Ferrières par l’archevêque Anségise. L’année suivante (880), ils se partagèrent le royaume. Louis obtint ce qui restait de la Francia et la Neustrie avec leurs marches; Carloman, la Bourgogne et l’Aquitaine avec leurs marches. Hincmar pouvait espérer reprendre quelque influence auprès des jeunes rois. Il avait favorisé leur avènement au trône. Et, comme à cette époque tous les princes carolingiens tendaient à s’unir contre Boson qui s’était fait couronner roi, Hincmar, profitant de cette circonstance, s’employa à procurer aux jeunes rois l’alliance et la protection de leur cousin Charles le Gros.

Mais Hincmar n’obtint guère de Louis III que de vaines promesses d’obéissance à ses conseils et des marques d’ingratitude. Une lutte des plus vives s’engagea entre le roi et l’archevêque au sujet des élections épiscopales de Noyon et de Beauvais. Après la mort de Raginelinus, évêque de Noyon, en 880, le clergé et le peuple procédèrent à l’élection de son successeur. Hédilon, candidat d’Hincmar, fut élu. Le roi, mécontent de n’avoir pu donner ce siège à quelqu’un des clercs du palais, voulut s’opposer à son ordination. Hincmar lui représenta combien c’était un péché grave de retarder une consécration; il lui rappela, ainsi qu’à son frère, la distance qui sépare la dignité royale de la dignité pontificale. Nous n’avons plus la lettre qu’écrivit Hincmar à ce sujet; mais Flodoard en dit assez pour que nous ne doutions pas que l’archevêque, reprenant une idée qui lui est familière, n’ait insisté sur le devoir des rois de ne pas s’ingérer dans les affaires de l’Église et particulièrement dans les élections épiscopales. Hincmar informa aussi l’abbé Hugues de sa conduite; il n’avait fait que se conformer aux saints canons, comme on le lui avait vu faire pendant trente-cinq ans. L’élu fut donc consacré. Par malheur, c’était un prêtre de fort mauvais renom, et qui, disait-on, menait une vie qu’on eût blâmée chez un bon laïque. Peu après, Eudes, évêque de Beauvais, vint à mourir (28 janvier 881). Le roi concéda au clergé et au peuple l’élection canonique. Deux élections successives désignèrent des personnages, d’abord Fromold, puis Honorat, que le clergé de la province rejeta l’un et l’antre comme indignes. Le roi fit alors élire son candidat Odacre. Mais Hincmar soutenait un certain Raoul; et d’ailleurs il prétendait que le peuple et le clergé de Beauvais, ayant à deux reprises élu une personne indigne, avaient perdu leur droit d’élection et que le choix de l’évêque appartenait dès lors au métropolitain. Le synode provincial de Sainte Macre refusa de ratifier le décret d’élection d’Odacre. Le roi voulut imposer sa volonté; il s’attira une réponse d’Hincmar, où celui-ci déclarait hautement sa ferme résolution de ne céder ni devant les flatteries, ni devant les menaces, et de ne pas manquer au respect des canons à la défense desquels il avait consacré sa vie. Louis III insista encore pour vaincre la résistance d’Hincmar. Ce dernier dans une seconde lettre promit de se soumettre au jugement d’un concile devant lequel il exposerait sa conduite. Il terminait en menaçant le roi d’une mort prochaine s’il ne renonçait pas à ses entreprises contre les libertés ecclésiastiques. « L’empereur Louis n’a pas vécu autant que son père Charles; votre aïeul Charles n’a pas vécu autant que son père; votre père a vécu moins encore; quand vous êtes à Compiègne, dans ce palais où ont résidé votre aïeul et votre père, tournez vos regards sur le tombeau de votre père, et, si vous ne le savez pas, demandez où est mort et où repose votre aïeul; et qu’alors votre cœur ne s’enorgueillisse pas devant celui qui est mort pour vous et pour nous tous, qui est ressuscité d’entre les morts, et qui est éternel; soyez certain que vous mourrez, mais vous ne savez ni le jour ni l’heure; aussi vous faut-il toujours être prêt, comme nous tous, à répondre à l’appel de Dieu... Vous disparaîtrez bientôt; tandis que la sainte Église, avec ses ministres, comme le lui a promis le Christ, son maître, demeurera dans l’éternité. » Hincmar lança contre Odacre l’excommunication. Quant au concile dont il avait demandé la réunion, il n’eut pas lieu. L’affaire ne prit fin qu’après la mort d’Hincmar, quand Foulques, son successeur, eut chassé Odacre du siège de Beauvais.

Louis III mourut le 5 août 882. Hincmar vit dans sa mort un juste châtiment du ciel. On appela Carloman, alors occupé au siège de Vienne, pour qu’il vint recueillir la succession de son frère et repousser les incursions des Normands. L’archevêque de Reims rentra en scène. Hugues l’abbé était toujours à la tète du gouvernement : comme archichapelain, il avait la direction du clergé; comme duc de France, il était le véritable lieutenant du roi, et disposait de toutes les forces militaires. Son plus grand litre de gloire était d’avoir organisé la résistance aux Normands. Mais l’aristocratie, loin de le seconder, s’éloignait de plus en plus du roi. Dès 881, Louis III ayant fait construire une forteresse à Etrein, près de Cambrai, ne trouva personne qui voulût la garder. Il importait donc de rétablir entre la royauté et l’aristocratie l’accord qui avait existé entre elles au commencement du siècle. Hincmar fut chargé de tracer la voie à suivre pour la restauration de l’État. Personne plus que lui n’était à même d’accomplir cette tâche. D’autant plus qu’on se proposait simplement de relever les institutions du royaume telles qu’elles étaient sous Charlemagne et Louis le Pieux. Or, Hincmar avait connu dans sa jeunesse des contemporains de Charlemagne. Il avait fréquenté le palais au temps de la plus grande prospérité de l’empire, avant que les luttes entre les princes de la famille royale n’y eussent semé la division. Il avait pris part au gouvernement sous le règne de Charles le Chauve. On savait sa fidélité à la famille carolingienne, et son zèle constant pour la défense des intérêts du royaume. Sa lutte contre Louis III n’avait rien diminué de son autorité morale.

Telles sont les circonstances au milieu desquelles il adressa aux évêques, et indirectement au roi et à se conseillers, son opuscule sur l’organisation du palais et de l’Etat.

Pour donner plus d’autorité à sa parole, il s’appuya sur les traditions qu’il tenait des conseillers de Louis le Pieux. Et, comme il ne voulait rien innover, mais seulement ramener ses contemporains à l’observation des règles de gouvernement suivies par Charlemagne et son fils, il prit comme base de son travail un opuscule de l’abbé Adalhard intitulé De Ordine Palatii. Il est assez difficile de faire le départ entre les idées propres à Hincmar et celles qu’il a empruntées à Adalhard. Toutefois, il n’est pas douteux qu’il n’ait apporté des modifications au traité d’Adalhard. D’abord les onze premiers chapitres et le dernier sont tout entiers sortis de sa plume. Et ce ne sont pas les moins importants du livre. Il y insiste sur le caractère de la royauté, et Sur l’obligation où elle est de se soumettre à l’Eglise. Il rappelle le roi au respect des libertés ecclésiastiques et surtout des élections canoniques: observations qui avaient alors un intérêt immédiat et tout contemporain. A partir du chapitre XII, il retrace l’ancienne hiérarchie et le rôle des officiers du palais, puis fonctionnement des assemblées. Il insiste sur la fidélité et le dévouement des grands au roi. Dans cette partie même de son opuscule, il ne reproduit pas toujours le texte d’Adalhard. Il représente comme anciennes des institutions contemporaines d’Adalhard. Il emploie constamment l’imparfait. Il donne l’archichapelain des attributions considérables, et que cet officier ne possédait peut-être pas, aussi étendues, au début du ixe siècle. Mais il importait de justifier et même de consolider le pouvoir de Hugues l’abbé, le seul homme qui par son intelligence, sa valeur, son autorité personnelle fût capable de restaurer et de sauver l’État. Adalhard n’avait pas dû songer, comme le fait Hincmar, à retracer l’histoire de l’apocrisiaire, et à faire remonter l’origine de cette charge jusqu’à Constantin. Nous ne voyons pas que pour les autres offices du palais Hincmar ait cherché d’une façon analogue à prouver leur antiquité. Le récit du baptême de Clovis n’est-il pas encore une addition de l’historien et successeur de saint Rémi? Dans la liste des archichapelains que donne Hincmar au chapitre XV figure l’évêque Drogon qui n’avait pas encore obtenu cette dignité en l’année où mourut Adalhard, en 826. L’insistance avec laquelle Hincmar recommande aux conseillers de garder le plus profond secret sur les délibérations auxquelles ils ont pris part, de peur d’éveiller des mécontentements et des haines, et de susciter des révoltes se rapporte plutôt à l’époque troublée d’Hincmar qu’à celle d’Adalhard. Enfin, on doit se demander si au temps de Charlemagne une hiérarchie s’était déjà établie parmi les grands majores, et si l’on pouvait distinguer, comme le fait Hincmar, entre les seniores et les minores.

Le De Ordine Palatii a un double intérêt: il nous permet, en le rapprochant des annales et des capitulaires, de tracer un tableau des institutions carolingiennes vers 814, et en même temps il nous éclaire sur les vues politiques d’Hincmar et les réformes qu’il jugeait nécessaires en 882.

A ce dernier point de vue, il doit être rapproché de quelques autres opuscules, où Hincmar a exposé ses théories politiques.

Il avait adressé à Charles le Chauve, à une époque qu’on ne saurait déterminer, un traité sur les devoirs du roi « De Regis persona et regio ministerio. » C’est un véritable manuel du roi chrétien. Hincmar y a tracé le portrait idéal du roi selon l’esprit de l’Église. Il n’a fait que réunir avec habileté des morceaux extraits des saintes Écritures et surtout des Pères de l’Église, saint Cyprien, saint. Grégoire, saint Augustin, saint Innocent. Cependant, on peut en tirer quelques renseignements sur le caractère de Charles le Chauve. A la façon dont Hincmar prêche au roi la sévérité, on voit que ce qu’il déplorait le plus chez lui, c’était son extrême faiblesse de caractère. Il convient sans doute aux rois d’être miséricordieux; mais il leur faut user à propos de leur droit de juger et de punir.

On attribue avec vraisemblance à Hincmar la rédaction de la lettre adressée à Louis le Germanique par les évêques des provinces de Reims et de Rouen, réunis à Quierzy (fin de 858), au moment où celui-ci, appelé par les grands, envahissait la France, et quand Charles venait d’être abandonné par son armée à Brienne. Les évêques engageaient Louis à se méfier de ses partisans et le conjuraient de se réconcilier avec son frère. Ils lui donnaient en outre des conseils sur la conduite qui convenait à un roi.

En 875, Louis le Germanique, profitant de l’absence de Charles qui était allé chercher la couronne impériale à Rome, fit une seconde tentative sur la France. Il se présentait comme un redresseur de torts. Il venait, disait-il, mettre fin aux maux dont souffrait le royaume par suite de la négligence et de l’incapacité de son frère. Les esprits étaient hésitants. Hincmar écrivit aux évêques et aux grands de la province de Reims une lettre où il les engageait à rester fidèles au roi absent. Mais on voit combien Hincmar lui-même avait peu de confiance dans la cause de Charles. Il lancé contre lui un véritable acte d’accusation. Ce qui l’empêche de se tourner vers Louis, c’est qu’il a prêté serment à Charles, et que lui, évêque, ne veut point se parjurer. Comme il prévoit cependant le cas où Louis pourrait être vainqueur, il ménage ses blâmes et ses attaques contre lui. On sent que, tout en priant les évêques de garder leur foi à Charles, il n’est pas éloigné de souhaiter la victoire de son ennemi. La faiblesse de Charles le Chauve justifie les hésitations de l’archevêque. Ne pouvait-on pas espérer qu’un prince plus énergique relèverait le royaume abattu et remettrait l’ordre là ou il n’y avait déjà plus que désordre.

Les factions divisaient de plus en plus le royaume. Les grands s’éloignaient chaque jour davantage de la royauté. Le roi avait non plus des sujets, mais seulement des partisans. La fidélité des seigneurs à son égard était en raison directe des dignités qu’ils avaient reçues. Après la mort de Charles le Chauve, Louis le Bègue par ses libéralités envers les grands qui l’entouraient s’aliéna ceux qui n’avaient point eu part à ses faveurs. Ceux-ci se révoltèrent et voulurent s’opposer à son couronnement. Le jeune roi en appela à l’expérience d’Hincmar, qui lui marqua dans une lettre la ligne de conduite à suivre. Il fallait avant tout arriver à un accord avec les rebelles. Le royaume avait été florissant tant que l’union avait subsisté entre le roi et les grands. La rédaction de cette lettre intitulée : « Instructio ad Ludovicum Balbum » se place entre la mort de Charles le Chauve (6 octobre 877) et le couronnement de Louis le Bègue (8 décembre 877).

Nous avons dit plus haut qu’Hincmar implora pour Louis III et Carloman la protection de leur cousin Charles le Gros. Il en profita pour écrire un petit traité de l’éducation des princes: « De Institutione regis. »

Au synode de Sainte Macre, tenu à Fismes, le 2 avril 881, Hincmar rappela au roi Louis III les devoirs que lui imposait sa dignité, et qu’il semblait avoir oubliés. Il y exposa en outre ses idées sur les rapports des deux pouvoirs qui gouvernaient le monde : le pouvoir royal et le pouvoir pontifical. Il insista sur la protection que le roi est tenu d’accorder à l’Église. Le De Ordine Palatii ne fut aux yeux d’Hincmar qu’un complément des canons de Sainte Macre.

Les incursions des Normands jusqu’aux portes de Reims forcèrent l’archevêque à se réfugier à Épernay, emportant avec lui les reliques de saint Remi.

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Vers la même époque, un autre prélat non moins célèbre, et qui joua un rôle considérable dans les troubles du règne de Louis le Pieux, Agobard, envoya à l’empereur une lettre connue sous le nom de De Comparatione regiminis ecclesiastici et politici, et où il déterminait l’étendue du pouvoir des deux souverains qui gouvernaient le inonde chrétien : l’empereur et le pape. Cette lettre fut écrite en 833, au moment où Grégoire IV s’apprêtait à venir eu France, amené par Lothaire. Il faut en rapprocher un autre écrit du même auteur connu sous le nom de Flebilis epistola de divisione imperii Francorum inter filios Ludovici imperatoris.

Un écrivain irlandais, Sedulius Scotus, qui s’était établi à Liège entre 840 et 851, nous a, lui aussi, laissé un traité de la royauté chrétienne, le Liber de Rectoribus christianis. Comme les ouvrages d’Hincmar, de Smaragde et de Jonas, c’est une réunion de textes empruntés à l’Écriture sainte et aux Pères de l’Église. Cependant l’auteur prend assez souvent la parole. Chacun des vingt chapitres qui composent le livre se termine par une pièce de vers qui en est la paraphrase. On ne saurait déterminer ni l’époque à laquelle fut composé ce traité, ni le nom du roi auquel il était dédié.

Une même doctrine se retrouve dans tous ces écrits. Nous nous efforcerons de l’en dégager. Mais comme il s’agit de replacer le De Ordine dans son milieu, on s’appuiera surtout, dans l’exposé qui va suivre, sur les écrits d’Hincmar; et on s’efforcera de faire ressortir les idées qui sont particulières à l’archevêque de Reims sur la royauté et le gouvernement.

Tous les écrivains ecclésiastiques sont d’accord pour voir dans la royauté une institution d’ordre religieux. Le pouvoir du roi émane de Dieu. C’est Dieu qui dispose des trônes: « Domini est regnum, et cui voluerit dabit illud ». Le roi est désigné d’avance par Dieu. Il est comme le vicaire du Tout-Puissant sur la terre. Nul n’a posé avec plus de netteté qu’Hincmar le principe du droit divin.

Les rois carolingiens n’ont pas envisagé différemment la nature de leur pouvoir. Dans leurs diplômes et leurs capitulaires, ils se proclament rois par la grâce de Dieu, gracia Dei, per misericordiam Dei, a Deo coronati.

Mais si les rois sont des représentants de Dieu, et s’ils n’agissent que par l’inspiration divine, on peut s’étonner de voir les royaumes livrés à des hommes impies et pervers. Dieu, répond Hincmar, ne donne pas le trône aux mauvais rois. Il ne fait que les tolérer, quand la perversité des peuples réclame un châtiment. Il tourne à son profit la malice des tyrans.

L’onction sainte confère au roi ses pouvoirs. Il n’exerce son autorité qu’en vertu de la délégation qu’il a reçue au jour de son sacre. C’est alors que les évêques lui remettent le sceptre, symbole de sa puissance.

Ce n’est pas à dire que le peuple ne joue aucun rôle dans le choix du souverain. Mais l’élection n’est aux yeux du clergé qu’un moyen choisi par Dieu pour manifester sa volonté. Aucun prince carolingien n’est monté sur le trône qu’il n’ait été au préalable reconnu roi par les grands. Quand Charlemagne réunissait les évêques, les abbés, les comtes pour leur demander conseil sur le choix de son successeur, il était certain que nul n’oserait s’opposer au couronnement de son fils. Mais plus tard les factions se divisent le royaume; les grands ne considèrent plus le roi que comme leur senior; et Louis le Bègue, pour recueillir l’héritage de son père, doit faire des concessions à l’aristocratie. Hincmar: savait combien il était important, avant de couronner le roi, d’obtenir l’adhésion des grands. Aussi, quand, dépouillant son caractère ecclésiastique, il parle en homme politique et adresse des conseils à Louis le Bègue, il l’engage à ne pas blesser l’orgueil des seigneurs et à se les concilier comme avaient fait ses ancêtres.

Quant au principe de l’hérédité du pouvoir royal, encore qu’on le trouve exprimé dans certains textes, par exemple dans une lettre de Paul I, aucun écrivain ecclésiastique n’y a insisté. Que la couronne fasse partie du patrimoine des fils de rois, ce n’est pas encore une idée courante au ixe siècle. En 835, les évêques déclarent bien que le roi a été dépouillé à tort du royaume qu’il tenait de son père. C’étaient cependant ces mêmes évêques qui avaient contribué à déposer l’empereur. De plus, Charlemagne et Louis le Pieux assignent des royaumes à leurs fils; ils associent même l’aîné à l’empire pour lui en assurer après eux la possession. Les carolingiens prennent toutes sortes de précautions pour que la dignité royale n’échappe pas à leurs fils. En 878, Louis le Bègue promet à Louis, fils de Louis le Germanique, an cas où il lui survivrait, d’aider son fils recueillir l’héritage paternel, c’est-à-dire son royaume. Le roi légitime, c’est bien plutôt, aux yeux de l’Eglise, celui qui a été sacré. Si Hincmar, en 858 et en 875 hésite à rallier à Louis le Germanique, c’est non seulement qu’il a prêté serment de fidélité à Charles le Chauve, mais c’est encore que Charles le Chauve est celui à qui Dieu a donné la couronne. Il est donc le souverain légitime. L’idéal de la royauté, c’est la royauté juive, institution essentiellement théocratique. Or, bien que les Juifs tinssent compte, dans une certaine mesure, du principe d’hérédité et de l’adhésion du peuple, c’était le sacre qui conférait à leurs rois leur autorité.

En face du pouvoir royal, ou plutôt au dessus de lui, s’élève le pouvoir ecclésiastique. Le pape Gélase avait dit : « Le monde est régi par deux puissances, la puissance sacrée des pontifes et la puissance royale. Mais la charge dévolue aux prêtres est d’autant plus lourde qu’au jour du jugement dernier ils auront à rendre compte de la conduite des rois » Tel est le texte qui sert de base aux écrivains du ixe siècle pour déterminer les rapports des deux pouvoirs, laïque et ecclésiastique. Jonas, qui cite la lettre de Gélase, y ajoute les paroles prêtées par Rufin d’Aquilée à Constantin, au concile de Nicée:

« Dieu, dit-il aux évêques, vous a établis prêtres et vous a donné le pouvoir de nous juger; aussi, c’est à bon droit que vous usez de cette prérogative; quant à vous, il n’appartient pas aux hommes de vous juger. » Hincmar, tout en reconnaissant dans son traité de la royauté le droit des prêtres à gouverner le roi, ne s’était exprimé sur ce point qu’avec réserve et timidité. Mais, au concile de Sainte-Macre, rappelant le texte de Gélase, il proclama bien haut le principe de la subordination de la royauté à l’Eglise. La mission assignée aux évêques différé, il est vrai, de celle confiée aux rois : les premiers ont le gouvernement du monde spirituel, les seconds, le gouvernement du monde temporel. Mais l’autorité des évêques dépasse celle des rois d’autant que les choses du ciel dépassent celles de la terre. D’ailleurs c’est aux évêques qu’il appartient de sacrer les rois, de les juger et de les déposer ; tandis que les rois ne peuvent ni sacrer, ni juger, ni déposer les évêques. Hincmar reprit la même idée, quoique avec moins de force et d’exagération dans le De Ordine et dans la lettre qu’il adressa aux évêques peu de temps avant sa mort. Agobard n’a point professé une doctrine sensiblement différente. Cependant, tandis qu’Hincmar, quand il parle de l’Eglise et du roi, a toujours en vue l’Eglise de France et le roi de France, Agobard ‘lève ses regards plus haut, et met en prescrire les deux puissances suprêmes qui dominent le monde chrétien, le pape et l’empereur.

Le roi ne doit jamais oublier les devoirs que sa charge lui impose. Il aura toujours présente à l’esprit la nature de son office, dont le nom même lui rappelle la grandeur. Isidore de Séville avait dit : « Reges a recte agendo vocati sunt, ideoque recte faciendo regis nomen tenetur, peccando amittitur. » C’est là une étymologie que les écrivains du ixe siècle plaisent à répéter.

Le roi a des devoirs envers Dieu et l’Eglise, envers lui-même, envers ses sujets.

Smaragde et Sedulius recommandent au roi d’avoir continuellement les regards tournés vers Dieu, source de toute puissance. Il faut observer ses préceptes, le craindre et l’honorer. Car c’est lui qui donne aux rois la victoire ou les renverse; de lui seul dépend là grandeur des empires. Le roi doit avoir plus à cœur de mériter le titre de serviteur du Très-Haut que celui de roi des hommes.

La meilleure manière d’honorer le Seigneur, c’est de protéger ceux qui travaillent pour lui sur la terre. Le roi est avant tout le protecteur de l’Eglise. Il doit la défendre contre ses ennemis, respecter et faire respecter ses libertés et ses privilèges. Le roi chrétien ne s’ingérera dans les affaires de l’Église qu’à titre de défenseur. Il respectera les droits des évêques, assurera la liberté des élections épiscopales, permettra et méfie provoquera la tenue des conciles. Bien loin de disposer des terres ecclésiastiques en faveur de ses fidèles, il restituera aux établissements religieux les biens qui leur ont été enlevés, et puisera dans son trésor pour les enrichir. Non content d’augmenter le domaine temporel du Christ, il reculera au loin les limites de son empire spirituel. Dans les lois qu’il promulguera, sa constante préoccupation sera de ne jamais s’écarter des préceptes des saintes Ecritures et des principes de la religion chrétienne. En un mot, il se montrera en toutes occasions l’auxiliaire de l’Église.

C’est là un rôle glorieux, et dont le roi doit se rendre digne par sa conduite. Car, comment gouvernerait-il les autres celui qui ne peut se diriger lui-même ’? Comment réprimerait-il les fautes de ses sujets, celui qui ne saurait maîtriser ses propres passions? Les écrivains ecclésiastiques s’étendent longuement sur les devoirs du roi envers lui-même. Mais les conseils qu’ils lui donnent s’appliqueraient aussi bien à tout autre laïque. Ils lui recommandent la pratique de toutes les vertus. Il convient qu’on puisse le donner en exemple à ses sujets. Son palais doit être une école de bonnes mœurs.

Les devoirs auxquels le roi est tenu envers ses sujets, envers le peuple dont Dieu lui a confié la garde et la direction, ne sont pas les moins importants, ils se résument en deux mots : maintenir la paix et la justice. C’est pour cela que Dieu lui a donné le sceptre. Tel était déjà le rôle assigné à la royauté chez les Germains et à l’époque mérovingienne. L’Église au ixe siècle reconnait au roi la même mission, mais elle en fait un devoir religieux. Elle veut faire découler l’autorité royale tout entière de la consécration religieuse. Le roi a aussi dans sa garde particulière les veuves, les orphelins, les pauvres: mais il n’est plus question, du moins dans les écrivains ecclésiastiques, de l’ancien mundium germanique. Protéger les déshérités et les faibles est devenu pour le roi un devoir religieux. Il les défend au même titre qu’il défend l’Église. Le roi dans le gouvernement du royaume doit user à la fois de bienveillance et de fermeté. Sans doute, dit Hincmar, il lui convient de pardonner, mais non pas hors de propos, non pas pour des raisons personnelles, non pas quand il y va du salut de l’État. Avant toutes choses, il doit réprimer les excès de quelque part qu’ils viennent, faire respecter les lois profanes et religieuses. Le bon roi sait, suivant les circonstances, user de sa baguette de commandement, ou répandre comme une manne la douceur sur son peuple.

Tous les devoirs du roi découlent du premier: le respect de Dieu. C’est parce qu’il aime et craint Dieu, qu’il protège l’Église, épouse du Christ; c’est pour la même raison qu’il pratique la vertu et assure le bonheur de son peuple.

Par l’accomplissement de tous ses devoirs, le roi méritera le royaume éternel, qui est le but où chacun doit tendre.

Mais il ne saurait remplir sa mission s’il se confie à ses propres forces et à sa seule intelligence. Il doit grouper autour de lui des conseillers toujours prêts à l’éclairer sur les vrais intérêts du royaume. Rien n’est plus important et tout à la fois plus difficile que le choix de bons conseillers. De mauvais conseillers entraîneraient la perte du royaume. Les qualités qu’on doit avant toutes autres exiger d’un conseiller sont les qualités morales: la piété, la vertu. Hincmar qui avait pratiqué la politique sait bien que cela ne suffit pas. Il demande au conseiller d’avoir en outre une vigueur d’esprit telle qu’il puisse conjurer les périls de l’heure présente, prévoir et dévoiler ceux de l’avenir. D’ailleurs, quand Hincmar engage le roi à s’entourer de conseils, il ne pense pas seulement à ceux que peuvent lui donner ses familiers. Ce qu’il veut, c’est la participation de tous les grands à la direction des affaires. Le roi ne sera fort, et son pouvoir n’aura d’efficacité que s’il s’appuie sur les seigneurs. C’est là ce qu’il s’efforce de démontrer à Louis le Bègue dans la lettre qu’il lui adresse après la mort de son père. Hincmar s’y montre si favorable au gouvernement aristocratique, si préoccupé de le rétablir, que les mots primores regni reviennent sans cesse sous sa plume. Il va jusqu’à refuser de donner d’autres conseils au roi avant la convocation d’un plaid général. La même pensée, comme nous l’avons dit, domine le De Ordine Palatii. Hincmar souhaite le retour aux institutions des premiers carolingiens, le retour à ces temps glorieux où le roi et ses fidèles travaillaient d’un commun accord à la paix et à la grandeur du royaume.

L’aristocratie religieuse doit toutefois avoir le pas sur l’aristocratie laïque. Les évêques et les abbés, voilà ceux dont le roi suivra tout d’abord les conseils. Peut-il en être autrement quand le roi n’est que l’auxiliaire de l’Eglise, l’instrument de la puissance divine. Jonas considère les prêtres comme les conseillers nés des rois. Et Sedulius ne saurait trop admirer la conduite de Théodose qui s’était humilié devant l’Église. Si Hincmar écrit son De Regis persona, est qu’il appartient aux prêtres d’instruire les rois de leurs devoirs. En 858, il reproche à Louis le Germanique de n’avoir pas jusqu’alors tenu un compte suffisant des conseils que les évêques lui ont donnés. Plus tard, il profite de la seconde invasion de Louis pour faire la leçon aux rois. Il use encore largement de son droit de remontrance au concile de Sainte Macre. Quand il entreprend en 882 la réorganisation du royaume, il cherche un appui dans le clergé. C’est aux évêques plus qu’aux seigneurs laïques qu’il dédie son De Ordine, aux évêques encore qu’il adresse son second et dernier avertissement.

Par malheur, les circonstances ne permettaient pas la réalisation du plan d’Hincmar. C’est en vain qu’il chercha à raffermir l’autorité royale et à bannir l’esprit de discorde. Il était trop tard pour rallier l’aristocratie à la royauté. Les Normands arrivaient au cœur de la France. Les factions se multipliaient. Les grands ne songeaient plus qu’à assurer leur indépendance et à augmenter leurs domaines.

C’était à qui posséderait le plus de dignités. Les villas du fisc passaient les unes après les autres des mains du roi à celles du clergé et des grands.

Carloman s’efforça cependant de suivre la voie que lui avait tracée Hincmar. En 883, il prit des mesures pour faire cesser les rapines et les brigandages contre lesquels le concile de Sainte Macre, présidé par Hincmar, s’était élevé avec tant de force. Il convoqua les grands à Vernon, en mars 884, et promulgua un autre capitulaire, prononçant les peines les plus sévères contre tous ceux qui se livreraient aux déprédations. En même temps, il cherchait à rétablir l’ordre dans son palais. Si donc la tentative d’Hincmar a échoué, ce fut moins la faute de Carloman que celle des circonstances.

Nous avons vu comment l’Église avait cherché à étendre sa tutelle sur la royauté. Ses efforts ne furent pas perdus. Sous l’influence du clergé, la royauté carolingienne prit un caractère ecclésiastique, théocratique même, qui en est le trait essentiel et distinctif. Une pareille situation ne contribua pas peu à affaiblir la puissance royale en amenant le souverain à sacrifier trop souvent ses intérêts politiques à ses devoirs religieux. Mais il faut reconnaître d’autre part que, grâce à ce caractère de magistrature sacrée qu’elle prit au cours du ixe siècle, la royauté conserva son prestige, et put, deux siècles plus tard, quand elle vint aux mains d’hommes sages et vaillants, reconquérir la plénitude de son autorité. De telle sorte que l’Église avait du même coup provoqué l’affaiblissement et préparé le relèvement de la royauté française.


 

 

 

LETTRE D’HINCMAR

Archevêque de Reims.

AUX EVEQUES ET AU ROI CARLOMAN

ADMONITIO HINCMARI

Remorum archiepiscopi

AD EPISCOPOS ET AD REGEM KAROLOMANNUM PER CAPITULA

Hincmar, évêque et serviteur du peuple de Dieu.

I.

Considérant mon âge avancé et l’ancienneté de mon ordination, vous qui êtes plus jeunes que moi, bons et sages hommes, vous vous adressez à mon humilité, et me priez, moi qui ai pris part à la direction des affaires de l’église et du palais, alors qu’elles prospéraient au milieu de la grandeur et de l’unité du royaume, et qui ai entendu les conseils et les doctrines des hommes qui ont gouverné la sainte Eglise eu toute sainteté et justice, et de ceux qui aux temps passés ont assuré la prospérité du royaume et son unité, et à l’école desquels j’ai appris les traditions de leurs prédécesseurs, moi qui, après la mort de mon seigneur Louis, empereur, ai vécu dans la compagnie de ceux qui se sont efforcés de maintenir la concorde entre ses fils, nos rois, et qui les ai aidés dans la mesure de mes forces par mes fréquents voyages, mes paroles et mes écrits, vous me priez de retracer, d’après ce que j’ai appris et ce que j’ai vu moi-même, pour l’instruction de notre jeune et nouveau roi, comme aussi pour la restauration de l’honneur et de la paix de l’Église et du royaume, l’organisation ecclésiastique et celle de la maison royale dans le palais sacré; afin que, pénétré de ces maximes dès le début de son règne, notre roi puisse, dans le gouvernement du royaume, plaire à Dieu, régner heureusement en ce siècle et gagner ainsi le royaume éternel. Nous savons par expérience qu’un vase neuf garde longtemps la saveur et l’odeur dont il a été tout d’abord imprégné, comme dit un sage: « Quod semel est imbuta recens servabit odorem testa diu. »

Et nous lisons qu’Alexandre eut dans son enfance un précepteur nommé Léonide, homme de mœurs relâchées et d’une conduite déréglée ; l’enfant prit ses défauts comme il eût sucé un lait malsain. Plus tard, à l’âge de la maturité, devenu un roi puissant, il se reprenait lui-même et cherchait à se corriger; mais, à ce qu’on rapporte, lui qui avait vaincu tous les royaumes, il ne put se vaincre lui-même.

Hincmarus episcopus ac plebis dei famulus.

I.

Pro ætatis et sacri ordinis antiquitate, posteriores tempore, boni et sapientes viri, rogatis exiguitatem meam, ut qui negotiis ecclesiasticis et palatinis, quando in amplitudine et unitate regni prospere agebantur interfui, et consilia doctrinamque illorum qui sanctam Ecclesiam in sanctitate et justitia rexerunt, sed et eorum qui soliditatem regni tempore superiore prosperius disposuerunt audivi, quorum magisterio traditionem majorum suorum didici, post obitum etiam domni Hludowici imperatoris, in eorum obsequio, qui pro filiorum ejus tunc temporis regum nostrorum concordia sategerunt, pro modulo meo frequentibus itineribus, verbis et scriptis laboravi, ad institutionem istius juvenis et moderni regis nostri, et ad reerectionem honoris et pacis Ecclesiæ ac regni, ordinem ecclesiasticum, et dispositionem domus regiæ in sacro palatio, sicut audivi et vidi demonstrem, quatenus in novitate sua ea doctrina imbuatur, ut in regimine regni Deo placere, et in hoc sæculo feliciter regnare, et de præsenti regno ad æternum valeat pervenire. Experimento quippe cognoscimus, quia vas novum, quo prius sapore et odore imbutum fuerit, illud in posterum diu retinebit, sicut et quidam sapiens dicit.

« Quo semel est imbuta recens servabit odorem Testa diu. »

Et legimus quomodo Alexander in pueritia sua habuit bajulum nomine Leonidem, citatis moribus et incomposito incessu notabilem, quæ puer quasi lac adulterinum sugens ab eo sumpsit. Unde in adulta ætate sapiens et rex fortis seipsum reprehendebat, et vitare volebat, sed ut legitur, cum omnia regna vicerit, in hoc seipsum vincere non potuit.

II.

Que le roi comprenne donc à quelle charge il a été promu et qu’il écoute l’avertissement et la menace du Roi des rois lui disant à lui et aux autres rois: « Et maintenant, rois, comprenez, soyez instruits vous qui jugez la terre. Servez Dieu avec crainte et réjouissez-vous en lui en tremblant. Suivez ses préceptes de peur que le Seigneur ne s’irrite et que vous ne sortiez de la voie juste. » Beaucoup ont péri pour n’avoir pas tenu compte de ces paroles; nous le lisons dans les histoires, nous l’avons entendu dire, et même nous le savons par des exemples de notre temps. Qu’il écoute aussi ce précepte de la Sainte Ecriture : « Aimez la justice, vous qui jugez la terre. Que votre bonté s’inspire de Dieu, et cherchez-le avec un cœur simple...; car la sagesse n’entrera pas dans une âme perverse, elle n’habitera pas dans un corps assujetti au péché. »

II.

 Intelligat igitur dominus rex, ad quod officium est provectus, et obaudiat commonitionem atque comminationem Regis regum dicentis ei cum aliis regibus: « Et nunc reges, inquit, intelligite, erudimini qui judicatis terram. Servite Domino in timore, et exsultate ei cum tremore. Apprehendite disciplinam, ne quando irascatur Dominus, et pereatis de via justa ». Sicut multos hanc commonitionem et comminationem neglegentes perisse legimus, audivimus, et etiam nostro tempore scimus. Obaudiat etiam sanctam Scripturam sibi præcipientem: « Diligite justitiam qui judicatis terram. Sentite de Domino in bonitate, et in simplicitate cordis quærite illum....; quia in malivolam animam non introibit sapientia, nec habitabit in corpore subdito peccatis. »

III.

Quant à moi, pour satisfaire aux devoirs de mon ministère et à votre juste et raisonnable requête, j’entreprendrai l’œuvre que vous me demandez; les idées ni les mots ne seront miens; mais je m’appuierai sur la tradition des ancêtres, me rappelant ces paroles du Seigneur au prophète: « Écoute, et tu leurs annonceras ce que tu auras appris de moi. » Tu leur parleras d’après moi, dit-il, et non d’après toi; parce que, comme il l’a encore dit: « Celui qui tire tout de son propre fonds cherche sa propre gloire. » La Sainte Ecriture recommande à tout administrateur, à quelque ordre qu’il appartienne, de connaître tout ce qu’elle-même enseigne; car, s’il comprend le principe de l’administration qui lui est commise, il s’y applique avec plus de soin, sachant qu’il devra en rendre compte comme d’un talent à lui confié. Nous comparaîtrons tous devant le tribunal du Christ afin que chacun y rapporte ce qu’il a fait de son vivant, bonnes ou mauvaises actions. Qu’il n’entende point le juste juge lui dire ce que le Seigneur dans l’Évangile déclare devoir répondre au serviteur méchant et paresseux, mais qu’il mérite plutôt cet éloge: « Bien! bon et fidèle serviteur, parce que tu as été fidèle quand il s’agissait de peu de choses, je t’établirai sur des biens nombreux; entre dans la joie de ton Seigneur. »

III.

Ego autem, et pro imposito ministerio, et pro bona et rationabili vestra jussione, aggrediar exsequi quod rogatis, non meo sensu, neque verbis meis, sed ut præmisi majorum traditione, attendens dicentem Dominum ad prophetam: « Tu autem audiens nuntiabis eis ex me. » Ex me, inquit, et non ex te: quia sicut ipse dicit: « Qui a semetipso loquitur, gloriam propriam quærit ». Sancta Scriptura in omni ordine et professione unicuique administratori præcipit, ut intelligat cuncta quæ ait: Quoniam si intelligit administratio quam gerit unde exordium cepit, sollicitius satagit, ut de administrationis talento sibi credito rationem redditurus. Omnes enim astabimus ante tribunal Christi, ut referat unusquisque quæ per corpus gessit, sive bonum, sive malum. Non audiat a justo judice, quod Dominus in Evangelio servo malo et pigro responsurum se fatetur, sed audire mereatur: « Euge! serve bone et fidelis, quia super pauca fuisti fidelis, supra multa te constituam, intra in gaudium Domini tui ».

IV.

Nous lisons dans l’Ancien Testament que David, à la fois roi et prophète, préfigurant Notre Seigneur Jésus-Christ, qui seul a pu être tout ensemble roi et prophète, établit la division des prêtres en deux ordres: d’abord les souverains sacrificateurs ou pontifes, puis des sacrificateurs d’un rang inférieur, qui sont aujourd’hui les prêtres; ordonnant qu’à la mort de chaque pontife, le prêtre qui serait jugé le meilleur lui succédât dans le pontificat. Et, dans le Nouveau Testament, nous lisons dans l’Évangile que Notre Seigneur Jésus-Christ parmi ses nombreux disciples en choisit douze qu’il appela apôtres. Ce sont les évêques qui maintenant dans l’Église tiennent leur place, comme l’Écriture Sainte et les docteurs catholiques le démontrent.

 

Notre Seigneur désigna encore soixante-douze autres disciples qui, placés au dessous des douze apôtres, préfiguraient les prêtres, c’est-à-dire les sacrificateurs du second ordre; afin qu’à la mort des évêques, des prêtres de cette classe fussent, aux termes des canons inspirés par Dieu et consacrés par le respect universel, élevés à leurs places au souverain sacerdoce. On en trouve une preuve éclatante dans les Actes des Apôtres, quand Pierre, après la mort de Judas, qui avait compté parmi les apôtres et avait obtenu la charge apostolique, s’adresse en ces termes à ses frères: « Il faut que parmi ces hommes qui ont vécu dans notre compagnie tout le temps que Notre Seigneur Jésus a passé au milieu de nous, nous en choisissions un qui témoigne avec nous de sa résurrection. » L’élection divine désigna Mathias qui dès lors s’ajouta aux onze apôtres.

IV.

Legimus in sancta scriptura Veteris Testamenti, quia David rex simul et propheta, præfigurans Dominum nostrum Jesum Christum, qui solus rex simul et sacerdos fieri potuit, duos in sacerdotibus ordines constituit, in summis videlicet pontificibus, et in minoris ordinis sacerdotibus, qui nunc presbyteratus funguntur officio; ea videlicet provisione, ut dum quilibet Pontificum vita decederet, quicunque sacerdotum optimus putaretur, ei in pontificatum succederet. Et in Novo Testamento, Dominus noster Jesus Christus de multitudine discipulorum suorum, sicut in Evangelio legimus, duodecim elegit, quos et Apostolos nominavit. Horum in Ecclesia locum tenent episcopi, sicut sacra Scriptura et catholici doctores ostendunt.

Designavit etiam alios septuaginta duos, qui sub duodecim apostolis figuram presbyterorum, id est secundi ordinis sacerdotum præmonstraverunt: ut decedentibus episcopis, de his secundi et inferioris ordinis sacerdotibus, secundum sacros canones spiritu Dei conditos, et totius mundi reverentia coonsecratos, ad summi sacerdotii apicem loco decessorum episcoporum provehantur, sicut sacra Scriptura Actuum apostolorum patenter ostendit, dicente Petro ad confratres suos, quando Judas, qui connumeratus fuerat in ordine apostolorum, et sortitus sortem ministerii apostolatus, abiit in locum suum: « Oportet, inquiens, ex his viris, qui nobiscum congregati sunt in omni tempore, quo intravit et exivit inter nos Dominus Jesus, testem resurrectionis ejus nobiscum fieri unum ex istis. Et venit electio divina super Mathiam, qui annumeratus est cum undecim apostolis ».

V.

Nous lisons dans l’histoire sacrée des Rois que les princes des prêtres, quand ils consacraient les rois par l’onction sainte, posaient sur leur tête une couronne symbolisant la victoire et leur mettaient dans la main le livre de la Loi, afin qu’ils sussent qu’il était de leur devoir de se gouverner eux-mêmes, de corriger les mauvais et de maintenir les bons dans la voie droite. Comme le bienheureux pape Gélase le démontre dans sa lettre à l’empereur Anastase, en s’appuyant sur les Saintes Écritures, et comme il est dit dans les actes du concile récemment tenu au tombeau de sainte Macre, deux puissances concourent au gouvernement général du monde, en même temps que certaines choses sont plus spécialement dévolues à chacune d’elles: l’autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal. Les devoirs que chacune de ces dignités impose à ceux qui en sont revêtus ne sont pas moins différents que les noms qui les désignent. Que chacun prenne donc garde au nom de l’office qu’il remplit et qu’il s’efforce de tout son pouvoir de même d’accord nom et office. « Que d’abord, » comme le dit saint Cyprien, l’évêque recherche le sens du nom donné à sa dignité, puisque le mot grec évêque veut dire surveillant. Il est institué comme un surveillant; et, ce qu’on est en droit d’exiger d’un surveillant, Dieu lui-même le déclare lorsqu’il expliqué à l’évêque la nature de son office par ces paroles adressées au prophète Ezéchiel: « Je t’ai donné comme surveillant à la maison d’Israël. » Le devoir du surveillant est de montrer sans cesse par ses exemples et ses paroles au peuple qui lui a été confié la manière dont il doit vivre; comme il a été écrit du Christ, qui ordonne de le suivre, c’est-à-dire de conformer sa vie à ses actions et à son enseignement: « Qui cæpit Jésus facere et docere... » Ainsi, que l’évêque ait soin de se renseigner sur la vie et les mœurs des fidèles qui lui sont confiés, et, ces mœurs une fois connues, qu’il s’efforce de les corriger, s’il peut, par la parole et l’action; s’il ne peut y réussir, il doit alors, conformément à la règle de l’Évangile, éloigner de lui les ouvriers d’iniquité.

V.

Et in sacra Regum historia legimus, quia principes sacerdotum, quando sacra unctione reges in regnum sacrabant, coronam significantem victoriam ponentes super capita eorum, legem in manum ejus dabant, ut scirent qualiter seipsos regere, et pravos corrigere, et bonos in viam rectam deberent dirigere. Unde sicut beatus papa Gelasius ad Anastasium imperatorem ex sacris Scripturis demonstrat, et in his quæ nuper apud martyrium sanctæ Macræ in synodo gesta sunt continetur, duo sunt quibus principaliter una cum specialiter cujusque curæ subjectis mundus hic regitur, auctoritas sacra pontificum, et regalis potestas: in quibus personis sicut ordinum sunt divisa vocabula, ita sunt et divisa in unoquoque ordine ac professione ordinationum officia. Diligenter igitur quisque debet in ordine et professione sua quo nomine censetur attendere, et magnopere providere ne a nomine discordet officio. « Primum namque, » ut beatus Cyprianus dicit, « ab episcopo quid sui nominis dignitas teneat inquiratur, quoniam episcopus, cum Græcum nomen sit, speculator interpretatur. Quare vero speculator ponitur, et quid a speculatore requiratur, Dominus ipse denudat, cum sub Ezechielis prophetæ persona, episcopo officii sui rationem denuntiat, ita inquiens: « Speculatorem dedi te domui Isræl. » Speculatoris officium est, ut commisso sibi populo, exemplo et verbo qualiter vivere debeat incessanter annuntiet: sicut de Christo, qui sequi se, id est imitari, præcipit, scriptum est: « Quæ cœpit Jesus facere et docere... » Et sic vitam ac mores sibi commissorum speculetur attendere, et postquam attenderit, sermone si poterit et actu corrigere, et si non poterit, juxta evangelicam regulam scelerum operarios debet declinare.

VI.

Le roi doit faire en sorte que ses actions répondent à la dignité de son nom. Le nom du roi signifie qu’il doit remplir auprès de tous ses sujets l’office de directeur. Mais comment pourrait-il corriger les autres celui qui dans ses propres mœurs ne se garde pas de l’iniquité? puisque c’est par la justice du roi que le trône est exalté, et c’est par la vérité que sont affermis les gouvernements des peuples. En quoi consiste la justice du roi, saint Cyprien le montre surabondamment dans le degré neuvième du Traité des Abus.

VI.

Et rex « in semetipso nominis sui dignitatem custodire debet. Nomen enim regis intellectualiter hoc retinet, ut subjectis omnibus rectoris officium procuret. Sed qualiter alios corrigere poterit, qui proprios mores ne iniqui sint non corrigit? quoniam justitia regis exaltatur solium, et veritate solidantur gubernacula populorum. » Quæ vero sit justitia regis, idem beatus Cyprianus in nono abusionis gradu sufficientissime monstrat.

VII.

L’ordre ecclésiastique a des lois promulguées par la divinité, fixant la façon dont chacun doit parvenir au rang suprême du gouvernement, c’est-à-dire à l’épiscopat; et la façon dont l’évêque constitué légalement doit vivre, la façon dont il doit enseigner, et lui indiquant comment, tout en vivant bien et en enseignant selon les règles, il doit considérer et reconnaître chaque jour sa faiblesse, comment aussi il doit gouverner les ministres qui lui sont soumis; enfin, avec quelle pureté d’intention il lui faut conférer les ordres sacrés et avec quelle discrétion lier et délier les fidèles. Dans ces mêmes lois il a été écrit d’elles-mêmes:

« Qu’il ne soit permis à aucun prêtre d’ignorer les canons ni de faire rien qui soit contraire aux règles posées par les Pères. » Car, on ne se rend pas moins coupable en allant contre les saintes traditions qu’en attaquant le Seigneur lui-même. S’il en est ainsi, c’est que le schisme et l’hérésie se touchent de près, comme le montrent les autorités sacrées. En d’autres termes, le schismatique qui, par mépris des saintes règles, leur désobéit et se sépare de l’unité de l’Église, qui est le corps du Christ, ne pêche pas moins que l’hérétique qui professe des opinions erronées sur Dieu, qui est la tête de l’Église.

VII.

Habet quippe ordo sacerdotalis leges divinitus promulgatas, qualiter quisque ad culmen regiminis, videlicet episcopatus, venire debeat, atque ad hoc recte perveniens, qualiter vivat, et bene vivens, qualiter doceat, et recte docens, infirmitatem suam quotidie quanta consideratione cognoscat: qualiter etiam ministros sibi suppositos regere debeat: quam pura etiam intentione sacros ecclesiasticos ordines dispensare: et qua discretione ligare vel solvere subditos debeat. De quibus legibus in eisdem scriptum est ita: « Nulli sacerdoti suos liceat canones ignorare, nec quidquam facere quod Patrum possit regulis obviare. » Quia non minus in sanctarum traditionum delinquitur sanctiones quam in ipsius Domini injuriam prosilitur. » Quod tale est, quia, ut sacra monstrat auctoritas, cognata sunt schisma et hæresis; ac si aliis verbis dicatur: Non minus schismaticus delinquit, cum prævaricatione sanctarum regularum per contemptum se ab unitate sanctæ Ecclesiæ, quæ corpus Christi est, dividit, quam hæreticus, qui de Deo, capite videlicet ipsius Ecclesiæ, male sentit.

VIII.

 

Et de même qu’il a été dit des lois ecclésiastiques qu’il n’est permis à aucun autre d’en ignorer les canons ni de rien faire contre les règles des Pères; de même, les lois sacrées ont décrété que nul n’a le droit d’ignorer les lois ni de mépriser leurs décisions.

 

Et puisqu’il est dit que chacun doit connaître les lois et se conformer aux règles qu’elles ont posées, il n’y a personne dans l’ordre laïque, quelque place qu’il occupe, qui puisse se soustraire à cette obéissance. Il y a en effet des lois que les rois et les officiers de l’État sont tenus d’appliquer dans le gouvernement de quelque province que ce soit, il y a aussi les Capitulaires des rois chrétiens et de leurs descendants promulgués légalement par eux avec le consentement général de leurs fidèles, et qu’ils doivent observer. Saint Augustin dit de ces lois : « Bien que les hommes puissent en juger lorsqu’ils les établissent, cependant, une fois établies et sanctionnées, les juges n’ont plus à les juger, mais à rendre la justice d’après elles. »

VIII.

Et sicut dictum est de legibus ecclesiasticis, quod nulli sacerdoti suos liceat canones ignorare, nec quidquam facere quod Patrum possit regulis obviare: ita legibus sacris decretum est, ut leges nescire nulli liceat, aut quæ sunt statuta contemnere.

Cum enim dicitur, nulli liceat leges nescire, vel quæ sunt statuta contemnere, nulla persona in quocunque ordine mundano excipitur quæ hac sententia non constringatur. Habent enim reges et reipublicæ ministri leges quibus in quacunque provincia degentes regere debent: habent Capitula Christianorum regum ac progenitorum suorum, quæ generali consensu fidelium suorum tenere legaliter promulgaverunt. De quibus beatus Augustinus dicit, quia, « licet homines de his judicent, cum eas instituunt, tamen cum fuerint institutæ atque firmatæ, non licebit judicibus de ipsis judicare, sed secundum ipsas. »

IX.

C’est un devoir plus impérieux encore pour le roi et pour chacun, à quelque ordre qu’il appartienne, de ne pas mépriser les lois divines. Aussi les princes de la terre doivent veiller avec soin à ne pas laisser offenser Dieu en la personne de ceux qui ont charge de maintenir la religion chrétienne et de préserver les autres de toute offense. Puisque le roi a, par la volonté de Dieu, pris en mains la protection et la défense de l’Église, c’est par son consentement et aussi par l’élection du clergé et du peuple, et l’approbation des évêques de la province, et sans vénalité, que l’on doit parvenir à la dignité épiscopale; car le Seigneur dit dans l’Evangile. « Celui qui n’entre pas dans la bergerie par la porte, mais s’y introduit autrement, celui-là est un voleur et un larron. » Le roi ne doit pas faire difficulté de se conformer en toutes manières aux règles ecclésiastiques, s’il ne veut offenser le Roi des rois. Les évêques et le roi doivent faire en sorte de n’apporter dans les élections épiscopales aucune préoccupation étrangère au service de Dieu; que ni les présents, ni aucun lien humain, ni la parenté, ni l’amitié, ni un service temporel, ni quelque considération que ce soit, contraire à la vérité ou à l’autorité divine, ne soient pour rien dans l’élection. Que le roi, comme le démontre saint Augustin, ne se laisse ni gagner par les présents et les flatteries des méchants, ni tromper par les adulations; qu’il n’épargne pas par une affection toute charnelle et parce qu’il leur est uni par des liens de parenté ceux qui se livrent à des agissements pervers contre Dieu, la sainte Église et l’État. Car l’Esprit de Dieu a dit par la bouche du prophète David : « Est-ce que je ne haïssais pas, Seigneur, ceux qui t’ont haï, et n’ai-je pas séché de douleur à la vue de tes ennemis? Je les haïssais d’une haine profonde et ils sont devenus mes ennemis. » Haïr d’une haine parfaite les ennemis de Dieu consiste à aimer le bien pour lequel ils sont nés et à blâmer le mal qu’ils font, à réprimer les mœurs des méchants et à travailler par là à leur salut.

IX.

Multo minus autem regi vel cuilibet in quocunque ordine contra leges divinas licet agere per contemptum. Unde principi terræ magnopere providendum atque cavendum est, ne in his Deus offendatur, per quos religio Christiana consistere debet, et cæteri ab offensione salvari. Et ideo, quia res ecclesiasticas divino judicio tuendas et defensandas suscepit, consensu ejus, electione cleri ac plebis, et approbatione episcoporum provinciæ, quisque ad ecclesiasticum regimen absque ulla venalitate provehi debet: quia, sicut Dominus in Evangelio dicit: « Qui non intrat per ostium in ovile ovium, sed ascendit aliunde, ille fur est et latro ». Ecclesiasticis regulis sine difficultate omnimodis debet favere, si non vult Regem regum offendere. Et sicut episcopi ac rex providere debent, ut nullius rei intuitu eligatur episcopus, nisi Dei solius, id est non pro aliquo munere dationis, nec pro aliquo obsequio humano, vel propinquitate consanguinitatis, seu amicitia, vel servitio temporali, aut aliqua occasione, quæ contraria esse possit veritati, aut divinæ auctoritati: ita rex custodire debet, sicut sanctus Augustinus demonstrat, ne muneribus, vel blanditiis cujusquam scelerati pelliciatur, et adulationibus decipiatur: nec quibuscunque propinquitatis necessitudinibus conjunctis, contra Deum sanctamque Ecclesiam atque rempublicam perverse agentibus, affectu carnali parcat, dicente Dei spiritu per David prophetam: « Nonne eos qui oderunt te, Deus, oderam, et super inimicos tuos tabescebam? Perfecto odio oderam illos; inimici facti sunt mihi ». Inimicos enim Dei perfecto odio odisse est, ad quod facti sunt diligere, et quod faciunt increpare, mores pravorum premere, vitæ prodesse.

X.

Le roi doit établir des comtes et au dessous d’eux des juges qui détestent l’avarice et aiment la justice, qui s’acquittent de leurs fonctions avec équité et choisissent des subordonnés possédant les mêmes qualités. Tous ceux qui sont établis pour commander et sont appelés seigneurs, à quelque ordre qu’ils appartiennent et quelque charge qu’ils remplissent, doivent, comme le démontre saint Cyprien au sixième degré de l’Abus, posséder, avec l’aide de Dieu, la vertu du commandement; car le pouvoir de commander ne sert de rien si l’on n’y joint la fermeté de la vertu. Cette fermeté ne consiste pas tant dans la force matérielle, qui est cependant nécessaire aux seigneurs séculiers, que dans la fermeté d’âme, c’est-à-dire dans la pratique des bonnes mœurs on perd, en effet, le pouvoir de commander par faiblesse d’âme. Ceux qui commandent doivent obtenir trois choses : la terreur, l’obéissance et l’amour; si le seigneur n’est pas à la fois aimé et craint, il ne peut obtenir l’obéissance par ses bienfaits et sa bienveillance, il s’attirera l’amour de ses sujets, par de justes châtiments infligés, non pas pour venger ses propres injures, mais au nom de la loi de Dieu, il se fera craindre. Mais, parce que beaucoup de personnes dépendent de lui, lui-même doit s’attacher à Dieu, qui l’a placé au pouvoir et l’a établi, comme le plus fort, pour porter des fardeaux nombreux. Lorsqu’un pieu n’est pas solidement affermi et n’est pas fixé à quelque chose de plus fort, tout ce qui est suspendu à lui ne tarde pas à tomber, et lui-même cédant sous le poids tombe à terre avec sa charge. Il en est ainsi du prince qui, s’il ne s’attache pas étroitement à son Créateur, tombe, lui et tous ceux qu’il maintient. » Et qu’il sache que, puisqu’il s été mis à la tête des autres hommes, s’il ne corrige pas et lui et tous les pêcheurs qui lui obéissent en ce monde, c’est lui que frappera dans l’autre monde un châtiment implacable.

X.

Tales etiam comites et sub se judices constituere debet, qui avaritiam oderint, et justitiam diligant, et sub hac conditione suam administrationem peragant, et sub se hujusmodi ministeriales substituant. « Et quicunque in omni ordine et professione in dominatione constituuntur, et domini appellantur, sicut sanctus Cyprianus in sexto Abusionis gradu demonstrat, dominationis virtutem auctore et cooperatore Domino teneant: quia nihil proficit dominandi habere potestatem, si dominus ipse non habeat et virtutis rigorem. Sed hic virtutis rigor non tam exteriori fortitudine, quæ et ipsa sæcularibus dominis necessaria est, indiget, quam animi interiori fortitudine, bonis moribus exerceri debet: sæpe enim dominandi per animi negligentiam perditur fortitudo. Tria ergo necessaria hos qui dominantur habere oportet, terrorem scilicet, et ordinationem, et amorem. Nisi enim ametur dominus pariter et metuatur, ordinatio minime constare illius potest. Per beneficia ergo et affabilitatem procuret ut diligatur, et per justas vindictas, non propriæ injuriæ sed legis Dei, studeat ut metuatur. Propterea quoque, dum multi pendent in eo, ipse Deo adhærere debet, qui illum in ducatum constituit, qui ad portanda multorum onera ipsum veluti fortiorem solidavit. Paxillus enim nisi bene forte firmetur, et alicui fortiori adhæreat, omne quod in eo pendet cito labitur, et ipse solutus a rigore suæ firmitatis, cum oneribus ad terram delabitur. Sic et princeps nisi suo conditori pertinaciter adhæserit, et ipse, et omne quod continet, cito deperit. » Et sciat, quod sicut in principatu hominum primus constitutus est, ita quoscunque peccatores sub se in præsenti habuit, nisi se et illos correxerit, supra se modo implacabili in illa futura pœna habebit.

XI.

Les actes du concile tenu au tombeau de sainte Macre, dont il a été question, contiennent réunies par chapitres, brièvement et aussi utilement, si on les respecte et les observe, les décisions des Pères de l’Eglise, conformes aux Saintes Écritures, et les constitutions des rois chrétiens, concernant l’honneur et l’affermissement de la sainte Église et de ses ministres, le gouvernement du roi et du royaume, et l’organisation de la maison royale. Cependant, puisque le Samaritain, qui représente le vrai gardien du genre humain, en donnant deux deniers, en d’autres termes l’Ancien et le Nouveau Testament, à l’hôtelier, c’est-à-dire à l’ordre des pontifes, à qui il avait confié le soin et la guérison d’un blessé, a dit : « Ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai à mon retour, » je m’efforcerai d’ajouter, à titre de supplément aux actes du concile de Sainte-Macre, les choses que j’ai déjà consignées dans cet opuscule et celles qui vont suivre.

XI.

In memoratis namque gestis apud martyrium sanctæ Macræ, et de his quæ ad sanctæ Ecclesiæ ac rectorum ipsius honorem et vigorem, et de his quæ ad regis et regni soliditatem atque curam pertinent, necnon et de domus regiæ dispositione, ex catholicorum secundum sanctarum Scripturarum tramitem promulgationibus, atque ex Christianorum regum constitutionibus, per capitula breviter ac salubriter, si teneantur et exsequantur, collecta continentur. Verumtamen quia Samaritanus, verus videlicet custos humani generis, stabulario, id est pontificali ordini, cujus curæ vulneratum quemque commiserat ad sanandum, dans duos denarios, Vetus scilicet ac Novum Testamentum, dixit: « Quod supererogaveris, ego cum rediero reddam tibi », eisdem gestis, velut ex supererogatione, quæ præmissa sunt in hoc opusculo, et quæ sequentur, adjicere studeo.

XII.

Adalhard, ce vieillard et ce sage, parent de monseigneur l’empereur Charles le Grand, abbé du monastère de Corbie, le premier conseiller entre les premiers, je l’ai connu dans ma jeunesse. Jai lu et j’ai transcrit son opuscule sur l’Organisation du Palais: on y voit entre autres choses que le gouvernement de tout le royaume comprenait deux divisions, le jugement du Dieu tout puissant étant réservé et dominant toujours et partout. La première division assurant la direction constante et l’organisation du Palais du roi; la seconde division assurant, selon les circonstances et par un zèle prévoyant, l’administration du royaume entier.

XII.

Adalhardum senem et sapientem domni Caroli magni imperatoris propinquum, et monasterii Corbeiæ abbatem, inter primos consiliarios primum in adolescentia mea vidi. Cujus libellum De ordine palatii legi et scripsi, in quo inter cætera continetur duabus principaliter divisionibus totius regni statum constare, anteposito semper et ubique omnipotentis Dei judicio. Primam videlicet divisionem esse dicens, qua assidue et indeficienter regis palatium regebatur et ordinabatur; alteram vero, qua totius regni status secundum suam qualitatem studiosissime providendo servabatur.

XIII.

En ce qui touche la première division, le palais du roi était organisé comme il suit, pour le bien du gouvernement tout entier. Le roi et la reine, avec leur très noble famille, étaient placés au dessus de tous; quant aux affaires spirituelles et séculières, et aux soins matériels, les officiers que nous allons nommer en avaient constamment la direction. En premier lieu venait l’apocrisiaire, c’est-à-dire l’officier préposé aux affaires ecclésiastiques : sa charge prit naissance au temps où l’empereur Constantin le Grand, devenu chrétien, et voulant donner un témoignage de son amour et de son respect pour les saints apôtres Pierre et Paul, par l’intermédiaire desquels il avait obtenu la grâce du sacrement de baptême, abandonna par un édit sa capitale, la ville de Rome, au pape Silvestre, et transporta le siège de son empire dans la cité, jusqu’alors nommée Byzance, et qui, augmentée par lui, prit son nom; dès lors le siège de Rome et les autres sièges principaux eurent continuellement au palais un légat chargé des affaires ecclésiastiques.

XIII.

In prima igitur dispositione, regis palatium in ornamento totius palatii ita ordinatum erat. Anteposito ergo rege et regina, cum nobilissima prole sua, tam in spiritalibus, quam et in sæcularibus, atque corporalibus rebus, per hos ministros omni tempore gubernabatur. Videlicet per apocrisiarium, id est responsalem negotiorum ecclesiasticorum: cujus ministerium ex eo tempore sumpsit exordium, quando Constantinus magnus imperator christianus effectus, propter amorem et honorem sanctorum apostolorum Petri et Pauli, quorum doctrina ac ministerio ad Christi gratiam baptismatis sacramenti pervenit, locum et sedem suam, urbem scilicet Romanam, papæ Silvestro edicto privilegii tradidit, et sedem suam in civitate sua, quæ antea Byzantium vocabatur, nominis sui civitatem ampliando ædificavit: et sic responsales tam Romanæ sedis, quam et aliarum præcipuarum sedium, in palatio pro ecclesiasticis negotiis excubabant.

XIV.

 

Le siège apostolique confiait cette mission tantôt à des évêques, tantôt à des diacres. C’est en cette dernière qualité que saint Grégoire la remplit. Les autres sièges principaux se faisaient aussi représenter par des diacres, comme l’ordonnent les canons sacrés. Dans les pays Cisalpins, après que Clovis, grâce à la prédication de saint Remi, eut été converti au christianisme et qu’il eut reçu de lui le baptême, la veille du saint jour de Pâques, en même temps que trois mille Francs, ce furent les saints évêques qui, sous ses successeurs, quittant leurs sièges en temps opportun pour venir au palais, s’acquittaient tour à tour de cette charge. Mais depuis le temps de Pépin et de Charles, cet office fut donné tantôt à des prêtres, tantôt à des évêques, mais par la volonté royale et avec le consentement épiscopal, plutôt à des diacres ou à des prêtres qu’à des évêques; car ceux-ci doivent exercer une continuelle surveillance sur leur troupeau, le diriger par les exemples et les paroles et, comme le déclarent les canons sacrés, ne pas rester trop longtemps éloignés de leur diocèse.

XIV.

Aliquando per episcopos, aliquando vero per diaconos apostolica sedes hoc officio fungebatur. Quo officio beatus Gregorius in diaconi ordine functus fuit, et ex aliis præcipuis sedibus per diaconos id officium exsequebatur, sicut sacri canones jubent. Et in his Cisalpinis regionibus, postquam Ludovicus prædicatione beati Remigii ad Christum conversus, et ab ipso cum tribus millibus Francorum in vigilia sancti Paschæ baptizatus exstitit, per successiones regum sancti episcopi ex suis sedibus, et tempore competenti palatium visitantes, vicissim hanc administrationem disposuerunt. A tempore vero Pippini et Caroli interdum per presbyteros interdum per episcopos regia voluntate, atque episcopali consensu, per diaconos vel presbyteros magis quam per episcopos hoc officium exsecutum exstitit: quia episcopi continuas vigilias supra gregem suum debent assidue exemplo et verbo vigilare, et non diutius secundum sacros canones a suis abesse parrochiis.

XV.

 

Les évêques, d’après les décisions des canons sacrés réunies par saint Grégoire, ne doivent pas séjourner inutilement au siège du gouvernement, que nous appelons maintenant la demeure royale ou plus habituellement le palais, de peur d’encourir une accusation, et en agissant contre les canons qu’on leur a remis lors de leur ordination de perdre leur dignité ecclésiastique. Et pour prendre des exemples et montrer tout à la fois ce qui est permis et ce qui est défendu, au temps de Pépin et de Charles, la charge d’apocrisiaire fut remplie, avec le consentement des évêques, par Fulrade, prêtre, puis au temps de Charles par les évêques Angelramne et Hildebold, enfin au temps de Louis par Hilduin, prêtre, et après lui par Fulcon, également prêtre, et ensuite par l’évêque Drogon.

XV.

Neque juxta decreta ex sacris canonibus promulgata beati Gregorii, prætoria, quæ nunc regia, et usitatius palatia nominantur, debent inutiliter observare, ne incurrant judicium, ut contra placita canonum sibi in ordinatione sua tradita facientes, ipsi se honore privent ecclesiastico. Et ut de licitis exempla ponamus, et de illicite usurpatis non taceamus, tempore Pippini et Caroli hoc ministerium consensu episcoporum per Fulradum presbyterum, tempore etiam Caroli per Engelramnum et Hildiboldum episcopos, tempore denique Ludovici per Hilduinum presbyterum, et post eum per Fulconem item presbyterum, deinde per Drogonem episcopum, exstitit hoc ministerium executum.

XVI.

L’apocrisiaire, que nous appelons maintenant chapelain ou gardien au palais, avait sous ses ordres et sa direction tout le clergé du palais. L’archichancelier lui était uni; on le nommait autrefois a secretis; il était préposé à des officiers qu’on choisissait sages, intelligents et dévoués, tels qu’ils rédigeassent les préceptes royaux sans se laisser aller à la vénalité et à l’amour du gain, et capables de garder fidèlement les secrets qu’on leur confiait. A la suite de l’apocrisiaire et de l’archichancelier, le palais sacré comprenait encore dans son organisation d’autres fonctionnaires : c’étaient le chambrier, le comte du palais, le sénéchal, le bouteiller, le connétable, le maître des logis, quatre veneurs principaux et un fauconnier.

XVI.

Apocrisiarius autem, quem nostrates capellanum, vel palatii custodem appellant, omnem clerum palatii sub cura et dispositione sua regebat. Cui sociabatur summus cancellarius, qui a secretis olim appellabatur, erantque illi subjecti prudentes et intelligentes ac fideles viri, qui præcepta regia absque immoderata cupiditatis venalitate scriberent, et secreta illis fideliter custodirent. Post eos vero, sacrum palatium per hos ministros disponebatur, per camerarium videlicet, et comitem palatii, senescalcum, buticularium, comitem stabuli, mansionarium, venatores principales quatuor, falconarium unum.

XVII.

Et quoique sous eux ou à côté d’eux il y eût d’autres officiers, tels que l’huissier, le trésorier, le dépensier, le gardien de la vaisselle, et quoique chacun de ces derniers eût sous lui des subalternes, juniores ou decani, ou même des délégués, comme les garde-chasse, les officiers des chiens, les chasseurs de castors et d’autres encore; quoique chacun d’eux eût dans le palais une fonction en rapport avec ses aptitudes, cependant ce n’était pas à eux comme aux autres officiers principaux qu’appartenaient, ainsi qu’on le verra plus loin, l’administration générale de tout le royaume et la solution des affaires, grandes ou petites, qui se présentaient chaque jour au palais lorsqu’ils y étaient réunis. Les grands fonctionnaires eux-mêmes, en raison de la diversité de leurs charges, de leurs qualités et des circonstances, n’étaient pas tous également utiles, quoique aucun d’eux, comme on l’a dit, ne pût ou même ne voulût se soustraire au service du roi à cause de la pleine fidélité qu’il devait garder au roi et au royaume. Sur les personnes et les charges de ces officiers, il y aurait beaucoup à dire; voici seulement les choses les plus importantes.

XVII.

Et quamvis sub ipsis, et ex latere eorum, alii ministeriales fuissent, ut ostiarius, sacellarius, dispensator, scapoardus, vel quorumcunque ex eis juniores, aut decani fuissent, vel etiam alii ex latere, sicut bersarii, veltrarii, beverarii, vel si qui adhuc supererant: verumtamen, quamvis et ipsi singuli juxta suam qualitatem ad hoc intenti essent, non tamen ad eos, sicut ad cæteros principaliter, ut subter insertum est, totius regni confœderatio in majoribus vel minoribus, singulis quibusque quotidianis necessitatibus occurrentibus, cum palatio conglutinabantur. Sed nec ipsi superiores omnes æqualiter, propter ministeriorum diversitatem, qualitatem, vel convenientiam, prodesse poterant: cum tamen nullus se, propter fidei servandam veritatem regis et regni, ut prædictum est, subtrahero potuisset, vel etiam voluisset. De quorum personis vel ministeriis, quanquam plura sint quæ dicantur, hæc tamen præcipue habebantur.

XVIII.

D’abord, suivant la nature et l’importance de chaque office, on choisissait pour le remplir une personne aussi noble par le cœur que par le corps, fidèle, intelligente, discrète et sobre. De plus, comme ce royaume, par la grâce de Dieu, est formé de plusieurs régions, on prenait soin, autant que possible, de tirer des diverses régions ces fonctionnaires, qu’ils appartinssent au premier ou au second rang, ou à quelque rang que ce fût, afin de faciliter l’accès du palais à tous les sujets, sûrs qu’ils étaient d’y rencontrer des membres de leur famille ou des personnes originaires de leur pays.

XVIII.

Imprimis, ut juxta cujuscunque ministerii qualitatem vel quantitatem, minister nobili corde et corpore constans, rationabilis, discretus et sobrius eligeretur. Sed nec illa sollicitudo deerat, ut si fieri potuisset, sicut hoc regnum, Deo auctore, ex pluribus regionibus constat, ex diversis etiam eisdem regionibus, aut in primo, aut in secundo, aut etiam in quolibet loco, iidem ministri eligerentur, qualiter familiarius quæque regiones palatium adire possent, dum suæ genealogiæ vel regionis consortes in palatio locum tenere cognoscerent.

XIX.

Telles étaient en quelques mots les règles suivies dans le choix et la nomination des fonctionnaires du palais. Venons maintenant à leurs attributions et la hiérarchie de leurs offices. Car, bien que chacun de ces officiers dont nous avons parlé fût indépendant dans son office, n’eût personne au dessus de lui, et relevât directement du seul roi ou, suivant les cas, de la reine et de la famille royale, cependant, dans les affaires qui ne dépendaient pas de leur charge ou qui concernaient d’autres personnages, tous n’avaient pas auprès du roi un égal accès, mais chacun d’eux, se renfermant dans la mesure de ses attributions et de son autorité, implorait, quand les circonstances le voulaient, l’intermédiaire d’un autre fonctionnaire. Au premier rang venaient l’apocrisiaire, que nous appelons chapelain ou gardien du palais, et le comte du palais, ayant pour mission expresse : le premier, de diriger toutes les affaires de l’Eglise et de ses ministres; le second, de prendre en mains toutes les causes et les jugements séculiers, de façon à. ce que ni les ecclésiastiques ni les laïques n’eussent à s’adresser au roi avant d’avoir pris leur avis et avant qu’ils n’eussent jugé s’il était nécessaire de déférer la cause au roi; l’affaire était-elle secrète et convenait-il que le roi en fût informé avant tout autre, ces officiers fournissaient à l’intéressé l’occasion de la lui communiquer, après avoir prévenu le roi, pour qu’il pût, selon la qualité de la personne, l’accueillir avec honneur ou patience, ou même compassion.

XIX.

His ita breviter de eligendis et constituendis ministris prædictis, nunc ad eorumdem ministrorum et ministrationum ordinem qualiter currebant veniendum est. Nam quamvis præfati ministri, unusquisque de suo ministerio, non sub alio, vel per alium, nisi per seipsum, solum regem, vel quantum ad reginam vel gloriosam prolem regis respiciebant, caput ponerent: non tamen omnes æqualiter de cæteris rebus, vel cæterorum necessitatibus regem adibant, sed mensura sua quisque contentus erat, et ubi vel ubi ratio poscebat, solatium alterius requirebat. E quibus præcipue duo, id est apocrisiarius, qui vocatur apud nos capellanus, vel palatii custos, de omnibus negotiis ecclesiasticis vel ministris ecclesiæ, et comes palatii de omnibus sæcularibus causis, vel judiciis suscipiendi curam instanter habebant: ut nec ecclesiastici, nec sæculares, prius domnum regem, absque eorum consultu inquietare necesse haberent, quousque illi præviderent, si necessitas esset ut causa ante regem merito venire deberet; si vero secreta esset causa, quam prius congrueret regi quam cuiquam alteri dicere, eumdem dicendi locum eidem ipsi præpararent introducto prius rege, ut hoc juxta modum personæ, vel honorabiliter, vel patienter, vel etiam misericorditer susciperet.

XX.

L’apocrisiaire s’occupait de tout ce qui concernait la religion et la hiérarchie ecclésiastique, et aussi des difficultés relatives aux chanoines ou aux moines, en un mot de toutes les affaires ecclésiastiques apportées à la cour; il prenait soin que, parmi les causes étrangères au palais, celles-là seules vinssent au roi qui n’auraient pu être terminées sans lui. Il n’avait pas seulement la direction de tout ce qui touchait spécialement à l’organisation ecclésiastique et au service religieux du palais; il fallait encore que tous ceux des palatins qui avaient besoin d’une consolation spirituelle le trouvassent prêt à leur donner conseil; même, allant au devant de ceux qui ne réclamaient par son assistance, mais à qui il sentait qu’elle était nécessaire, il devait, tenant compte de la qualité des personnes, les détourner d’un projet pervers ou d’une entreprise mauvaise et leur montrer la voie du salut. Quant à toutes les autres choses d’ordre spirituel, qu’il serait trop long d’énumérer, et auxquelles ceux qui vivaient continuellement au palais ou qui n’y venaient qu’en passant devaient pourvoir, ou qu’ils devaient prévoir, selon Dieu ou selon le siècle, le soin lui en était spécialement confié; non pas que quelque autre des palatins ou des étrangers présents à la cour, si par la grâce de Dieu il possédait les lumières que donnent la sagesse et la vraie dévotion, ne pût se mêler de ces sortes de choses; mais c’était généralement la coutume qu’il agit de concert avec l’apocrisiaire, ou d’après son conseil, de peur qu’il ne suggérât au roi quelque décision fâcheuse ou indigne.

XX.

Apocrisiarius quidem de omni ecclesiastica religione vel ordine, necnon etiam de canonicæ, vel monasticæ altercatione, seu quæcunque palatium adibant pro ecclesiasticis necessitatibus sollicitudinem haberet, et ea tantummodo de externis regem adirent, quæ sine illo plenius definiri non potuissent. Cæterum, ut non solum de his quæ ad eos specialiter de omni ornamento vel officio ecclesiastico infra palatium agenda pertinebant, verum quoque et omnem consolationem spiritalem, sive consilium totius palatii quicunque quæreret, apud eum ut necesse erat fideliter inveniret: et qui non quæreret et tamen ipse apud aliquem necessarium esse sentiret, juxta personæ qualitatem, et a perverso sensu vel opere retrahere, et ad viam salutis convertere studeret. Et cætera spiritualia, quæcunque palatio, tam ab assidue conversantibus, quamque et a supervenientibus, sive secundum Deum, sive secundum sæculum, ut providerentur et præviderentur erant necessaria, quæ enumerare longum est, ad ejus specialiter curam pertinebant. Non ita, ut aliter ullus, sive palatinus, sive externus superveniens, sapientia et vera devotione per Dei gratiam illuminatus, tale aliquid minime ageret; sed maxime consuetudo erat, ut aut cum eodem apocrisiario pariter, aut certe per ejus consilium quod erat agendum ageret, ne forte quid minus utile aut indignum regi subriperet.

XXI.

 

Le comte du palais, parmi ses attributions presque innombrables, n’en avait pas de plus importante que de terminer, selon la justice et la raison, tous les procès légaux qui, nés ailleurs, étaient apportés au palais pour y recevoir une solution conforme à l’équité, et aussi de réformer les jugements mal prononcés; de manière à plaire à tous: à Dieu, par sa justice, aux hommes, par son respect des lois. Un cas se présentait-il, que les lois séculières n’eussent pas prévu dans leurs décisions ou sur lequel la coutume païenne eût statué plus cruellement que ne le comportent la justice chrétienne et la sainte autorité de l’Eglise, on en remettait l’examen au roi, afin qu’avec l’assistance de personnes également versées dans l’un et l’autre droit et craignant la loi de Dieu plus que les lois humaines, il en décidât de façon à concilier ces législations toutes les fois qu’elles pouvaient l’être; si cela était impossible, la loi du siècle devait, comme il convient, céder devant la justice de Dieu.

XXI.

Comitis autem palatii, inter cætera pene innumerabilia, in hoc maxime sollicitudo erat, ut omnes contentiones regales, quæ alibi ortæ propter æquitatis judicium palatium aggrediebantur, juste ac rationabiliter determinaret, seu perverse judicata ad æquitatis tramitem reduceret, ut et coram Deo propter justitiam, et coram hominibus propter legum observationem, cunctis placeret. Si quid vero tale esset, quod leges mundane hoc in suis diffinitionibus statutum non haberent, aut secundum gentilium consuetudinem crudelius sancitum esset, quam Christianitatis rectitudo, vel sancta auctoritas merito non consentiret, hoc ad regis moderationem perduceretur, ut ipse cum his qui utramque legem nossent, et Dei magis quam humanarum legum statuta metuerent, ita decerneret, ita statueret, ut ubi utrumque servari posset, utrumque servaretur: sin autem, lex sæculi merito comprimeretur, justitia Dei conservaretur.

XXII.

L’économie intérieure du palais, à l’exception de la boisson, de la nourriture, et aussi de l’entretien des chevaux, et spécialement la pompe royale et encore la réception des dons annuels des vassaux appartenaient à la reine d’abord, et sous ses ordres au chambrier; selon les circonstances, tous deux avaient soin de prévoir à temps l’avenir de façon à ce que quelque chose ne vint pas à manquer au moment opportun et quand on en avait besoin. Quant aux dons qu’apportaient les diverses ambassades, c’était l’affaire du chambrier; à moins que, sur l’ordre du roi, il ne dût en conférer avec la reine. Dans l’administration de toutes ces choses et autres du même genre, la reine et le chambrier agissaient de telle sorte que, libre de toute inquiétude domestique, et sans souci des affaires intérieures du palais, autant du moins qu’il était raisonnable et convenable, le seigneur roi pût, ne cessant jamais de mettre son espoir en Dieu tout puissant, avoir l’esprit toujours prêt à organiser et à maintenir l’ordre du royaume entier.

XXII.

De honestate vero palatii, seu specialiter ornamento regali, necnon et de donis annuis militum, absque cibo et potu, vel equis, ad reginam præcipue, et sub ipsa ad camerarium pertinebat: et secundum cujusque rei qualitatem, ipsorum sollicitudo erat, ut tempore congruo semper futura prospicerent, ne quid dum opus esset ullatenus opportuno tempore defuisset. De donis vero diversarum legationum, ad camerarium aspiciebat: nisi forte jubente rege tale aliquid esset, quod reginæ ad tractandum cum ipso congrueret. Hæc autem omnia et his similia eo intendebant, ut ab omni sollicitudine domestica vel palatina, in quantum rationabiliter et honeste esse poterat, domnus rex omnipotenti Deo spem suam indesinenter committens, ad totius regni statum ordinandum vel conservandum animum semper suum promptum haberet.

XXIII.

Quant aux trois autres fonctionnaires, le sénéchal, le bouteiller et le connétable, il convenait que, selon la nature et l’importance de ses attributions, chacun d’eux dans son office, agissant d’accord avec les autres, ne négligeât pas d’informer d’avance et au plus vite tous les agents royaux du lieu où le roi ferait résidence, de l’époque de son arrivée et de la durée de son séjour, pour permettre d’amener et de préparer ce qui était nécessaire: de peur qu’avertis trop tard, les agents n’eussent à exiger des services en temps inopportun et avec trop de hâte, et que les gens du roi ne souffrissent sans nécessité de cette négligence. D’ailleurs ce soin, bien qu’il fût partagé avec le bouteiller et le connétable, retombait au premier chef sur le sénéchal, qui, à l’exception de la nourriture des chevaux et de la boisson, s’occupait de tout le reste. Au nombre des officiers de cette classe se trouvait encore le maître des logis, à qui revenait surtout, comme son nom l’indique, le soin d’avertir à temps les agents nommés plus haut et aussi les intendants spéciaux de l’époque à laquelle le roi se rendrait en tel ou tel lieu, pour qu’ils préparassent les logements; de peur qu’avertis trop tard par là forcés d’opprimer les gens de la villa, ils ne manquassent à leur devoir quand il ne convenait pas; ou que par une réception indigne, comme s’ils n’avaient pas eu de bonnes intentions, quoiqu’en réalité la volonté ne leur eût pas manqué, mais le pouvoir, ils n’encourussent le mécontentement du roi.

XXIII.

Ad tres autem ministeriales, senescalcum, buticularium, et comitem stabuli, secundum uniuscujusque ministerii qualitatem vel quantitatem pertinebat, ut cum communi consensu de suo quisque ministerio admonendi non essent segnes, ut quantocius esse potuisset, omnes actores regis præscirent, ubi vel ubi rex illo vel illo tempore, tanto vel tanto spatio manere debuisset, propter adductionem, vel præparationem: ne forte tarde scientes, dum inopportuno tempore, vel cum nimia festinatione exigeretur, familia regalis per negligentiam sine necessitate opprimeretur. Quæ videlicet cura quanquam ad buticularium vel ad comitem stabuli pertineret, maxima tamen cura ad senescalcum respiciebat, eo quod omnia cætera, præter potus vel victus caballorum, ad eumdem senescalcum respiceret. Inter quos etiam et mansionarius intererat, super cujus ministerium incumbebat, sicut et nomen ejus indicat, ut in hoc maxime sollicitudo ejus intenta esset, ut tam supradicti actores, quamque et susceptores, quo tempore ad eos illo vel illo in loco rex venturus esset, propter mansionum præparationem, ut opportuno tempore præscire potuissent: ne aut inde tarde scientes, propter afflictionem familiæ importuno tempore peccatum, aut hi propter non condignam susceptionem, ac si bene noluissent, cum certe non volendo, sed non valendo offensionem incurrerent.

XXIV.

Semblablement quatre veneurs et un fauconnier, agissant avec le même accord et suivant les circonstances, avaient soin d’examiner et de disposer en temps convenable et non pas trop tard les choses dont la direction appartenait à leurs charges, et de fixer le nombre de veneurs qu’on devait en tel ou tel temps garder au palais, et quand il fallait qu’ils y fussent tous ou qu’il n’y en eût aucun, ou combien il fallait en envoyer au dehors, selon la coutume, pour y être nourris pendant un certain temps; ils désignaient encore en temps opportun les lieux entre lesquels il convenait de les répartir pour y chasser et y vivre. Cette distribution de leurs subordonnés entre le palais et l’extérieur, ils devaient toujours la faire avec mesure et intelligence, de façon à ce qu’il y en eût autant qu’il était utile et pas davantage. Dans ces offices, il n’est pas facile de déterminer d’une façon invariable le nombre des hommes, des chiens ou des oiseaux nécessaires: aussi s’en remettait-on à eux pour fixer combien et quels ils devaient être.

XXIV.

Similiter quoque quatuor venatores, et quintus falconarius, cum eadem unanimitate secundum temporis qualitatem admonere studebant, qualiter ea, quæ ad singulorum ministeriorum curam pertinebant, ut opportuno tempore, et non tarde considerarentur, quando tanti vel quando tanti, quando toti et quando nulli, aut in palatio retinerentur, aut more solito foris nutriendi usque ad tempus mitterentur, aut tempore congruo per denominata loca venandi causa pariter et nutriendi disponerentur. Sed et hoc et illud, id est et intra et extra palatium, ita semper cum mensura et ratione ordinaretur, ut quantum prodesset esset, et quantum non prodesset non esset: quia in ipsis ministeriis non sic facile certus numerus, aut hominum, aut canum, aut avium diffiniri potest: ideo in ipsorum arbitrio manebat, quanti et quales essent.

XXV.

Le but qu’on se proposait en tout cela, c’était qu’il y eût toujours au palais des officiers de nombre et de qualité tels qu’ils pussent, entre autres affaires et nécessités, subvenir surtout à celles-ci que nous allons dire. Tout d’abord, il importait que, soit que les principaux officiers tous ensemble, soit que les officiers inférieurs dussent s’absenter pour des missions spéciales ou des affaires personnelles, il en restât en tout temps au palais un nombre suffisant pour diriger les affaires comme l’exigeaient la raison et la dignité, et que jamais les conseillers compétents ne vinssent à faire défaut; afin que toute ambassade, qu’elle vint pour saluer le roi ou pour faire sa soumission, pût trouver un accueil honorable; et, afin que l’un apportait la rectitude du conseil, un autre des paroles consolantes de miséricorde et de bienveillance, un autre encore un remède à la ruse et à l’audace. Afin que, de quelque partie du royaume qu’il vint au palais, un homme abandonné et sans soutien, ou accablé de dettes, ou poursuivi par d’injustes et calomnieuses accusations, ou bien en proie à quelqu’un de ces autres maux de même nature et qu’il serait trop long d’énumérer) surtout les veuves et les orphelins, que ce fussent d’ailleurs des personnages importants ou de moindre condition, chacun selon son malheur ou sa qualité pût avoir recours à la miséricorde et à la piété des officiers supérieurs et eût sous la main quelqu’un qui fit parvenir ses plaintes jusqu’aux pieuses oreilles du prince.

XXV.

Sensus autem in his omnibus talis erat ut nunquam palatio tales vel tanti deessent ministri propter has præcipue inter cæteras necassitates vel honestates. Primo, ut sive generaliter majoribus, sive specialiter vel singulariter quibusque minoribus recedentibus, omni tempore et multitudine congrua, sine qua rationabiliter et honeste esse non posset, semper esset ornatum palatium, et consiliariis condignis nunquam destitutum fuisset. Et ut qualiscunque legatio, sive speculandi, sive etiam subdendi gratia veniret, qualiter omnes quidem honeste suscipi potuissent. Deinde primus consilii rectitudinem, secundus misericordiæ et benignitatis consolationem, tertius vero versutiæ seu temeritatis sermo referret medicinam. Et ut ex quacunque parte totius regni, quicunque desolatus, orbatus, alieno ære oppressus, injuste calumnia cujusque suffocatus, seu cætera his similia, quæ nunc enumerare perlongum est, maxime tamen de viduis et orphanis, tam seniorum quamque et mediocrium uniuscujusque, secundum suam indigentiam vel qualitatem, dominorum vero misericordiam et pietatem semper ad manum haberet, per quem singuli ad pias aures principis perferre potuissent.

XXVI.

On trouvait ainsi l’occasion de n’abandonner complètement aucun de ces malheureux, et, en même temps, s’il y en avait parmi eux qui, par un long service, s’étaient rendus dignes d’une récompense, de les rappeler, selon leurs mérites, à la mémoire du prince, sans qu’ils fissent une requête; mais il leur suffisait d’invoquer la conscience et le devoir de ces officiers dont nous avons parlé. On agissait en cela de façon d’abord à plaire à Dieu en usant de justice et de miséricorde; ensuite à affermir la fidélité et la constance de ceux qui s’acquittaient d’un service public; enfin à remplir de joie les personnes vivant au loin dans les limites du royaume. Un des officiers ou des conseillers venait-il à mourir, on le remplaçait par un autre aussi compétent et utile.

XXVI.

Similiter, qui propter diutinum servitium digni erant ut remunerari debuissent, et locus talis occurrebat, ubi ex prædictis indigentibus nemo sine mensura destitueretur, similiter secundum eorum qualitatem ad memoriam principum revocarentur, non tam ipsis urgentibus, quam eorum, de quibus supra dictum est, fidem et debitum exigentibus, ut in eis id fieret primo propter quod cum justitia et misericordia Deo placerent. Deinde in militia remanentibus certissimam fideliter serviendi fidem et constantiam ministrarent. Deinde ut etiam longe positis per totius regni ambitum lætitiam et gaudium demonstrarent. Et si aliquis ex ministerialibus vel consiliariis decedebat, loco ejus congruus et utilis restituebatur.

XXVII.

Pour assurer l’entretien continuel et la persistance de cette multitude, dont la présence au palais est nécessaire, on la divisait en trois classes. La première comprenait les serviteurs royaux qui n’avaient pas de charge particulière; grâce à la bienveillance et à la sollicitude des hauts fonctionnaires qui leur donnaient tantôt la nourriture, tantôt le logement, ou bien de l’or, de l’argent, des chevaux, ou d’autres ornements, quelquefois d’une façon occasionnelle et selon que le temps, la raison ou les évènements le permettaient, mais plus souvent encore d’une façon prolongée, les secours ne leur faisaient jamais défaut; le service du roi leur tenait toujours d’autant plus à cœur que ces mêmes hauts fonctionnaires les appelaient à l’envi dans leurs maisons, aujourd’hui ceux-ci, demain ceux-là; se préoccupant moins de satisfaire leur gourmandise que de se créer avec eux, autant que possible, des relations amicales et affectueuses; aussi était-il rare qu’un de ces serviteurs restât une semaine sans qu’un grand l’appelât pour lui offrir l’hospitalité.

XXVII.

Et ut illa multitudo, quæ in palatio semper esse debet, indeficienter persistere posset, his tribus ordinibus fovebatur. Uno videlicet, ut absque ministeriis expediti milites, anteposita dominorum benignitate, et sollicitudine, qua nunc victu, nunc vestitu, nunc auro, nunc argento, modo equis, vel cæteris ornamentis, interdum specialiter, aliquando prout tempus, ratio, et ordo condignam potestatem administrabat, sæpius porrectis, in eo tamen indeficientem consolationem, necnon ad regale obsequium inflammatum animum ardentius semper habebant, quod illos præfati capitanei ministeriales certatim de die in diem, nunc istos, nunc illos, ad mansiones suas vocabant, et non tam gulæ voracitate, quam veræ familiaritatis seu dilectionis amore, prout cuique possibile erat, impendere studebant: sicque fiebat, ut rarus quisque infra hebdomadam remaneret, qui non ab aliquo pro hujusmodi studio convocaretur.

XXVIII.

La deuxième classe comprenait les jeunes gens répartis entre les divers services du palais, et qui, s’attachant à leur maître, l’honoraient et en étaient honorés; chacun d’eux, dans la place qu’il occupait, et suivant les circonstances, trouvait un appui dans la vue et les encouragements de son maître. La troisième classe se composait des serviteurs des grands comme des petits, dont chacun tenait à prendre à son service et à entretenir un aussi grand nombre qu’il pouvait le faire sans péché, c’est-à-dire sans avoir recours aux rapines et au vol. Ce qu’il y avait d’admirable dans cette hiérarchie, c’est que les personnages qui la constituaient, sans compter les allants et venants qui fréquentaient le palais, suffisaient aux nécessités imprévues qui se présentaient de temps à autre; cependant la plupart, comme on l’a dit, en raison de la bienveillance dont ils étaient l’objet, toujours joyeux et riants, conservaient l’esprit dispos et gai.

XXVIII.

Alter ordo per singula ministeria discipulis congruebat, qui magistro suo singuli adhærentes, et honorificabant et honorificabantur, locisque singuli suis, prout opportunitas occurrebat, ut a Domino videndo vel alloquendo consolarentur. Tertius ordo item erat, tam majorum, quam minorum, in pueris, vel vassallis, quos unusquisque, prout gubernare et sustentare absque peccato, rapina videlicet vel furto poterat, studiose habere procurabat. In quibus scilicet denominatis ordinibus, absque his qui semper eundo et redeundo palatium frequentabant, erat delectabile, quod interdum et necessitati, si repente ingrueret, semper sufficerent: et tamen semper, ut dictum est, major pars illorum propter superius commemoratas benignitates, cum jucunditate et hilaritate prompta et alacri mente persisterent.

XXIX.

La seconde division du gouvernement tendait au maintien de l’ordre de tout le royaume, autant du moins qu’il était de la raison humaine, car là, comme ailleurs, on doit toujours réserver le jugement du Dieu tout puissant. C’était l’usage de ce temps de tenir deux assemblées par an, et pas davantage. La première était celle où l’on réglait l’état du royaume entier pour le reste de l’année courante; ce qu’on y avait décidé, nul évènement ne pouvait le faire modifier, si ce n’est une nécessité impérieuse et commune à tout le royaume. Dans cette assemblée se réunissaient tous les grands tant clercs que laïques: les plus considérables pour délibérer et prendre des décisions; les moins considérables pour y donner leur adhésion, quelquefois aussi pour en délibérer, et les confirmer non pas par force et aveuglément, mais de leur propre mouvement et avec intelligence; les uns et les autres y venaient également pour remettre au roi l’ensemble des dons annuels.

XXIX.

Secunda divisio est, qua totius regni status, anteposito sicuti semper et ubicunque omnipotentis Dei judicio, quantum ad humanam rationem pertinebat, conservari videbatur, hæc est. Consuetudo autem tunc temporis talis erat, ut non sæpius, sed bis in anno, placita duo tenerentur. Unum, quando ordinabatur status totius regni ad anni vertentis spacium, quod ordinatum nullus eventus rerum, nisi summa necessitas, quæ similiter toto regno incumbebat, mutabatur. In quo placito generalitas universorum majorum tam clericorum quam laicorum conveniebat: seniores, propter concilium ordinandum; minores, propter idem consilium suscipiendum, et interdum pariter tractandum, et non ex potestate, sed ex proprio mentis intellectu vel sententia confirmandum; ; cæterum autem propter dona generaliter danda.

XXX.

 

Une autre assemblée se tenait seulement avec les plus considérables d’entre les grands et les principaux conseillers; on commençait à y traiter les affaires de l’année suivante, si par hasard il s’en présentait auxquelles il fallait songer d’avance ou si, au moment où l’année touchait à sa fin, quelque évènement survenait qui demandait qu’on prit une décision anticipée et qu’on y pourvût de suite: par exemple, si dans quelque partie du royaume des marquis avaient conclu des trêves pour un tempe, que devait-on faire à l’expiration de ces trêves? Fallait-il ou non les renouveler? Si dans d’autres parties du royaume la guerre était imminente, ou la paix près d’être rétablie, et si, suivant les circonstances, on avait, ici ou là, soit à diriger une attaque, soit à repousser une incursion, on cherchait à assurer la tranquillité en appelant des troupes d’autres régions du royaume. Après que les grands avaient ainsi tenu conseil et considéré d’avance ce qu’exigeait l’avenir, et réglé la marche à suivre, leurs décisions étaient tenues secrètes, et restaient si complètement ignorées de tous autres jusqu’à la prochaine assemblée générale, qu’on eût pu croire que rien n’avait été arrêté ni même pris en considération. De cette façon, si l’on avait à prendre une mesure touchant les affaires intérieures ou extérieures du royaume, que certaines personnes, en étant informées, eussent voulu empêcher ou rendre inutile, ou par quelque ruse plus difficile à exécuter, cela leur était complètement impossible. D’ailleurs, dans l’assemblée générale, sil était nécessaire de faire quelque chose soit pour la satisfaction du reste des grands, soit pour calmer ou échauffer l’esprit des peuples, on en délibérait à nouveau et on en décidait avec les assistants, comme si on n’avait rien prévu à ce sujet, et, Dieu aidant, on menait à bien l’entreprise. La première année terminée, les affaires de l’année suivante se réglaient de la même façon.

XXX.

Aliud placitum cum senioribus tantum et præcipuis consiliariis habebatur: in quo jam futuri anni status tractari incipiebatur, si forte talia aliqua se præmonstrabant, pro quibus necesse erat præmeditando ordinare, si quid mox transacto anno priore incumberet, pro quo anticipando aliquid statuere aut providere necessitas esset: verbi gratia, si inter marchisos in qualibet regni parte ad aliud tempus dextræ datæ fuissent, quid mox post dextras exactas agendum esset, utrum renovandæ, an finiendæ essent: juxta cæterarum partium imminentibus rixa et pace, ut secundum id quod tunc temporis ratio poscebat, si ex una parte hinc aut inde vel facienda vel toleranda inquietudo necessario incumbebat, ex aliis partibus tranquillitas ordinaretur. Et cum ita per eorumdem seniorum consilium quid futuri temporis actio vel ordo agendi posceret, a longe considerarent: et cum inventum esset, sub silentio idem inventum consilium, ita funditus ab omnibus alienis incognitum usque ad aliud iterum secundum generale placitum, ac si inventum vel a nullo tractatum esset, maneret: ut si forte tale aliquid aut infra aut extra regnum ordinandum esset, quod præscientia quorumdam, aut destruere, aut certe inutile reddere, aut per aliquam diversam astutiam laboriosius faciendum convertere voluisset, hoc nullatenus facere potuisset. In ipso autem placito, si quid ita exigeret, vel propter satisfactionem cæterorum seniorum, vel propter non solum mitigandum, verum etiam accendendum animum populorum, ac si ita prius exinde præcogitatum nihil fuisset, ita nunc a novo consilio, et consensu illorum et inveniretur, et cum magnatibus ordo Domino duce perficeretur. Ita autem anno priore terminato, præfato modo ordinaretur et de secundo.

XXXI.

Quant aux conseillers, clercs et laïques, on les choisissait, autant que possible, tels que d’abord ils eussent, chacun selon leur qualité ou leurs fonctions, la crainte de Dieu, en second lieu qu’ils se montrassent fidèles à ce point de ne rien mettre au dessus de l’intérêt du roi et du royaume, si ce n’est la vie éternelle; et que ni l’amitié, ni la haine, ni la parenté, ni les dons, ni les flatteries, ni les menaces n’eussent prise sur eux; on les voulait, non pas sophistes et rusés, ni sages de cette sagesse mondaine qui est ennemie de Dieu, mais intelligents et possédant la vraie sagesse qui les mit en état non seulement de réprimer avec justice et droiture, mais encore de confondre pleinement ceux qui ont mis leur confiance dans la ruse humaine. Les conseillers ainsi choisis convenaient entre eux et avec le roi qu’aucune des paroles qu’ils auraient échangées familièrement aussi bien touchant l’état du royaume que l’affure d’un particulier, ne serait sans le consentement de tous confiée à leur serviteur ou à quelque autre personne, quel que fût d’ailleurs le temps pendant lequel il importait de garder le silence, que ce fût un jour, ou deux, ou plus, ou une année, ou même toujours. Car, souvent dans ces sortes d’affaires, il arrive que, pour sauvegarder l’intérêt général, on tient sur une personne des propos qui, connus d’elle, la troublent fortement, ou même la jettent dans le désespoir, ou, ce qui est plus grave, la poussent à l’infidélité; par là, tous les services qu’elle aurait pu rendre en mille circonstances se trouvent perdus, alors pourtant qu’elle n’aurait rien eu à craindre de ces propos si elle les eût ignorés. Ce qui arrive pour un homme peut, si l’on n’y apporte de grandes précautions, arriver pour deux, pour cent, pour un plus grand nombre, ci même pour une famille entière, ou toute une province.

XXXI.

Consiliarii autem, quantum possibile erat, tam clerici quam laici, tales eligebantur, qui primo secundum suam quisque qualitatem vel ministerium Deum timerent, deinde talem fidem haberent, ut excepta vita æterna nihil regi et regno præponerent, non amicos, non inimicos, non parentes, non munera dantes, non blandientes, non exasperantes, non sophistice vel versute, aut secundum sapientiam solummodo hujus sæculi quæ inimica est Deo sapientes, sed illam sapientiam et intelligentiam scientes, qua illos qui in supradicta humana astutia fiduciam suam habuissent, pleniter per justam et rectam sapientiam non solum reprimere, sed funditus opprimere potuissent. Electi autem consiliarii una cum rege hoc inter se principaliter constitutum habebant, ut quidquid inter se familiariter locuti fuissent, tam de statu regni, quamque et de speciali cujuslibet persona, nullus sine consensu ipsorum cuilibet domestico suo, vel cuicunque alteri prodere debuisset, secundum hoc quod res eadem sive die, sive duobus, sive amplius, seu annum, vel etiam in perpetuo celari, vel sub silentio manere necesse fuisset: quia sæpe in tali tractatu de qualibet persona, talis interdum propter communem utilitatem agendam vel cavendam sermo procedit, qui ab eo cognitus, aut valde turbat, aut quod magis est in desperationem trahit, vel quod gravissimum est, in infidelitatem convertit, et ab omni profectu, quem fortasse multipliciter exercere potuit, inutilem reddit, cum tamen nihil ei obesset si eumdem sermonem minime sciret. Quale de homine uno, tale de duobus, tale de centum, tale de majori numero, vel etiam de progenie una, vel tota qualibet simul provincia, si magna cautela non fuerit, fieri poterit.

XXXII.

L’apocrisiaire, qu’on appelle encore chapelain ou gardien du palais, et le chambrier assistaient toujours aux conseils; aussi les choisissait-on avec le plus grand soi, ou une fois choisis on les instruisait de façon à ce qu’ils pussent dignement prendre part aux délibérations. Si parmi les autres officiers il s’en trouvait un qui, d’abord en écoutant, plus tard en donnant des conseils, fût digne de remplacer honorablement l’un des conseillers, on lui ordonnait d’assister à toutes les délibérations et de prêter la plus grande attention aux affaires qui s’y traitaient, gardant les secrets, apprenant ce qu’il ignorait, retenant ce qu’on avait ordonné et établi; de façon à ce que, si dans les limites du royaume ou au dehors, quelque évènement inattendu se présentait auquel on n’eût pas songé (parfois il eût été nécessaire de soumettre l’affaire à la délibération des premiers conseillers, mais le temps ne permettait pas de les convoquer), de façon à ce qu’alors les officiers palatins, par la miséricorde de Dieu, et grâce à leur intervention continuelle dans les affaires publiques, comme aussi à leur habitude de parler, de répondre et de donner leur avis dans les affaires domestiques, fussent capables, selon les circonstances et le temps, ou d’arrêter d’une façon définitive ce qu’il y avait à faire, ou au moins d’indiquer les moyens de remettre et de maintenir sans inconvénient l’affaire en suspens jusqu’à une époque déterminée. Voilà pour les affaires les plus importantes.

XXXII.

Apocrisiarius autem, id est capellanus, vel palatii custos, et camerarius semper intererant: et idcirco cum summo studio tales eligebantur, aut electi instruebantur, qui merito interesse potuissent. Sed et de cæteris ministerialibus, qui talem se ostendebat, ut ad hoc vel præsens, vel futurus, nunc discendo, postmodum vero consiliando, loco eorumdem honorifice substitui potuisset, cum summa intentione mentis intendendo singulis quæ agebantur interesse jubebatur, salvans credita, discens incognita, retinens ordinata et constituta; ut si forte tale aliquid extra aut infra regnum oriretur, aut insperatum et ideo non præmeditatum nuntiaretur (rarius tamen necesse esset ut consilium altius tractaretur, et tamen tempus aptum non esset, in quo præfati consiliarii convocarentur), ipsi palatini per misericordiam Dei, ex eorum assidua familiaritate, tam in publicis consiliis, quamque ex domestica in hac parte allocutione, responsione, et consultatione, studium haberent, prout tunc rei vel temporis qualitas exigebat, aut consilium pleniter dare quid fieret, aut certe quomodo ad præfinita tempora cum consilio, et absque ullo detrimento res eadem exspectari vel sustentari potuisset. Hæc de majoribus.

XXXIII.

Pour les affaires de moindre importance, ou en d’autres termes palatines, et qui n’intéressaient pas, comme celles que nous avons indiquées, la totalité du royaume, mais se rapportaient spécialement aux personnes attachées au palais, il convenait que le roi avec ses conseillers les ordonnât avec tant de soin qu’il ne pût en résulter aucun dommage, et que, dans le cas où quelque désordre s’était produit ou était imminent, on pût utilement l’atténuer ou même l’étouffer et le faire disparaître complètement. Si la chose était telle qu’elle demandât une prompte solution, et que cependant il y eût moyen d’en retarder la décision jusqu’à l’assemblée générale, sans péché ou sans préjudice pour personne, les conseillers devaient pouvoir indiquer ce moyeu d’y surseoir, en agissant comme dans les affaires plus graves dont il a été question, et en imitant la sagesse des premiers conseillers, et donner ainsi des conseils agréables à Dieu et utiles au royaume. Quant à ces hauts conseillers dont j’ai parlé, leur premier soin, quand on les convoquait au palais, était de ne pas s’occuper des causes des particuliers quelles qu’elles fussent et quels qu’ils fussent, ni même des procès apportés au palais, et où il s’agissait d’une question de fait ou d’application des lois, avant d’avoir réglé avec l’aide de Dieu les affaires générales qui intéressaient l’État et le salut du roi et du royaume. Ensuite, si sur l’ordre du seigneur roi on devait réserver quelque affaire qui ne pouvait être terminée, sans qu’ils l’eussent prise en considération, par le seul comte du palais ou les autres officiers dans la compétence desquels elle rentrait, ils procédaient à son examen.

XXXIII.

De minoribus vero, vel proprie palatinis, ita ut diximus non generaliter ad regnum pertinentibus, sed specialiter ad personas quasque respicientibus, quæ specialiter palatio imminebant, cum eis dominus rerum ita inconfuse ordinare potuisset, ut exinde non solum detrimentum ullum oriretur, verum etiam ortum aut imminens utiliter aut mitigari, aut funditus exstingui, aut etiam evelli potuisset. Si vero talis esset causa, ut velocitati immineret, et tamen aliquatenus usque ad generale placitum quoque pacto sustentari, vel sine peccato, aut sine contumelia potuisset, ipsi modum ejusdem sustentationis ex prædicto majori usu consilium dandi scirent, et sapientiam priorum imitari placite Deo, et utiliter regno interim dare potuissent. Præfatorum autem consiliariorum intentio, quando ad palatium convocabantur, in hoc præcipue vigebat, ut non speciales vel singulares quascunque vel quorumcunque causas, sed nec etiam illorum, qui pro contentionibus rerum aut legum veniebant ordinarent, quousque illa quæ generaliter ad salutem vel statum regis et regni pertinebant, Domino miserante, ordinata habuissent. Et tunc demum, si forte tale aliquid domno rege præcipiente reservandum erat, quod sine eorum certa consideratione determinari a comite palatii, vel cæteris, quibus congruebant, non potuisset.

XXXIV.

Les hauts fonctionnaires ainsi que les premiers d’entre les grands du royaume, dans l’une et l’autre assemblée, pour qu’ils ne parussent pas convoqués sans motif, recevaient de l’autorité royale, pour en conférer et les examiner, les principales dispositions législatives ou administratives, distribuées en chapitres, et que le roi lui-même avec l’inspiration divine avait trouvées ou qui lui avaient été suggérées de tous côtés après leur départ. Ces chapitres une fois communiqués, ils délibéraient tantôt un jour, tantôt, deux, quelquefois trois et davantage, suivant l’importance des affaires; cependant, par l’intermédiaire de messagers choisis parmi les officiers palatins, ils adressaient au roi des questions sur tous les points qu’ils voulaient, et recevaient réponse; aucun étranger n’approchait d’eux avant que le résultat de leur délibération sur chaque point n’eût été annoncé au glorieux prince et mis sous ses regards sacrés, et que tous n’eussent adhéré à la décision que la sagesse qu’il tient de Dieu lui faisait choisir. C’est ainsi que l’on procédait pour un, pour deux, pour autant de chapitres qu’il y eu avait, jusqu’à ce que, par la grâce de Dieu, on eût pourvu à toutes les nécessités du temps.

XXXIV.

Proceres vero prædicti, sive in hoc, sive in illo præfato placito, quin et primi senatores regni, ne quasi sine causa convocari viderentur, mox auctoritate regia per denominata et ordinata capitula, quæ vel ab ipso per inspirationem Dei inventa, vel undique sibi nuntiata post eorum abscessum precipuæ fuerant, eis ad conferendum vel ad considerandum patefacta sunt. Quibus susceptis, interdum die uno, interdum biduo, interdum etiam triduo, vel amplius prout rerum pondus expetebat accepto, ex prædictis domesticis palatii missis intercurrentibus, quæque sibi videbantur interrogantes responsumque recipientes, tandiu ita nullo extraneo appropinquante, donec res singulæ ad effectum perductæ gloriosi principis auditui in sacris ejus obtutibus exponerentur, et quidquid data a Deo sapientia ejus eligeret, omnes sequerentur, ecce sicut de uno, ita de duobus, vel quotquot essent capitulis agebatur, quousque omnia Deo miserante illius temporis necessaria expolirentur.

XXXV.

Tandis que ces délibérations avaient lieu en l’absence du roi, celui-ci restant avec la foule recevait les présents, saluait les grands, s’entretenait avec ceux qu’il voyait rarement, compatissait aux souffrances des vieillards, se réjouissait avec les jeunes gens et s’occupait des autres choses de même nature tant dans l’ordre spirituel que dans l’ordre séculier. Néanmoins, aussi souvent que ceux qui s’étaient retirés le voulaient, il allait les trouver et siégeait avec eux tout le temps qu’ils désiraient; ceux-ci en toute familiarité lui faisaient connaître les solutions trouées, lui racontaient les propos qu’ils avaient échangés, leurs désaccords, leurs discussions, leurs luttes amicales. Il ne faut pas oublier que, si le temps était beau, l’assemblée se tenait en plein air; dans le cas contraire, à l’intérieur, dans plusieurs locaux séparés de façon à ce que ceux des grands qui avaient été choisis en nombre suffisant pour délibérer pussent le faire à l’écart du reste de la multitude, et que les autres personnes de rang inférieur n’assistassent pas à leurs discussions. Dans les deux cas, les enceintes destinées aux grands étaient séparées en deux parties pour que tous les évêques, les abbés et les clercs du rang le plus élevé pussent se réunir sans aucun mélange de laïques. De même les comtes et les autres dignitaires laïques, conformément à leur rang, s’éloignaient du reste de la foule dès le matin, jusqu’à ce que commençassent les délibérations en présence ou en l’absence du roi. Alors ces grands, les clercs de leur côté, les laïques du leur, se rendaient, selon la coutume, dans la salle qui leur avait été désignée et où ou leur avait fait honorablement préparer des sièges. Une fois éloignés de la multitude, il restait en leur pouvoir de siéger tous ensemble ou séparément, selon la nature des affures à traiter, spirituelles, séculières ou mixtes. Ils étaient également libres de faire venir qui bon leur semblait pour se procurer des aliments ou pour roser quelque question à celui qu’ils avaient convoqué, et de le renvoyer après avoir eu ce qu’ils voulaient. C’est ainsi qu’avait lieu l’examen des affaires que le roi proposait à leurs délibérations.

XXXV.

Interim vero, quo hæc in regis absentia agebantur, ipse princeps reliquæ multitudini, in suscipiendis muneribus, salutandis proceribus, confabulando rarius visis, compatiendo senioribus, congaudendo junioribus, et cætera his similia tam in spiritalibus, quamque et in sæcularibus, occupatus erat: ita tamen, ut quotiescunque segregatorum voluntas esset, ad eos veniret, similiter quoque quanto spatio voluissent cum eis consisteret, et cum omni familiaritate, qualiter singula reperta habuissent referebant, quantaque mutua hinc et inde altercatione vel disputatione, seu amica contentione decertassent, apertius recitabant. Sed nec illud prætermittendum, quomodo si tempus serenum erat, extra, sin autem, intra diversa loca distincta erant, ubi et hi abundanter segregati semotim, et cætera multitudo separatim residere potuissent, prius tamen cæteræ inferiores personæ interesse minime potuissent. Quæ utraque tamen seniorum susceptacula sic in duobus divisa erant, ut primo omnes episcopi, abbates, vel hujusmodi honorificentiores clerici, absque ulla laicorum commistione congregarentur. Similiter comites, vel hujusmodi principes sibimet honorificabiliter a cætera multitudine primo mane segregarentur, quousque tempus sive præsente sive absente rege occurreret; et tunc prædicti seniores more solito, clerici ad suam, laici vero ad suam constitutam curiam, subselliis similiter honorificabiliter præparatis, convocarentur. Qui cum separati a cæteris essent, in eorum manebat potestate, quando simul vel quando separati residerent, prout eos tractandæ causæ qualitas docebat, sive de spiritalibus, sive de sæcularibus, seu etiam commistis. Similiter, si propter quamlibet vescendi vel investigandi causam quemcunque convocare voluissent, et re comperta discederet, in eorum voluntate manebat. Hæc interim de his, quæ eis a rege ad tractandum proponebantur.

XXXVI.

La seconde occupation du roi consistait à s’informer auprès de chacun si dans la partie du royaume d’où il venait, il s’était produit quelque évènement digne de mention ou d’examen; car non seulement il était permis à chacun de ces grands, mais il leur était même expressément enjoint de s’enquérir avec soin avant de revenir auprès du roi des affaires intérieures et extérieures du royaume, tant auprès des nationaux que des étrangers, auprès de leurs amis comme auprès de leurs ennemis, sans tenir grand compte des personnes par l’intermédiaire desquelles ils obtenaient ces renseignements. Si dans quelque partie, quelque région ou quelque coin du royaume, le peuple était agité, il s’informait de la cause de ce mouvement. Il demandait si le peuple murmurait ou si quelque désordre était survenu dont il fallait que l’assemblée générale se préoccupait, et autres questions semblables. A l’extérieur, quelque nation soumise cherchait-elle à se soulever, telle autre qui s’était révoltée voulait-elle faire sa soumission, une autre non encore vaincue préparait-elle une attaque contre le royaume; il s’inquiétait de tous les évènements de cette nature. Dans toutes les affaires qui menaçaient d’être un danger pour l’Etat, il cherchait surtout à savoir la cause qui les avait fait naître.

XXXVI.

Secunda autem ratio regis erat interrogatio quid unusquisque ex illa parte regni, qua veniebat, dignum relatu, vel retractatu secum afferret, quia et hoc eis non solum permissum, verum etiam arctius commissum erat, ut hoc unusquisque studiosissime, usque dum reverteretur, tam infra, quam extra regnum perquireret, si quid tale non solum a propriis vel extraneis, verum etiam sicut ab amicis, ita et ab inimicis investigaret, intermissa interim, nec magnopere unde sciret investigata persona. Si populus in qualibet regni parte, regione, seu angulo turbatus, quæ causa turbationis esset, si murmur populi obstreperet, vel tale aliquid inæquale resonaret, unde generale consilium tractare aliquid necessarium esset, et cætera his similia. Extra vero, si aliqua gens subdita rebellare, vel rebellata subdere, si necdum tacta insidias regni moliri, vel tale aliquid oriri voluisset. In his vero omnibus, quæcunque cuilibet periculo imminerent, illud præcipue quærebatur, cujus rei occasione talia vel talia orirentur

XXXVII.

Comme additions aux décisions des ancêtres, réunies lors du synode tenu au tombeau de sainte Macre, et présentées au roi Louis, mort récemment, voilà, touchant la hiérarchie et l’organisation du palais et du royaume, les règles que j’ai recueillies dans les écrits et de la bouche de nos prédécesseurs, et que j’ai vues encore appliquées dans ma jeunesse; elle serviront à l’éducation de notre jeune roi et à l’instruction de ses officiers et de ceux qui gouvernent le royaume; je vous les offre pieusement pour obéir à voire requête. Quant au choix des personnes qui par leurs mœurs et leurs qualités sont capables de relever celles des institutions qui sont ruinées, c’est à vous de vous en préoccuper; car de tous ceux qu’au temps du seigneur Louis, empereur, j’ai vus à la tête du palais et du royaume, aucun, je le sais, ne survit : mais je sais que les pères ont laissé des fils de leur noble race pour les remplacer; j’ignore, il est vrai, leurs mœurs et leurs qualités. Qu’ils aient soin surtout par leurs mœurs, leur vertu, autant que le permet leur jeune âge, et aussi la nature des temps, par leur sagesse et leurs efforts de ne pas dégénérer, afin de tenir dignement la place et les offices de leurs pères; venus à cette succession, ils prendront bien garde, comme le dit saint Grégoire, que, placés au faite des honneurs et jouissant de la gloire, leur âme n’en soit pas changée, se souvenant de Saül qui, d’abord, lors de son élévation, se montra humble, mais qui, plus tard, mérita le blâme par la hauteur de son orgueil.

XXXVII.

Post illa, quæ in synodo apud martyrium sanctæ Macræ de majorum constitutionibus collecta, et regi Ludovico nuper defuncto fuere directa, hæc de ordine palatii et dispositione regni, vobis ad institutionem istius regis nostri ac ministrorum ejus regnique provisorum, sicut scriptis et verbis seniorum didici, et ipse adhuc in adolescentia mea vidi, devote jussioni vestræ obediens obtuli. Personas autem hominum, et mores ac qualitates illorum, per quos si aliqua sunt collapsa restituantur, vestra solertia providebit, quoniam de his, quos tempore domni Ludovici imperatoris vidi palatii procuratores et regni præfectos, neminem scio esse superstitem: scio tamen de illorum nobilitate natos pro patribus filios, licet illorum mores ac qualitates ignorem. Ipsi vero procurent, ut non sint moribus ac virtute, atque pro ætatis quantitate, vel temporis qualitate, sapientia et studiis bonis degeneres: quatenus merito patrum loca et officia suppleant, et se in ipsa suppletione caute custodiant, ne, ut sanctus Gregorius dicit, in culmine honoris positi usu gloriæ permutentur, sicut Saul, qui prius in electione honoris exstitit humilis, postea reprobari meruit propter elationem tumoris.


 

NOTES

I.

Episcopus. Hincmar se qualifie ordinairement : « Rhemorum episcopus » ou encore : « Il. Nomine non merito Rhemorum episcopus » et exceptionnellement : « archiepiscopus ». (Ep. XXII. éd. Migne, Patrologie latine, vol. 126, col. 132)

Plebis dei famulus. L’épithète « plebis Dei famulus » figure dans la plupart des suscriptions des lettres d’Hincmar; toutefois, dans des lettres adressées au Pape, elle est remplacée par « et vestra sanctissima paternitatis devotissimus famulus. » (Ep. III, Patrol. lat., vol. 126, col. 76; ép. XI, Ibid., col. 90.)

Pro ætatis. Hincmar était né en 806.

Sacri ordinis antiquitate. Hincmar devint archevêque de Reims en 845.

Ut qui. Hincmar rappelle ses titres à être consulté par les grands sur le gouvernement du royaume. Voyez sur la vie d’Hincmar : Noorden, Hinkmar Erzbischof von Rheims, Bonn, 1863, in 8°; la chronologie de la vie d’Hincmar, placée en tête de l’édition de ses œuvres, par Sirmond, Hincmari archiepiscopi Remensis opera, Paris, 1615, 2 vol. in f ; la notice de Histoire littéraire, t. V, p. 544, reproduite par Migne, Patrol. lat., vol. CXXV.

Hludowici imperatoris. Louis le Pieux, mort le 20 juin 810.

Concordia sategerunt. L’idée de l’unité de l’empire survécut au traité de Verdun (843). Les fils de Louis le Pieux regardaient leurs royaumes respectifs comme des portions d’un même tout. De 843 à 860, les princes carolingiens tiennent de temps à autre des plaits où ils resserrent leur alliance, promulguent des capitulaires communs à tous les royaumes, se promettent assistance mutuelle contre les ennemis de l’empire et spécialement les Normands, essayent en un mot de gouverner d’un commun accord l’héritage de Charlemagne. Mais ces traités d’alliance ne recevaient jamais leur entier accomplissement ; l’union, fraternitas, entre les héritiers de Louis le Pieux fut plutôt désirée que réalisée. Voyez Faugeron. De fraternitate seu colloquiis inter filios et nepotes Hludovici pii (842-884). Paris, 1865, in 8° (thèse de doctorat ès lettres).

— Quant aux personnages, auxquels fait allusion Hincmar, et qui s’efforcèrent de maintenir la concorde entre les fils de Louis, les plus notables sont Vala, Adalhard, Hilduin, et Louis abbé de Saint Denis. — Wala, fils du comte Bernard et petit-fils de Charles-Martel, fut un des conseillers intimes de Charlemagne. Il organisa la Saxe conquise et l’Italie. Après la mort de Charlemagne, il fut une des premières victimes de la réaction qui eut lieu à la cour contre l’entourage de Charlemagne. Il se retira à Corbie. Mais Louis le Pieux ayant reconnu dans l’assemblée d’Attigny (822) ses torts contre lui, il revint à la cour où il prit en main la direction du gouvernement; héritier des doctrines de son premier maître, il se montra toujours le défenseur de l’unité impériale. Ses attaques contre la conduite de la cour et les défauts des conseillers dont s’entourait l’empereur (plait d’Aix en décembre 828) lui attirèrent la haine de l’impératrice Judith. A la suite des remontrances adressées par les évêques à Louis le Pieux au plait de Worms (août 829), il tomba du pouvoir pour la seconde fois, et fut supplanté par Bernard, duc de Septimanie, que soutenait l’impératrice. Wala se retira à l’abbaye de Corbie, dont il avait été élu abbé en 826, après la mort de son frère Adalhard. De là, il dirigea la conspiration formée par les grands contre Bernard et l’empereur et où entra Lothaire. Les conjurés ayant été traduits en 831 devant l’assemblée d’Aix, Wala fut exilé sur les bords du lac de Genève, de là, transporté à Noirmoutier puis à Fulda; enfin on lui permit de retourner à Corbie. En 834, il suivit Lothaire en Italie et se retira au monastère de Bobbio. Député par Lothaire au plait de Thionville en mai 836, il mourut peu après au mois de septembre. (Voyez : Vita venerabilis Walæ abbatis Corbeiensis, auctore Paschasio Radberto, Mabillon, Acta Sanctorum ordinis S. Bernedicti, sæc. IV, t. I, p. 433 et suiv.; Himly, Wala et Louis le Débonnaire, Paris, 1849, in 8°). Sur Adalhard, frère de Wala, voyez chap. XII. — Hilduin, abbé de Saint-Denis (814 ou 815), de Saint Germain-des-Prés (819), et de Saint Médard, devint en 822 archichapelain du palais. Il embrassa en 830 le parti de Wala et de Lothaire et fut relégué à l’abbaye de Corvey en Saxe; Hincmar, son élève, l’y suivit. Grâce à l’intervention de ce dernier auprès de l’empereur, il obtint son rappel. Il recouvra ses abbayes de Saint Denis et de Saint Germain, mais demeura privé de sa charge d’archichapelain. De retour à Saint-Denis, il travailla avec Hincmar à la réforme de son abbaye. Sur la demande de l’empereur, il écrivit une vie de saint Denis, connue sous le nom d’Areopagitien, et où il cherchait à établir l’identité du patron de son monastère avec Denis l’Aréopagite. (Acta Sanctorum, Octobre, t. IV, p. 696 et suiv.) Il mourut en 811. Voyez Histoire littéraire, t IV, p. 607 et suiv.; Félibien, Histoire de l’abbaye de Saint-Denis, p. 66-80; D. Bouillart, Histoire de Saint-Germain-des-Prés, p. 24-30). — Hilduin eut pour successeur, comme abbé de Saint Denis, Louis, qui apparaît avec cette qualité dès le 6 novembre 844. Tardif, Canons des rois, n° 138); à la même date, il remplissait les fonctions d’archichancelier. Il était fils de Rotrude, fille de Charlemagne, et de Roricon, comte du Mans, par conséquent frère de Gozlin, abbé de Saint Germain. Les lettres de Loup de Ferrières nous le montrent jouissant au palais d’un crédit considérable. (Lettres de Loup, Rec. des histor. de France, t. VII, p. 480; ép. XXIV, p. III; ép. XX, p. 481; ép. XXXVIII, p 484 ép. XCII, p. 488; ép. XXXII, p. 490; ép. XLIII. p. 492 cp. LXXXIII. p. 493.) En 811, il obtint l’abbaye de Saint Riquier (Chronicon Centulense, Rec. des histor., t. VII p. 244); la même année, il assista avec Hincmar au concile de Verneuil (Labbe, Conciles, t. VII, col. 1805). Les Normands l’ayant fait prisonnier, en 858, exigèrent pour sa rançon une somme considérable (Annales Bertiniani, a. 858, éd. Dehaisnes, p. 94). Il était présent au concile tenu à Pistes en juin 861 (Félibien, Hist. de l’abbaye de Saint Denis, Preuves, n° xcii). Il mourut le 9 janvier 867 (Annales Bertiniani, éd. Dehaisnes, a. 867, p. 461.) Voyez Félibien, op. cit., p. 81-82, p. 83-92.

Moderni regis nostri. Carloman devenu seul roi par la mort de Louis III, son frère, arrivée le 3 ou le 5 août 882.

Quo semel est imbuta recens servabit odorem Testa diu. Horace, Epist., l. I, ép. 2, v. 69

Et legimus. Quintilien, De Institut., l. I, c. 4.

II.

De via justa. Psaumes, II, 10-12.

Neglegentes. Busæus imprime neglegentos.

Scimus. Les contemporains regardèrent la mort de Lothaire II, enlevé par une épidémie (869, 6 août), comme un châtiment du ciel; Lothaire avait répudié Teutberge pour épouser Walrade. Mais Hincmar, en écrivant ces mots et etiam nostro tempore scimus, devait surtout songer à Louis III, dont les mœurs n’avaient pas été irréprochables et qui, si l’on en croit les Annales de Saint-Bertin (a. 882, éd. Dehaisnes, p. 313), était mort des suites d’un coup reçu à la tête, au seuil d’une porte, alors qu’il poursuivait une jeune fille. Peut-être même pensait-il à Charles le Chauve qui mourut misérablement dans un village des Alpes, à son retour d’Italie, et que Hincmar devait considérer comme sorti de la bonne voie depuis qu’il s’était soustrait à son influence.

Illum... Sap., I, 1.

Peccatis. Ibid., I, 4.

III.

Ministerio. Les évêques, d’après les écrivains ecclésiastiques du ixe siècle, étaient les conseillers naturels des rois. Mais Hincmar, en raison du siège qu’il occupait, se considérait comme ayant plus que tout autre le droit de prendre part au gouvernement du royaume. Comme archevêque de Reims, il prétendait à la fois au privilège de sacrer les rois (Couronnement de Charles le Chauve à Metz en 869, Annuntiatio Hincmari, Patrologie latine, vol. CXXV, col. 806), et au droit de primatie sur les autres évêques du royaume. Il avait composé la Vie de saint Rémi pour soutenir ses prétentions à exercer une suprématie sur les autres prélats; les Fausses Décrétales tendaient en partie au même but. Ecrivant au pape Léon IV pour le prier de confirmer les privilèges de l’Eglise de Reims, il lui rappelait que « Remorum episcopus primas inter primates semper, et unus de primis Galliæ primatibus exstitit, nec alium se potiorem præter apostolicum præsulem habuit. » (Flodoard, Histor. eccles. Remens., l. III, c. 10.)

Præmisi. Busæus donne præmisit.

Tu autem audiens nuntiabis eis ex me. Ezech. III, 17.

Qui a semetipso loquitur, gloriam propriam quærit. Joan., VII, 18.

Redditurus. Voyez Matth., XVIII, 23 sqq.; XXV, 41 sqq.

Tribunal Christi. Rom. XIV, 10.

Sive malum. Corinth., 2e epist., V, 10.

Domini tui. Matth. XXV, 21.

 

IV.

Succederet. Le premier devoir du roi est de maintenir la hiérarchie ecclésiastique et d’assurer l’observation des règles canoniques touchant l’élection des évêques; les évêques doivent être pris parmi les prêtres, et parmi les prêtres du diocèse : tel est le sens du chapitre IV et des suivants.

Nominavit. Et cum dies factus esset, vocavit discipulos suos et elegit duodecim ex ipsis, quos et apostolos nominavit. (Luc., VI, 43.)

Episcopi. Saint Cyprien a assimilé les évêques aux apôtres : « Meminisse autem diaconi debent quoniam apostolos, id est episcopos et præpositos Dominus elegit... » S. Cypriani Epistolæ. LXV, 3; Patrol. lat., vol. IV, col. 403. Et saint Augustm dit: « Nemo ignorat episcopos Salvatorem ecclesiis instituisse. Ipse enim priusquam in cœlos ascenderet supponeus manum apostolis ordinavit eos episcopos. » (S. Augustin, Quæstiones ex Novo Testamento; Patrol. lat., vol. XXXV, col. 2296.) Un canon du synode de Paris, en 829, rappelle que les évêques sont les successeurs des apôtres: « Episcopos locum apostolorum, chorepiscopos autem exemplum et formam tenere septuaginta discipulorum et liber Actuum Apostolorum et canonica auctoritas aperte habeant... » (Can. 27, Labbe, Concilia, t. VII, col. 1617.). Les évêques, réunis à Pistes en juin 864 se proclament les héritiers des apôtres : « Proinde apostolicæ dignitatis quanquam indigni hæredes, pastoralem curam omnibus passim impendimus. » (Félibien, Hist. de l’abbaye de Saint-Denis, Preuves, n° xcii.) Toutefois à partir du xe siècle on vit plus généralement dans les évêques les successeurs des soixante-douze disciples. La plupart des églises prétendaient mettre au nombre de ceux-ci leur premier évêque.

Septuaginta duos. « Post hæc autem designavit Dominus et alios septuaginta duos. » (Luc., X, 4.)

Provehantur. « Si quis episcopus esse meretur, sit primo ostiarius, deinde lector, postea exorcista, inde sacretur acolythus, demum vero subdiaconus, deinde diaconus et postea presbyter, et exinde, si meretur, episcopus ordinetur. » (Epistola Caii papœ ad Felicem episcopum, c. vi; Patrol. lat., vol. V, col. 190.) — « Ne laïci ad episcopatum provehantur. De ordinationibus maxime observandum est ut semper clerici fiant episcopi... » (Sancti Siricii epistola X seu canones synodi Romanorum ad Gallos episcopos, c. 15; Patrol. lat., vol. XIII, col. 1192.) — « De laicis non temere faciendis. » (Denys le Petit, Codex canonum, Patrol. lat., vol. LXVII, col. 180.)

Ex istis. Acta, I, 21.

V.

Dabant. Voyez Deutéron., XVII, 18.

Demonstrat. « Duo quippe sunt, imperator Auguste, quibus principaliter mundus hic regitur: auctoritas sacra pontificum et regalis potestas. » (Gelasii Epistola VIII ad Apastasium imperatorem (93), Patrol. lat., vol. LIX, col. 41.)

Continetur. Concile de Sainte-Macre, cap. I (Labbe, Concilia, t. IX, p. 337, et Migne, Patrologie lat., vol. CXXV, col. 1069.) Le concile de Sainte Macre fut tenu à Fismes, dans le diocèse de Reims, et sous la présidence d’Hincmar, le 2 avril 884. Les évêques y rappelèrent au roi, Louis III, les devoirs auxquels il était tenu envers l’Eglise. On peut en considérer les canons comme l’œuvre d’Hincmar. Tout d’abord, reprenant la théorie du pape Gélase, il établit la distinction entre le pouvoir royal et le pouvoir pontifical, insistant sur la nécessité et la légitimité de la subordination du premier au second: la dignité des évêques est plus haut placée que celle des rois, car les évêques sacrent les rois. Ensuite il rappelle aux prêtres leurs principaux devoirs et l’obligation pour eux de veiller au salut du peuple qui leur est confié. Le roi et ses officiers doivent, il est vrai, seconder le clergé dans sa tâche et maintenir l’honneur et les privilèges de l’Eglise. Les missi, d’accord avec les évêques, surveilleront les monastères. Mais ce qui doit avant tout préoccuper les représentants du roi, c’est de mettre fin aux pillages des bandes armées qui désolent les campagnes et aux usurpations des puissants qui tendent à diminuer le patrimoine de l’Elise. Ici Hincmar insère une suite de dispositions empruntées aux capitulaires et qui pour la plupart sont dirigées contre les déprédateurs des domaines ecclésiastiques. Ceux qui ont à se reprocher quelque spoliation et qui ne peuvent réparer leur faute n’obtiendront de Dieu leur pardon qu’en faisant pénitence. Le dernier chapitre adressé directement au roi est une exhortation à choisir de bons conseillers et un rappel aux bonnes mœurs. Car l’Ecriture a dit: Malheur à la terre dont le roi est jeune! Et qu’on y prenne bien garde, ce n’est point le prince jeune par l’âge qu’elle maudit, mais le roi jeune par, sa vie, par ses mœurs, par sa légèreté.

Officia. En d’autres termes, le roi ne doit pas s’ingérer dans les affaires de l’Eglise, du moins, que ne le comporte la nature de son pouvoir; idée déjà exprimée au chapitre I du concile de Sainte-Macre : « Post incarnationem vero et resurrectionem et ascensionem ejus (Jhesus) in cœlum, nec rex pontificis dignitatem, nec pontifex regiam potestatem sibi usurpare præsumpsit... » (Patrol. lat., vol. cxxv, col. 1074). Hincmar l’admet l’intervention de la royauté dans l’administration de l’Eglise que quand celle-ci a besoin d’être secourue, quand il est nécessaire de soutenir son autorité morale par la force matérielle. Mais, en réalité l’administration carolingienne ne comportait pas une distinction aussi tranchée entre l’ordre ecclésiastique et l’ordre laïque. Les comtes apparaissent dans les capitulaires comme les auxiliaires des évêques, et réciproquement. Citons quelques textes. Capitulaire de Carloman, duc des Francs, en 742, 21 avril, c. 5: « Decrevimus ut, secundum canoanes, unusquuisque episcopus in sua parrochia sollicitudinem adhibeat, adjuvante gratione, qui defensor ecclesiæ est, ut populus Dei paganias non faciat... » (Boretius, Capitularia, t. I, p. 25; texte reproduit au chap. 6 d’un capitulaire de Charlemagne, Boretius, n° 19, p. 81.) Questions à poser aux comtes, aux évêques et aux abbés, en 811. « Interrogandi sunt in quibus rebus vel locis ecclesiastici laicis aut laici ecclesiasticis ministerium suum impediunt. In hoc loco discutiendum est atque interveniendum, in quantum se episcopus aut abbas rebus secularibus debeat inserere vel in quantum comes vel alter laicus in ecclesiastica negotia. Hic interrogandum est acutissime quid sit quod apostolus ait: nemo militans Deo implicet se negotiis secularibus; vel ad quos sermo iste pertineat. » (Boretius, Capitularia, n° 71. t. I, p. 161) Capitulaire de 818-819, c. 5 : « De opero vero vel restauratione ecclesiarum comes et episcopus sive abbas unacum misso nostro, quem ipsi sibi ad hoc elegerint, considerationem faciant ut unusquisque eorum tantum inde accipiat ad operandum et restaurandum quantum ipse de rebus ecclesiarum habere cognoscitur. » – (Boretius, Capitularia, 140, t. I. p. 287.) Même capitulaire, c. 8 : « Volumus ut missi nostri per singulas civitates unacum episcopo et comite missos et nostros homines ibidem commanentes eligant, quorum curæ sit pontes per diversa loca emendare. » (Boretius, Ibid., p. 288.)

Cyprianus dicit. « De duodecim Abusionibus sæculi tractatus », c. X. Patrol. lat., vol. IV, col. 957-958. On ne connaît pas l’auteur du Traité sur les abus du siècle, qui a été attribué, mais à tort, tantôt à saint Cyprien, tantôt à saint Augustin.

Isræl. Ezech. III, 17.

Quæ cœpit Jesus facere et docere. Acta, I, 1.

Declinare. « Discedite a me omnes operarii isiquitatis. » (Luc., XIII, 27.)

VI.

Populorum. Extrait du 9e chapitre du Traité des abus, attribué à saint Cyprien; Patrol. lat., vol. IV, col. 956. Hincmar avait déjà reproduit ce passage dans son opuscule intitulé De regis persona et regis ministerio, c. II, Patrol. Lat., vol. CXXIV, col. 835. — Voyez Sedulius, Liber de rectoribus christianis, c. v, viii, ix; Patrol. lat., vol. CIII. p. 300-307.

Gradu. « Nonus abusionis gradus est rex iniquus. » (De Abusionibus, cap. IX; Patrol. lat., vol. IV, col. 956.)

VII.

Obviare. Voyez chap. IX. — « Nulli sacerdotum suos licet canones ignorare ne quidquam facere quod Patrum possit regulis obviare. » (Cœlestini I papæ Epistola Va, § I; Patrol. Lat., vol. L, col. 436; reproduit dans la Collectio Decretorus de Denys le Petit, t. XX, Patrol. lat., vol. LXVII. col. 277. Voyez encore le capitulaire d’Aix, de 789, c. 55. Boretius, Capitularia, 22, t. I, p. 57); les c. 20 et 53 des capitulaires du synode de Francfort en juin 798. (Id., ibid., n° 28, t. I, p. 76, p. 78)

VIII.

Leges. On distingue à l’époque carolingienne les lois des capitulaires. Ainsi le Capitulaire général d’Aix-la-Chapelle (817) porte : « ...quid etiam in legibus mundanis inducendum, quid quoque in capitalis inferenduni foret adnotaverimus. » (Boretius, Capitularia, n° 137, t. I, p. 275.) Les lois diffèrent des capitulaires par leur origine, par leur nature, par leur mode d’application. C’est ce qu’a parfaitement établi M. Thévenin. Les lois forment le droit populaire; elles sont la consignation par écrit des coutumes suivies par tel ou tel peuple; leur rédaction est confiée à des hommes connus par leur expérience. Le peuple les sanctionne par son approbation. Au ixe siècle, le mode de rédaction des Leges ou des Capitula legibus addenda, qui doivent leur être assimilés, n’est pas différent. Les capitulaires, Capitula per se scribenda, émanent de l’autorité royale; les grands seuls concourent à leur rédaction. Les lois contiennent des règles de droit privé, de procédure et de droit pénal; les capitulaires concernent plus généralement le droit public. Les lois constituent un droit personnel chaque individu est jugé suivant sa loi d’origine. Les capitulaires sont le plus souvent applicables dans tout le royaume ou tout l’empire : ils constituent le droit territorial, (Voyez Thévenin, Lex et Capitula, Bibl. de l’Ecole des Hautes-Etudes, fasc. XXXV, 1878, p. 137.)

Promulgaverunt. Sur la rédaction des lois et des capitulaires à l’époque carolingienne, voyez les chapitres XXXIV et XXXV. Disons seulement ici qu’on distingue d’ordinaire trois sortes de capitulaires : 1° les Capitula legibus addita ou addenta, destinés à compléter les lois populaires et qui contiennent plus spécialement des règles de droit privé; 2° les Capitula per se scribenda ou règlements administratifs; 3° les Capitula missorum, instructions données par l’empereur aux missi. Dès le ixe siècle, les capitulaires ont fait l’objet de plusieurs compilations. En 817, Anségise, abbé de Fontenelle, codifia les capitulaires de Charlemagne et de Louis le Pieux, qu’il répartit en quatre livres : le premier livre contenant des extraits des capitulaires ecclésiastiques de Charlemagne; le second, des extraits des capitulaires ecclésiastiques de Louis; le troisième livre contenant des extraits des capitulaires séculiers de Charlemagne, et le quatrième, des extraits des capitulaires séculiers de Louis. Ce recueil acquit rapidement un caractère officiel; on le trouve cité dans un capitulaire des 829. Peu après, Benoit Lévite, diacre de Mayence, publia trois autres livres, en partie composés de capitulaires faux. Le recueil d’Anségise est publié dans Boretius, Capitularia, t. I. p. 382, et avec celui de Benoit Lévite, dans Baluze, Capitularia, t. I. p. 698. Les capitulaires ont été réunis par Baluze, Capitularia regum Francorum, 1677, 2 vol. in f° 2e édit., 1780, 2 vol. in f°; par Walter, (Corpus Juris Germanici, 1824, in 12, t. II-III; par Pertz, Monumenta Germaniæ Historica, Leges, t. I, 1835, in f°, et par Boretius, Monumenta Germaniœ, Leges, Capitularia regum Francorum t. 1, 1881-83 in 4°. Voyez sur les Capitulaires Thévenin, Lex et Capitula, Contributions à l’Histoire de ta législation Carolingienne, ap. Biblioth, de l’Ecole des Hautes-Ecoles, fasc. XXXV, 1878, p. 437.

Ipsas. Saint Augustin, De vera religione, c. XXXI.

IX.

Episcoporum provinciæ. Hincmar veut rappeler le roi et ses conseillers à l’observation des règles canoniques si souvent violées dans les élections épiscopales. Ces avertissements étaient bien à leur place sous la plume d’Hincmar qui venait d’avoir avec Louis III des démêlés à propos de l’élection d’un évêque de Beauvais. Déjà, à l’époque mérovingienne il arrivait qu’on néglige de faire intervenir le clergé et le peuple; les rois, abusant du droit de désignation, nommaient directement l’évêque, encore qu’ils eussent eux-mêmes consigné dans leurs édits la procédure à suivre pour la nomination des évêques. (Edit de Clotaire II, § I; Pertz, Leges, t. I p. 44, et Boretius, Capitularia, n° 20, t. I, p. 21.) L’insistance avec laquelle les Conciles rappellent que le peuple et le clergé devaient concourir à l’élection des évêques suffirait à prouver combien l’élection canonique était rarement pratiquée. (Voyez Concile d’Orléans, 533, can. 3, 7; Concile de Clermont, 535, can. 2; 3e Concile d’Orléans, 538, can. 3; 5e Concile d’Orléans, 549, can. 10, 41; Concile de Paris, 557, can. 8; 8e Concile de Paris, 645, can. 4; Concile de Reims, 630, can. 25; Concile de Chalons, 650, can. 40.) Grégoire de Tours rapporte de nombreux exemples de nominations directes par le roi. (Greg. de Tours, Histor., IV, 11, 15, 26; VIII, 20, 22; X, 26. Voyez D. Ruinart, Præfatio in editionem sancti Gregorii episcopi Turonensis, § 20-21, Paris, 1699, in f° reprod. par Migne, Patrol. lat., vol. LXXI, col. 23-27. Sur les élections épiscopales sous les Mérovingiens cf. J. Tardif, Etudes sur les Institutions politiques et administratives de la France, période Mérovingienne, p. 433-440.) Les choses ne furent guère changées sous Charlemagne. On connaît les récompenses promises par l’empereur aux jeunes gens du palais qui se distinguaient le plus par leur ardeur au travail : « Je vous donnerai des évêchés. » (Moine de Saint-Gall, l. I, c. 3, Pertz, Scriptores, t. II, p. 732.) Le moine de Saint-Gall rapporte quelques anecdotes curieuses qui, pour être en partie légendaires, n’en montrent pas moins l’arbitraire avec lequel l’empereur établissait ses créatures sur les sièges épiscopaux. (Moine de Saint-Gall, l. I, c. 4 Pertz, Scriptores, t. II, p. 732; c. 5, p. 733; c. 6, p. 733-734.) Ce n’est pas à dire que les élections canoniques fussent complètement tombées en désuétude: on en trouve çà et là quelques mentions dans les chroniques. Louis le Pieux les rétablit par le capitulaire d’Aix-la-Chapelle en 847 (cap. 2, Pertz, Leges, t. I, p. 206). Mais nous voyons, dès 828, Wala adresser des remontrances à l’empereur sur la disposition qu’il s’attribuait des évêchés et des biens ecclésiastiques. (Vita Walœ, Mabillon, Acta Sanctor. ordin. Sancti Benedicti, sæc. iv, t. I, p, 492-493.) Les rois cependant en vinrent de plus en plus à considérer les évêchés comme de véritables honores dont ils ratifiaient ceux de leurs fidèles qu’ils voulaient s’attacher plus étroitement ou dont ils craignaient la défection. Quand Louis, en 837, constitua un royaume à son fils Charles il lui donna en même temps les évêchés, les abbayes, les comtés et les domaines du fisc compris dans l’étendue du nouveau royaume: « omnes videlicet episcopatus, abbatias, comitatus, fiscos et omnia inter prædictos fines consistentia. » (Annales Bertiniani, a. 837, éd. Dehaisnes, p. 25-26. Lothaire agit de même à l’égard de son frère Louis quand, en 859, il lui attribua une partie de son royaume « cum episcopatibus, monasteriis et comitatibus. » (Annales Bertiniani, a. 859, éd. Dehaisnes, p. 100.) En 866, Charles le Chauve établit de sa propre autorité sur le siège de Bourges Vulfade, un des clercs ordonnes par Ebbon, archevêque de Reims, après sa déposition les évêques, et Hincmar le premier, contestèrent vainement la validité de son ordination. (Annales Bertiniani, a. 866, éd. Dehaisnes p. 457.) On vit alors l’épiscopat occupé par des hommes incapables de remplir dignement cette charge. Charles le Chauve parle dans une de ses lettres d’un prélat qui savait à peine lire et ignorait complètement l’Evangile. (Lettre de Charles le Chauve au pape Nicolas, Rec. des Histor. de France, t. VII, p. 552.) (Voyez sur la nomination des évêques par le roi, de Lézardière, Théorie des lois politiques, t. II, p. 21.) Toutefois, quand le roi n’avait pas intérêt à imposer son candidat, on procédait à l’élection canonique. Voici quelles en étaient les règles au ixe siècle. Aussitôt la vacance d’un siège épiscopal, le clergé et le peuple priaient le roi de consentir à ce que l’élection du nouvel évêque se fit canoniquement. Puis le métropolitain déléguait un des évêques de la province à titre de visitator pour surveiller l’élection. Celui-ci assemblait le clergé et le peuple qui procédaient à l’élection. L’élu devait être choisi, autant que possible, dans le clergé de la province. Il arrivait souvent aussi que le roi désignait un candidat et que l’élection n’était qu’un assentiment donné par le clergé et le peuple au choix du souverain. Dans le cas de vacance d’un siège métropolitain, les évêques de la province désignaient le visiteur. Le clergé et le peuple faisaient connaître l’élu à l’archevêque par un décret. Celui-ci désignait des évêques chargés de vérifier la régularité de l’élection et d’examiner le nouvel élu. Si celui-ci était reconnu digne, le métropolitain, avec l’agrément du roi et assisté de trois évêques comprovinciaux lui conférait l’ordination. L’élu était-il déclaré indigne, un conflit l’engageait le plus souvent entre le roi et le métropolitain, chacun d’eux prétendant au droit de nommer un autre évêque. Pareille lutte s’éleva entre Hincmar et le roi Louis III lors de la vacance du siège de Beauvais en 881. (Voyez la Préface.) (Sur la nomination et l’ordination des évêques, voyez de Lézardière, Théorie des lois politiques, t. II, p. 216, 242) Preuves, p. 216, 242. Baluze, Capitularia, t. II, col. 591-638: Formulæ diversa in episcorum promotionibus usurpate post restitutam electionum libertatem.)

Latro. Joan. X, 1. Hincmar avait écrit à Louis III: « ...In hoc episcopali ministerio carnalem propinquum, nec amicum videlicet animi familiarem, carnali affectu recognosco, sed sententiam Domini attendo, qui dicit : Qui non intrat per ostium in ovile ovium, sed ascendit aliunde, hic fur est et latro. Et ideo neminem elige, neminem recognosco, neminem recipio, nisi qui vita et moribus, et scientiæ catholicæ doctrina per claves Ecclesia ad hoc episcopale ministerium accedit, et sciat et faciat quod sacrum ministerium postulat. » (Ep. XIX, c. 9, Patrol. lat., vol. CXXVI, col. 446.)

Demonstrat. Hincmar rappelle l’opinion de saint Augustin (de Civitate Dei, lib. V, c. 24) sans citer ses propres paroles.

Decipiatur. Symmachi papæ epistola ad Cæsarium, episcopum Arelatensem. « Nullus itaque per ambitum ad episcopatus honorem permittatur accedere. Nam cum hic excessiis in laïca conversatione culpetur, quis dubitat quod religiosis et Deo servientibus inurat opprobrium si quis episcopatum desiderans, data pecunia, potentes personas minime suffragatrices adhiheat. Nec ad decretum sibi faciendum clericos vel cives subscribere, adhibito cujuslibet cujus tempore, compellat, vel prœmiis aliquibus hortetur. Decretum sine visitatoris præsentia nemo conficiat cujus testimonio dericorum ac civium possit unanimitas declarari. » (Labbe, Concilia, t. IV, col. 1295-1296.) Le concile de Clermont, de 535 s’élève aussi contre l’emploi de la brigue dans les élections épiscopales (can. 2, Labbe, Ibid., t. IV, col. 1804.)

Parcat. L’idée sur laquelle Hincmar avait insisté dans son opuscule De Regis personna et regis ministerio, c’était que les rois devaient ne pas se montrer trop miséricordieux, ne pas se laisser fléchir trop facilement par les prières, et surtout user de sévérité à l’égard de ceux de leurs proches qui commettaient des crimes contre Dieu, l’Eglise et l’Etat.

Inimici facti sunt mihi. Psalm. CXXXVIII, 21, 22.

X.

Comites. Le comte est par excellence le fonctionnaire de l’époque Carolingienne. Sous les Mérovingiens, à côté, au dessus ou à la place des comtes se trouvaient encore les ducs établis sur plusieurs comtés, investis surtout du pouvoir militaire, mais possédant aussi des attributions administratives et judiciaires. Sous les Carolingiens, quand il est question de ducs, il s’agit d’ordinaire de chefs de troupes. Dans les pays frontières on voit les comtes des marches (marchisi, marchiones, margrares, marquis) qui sont à la fois chefs militaires et administrateurs, qualifiés parfois ducs, par exemple en Istrie. Le comte de Toulouse était cependant un duc assez semblable aux ducs mérovingiens : sa situation exceptionnelle venait de ce que l’Aquitaine avait été érigée en royaume par Charlemagne en faveur de Louis le Pieux.

Judices. Le mot judices désigne à l’époque mérovingienne tout fonctionnaire, quelque rang qu’il occupe dans la hiérarchie, et s’applique le plus souvent au comte. Au ixe siècle, on ne comprend d’ordinaire sous le terme judices que les officiers inférieurs, placés sous les ordres des comtes, vicomtes, viguiers et centeniers.

Justitiam diligant. Les rois carolingiens ont dû souvent rappeler leurs officiers au respect des droits de leurs subordonnés et réprimer leurs exactions. Le premier soin de Louis le Pieux fut d’envoyer dans les provinces. des missi chargés de s’enquérir de la conduite des comtes et de réformer les abus : « Qui egressi invenerunt innumeram multitudinem oppressorum aut ablatione patrimonii, aut expolatione libertatis; quod iniqui ministri, comites, et locopositi per malum ingenium exercebant. » (Thegamius, Vita Hludowici, c. XIII.)

Ministeriales. Bien que le mot ministeriales s’étende parfois à tous les agents royaux (802, Capilutare missorum generale, § 40 : « Similiter et de comitibus vel centenariis, ministerialibus nostris... » Boretius, Capitularia, n° 33, t. I, p. 99), il désigne plus spécialement des agents personnels choisis par les comtes dans leur domesticité pour remplir toutes sortes de fonctions. Après le xe siècle, ce terme cessa d’être employé en France pour désigner une catégorie spéciale de fonctionnaires; il persista en Allemagne où il désignait des agents chargés d’administrer un territoire pour un fonctionnaire royal ou pour un seigneur.

Quæ et ipsa. Busæus porte in ipos

Deperit. De duodecim Abusionibus sæculi tractatus, cap. VI, Patr. lat., vol. IV, col. 953.

XI.

Sanctæ Macræ. Voyez sur le Concile de Sainte Macre ou de Fismes le chap. V.

Catholicorum. On doit peut-être corriger catholicorum en conciliorum.

Continentur. Concile de Sainte-Macre, ch. VI « Admonitio ad regem et ministros reipublicæ. »

Verumtamen. Busæus donne Veruntamen.

Tibi. Luc, X, 35.

XII.

Adalhardum. Adalhard, né vers 753, frère de Wala, était fils, du comte Bernard, fils de Charles Martel et, par conséquent, cousin de Charlemagne. Il fut élevé à la cour, mais à l’âge de vingt ans, il se retira à Corbie. Pour échapper plus complètement à l’influence mondaine, il gagna le Mont-Cassin. L’empereur, connaissant sa sagesse, l’y envoya chercher. Il était déjà abbé de Corbie lorsque Charles lui confia la direction du royaume d’Italie, dont il avait donné la couronne à Pépin (roi en 781). A la fin de l’année 809, il se rendit à Rome, accompagné de Bernharius, évêque de Worms, pour terminer l’affaire de la procession du Saint-Esprit. (Einhardi Annales, a. 809, Pertz, Scriptores, t. I, p. 196.) Pépin mort (810), il continua de gouverner l’Italie sous son fils Bernard. En mars 812, il rend, comme missus, un jugement à Pistoia. (Muratori, Antiquitates Italicœ, t. V col. 953.) Sa présence en Italie est encore constatée par un acte de Jacques, évêque de Lucques, en date d’avril 813.) Muratori, Ibid., t. V, col. 919.) Il préside un plait l’année suivante (février 814) à Spolète en qualité de missus dominicus, de l’empereur Charles, dont il ignorait la mort récente. (Mabillon, Museum Italicum, t. I, pars 2, p. 54.) Victime de la réaction qui se produisit à la cour de Louis le Pieux contre les conseillers de Charlemagne, il fut exilé à l’Ile de Noirmoutier, tandis que son frère Wala était envoyé à Lérins. Rappelé d’exil en 824, il assista à l’assemblée d’Attigny où Louis le Pieux confessa ses torts envers lui et son frère. Dès janvier 822, il était de retour dans son abbaye de Corbie, dont il fit dresser la règle par écrit. « Statuta antiqua abbatiæ Sancti Petri Corbeiensis. Brevis quem Adalhardus senex ad Corbeiam regressus anno Incarnationis Domini DCCCXXII mense Januario.... fieri fuissit. » (D’Achery, Spicilegium, éd. In f°, t. I, p. 586; Guérard, Polyptique d’Irminon, t. II. p. 306.) En 813, il établit le monastère de la Nouvelle-Corbie, ou Corvey, en Saxe (sur le Weser, dans la province de Westphalie), dont son homonyme Adalhard, chargé de la direction de l’ancienne Corbie pendant son absence, avait jeté les fondements. Il y mourut le 2 janvier 856. Wala, son frère, lui succéda comme abbé de Corbie. (Voyez: Vita sancti Adalhardi, abbatis Corbeiensis in Gallia, auctore S. Paschiasio Radberto, ejus discipulo, ap. Mabillon, Acta Sanctorum ortidinis S. Benedicti, sæc. IV, t. I, p. 306, et Pertz, Script., t. II, p. 524. —Mabillon, Annales Benedictini, l. XXVII. c. 72, t. II, p. 362. Histoire littéraire, t. IV, p. 484-490. — Himly, Wala et Louis le Débonnaire. p. 24-26, 65-67, 92.

Il est assez difficile de déterminer l’époque à laquelle Adalhard écrivit le De Ordine. L’absence du mot imperator semble, au premier regard, nous autoriser à en placer la rédaction antérieurement à l’an 800. Mais on doit prendre garde que le remaniement d’Hincmar nous est seul parvenu ; or, Hincmar a pu faire disparaître de l’opuscule d’Adalhard un titre qui n’avait plus sa place dans un ouvrage adressé à Carloman. On ne saurait donc rien conclure de l’emploi exclusif du mot rex pour désigner le souverain. D’autre part, le sentiment d’admiration pour le gouvernement carolingien qui se dégage de l’œuvre d’Adalhard ne permet pas de supposer qu’elle ait été composée pendant les années d’exil (814-821). Rentré en faveur après 821, Adalhard, fort de son expérience des affaires, aurait pu profiter des loisirs de la vie monacale pour tracer un tableau de l’administration de Charlemagne ; mais, il semble s’être donné, jusqu’à la mort, tout entier à la direction de son abbaye et s’être complètement désintéressé de la politique et des choses du siècle. Reste donc la période de sa vie comprise entre 800 et 814, pendant laquelle il a pu écrire le De Ordine; il était alors commis au gouvernement de l’Italie et, si l’on songe que c’était la coutume des dignitaires de l’Eglise de tracer aux princes leur règle de conduite, on n’hésitera pas à penser qu’Adalhard a dû écrire son livre entre les années 800 et 814, pour l’instruction du roi Pépin ou pour celle de son fils Bernard. D’ailleurs, la description des assemblées telle qu’elle est reproduite par Hincmar répond bien à cette époque brillante du règne de Charlemagne.

Senem. Hincmar étant né en 806 n’a connu Adalhard que dans sa vieillesse. D’ailleurs Adalhard fut appelé par ses contemporains senex ou senior pour le distinguer d’Adalhard, comte du palais sous Charlemagne et Louis le Pieux surnommé junior, mort en 824. (Voyez Einhardi Annales, Pertz, Scriptores, t. I, p. 213.)

Sapientem. Paschase Radbert dit d’Adalhard, son maître: Prudentia tanta illi inerat ut fons consilii ex ejus animo manare videretur. Cernebat enim simul præterita, præsentia et futura, ut de singulis prævideret quid agendum, quidve sequendum Dei consilio monstraretur. » (Mabillon, AA. SS. ord. S. B., sæc. IV, t. I, p. 344)

Corbeiæ. L’abbaye de Corbie, près d’Amiens, fut fondée en 657 par Balthilde, veuve de Clovis II.

Vidi. Hincmar entretint avec Adalhard des relations assez étroites, car Flodoard nous dit qu’il lui écrivit une lettre sur l’amitié: « ...Adalardo abbati de amicitia inter ipsos, et qualiter debet esse verus amicus. » Flodoard, Histor. eccl. Remens., t. III, c. 24.)

De ordine Palatii. Palatium désigna, comme au temps de l’empire romain, non seulement la résidence du prince, mais encore l’administration centrale. Les mots domus et comitatus sont aussi employés pour exprimer l’ensemble des grands et des fonctionnaires qui vivent habituellement dans la compagnie du roi et forment son entourage. Mais palatium est le terme propre pour désigner à la fois le gouvernement, ceux qui le dirigent et le lieu où ils résident.

XIII.

Palatii. Palatium signifie parfois l’ensemble du gouvernement. Tel est le sens de ce mot dans un passage de la vie de sainte Balthilde : « Cum adhuc regeret publicum palatium. » (Vita S. Bathildis reginœ, c. 11; Mabillon, Acta Sanctor. ord. S. Bened., sæc. ii, p. 784.) Et encore peut-être dans le diplôme par lequel Louis le Pieux prend les Juifs de Lyon sous sa protection : « liceat eis sub mundeburdo et defensione nostra quiete vivere, et partibus palatii nostri fideliter deservire ... Quicumque in morte eorum... consiliaverit . . sciat se ad partem palatii nostri decem libras auri persoluturum. » (Rec. des Histor., t. VI, p. 650-654.)

Apocrisarium. Voyez encore sur l’apocrisiaire les chapitres XIV, XV, XVI, XX. — Le mot grec apocrisiarius, dont la traduction latine est responsalis, désigne ici l’archichapelain. Hincmar parait être le seul auteur qui l’ait employé dans ce sens. Saint Ouen est ainsi qualifié dans un texte antérieur (viie s.); mais nous savons que ce personnage était référendaire: « Audœnus... auricularii locum in aula regis sortitus, ipse etiam ad signanda scripta vel edicta regalia, quorum ipso conscriptor erat, sigillum vel anulum regis custodiebat... vir Domini Audœnus apocrisiarius regis... » (Vita Audœni, Acta Sanctorum, août, t. IV, p. 844.) Un certain Joseph, contemporain de Pépin, est encore dit apocrisiaire; mais nous ne pouvons déterminer les fonctions qu’il remplissait auprès du roi. (Translatio S. Stremonii, Mabillon, Acta Sanctorum ord. S. Benedicti, sæc. III, t. II, p. 492.) Peut-être Hincmar a-t-il été amené à appliquer à l’archichapelain royal le titre qui jadis s’appliquait au légat du Saint-Siège à la cour des empereurs de Constantinople, par ce fait que sous le règne de Charles le Chauve, Drogon, évêque de Metz, d’abord archichapelain, fut plus tard désigné par le pape Sergius comme son vicaire en Gaule. De plus, l’archichapelain était l’intermédiaire entre le roi de France et le pape. Dans les textes carolingiens, diplômes et chroniques, l’archichapelain est le plus souvent dit capellanus, archicapellanus, palatii arhicapellanus ou summus capellanus; on trouve exceptionnellement archipresbyter, Francia archipresbyter, sanctœ capellæ primicerius, primas capellanorum, protocapellanus.

Imperator. L’apocrisiaire était un légat permanent du pape, résidant à Constantinople et servant d’intermédiaire entre lui et l’empereur. On ne voit pas qu’il y ait eu d’apocrisiaire avant le vie siècle. Le premier texte qui en fasse mention est une novelle de Justinien (Nov. vi, c. 2 et 3.) Cette charge fut supprimée lors de la rupture entre Rome et Constantinople; il y avait encore un apocrisiaire en 713. (Voyez Thomassin, Discipline de l’Eglise, Pars II, l. I, c. xlix-li, c. liv, 2e édit., t. I, p. 437 et suiv.

Effectus. Voyez sur la conversion de Constantin: Eusèbe, De vitua beatissimi imperatoris Constantini, l. I, c. xxvii-xxxii, Patrol. Lat., vol. VIII, col. 22-23.

Ministerio. Hincmar admet donc comme historique le baptême de Constantin par le pape Silvestre, successeur de saint Pierre. (Voyez sur ce baptême Baronius, Annales ecclesiastici, éd. Theiner, t. IV, a. 324, § 17-59.)

Tradidit. La donation de Rome au pape Silvestre et à ses successeurs par Constantin a été supposée pour repousser les prétentions des empereurs grecs sur l’Italie et légitimer le pouvoir temporel du Saint Siège. D’après Marca, cette donation aurait été inventée, et l’acte rédigé dès 767, quand Paul I réclama l’assistance de Pépin. (Marca, De concorda sacerdoti et imperii, l. III, c. xii.) La première allusion qui soit faite se trouve dans une lettre écrite par le pape Adrien au roi Charles en 777 (Codex Carolinus, ép. XLIX Patrol. lat., vol. XCVIII, lettre 60, col. 306). Le pape félicite Charles d’avoir restitué à l’église de Rome le patrimoine que lui avait constitué l’empereur Constantin. Cependant comme la mention n’est pas très précise, on peut penser que le privilège n’a été rédigé que postérieurement. Ce privilège fut inséré dans la Collection des Fausses Décrétales (Patrolog. lat., vol. CXXX, col. 245-252). Adon de Vienne (mort en 874) l’avait sous les yeux quand il écrivait sa chronique. (Patrol. lat., vol. CXXIII, col. 92.) Voici le passage de cet acte faux que rappelle ici Hincmar: « Unde ut pontificalis apex non vilescat sed magis amplius quam terreni imperii dignitas et gloria potentia decoretur, ecce tam palatium nostrum, ut prædictum est, quamque Roma, urbis, et omnes Italia seu occidentalium regionum provincias, loca et civitates præfato beatissimo pontifici nostro Silvestro universali papæ concedimus atque relinquimus et successorum ipsius pontificum potestati et ditione firma imperiali censura per hanc divalem nostram sacram potestatem et pragmaticum constitutum decernimus disponendum atque juri sanct Romanæ ecclesiæ concedimus permansurum. » Patrol. lat., vol. CXXX, col. 230-281.) Voyez sur la donation de Constantin Bayet, La fausse donation de Constantin, dans l’Annuaire de la Faculté des lettres de Lyon, année 1884, p. 12.

Ædificavit. On lit dans la donation de Constantin à Silvestre: « Unde congruum prospeximus nostrum imperium et regni potestatem orientalibus transferri et transmutari regionibus et in Bizantiæ provinciæ in optima loco nomini nostro civitatem ædificari et nostrum illic constitui imperium. » (Patrol., lat., vol. CXXX, col. 251.)

Excubabant. La Novelle de Justinien déjà citée (Nov. vi, c. 2,3) suppose que les Patriarches avaient toujours à Constantinople des apocrisiaires par l’intermédiaire desquels ils faisaient terminer à la cour leurs affaires ou celles de leurs évêques.

XIV.

Functus fuit. Saint Grégoire fut envoyé vers 582 à Constantinople par le pape Pélage II pour combattre l’hérésie du patriarche Eutychius sur la résurrection des corps. Il témoigne lui-même de son séjour au palais impérial comme apocrisiaire: « Cum me in Constantinopolitana civitate Sedis Apostolicæ responsa constringerent. » (Epistola ad Leandrum; Voyez encore Dialog., l. III, c. 32, 36.)

Jubent. Antérieurement à l’institution des apocrisiaires permanents, le Concile de Sardique (347) avait prescrit aux métropolitains de faire parvenir au palais leurs pétitions ou celles des évêques de leur provinces par l’intermédiaire d’un diacre. (Concile de Sardique, can. 9, Labbe, Concilia, t. II, col. 631.)

Francorum. « De exercitu vero ejus baptizati sunt amplius tria millia. » (Greg. Turon., Histor., l. II, c. 31.)

Exstitit. Grégoire de Tours (Historia Francor., II, 31) et l’Historia epitomata, c. 21, donnent pour le baptême de Clovis la date de Pâques; peut-être ces chroniqueurs ne l’ont-ils choisie que parce que c’était celle où l’on baptisait d’ordinaire. D’après une lettre de Saint Avit, la cérémonie aurait eu lieu le jour de Nœl (496) c’est la date adoptée par Junghans. (Histoire critique des règnes de Childerich et de Chlodorech, trad. Monod, p. 56-69.)

Disposuerunt. Rien de pareil n’a existé sous les Mérovingiens. Pendant cette période, un abbé était placé à la tête de la chapelle royale, abbas palatinus. Rusticus remplit cet office sous Clotaire II. (Voyez Mabillon, Annales Benedictini, l. XI, c. xli, t. 1, p. 295-296.) Quant aux rapports des rois avec les papes, ils étaient réglés soit par l’évêque d’Arles, représentant perpétuel de l’autorité pontificale en France (Gregor. epist., l. XII, ép. 34), soit plus souvent par des légats particuliers.

Consensu. Voyez les notes du chap. XV. Les évêques et le pape durent consentir, sous le règne de Charlemagne, à ce qu’Angelramne et Hildebold quittassent leur siège épiscopal pour venir résider à la cour en qualité d’archichapelains.

Diaconos. On ne voit pas qu’aucun diacre ait été archichapelain au viiie ni au ixe siècle.

Parrochiis. Le concile de Sardique (347) interdit aux évêques de prolonger leur absence plus de trois semaines en dehors de leur diocèse (ch. XI, Labbe, Concilia, t. II, col. 636). Un concile tenu à Rome sous le pape Eugène II, le 15 novembre 826, renouvela cette prescription. (can. VI, Pertz, Leges, t. II, pars II, p. 45.)

 

XV.

Gregorii. Il s’agit ici de la Règle pastorale, Regula pastoralis, adressée par saint Grégoire à Jean, évêque de Ravenne. (Patrol. Lat., vol. LXVII, col. 13). Au ixe siècle, cet ouvrage fut considéré comme le manuel des évêques. Le Concile de Mayence de 843 cherchant les moyens de maintenir le clergé et le peuple chrétien dans les saines doctrines, consulte ce livre. Labbe, Concilia, t. VII, col. 1241). La même année, on en lit des passages au concile de Reims. (ch. X, Labbe, Ibid., t. VII, col. 1255.) Les conciles de Tours et de Chalon (813) en recommandent l’étude aux évêques (Concile de Tours, can. III, Labbe, Ibid., t. VII, col. 1264; Concile de Chalon, can. I, Ibid., t. VII, col. 1272.) Plusieurs canons du concile d’Aix-la-Chapelle (836) ne sont que des extraits du Livre Pastoral. (Cap. I, De vita episcoporum, can. 7, 9, 10; cap. II, De doctrina episcoporum, can. 3, 5, 6; Labbe, Ibid., t. VII, col. 1704-1708.)

Canonum. Au ixe siècle, le Livre des Canons n’est autre que la collection de Denys le Petit qui prit un caractère officiel après l’envoi que le pape Adrien en fit à Charlemagne en 774.

Tradita. On remettait entre les mains des évêques à leur sacre le Livre des Canons et la Règle Pastorale de saint Grégoire. Hincmar le dit positivement dans la préface de son opuscule contre Hincmar de bon. (Patrol. lat., vol. CXXVI, col. 292 c.)

Ipsi se. Busæus donne sibi.

Illicite. Busæus donne inclite.

Fulradum. Fulrade était originaire de l’Alsace; son père s’appelait Riculfe et sa mère Ermengarde. — On ne doit pas le confondre avec un autre Fulrade, son contemporain, qui était fils de Jérôme, fils naturel de Charles Martel. — Il était déjà abbé de Saint-Denis le 17 août 749 (Plait de Pépin, en date du 17 août, l’an 8 du règne de Childéric, apud Mabillon, De re Diplomatica, l. VI, n° xxxviii). C’est lui que Pépin envoya la même année avec l’évêque de Wurtzbourg demander au pape Zacharie s’il convenait de déposer le roi Childéric (Annales Laurin., a. 749, Pertz, Script., t. I, p. 136). Il n’était encore que chapelain. Le succès de sa mission fut sans doute ce qui lui valut la dignité d’archichapelain. Après la défaite des Lombards par Pépin en 755, Fulrade ramena le pape Etienne à Rome (Annales Laurin., a. 75, Pertz, Script., t. I p. 438), et le mit en possession de la Pentapole et de l’Emilie. En 756, Astolf, roi des Lombards, étant mort, il prit le commandement d’une armée franque, et, marchant contre le prétendant Rachis, donna la couronne à Didier. Après quoi, il revint en France. C’est par son intermédiaire que Tilpin archevêque de Reims, obtint du pape Adrien l’usage du pallium. Fulrade resta archichapelain sous Carloman, puis sous Charlemagne. Vers 780, il alla à Rome avec le diacre Adon pour y chercher des reliques. (Lettre d’Adrien à Charles 780), Codex Carolinus, éd. Migne, n° LXVII, Patrol. lat., vol. XC III, col. 327.) Il mourut en Saxe le 16 juillet 784. (Annales Laureshamens., Pertz, Script., t. I, p. 32, c. xvii.) (Voyez Félicien, Hist. de l’abbaye de Saint Denis, p. 42-64 ; Mabillon, Sancti Fulradi abbatis elogium historicum, ap. Acta Sasctorum ordinis S. Benedicti. sæc. III, t. II, p. 334.)

Engelramnum. Angelramne succéda à Fulrade en qualité d’archichapelain. Mais, comme il occupait le siège épiscopal de Metz depuis 768, Charles dut obtenir du pape et des évêques qu’il pût quitter sa ville pour venir résider au palais. (Synode de Francfort, juin 794, c. 55, Boretius, Capitularia, n° 28, t. I, p. 78.) Il fut abbé de Sénone en même temps qu’évêque. En 785, il fit une collection de canons qu’il envoya au pape Adrien (Labbe, Concilia, t. VI, col. 1828); on a pensé qu’il avait voulu par là justifier son absence de sa cité épiscopale. C’est sous lui que prit naissance la fameuse école de chant de l’église de Metz. Paul Diacre écrivit à sa requête l’histoire des évêques de Metz. Il mourut le 6 octobre 791. (Voyez Gallia Christiana, t. XIII, col. 708; Histoire littéraire, t. IV, p. 173.)

Hildiboldum. Hildebold, archevêque de Cologne entre 782 et 785, apparut comme archichapelain au synode de Francfort (juin 794) où le roi demande aux évêques la permission de le garder dans son palais pour y diriger les affaires ecclésiastiques, ce à quoi d’ailleurs le pape avait déjà consenti. (Boretius, Capitularia, n. 28, c. 55, t. I, p. 78). La vie de Léon III, par Anastase le Bibliothécaire, le montre en relations étroites avec ce pontife. En 816, il alla au-devant d’Etienne III qui venait en France. (Vita Hludowici, c. 26, Pertz, Script., t. II, p. 620.) Il mourut en 819.

Hilduinum. Voyez sur Hilduin, le chap. I. Hilduin, abbé de Saint Denis, succéda à Hildebold comme archichapelain. Il est dit sacri palatii summus capellanus dans un diplôme du 27 septembre 820. Tardif Cartons des Rois, n° 113, p. 80). On peut juger du rôle important qu’il jouait à la cour par le grand nombre de privilèges dont il obtint la rédaction (Hilduinus ambasciarit). Il était le plus intime des conseillers de Louis le Pieux: « Hic inter cunctos imperii sui primates quos consilio sue adsciverat, Hilduinum abbatem.... in tantum amavit et extulit, ut ei specialius quidquid secretius tractandum esset committeret, eumque archicapellanum in omni imperio suo constitueret. » Translatio S. Sebastiani, Mabillon, Acta Sanctor. ordinis S. Benedicti, sæc. IV, t. I, p. 387.) Mais en 830, il prit le parti de Wala et fut exilé. Après son rappel, il recouvra ses abbayes, mais non pas sa charge d’archichapelain.

Presbyterum. Nous n’avons que peu de renseignements sur Fulcon. On l’identifie avec Fulcon, abbé de Saint-Hilaire de Poitiers. En 830, il assista à la dédicace de l’église de Nouaillé. (Chronic. Malleacense, Labbe, Nova Bibliotheca manuscriptorum, t. II, p. 495.) Une Passion de saint Julien lui donne le titre d’archichapelain (Ibid., t. II, p. 578).

Drogonem. Busæus donne Diogonem. — Drogon, fils naturel de Charlemagne, né en 807, devint évêque de Metz en juillet 826. En 830, il fut chargé de ramener à Aix-la-Chapelle Judith, à qui les fils de l’empereur avaient fait prendre le voile à Sainte-Radegonde. Il apparaît comme archichapelain en 837. (Diplôme de Louis empereur. Mabillon, De re Diplomatica, p. 521.) En cette qualité, il présida aux funérailles de son frère Louis le Pieux. (Nithard, l. I, c. 8.) Après la mort de Grégoire IV, Lothaire l’envoya avec son fils Louis à Rome pour soutenir les prétentions de l’empereur à intervenir dans les élections pontificales. Le nouveau pape Serge II le désigna comme son vicaire en Gaule et en Germanie. (Annales Bertiniani, a. 844, éd. Dehaisnes, p. 57.) Il mourut le 9 novembre 855. Il ne conserva pas son titre d’archichapelain jusqu’à sa mort. Car Ebroïn, évêque de Poitiers, abbé de Saint Hilaire, de Saint-Germain-des-Prés et de Saint Maur sur Loire, apparait avec cette qualité dans un diplôme du 7 août 846. (Tardif, Cartons des rois, n° 153, p. 99.) et dans un autre du 15 août 850. (Tardif, Ibid., n° 162, p. 103.) Ebroïn mourut peu après. Il eut pour successeur, comme archichapelain, Gozlin, oncle de Charles le Chauve, qui le remplaça aussi à la tête de l’abbaye de Saint Germain. Gozlin fut en même temps chancelier ; il mourut en 886. (Annales Vedastini, a. 886 éd. Dehaisnes, p. 325.) Il semble que Hugues l’abbé lui ait succédé dans la charge d’archichapelain au moins dès 882. Les annales de Sainte-Colombe disent de lui à l’année 882 : « Hugo.., qui monarchiam clericatus in palatio optinens... » (Duru, Bibliothèque Histoire de l’Yonne, t. I, p. 103.)

Les auteurs du Gallia Christiana (t. II, col. 25) mettent au nombre des archichapelains Vulfade, ce prêtre consacré par Ebbon, qui devint archevêque de Bourges par la volonté du roi et malgré l’opposition d’Hincmar. Ils s’appuient sur ce fait qu’il est dit abbas dans une lettre adressée par le pape Nicolas à Charles le Chauve; mais, à l’époque carolingienne, le chef du clergé palatin ne portait plus ce titre; et nous savons, d’autre part, que Vulfade fut abbé de plusieurs monastères. En second lieu, les mêmes auteurs citent une lettre de Charles le Chauve où celui-ci appelle Vulfade « fidelem suumn ministerialem. » Pour expliquer l’emploi de cette expression, il n’est pas nécessaire de supposer que Vulfade ait été archichapelain. Car, outre qu’il peut avoir reçu du roi des missions spéciales, il fut chargé par Charles le Chauve de l’éducation de son fils Carloman ; à ce titre, il était officier du palais, ministerialis.

XVI.

Regebat. Le nom de chapelle, capella, appliqué à l’oratoire du palais vient de la chape de saint Martin, la relique la plus précieuse qu’on y gardât : « Dicti sunt autem primitus capellani a cappa beati Martini, quam reges Francorum ob adjutorium victoriæ in præliis solebant habere secum, quam ferentes et custodientes cum cæteris sanctorum reliquiis clerici capellani cæperunt vocari. » (Valafrid Strabon, De exord. eccles., c. 33.) Le terme de capella désigne même cette relique dans une formule de Marculfe : « In palatio nostro super capellam domni Martini ubi reliqua sacramenta percurrunt debeant conjurare. » (Marculfi formulæ, l. I, n° 38.) Les clercs préposés à sa garde furent dits chapelains; ils étaient aussi chargés de la transporter à la suite de l’armée, la coutume d’emporter des reliques à la guerre durait encore au temps de Charlemagne. (Miracula sancti Dionysii, l. I, c. 20, Mabillon, Acta Sanctor. ordinis S. Benedicti, sæc. III, t. II, p. 350.) Les clercs de la chapelle qui avaient à leur tête, à l’époque Mérovingienne, l’abbé palatin, et à l’époque Carolingienne, l’archichapelain, étaient charges d’assurer continuellement le service divin du palais. Aussi, un capitulaire ecclésiastique, promulgué par Carloman le 24 avril 712, tout en défendant aux clercs d’aller à l’host, fit une exception en faveur des évêques et des prêtres choisis pour porter les reliques et remplir auprès des soldats tous les devoirs de leur ministère. Le clergé palatin comprenait des évêques et des prêtres. (Capitul. de 742, Pertz, Leges, t. I, p. 46 ; Boretius, Capitularia, t. 1. p. 25), des diacres et des sous-diacres (Hincmar, ép. xvi, Patrol. lat., vol. CXXVI, col. 99). Au iie siècle, le roi donnait à ses chapelains les évêchés et les abbayes. (Vita Walæ, Mabillon. Acta Sanctor, ord. S. Benedicti, sæc. IV, t. I, p. 459; Loup de Ferrières, lettre XXV, Rec. des Histor., t. VII, p. 482.) Les églises des villas royales leur étaient réservées. (Capitul. de Villis, Boretius, Capitularia, 32, c. 6, t. I, p. 83.)

Cancellarius. Les deux services de la chapelle et de la chancellerie étalent étroitement unis. En effet, les notaires qui rédigeaient les actes étaient clercs, le plus souvent diacres ou sous-diacres. Or, nous avons vu que l’archichapelain avait la surveillance de tout le clergé du palais. De plus, certains actes solennels étaient conservés dans la chapelle. Ainsi, en 794, on rédigea trois exemplaires de l’acte de soumission de Tassilon : l’un devait être déposé au palais; le second dans l’abbaye assignée au duc comme résidence; le troisième, dans la chapelle du palais. (Boretius, Capitularia, n° 2, c. 3, t. I, p. 74.) Il semble qu’on distingue ici entre les archives proprement dites (archivius palatii, armarium palatii, scrinium palatii), dont la garde était confiée au chancelier (Capitula missorum, a. 806, Boretius, Capitularia., n° 49, c. 8, t. I, p. 138), et les archives de la chapelle. (Voyez Sickel, Acta regum Karolinorum, Einleitung, § 4, t. I, p. 9-10) Enfin ce qui acheva de rapprocher la chapelle et la chancellerie c’est que sous Charles le Chauve les charges d’archichapelain et d’archichancelier furent réunies toutes deux entre les mains du même personnage, Gozlin. Au temps des Mérovingiens, les fonctionnaires chargés de rédiger les actes et de les présenter à la signature du roi s’appelaient référendaires. Ils étaient tous laïques. A leur tête se trouvait le grand référendaire, summus referendarius. Sickel pense que les scribes particuliers des ducs d’Austrasie, pris dans l’ordre du clergé, finirent par supplanter les référendaires royaux. Sous Charlemagne, Hithier remplit l’office de chancelier depuis le commencement du règne jusqu’en juin 776; il ne prend jamais que les titres de capellanus et notarius : le premier indiquant simplement qu’il faisait partie du clergé palatin. Il était abbé de Saint Martin de Tours. Il fut chargé de plusieurs missions importantes. Il mourut en 796. Radon, d’abord simple notaire, le remplaça comme chancelier, dès juillet 776. Le pape Adrien, dans une lettre écrite à Charles en 790, le nomme protonotarius atque abbas. Il était abbé de Saint Vaast d’Arras. Bien qu’il ne soit mort qu’en 845, il quitta l’office de chancelier en 794, ou peut-être seulement en 797. Erchambaud lui succéda; il prend une seule fois le titre de cancellarius. (Sickel, Acta regum Karolinor., Acta Karoli, n° 224). Les Annales d’Eginhard lui donnent en 801 celui de notarius. (A. 801, Pertz, Scriptores, t. I, p. 190.) Louis le Pieux devenu empereur semble avoir congédié, en même temps que les conseillers de Charlemagne, le personnel de la chancellerie, dont il confia la direction à Hélisachar qu’il avait amené d’Aquitaine. Il conserva cet office jusqu’en septembre 819. En 823, il assista à l’assemblée de Compiègne, et en 824 il commanda un corps d’armée dans l’expédition contre les Bretons. En 827, il alla rétablir l’ordre dans la Marche espagnole. Il fut abbé de Saint-Riquier et de Saint Aubin d’Angers. Il avait eu pour successeur à la chancellerie Frédégise, amené en France en 782 avec son compatriote et maître Alcuin, et qui, par son mérite, n’avait pas tardé à acquérir du crédit à la cour. En 804, il avait reçu l’abbaye de Saint-Martin de Tours; ses services lui valurent encore celle de Sithiu. Il n’a pas souscrit un seul diplôme; du jour où il occupa la dignité de chancelier, tous les actes furent dressés par les notaires, agissant à sa place, ad vicem Fridugisi. Cette coutume persista après lui. De juin 832 au 15 mai 834 Theoto apparaît comme chancelier. Un diplôme le nomme summus sacri palatii cancellarius (Sickel, Acta Hludowici, n° 459). Il mourut en combattant les comtes Matfrid et Lambert révoltés contre l’empereur. Hugues lui succéda et resta chancelier (sacri palatii archinotarius, summus sacri palatii notarius; Sickel, Acta Hludowici n° 334, 367, 374) jusqu’à la mort de Louis le Pieux. Louis, abbé de Saint-Denis (voyez le chap. I, p. 5) apparaît comme archichancelier, le 6 novembre 841 (Tardif, Cartons des rois, n° 138, p. 94). Charles le Chauve dans plusieurs diplômes le nomme protonotarius (Tardif, Ibid., n° 165, 183, 192). Deux actes de 864, l’un du 24 juillet (Tardif, Ibid., n 482) l’autre du 2 août (Tardif, Ibid., n° 183) sont souscrits par Gozlin chancelier, Gozlinus regiæ dignitatis cancellarius, à la place de Louis, ad vicem Hludowici. Mais Louis continue à signer dans les actes comme archichancelier jusqu’à sa mort, survenue en janvier 867. De simple chancelier Gozlin devint archichancelier. Il conserva sa charge sous Louis le Bègue. L’archichancelier de Carloman fut d’abord Vulfad (12 janv. 881, Rec. des Histor., t. IX, p. 418). Le notaire Norbert qui expédiait les diplômes à sa place les souscrit seul à sa mort « Norbertus notarius post obitum magistri sui Vulfardi jussione regis. » (Acte du 14 juin 882, Rec. des Histor., t. IX, p. 427.) Mais le 11 août 883, Gozlin a déjà repris en mains la direction de la chancellerie Rec. des Histor., t. IX, p. 431). — Voyez Sickel, Acta regum Carolinorun, t. I, p. 73-100.

Apellabatur. A secretis, qualificatif appliqué sous l’empire romain au conseillers impériaux, mais qui n’a jamais dans l’empire franc désigné le chancelier. Quant aux secrétaires particuliers du roi, ils étaient pris parmi les conseillers les plus intimes et les plus instruits. La rédaction des lettres privées du prince n’appartenait pas aux membres de la chancellerie. (Voyez sur les secrétaires, Sickel, Acta regum Carolinorum, t. I, p. 103-105)

Viri. Il s’agit ici des notaires qui rédigeaient les diplômes au nom du chancelier. Ils étaient assistés de simples scribes.

Palatium. Sacrum palatium. Nous ne connaissons que deux exemples de cette expression à l’époque Mérovingienne. Une lettre de Sichelmus est adressée aux Maires du sacré palais « majoribus domnus sacri palatii. » (Pardessus, Diplomata, n° 318, t. II, p. 131.) « Juste judicio in sancto palatii judicato. » (Exhortatio ad regem , Digot, Histoire d’Austrasie, t. III, p. 362.) Cette expression, qui disparaît sous Charlemagne, devient usuelle sous Louis le Pieux. — Voyez plus haut les chapitres XII et XIII.

Ministros. Hincmar revient plus loin sur les attributions de ces divers officiers : ch. XXI-XXIV.

XVII.

Ut. Busæus donne et.

Ostiarius. Ostiaris désigne ici le maître des huissiers, magister ostiariorum, encore dit dans les textes summus ostiarius et quelquefois scario et ædilis. Dans les cérémonies il suivait le roi, un bâton à la main, tandis qu’un de ses subordonnés, précédant le cortège, faisait écarter la foule.

« Adhalhuitus adest fertque manu ferulam,

Percutit instantesque, viam componit honore

Cæsaris et procerum, conjugis et sobolis.

.................................................................................

................................ Gerung pergit et ipse prior

Virgam more gerit, servans vestiga regis. »

(Ermold. Nigell, l. IV, v. 406 et suiv. Rec. des histor., t. VI, p. 58). Gerung, dont il est question dans les vers précédents, maître des huissiers sous Louis le Pieux, était un personnage important. Il accompagna le jeune Lothaire en Italie et gouverna son royaume de concert avec Wala. C’est encore au maître des huissiers que se rapporte, d’après Waitz, un passage de Théodulfe:

« Thyrsis ad obsequium semper sit promptus berile,

Strenuus et velox sit pede, corde, manu.

Pluraque suscipit hinc inde precantia verba,

Istaque dissimulet, audiat illa libens.

Hunc intrare jubens, hunc expectare parumper

Censcat, hunc intus, hunc tamen esse foris. »

(Theodulfi Carmina. Rec. des Histor., t. V, p. 418.) — Voyez sur ce fonctionnaire : Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, éd. 1860, t. III, p. 420-421.

Sacellarius. Le sacellarius, placé sous les ordres du chambrier, avait la garde du trésor royal, souvent désigné aux époques mérovingienne et carolingienne par le terme de sacellum. Ce titre se rencontre déjà sous l’empire romain (voyez Col. Just., II, 37; IV, 21). Les annales d’Eginhard, à l’année 826, portent que l’empereur fit accompagner à Aix-la-Chapelle le prêtre vénitien Baudri, qui s’était offert à construire des orgues, par Thanculf, trésorier, sacellarius, pour que ce dernier mit à la disposition de l’artiste tout ce qui lui était nécessaire. (Einhardi annales, a. 826, Pertz, Script., t. I, p. 214-215.)

Dispensator. Le dispensator était aussi subordonné au chambrier.

Scapoardus. Etym. germanique: schap-ward; celui qui était chargé de la garde des ustensiles, de la vaisselle précieuse.

Decani. Les decani, qui étaient chargés d’administrer une villa ou une portion de villa (voyez Guérard, Polyptique d’Irminon, t. I, p. 44), étaient comptés parmi les fonctionnaires inférieurs ou juniores. (Capitul. de Villis, c. 58, Pertz, Leges, t. I, p. 185.) Mais puisque Hincmar distingue les decani des juniores, il faut peut-être entendre qu’au palais les officiers d’ordre inferieur, juniores, étaient répartis par douzaines sous la surveillance de decani.

Bersarii. Bersarii. On a proposé de ce mot deux étymologies. Il vient ou de bersa, qui signifie palissades, entourant les forêts; ou du germanique birsen, percer de flèches, et en français berser de saictes.

Veltrarii. On appelait en vieux français reltre ou riautre, du bas-latin veltris, une espèce de chien destiné à la chasse de l’ours, du sanglier et même du lièvre, d’où le nom de lévrier. Dans la Loi Salique il est question du vol de ces chiens; tit. VI, § 2: « Si quis veltrum agutario furaverit.... » (éd. Hessels, col. 33). « Si quis vero sensium reliquum aut veltrem porcarium, sive veltrem leporarium.... » (Ibid., col. 35.)

Beverarii. Le castor se dit en latin bever, d’où en français bièvre. Sa fourrure était fort recherchée au ixe siècle.

Verumtamen. Busæus donne veruntamen.

Confœderatio. Geugler propose de corriger confœderatio en consideratio.

XIX.

Erat. Les officiers du palais ne se renfermaient pas aussi strictement que semble le dire Hincmar dans le cercle de leurs attributions. Car c’était parmi eux que le roi choisissait les missi, les ambassadeurs, les commandants de corps d’armée. Ce n’étaient toutefois là que des délégations temporaires. D’ailleurs les mots mensura sua quisque contentus erat signifient seulement qu’aucun des officiers ne cherchait à excéder les pouvoirs que le roi lui avait conférés, et que chacun se contentait du crédit dont il jouissait auprès du prince.

Comes palatii. A l’époque mérovingienne, le comte du palais était chargé d’instruire les causes apportées au tribunal du roi, d’en diriger la procédure et de veiller à l’exécution des sentences. Mais la direction générale des affaires séculières ne lui appartenait pas ; elle était entre les mains du maire du palais. Sous les Carolingiens, le maire du palais ayant disparu, le comte du palais hérita de la plupart de ses attributions. (Voyez sur le comte du palais à l’époque mérovingienne: Waitz, Verfassungsgeschichte, éd. 1870, t. II, p. 405; Tardif, Etudes sur les institutions, période mérovingienne, p. 56, 179.)

Deberet. Le comte du palais avait la connaissance préliminaire de toutes les affaires portées au tribunal du roi. Eginhard écrit à Geboin, comte du palais : « Rogo dilectionem vestram ut hunc pagensem nostrum, nomine David, necessitates suas tibi referre volentem exaudire digneris et si causam ejus rationabilem esse cognoveris, locum ei facias aa domnum imperatorem se reclamare. » (Epist. IX, Patrol. lat., vol. CIV, col. 512.) Le même Eginhard dit de Charlemagne : « Cum calciaretur et amiciretur, non tantum amicos admittebat, verum etiam, si comes palatii litem aliquam esse diceret quæ sine ejus jussu definiri non posset, statim litigantes introducere jussit, et velut pro tribunali sederet, lite cognita, sententiam dixit. » (Vita Karoli, c. 24.) Les rois Carolingiens ont pris à plusieurs reprises des mesures pour empêcher que les plaideurs n’eussent trop souvent recours à leur tribunal. Un capitulaire de 755 prononce un châtiment contre quiconque s’adresse au palais sans avoir au préalable déposé sa plainte au tribunal du comte, ou sans s’être conformé à la sentence prononcée légalement par les rachimbourgs. (Capit. de Pépin en 755. c. 7, Pertz, Leges. t. I, p. 31). L.es clercs ne pouvaient, sans l’autorisation de leur évêque, les évêques sans celle de leur métropolitain, porter leurs causes devant le tribunal du roi. (Admonitio generalis. 789, Boretius, Capitularia, n° 22, c. 10, t. I, p. 55.) Un capitulaire d’Aix-la-Chapelle, en 810, cherche à remédier à l’encombrement du palais par les plaignants : « De clamatoribus qui magnum impedimentum faciunt in palatio ad aures domni imperatoris: ut missi sive comites illorum missos transmittant contra illos qui mentiendo vadunt, ut eos conviacant. » (Pertz, Leges, t. I, p. 163.)

XX.

Apocrisiarus. D’après Hincmar, l’archichapelain occupe dans l’ordre ecclésiastique le même rang que le comte du palais dans l’ordre laïque. Hincmar compare encore ailleurs ces deux officiers ; écrivant à Louis le Germanique, en 855, au nom des évêques des provinces de Reims et de Rouen, il lui conseille d’avoir auprès de lui un officier chargé de la direction des affaires de l’église : « Ut, si episcopus pro quacunque necessitate ecclesiastica ad vos direxerit ad quem suus missus veniat, per quem que rationabiliter petierit obtineat, in palatio vestro, sicut comes palatii est in causis reipublicæ, ministerio congruum constitutum habete. » (Hincmari Opera, Patrol. lat., vol. CXXV. col. 14.)

Altercatione. Busæus donne canonicœ vel monasticœ. — Dans un texte cité par Vaitz, Hilduin est appeIé directeur de toute l’égIise de l’empire: « Abbatem sacrique palatii conspicuum archicapellanum et non solum ejusdem monasterii strenuam prælationem sed etiam totius ecclesiasiæ istius imperii. » (Mansi, Conciles, t. XIV, p. 634.) Loup de Ferrières le nomme « magister ecclesiasticorum. » (Rec. des Histor., t. VII, p. 510.)

Tantummodo. Busæus donne tandummodo.

XXI.

Determinaret. Voyez les notes du chapitre XIX. — Il y avait à la fois plusieurs comtes du palais. Eginhard dans une de ses lettres nomme Adalhard et Gebuin comtes du palais, et laisse entendre qu’ils étaient en fonctions tous deux en même temps. (Ep. XI Patrol. lat., vol. CIV, col. 513.) D’ailleurs le capitulaire sur la police intérieure du palais parle des comtes palatins c. 6 : « Ut comites palatini omnem diligentiam adhibeant, ut clamatores, postquam indiculum ab eis acceperint, in palatio nostro non remaneant. » (Boretius, Capitularia, n° 146, t. I, p. 298.) Il est probable qu’un de ces comtes avait sur les autres la préséance. — Bien que le comte du palais eût l’examen préalable de toutes les causes, il ne lui appartenait point de prononcer la sentence dans tous les cas. Le capitulaire d’Aix-la-Chapelle (812) lui interdit de connaître, sans un ordre spécial du roi, des causes qui s’élevaient entre puissants : « Neque comes palatii nostri potentiores causas sine nostra jussione finire præsumat, sed tantum ad pauperum et minus potentium justitias faciendas sibi sciat esse vacandum. » (c. 2, Pertz, Leges, t. I, p. 471) Dans les cas de procès importants, le roi présidait lui-même son tribunal. Louis le Pieux se montra particulièrement jaloux de rendre la justice à ses sujets; n’étant encore que roi d’Aquitaine, il consacrait trois jours de la semaine aux affaires judiciaires : « Tribus enim diebus rex per singulas ebdomadas rei judiciariæ intererat. » (Vita Hludowici, c. 19, Pertz, Scriptores, t. II, p. 617.) En 828 il décida qu’il tiendrait audience une fois par semaine : « Sciatis ob hanc causam nos velle per singulas hebdomadas uno die in palatio nostro ad causas audiendas. » (Pertz, Leges, t. I, p. 330.) Il informa les comtes et le peuple de sa résolution : « Hoc missi nostri notum faciant comitibus et populo quod nos in omni ebdomada unum diem ad causas audiendas et judicandas sedere volumus. » (Capitul. de Worms, 819, c. 45; Pertz, Leges, t. I, p. 33.)

Reduceret. La formule d’une lettre adressée par un comte au comte du palais confirme ce qu’Hincmar dit ici des attributions judiciaires de cet officier palatin : « petimus clementiam vestram ut illas justitias ecclesia vel monasterii sancti illius, quæ ad nos pertinere videntur, vestro examine presententur, et eas ad liquidum sagax industria vestra perserutari dignetur, quatenus oct rectum tramitem revocare satagat, obnixe deposcimus. Insuper vero ad illas alias justitias quæ infra pagum definire per nos non valemus, industriæ vestræ reservandas esse censuimus, quas etiam et regali auctoritate rectius per vos definiendas esse per omnia credimus... »

Mundane. Leges mundanœ. Il faut entendre par là toutes les lois écrites, les lois barbares comme le droit romain, opposées au droit canon. Les lois profanes sont encore distinguées des lois ecclésiastiques dans l’édit de Pistes (869), cap. 3 (Pertz, Leges, t. I, p. 509), et au chapitre 9 du capitul. de Quierzy (Pertz, Ibid., t. I, p. 539). Un texte cité plus haut (c. VIII, note 4) distingue entre les capitulaires et les leges mudanœ.

Consuetudinem. Gentilium consuetudo, c’est-à-dire la coutume non écrite. La coutume devait être tenue pour loi dans les cas où elle n’était pas contraire à l’ordre public : « Ut longa consuetudo, quæ ad utilitatem publicam non impedit pro lege servetur, et que diu servata sunt permaneant. » (Boretius, Capitula Karolo magno adscripta, c. 22, Capitularia, n° 405, 1. I, p. 20.) Bien que Charlemagne eût fait rédiger les lois d’un grand nombre de peuples, il restait encore sans doute après lui des groupes de population dont la coutume n’était pas écrite : « Post susceptum imperiale nomen, cum adverteret multa legibus populi sui deesse (nam Franci duas habent loges, in plurimis locis valde diversas), cogitavit quæ deerant addere et discrepantia unire, prava quoque ac perperam prolata corrigere; sed de bis nihil aliud ab eo factum est, nisi quod pauca capitula, et ea imperfecta legibus addidit. Omnium tamen nationum, quæ sub ejus dominatu erant, jura quæ scriptæ non erant, describere ac litteris mandari fecit. » (Einhardi Vita Karoli, c. 29.)

Utramque legem. La loi profane (lois et coutumes) et le droit canon.

XXII.

Annuis. Les dons annuels, apportés au roi par les vassaux dans l’assemblée générale du printemps (voyez chap. XXIX,), bien qu’ayant eu à l’origine un caractère gracieux, étaient devenus obligatoires. Les monastères étaient soumis à cette redevance. En 817, l’empereur fit dresser la liste des monastères qui étaient tenus envers lui soit à des dons et au service militaire tout ensemble, soit à des dons seulement, soit enfin à de simples prières. (Pertz, Leges, t. I, p. 223.225.) Nous voyons Loup, abbé de Ferrières, s’excuser à deux reprises de n’avoir pu envoyer ses dons « dona debita » cause de l’extrême misère de son abbaye (ép. XXXII, ép. XLIII Patrol. lat., vol. CXIX). Un poète contemporain de Charlemagne dit:

« Annua sublimi hæc debentur munera regi. »

Il nous montre les grands offrant au roi de l’argent, de l’or, des pierres précieuses, des vêtements brochés d’or, des chevaux aux harnais d’or. (Maï, Classicorum auctor. e vaticanus codicibus editor. tomus V, p. 405.) Le roi distribuait lui aussi des présents aux proceres, soit qu’il voulût les récompenser, soit qu’il voulût les maintenir dans leur fidélité. (Annales Laureshamenses, c. 793, Pertz, Script., t. I,  p. 35.)

Militum. Sur le sens de miles, voyez le chap. XXVI.

Reginam. Le capitulaire de Villis porte que les officiers royaux devront obéir aux ordres de la reine. (c. 16, c. 47, Pertz, Leges, t. I, pp. 182, 184.)

Camerarium. Les chambriers avaient déjà à l’époque merovingienne les mêmes attributions qu’au ixe siècle ils étaient attachés au service particulier du roi, et prenaient soin de l’administration intérieure du palais; mais c’étaient des officiers d’ordre secondaire. (Voyez Tardif, Etudes sur les Institutions, période Méroving., p. 64.) A l’époque carolingienne, la charge de chambrier devient très importante; il n’y en a qu’un seul qui commande à des fonctionnaires inférieurs. Parmi les personnages les plus considérables qui obtinrent cette dignité, nous citerons Mainfroi, Meginfridus, à qui Charles confia en 791 le commandement d’un corps d’armée. (Einhardi Annales, Pertz, Scriptor., t. I, p. 177.) Sous Louis le Pieux, le margrave Bernard, chambrier, eut un temps entre les mains le gouvernement de tout le royaume. En 868, Augelran était à la fois chambrier et maître des huissiers. « Engelramnum camierarium et hostiariorum magistrum atque a secretis consiliarium. » (Annales Bertiniani, c. 808, éd. Dehaisnes, p. 483.) Privé de ses dignités sur les instances de la reine Richilde, il passa au parti de Louis de Germanie. (Ann. Bertin., a. 875, éd. Dehaisnes, p. 244.) C’est au chambrier Thierry que Louis le Bègue mourant (879) confia la couronne et l’épée royales pour les remettre à son fils. (Ann. Bertin., a. 879, éd. Dehaisnes, p. 278-279.)

Legationum. C’était la coutume que des ambassadeurs étrangers ne vinssent jamais visiter le roi sans lui apporter des présents. D’ordinaire ils arrivaient au palais pendant la tenue de l’assemblée générale. (Voyez Annales Tiliani, a. 779, Rec. des Histor., t. V, p. 20; Ann. Petaviani, a. 184, Pertz, Scriptor., t. I, p. 16; Ann. Petav., a. 782. Ibid., p. 17; Annales Laureshamenses, a 795, Pertz, Scriptor. t. I, p. 36; 815 Thegani Vita Hludowici, c. 14, Pertz, Scriptor., t. II. p. 593; Einhard Annales, a. 821, Pertz, Scriptor., t. 1, p. 208; Einhardi Annales, a. 822, Ibid., p. 209; Einhardi Annales, a. 83, ibid., p. 210; Thegani Vita Hludowici, c. 32, Pertz, Scriptor., t. II, p. 597; etc.) Au temps du plus grand éclat du règne de Louis le Pieux, ces ambassades se multiplient. Les présents envoyés par Aroun-al-Raschid à Charlemagne sont parmi les plus célèbres et ont particulièrement excité l’admiration des contemporains : un éléphant (Einhardi Annales, a. 802, Pertz, Script., t. I, p. 190), un pavillon, des étoffes de soie, des parfums, une horloge mécanique (Einhardi Annales, a. 807, Pertz, Ibid., p. 494). Des envoyés d’un roi d’Afrique amenèrent un ours de Numidie. (Moine de Saint-Gall, l. II, c. 9, Pertz, Scriptor., t. II, p. 752.) En retour, Charlemagne renvoyait les ambassadeurs chargés des produits les plus remarquables de son empire.

XXIII.

Senescalum. Le sénéchal avait à l’époque carolingienne une partie des attributions que possédait le maire du palais dans la période précédente, les autres attributions du maire du palais ayant passé au comte du palais. Certains auteurs ont même pensé que le mot sénéchal (senes-schalk) n’était que la désignation germanique du major domus. (Voyez Guérard, Polyptyque de l’abbé Irminon, t. I, p. 442; Lehuerou, Institutions Caroling., p. 144; Tardif, Institutions politiques, période mérovingienne, p. 61). Au ixe siècle, outre un droit de surveillance générale sur l’administration intérieure du palais, le sénéchal avait plus particulièrement la direction de la table royale. Aussi est-il dit par le moine de Saint-Gall « magister mensaa regiæ » (l. II, c. 9, Rec. des Histor., t. V, p. 124; l. II, c. 6, Pertz, Scriptor., t. II, p. 750), par Eginhard « regia mensæ præpositus » (Vita Karoli, c. 9), et par Réginon « princeps coquorum » (a. 786, Pertz, Ibid., t. I, p. 860). En 878 apparaît pour la première fois appliqué à ce fonctionnaire le titre de dapifer, qui prévaudra sous les Capétiens. (Dipl. de Carloman, Muratori, Antiquit. Italicæ. t. I, p. 929.) Les officiers de cuisine étaient placés sous ses ordres « pistores, lanii, coci et fartores. » (Moine de Saint-Gall, l. I c. 48, Pertz, Ibid., t. II, p. 739.) Le poète Théodulfe décrit ses fonctions

« Paniflua solers veniat de sede Menalcas

Sudorem abstergens frontis ab arce manu;

Quam sæpe ingrediens, pistorum sive coquorum

Vallatus cuneis, jus synodale gent.

Prudenter qui cuncta gerens, epulasque dapesque

Regis, honoratum deferat ante thronun. »

(Theod., Carm. l. III, carm. I, v. 184-186, Rec. des Histor., t. V, p. 20.) (Voyez sur le sénéchal : Guérard, Explication du capitulaire de Villis, p. 22-24)

Buticularium. Le bouteiller surveillait les échansons, pincernæ. Il ne doit pas être distingué du grand échanson, « princeps pincernarum » (Mabillon, Acta Sanctor. ord. S. Bened., sæc. III, t. I, p. 385) ou « magister pincernarum. » (Einhardi Annales, a. 784, Pertz, Scriptor. t. I p. 463.) C’est à cet officier que se rapportent ces vers d’Ermoldus Nigellus:

« Nec minus Otho puer pincenis imperat ardens,

Præparat et Bacchi munera lenta meri. »

(V. 465, Rec. des histor., t. VI, p. 60 a.), et ces autres de Théodulf:

« Adveniat pincerna potens Eppinus, et ipse

Pulchraque vasa manu vinaque grata vebat. »

(Theodulfi Carmina, c. IV, Rec. des histor., t. V, p. 420 a.). Saint-Benoît d’Aniane, qui avait été élevé à la cour « inter scholares », y obtint une place d’échanson. « Post hæc vero pincernæ sortitur officium. » (Mabillon, Acta Sanctor., ord. S. Benedicti, sæc. IV, t. I, p. 194.) Voyez Guérard, Explicat. du Capitul. de Villis, p. 25-27.

Stabuli. Le connétable est probablement l’ancien mariscalcus de l’époque mérovingienne ; ce n’était à l’origine qu’un esclave chargé du soin des chevaux. Le titre de comes stabuli qui lui fut donné est emprunté à la hiérarchie romaine. (Voyez Tardif, Institutions politiques, période mérovingienne, p. 60-61.) Le connétable carolingien avait sous ses ordres des officiers inférieurs nommés marescalci. Capitul. de 843 c. 10, Pertz, Leges, t. I, p. 488.)

Ministerio. Le mot ministerium désigne encore quelquefois le territoire soumis à un agent royal. Tel est le sens qu’il a dans les chapitres 8, 9, 17, 26, 50, 53, 56 du Capitulaire de Villis (Pertz, Leges, t. I, p. 181-185)

Quantocius. Busæus donne quanto ejus.

Tempore. Busæus donne tempere.

Familia regalis. C’est-à-dire, non pas la suite royale, mais les gens attachés à la culture de la villa, comme le prouvent les chapitres 2 et 3 du Capitulaire de Villis; c. 2 : « Ut familia nostra bene conservata sit et a nomine in paupertate missa »; C. 3 : « Ut non præsumant judices nostram familiam in corum servitium ponere, non corvadas.... » Pertz, Leges, t. I, p. 181.)

Susceptores. Hincmar est le seul qui, à ma connaissance, ait employé ce terme. Il désigne sans doute ou bien des officiers spécialement chargés de la réception du roi ou bien des intendants chargés de recevoir les redevances, apports en nourriture, en fourrage, etc., dus par les colons lors des visites du roi.

XXIV.

Venatores. Les veneurs étaient chargés, non seulement d’organiser les chasses, mais encore d’approvisionner de gibier la table royale (Eginhard, Vita Karoli, c. 2, Pertz Scriptor., t. II, p. 46). Le chapitre 4? du Capitulaire de Villis confirme ce que dit ici Hincmar, à savoir, qu’on répartissait les officiers de chasse entre les diverses villas: « Ut venatores nostri et falconarii vel reliqui ministeriales, qui nobis in palatio adsidue deservirent, consilium in villis nostris habeant, secundum quod nos aut regina per litteras nostras jusserimus, quando ad aliquam utililatem nostram eos miserimus, aut siniscalcus et buticularius de nostro verbo eis aliquid farere præceperint. » (Pertz, Leges, t. I, p. 184 ; voyez Guérard, Explication du Capitut. de Villis, p. 64-65.) La chasse était le plaisir favori de Charlemagne : « Exercebatur assidue equitando ac venando. » (Eginhard, Vita Karoli, c. 22, Pertz, Script., t. II, p. 455.) Il prit soin de développer ce goût chez ses fils. (Ibid., c. 19, p. 453.) Louis le Pieux se livrait à cet exercice avec non moins d’ardeur que son père : « In mense autem Augusto, quando cervi pinguissirni sunt venatione vacabat, usque dum aprorum tempus advenerat. » Thégan, Vita Hludowici, c. 19, Pertz, Scriptor., t. II, p. 195.) Les annales du ixe siècle, et particulièrement celles dites d’Eginhard, mentionnent chaque année les grandes chasses royales d’automne qui le plus souvent avaient lieu dans les Vosges ou les Ardennes : « Arduennam venandi gratia proficiscitur; venatorio quoque exercitio more solemni ibidem exacto, Aquasgrani ad hiemandum revertitur. » (Einhardi Annales, a. 819, Pertz, Scriptor., t. I, p. 207.) Les capitulaires ont à plusieurs reprises interdit la chasse aux clercs : « Necnon et illas venationes et silvaticas vagationes eum canibus omnibus servis Dei interdiximus. Similiter ut acceptores et falcones non habeant. » (Capitul. de Carloman, en 742, c. 2, Pertz, Leges, t. I, p. 17.) La même prescription est rappelée au chapitre 3 d’un capitulaire de Charlemagne (769-771). (Pertz, Ibid., p. 334

Falconarius. Le fauconnier est appelé ailleurs prœlatus capis (Vita Hludovici, c. 20, Rec. des Histor., t. VI, p. 96); capis signifiant faucon, comme le prouve un passage d’un capitulaire : « Ut episcopus ... non cum canibus, aut accipitribus vel capis, quos vulgus falcones vocat, per seipsum vanationes exerceat. » (Capitul. Ticin., a. 850, c. 4, Pertz, Leges, t. I, p. 396; voyez Guérard, Explicat. du capitulaire de Villis. p. 28-29. La chasse aux oiseaux était connue des Francs; car la loi Salique frappe d’une amende de 43 sous celui qui vole un épervier « intro clavem. » (c. VII, éd. Merkel.)

Considerarentur. Busæus donne consideraretur.

Canum. Voyez plus haut sur les officiers spécialement chargés du soin des chiens, le chapitre XVII.

XXV.

Honestates. Cette phrase termine dans toutes les éditions le chapitre XXIV.

Legatio. Sur les ambassades, voyez le chapitre XXII.

XXVI.

Placerent. Busæus donne placeret.

Remanentibus. Dès la fin de l’époque romaine militia signifie un service ; militare, s’acquitter d’un service. Ainsi, saint Augustin dit : « Illo in officio comitis militat. » (Cité de Dieu, l. V, c. vi.) Tel est encore le sens de militia dans Grégoire de Tours : « Quotidie autem cum judicibus causas discutere, militias sæculares exercere ... non cessabat. » (Hist. Franc., l. III, c. 39, éd. Guadet, t. II, p. 118.) « Mulla enim auri argentique in hujus episcopi regesto pondera sunt reperta. Quæ autem de illa iniquitatis militia erant, regalibus thesauris sunt inlata. » (Ibid. l. X, c. 19, éd. Guadet, t. II. p. 254.) Chez le même auteur, militia désigne aussi l’argent gagné à un service public: « Qui multas altercationes cum relicta illius defuncti (episcopi) habuisse probatur, eo quod res quæ tempore Badegiseli episcopi ecclesiæ data fuerant tanquam proprias retinebat, diceus : Militia hæc fuit viri mei. » (Ibid., t. viii, c. 39, éd. Gaudet, t. II, p. 118-119.) D’où miles s’applique à tout homme qui sert le roi. Au cours du ixe siècle, le mot miles prend le sens de vassal, par exemple à la fin des Annales de Saint Bertin. Mais, dans les capitulaires de Benoît Lévite, militia est encore employé dans son sens primitif : « in palatio habere militiam. » (L. VI, c. 409, Baluze, t. I, col. 1003.) Au début du xie siècle, le mot miles s’applique au vassal. Les Normands se choisissent un duc, « ut et ipse nobis advocationis gradu dux et patricius, nosque obsequatur et personaliter ei militemus. » (Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis primorum Normannix ducum, l. III, c. 37, éd. Lair, p. 181.) Miles est opposé à senior : « Ea fide qua concatenantur senior et miles. » l. IV, c. 79, éd. Lair, p. 231.) Enfin miles prend au xiie siècle le sens de chevalier.

XXVII.

Milites. Voyez le chapitre XXVI, note 2, p. 66.

XXVIII.

Prout. Busæus donne rout.

In pueris, vel vassallis. Nous traduisons ces deux mots par le seul mot le serviteur. Il faut toutefois remarquer que les vassaux sont des serviteurs d’un ordre plus élevé que les pueri sans doute au ixe s. des serviteurs qui ont reçu des beneficia. Dans la loi des Alamands, vassus désigne un serviteur non libre (Lex Alamannorum, II, LXXXI, 3, Pertz, Leges, t. III, p. 73). Les rassi apparaissent encore comme des serviteurs dans la formule 17 du livre II de Marculfe. Le terme de vassus semble s’appliquer au ixe siècle à tout homme qui s’acquitte d’un service envers le roi. Ainsi on lit au chap. 2 d’un capitulaire d’environ 820 : « De dispensa fidelium nostrorum, sive carris, sive sagmariis .... tam corum qui nobis assidue in palatio deserviunt.... » (Boretius, Capitularia, n° 143, t. I, p. 294), et au chapitre I d’un capitulaire de 821 : « De vassis nostris qui ad marcam nostram constituti sunt custodiendam aut in longinquis regionibus sua habent beneficia, vel res proprias, vel etiam nobis assidue in palatio nostro serviuiit... » (Boretius, Ibid., n° 148, t. I, p. 301.) Un capitulaire attribué par Pertz à 827, porte « Vassi quoque et vassalli nostri nobis famulantes. » (c. 24, Pertz, Leges, t. I, p. 295.) — L’expression vassaticum est employée pour la première fois par les Annales de Lorsh, en 757 quand elles rapportent l’acte de soumission du duc Tassilon à Pépin : « Rex Pippinus tenuit placitum suum in Compendio cum Francis, ibique Tassilo venit, dux Baioariorum, in vassatico se commendans per manus, sacramenta juravit multa... et fidelitatem promisit regi Pippino sicut vassus recta mente et firma devotione per justitiam, sicut vassus dominos suos esse deberet. » (Annales Laurissenses, n° 757. Pertz, Scriptor., t. I, p. 440.)

Procurabat. Busæus donne procurabant.

Illorum. Busæus donne illius.

XXIX.

Placita. L’assemblée annuelle des Francs à l’époque Mérovingienne se nommait Martis Campus. Transférée du mois de mars au mois de mai en 735 (Annales Petaviani, a. 755, Pertz, Scriptor., t. I, p. 44), elle prit le nom de Maii Campus (Hincmar, Vita S. Remigii, Acta Sanctorum, oct. t. I, p. 145), Campus Madius (textes cités par Waitz), Mai Campus (Annales Nazariani, a. 775, Pertz, Scriptor., t. I, p. 40: a. 704, Ibid., p. 40). Mais à partir de 757, et pendant tout le cours du ixe siècle. les annalistes la désignent tantôt par l’expression de placitum, placitum genee- rale, tantôt par celle de conventus, conventus generalis. Placitum est le terme officiel employé dans les capitulaires et les diplômes. (Capitul. d’entre 803 et 813, c. 4, Boretius, Capitularia, n° 67, t. I, p. 157; Boretius, Ibid., n. 75, p. 168; capitul. de 807, c. 3, Boretius, Ibid. n° 18. p. 135; capitul. de 808, c. 12, Boretius, Ibid., n° 51, p. 139. Sinodus s’applique aux assemblées qui ont plus spécialement un caractère ecclésiastique. On trouve encore les expressions de mallum. (Boretius, Capitularia, n° 19, c. 12, t. I. p. 46); de concilium (814, Vita Hludowici, c. 20, Pertz, Scriptor., t. II, p. 648; Thegani, Vita Hludowici, a. 836, Pertz, Scriptor., t. II, p. 603); de generale colloquium. (Thegani, Vita Hludowici, c. 6, Pertz, Scriptor., t. II, p. 591).

Tenerentur. Sous Pépin, une seule assemblée annuelle avait lieu, d’abord au mois de mars, puis à partir de 753 au mois de mai. Un capitulaire de Charlemagne, rendu entre 769 et 800, prescrivit la tenue de deux plaits par an, le premier en été, le second en automne : « Ut ad mallum venire nemo tardet, primum circa æstatem, secundum circa autumnum. Ad alia vero placita, si necessitas fuerit vel denunciatio regis urgeat, vocatus venire nemo tardet. » (Boretius, Capitularia, n° 19, c. 12, t. I, p. 46.) Ce qui vient à l’appui de l’affirmation d’Hincmar. Le concile de Vernon avait précédemment décidé qu’on réunirait deux synodes par an, le premier aux calendes de mars, le second aux calendes d’octobre : « Ut bis in anno sinodus fiat. Prima sinodus mense primo, quod est Martias Kalendas, ubi domnus rex jusserit, ejus præsentia. Secunda sinodus Kalendas Octobris aut ad Suessionis vel aliubi ubi ad Martias Kalendas inter ipsos episcopos convenit. » (Concilium Vernense, 755, c. 1. Boretius Capitularia, n° 14, t. I, p. 34.) Il est probable que ces deux conciles se confondirent avec les deux assemblées annuelles dont parle le De Ordine palatii. L’assemblée d’été était la plus importance, conventus generali; elle coïncidait avec la convocation de l’armée; celle de l’automne ne réunissait que les grands. En 791, l’assemblée générale se tint « transacta verni temperie circa æstatis initium. » (Einhardi Annales, a. 794, Pertz, Scriptor., t. I, p. 477); de même en 794 (Einhardi Ann., a. 794, Pertz, Ibid., p. 181), et en 800 (Annales Laureshamenses, Pertz, Ibid., p. 38.) En 802 elle fut reculée jusqu’en octobre (Ibid., a. 802, p. 39). Mais généralement sous le règne de Charlemagne, elle se tint entre juin et août. Les troubles qui marquèrent le règne de Louis le Pieux empêchèrent plus d’une fois de réunir l’assemblée générale à l’époque accoutumée. Toutefois on la trouve mentionnée en mai à l’année 837 (Annales Bertiniani, a. 837, éd. Dehaisnes, p. 23); en juin dans les années 824, 826, 828 (Einhardi Annales, a. 821, Pertz, Scriptor., t. I, p. 242; Ibid., a. 826, p. 2l4 ; Ibid., a. 828, p. 217); en juillet, dans les années 815, 817, 819 (Annales Laurissenses minores, a. 845, Pertz, Scriptor., t. I, p. 122; Pertz, Leges, t. I, p. 198; Einhardi Annales, a. 849, Pertz, Scriptor., t. I, p. 205); en août, dans les années 822, 825, 829, 834, 838 (Einhardi Annales, a. 822, Pertz, Scriptor., t. I, p. 209; Ibid., a. 825, p. 244; Ibid., a. 829, p. 218; Annales Bertiniani, a. 834, éd. Dehaisnes, p. 46; Ibid., a. 834, p. 27). Elle fut reculée jusqu’au mois de septembre en 832 et 836 (Annales Bertiniani, a. 832, éd. Dehaisnes p. 8; Ibid. a. 836, p. 21). En 821, elle se tint seulement en octobre (Einhardi Annales, a. 821, Pertz, Scriptor., t. I, p. 208). Sous le même règne, les assemblées se multiplient. Il en est auxquelles paraissent avoir été convoquées un grand nombre de personnes, mais qu’on ne saurait identifier avec l’assemblée générale du peuple, celle où l’on remettait les dons. En même temps, d’autres assemblées ont un caractère régional, par exemple celle de mai 823, qui ne réunit que les grands de la France orientale. (Einhardi Annales, a. 83, Pertz, Script., t. I, p. 210.) Sous Charles le Chauve, les assemblées générales se tinrent toujours en été, en juin ou août, exceptionnellement eu septembre. (Annales Bertiniani, a. 872, éd. Dehaisnes, p. 230.) Les chroniqueurs ne font plus mention de plait général après 877. — Les assemblées se réunissaient toujours dans une résidente royale. Par exception, en juin 816, le peuple fut convoqué à Epernay sur le domaine de l’Eglise de Reims: « Karolus apud villam sancti Remigii, Sparnacum nomine, contra morem, conventum populi sui generalem mense junio habuit. » (Annales Bertiniani, a. 816, éd. Dehaisnes, p. 63.) Sous Charlemagne, l’assemblée, ayant surtout un caractère militaire, se tenait le plus souvent dans le palais royal le plus voisin de la région où l’on se proposait de porter la guerre; quelquefois même en pays ennemi, par exemple en 782, aux sources de la Lippe en Saxe Annales Petariani, a. 782, Pertz, Scriptor., t. I, p, 17; Annales Laurissenses, Pertz, ibid., p. 162) Mais, sous Louis le Pieux, Aix-la-Chapelle devint le siège ordinaire des assemblées. Sous Charles le Chauve, elles se réunissaient de préférence dans la France occidentale. — (V. Lézardière, Théorie des lois politiques t. I, p. 513-525; liste des assemblées, ibid., p. 533-548)

Spacium. Ad anni vertentis spatium; on a quelquefois cru qu’Hincmar voulait désigner par là l’époque à laquelle l’assemblée se tenait, et on a traduit au printemps (Guizot, Essai sur l’histoire de France, 7e édit., p. 222). Dans cette hypothèse, il serait préférable de traduire en été. Car on lit dans les Annales Laureshamenses à l’année 791 : « Vertente anno, eo tempore quo solent reges ad bella procedere, movit exercitum suum (Carolus), innumerabilem multitudinem contra superbissimam gentem Avarorum. » (Pertz, Scriptor., t. I, p. 34.) Or les Annales d’Eginhard nous apprennent d’autre part que cette année-là, le roi ne quitta Worms pour marcher contre les Avares qu’au commencement de l’été. « Transacta verni temperie, circa æstatis initium. » (Annales Einhardi, a. 791, Pertz, Scriptor., t. I, p. 177.) Mais vertente anno a aussi le sens de l’année courante, comme dans ce passage de la Bible « Hoc erit holocostum per omnes menses qui sibi anno vertente succedunt. » (Num., XXVIII, 14.)

Conveniebat. A l’époque Mérovingienne, le Champ de Mars n’était autre chose que la réunion annuelle de l’armée. « Transacto anno Chludowicus rex .... omnem exercitum jussit cum armorum apparatu venire secundum morem in Campum Martium. Sic enim conventuun illum vocabant a Marte, quem pagani deum belli credebant, a quo et Martium mensem et tertiam feriam diem Martiss appellaverunt. Quem conventum posteriores Franci Maii campum, quando reges ad bella solent procedere, vocari instituerunt. » Hincmar, Vita Sancti Remigii, Rec. des Histor., t. III, p. 374.) Le Champ de Mai et plus tard l’assemblée d’été, bien qu’on y délibérât sur les affaires du royaume, gardèrent ce même caractère : « Commoto omni exercitu Francorum, per Trecas inde Antisioderum usque ad Nievernum urbem cum omni exercitu veniens, ibique cum Francis et proceribus suis placituun suum Campo Madio tenens. » (763, Continuat. Fredeg., CXXX, Rec. des Histor., t. V, p. 6. Un capitulaire de 807, convoque toute l’armée au plait qui devait se tenir en août à Ingelheim : « Omnes itaque fideles nostri capitanei cum eorum hominibus et carra sive dona, quantum melius praparare potuerint, ad condictum placitum veniant. » (Boretius, Capitularia, n° 48, c. 3, t. I, p. 133.) Charlemagne écrit à un abbé pour le convoquer à l’assemblée générale : « Notum sit tibi quia lacitum nostrum generale anno presenti condictum habemus infra Saxoniam ... Quapropter precipumus tibi ut pleniter cum hominibus tuis bene armatis ac preparatis ad predictum locum venire debeas XV Kal. Jul.... » (Boretius, Ibid., n° 75, p. 168.) Mais comme l’armée comprenait d’abord tous les hommes libres, elle pouvait être identifiée avec le peuple. Aussi les chroniqueurs désignent-ils souvent l’assemblée générale par les mots populi conventus, ou autres analogues. (Einhardi Annales, a. 761, Pertz, Scriptor., t. I, p. 143; Annales Laurissenses, a. 773, Ibid., p. 150; Annales Laureshamenses, a. 792, Ibid., p. 35). A mesure que les limites de l’empire s’étendirent, le nombre de ceux qui pouvaient venir à l’assemblée alla toujours se restreignant. De plus, comme les assemblées, à partir du règne de Louis le Pieux, ont pris un caractère politique et législatif plutôt que militaire, il devenait inutile d’y appeler tous les hommes libres. Pendant tout le cours du ixe siècle, les annales mentionnent la convocation du peuple, populus; mais cette expression, dès 847, ne comprend plus que les grands : « In ipsa æstate jussit (imperator) esse ibi conventum populi de omni regno vel imperio suo apud Aquis, sedem regiam, id est episcopos. abbates sive comites et majores natu Francorum... » (Chronicon Moissiaceuse, Pertz, Scriptor., t. I, p. 312.) C’était pour ceux qui avaient été convoqués un devoir de se rendre aux assemblées. « De episcopis, abbatibus, comitibus qui ad placitum nostrum non venerunt. » (803, Boretius, Capitularia, n° 40, c. 14, t. I, p. 116.) « Exceptis episcopis, abbatibus, comitibus qui ad placita nostra semper venire debent. » (Capitul. de 828, Pertz, Leges, t. I, p. 329) « Cum optimatibus quos ad hoc evocare jusserat. » (Annales Einhardi, a. 822, Pertz, Scriptor., t. I, p. 209.) « Condicto placite et designatis ad hoc specialiter comitibus. » (Annales Fuldenses, a. 858, Pertz, Script., t. I, p. 374.) Loup, abbé de Ferriéres, écrit : « Proinde videtur mihi obediendum vobis esse..., et ad generale placitum occurrendum, quod.... incipiet Kal. Jul. celebrari. Sacris enim regis obniti præsertim hoc tempore periculosum existimo. » (Ep. XVIII, Duchesne, Histor. Franc. Script., t. II, p. 738.) Mais ceu.la seuls venaient qui avaient été convoqués, comme l’indiquent deux lettres du même abbé : « Sacris domini regis non sum evocatus; propterea ad conventum non veni. » (ép. LXXVIII, Ibid., p. 766); « ad conventum non evocatus, nolui me ultro ingerere. » (ép. LXXIX, Ibid., p. 767.)

Danda. Les précédents éditeurs ont reporté au chapitre XXX le membre de phrase : cæterum autem propetr dona generaliler danda. Mais la syntaxe permet de le rattacher au chapitre XXIX, et la vérité historique nous y oblige. (Cf. ch. XXII). Les derniers Mérovingiens recevaient les dons dans le champ de Mars : « In die autem Maris campo secundum antiquam consuetudinem dona illis regibus a populo offerebantur. » (Annales Lauriss. minor., a. 750, Pertz, Scriptor.,. t. I, p. 116.) Les Carolingiens maintinrent cette coutume; et les dons annuels, apportes d’abord au champ de Mai, le furent ensuite à l’assemblée générale d’été : « Placitum simm Campo Madio pro utilitate Francorum instituit tenens, multis muneribus a Francis et proceribus suis dilatus est (Pippinus). (Continuat. Fredeg., c. CXXXI, Rec. des Histor., t. V, p. 7) Charlemagne, convoquant un abbé du nom de Fulrade au plait général qui devait avoir lien en juin, l’avertit de lui faire parvenir ses dons dès le mois de mai : « Dona vero tua quæ ad placitum nostrum nobis præsentare debes nobis medio mense Maio transmitte ad locum ubicumque tunc fuerimus. » (Boretius, Capitularia, n° 75, t. I, p. 168.) En 829 : « Imperator.... medio mense Augusto Worinaciam venit, ibique, habito generali conventu, et oblata sibi annua dona solemni more suscepit.... » (Einhardi Annales. a. 829, Pertz, Scriptor., t. I, p. 218.) C’est toujours à l’assemblée générale qu’a lieu la remise des dons annuels, même quand celle-ci est retardée : « Annuntiatum est placitum generale kalendas septembris Aurelianis habendum, ibique unumque liberum hostiliter advenire. Cumque illuc pervenit dona annua in more solito suscipiens, mox inde ad Lemovices festinavit (imperator). » (Annales Bertiniani, a. 832, éd Dehaisnes, p. 8.) « Deinde condictum placitum Kal. Octobris Hlotharius in compendio habuit, ibique episcopi, abbates, comites et universus populus convenientes dona annualia ei præsentaverunt. » (Annales Bertiniani, a. 832, éd. Dehaisnes, p.12.) En 868: « (Karolus) ad Pistas medio mense Augusto veniens, annua dona sua ibidem accepit. » (Annales Bertiniani, a. 867 éd. Dehaisnes, p. 181.) En 874 : « Generale.... placitum idus Junii in villa Duciaco tenuit, ubi et annua dona sua suscepit. » (Ibid., a. 874, p. 237.)

XXX.

Habebatur. Parmi les assemblées, dont les annalistes nous ont conservé le souvenir, il est assez difficile de déterminer celles que l’on peut identifier avec la seconde assemblée annuelle dont parle Hincmar, et qui aurait dû se tenir en automne ou en hiver. Toutefois on peut reconnaître une de ces petites assemblées dans celle qui eut lieu à Aix, à la fin d’octobre 797 (Annales S Arnandi, a. 797, Pertz, Scriptor., t. I, p. 41). Un capitulaire sur l’organisation du palais daté de 805 avant Noël (Pertz, Leges, t. I, p. 75) peut avoir été élaboré dans cette seconde assemblée ainsi qu’un autre daté d’octobre 814-812 (Pertz, Leges, t. I p. 172). On ne peut pas affirmer qu’il s’agisse de la convocation de l’assemblée d’automne dans le capitulaire suivant : « De tempore alterius placiti nostri, et qui iterum ad ililum placitum venire debeant. » (A. 808, Boretius, Capitularia, n° 54, c. 12, t. I, p. 139.) Sous le règne de Louis le Pieux, les grands étaient fréquemment convoqués au palais; et, si l’on excepte le plait général, qui, toutes les fois que les évènements le permettaient, se tenait en été, on ne voit pas qu’il y ait eu rien de fixe pour l’époque des autres assemblées. Le roi convoquait les grands aussi souvent que les circonstances l’exigeaient.

Marchisos. Les marches étaient des districts militaires situé sur les frontières, et dont le commandement était confié à des comtes ou ducs plus spécialement appelés marquis. Les marches de l’empire de Charlemagne étaient: la marche de Bretagne, la marche d’Espagne, le duché de Spolète, la marche de Frioul et l’Istrie, les deux commandements de Bavière, la marche de Nordalbengie. Sous le règne de Louis le Pieux il faut ajouter la marche Sorabe et la marche Vende. (Voyez Guérard, Essai sur le système des divisions territoriales de la Gaule, p. 69, p. 160.)

Fuissent. Nous ne connaissons pas un seul de ces traités conclus par les marquis.

Inventum consilium. Voyez sur le silence que doivent garder les conseillers : les chapitres XVIII et XXXI.

Magnatibus. Busæus donne magnanimis, qui n’a pas de sens.

XXXI.

Consiliarii. Il est déjà question de ces conseillers du roi dans l’Admonitio generalis de 789 : « Considerans.... unacum sacerdotibus et consiliariis nostris.... » (Boretius, Capitularia, 22, t. I, p. 53.) Il était rare que les rois carolingiens entreprissent quelque affaire importante sans avoir consulté leurs conseillers : « Notum sit dilectioni vestræ quia nos, cum fidelibus nostris tam spiritalibus quam sæcularibus tractantes, cum consensu et pari consilio invenimus necessarium esse.... (Boretius, Capitularia, n° 124, t. I, p. 245.) Thegan reproche à Louis le Pieux (l’avoir accordé trop de confiance à ses conseillers : « Omnia prudenter et caute agens, nihil indiscrete faciens, præter quod consiliariis suis magis credidit quam opus esset. » (Vita Hludowlci, c. XX. Pertz, Scriptor., t. II, p. 595.) Pépin se préparant à la révolte, l’empereur s’entoure de ses conseillers : « Dominus imperator graviter inde commotus.... convocatis undique consiliariis habitoque cum eis consilio quid de his agendum esset... » (Annales Bertin., a. 832 éd. Dehaisnes, p. 6.) Ce texte montre que les conseillers ne résidaient pas continuellement à la cour; ce qui est encore confirmé par deux passages des Annales de Saint-Bertin : « Convocavit (imperator) suos consiliarios atque optimates qui in circuitu erant. » Annales Bertin., n° 834, p. 14.) « Ad Pontigonem pervenit (rex Karolus), et quoscumque potuit de vicinis consiliariis obviam sibi venire præcepit. » (Ibid., n° 875, p. 210.) Charles le Chauve, avant de partir pour l’Italie, désigna les évêques, abbés et comtes. qui devaient assister son lus dans l’administration du royaume. Ces conseillers changeaient suivant la région dans laquelle le roi faisait résidence. (Capitul. de Quierzy. c. 46, Pertz, Leges, t. I, p. 539-510.)

Se. Busæus donne sed.

Celari. Busæus donne cœlari.

XXXII.

Apocrisarius. Voyez sur l’apocrisiaire les chapitres XIII-XVI, XX.

Camerarius. Voyez le chapitre XXII.

Insperatum. Busæus donne Inperatum.

XXXIII.

Quæ. Peut-être conviendrait-il d’expliquer comme s’il y avait et quæ. « Quant aux affaires … qui se rapportaient à des particuliers ou spécialement au palais. » Nous adoptons l’autre sens à cause du mot palatinis.

Imitati. Busæus donne Imitari.

Ordinarent. Les assemblées carolingiennes avaient des attributions judiciaires. Elles connaissaient des crimes de lèse-majesté, ou de ceux qui portaient atteinte à la sûreté de l’Etat. Des grands de l’Austrasie s’étant révoltés, ils furent privés de leurs dignités et condamnés à perdre la vue en vertu d’une décision royale prise dans une assemblée tenue à Worms en août 786. (Annales Laureshamenses, a. 786, Pertz, Scriptor., t. I, p. 32.) En 788, Tassilon, qui avait violé ses serments, comparut devant une assemblée générale qui le condamna à mort. Charlemagne se contenta de le faire enfermer dans us monastère. (Annales Laurissenses, a. 788, Pertz, Scriptor., t. I, p. 172.) C’est encore le peuple universus christianus populus qui en 792 prononça la peine capitale contre Pépin. (Annales Laureshamenses, a. 792, Pertz, Scriptor., t. I, p. 5.) En 834, l’empereur appela devant l’assemblée générale ceux qui avaient pris les armes contre lui : « ut illorum causa discuteretur et dijudicaretur. Primumque a filiis ejus, ac deinde a cuncto qui aderat populo judicatum est ut capitalem subirent sententiam. » (Annales Bert., a. 831, éd. Dehaisnes, p. 44.

XXXIV.

Senatores. C’est-à-dire seniores. Senatus désigne l’ensemble des seniores: « Karolus fecit conventum magnum populi apud Aquis palatium. De omnio regno et imperio suo convenerunt episcopi, abbates, comites, presbyteri, diaconi et senatus Francorum ad imperatorem in Aquis. » (Chronicon Moissiacense, Pertz, Scriptor., t. I, p. 310.)

Sunt. Hincmar ne distingue pas ici entre les deux assemblées. C’est qu’en effet le mode de délibération devait être le même puisque, dans l’une et l’autre assemblée, les grands seuls étaient consultés par le roi pour la rédaction des capitulaires. La différence entre les deux assemblées, comme l’a indiqué Hincmar, portait plutôt sur la nature des affaires qu’on y traitait. En ce qui concerne la confection des capitulaires, l’initiative appartenait au roi : « Serenissimus imperator Karolus.... ubi aliter quam recte et juste in lege esset constitutum, hoc diligentissimo animo exquirere jussit et sibi innotescere quod ipse donante Deo meliorare cepit. » (Cap. de 802, Pertz, Leges, t. I, p. 91.) Agobard écrit en 822 : « Quod utique laudabiliter inspirante Dei gratia quæsivit, eleganter invenit, fideliter ore suo adnuntiavit (imperator). » (Rec. des Histor., t. VI, p. 361.) Mais, comme les capitulaires intéressaient l’organisation politique, les matières administratives les plus importantes, le roi ne pouvait les promulguer sans s’être assuré au préalable de l’adhésion des grands. Nombre de textes témoignent de la part que ceux-ci prenaient au gouvernement et du concours ils apportaient à la rédaction des capitulaires. En 744 : « Ego Pippinnus dux et princeps Francorum. Dum plures non habetur incognitum qualiter nos in Dei nomine unacum consensu episcoporum sive sacerdotum vel servorum Dei consilio, seu comitibus et optimatibus Francorum conloqui apud Suessionis civitas synodum vel concilio facere decrevimus... Propterea nos unacum consensu episcoporum... et optimatum meorum consilio decrevimus. » (Boretius, Capitularia, t. I, p. 29) En 773 : « Domnus rex... consiliavit unacum Francis quid perageret. » (Annales Laurissenses, a. 773, Pertz, Scriptor., t. I, p. 150.) Un capitulaire de mars 779 fut rédigé dans une assemblée : « Anno feliciter undecimo regni domni nostri Karoli .... in mense Martio factum capitulare, qualiter, congregatis in unum sinodali consilio episcopis, abbatibus, virisque inlustribus comitibus unacum piissimo domno nostro secundum Dei voluntatem pro causis oportunis consenserunt decretum. » (Boretius, Capitularia, n° 20, t. I p. 17.) En 787, Charlemagne crut devoir rendre compte à l’assemblée générale de la conduite qu’il avait tenue en Italie : « Generalem populi sui conventum ibidem habere statuit. In quo, cum omnia quæ in Itatia gesserat coram optimatibus suis narrando commemorasset.... » (Einhardi Annales, a. 787, Pertz, Scriptor., t. I, p. 471.) En 813, les grands laïques et ecclésiastiques, réunis à Aix, établirent avec l’empereur quarante-six chapitres : « de omni regno et imperio suo convenerunt episcopi, abbates, comites, presbyteri, diaconi et senatus Francorum ad imperatorem in Aquis. et ibidem constituerunt capitula quadraginta sex de causis quæ necessariæ orant ecclesia Dei et populo Christiano. » (Chronicon Moissiacense, Pertz, Scriptor., t. I, p. 310.) Louis le Pieux déclara ne vouloir rien entreprendre sans le consentement des grands : « Porro deinceps nihil tale, nihil sine vestro consilio me acturum ulterius profiteor.... » (Vita Walæ, l. II, c. 10. Pertz, Script., t. II, p. 555.) Il reconnut en 823 le droit des grands à concourir au gouvernement du royaume : « Quamquarn summa hujus ministerii in nostra persona consistere videatur, tamen et divina auctoritate et humana ordinatione ita per partes divisum esse cognoscitur, ut unusquisque vestrum in suo loco et ordine parlem nostri ministerii habere cognoscatur. Unde apparat quod ego omnium vestrum admonitor esse debeo, et omnes vos nostri adjutores esse debetis. » (Mai 825, c. 3, Pertz, Legs., t. I, p. 243.) Le préambule du capitulaire de juillet 817 témoigne solennellement du partage de l’autorité entre le souverain et ses fidèles « In nomine Domini Dei ... Hludowicus, divina ordinante providentia, Imperator Augustus. Cum nos in Dei nomine annoque mmperii nostri quarte, mense Julio, Aquisgrani palatio nostro, more solito, sacrum conventum et generalitatemn populi nostri propter ecclesiasticas vel totius imperii nostri utilitates pertractandas, congregassemus et in his studeremus, subito divina inspiratione actum est ut nos fideles nostri ammonerent, quatenus, manente nostra incolomitate et pace undique a Deo concessa, de statu totus regni et de filiorum nostrorum causa more parentum nostrorum tractaremus.... » (Pertz, Leges, t. I, p. 493; Boretius, n° 136, t. I, p. 270.) Le capitulaire de Pistes, juin 864, fut redigé dans une assemblée générale: « Capitula etiam ad triginta et septem consilio fidelium suorum, more prædecessorum es progenitorumn suorum regum constituit, et ut legalia per omne regnum suum observari præcepit. » (Annales Bertiniani, a. 864. éd. Dehaisnes, p. 136.) La coutume des rois de consulter leurs fidèles est encore rappelée en 873 : « Cum consilio fidelium suorum, secundum morem prædecessorum ac progenitorum suorum, leges paci ecclesiæ et regni soliditati congruas promulgavit et ab omnibus observant decrevit. » (Annales Bertin., a. 873, éd. Debasæs, p. 231.) Mais les grands ne se contentaient pas d’approuver les capitulaires qu’on leur présentait et que le roi avait élaborés et rédigés avec ses conseillers. L’assemblée discutait réellement, délibérait, présentait ses observations au roi et parfois même lui résistait. D’ailleurs le souverain tenait compte des requêtes qu’on lui adressait et parmi les capitulaires qu’il soumettait à l’examen des grands il en était dont le peuple lui avait suggéré la rédaction : « Inter reliqua populus noster nobis quasdam petitiones obtulit quas nos Dei amore et eorum fidelitate ducti libenter suscepimus, atque ideo subter annotata capitula ad eorum utilitatem conscribi fecimus. » Concil. Ticin.. a. 855, Pertz, Leges, t. I, p. 135.) Les projets de loi étaient soumis par écrit aux grands : « Capitula tractanda cum comitibus, episcopis et abbatibus. » (811, Boretius, Capitularia, n° 71, t. I, p. 161). « Capitula de causis cum episcopis et abbatibus tractandis. » (Boretius, Capitularia, n° 72, t. I, p. 162.) Les grands après avoir délibéré adressaient un rapport au roi : « Oratorum relatio ad imperatorem. » (828, Pertz, Leges, t. I, p. 327); « Rescriptum consultationis sive exortationis episcoporum ad domnum Hludowicum imperatorem. » Pertz, Leges, t. I. p. 3324 (Voyez encore Ticinensis conventus, 855, Leges, t. I, p. 130.) A l’assemblée de Quierzy du 14 juin 877, les grands approuvent successivement les neuf premiers chapitres qui leur sont soumis, puis ils acceptent en bloc tous les autres : « Capitula proposita cum responsis conventus. I, de honore et cultu Dei.... Resp. : Primum capitulum, sicut Deo inspirante decrevistis, omnes conlaudamus et conservare volumus. » (Pertz, Leges, t. I, p. 537.) « Cætera capitula responsione non egent, quoniam a vestra sapientia sont disposita et dillinita. » (Ibid., p. 539.) En 846, une division se produisit à l’assemblée d’Epernay entre les ecclésiastiques et les laïques. Ceux-ci tirent leur choix parmi les chapitres rédigés par les évêques, et, d’accord avec le roi, n’en approuvèrent qu’un certain nombre. (Pertz, Leges, t. I, p. 388; Annales Bertiniani, a. 816, éd. Dehaisnes, p. 63.) Une lettre d’Agobard montre que le roi invitait même les ceintes, évêques et abbés à faire les propositions qui leur semblaient utiles. (Rec. des Histor., t. VI, p. 361). Le roi tenait compte des observations que ses fidèles lui avaient faites : « Mentio etenim facta est a nonnullis in placito quod habuimus anno præterito et dictum est mihi quia ubi palam apparet quod aut ille qui crimen ingerit, aut ille qui se defendere vult perjurare se debeat, melius est ut in canipo cuin fustibus pariter contendant quam perjuriam perpetrent. » (Boretius, Capitularia, Capitula Karoto adscripta, n° 105, c. 8, t. I, p. 217.) Les cas embarrassants étaient soumis à l’assemblée. Charlemagne s’adresse en ces termes à un missus: « De secundo unde me interrogasti si comes ; si autem ad Salicam pertinet legem, et ibi minime repereris quid exinde facere debeas ad placitum nostrum generale exinde interrogare facias. » (Boretius, Capitularia, n° 58, c. 2, t. I, p. 145.) « Volumus ut omnes res ecclesiasticæ, eo modo contincantur sicut res ad fiscum nostrum continere solent usque dum nos ad generale placitum nostrum cum fidelibus nostris invenerimus et constituerimus qualiter in futurum de his fieri debeat. » (Capitul. de Worms, 819, c. 1, Pertz, Leges, t. I, p. 354.) Le rôle des grands dans la confection des capitulaires n’était donc pas purement passif. Le pouvoir législatif appartenait sans doute au roi ; mais il ne pouvait l’exercer que de concert avec ses fidèles. L’influence de l’aristocratie était plus ou moies grande suivant que le roi était plus ou moins puissant. L’accord devait toutefois s’établir entre ces deux pouvoirs. Cet accord une fois établi, le capitulaire était promulgué au nom de l’empereur ou du roi. Mais, comme on l’a vu par plusieurs textes cités, les préambules rappelaient souvent le concours et le consentement des grands. Les décisions de l’assemblée étaient consignées par écrit; lecture du capitulaire était ensuite donnée à tous ceux qui étaient présents à l’assemblée : « De his capitulis quæ sequuntur adnuntiaverunt populo domini reges Hlotharius et Karolus. » (Conventus Valent., a. 853, Pertz, Leges, t. I, p. 422.) « Dixit quia de ipsis capitulis quædam capitula excerpta habebat quæ in illorum omnium notitiam recitari volebat. Et tunc jussit G. cancellarium ut hæc sequentia capitula in populum recitaret. » (Capitul. de Quierzy, 877, Pertz, Leges, t. I, p. 541.) Les évêques, les abbés et les comtes recevaient une copie des décisions et les faisaient connaître au peuple dans toute l’étendue du royaume: « Capitula quæ volumus ut episcopi, abbates et comites qui modo ad casam redeutut per singula loca eorum nota facient et observare studeant, tam infra eorum parrochias et missaticos seu ministeria eorum convicinantium qui in exurcitu simul cum equivoco nostro perrexerunt. » (Boretius, Capitularia, n° 51, t. I, p. 141.) « Volumus etiam ut capitula quæ nunc et alio tempore consultu fidelium nostrorum a nobis constituta sunt, a cancellario nostro archiepisco et comites eorum de propriis civitatibus modo aut per se aut per suos missos accipiant, et unusquisque per suam diocesim ceteris episcopis, abbatibus, et aliis fidelibus nostriis ea transcribi faciant, et in suis comitatibus coram omnibus relegant, ut cunctis nostra ordinatio et voluntas nota fieri possit. » (Capitul. d’Aix, 825, c. 26. Pertz, Leges, t. I, p. 246.) — Les capitulaires ne doivent pas être confondus avec les lois, leges ou capitula legibus addenda. (Voyez les notes du chap. VIII.) Dans la rédaction des lois, la part du peuple était encore plus considérable; elle était même prépondérante. Les lois étaient rédigées dans les assemblées : « Imperator conventum publicum populi sui celebravit et quidquid utile judicavit superaddidit.... et capitula quædam legibus addidit. » (Vita  Hludowici, c. 32, Pertz, Scriptor., t. II p. 624.) Mais le prince s’entourait de législateurs, c’est-à-dire des hommes les plus versés dans la connaissance de la coutume nationale qu’on se proposait de rédiger et de promulguer : « Imperator.... congregavit duces, comites et reliquo christiano populo cum legislatoribus et fecit omnes leges in regno suo legi et tradi unicuique homini legcm suam.... » (Annales Laureshamenses, a. 801, Pertz, Leges, t. I, p. 39.) La loi une fois rédigée, elle était soumise à l’approbation du peuple, car la loi est faite par le consentement du peuple et une constitution royale; c’est un contrat intervenu entre le roi et le peuple : « Lex consensu populi fit et constitutione regis. » (864, 25 juin, Edit de Pistes, c. 6, Pertz, Leges, t. I, p. 490.) Le 28 octobre 797, les Saxons vaincus donnèrent leur adhésion au capitulaire spécialement rédigé pour le gouvernement de leur pays — « Convenientibus in unum Aquis palatii.... venerabilibus episcopis et abbatibus seu inlustris vires comitibus simulque conreggatis Saxonibus de diversis pagis, tam de Westfahalis et Augariis quam de Oostfahalis, omnes unanimiter consenserunt et applicaverunt ut... » (Boretius, Capitularia, n° 27, t. I, p. 74.) En 803, le comte Etienne fit lire devant le peuple de la cité de Paris les capitulaires récemment ajoutés à la loi Salique; tous les fidèles s’engagèrent à les observer; les seabins, les évêques, les abbés, les comtes y apposèrent même leurs souscriptions : « Hæc capitula facta sunt et consignata Stephano comiti, ut hæc manifesta fecisset in civitate Parisius mallo publico et ipsa legere fecisset coram illis scabineis; quod ita et fecit. Et omnes in uno consenserunt quod ipsi voluissent, omni tempore observare usque in posterum; etiam omnes scabinei, episcopi, abbatis, comitis, manu propria subterfirmanerunt. » (Boretius, Capitularia, n° 39, t. I, p. 112.) En même temps, le roi manda à ses missi d’interroger, chacun dans l’étendue de son missaticum, le peuple sur ces nièmes capitulaires et de lui demander son adhésion « Ut populus interrogetur de capitulis quae in lege noviter addita sunt; et post quam omnes consenserint, subscriptiones et manufirmationes suas in ipsis capitulis faciant. » (A. 803, Capitularo missorum, Boretius, Capitularia, n° 40, c. 19, t. I, p. 116.) Charlemagne, ayant appris que les sujets du royaume d’Italie se refusaient à obéir à des capitulaires ajoutes la loi, parce qu’ils n’en avaient pas eu notification, écrivit à Pépin de faire publier et ensuite observer ses capitulaires. (Karoli ad Pippinum filium epistola, Boretius, Capitularia, n° 103, t. I, p. 211.) (Voyez sur les assemblées: de Lézardière, Théorie des lois politiques, t. I, p. 513 et suiv.; Lehueron, Histoire des Instit. Caroling., p. 291-311; Guizot, Essai sur l’Histoire de France, 7e édit., p. 215-238.)

XXXV.

Muneribus. Voyez le chapitre XXII et le chapitre XXIX.

Proceribus. Louis le Pieux aimait à s’entretenir ainsi avec ses sujets : « Interrogamus omnes a maximo usque ad minimum, si eis placuisset. » Thegan, Vita Hludowici, c. 6, Pertz, Scriptor., t. II, p. 591.)

Congregarentur. Au concile de Mayence en 843, on divisa les grands en sections: « Convenit nobis de nostro communi collegio clericorum seu laicorum tres facere turmas, sicut et fecimus. In prima autem turma, consederunt episcopi cum quibusdam notariis.... In alia vero turma consederunt abbates ac probati monachi.... In tertia deinque turma sederunt comites et judices.... mundanis legibus decertantes, vulgi justitias perquirentes.... » (Mansi, Concilia, t. XIV, p. 64.) La même division de l’assemblée en trois parties fut observée en 811 « In primis separare volumus episcopos, abbates et comites nostros, et singulariter illos alloqui.... » (Borelius, Capitularia, n° 71, c. 1, t. I, p. 161.) La discorde éclata parfois entre les laïques et les ecclésiastiques comme on le vit à l’assemblée d’Epernay (846). (Pertz, Leges, t. I, p. 388.)

Occurreret. Ermold le Noir, qui a décrit une assemblée tenue à Vannes nous montre l’empereur présidant la réunion et haranguant ses fidèles du haut de son trône. (Ermoldus Nigellus, In honorem Hludowici Carmen , t. I, v. 111 et suiv.)

XXXVI.

Afferet. L’assemblée générale était pour le roi une occasion d’entretenir ses relations avec les comtes et les évêques, et de procéder à une enquête générale sur l’état du royaume. On notait même d’avance les points sur lesquels il convenait d’interroger les fonctionnaires: « Brevis capitulorum quibus fideles, episcopos et abbates alloqui volumus et commonere de communi omnium utilitate. Primo commemorandum est ... Quarendum est ... Interrogare volumus .... Iterum inquirendum ab eis . » (Boretius, 811, Capitularia, c. 72, t. I, p. 162)

XXXVII.

Macræ. Voyez sur le concile de Sainte Macre le chapitre V.

Provisorum. Busæus donne quæ provisorum.