Helmold

HELMOLD DE BOSAU

 

Chronique des Slaves : XII

Œuvre numérisée et traduite par Marc Szwajcer

 

 

 

 

HELMOLD DE BOSAU

 

CHRONIQUE DES SLAVES

 

 

De Marcone episcopo. Capitulum XII.

Est autem Aldenburg, ea quae Slavica lingua Starigard, hoc est antiqua civitas, dicitur, sita in terra Wagirorum, in occiduis partibus Balthici maris, et est terminus Slaviae. Haec autem civitas sive provincia fortissimis quondam incolebatur viris, eo quod in fronte tocius Slaviae posita contiguos haberet Danorum sive Saxonum populos et omnes bellorum motus ipsi aut primi inferrent aut aliis inferentibus exciperent. Tales autem in eis quandoque reguli fuisse probantur, qui omni Obotritorum sive Kycinorum et eorum qui longe remotiores sunt dominio fuerint potiti. Conclusa igitur atque subnervata, ut supra dictum est, omni Slavorum provincia, urbs nichilominus Aldenburg ad fidem conversa est et facta est numero fidelium copiosissima. Huic urbi precellentissimus cesar pontificem dederat venerabilem virum Marconem, subdens ei omnem Obotritorum provinciam usque ad Penem fluvium et urbem Dimine. Preterea civitatem opinatissimam Sleswich, quae alio nomine Heidibo dicitur, eiusdem curae delegavit. Eo enim tempore Sleswich cum provincia adiacente, quae scilicet a lacu Slya ad Egdoram fluvium portenditur, Romano imperio subiacebat, habens terram spaciosam et frugibus fertilem, sed maxime desertam, eo quod inter occeanum et Balthicum mare sita crebris insidiarum iacturis attereretur. Postquam autem misericordia Dei et virtute Magni Ottonis matura pax omnia possedit, ceperunt habitari deserta Wagricae et Sleswicensis provinciae, nec ullus iam angulus relictus fuerat, qui non esset conspicuus urbibus et vicis, plerisque etiam monasteriis. Adhuc restant antiquae illius habitacionis pleraque indicia, precipue in silva, quae ab urbe Lutilinburg per longissimos tractus Sleswich usque protrahitur, cuius vasta solitudo et vix penetrabilis inter maxima silvarum robora sulcos pretendit, quibus iugera quondam fuerant dispertita. Urbium quoque seu civitatum formam structura vallorum pretendit. In plerisque etiam rivis qui propter molendina stipandis aquis aggeres congesti sunt ostendunt omnem illum saltum a Saxonibus quondam inhabitatum. Primus igitur, ut dixi, huic novellae plantacioni episcopus Marco prefuit, qui populos Wagirorum sive Obotritorum sacro baptismatis fonte lavit. Quo defuncto, Sleswich singulari pontifice honorata est.

Aldenburgensem sedem suscepit regendam venerabilis vir Ecwardus, qui multos Slavorum convertit ad Dominum. Ordinatus est a sancto Adeldago Hammemburgensi archiepiscopo. Crevit autem populus fidelium, nec fuit aliquid, quod novellae ecclesiae adversaretur, omni tempore Ottonum. Horum tres fuisse comperi omnes pari devocione erga Slavorum vocacionem affectos. Et repleta est omnis Wagirorum, Obotritorum sive Kycinorum provincia ecclesiis et sacerdotibus, monachis et Deo dicatis virginibus. Porro Aldenburgensis ecclesia dedicata fuit in commemoracione sancti Iohannis baptistae, existens honore matricis ecclesiae insignis. Michilinburgensis vero ecclesia fuit constructa in honore principis apostolorum Petri, continens monasterium virginum. Fuerunt preterea Aldenburgenses pontifices admodum honorabiles erga regulos Slavorum, eo quod munificentia magni principis Ottonis cumulati essent temporalium rerum affluentia, unde possent copiose largiri et favorem sibi populi consciscere. Dabatur autem pontifici annuum de omni Wagirorum sive Obotritorum terra tributum, quod scilicet pro decima imputabatur, de quolibet aratro mensura grani et XL resticuli lini et XII nummi puri argenti. Ad hoc unus nummus, precium colligentis. Slavicum vero aratrum par boum aut unus conficit equus. De urbibus vero aut prediis aut curtium numero, quae ad possessionem pontificis pertinebant, non est huius operis explanare, eo quod vetera in oblivionem venerint, et ecce nova sunt omnia.

 

XII.

L’évêque Marco.[1]

Oldenburg, qu’on appelle en langue slave Starigard,[2] signifie « vieille ville » ; elle est située dans le pays des Wagiri[3] sur les confins ouest de la Mer Baltique et c’est le point le plus éloigné en Slavie. Cette ville et cette province furent autrefois habitées par de très braves gens qui, à cause de leur emplacement sur la frontière de la Slavie, avaient comme voisins les peuples danois et Saxons et leurs habitants, toujours prêts à faire la guerre ou à supporter le poids de toutes les guerres provoquées par d'autres. On dit, cependant, qu’à certaines époques il y eut chez eux des chefs assez puissants pour pouvoir contrôler l’ensemble du territoire des Obodrites, des Kicini et de ceux qui étaient plus lointains. Quand, comme on l’a dit auparavant, tout le pays slave fut conquis et réduit, la ville d'Oldenburg reçut aussi la foi et devint très importante en nombre de fidèles. Pour cette ville, le très excellent César nomma le vénérable évêque Marco et plaça sous sa responsabilité le pays entier des Obodrites jusqu’au fleuve Peene et jusqu’à la ville de Demmin. César prit également son attention à la célèbre ville de Schleswig, également connue sous le nom de Haddeby.[4] A cette époque, Schleswig et la province adjacente, qui s'étend du fjord Schlei[5] jusqu’au fleuve Eider, étaient soumis au contrôle de l'Empire romain. Ses terres étaient vastes et fertiles pour les récoltes mais en majorité abandonnées car, situées entre l'océan et la Mer Baltique, elles étaient souvent dégradées par des incursions hostiles. Quand cependant, par la clémence de Dieu et par la bravoure d'Otton le Grand une paix durable s’installa partout, les emplacements abandonnés de Wagrie et du pays de Schleswig commencèrent à se repeupler et il ne resta pas un endroit qui ne fut pas remarquable pour ses villes et villages ainsi que pour le nombre de ses monastères. Il reste aujourd’hui de nombreuses traces de cette ancienne occupation, surtout dans la forêt qui s'étend sur une vaste étendue depuis la ville de Lütjenburg[6] jusqu’au Schleswig. Dans cette vaste solitude difficilement pénétrable, des traces de sillons, qui ont marqué la plaine des temps anciens, peuvent être aperçues parmi les plus gros arbres des bois. Des restes de murs indiquent des plans de villages mais aussi de villes. Dans de nombreux ruisseaux, des remblais anciens, construits alors pour recueillir les eaux nécessaires aux moulins, montrent que tous ces bois ont été autrefois habités par les Saxons. Le premier évêque nommé en charge de cette nouvelle plantation fut, comme je l'ai dit, Marco, qui lava les Wagiri et les peuples Obodrites sur les fonts baptismaux sacrés. Quand il mourut, le Schleswig perdit un prélat exceptionnel.

L’administration du siège d'Oldenburg fut attribuée au vénérable Egward, qui convertit de nombreux Slaves au Seigneur. Il fut consacré par saint Adalgag, l'archevêque d'Hambourg. Alors la congrégation des fidèles s’accrut et rien ne se produisit au détriment de la nouvelle plantation pendant toute l’époque des Ottons. J'ai appris d’eux qu’ils étaient trois, chacun animé d’un même zèle envers la conversion des Slaves. Et toute la terre des Wagiri, des Obodrites et des Kicini fut couverte d’églises et de prêtres, de moines et de religieuses consacrées à Dieu. L'église d’Oldenburg fut consacrée à la mémoire de Saint Jean Baptiste et distinguée par l'honneur d'être l'église mère. L'église de Mecklenburg fut construite en l'honneur du prince des apôtres, Pierre, un couvent de religieuses lui étant mitoyen. Les évêques d'Oldenburg, en outre, se comportèrent de façon honorable vis-à-vis des chefs Slaves car, par la munificence du grand prince Otto, ils avaient été abondamment approvisionnés en marchandises qu’ils pouvaient dispenser généreusement afin de se gagner les bonnes grâces du peuple. Un tribut annuel de toute la terre des Wagiri et des Abodrites remplaça une dîme ; il comportait une mesure de grain, quarante petits ballots de lin et douze sous d'argent pur pour chaque charrue; en plus de cela, un sou était donné au collecteur de la taxe. La charrue slave est constituée d’une paire de bœufs ou d’un cheval. Présenter en détail les villes, les biens ou le nombre de domaines en possession d’un évêque n'est pas le but de cet ouvrage car « les vieilles choses tombent dans l'oubli et l’on voie toutes choses devenir nouvelles ».

 

[1] Marco (Mareus, Merka) (952-972 ou 948–968), évêque de Schleswig.

[2] Starigard ou Stargard, signifie « vieil emplacement » ou « vieux château ».

[3] Au Moyen Âge, les Wagriens (Wagri ou Wagiri) formaient un peuple slave habitant la Wagrie, au sud-est du Holstein, apparentés aux Obodrites.

[4] En latin, Heidibo. Haddeby est une Amt « municipalité collective » dans le district de Schleswig-Flensburg, dans le Schleswig-Holstein, Allemagne ; située sur la rive sud de la Schlei, au sud-est du Schleswig. Le siège de l'Amt est en Busdorf. Ce nom provient des ruines médiévales d’un établissement de commerce appelé Hedeby.

[5] Le Schlei est un bras de la mer Baltique dans le Schleswig-Holstein, qui est appelé aujourd'hui le fjord Schlei.

[6] En latin Lutilinburg. Lütjenburg (bas-allemand: Lüttenborg) est une ville du district de Plön, dans le Schleswig-Holstein.