RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE ALLER A LA TABLE DES MATIÈRES DE Grégoire de Tours

Grégoire de Tours

De l’observation ecclésiastique du cours des étoiles

 

De l’observation ecclésiastique du cours des étoiles

 C’est à peu près sous ce titre que Grégoire de Tours a composé un petit traité cité au dernier chapitre de son Histoire des Francs et que l’on croyait perdu, mais qu’un savant allemand[i] a retrouvé récemment dans un manuscrit de la bibliothèque de Bamberg. Le but de cet opuscule est de donner quelques notions d’astronomie aux fidèles, afin qu’en s’éveillant la nuit pour dire leurs prières ils puissent reconnaître à l’état du ciel ce qu’ils ont de temps à y consacrer, et l’auteur leur indique en outre les offices qu’il convient de dire chaque mois.

Il commence par citer les sept merveilles du monde antique dont la première suivant lui est l’arche de Noé. La seconde est Babylone avec ses cent portes et ses remparts immenses ; la troisième le temple de Salomon. Viennent ensuite le tombeau du roi de Perse taillé dans une seule améthyste, le colosse de Rhodes, le théâtre d’Héraclée creusé tout entier dans le flanc d’une montagne et le phare d’Alexandrie. Toutes ces choses, continue-t-il, ont été façonnées par la main des hommes et sont par conséquent périssables ; mais il en est d’autres que la destruction ne saurait atteindre : ce sont les merveilles que Dieu lui-même a données au monde. Il y en a sept aussi.

La première de toutes est le mouvement de la mer Océane dans laquelle il se fait chaque jour une dilatation telle que le flot arrivant remplit le littoral et se retirant ensuite laisse à sec le chemin qu’il a parcouru ; une abondante multitude de poissons ou de plantes diverses est recueillie par les populations qui s’avancent alors sur la terre encore humide. Dieu a préparé là au genre humain Lino première merveille qui fût digne de son admiration et qui marquât bien sa dépendance.

La seconde, assez semblable à la précédente, est ce qui se passe pour les grains des plantes et les fruits des arbres, lorsque la semence, jetée sur la terre et couverte par les sillons, se dresse à l’approche de l’été en tiges qui, parées de barbes et d’épis, s’engraissent intérieurement d’une moelle laiteuse. Il en est de même de la nature des arbres ; elle me semble une image de la résurrection, lorsqu’en hiver dépouillés de leurs feuilles ils semblent comme morts, mais qu’au printemps ils se décorent de feuilles nouvelles, s’ornent de fleurs et, l’été se couvrent de fruits. Quoi qu’il en soit de la justesse de la comparaison, ce miracle annuel apporte constamment aux peuples ce bienfait afin que l’homme sache qu’il reçoit sa nourriture de celui par qui lui-même a été créé de rien.

La troisième merveille de l’auteur est le phénix, d’après ce que Lactance en rapporte ; la quatrième, le mont Etna ; la cinquième, la fontaine de Grenoble, d’où s’écoulent alternativement l’eau et le feu ; la sixième est le soleil et la septième la lune.

La septième merveille est que la lune, dans l’espace de trente jours, ou croisse jusqu’à ce qu’elle soit entière ou diminue jusqu’à ce qu’elle devienne très petite. Nous admirons aussi que les étoiles levées à l’Orient s’abaissent vers l’Occident, et que quelques-unes d’entre elles apparaissent vers le milieu du ciel ; que d’autres, voisines du nord, tournent circulairement au lieu de suivre un chemin rectiligne, que celles-ci se voient toute l’année, que celles-là aient des mois déterminés où elles apparaissent. Ce cours des astres, si Dieu le permet, je veux en rendre compte à ceux qui l’ignorent, autant du moins que l’expérience en est parvenue jusqu’à moi ; mais je laisserai de côté les noms que leur ont donnés Virgile ou les autres poètes, les appelant seulement de ceux qui sont reçus dans notre usage rustique ou qu’indique la disposition même des étoiles, comme la Croix, la Faux ou autres termes. Dans ces lignes, en effet, je n’enseigne pas la science et n’ai pas le dessein de sonder l’avenir, mais je montre comment le cours d’un jour doit être logiquement rempli par les louanges du Seigneur, c’est-à-dire à quelles heures celui qui désire suivre avec soin le service de Dieu, doit se lever pendant la nuit et prier.

L’auteur donne ensuite une faible notion de la marche du soleil , de celle de la lune, de celle enfin de quelques étoiles, qu’il ne se contente pas de décrire, mais qu’il reproduit par le dessin. Les constellations dont il s’occupe, avec les offices qui doivent, dit-il, s’y rapporter, sont : Areturus (qu’il appelle Rubeola), la Couronne boréale (Symma, id est Stefadium), la Lyre, le Cygne (Crux major), le Dauphin (Crux minor aut Alfa), l’Aigle (Trion), le Cocher, la Chèvre et une partie du Taureau (signum Christi), les Gémeaux ? (Anguis), les Pléiades (quidam Massam vocant, nonnulli Pliadas, plerique Butrionem), la fin du Taureau ou Aldebaran et les Hyades (Massæ feretrum), Orion ? (Falcis), le petit Chien, le grand Chien ? (Quinio), la grande Ourse (Plaustrum).

En passant ces astres en revue, Grégoire de Tours nomme seulement les époques de l’année où chacun d’eux se montre. C’est dans une dernière partie de son opuscule qu’en reprenant les mois l’un après l’autre, à commencer du mois de septembre, il apprend à son lecteur quels sont les offices dont l’heure, d’après l’inspection du ciel, est venue.

Le seul endroit où se présente une allusion aux événements du pays et du temps où vivait Grégoire est celui-ci :

La Comète. Cette étoile est ainsi nommée par la plupart des savants. Elle ne se montre pas en tout temps , mais elle paraît principalement à la mort d’un roi ou quand un désastre arrive dans la contrée. Quant à la manière de l’expliquer, la voici : Lorsque sa tête apparaît chevelue et surmontée d’un diadème éclatant, elle annonce un royal décès ; mais si elle porte un glaive, si elle est rougeâtre, si elle noie sa chevelure dans l’ombre de la nuit, elle signifie un ravage de la patrie. C’est ainsi qu’avant la peste du pays Arverne elle demeura pendant une année entière suspendue au-dessus de cette région (Hist. des Francs, liv. IV). Et avant la mort du roi Sigibert elle apparut à beaucoup de gens avec sa chevelure. 

On attribue encore à Grégoire de Tours, sur la foi d’anciens manuscrits, une Histoire des sept Dormants, qui n’a aucun rapport avec celle qui se trouve au ch. XCV de la Gloire des Martyrs, une vie de S. Aubin d’Angers, une vie de S. Maurille et une vie de S. Yriez. La justesse de toutes ces attributions est très douteuse. Il en est de même d’un traité des Miracles de S. André mis aussi sous le nom de Grégoire dont on n’a que la préface et la table des chapitres. Il a certainement écrit des commentaires sur les psaumes puisqu’il les cite à la fin du livre X de son Histoire des Francs, mais on n’en a conservé qu’une page, et cette page ne contient rien qui puisse faire regretter la perte du reste. On n’a pas retrouvé non plus la préface qu’il avait composée (Hist. des Francs, liv. II) pour un recueil de messes de Sidoine


[i] M. Frédéric Haase, professeur à Breslau. Son travail a été publié dans cette ville en 1853 sous ce titre : Sancti G. F. Gregorii Toronensis ep. liber ineditus de cursu stellarum, ratio qualiter ad officium implendum debeat observari sive de cursibus ecclesiasticis (52 p. in-4°).