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EUSÈBE DE CÉSARÉE

 

Préparation évangélique

LIVRE IX

livre VIII - livre X

 

 

texte grec

DE LA PRÉPARATION ÉVANGÉLIQUE D'EUSÈBE DE CÉSARÉE.

LIVRE NEUVIÈME. 

CHAPITRE Ier.

QUELS SONT LES HISTORIENS PARMI LES GRECS QUI ONT FAIT MENTION DE LA NATION JUIVE.

Après avoir fait une revue rapide, quoiqu'elle ne soit dépourvue de critique ni d'une discussion approfondie, de la manière
dont les Hébreux reçoivent et comprennent leurs livres saints (01), il est temps de considérer comment les écrivains les plus distingués parmi les Grecs, ont montré qu'ils n'étaient pas étrangers aux actes qui composent l'histoire de ces mêmes hébreux ; en ce que les uns ont rendu témoignage de la manière de vivre des hommes et de la vérité des récits historiques qui les concernent; les antres ont parlé comme eux de leur croyance religieuse.

Je vais citer d'abord des extraits des premiers, en montrant que parmi les Grecs il se trouve un bon nombre d'écrivains qui ont mentionné les noms de Juifs et d'Hébreux, qui ont parlé de leur philosophie, pratiquée depuis un temps immémorial, et de l'histoire de leurs ancêtres. Je commencerai donc cette partie de mon ouvrage par exposer le genre de vie de ces hommes, pour faire comprendre que ce n'est pas sans une mûre délibération d'esprit que nous nous sommes décidés à préférer leur philosophie à celle des Grecs. L'on verra que les témoignages rendus à leurs vertus morales n'émanent pas seulement de leurs livres saints, mais sont également dus aux plus illustres et aux mieux famés des philosophes de la Grèce. Prenez et lisez le fragment suivant de Théophraste tel qu'il se trouve transcrit dans ce que Porphyre a publié sur l'abstinence de la chair des animaux.

CHAPITRE II.

DE THÉOPHRASTE CONCERNANT LES JUIFS (02), TIRÉ DU SECOND LIVRE DE PORPHYRE SUR L'ABSTINENCE DE LA CHAIR DES ANIMAUX.

« Les Juifs qui habitent en Syrie immolent encore aujourd'hui, dit Théophraste, de la même manière que cela a été pratiqué dès le principe. Si on nous enjoignait de nous conformer à leur rite, nous renoncerions à l'usage des sacrifices ; car sans se nourrir des viandes immolées, ils passent la nuit entière à les consumer complètement, en faisant d'abondantes libations de miel et de vin sur les victimes, ayant soin de les réduire en cendres au plus vite, pour que l'astre qui voit tout, (03) ne découvre rien de cette férocité. Les jours qui précèdent et suivent cet acte religieux, sont consacrés par le jeûne et pendant tout ce temps ce peuple éminemment philosophe n'a pas d'autre entretien que sur Dieu. Pendant la nuit ils observent les astres, et à force de les étudier ils entendent des voix divines. (04) Ce sont eux qui, les premiers, forcés par la nécessité et non pour satisfaire leurs passions, se sont immolés eux-mêmes avant d'immoler d'autres animaux. »

CHAPITRE III

DE PORPHYRE SUR LA PHILOSOPHIE QUI A BRILLÉ CHEZ LES JUIFS DÈS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS.

Dans le quatrième livre du même traité voici ce que Porphyre rapporte concernant les Juifs :

« Il existe une secte de Juifs qu'on nomme les Esséniens, qui accomplissent, plus qu'aucuns autres, les devoirs d'une affection mutuelle. Ces hommes fuient les voluptés, comme le mal par excellence. Ils pratiquent une austère continence, plaçant toute la vertu dans la lutte contre les passions; dédaignant pour eux-mêmes les liens du mariage, ils adoptent des enfants étrangers, lorsqu'ils sont encore d'un âge tendre et propres à être façonnés aux sciences, les regardant comme leurs propres enfants et les formant à leurs usages! (06) Ils n'ont pas l'intention d'abolir le mariage, et d'arrêter la succession des races qui en résulte; ils veulent seulement se mettre en garde contre les passions désordonnées des femmes. Ils méprisent la richesse et pratiquent la communauté des biens d'une manière admirable, en sorte que l'un ne possède pas plus que l'autre. C'est une loi imposée à quiconque veut entrer dans cette société, de lui faire don de toute sa fortune, de sorte qu'aucun d'eux ne peut être ni humilié de sa pauvreté, ni enorgueilli de sa richesse.

Toutes ces fortunes individuelles étant ainsi confondues, forment une masse commune, comme serait celle de frères. Ils considèrent l'huile comme une impureté, et si quelqu'un en reçoit involontairement des taches, il se nettoie aussitôt le corps:  l'aridité de la peau étant ce qu'ils apprécient le plus (07). Ils portent des vêtements entièrement blancs ; les régents de cette congrégation sont désignés par élection, et fournissent indistinctement à tous leurs subordonnés, suivant leurs besoins. Ils ne sont pas concentrés dans une seule ville ; mais ils habitent comme domiciliés et non comme citoyens, dans chaque ville (08), quoiqu'en grand nombre, tenant leurs maisons constamment ouvertes à ceux de la même secte qui viennent d'ailleurs, elles y admettant, lors même qu'ils les voient pour la première fois, comme s'ils étaient d'anciennes connaissances. Aussi se mettent-ils en route sans se charger d'argent pour les dépenses du voyage ; ils ne quittent ni vêtements ni chaussures à moins qu'ils n'aient été ou déchirés ou usés par vétusté; ils n'achètent ni ne vendent; mais chacun donne à celui qui en a besoin les objets en sa possession, et en reçoit également ce qui peut lui être utile, sans qu'il y ait nécessité pour eux de donner afin de recevoir en échange des autres, ce qu'ils veulent en obtenir. Ils se font surtout remarquer par leur piété envers la divinité : avant le lever du soleil, ils ne profèrent aucune parole sur des sujets profanes : mais ils lui adressent certaines prières qu'ils tiennent de leurs ancêtres comme pour le supplier de se lever ; ensuite chacun d'eux se livre aux travaux de l'art qu'il pratique, sous la direction des surveillants, s'y appliquant sans relâche jusqu'à la cinquième heure; après quoi ils rassemblent de nouveau dans un même lieu, où, s'étant ceints d'un simple caleçon, ils se baignent dans l'eau froide ; puis, après cette lotion, ils se réunissent de nouveau dans un appartement où il n'est permis à aucun de ceux qui ne partagent pas leur croyance, de pénétrer; s'étant ainsi purifiés, ils se rendent dans le cénacle, comme dans un sanctuaire, où s'étant rangés en silence, le boulanger dépose ses pains dans le même ordre, le cuisinier met devant chacun des convives un plat qui ne contient qu'un seul mets; le prêtre bénit la nourriture simple et pure qui leur est servie, et personne n'ose y porter la main avant cette bénédiction. Après le repas, la prière se renouvelle, en sorte qu'ils glorifient Dieu en commençant et en terminant. Ils déposent aussitôt leurs vêtements de religion, et se remettent à l'ouvrage jusqu'au soir; alors ils retournent de la même manière au souper, auquel ils admettent les étrangers qui peuvent se présenter. Aucun cri, aucun bruit tumultueux ne trouble la paix de leur demeure ; ils se cèdent la parole à tour de rôle, de manière que le silence qui règne dans leur intérieur semble aux hommes du dehors comme un imposant mystère; la raison en est due uniquement à cette sobriété persévérante qui préside à la distribution des aliments et des boissons, qui n'a pas la satiété pour limite.

« Pour ceux qui ambitionnent de faire partie de cette secte, l'admission n'est pas immédiate; mais pendant un an entier, retenus au-dehors de l'habitation, ils se soumettent au même régime; on leur donne une hache et un tablier (09) avec un vêtement blanc. Lorsque, pendant ce laps de temps, ils ont donné la preuve d'une grande tempérance, on les reçoit dans une plus parfaite intimité ; on les admet à la participation des bains et des purifications; mais on ne les admet pas complètement à la communauté de vie : on éprouve encore pendant deux ans leur caractère et leur persévérance, et, si on les en juge dignes, on les reçoit seulement alors dans le sein de la société.

« Avant de porter la main sur les aliments communs, ils doivent se lier par des serments terribles. Ils jurent d'abord de pratiquer la piété envers Dieu, ensuite envers les hommes; de gardes les règles de la justice ; de ne faire de tort à personne, ni par une intention personnelle, ni pour obéir à un ordre reçu; de haïr toujours les méchants; de s'associer aux hommes vertueux qui ont à supporter des injustices ; de garder fidélité à tous les hommes, surtout à ceux qui gouvernent; car ce n'est pas sans l'intervention de la divinité que la puissance du commandement leur est attribuée. Si c'est à l'un d'eux que l'autorité est déférée, il prend l'engagement de ne jamais en abuser par violence, de ne se distinguer des sujets ni par les vêtements, ni par une plus grande pompe, de chérir toujours la vérité, de repousser les menteurs, de préserver ses mains du vol, de conserver son âme pure de tout gain illicite, de n'avoir aucun secret pour ceux dont il partage la vie, de ne rien révéler aux autres, quand pour l'y contraindre, on le menacerait de mort. Par-dessus tout cela, ils jurent encore de ne point altérer les dogmes qu'ils ont reçus, quand ils les transmettent aux autres, de s'abstenir de rapine (10), et de conserver avec un égal soin les livres de leur secte et les noms des anges. Tels sont leurs serments.

« Les prévaricateurs sont exclus de leur sein, et périssent misérablement ; enchaînés par leurs serments à une manière de vivre qu'ils ne peuvent déserter et repoussés de la table commune, ils sont réduits à se nourrir d'herbes et succombent d'inanition. Ce qui a fait que, prenant compassion de plusieurs de ces infortunés, ils les ont recueillis lorsqu'ils étaient réduits aux derniers abois, pensant que leur faute était suffisamment expiée, puisqu'ils avaient été aux portes de la mort. Ils donnent un boyau à ceux qui se destinent à embrasser leur genre de vie, afin de se creuser une fosse d'un pied de profondeur; car il ne leur est pas permis de satisfaire ailleurs aux besoins naturels (11), et ils doivent s'envelopper de manteaux, pour ne pas faire injure à l'éclat du Dieu. La frugalité et la parcimonie de leur régime, est. telle qu'ils n'ont pas besoin de se soulager le jour du sabbat; ils consacrent habituellement cette journée à chanter des hymnes en l'honneur de Dieu, et à rester dans l'inaction ; ils affilièrent par la pratique constante des privations, une telle force de caractère, que les tortures de toute nature au moyen du fer. du bois et du feu, et de tous les instruments de supplice par lesquels on les a fait passer pour les contraindre à blasphémer le législateur, ou à manger des mets prohibés, n'ont pu vaincre leur résistance, ils en ont donné des preuves dans la guerre contre les Romains, ne s'étant jamais abaissés jusqu'à flatter ceux qui les maltraitaient, ou à répandre des larmes ; souriant au contraire au milieu des souffrances, et employant l'ironie contre ceux qui les appliquaient à la torture, ils se séparaient avec courage de leur âme, dans l'espoir de la recouvrer ; car c'est une croyance enracinée chez eux, que les corps sont périssables et formés d'une nature destructible, mais que les âmes sont immortelles et demeurent éternellement : elles ne sont qu'une agrégation émanée de l'air le plus léger, qui n'est attiré dans les corps que par l'action virtuelle de la nature, lesquelles, une fois dégagées des liens de chair qui les retiennent, semblables à des esclaves affranchis d'une longue servitude, s'élancent avec joie vers les régions supérieures. Avec une pareille manière de vivre, avec un exercice aussi constant de tout ce qui tend à la connaissance de la vérité et à la pratique de la piété, on ne doit pas s'étonner qu'un grand nombre d'entre eux aient eu connaissance des choses futures, y étant préparés dès l'enfance par la méditation des livres saints, par les purifications de toutes natures qu'ils pratiquent, par l'étude des sentences des prophètes; aussi arrive-il rarement qu'ils se trompent dans leurs prédictions.»

C'est d'après d'anciennes lectures, suivant les apparences, que Porphyre a recueilli ce qu'on vient de lire, qui rend témoignage à la piété et à la philosophie des hommes qu'il fait connaître. Il a inséré ce morceau, dans le quatrième livre de sa
composition touchant l'abstinence de la chair des animaux (12).

CHAPITRE IV.

TIRÉ D'HÉCATÉE SUR LES JUIFS.

Hécatée d'Abdère, philosophe en même temps qu'historien, ayant consacré un livre spécial à tracer l'histoire des Juifs rapporte à leur sujet, beaucoup de choses dont il suffira pour le moment d'extraire ce qui suit (13) :

« Les Juifs possèdent dans leur pays de nombreuses places fortes et des bourgs. Une de ces places, dont le périmètre est pour le moins de cinquante stades, renferme cent vingt mille habitants : on la nomme Jérusalem.

Dans le centre, ou à peu près, de la ville, il se trouve une enceinte fermée de murs en pierre, d'une longueur d'environ cinq plèthres, d'une largeur de cent coudées, ayant deux portes. Là, se voit un autel tétragone, formé de pierres brutes, placées sans appareil, l'une sur l'autre, dont voici les dimensions : chaque côté a vingt coudées sur douze de hauteur, et en outre, on voit une grande enceinte qui contient aussi un autel et un chandelier, tous deux d'or et du poids de deux talents ; sur ceux-ci une lampe constamment allumée brûle les nuits et les jours. On n'y remarque aucune statue, aucune consécration votive, ni plantation d'aucune espèce, telle qu'un bois sacré, ou quelque chose d'analogue. Il y a constamment des prêtres qui résident dans ce temple les jours et les nuits, après avoir subi certaines purifications, et s'abstenant, tant qu'ils sont dans le temple, de boire du vin. »

Après avoir dit ces choses, il ajoute qu'ils ont combattu sous le roi Alexandre et sous ses successeurs après lui, et je citerai un trait dont il fut témoin, de la part d'un des Juifs qui était dans l'armée; c'est lui qui parle :

« Lorsque j'étais en marche, vers les bords de la mer Rouge, sous l'escorte d'un corps de cavaliers juifs, l'un de ceux qui m'accompagnaient se nommait Mosamamos (14), et joignait les sentiments élevés de l'âme à la force du corps : de l'aveu de tous, tant Grecs que Barbares, c'était le meilleur archer. Le nombre de ceux qui composaient le convoi était considérable : un devin demanda qu'on suspendît la marche, pour qu'il pût tirer l'augure du vol d'un oiseau. Cet homme alors demanda pourquoi l'on faisait halte : le devin lui montra l'oiseau, et lui dit que, s'il s'arrêtait, il serait avantageux pour tous d'en faire autant; si au contraire, en reprenant son vol, il se portait en avant, on devrait faire de même; enfin s'il se dirigeait en arrière, on devrait rétrograder. Sans rien répondre, Mosomamos tira son arc, lança sa flèche, atteignit l'oiseau et le tua. Le devin, ainsi que plusieurs autres, s'étant mis en colère, et prononçant des imprécations contre lui : quelle est votre démence, s'écria-t-il, ô malheureux? et prenant l'oiseau dans ses mains, comment celui-ci, dit-il, qui n'a pas su prévoir ce qui devait contribuer à son salut, aurait-il pu vous annoncer ce qui devait assurer votre marche? s'il avait pu avoir la prescience de l'avenir, il ne serait pas venu s'exposer en ce lieu, dans la crainte que le Juif Mosomamos ne le perçât de sa flèche. »

Voici ce que rapporte Hécatée.

CHAPITRE V.

CLÉARQUE SUR LES MÊMES, TIRÉ DU PREMIER LIVRE DES SONGES.

Cléarque, philosophe Péripatéticien (15), dans le premier livre des Songes, met dans la bouche d'Aristote, un propos sur les Juifs tel que ce qui suit, l'ayant pour ainsi dire transcrit mot pour mot.

« Cependant il serait trop long de s'étendre sur ce sujet; toutefois il ne sera pas sans intérêt de parcourir de même, ce qui dans ses écrits est digne d'admiration et vraiment philosophique. Sachez donc bien, ô Hypérochide, que je vais vous dire des choses merveilleuses, et qui ressemblent à des rêves. Puis Hypérochide, avec une expression de modestie; c'est pour cela surtout, dit-il, que nous désirons tous vous entendre. Eh bien donc, reprit Aristote, suivant le précepte des rhétoriciens, parlons d'abord de sa race, pour que nous ne contrevenions pas aux règles des maîtres en éloquence. Parlez donc, dit Hypérochide, ainsi, si cela vous convient. Cet homme était Juif dé nation, de la Célésyrie. Ces hommes descendent des Calanes, Indiens, ayant reçu des Syriens le nom de Juifs, qu'ils doivent au lieu qu'ils habitent, qui porte le nom de Judée, parmi les peuples voisins. Le nom de leur ville est tout à fait étrange; car ils la nomment Jérusalem. Cet homme donc, ayant reçu l'hospitalité d'une foule de gens, en descendant des régions supérieures, vers les contrées maritimes, était Grec non seulement par le langage, mais encore par les sentiments de l'âme. Étant venu dans les lieux où nous nous trouvions, pendant notre séjour en Asie, il nous fréquentait ainsi que plusieurs autres écoles de philosophie, dans le désir d'acquérir la sagesse, et quoiqu'il fût habituellement dans la société de plusieurs hommes savants, néanmoins il leur communiquait plus de connaissances utiles, qu'il n'en apprenait d'eux.»

C'est ainsi que s'exprime Cléarque.

CHAPITRE VI.

TIRÉ DU PREMIER LIVRE DES STROMATES DE CLÉMENT D'ALEXANDRIE SUR LA MENTION FAITE DE LA NATION DES JUIFS.

Notre Clément rappelle également cela à la mémoire dans sa première stromate, parlant en ces termes (a) :

« Cléarque le Péripatéticien, dit avoir connu un juif qui avait fréquenté Aristote (16).»

Et après d'au très remarques, il ajoute :

« Numa, le roi des Romains, était Pythagoricien (17), et s'était utilement servi des livres de Moïse; il défendit en effet aux Romains de façonner une image de Dieu, qui eût la ressemblance d'un homme ou la forme d'un animal. En conséquence, dans les 170 premières années de leur existence, les Romains en construisant leurs temples, n'y renfermaient aucune statue ni aucune peinture . Numa avait voulu leur faire comprendre en leur faisant adorer la déesse Tacita (18), qu'il n'est pas possible d'approcher par la langue, mais seulement par la pensée, de l'être bon par excellence. »

A quoi il ajoute (b):

« L'historien Mégasthène, qui vécut dans l'intimité de Séleucus Nicanor, dit ouvertement les mêmes choses : voici ce qu'il écrit dans son troisième livre des Indes : tout ce qui a été enseigné sur le système de la nature par les anciens, l'a été également par des philosophes étrangers à la Grèce; ainsi, dans les Indes par les Brachmanes, en Syrie par ceux qu'on nomme Juifs. »

Puis, Clément continue en faisant mention d'Aristobule le Péripatélicien, et de Numénius le Pythagoricien, et dit :

« Aristobule, dans le premier des livres qu'il a adressés à Philométor, s'exprime en ces termes : Platon s'est modelé sur notre législation, et on voit clairement que chacune des choses qui y sont dites, a été retouchée par lu.  On avait interprété avant Démétrius de Phalère, avant même le règne d'Alexandre et la domination des Perses, tout ce qui a rapport à la sortie de nos concitoyens les Hébreux, de l'Égypte, et l'éclat de leurs actions, et la conquête du pays, et toute la suite des lois; en sorte qu'il est évident que le philosophe susdit y a puisé beaucoup de choses. Il était instruit dans bien des sciences, aussi bien que Pythagore qui a transporté dans le corps de sa philosophie, bien des emprunts qu'il nous a faits. Numénius le Pythagoricien, l'écrit en propres termes : Qu'est-ce que Platon, dit-il, sinon Moïse parlant la langue attique ? »

Là, cesse Clément.

CHAPITRE VII.

DE NUMÉNIUS, PHILOSOPHE PYTHAGORICIEN SUR LES JUIFS, TIRÉ DU PREMIER LIVRE DU TRAITÉ DU BIEN.

Je vais citer du même philosophe Pythagoricien, je veux dire Numénius (19), un extrait tiré de son premier livre du bien.

« Celui qui parlera dans ce sens, devra après l'avoir appuyé par les témoignages de Platon retourner en arrière, lier ces doctrines aux discours de Pythagore, invoquer les nations les plus célèbres, faire connaître leurs initiations et leurs dogmes, et les consécrations qu'ils ont instituées, eu rapport avoué avec Platon. Telles enfin que les ont pratiquées les Brachmanes, les Juifs, les Mages et les Indiens.»

Voilà ce que Numénius a dit sur ce sujet.

CHAPITRE VIII.

DU MÊME SUR MOÏSE ET EN MÊME TEMPS SUR LES JUIFS, TIRÉ DU TROISIÈME LIVRE DU MÊME OUVRAGE.

Dans son troisième livre, le même Numénius fait mention de Moïse.

« Ensuite, dit-il, Jannès et Jambrès (20), hiérogrammates égyptiens, se distinguèrent comme ne le cédant à personne dans les sciences magiques, à l'époque où les Juifs furent chassés d'Égypte. Ce furent eux que le peuple égyptien jugea dignes d'être opposés à Musée (Moïse), qui conduisait la nation des Juifs, et qui exerçait une grande puissance par sa manière d'invoquer Dieu. Et en effet, ils montrèrent leur habileté à empêcher l'effet des plus formidables plaies dont Musée frappa l'Egypte. »

Dans ces termes de Numénius, on voit qu'il avait foi aux prodiges étonnants opérés par Moïse, et il lui rend témoignage
comme étant ami de Dieu.

CHAPITRE IX.

DU POÈTE CHOERILÉ SUR LES JUIFS.

Chœrilé l'ancien,célèbre comme poète, fait mention de la nation Juive,comme ayant combattu en Grèce sous le roi Xerxès.

« Derrière eux marchait un peuple effrayant à voir : leur bouche faisait entendre une langue phénicienne; ils habitaient dans les monts Solymes près d'un lac étendu. Ils portaient les cheveux coupés en rond sur une tête poudreuse que recouvrait un crâne de cheval dépouillé et durci à la fumée. (21). »

On voit clairement qu'il s'agit ici des Juifs, parce que la ville de Jérusalem passe chez les Grecs pour être située dans les monts qu'ils nomment Solymes, près du lac Asphalite que le poète nomme très étendu; πλατέη c'est en effet le plus grand des lacs de Syrie, voilà ce qu'en dit Chœrilé.

CHAPITRE X.

TIRÉ DE PORPHYRE, NOTRE CONTEMPORAIN. ORACLES D'APOLLON CONCERNANT LES HÉBREUX.

Porphyre, dans le premier livre de la philosophie d'après les oracles, introduit son Dieu rendant témoignage à la sagesse de la nation hébraïque, les rangeant parmi les peuples vantés par leur haute intelligence. Voici en quels termes Apollon s'exprime dans l'oracle cité, termes auxquels ou doit apporter une haute attention; car ils sont pleins d'une sagesse toute divine. Il ajoute aux recommandations sur les sacrifices que nous avons citées :

« Le chemin qui mène vers les dieux heureux est raide et escarpé de toutes parts; d'abord il s'ouvre, par des portes d'airain, les sentiers en sont restés dans le secret de la divinité. Les premiers mortels, qui aient dévoilé quelque chose de cette œuvre immense, sont ceux qui boivent la belle eau de la terre qu'arrosé le Nil. Les Phéniciens ont enseigné plusieurs des voies qui mènent aux dieux, les Assyriens, les Lydiens, et la race des hommes Hébreux, et ce qui suit.»

Porphyre ajoute :

« La route conduisant vers les dieux, est d'airain ; elle est raide, escarpée, et les Barbares ont découvert plusieurs des sentiers qui y tendent. Les Grecs ou l'ont méconnue, ou s'en étant rais en possession, l'ont pervertie. Le dieu a témoigné que ce sont les Égyptiens à qui la découverte en est due, puis les Phéniciens et les Chaldéens; ces derniers sont les Assyriens ; enfin les Lydiens et les Hébreux. »

En outre de ceci, dans un autre oracle, Apollon dit encore:

« Les seuls Chaldéens ont obtenu la sagesse en partage, et les Hébreux qui honorent purement Dieu, roi engendré de lui-même.»

Et encore, ayant été interrogé sur la cause qui lui faisait nommer les cieux au pluriel, il rendit cet oracle :

« Il n'y a dans tout l'univers qu'un seul cercle, mais avec les sept zones; il se transporte dans son orbite semée d'étoiles, et ce sont ces zones que les Chaldéens et les Hébreux, dignes d'imitation, nomment célestes, comme partageant tout le septuple cours. »

Quant aux noms de Juifs et d'Hébreux, connus des auteurs grecs, et quant à leur réputation d'ancienne philosophie, ceci doit suffire. Voyons maintenant quels sont ceux des historiens qui s'accordent avec leurs traditions. Moïse, ayant rapporté dans ses antiquités, le fait d'un déluge universel, et ayant fait connaître le Noé des Hébreux, qui fut sauvé avec toute sa famille dans une arche faite de bois, Berose le Chaldéen, Hiéronyme d'Égypte, et Nicolas de Damas, historiens connus, sont cités dans le premier livre des antiquités judaïques de Josèphe comme ayant mentionné les mêmes événements.

CHAPITRE XI.

DES ANTIQUITÉS DE JOSÈPHE ; QUELS SONT LES HISTORIENS DU DEHORS QUI ONT FAIT MENTION DU DÉLUGE DE MOÏSE.

« Tous ceux qui ont écrit des histoires étrangères à la Grèce, au nombre desquels est Bérose le Chaldéen, parlent de ce déluge et de l'arche. Ce dernier, ayant relaté tout ce qui concerne le déluge, termine à peu près ainsi :

« On dit au sujet de l'arche en Arménie, qu'il en existe encore une partie sur la montagne des Gordyéens; (22) qu'on en enlève le bitume, dont les hommes du lieu, se servent pour détourner les malheurs qui les menacent. »

« La mention en a été faite par Hiéronyme d'Égypte, celui qui a écrit des antiquités de la Phénicie, par Mnaséas et par plusieurs autres. Nicolas de Damas, dans le 96e livre de son histoire, en parle de la sorte : il existe au-dessus de Minyas (23), une grande montagne dans la direction de l'Arménie, nommée Baris, sur laquelle se réfugièrent la plupart de ceux qui échappèrent au déluge,et la tradition dit qu'ils s'y sauvèrent, et que l'un d'entre eux, porté sur une arche, échoua sur son sommet, et les fragments de bordages de cette arche ont subsisté pendant longtemps. Elle ne peut être autre que celle dont Moïse, législateur des Juifs, a rapporté l'histoire. »

Josèphe a écrit ces choses.

CHAPITRE XII.

DE L'HISTOIRE D'ABYDÈNE CONCERNANT LE DÉLUGE.

Après avoir passé en revue ce que l'ouvrage d'Abydène renferme concernant l'histoire de Médie et d'Assyrie, je vais vous citer les propres paroles de cet auteur, sur la même histoire (24).

« Après lui d'autres régnèrent, au nombre desquels figure Sisithros, à qui Cronus (Saturne) prédit qu'une abondance extraordinaire de pluie tomberait le 12 du mois Désius, il lui ordonna de cacher tout ce qu'il possédait d'écritures dans l'Héliopolis de Syparéens (25). Sisithros ayant exécuté cet ordre, mit aussitôt à la voile pour l'Arménie, et là, les desseins de Dieu s'accomplirent incontinent. Le troisième jour après que la pluie eût cessé (26), il lâcha des oiseaux comme épreuve, pour savoir s'ils découvriraient une terre sans eau. Ceux-ci ayant traversé un océan sans bornes sans trouver où se poser, revinrent vers Sisithros. Après les premiers, il en lâcha d'autres, cet essai ne lui réussit qu'à la troisième fois, car ils revinrent avec les pattes pleines de boue (27). Les dieux l'ont enlevé du milieu des hommes; son navire resté en Arménie, offre aux habitants du voisinage des amulettes faites avec ses bois, qui leur servent de préservatifs contre les maladies (28). »

Telles sont les expressions de cet auteur.

CHAPITRE XIII.

TIRÉ DES ANTIQUITÉS DE JOSÈPHE POUR PROUVER QUE LA LONGÉVITÉ DES PREMIERS HOMMES EST UN FAIT MENTIONNÉ PAR DE NOMBREUX ÉCRIVAINS.

Ensuite Moïse ayant dit que les premiers hommes étaient doués de longévité, Josèphe cite en témoignage des écrivains de la Grèce en ces termes :

« Qu'on se garde bien de comparer avec la vie actuelle et la brièveté de nos ans la longévité des anciens, pour en conclure que ce qu'on dit d'eux est mensonger; et par la raison qu'on ne voit pas maintenant de pareils exemples de prolongation de vie, de soutenir qu'eux-mêmes n'ont pu parvenir au terme qu'on assigne à leur existence. Ces hommes en effet, chéris de Dieu et sortant pour ainsi dire de. lui, à l'aide d'aliments propres à soutenir la vie pendant une suite de temps considérable, ont pu sans invraisemblance, vivre pendant un laps d'années pareils. Ensuite à cause de leur vertu et par le bon usage qu'ils ont su faire de l'astrologie et de la géométrie, Dieu leur a accordé ces longues années de six cents ans au moins de vie, sans lesquelles ils n'auraient rien pu prédire; car la grande année se complète par ce nombre d'années partielles. Tous les Grecs, aussi bien que les Barbares qui ont écrit sur les temps anciens, rendent témoignage à la vérité de ce récit. Ainsi Manéthon, auteur de l'anagraphe (histoire primitive des Égyptiens, Bérose qui a recueilli ce qui a trait à la Chaldée, Mochus (29), Hestiée, et après ceux-ci, Hiéronyme l'Égyptien, et ceux qui ont mis en ordre les histoires phéniciennes, sont unanimes en faveur de ce que j'ai dit. Hésiode (30), Hécatée, Hellanicus et Acusilas, puis Éphore et Nicolas, rapportent dans leurs histoires, que les anciens vivaient mille ans. Au reste, que chacun décide à cet égard comme bon lui semble. »

CHAPITRE XIV.

TIRÉ DE L'HISTOIRE D'ABYDÈNE SUR LA CONSTRUCTION DE LA TOUR .

Passons au récit de Moïse concernant la construction de la tour, où il rapporte que des idiomes divers ont porté la confusion dans la langue lyrique dont usaient les premiers hommes. L'auteur que nous avons cité un peu plus haut, dans l'histoire indiquée des Assyriens, dit la même chose en ces termes :

« Il en est qui disent que les premiers hommes issus de la terre, se glorifiant dans leur force et leur stature, méprisèrent les Dieux, et se croyant supérieurs à eux, élevèrent une tour très haute, dans le lieu où est main tenant Babylone. Ils s'approchèrent du ciel ; mais les vents venant au secours des Dieux, renversèrent toute cette construction au milieu de leurs travaux ; et ces débris portent le nom de Babylone. Jusqu'alors ils avaient parlé une même langue ; mais les Dieux leur envoyèrent la multiplicité des idiomes, et la guerre éclata. Le lieu où cette tour fut élevée s'appelle encore Babylone, en mémoire de la confusion des langues qui, précédemment avaient été intelligibles à tous. Les Hébreux désignent la confusion parle nom de Babel. »

CHAPITRE XV.

COMMENT BEAUCOUP D'AUTRES AUTEURS ONT FAIT MENTION DU MÊME FAIT TIRÉ DES ANTIQUITÉS DE JOSÈPHE.

Quant à cette tour et la confusion de langage des hommes entre eux; la sibylle en fait mention en ces termes :

« tous les hommes parlant une même langue, quelques uns d'entre eux bâtirent une tour très élevée, comme pour s'élever par son moyen jusqu'au ciel; mais les dieux envoyant des vents, renversèrent cette tour, et donnèrent à chacun sa langue particulière : il arriva qu'on nomma cette ville à cause de cela, Babylone.»

Pour la plaine de Sénaar, dans la contrée de la Babylonie, Héstiée en parle ainsi :

«  Ceux des prêtres qui se sauvèrent, ayant emporté les insignes sacrées de Jupiter Enyalien (31), se réfugièrent en Sénaar de la Babylonie, d'où ils se sont répandus par la suite, à l'aide de la conformité du langage, ayant créé partout des demeures en commun, et chacun s'étant saisi de la première terre venue. »

 CHAPITRE XVI.

DU PATRIARCHE DES HÉBREUX. ABRAHAM. TIRÉ DU MÊME.

Ensuite, Moïse ayant écrit fort au long l'histoire du patriarche des Hébreux, Abraham, Josèphe dit à cette occasion, que beaucoup d'écrivains du dehors lui servent de garant (c).

« Bérose fait mémoire de notre père Abraham, lui donnant toutefois un autre nom. Dans la 10e génération qui suivit le déluge, dit-il, il se trouva parmi les Chaldéens un homme juste, qui était grand et fort versé dans l'astronomie. »

Hécatée a fait plus que d'en faire mention; il a laissé tout un livre écrit sur son sujet. Nicolas de Damas, dans le 4e livre de son histoire s'exprime ainsi :

« Abraham fût roi de Damas: c'était un étranger venu avec une armée de sa terre au-delà de Babylone, dite des Chaldéens. Peu de temps après, ayant quitté celle contrée avec tous ses sujets, il se transporta dans la terre, dite de Canaan, qu'on appelle maintenant Judée. Je parcourrai dans un antre livre les récits historiques, concernant ceux qui sont descendus de lui, et se sont fort multipliés; quant à Abraham, son nom s'est conservé et est honoré encore aujourd'hui dans le royaume de Damas; on montre un bourg nommé d'après lui, Ἀβραάμ οἴκησις (d). Dans des temps subséquents, la famine ayant éclaté dans le pays de Canaan, Abraham ayant ouï dire que les Égyptiens étaient dans l'abondance, fut désireux de se transporter parmi eux,'pour y jouir de leur bien-être et pour écouler les enseignements des prêtres sur les dieux; dans l'intention, soit de suivre leurs doctrines, si elles lui semblaient meilleures, ou de les réformer en mieux s'il avait conçu des sentiments plus convenables. »

PIus bas, il ajoute :

« il vécut donc dans la société des hommes les plus instruits de l'Égypte, et sa vertu comme sa renommée en devinrent plus illustres; car les Égyptiens se complaisant dans des usages opposés, et rabaissant mutuellement les institutions les uns des autres, et par conséquent étant dans un état d'hostilité permanente ; les ayant mis en présence, et développant les raisons pour et contre, il fit ressortir ce qu'il y avait de vide et de contraire à la vérité, dans ce que chacun mettait en avant. Ayant donc été admiré dans leurs colloques, comme doué d'une haute intelligence, et non seulement comme capable de concevoir, mais comme propre à persuader dans tout ce qu'il entreprenait de leur enseigner, il leur donna les premières notions d'arithmétique et d'astrologie; car avant l'arrivée d'Abraham en Égypte, les habitants, de ce pays ignoraient les éléments de ces sciences; c'est des Chaldéens qu'elles ont pénétré en Égypte, et de là elles sont parvenues aux Grecs.»

Ici s'arrête Josèphe.

CHAPITRE XVII.

D'EUPOLEMUS TOUCHANT ABRAHAM, D'APRÈS ALEXANDRE POLYHISTOR DANS LE TRAITÉ SUR LES JUIFS.

Alexandre Polyhistor (32) est d'accord avec ceux-ci : c'était un homme d'un grand sens, de beaucoup d'instruction, et très connu de tous ceux des Grecs qui ont profité de leur éducation. Dans l'ouvrage qu'il a composé sur les Juifs, il dit mot pour mot ce que nous allons répéter.

« Eupolémus dans son livre sur les Juifs d'Assyrie, dit que la ville de Babylone, eut pour premiers fondateurs les hommes échappés du déluge : c'étaient les mômes que les géants qui bâtirent la tour célèbre dans l'histoire. Cette tour ayant été renversée par l'action propre de la divinité, les géants se disséminèrent sur toute la terre. A la dixième génération, dit-il, dans la ville Camariné de la Babylonie, que quelques auteurs nomment la ville Ourienne; ce qu'on peut traduire par ville des Chaldéens (33), à la treizième génération, naquit Abraham (34), qui l'emportait sur tous ses contemporains, en noblesse et en science. Ce fut lui qui découvrit l'astrologie et la science chaldaïque (35); et s'étant élevé à une haute piété, il fut agréable à Dieu. Étant venu se fixer en Phénicie, par l'ordre de Dieu, et ayant enseigné les phases du soleil et de la lune et beaucoup d'autres choses, il plût infiniment à leur roi. Plus tard les Arméniens ayant fait une expédition contre les Phéniciens et les ayant vaincus, ils firent prisonnier le neveu d'Abraham (36). Abraham marcha au secours des vaincus avec ses esclaves, triompha de ceux qui avaient emmené des prisonniers, et prit à son tour les femmes et les enfants des ennemis. Des ambassadeurs étant venus le trouver, pour qu'en acceptant le prix de leur rançon, il voulût bien rendre les prisonniers, il ne voulut pas insulter à leur infortune, mais ayant pris des vivres pour ses troupes, il rendit tous les captifs, et reçut l'hospitalité dans le temple de la ville Ἀργαριζὶν, qu'on peut traduire par la montagne du Très-Haut. Il reçut des dons de Melchisédech, prêtre de Dieu et souverain de la contrée. La famine s'étant déclarée, Abraham se retira en Égypte avec tout ce qui composait sa maison, s'y établit, maria sa femme au roi des Égyptiens, parce qu'il avait dit qu'elle était sa sœur. »

Il raconte ensuite avec de grands détails comment ce roi fut empêché d'avoir commerce avec elle, et comment il advint que sa maison et tout son peuple furent atteints de maladie; les devins qu'il fit appeler lui ayant déclaré que cette femme n'était pas veuve, le roi des Égyptiens découvrit ainsi qu'elle était l'épouse d'Abraham et la rendit à son époux. Dans les relations sociales qu'Abraham entretint avec les prêtres Égyptiens à Héliopolis, il leur communiqua beaucoup de connaissances importantes, leur enseigna les premiers éléments de l'astrologie et des sciences qui en découlent, et, au lieu de s'en attribuer l'invention, ainsi qu'aux Babyloniens, il en reportait la gloire à Enocb.

« C'est Enoch, en effet, et non les Égyptiens, qui découvrit l'astrologie. Les Babyloniens disent que le premier Bélus est le même que Saturne ; de celui-ci naquit Bélus et Cham: lequel donna naissance au père des Phéniciens, Chanaan; il eut aussi pour fils Chus, nommé par les Grecs, Asbolos (37), père des Éthiopiens, frère de Mesraïm, qui fut père des Égyptiens. Les Grecs disent que ce fut Atlas qui découvrit l'astrologie ; cet Atlas n'est autre que Enoch, lequel fut instruit par les anges de Dieu de toutes les choses que nous avons apprises ainsi.»

CHAPITRE XVIII.

D'ARTAPAN. TIRÉ DU MÊME OUVRAGE DD POLYHISTOR.

«  Artapan dit, dans l'écrit intitulé Judaica, que les Juifs se nomment Ermiouth (38), ce qui, dans la langue grecque, peut se traduire par Juifs, qu'ils se nomment aussi Hébreux d'Abraham (39). Il dit que celui-ci vint avec tout ce qui composait sa maison en Égypte, vers le roi des Égyptiens, Pharéthon( 40) et lui enseigna l'Astrologie : y ayant fait un séjour de vingt années, il retourna dans les parages de la Syrie ; mais un grand nombre du ceux qui l'avaient suivi, restèrent en Égypte,  à cause de la richesse de ce pays. »

«Dans des livres qui n'ont pas de nom d'auteur, on trouve Abraham rangé au nombre des géants qui habitaient dans la Babylonie et qui furent détruits par les dieux à cause de leur impiété ; Bélus, l'un d'entre eux, échappa à la mort, il habita dans Babylone, y fit construire une tour où il demeurait, qui fut nommée Bel du nom de son fondateur. Quant à Abraham, ayant été instruit, dès son enfance, dans la science astrologique, il l'enseigna d'abord aux Phéniciens; ce n'est qu'après qu'il vint chez les Égyptiens. »

CHAPITRE XIX.

TIRÉ DU MÊME AUTEUR, EXTRAIT DE MOLON.

« Molon (41), qui a écrit un ouvrage contre les Juifs, dit :

« Après le déluge, l'homme, qui avait été sauvé avec ses enfants, revint d'Arménie, puis ayant été expulsé de ses propriétés par les habitants du lieu, traversa tout le pays intermédiaire, et se rendit dans la partie montagneuse de la Syrie, qui était alors déserte. Après trois générations, naquit Abraham, (nom qu'on peut traduire par l'ami de son père), lequel s'étant adonné à la sagesse, parcourut toute cette solitude. Il prit deux femmes, l'une du lieu et sa parente, l'autre d'Égypte, qui lui appartenait comme sa servante. De l'Égyptienne il eut douze enfants, lesquels s'étant en allés en Arabie, se distribuèrent le pays, et en furent les premiers rois. C'est la cause pour laquelle, jusqu'à ce jour, on compte douze rois en Arabie, qui ont les mêmes noms que ces premiers rois. De son épouse, Abraham n'eut qu'un seul fils, dont le nom peut se traduire en grec par Γέλως (le rire). Abraham mourut de vieillesse. Gélos prit pour épouse une fille de ce pays, dont il eut 11 enfants, et pour douzième Joseph ; Moïse en descend à la troisième génération. »

Ici, s'arrête Polyhistor. Puis, après d'autres récits, il ajoute:

« Peu de temps après, Dieu ordonna à Abraham d'immoler en holocauste son fils Isaac. Ayant pris ce fils, il le conduisit sur la montagne, y dressa un bûcher, et plaça dessus Isaac. Au moment où il allait l'immoler, il en fut empêché par un ange, qui lui fournit, en sa place, un bélier pour servir de victime. Abraham, en conséquence, retira son fils de dessus le bûcher, et immola le bélier. »

CHAPITRE XX.

DE PHILON SUR ABRAHAM.

Philon, dans son premier livre des choses de Jérusalem, s'exprime en ces termes (42) :

« J'ai ouï rapporter d'Abraham, l'élu de l'écho divin (43), que rattachant aux oracles qui remontent à des temps anciens, l'origine de nos ancêtres, espérant voir sa tige illustre et élevée se multiplier à l'infini, d'après les consolations qui inondaient ses sublimes conceptions; il consentit néanmoins à sacrifier son éclatant rejeton. Le tout-puissant, à la voix redoutable, fut (satisfait de sa soumission ), un auge arrêta l'embrasement funeste, et rendit immortelle la parole que Dieu lui avait donnée. Aussi, son descendant a passé des gémissements aux chants d'allégresse qui célèbrent sa gloire (44). »

A quoi il ajoute après quelques vers :

 « Ayant saisi la poignée d'un glaive propre à sa main, qui avait été fraîchement aiguisé, il se disposait à en frapper celui qui l'avait porté. Déjà il pressait obliquement sa gorge, mais Dieu mit en ses mains un bélier embarrassé par ses cornes; et ce
qui vient à la suite. »

Toutes ces citations appartiennent à l'ouvrage de Polyhistor, et Josèphe nous apprend aussi, dans le premier livre de ses antiquités, les mêmes choses, on y lit:

« que cet Aphrène (45), ayant mis une armée en campagne contre les Lybiens (Africains), occupa leur pays, et que ses descendants y ayant fixé leur demeure, ont nommé d'après lui cette terre du nom d'Afrique.»

J'ai pour garant de ce que j'avance, Alexandre Polyhistor, qui le dit en ces termes:

« Cléodemus le prophète, qui porte aussi le nom de Malchus, rapporte ce qui suit dans son histoire des Juifs, d'accord avec ce qu'en a écrit le législateur même des Juifs Moïse, savoir qu'Abraham eut de Chettura plusieurs enfants, de trois desquels il donne les noms, Apher, Assur et Aphran. Assur fut le fondateur de l'empire d'Assyrie; les deux autres, Aphran et Apher, bâtirent la ville Aphra, qui donna le nom d'Afrique à la contrée où elle fut construite. Ceux-ci combattirent avec Hercule, contre Lybia et Antée. Hercule ayant épousé la fille d'Aphran, en eut un fils nommé Diodore, qui donna le jour à Sophonan, de qui sont issus les Barbares appelés Sophies. »

En voilà assez au sujet d'Abraham.

CHAPITRE XXI.

DE DÉMÉTRIUS SUR JACOB.

Retournons au Polyhistor (46).

« Démétrius dit : que Jacob étant parvenu à l'âge de 75 ans, se réfugia à Charrhan en Mésopotamie, y ayant été envoyé par ses parents, à cause de la haine cachée de son frère Ésaü, par la raison que son père l'avait béni, croyant bénir Ésaü : quittant son père Isaac âgé de 137 ans, lorsqu'il en avait 77 (47). Étant demeuré en ce lieu pendant sept années, il y épousa les deux filles de son oncle maternel Laban, Lia et Rachel. Il était alors âgé de 84 ans ; dans les sept années qui suivirent, il lui naquit douze enfants; dans la huitième année, le dixième mois, Ruben; dans la neuvième, le huitième mois, Siméon; dans la dixième, le sixième mois, Lévi; dans la onzième, le quatrième mois, Judas. Rachel n'étant point devenue mère, portait envie à sa sœur, et donna à Jacob pour la remplacer sa servante Zelpha (48) ; pendant le même temps, où BalIa conçut Nephtali, c'est-à-dire la onzième année et le cinquième mois. Elle mit an jour dans la douzième année, le deuxième mois, un fils qui fut nommé Gath (Gad), par Lia; de la même, pendant la même année au douzième mois, naquit un autre fils qui fut nommé Aser par Lia. Puis Lia, en compensation des fruits de mandragore que Ruben porta à Rachel, conçut ainsi que sa servante Zelpha, dans le même temps, savoir : le troisième mois de la douzième année, et donna naissance dans cette même année, le douzième mois, à un fils auquel elle imposa le nom d'Issachar ; ensuite Lia, le dixième mois de la treizième année, mit au jour un autre fils appelé Zabulon, et la même encore, au huitième mois de la quatorzième année, accoucha d'un fils nommé Dan. Ce fut alors que Rachel conçut en même temps que Lia, qui mit au monde Dina sa fille; elle donna naissance le huitième mois de la treizième année, à un fils qui fut appelé Joseph, en sorte que dans ces sept ans qu'il passa chez Laban, Jacob eut douze enfants.

« Jacob voulant retourner chez son père dans le pays de Chanaan, ayant consenti à demeurer encore six autres années sous Laban, la totalité de son séjour à Charrhan fut donc de 20 années. Dans son retour à Chanaan, il lutta contre l'ange de Dieu qui toucha la partie large de sa cuisse, et la privant de vie le rendit boiteux. C'est à cela qu'on doit attribuer l'usage pour ses descendants, de ne pas manger cette partie, dans la cuisse des animaux. L'ange lui dit qu'il ne s'appellerait plus désormais Jacob, mais Israël. Il passa de la terre de Chanaan dans celle des Sichimites. Ruben étant âgé de 12 ans 2 mois. Siméon 11 ans et 4 mois, Lévi de 10 ans et 6 mois (49), Judas avait 9 ans et 8 mois, Nephlali 8 ans et 10 mois, Gad 8 ans et 10 mois, Aser 8 ans, Issachar 8 ans, Zabulon 7 ans 2 mois, Dina 6 ans et 4 mois, Joseph 6 ans et 4 mois. Israël s'arrêta pendant dix années chez Emmor, où sa fille Dina fut déshonorée par Sichem fils d'Emmor; elle avait alors 16 ans et 4 mois. Les fils d'Israël, Siméon âgé de 21 ans et 4 mois, Lévi de 20 ans et 6 mois, s'étant élancés à la vengeance, tuèrent Emmor et Sichem son fils, et tous les habitants mâles de Sichem, à cause de l'insulte faite à Dina : Jacob avait alors 107 ans. Étant allé à Louza de Bethel, Dieu lui dit que désormais il ne se nommerait plus Jacob mais Israël; de là, il se rendit à Chaphrata, d'où il passa à Ephrata, qui fut depuis Bethléem ; c'est en ce lieu que Rachel mit au monde Benjamin, puis elle mourut, en accouchant de Benjamin: Jacob avait vécu avec elle 23 ans. De là, Jacob se rendit à Mambry de Chebron auprès de son père Isaac; Joseph était âgé de 17 ans, il fut vendu en Égypte, et y demeura 13 ans dans une prison, en sorte qu'il avait 30 ans lorsque Jacob en avait 110, Isaac étant mort l'année précédente, âge dg 180 ans. Joseph ayant expliqué au roi le songe qu'il avait eu, fut mis à la tête du gouvernement de l'Égypte, pendant 7 ans, durant lesquels il épousa Aseneth fille de Pentephré, prêtre d'Héliopolis, laquelle donna le jour à Manassé et à Éphraïm. La famine ayant commencé à se faire sentir pendant deux ans consécutifs (50), Joseph étant depuis neuf années au sein de la plus grande prospérité, il n'envoya pas chercher son père, parce que lui et ses frères étaient des pasteurs, et que la vie pastorale est ignominieuse dans l'opinion des Égyptiens. Telle est la cause pour laquelle Joseph déclara, lui-même, qu'il n'avait pas envoyé chercher son père; car ses parents étant venus en Égypte, il leur dit que si le roi les faisait appeler et qu'il les interrogeât sur ce qu'ils faisaient, ils lui répondissent qu'ils étaient des nourrisseurs de bestiaux.

« On a demandé pourquoi Joseph donna à son frère Benjamin, dans le repas, une part quintuple des autres, lorsqu'il ne pouvait pas absorber celte quantité de viande. Il le fit parce que Lia avait eu sept fils de son père, tandis que deux seulement étaient issus de Rachel sa mère; c'est pourquoi il attribua cinq portions à Benjamin, s'en étant réservé deux, (51) ce qui complétait le nombre sept, égal à celui des enfants de Lia. Il en fut de même pour les robes, dont il donna deux à chacun des autres et cinq à Benjamin, avec 300 pièces d'or, en envoya autant à son père, de sorte que la famille de sa mère était traitée sur le pied de l'égalité.

« Les Patriarches habitèrent dans la terre de Chanaan, depuis l'élection d'Abraham, qui fut tiré des nations et qui se transporta en Chanaan savoir : Abraham, pendant 25 ans, Isaac 60 ans, Jacob 130 ans. Total des années passées par eux dans la terre de Chanaan, 215. (52) La 3me année de la famine qui se manifesta en Égypte, Jacob s'y rendit, âgé de 130 ans, Ruben en avait 45, Siméon 44, Levi 43, Juda 42 et 3 mois, Aser 40 et 8 mois, Nephtali 41 ans 7 mois, Gad 41 ans 3 mois, Zabulon 40 ans, Dina 39 ans, Benjamin 28 ans, et Joseph qu'à dit avoir été déjà en Égypte, 39 ans. (53) Depuis Adam donc, jusqu'à l'entrée en Égypte des parents de Joseph, il s'est écoulé 3624 ans; depuis le déluge jusqu'à l'arrivée de Jacob en Égypte, 1360 ans. Depuis la vocation d'Abraham du sein des nations, et son arrivée de Charrhan en Chanaan, jusqu'à la translation de Jacob et de sa famille en Égypte, l'espace de temps est de 215 ans.

« Jacob était âgé de 80 ans, quand il vint chez Laban, dans Charrhan, et il y engendra Lévi. Lévi passa 17 ans en Égypte depuis qu'il avait quitté le pays de Chanaan, en sorte qu'il était âgé de 60 ans, lorsqu'il donna le jour à Kaath; et l'année où naquit Kaath, fut la même où mourut Jacob en Égypte, après avoir béni les enfants de Joseph : Il avait alors 147 ans, et laissa Joseph âgé de 56 ans. (54) Lévi mourut à l'âge de 137 ans, Kaath ayant atteint 40 ans engendra Amram, (55) qui avait 14 ans lorsque mourut Joseph à l'âge de 110 ans. Kaath mourut à 133 ans. Amram prit pour femme, la fille de son oncle, Jochabet: (56) et ayant atteint 75 ans, il engendra Aaron et Moïse, et avait 78ans à la naissance de Moïse. Amram mourut à l'âge de 136 ans. »

Je borne là ma citation de l'écrit d'Alexandre Polyhistor, à quoi j'annexerai ce qui va suivre.

CHAPITRE XXII.

DE THÉODOTE SUR LE MÊME SUJET.

Théodote, dans soν ouvrage sur les Juifs, dit que Sichem (τὰ Σίκιμα) tire son nom de Sichimius, fils de Mercure ; car ce fut le fondateur de cette ville qui est située, ajoute-t-il, dans le pays des Phéréziens (57).

« Cette contrée était fertile, pâturée par  les chèvres et arrosée par des sources ; le chemin qui des champs, menait à la ville ne s'étendait pas en longs détours, il n'exerçait pas non plus les voyageurs par de pénibles efforts en faisant gravir des escarpements buissonneux. Du sol, s'élèvent deux montagnes fort rapprochées, semblables à deux citadelles, où l'herbe croît en abondance ainsi que les arbres forestiers : entre deux, un sentier Ira verse le vallon étroit qui les sépare; dans une des sections, apparaît la ville sainte des Sichimites, liée dans sa partie basse à la base de la montagne, dont une muraille lisse protège les quartiers inférieurs, tandis que du haut de la montagne, une palissade se projetant du sommet, achève de l'enceindre (58). »

Il dit que plus tard elle fut habitée par les Hébreux lorsqu'Emmor régnait sur elle. Cet Emmor eut pour fils Sichem. Il dit en effet :

« De là, ô étranger, Jacob vint avec ses troupeaux dans la grande ville des Sichimites; Emmor avec son fils Sichem, régnaient sur ces hommes dont il était l'allié : c'étaient deux mortels pervers. »

Après cela sur Jacob, sur son apparition en Mésopotamie, sur son double mariage, sur la naissance de ses enfants, et sur son arrivée de Mésopotamie à Sichem, entendons-le.

« Jacob se rendit en Syrie, contrée riche en bestiaux, et laissa derrière lui le large fleuve de l'Euphrate, aux flots retentissants (59), il vint là pour se soustraire à la terrible menace de son frère. Luban le reçut avec bienveillance dans sa maison, comme son allié et son parent. Laban alors, seul et dernier rejeton de cette race, régnait en Syrie. Il lui promit, en confirmant sa promesse d'un signe de tête, qu'il lui donnerait pour épouse la plus jeune de ses filles ; mais il n'avait pas le désir de tenir sa parole : il ourdit donc une ruse contre lui, et plaça dans ton lit Lia qui était l'aînée de ses filles. Jacob ne fut pas sans s'en apercevoir et découvrit la perfidie de Laban ; toutefois il reçut aussi en mariage la seconde fille et devint l'époux des deux sœurs. Onze fils remarquables par l'élévation de leur esprit, naquirent de ces unions, et une fille, Dina, d'une beauté éblouissante, d'une taille élégante (60) et d'une grande pureté de cœur.

« De l'Euphrate, suivant le même, Jacob vint à Sichem auprès d'Emmor. Celui-ci l'accueillit et lui concéda une partie de ses états ; Jacob donc se livra à l'agriculture. Tandis que ses onze fils conduisaient les troupeaux, sa fille Dina et ses femmes fiiaient et tissaient les laines. Jeune fille encore lorsqu'elle vint à Sichem, Dina voulut visiter celte ville dans un moment de fête. Sichem, fils d'Emmor, l'ayant vue, en devint épris, l'enleva, et, l'ayant conduite dans sa maison, en abusa; puis, avec son père, étant venu trouver Jacob, lui demanda de la lui donner en mariage. Jacob répondit qu'il ne pouvait pas y consentir avant que lui et tous les habitants de Sichem se fussent circoncis à la manière des Juifs. Emmor répondit qu'il s'y conformerait. Voici en quels termes Jacob s'exprime sur l'obligation où ils sont de se circoncire.

« Il n'est pas légal dans la famille des Hébreux d'introduire comme gendres dans leurs demeures quiconque ne se glorifie  d'être de la même race. »

Puis plus bas il dit de la Circoncision :

« Le Dieu qui tira de sa patrie le divin Abraham, du haut des cieux lui prescrivit que tous les mâles qui remplissaient sa maison fussent dépouillés de la peau du prépuce; et il s'y conforma. Cette loi est donc irrévocable, puisqu'elle émane de Dieu lui-même. »

Emmor étant rentré dans la ville, exhorta tous ses sujets à se faire circoncire; mais un des fils Jacob, nommé Siméon, avait formé le projet de tuer Emmor et Sichem, voulant effacer la trace de l'insulte publique faite à sa sœur. Dans ce dessein, il se concerta avec son frère Lévi, et l'ayant amené à consentir à l'exécution de ce projet, il se prévalut d'un oracle par lequel Dieu donnait aux descendants d'Abraham dix nations à détruire, pour se mettre à l'œuvre. Voici en quels termes Siméon s'adresse à Lévi :

« J'ai certainement bien compris la parole de Dieu, par laquelle il a déclaré donner dix nations aux fils d'Abraham. »

Dieu, en effet, leur avait mis cette détermination dans l'esprit, parce que les habitants de Sichem étaient impies. Il dit donc :

« Dieu veut perdre les habitants de Sichem, car dans leur sein il n'est pas un seul exempt de crime, ni vertueux. Dans leurs villes ils ne respectent dans leurs jugements, ni la justice ni les lois. C'est leur conduite astucieuse qui leur a attiré ces oracles. »

Lévi et Siméon étant donc entrés en armes dans la ville, il commencèrent par tuer tous ceux qu'ils rencontrèrent, ensuite il firent périr Emmor et Sichem. Voici comment il rend compte de leur mort :

lorsque Siméon vit Emmor, il s'élança sur lui, il le frappa à la tête, l'ayant saisi au cou de la main gauche, et le laissa encore palpitant, parce que d'autres travaux le réclamaient. Pendant ce temps, Lévi à la force indomptable prit la chevelure de Sichem qui lui embrassait les genoux, lui qui n'avait pas réprimé les excès de sa luxure. Lévi dirige son glaive au dedans du la clavicule, et la lame aiguë pénétrant dans les organes de la poitrine, l'âme quitta aussitôt ce corps.

Les autres frères ayant appris ce qui se passait, vinrent à leur aide, ils pillèrent la ville, en tirèrent leur sœur qu'ils conduisirent avec tous les prisonniers qu'ils firent dans la demeure de leur père. »

CHAPITRE XXIII.

TIRÉ D'ARTAPAN SUR JOSEPH.

A ces citations nous joindrons les suivantes, concernant Joseph, tirées du même écrit de Polyhiistor.

« Artapan dit, dans son ouvrage sur les Juifs, que Joseph descendait d'Abraham, et était fils de Jacob.  L'emportant sur tous les antres par sa pénétration et sa prudence, ses frères conspirèrent contre lui; mais ayant découvert leur complot, il pria des Arabes du voisinage de l'emmener en Égypte : ceux-ci firent ce qu'il leur demandait; car les rois Arabes descendaient d'Ismaël, fils d'Abraham, frère d'Isaac (61). Étant arrivé en Égypte, et ayant été recommandé au roi, il fut chargé par lui de l'administration de tout ce pays, qu'avant lui, les Égyptiens cultivaient sans règles, parce que la terre n'avait pas été divisée; et comme les plus faibles étaient opprimés par les plus puissants, il commença par créer des divisions territoriales, marqua par des bornes les limites des propriétés, et rendit à l'agriculture une étendue considérable de terres incultes, en ayant assigné aux prêtres des portions déterminées de terres arables. Il fut l'inventeur des mesures agraires, et par cette cause, grandement cher aux Égyptiens; il épousa Aseneth, fille d'un prêtre d'Héliopolis, de laquelle il eut des enfants. Plus tard son père ainsi que ses frères vinrent le joindre, amenant avec eux de grandes richesses : ils habitèrent dans la ville de Caisan (62), et les Syriens se multiplièrent en Égypte. Ce sont eux, dit il, qui construisirent le temple qui est dans Pithon (63), et celui d'Héliopolis : on les nomme Ermiouth (64). Puis mourut Joseph et le roi des Égyptiens. Ce Joseph, pendant qu'il gouvernait l'Egypte, avait lait mettre en réserve les récoltes de grains de sept années, et devint par ce moyen le possesseur de toute l'Egypte. »

CHAPITRE XXIV.

DE PHILOH SUR LE MÊME.

Philon dans le 14e livre de sou poème sur Jérusalem, rend témoignage aux livres saints en ces termes :

« Ce guide sublime, qui leur prépara la demeure la plus heureuse de toute la terre, c'est le Très-Haut. Comme auparavant
Joseph, descendant d'Abraham et d'Isaac, fils de Jacob, père d'une belle famille, ayant interprété les songes, devint porteur du sceptre sur les trônes d'Égypte, combinant les secrets de l'avenir avec l'abondance actuelle. »

Et ce qu'on lit ensuite; voici pour Joseph. « Écoutez ce que le même (65) raconte sur Job.

CHAPITRE XXV.

D'ARISTÉE SUR JOB. 

« Aristée dit dans son livre des Juifs, qu'Ésaü ayant épousé Bassara, dans le pays d'Edom, il eut un fils nommé Job, qui habita dans la contrée d'Ausitis, sur les confins de l'Idumée et de l'Arabie ; ce fut un homme juste et riche en bestiaux, il possédait 7000 moutons, 3000 chameaux, 600 paires de bœufs, 500 ânesses laitières, paissant dans ses pâturages; il avait aussi de vastes champs en labour. Job se nommait précédemment Jobab : (66) Dieu le tentant, il persévéra ; quoiqu'il l'eût plongé dans les plus grandes infortunes. D'abord, il fit enlever par des voleurs, ses ânes et ses bœufs; ensuite ses moutons détinrent la proie du feu du ciel, qui les fit périr avec les bergers. Peu de temps après, ses chameaux furent aussi emmenés par des brigands. Enfin, ses enfants moururent; la maison dans laquelle ils se trouvaient ayant été renversée :le même jour, son corps se couvrit d'ulcères. Étant donc dans la situation la plus abjecte, Eliphas roi des Themanites, Baldad, tyran des Sauchéens et Sophar roi des Mannéens, ainsi qu'Elions fils de Barachiel le Zobite, vinrent le visiter : (ceux-ci cherchant à le consoler, il leur répondit qu'il persévérerait dans la piété, au milieu de ses adversités. Dieu ayant admiré sa longanimité, le délivra de sa maladie et le rendit possesseur de vastes domaines. »

Ce sont là les paroles de Polyhistor sur Job.

CHAPITRE XXVI.

D'EUPOLEMUS SUR MOÏSE.

Le même auteur cite sur Moïse un grand nombre d'autorités, qu'il serait bien de consulter elles-mêmes.

 Eupolemus dit que Moïse fut le premier sage qui enseigna les lettres aux Juifs, que les Phéniciens les tiennent de ceux-ci, et. les Grecs des Phéniciens. Moïse est aussi le premier qui ait écrit des lois pour les Juifs.

CHAPITRE XXVII.

D'ARTAPAN SUR LE MÊME.

« Artapan dit, dans son livre sur les Juifs, que la mort ayant frappé Abraham et son fils Mempsasthenoth, aussi bien que le roi des Égyptiens, le sceptre passa au fils de celui-ci, nommé Palmanoth, qui traita les Juifs avec indignité : D'abord il leur fit bâtir la ville de Céssan (67) et élever le temple que cette ville renferme; ensuite ils construisirent le temple qui est dans Héliopolis. Ce prince donna le jour à une fille nommée Merris, qu'il fiança à un certain Chenephré, (68) qui régnait dans les lieux, au dessus de Memphis; car alors, l'Égypte était soumise à beaucoup de rois. Cette Merris étant stérile, elle adopta un enfant nommé Moyson; les Grecs l'ont appelé Musée, qui devint maître d'Orphée : étant donc parvenu à la virilité, Moyson transmit aux hommes beaucoup d'inventions utiles, telles que les vaisseaux, les grues destinées à soulever et à placer des pierres, les armes dont les Égyptiens l'ont usage, les instruments d'hydraulique, les machines de guerre et la philosophie. Il divisa l'État en trente-six nomes, et ordonna à chacun de ces Nomes, d'adorer un dieu différent, enseigna aux prêtres les lettres sacrées qui sont : les chats, les chiens, les Ibis: il attribua aux prêtres une portion du territoire qui leur fut consacré. Il fit toutes ces choses dans la vue de conserver à Chenephré une monarchie à l'abri des révolutions. (69) Avant ce temps, la populace était indisciplinée, tantôt elle détrônait les rois, puis, les remettait sur le trône ; souvent les mêmes, que quelquefois il remplaçait par des étrangers. Ces institutions firent chérir Moyson par la multitude, et les prêtres lui ayant attribué des honneurs pareils à ceux qu'on décerne à la divinité, le nommèrent Hermès, à cause de Ἑρρηνία (l'interprétation des lettres sacrées). Chenephré voyant tout le mérite de Moyson, conçut de l'envie contre lui, et chercha à le faire périr sous un prétexte spécieux. Les Éthiopiens étaient alors entrés en campagne contre l'Égypte, Chenephré croyant avoir trouvé une circonstance favorable, envoya Moyson avec une armée sous ses ordres pour les combattre. Il rassembla ceux de la même race que lui, supposant qu'en raison de leur faiblesse, ils seraient facilement vaincus par les ennemis, et Moyson étant venu dans le Nome, dit Hermopolite, avec environ 100,000 de ses compatriotes, (70) y établit son camp.

Il envoya en avant de lui, dans la contrée, ceux des chefs de division qu'il connaissait comme devant se signaler dans les combats. Artapan dit que les Héliopolites assurent que cette guerre avait duré dix ans. Moyson, à cause de la force de l'armée qu'il avait sous ses ordres, construisit une ville dans ce lieu et y consacra le culte de l'ibis, parce que cet oiseau fait périr les animaux nuisibles à la race humaine.  On nomma cette ville Hermopolis.  les Éthiopiens, encore qu'ils fussent ses ennemis, portèrent une si grande affection à Moyson qu'il apprirent de lui la Circoncision.  Cependant, tous les prêtres et Chenephré avec eux, lorsque la guerre fut terminée, l'accueillirent bien extérieurement ; mais, dans le fait, lui tendirent des embûches.  Ayant modifié son armée, le roi en envoya une partie sur les frontières de l'Éthiopie, comme pour les couvrir; il ordonna aux autres de démolir le temple construit en briques cuites qui était à Diospolis, et d'en élever un nouveau en pierres, en tirant eux-mêmes les pierres d'une montagne voisine; il confia la surveillance de cette construction à Nacherot (71). Celui-ci étant venu à Memphis avec Moyson, questionna ce dernier pour savoir s'il connaissait encore quelque invention utile aux hommes. Moyson répondit que la race des bœufs pouvait servir à labourer la terre. Alors Chenéphré ayant donné au taureau le nom d'Apis, il ordonna que cette multitude lui élevât un temple, et fit transporter dans ce lieu tous les animaux consacrés par Moyson pour les y enterrer, voulant ainsi obscurcir les découvertes de Movson. Ayant, par ce moyen, cherché à aliéner l'attachement des Égyptiens pour Moyson, ils firent prêter serment à tous leurs amis, afin qu'ils ne révélassent pas à Moyson le complot formé contre lui, et demandèrent quels seraient ceux qui voudraient se charger de le tuer. Personne ne se présentant, Chenéphré injuria Chanethoth auquel il adressa surtout la parole; celui-ci ayant été insulté, promit de se charger de l'exécution, en prenant son temps. Sur ces entrefaites, Merris étant morte, Chenéphré promit à Moyson et à Chanethoth de leur remettre son corps, afin que, le transportant dans les régions au-dessus de l'Égypte, ils lui rendissent les devoirs de la sépulture, en supposant que Moyson serait tué par Chanethoth. Lorsqu'ils cheminaient, un des complices découvrit à Moyson la trame ourdie contre lui; ce dernier se tenant sur ses gardes, ensevelit Merris et donna son nom au fleuve cl à la ville qu'il bâtit sur ses vives : les habitants, en effet, honorent Merris presqu'à l'égal d'Isis. Aaron, frère de Moyson, ayant connu le piège tendu à son frère, lui conseilla de fuir en Arabie, ce qu'il fit, d'après son avis. En traversant le fleuve au près de Memphis, Chanethoth ayant eu avis de la fuite de Moyson, fit des dispositions pour qu'il pérît dans une embûche elle voyant venir à lui, il tira son glaive contre lui ; mais Moyson le prévenant saisit sa main, et tirant lui-même son épée, tua Chanetholh. Il se réfugia en Arabie et y vécut auprès de Raguel qui régnait dans ce pays : ce prince voulut faire la guerre aux Égyptiens dans l'intention de ramener Moyson et pour assurer un royaume à sa fille et à son gendre ; mais Moyson l'en empêcha, dans la prévoyance des dangers auxquels il exposerait ses compatriotes; cependant tout en défendant à Raguel de faire ouvertement la guerre, il fui conseilla d'ordonner aux Arabes de faire des incursions en Égypte. Vers le même temps Chenephré mourut, atteint le premier de tous les hommes de l'éiéphantiasis : il fut frappé de cette maladie pour avoir prescrit aux Juifs de ne se vêtir que d'étoffes de lin, leur interdisant les vêtements de laine, afin qu'étant plus en évidence, il pût se livrer contre eux à des actes d'injuste violence. Mais Moyson adressa des prières à Dieu pour qu'il mît un terme aux tribulations de ces peuples., Dieu ayant été touché de ses prières, fit sortir des feux souterrains qui brûlaient, quoique le bois et toutes les matières combustibles manquassent dans ces lieux. Moyson effrayé de ce qui venait d'arriver, prit la fuite; mais une voix divine lui ayant dit de faire la guerre en Égypte, de sauver les Juifs et de les ramener dans leur ancienne patrie, il reprit courage et se décida à conduire une forte armée contre les Égyptiens. D'abord il vint trouver son frère Aaron. Le roi des Égyptiens ayant eu avis de la présence de Moyson, l'appela près de lui et lui demanda dans quelle intention il était venu; celui-ci lui ayant répondu que le maître de l'univers lui avait ordonné d'affranchir les Juifs, à cette réponse, le roi le fit enfermer dans une prison; mais la nuit suivante, toutes les portes de la prison s'étant ouvertes d'elles-mêmes, une partie des gardiens périt, les autres furent ensevelis dans le sommeil, et leurs armes furent brisées. Moyson étant sorti de prison, vint au palais et y entra, en ayant trouvé les portes ouvertes et les gardes endormis, il éveilla le Roi. Celui-ci, frappé de cet événement, ordonna à Moyson de lui nommer le Dieu qui l'avait envoyé, dans l'intention de. s'en moquer; mais Moyson s'étant incliné vers lui pour le lui dire dans l'oreille, le Roi, dès qu'il l'eut entendu, tomba sans voix et sans mouvement et fut rappelé à la vie par Moyson. Ayant, eu conséquence, écrit ce nom sur des tablettes, il les scella ; et l'un des prêtres qui parla avec mépris du nom inscrit sur les tablettes, fut saisi d'un spasme qui lui ôta la vie. Le roi dit alors à Moyson de faire en sa faveur un prodige, il jeta aussitôt sa verge qui devint un serpent. Les assistants s'en étant effrayés, il saisit ce serpent par la queue, l'éleva de terre, et il redevint une verge. Puis, après quelque temps, il frappa le Nil de cette verge, et le fleuve étant devenu gonflé par les eaux, submergea toute l'Égypte. (C'est de là que datent son augmentation et sa réduction périodiques). L'eau, en se séchant, s'empoisonna par la mort des poissons, et les hommes moururent de soif. Le roi, témoin de ces prodiges, dit qu'après le mois révolu, il délivrerait les peuples, si le fleuve rentrait dans son lit. Alors Moyson frappa l'eau avec sa verge, et le courant se resserra. Quand cela eut eu lieu, le roi convoqua les prêtres de Memphis et leur dit qu'il allait les faire tous périr et qu'il ferait démolir les temples, s'ils ne faisaient pas aussi des prodiges ; ceux-ci alors, par certains moyens magiques et par des enchantements, firent un serpent et changèrent la couleur du fleuve,

« Le roi sentant son audace renaître par ce qui venait d'avoir lieu, exerça envers les Juifs toute sorte de sévices et de châtiments. Moyson voyant cela, fit de nouveaux signes; il frappa la terre de sa verge, il en sortit un animal ailé qui affligea tous les Égyptiens, en couvrant leurs corps d'ulcères, et comme les médecins ne pouvaient guérir ceux qui en étaient atteints, les Juifs obtinrent un relâchement dans la persécution à laquelle ils étaient en lutte. Ensuite Moyson fit survenir des grenouilles, après celles-là des sauterelles et des moucherons. C'est le motif pour lequel les Égyptiens ont consacré une verge dans tous leurs temples, comme une offrande à Isis, parce qu'Isis représente la terre, laquelle étant frappée de la verge donna naissance à tous ces prodiges. Le roi persévérant dans sa démence, Moyson fit se succéder des grêles et des tremblements de terre nocturnes, de sorte que les hommes en fuyant les commotions du sol étaient écrasés par les grêlons, et que ceux au contraire qui voulaient se soustraire à la chute de la grêle, périssaient par les commotions : tontes les maisons et la plupart des temples tombèrent alors (72); enfin le roi, harcelé par toutes ces calamités, laissa les Juifs se retirer. Ceux-ci ayant emprunté aux Égyptiens beaucoup de coupes, des vêtements nombreux, et des richesses d'autre nature en grande quantité, ayant traversé les fleuves qui sont vers l'Arabie, et mis entre eux et les Égyptiens un vaste espace, arrivèrent le troisième jour à la mer Rouge. Les habitants de Memphis disent que Moyson ayant acquis la connaissance du flux et reflux de la mer Érythrée, mit à profit le moment où la mer se retiré pour faire passer cette multitude. Les habitants d'Héliopolis disent que le roi se mit à leur poursuite avec une nombreuse armée, et s'étant fait accompagner des animaux sacrés, parce que les Juifs ayant emprunté aux Égyptiens leurs richesses, les emportaient dans leur fuite. Cependant Moyson ayant entendu une voix divine, toucha l'eau avec sa verge, et aussitôt la fluidité de l'eau s'arrêta, et l'armée marcha sur le terrain solide. Les Égyptiens suivant la même route en les poursuivant, il dit que le feu brilla devant eux, et que la mer inonda leur voûte. Tous les Égyptiens périrent par le feu et le débordement. Les Juifs fuyant le danger, passèrent trente ans dans le désert, Dieu, faisant pleuvoir sur eux un gruau semblable à du millet, et dont la couleur se rapprochait de celle de la neige. Quant à Moyson, le même auteur dit qu'il était grand, roux, ayant la télé couverte d'une épaisse chevelure blanche, et que son aspect était vénérable. Il fit tous ces prodiges étant âgé d'environ 89 ans(73). »

CHAPITRE XXVIII.

TIRÉ D'ÉZÉCHIEL SUR LE MÊME SUJET.

Ézéchiel, poète (74) tragique, rapporte l'histoire de Moyse, savoir : son exposition par sa mère, dans le marais, son adoption et son éducation par la fille du roi, en la faisant remonter à l'arrivée de Jacob en Égypte auprès de Joseph. Il s'exprime ainsi, mettant en scène Moïse lui-même.

« Depuis que Jacob, quittant la terre de Chanaan, descendit en Égypte, en menant avec lui 70 âmes, il donna naissance à un peuple nombreux et opprimé qui, jusqu'à ce jour, lutte contre la persécution d'hommes pervers, agissant sous les ordres d'un monarque. Le roi Pharaon voyant notre nation se multiplier grandement, imagina toutes sortes de ruses pour la perdre, accablant les malheureux mortels sous le faix des constructions de villes et de citadelles et les poussant au désespoir ; ensuite il fit proclamer l'ordre à la race des Hébreux de jeter leurs enfants mâles dans le courant du fleuve. C'est dans ce temps que ma mère, qui m'avait caché pendant trois mois, comme elle me l'a dit depuis, ayant été découverte, me déposa, après m'avoir enveloppé d'insignes, pour me reconnaître, dans un relai d'eau couvert de joncs, au bord du fleuve. Ma sœur Mariane observait de loin ce qui allait se passer : alors la fille du roi, avec ses servantes, descendit sur le rivage pour rafraîchir l'éclat de sa peau dans les ondes du fleuve ; m'ayant vu, aussitôt elle me prit et m'éleva de terre, puis reconnut que j'étais Hébreu : ma sœur Mariane étant accourue, parla ainsi à la princesse : Voulez-vous que je vous découvre sur le champ une nourrice, parmi les femmes des Hébreux, pour cet enfant ? La princesse fit un signe d'assentiment ; ayant donc couru vers sa mère, Mariane le lui dit : ma mère parut sans délai et me prit dans ses bras. La fille du roi lui parla en ces termes : Nourrissez cet enfant, à femme, et je vous paierai le prix de vos soins. Elle me donna le nom de Mosé, parce qu'elle m'avait relevé des bords inondés du fleuve. »

Après d'autres narrations sur le même sujet, le poète Ezéchiel, dans sa. tragédie, fait paraître Moïse. sur la scène parlant ainsi :

« Après que ma première enfance se fut écoulée, ma mère me ramena au palais de la princesse, m'ayant bien endoctriné et répété quelle était ma race paternelle, et les bienfaits dont Dieu l'avait comblée. Tandis que je fus dans l'âge qui précède l'adolescence, la princesse se livra aux soins de mon éducation et de mon instruction, comme si elle m'avait porté dans son sein; mais lorsque le cercle de mon adolescence fut accompli, je désertai là demeure royale : mon ressentiment et les artifices du roi m'en faisaient un devoir. Je vois d'abord deux hommes aux prises, l'un appartenait à la race des Hébreux, et l'autre était Égyptien : reconnaissant que nous étions isolés et sans témoins, je défendis mon frère et tuai son adversaire. Je le cachai aussitôt dans Je sable, afin qu'un tiers ne pût pas nous voir et ne vînt à révéler ce meurtre. Le jour suivant je vis encore deux hommes de ma race, dans la chaleur d'une  lutte mutuelle : (75)Je dis à l'un d'eux, pourquoi ne frappes-tu un plus faible que toi? Lequel me répondit : Qui t'a envoyé comme notre juge ou notre gouverneur en ce lieu? me tueras-tu comme l'homme d'hier? Alors, saisi de crainte, je me dis : Comment cela a-t-il pu se divulguer ? n'y a-t-il pas déjà quelqu'un qui ait rapporté ce fait au roi? et Pharaon cherche peut-être à m'arracher la vie! Ayant donc entendu cette réponse, je me hâtai de me soustraire par la fuite, et je suis errant sur une terre étrangère. »

Après quoi il ajoute, relativement aux filles de Raguel :

« Je vois sept jeunes filles. Moïse ayant demandé de qui elles étaient filles : Toute cette terre, dit Sepphora, ô étranger, s'appelle la Lybie ; des tribus de différentes origines y ont fixé leur séjour, ce sont des Éthiopiens à la peau noire; le monarque de cette terre gouverne sans contrôle, il règne dans cette ville .et y juge ses sujets, dont il est le prêtre ; c'est mon père et celui de mes sœurs que voici. Ensuite, passant sur l'assistance qu'il leur donna pour abreuver leurs bestiaux, il vient à parler du mariage de Sepphora, amenant  un dialogue entre elle et Chous.

« Chous. — Cependant ô Sepphora, vous devez me dire ce qui en est ?

« Sepphora. — Mon père m'a donnée pour épouse à cet étranger.

CHAPITRE XXIX.

DE DÉMÉTRIUS SUR LE MÊME.

Démétrius dit absolument les mêmes choses que l'écrivain des livres sacrés sur le meurtre de l'Égyptien, et sur l'altercation entré Moïse et celui qui révélait la mort du premier, savoir : que Moïse se sauva à Madian, et qu'il y épousa Sepphora fille de Jothor, de laquelle, si on peut conjecturer d'après les noms, on doit croire qu'elle descendait, par Chettura, d'Abraham. D'Abraham et de Chettura naquit lexan, d'I'exan naquit Dadan, de Dadan Raguel et de Raguel Jothor et Abab, enfin de Jothor Sepphora, qui épousa Moïse. Il y a concordance dans la suite des générations, en ce que Moïse était le septième dans sa liguée  à partir d'Abraham, et Sepphora seulement la sixième. En effet, Isaac était déjà marié (or, c'est de lui que provint Moïse) lorsqu'Abraham épousa Chettura étant âgé de 140 ans, et il engendra d'elle pour second enfant Jexan (76). Il avait engendré Isaac à l'âge de cent ans, en sorte que Jexan était venu au monde plus.de 40 ans après Isaac, et c'est de lui que Sepphora tire son origine. Il n'y a donc aucun anachronisme à ce que Moïse et Sepphora aient été contemporains; ils habitaient la ville de Madian, qui avait reçu son nom d'un des enfants d'Abraham; car il dit (l'historien sacré) (Genèse, chapitre 25. 6) qu'Abraham envoya ses enfants se fixer dans les régions orientales. Voici la cause pour laquelle Aaron et Marie disent dans Aseroth (e) que Moïse avait épousé une Éthiopienne;

CHAPITRE XXX.

ÉZÉCHIEL SUR LE MÊME

Ézéchiel en parle également dans son Ἐξαγωγῇ, n'ayant fait le récit d'un songe qui était apparu à Moïse, et dont son beau-père lui donne l'explication. Moïse s'exprime ainsi dans son dialogue avec son beau-père :

« (77) Je crus voir sur le sommet d'une montagne un trône élevé jusqu'au ciel, sur lequel était assis un noble personnage, avec le diadème sur la tête et le sceptre dans sa main gauche; de la droite il me fit un signe de bienveillance et je me tins devant son trône; il me donna un sceptre, me dit de m'asseoir sur un grand trône, me plaçant le diadème sur la tête, en descendant lui-même de son trône. Alors je vis autour de moi tout le globe terrestre, la terre sons mes pieds et le ciel au-dessus de moi ; aussitôt une fou]e d'astres vinrent se précipiter à mes genoux et je les comptai tous, ils se rangeaient autour de moi comme une armée de mortels : c'est alors que je m'éveillai de mon rêve (78). »

Raguel son beau-père explique ainsi ce songe,

« O étranger, Dieu vous a montré en cela une destinée glorieuse. Puisse-je vivre encore lorsque ces choses vous arriveront; certes, vous devez relever un grand trône. vous serez l'arbitre des mortels, que vous conduirez sous vos lois; c'est ce que signifie la vision que vous avez eue de l'univers entier. Quant à la séparation de la terre en bas et du ciel de Dieu, ce
la veut dire que vous con-. naîtrez les choses présentes, passées et futures. »

Ézéchiel parle aussi du buisson ardent, de sa mission vers Pharaon, et dans cette scène, le colloque a lieu entre Dieu et Moïse. C'est Moïse qui parle :

Moïse. — « Mais quel signe dois-je tirer de ce buisson merveilleux,prodige incroyable pour les mortels : un buisson brûle avec force dans la partie supérieure, et toutes les plantes qui l'environnent conservent leur verdure. En m'approchant, j'observerai mieux cette merveille la plus étonnante, à laquelle les hommes ne voudront pas croire. »

Alors Dieu lui adresse la parole :

Dieu - «  Arrête, ô Moïse, et ne t'approche pas avant d'avoir quitté tes chaussures. Cette terre que tu foules est sainte, et c'est le Verbe divin qui brille devant toi dans ce buisson. Prends courage, ô mon fils, et entends ce que je vais te dire; quant à me voir, cela est interdit à tout être mortel; il ne t'est permis que d'entendre de moi les causes pour lesquelles je suis venu. Je suis le Dieu de ceux que tu nommes tes pères, d'Abraham, d'Isaac, et en troisième, lieu de Jacob : rappelle leur souvenir à ta mémoire, et celui des bienfaits dont je les ni comblés. Je viens pour sauver le peuple hébreu qui m'appartient, en voyant les afflictions et les tourments qu'endurent mes serviteurs. Mets-toi en route, et va rendre témoignage à mes paroles, d'abord auprès des Hébreux que tu convoqueras, puis auprès du roi auquel tu communiqueras mes ordres, pour que tu conduises mon peuple hors de cette terre. »

 Ensuite, ayant fait succéder quelques interlocutions, Moïse s'exprime ainsi :

« Je ne suis pas éloquent, ma langue a peine à articuler, je bégaye, en sorte que je n'oserai jamais adresser la parole au roi. »

A quoi Dieu répond :

« Envoyé Aaron ton frère au plus tôt, après lui avoir rapporté tout ce que tu sais de moi. C'est lu!qui parlera devant le roi, il tiendra de toi ce que tu as appris de ma voix. »

Quant  à la verge et aux autres prodiges, voici comme il en parle dans ce dialogue :

Dieu. — « Que tiens-tu à la main? dis-le moi sans retard. »

Moïse — « C'est un bâton avec lequel je corrige les animaux et les hommes. »

Dieu. — « Jette-le par terre, et fuis au plus vite; car il deviendra un dragon formidable, au point de t'étonner. »

Moïse — « Voici, je l'ai jeté. Oh! ayez compassion de moi !, qu'il est effrayant j qu'il est monstrueux! Ayez pitié de moi, je frémis en le voyant : tous mes membres sont saisis de tremblement.  »

Dieu. — « Ne crains rien : étends la main et saisis sa queue, il redeviendra un bâton tel qu'il était auparavant. Mets ta main dans ton sein, puis retire-la.  »

Moïse. — « J'ai fait ce que vous m'avez ordonné ; ma main est blanche comme la neige.  »

Dieu. — « Remets-la dans ton sein. elle redeviendra comme elle était auparavant. »

Après avoir cité ces choses et plusieurs autres, Alexandre continue :

« Voici de quelle manière, dans la sortie d'Égypte, Ézéchiel s'exprime sur les signes que Dieu opéra. A l'aide de cette verge, tu leur feras tout le mal possible. D'abord le fleuve, les fontaines et tous les réservoirs d'eau ne rouleront que du sang, j'enverrai sur le terrain solide une multitude de grenouilles et des insectes venimeux, puis des cendres de fourneau qui produiront des ulcères cuisants sur les corps humains. Une espèce de mouche de chien succédera et causera des sensations douloureuses à beaucoup d'hommes de l'Egypte; ensuite viendra la peste, et tous ceux dont le cœur est endurci, périront. Le ciel se contractera, et une grêle mêlée de feu causera la mort aux mortels, les fruits dessécheront et les corps d'animaux périront. Je ferai naître des ténèbres qui dureront trois jours entiers, j'enverrai des sauterelles qui dévasteront toutes les plantes alimentaires et l'herbe des prairies. Après toutes ces choses, je ferai mourir les premiers nés des humains, et je mettrai un terme à l'arrogance des hommes pervers, quant à Pharaon, il n'éprouvera aucune des afflictions que je viens de dire sinon que son fils premier-né mourra. C'est alors qu'effrayé, il renverra aussitôt le peuple. Vous direz à la multitude des Hébreux : Ce mois est pour vous le premier de l'année, celui dans lequel je guiderai le peuple dans une autre terre, terre que j'ai promise aux pères des Hébreux. Vous direz à tout ce peuple : pendant ce même mois, lorsque la lune aura parcouru la moitié de son cours, dans la nuit. qui précédera, vous immolerez à Dieu la Pâque, et vous teindrez du sang de la victime la porte de vos maisons, afin que cela serve de marque à l'ange terrible lorsqu'il passera; puis vous en mangerez la viande rôtie. Le roi alors se hâtera de vous renvoyer en masse, et lorsque vous serez sur le point de partir, je ferai une chose agréable au peuple, chaque femme recevra de sa voisine les vases et tout ce qui sert à la toilette, en or et en argent, et les vêtements, afin de se payer ainsi du salaire de leurs travaux. Comme enfin vous serez parvenus dans le lieu qui vous est destiné, après avoir marché pendant sept jours depuis celui où vous aurez quitté l'Égypte ayez soin chaque année de manger, pendant un nombre de jours égal, des pains sans levain, et de consacrer ce temps au service de Dieu, offrant à Dieu en sacrifice, les premiers nés des animaux, et lui consacrant dans la race humaine, les premiers fruits mâles conçus dans le sein des épouses. »

Il l'exprime, au sujet de la même fête de la manière dont on la célèbre: ce que le même auteur décrit avec exactitude.

« Au 10e jour de ce mois, prenez par famille d'Hébreux, des moutons et des veaux sans imperfections et conservez-les jusqu'à ce que le 14e jour vienne à luire, et vers le soir, les immolant, vous les mangerez entièrement, rôtis avec tous les membres de la famille. Vous ceindrez vos reins, vous chausserez vos pieds de fortes chaussures (79), et vous tiendrez un bâton à la main. Car le roi aura la plus grande hâte de vous voir partir tous, et sans en excepter un seul. Lorsque vous aurez immolé la victime, vous devez vous saisir d'une poignée de branches d'hyssope que vous plongerez dans son sang, pour en teindre les deux jambages de votre porte, afin que la mort passe outre aux maisons des Hébreux. Vous conserverez pendant sept jours, où vous ne mangerez que des azymes, l'usage de cette fête consacrée au Seigneur. Aucun levain n'entrera dans vos aliments; car ce sera le terme de vos maux. Dieu a fixé ce mois pour votre délivrance (80), il sera donc pour vous le premier des mois et le commencement des années.»

— Voici comment, après d'autres citations. continue Alexandre; dans son drame intitulé, Ἐξαγωγή, Ézéchiel faisant apparaître un envoyé qui retrace l'inquiétude des Hébreux et la destruction des Égyptiens, dit :

« Lorsque le roi Pharaon se mit en campagne, à la tête d'une multitude formée déplus de 10,000 hommes pesamment armés, de toute sa cavalerie, de chars traînés par quatre chevaux, qu'accompagnaient beaucoup de généraux et d'aides de camp, l'effroi qu'inspirait cette armée régulière était universel. Les fantassins et la phalange occupaient le centre, laissant les flancs aux chars qui se livraient à des évolutions; quant aux cavaliers, il les avait partagés, une moitié à la droite et l'autre à la gauche de l'armée. Je m'informai du nombre des combattants, et j'appris qu'ils formaient un total d'un million d'hommes dans la fleur de l'âge. Quand nous fûmes en présence de l'armée des Hébreux, ceux qui se trouvaient répandus plus près de nous sur le rivage de la mer Rouge, se hâtèrent de se rassembler : les uns donnaient la nourriture à de faibles enfants, partageant avec leurs épouses les soins de leur conduite, au milieu de nombreux troupeaux et de l'embarras de leur bagage. Aussitôt tous ces êtres désarmés, prêts à être atteints, jetèrent, en nous voyant, des cris alarmants, s'arrêtèrent en versant des pleurs et levant les mains au ciel pour implorer le Dieu de leurs pères. Cette multitude était considérable. La joie au lieu de cela éclatait dans nos rangs. Nous dressâmes donc nos tentes près d'eux, dans un lieu qui se nomme Béelzéphon. Tandis que Titan, Dieu du jour, demeura dans l'ombre, nous nous tînmes en repos, voulant commencer le combat dès l'aurore, pleins de confiance dans notre nombre et l'effroi de nos armes. C'est alors que Dieu commença à faire voir ses prodiges. D'abord une colonne immense et ténébreuse se plaça entre nous et l'armée des Hébreux. Puis, leur chef Moïse prenant en main la verge qu'il tenait de Dieu, avec laquelle il avait opéré tant de funestes. miracles en Égypte, frappa le dos de la mer Rouge dont les flots se divisèrent aussitôt. Les Hébreux se pressèrent en foule sur la ligne que l'onde amère avait abandonnée. Nous voulûmes sans retard nous mettre sur leurs traces; mais des ténèbres profondes nous enveloppèrent .et nous arrêtèrent an milieu de notre course. Les roues des chars cessèrent de tourner sur elles-mêmes, et restèrent comme enchaînées. Une lueur semblable à celle d'un grand feu descendit du firmament à nos regards étonnés; autant que nous pûmes le conjecturer, c'était Dieu lui-même qui prenait leur défense. Mais à peine avaient-ils atteint la rive opposée, une vague énorme, accompagnée d'un sifflement épouvantable, vint fondre sur nous. A cette vue, chacun s'écria: Fuyons vers nos demeures, pour nous soustraire à la main du Très-Haut; c'est lui qui s'est chargé de combattre pour eux et qui s'acharne à notre perte, malheureux que nous sommes. Aussitôt le chemin qui traversait la mer Rouge fut submergé et l'armée entière fut engloutie.»

Puis ensuite, après une route de trois journées à partir de ce lieu ( comme le rapporte aussi Démétrius, et les livres saints sont en ce point d'accord avec lui), le peuple n'ayant pas d'eau douce, mais de l'eau amère, Dieu ordonna, à Moïse de jeter un certain bois dans la source, ce' qui rendit l'eau potable. De là. ils vinrent à Elim (f), où ils trouvèrent 12 fontaines et 70 palmiers. Ézéchiel fait, ici intervenir un interlocuteur, dans son Ἐξαγωγή; lequel adressant la parole à Moïse, lui parle de ces choses et d'un oiseau qu'il a vu. Voici d'abord comme il parle des palmiers et des fontaines :

Moïse, prêtez votre attention au lieu que nous avons découvert dans cette vallée fleurie, que vous pouvez apercevoir d'ici. C'est de ce point que brillait cette lumière céleste, qui, comme une colonne de feu, nous dirigeait pendant la nuit. Là nous trouvâmes une prairie ombragée des vallons frais et arrosés ; le sol fertile est enrichi de productions abondantes. Douze sources s'échappent d'un même rocher, d'énormes troncs de palmiers, considérables- en quantité, y regorgent de fruits; on en compte dix fois sept, et l'herbe qui le tapisse sera pour nos troupeaux un pâturage exquis.»

Un peu plus bas, il en vient à la description de l'oiseau qui lui a apparu.

« Après toutes ces choses, nous y vîmes un animal étrange, merveilleux, tel que personne n'en  jamais vu. Il présente un volume à peu près double de celui d'un aigle, le plumage répandu sur son corps brille de couleurs différentes; son estomac est du plus vif incarnat, ses jambes d'un rouge plu 'terne, son col éblouissait par des reflets d'or: sa tête est semblable, par la crête à celle des coqs domestiques, et sa pupille d'un jaune pâle est enfermée dans une cornée écarlate. Son chant est le plus noble qu'on puisse entendre; on aurait pu le prendre pour le roi de tous les autres oiseaux, par la manière craintive dont ceux-ci se pressaient derrière lui. A la tête de cette troupe, semblable à un taureau superbe, il s'avançait d'un pas rapide à notre rencontre (80a). »

Après quelques détails nouveaux, il recherche comment les Israélites étant sortis de l'Égypte sans armes, avaient pu s'en procurer. Il dit qu'après avoir marché pendant trois jours et avoir offert leur sacrifice, ils retournèrent sur leurs pas. II paraît donc qu'ils s'emparèrent des armes de ceux des Égyptiens qui n'avaient pas été submergés.

CHAPITRE XXXΙ.

TIRÉ D'EUPOLÈMUS, CONCERNANT DAVID, SALOMON ET JÉRUSALEM.

« Eupolèmus dit dans un écrit sur la prophétie d'Élie, que Moïse prophétisa pendant 40 ans, ensuite Jésus, fils de Naum, pendant 30 ans; car il vécut 110, et il fixa dans Siloé le saint tabernacle. Après ces temps vint le prophète Samuel; ensuite, par la volonté de Dieu signifiera Samuel, Saul fut élu roi : il régna pendant 21 ans; après quoi David son fils eut l'autorité souveraine.(81) Ce fut lui qui subjugua les Syriens, qui habitent sur les bords de l'Euphrate, la Commagène, les Assyriens qui sont fixés dans la Galadène, et les Phéniciens. Il fit également la guerre contre les Iduméens, les Ammanites, les Moabites, les Ituréens, les Kabatéens (82), et les Nabdéens; il entra en campagne aussi contre Suron, roi de Tyr et de Phénicie, et contraignit ces peuples à payer des tributs aux Juifs. Il lia amitié avec Vaphrès, roi des Égyptiens. David ayant voulu construire un temple à Dieu, le pria de lui montrer là place du sanctuaire. Alors il vit un ange qui se tenait au-dessus du lieu où l'autel fut consacré, dans Jérusalem, qui lui défendit d'élever un temple parce qu'il s'était souillé de sang humain, ayant fait la guerre pendant de longues années. Le nom de cet ange était Diatiathan (83); il lui ordonna au contraire de remettre à son fils le soin de celte construction, et qu'il se bornât à tout préparer à cet effet, l'or, l'argent, le bronze, la pierre, les bois de cyprès et de cèdres. David ayant reçu cet avis, fit construire des vaisseaux à Aelan (84), ville d'Arabie, pour les envoyer dans l'île d'Ophir, située dans la mer Érythrée, pour y recueillir les métaux; cette île en effet renferme des mines d'or. Cet or était transporté ensuite de ce lieu en Judée. Après avoir régné 40 ans, David laissa la couronne à son fils Salomon, âgé de 12 ans, en présence du grand-prêtre Héli (85), et des chefs de chacune des 12 tribus. Il lui livra en même temps l'or, l'argent, le bronze et la pierre, avec, les bois de cyprès et de cèdre, après quoi il mourut. Salomon étant roi écrivit à Vaphrès (86), roi d'Égypte, la lettre que nous allons transcrire. »

CHAPITRE XXXII.

SALOMON AU ROI D'ÉGYPTE VAPHRÈS, SON AMI PAR SUCCESSION PATERNELLE, SALUT.

« Sachez que, parle secours du Dieu très-grand, j'ai hérité de la royauté de David, mon père, qui m'a ordonné de bâtir un temple à Dieu, créateur du ciel et de la terre. Je vous écris en même temps pour vous prier de m'envoyer des gens de votre nation qui me seconderont jusqu'à l'accomplissement de cette œuvre, ainsi qu'elle m'a été commandée. »

CHAPITRE XXXIII.

LE ROI VAPHRÈS AU GRAND ROI SALOMON, SALUT.

« J'ai éprouvé une joie très vive a la lecture de votre lettre, et j'ai considéré comme un jour fortuné pour moi et toute mon armée, celui où vous avez reçu le pouvoir suprême des mains d'un prince vertueux et agréé par un aussi grand Dieu. Quant à ce que vous me mandez sur les hommes pris parmi mes sujets, je vous en envoie 80,000, et je vous fais connaître les populations auxquelles ils appartiennent : du nome Séthroite (87), 10,000; des nomes Mendésien et Sébénithe, chacun 20,000; des nomes ; Bousirite, Léontopolitain et Atribtlain, chacun 10,000. Ayez soin de pourvoir à leurs nécessités et, en outre, de maintenir l'ordre parmi eux, afin de les renvoyer dans leur patrie dès que vous cesserez d'en avoir besoin. »

CHAPITRE XXXIV.

LE ROI SALOMON, A SOURON (88) ROI DE TYR, DE SIDON ET DE LA PHÉNICIE, SON AMI ET CELUI DE SON PÈRE.

« Apprenez que j'ai recueilli par la grâce du Dieu très grand le royaume de David, mon père, avec l'injonction de construire un temple au Dieu qui a créé le ciel et la terre. Je m'empresse donc de vous écrire pour vous prier de m'envoyer des hommes de votre peuple qui me seconderont dans ce travail jusqu'à ce que j'aie amené à son terme cette dette envers la divinité, ainsi qu'elle m'a été imposée. J'ai écrit en Galilée, dans le pays de Samarie, aux Moabites, aux Anamites, au» Galadites, de me fournir, mois par mois, des productions de leur sol, tout ce qui m'est nécessaire, dix mille coros de froment (le coros équivaut à six artabes), dix mille coros de vin (le coros de vin est égal à dix mètres ) ; l'huile et les autres approvisionnements seront tirés de la Judée ; les bestiaux destinés à la boucherie viendront de l'Arabie.

CHAPITRE XXXV.

SOURON AU GRAND ROI SALOMON, SALUT.

« Béni soit le Dieu qui a fait le ciel et la terre, et qui a fait choix du fils excellent d'un excellent père. Je me suis livré à la joie en lisant la lettre que j'ai reçue de vous, et j'ai béni Dieu de vous avoir fait recueillir la souveraineté. Quant à ce sur quoi vous m'écrivez, c'est-à-dire sur ceux de mes sujets que vous, me demandez, je vous envoie 80,000 Tyriens et Phéniciens, ainsi qu'un architecte né à Tyr d'un père Tyrien et d'une mère Juive de la tribu de David (89) ; vous pouvez l'interroger sur tout ce qui, sous le ciel, a rapport à l'architectonique, il vous en rendra compte et sera en état de l'exécuter. De même, vous ferez bien d'écrire aux épargnes des diverses résidences pour qu'ils pourvoient aux besoins de tous les ouvriers qui vous sont envoyés. »

Ayant donc pris l'assurance que les amis de son père lui resteraient fidèles, Salomon parcourut la montagne de Liban, et avec l'aide des Tyriens et des Sidoniens, en rapporta les bois que son père avait fait couper d'avance, prenant la mer jusqu'à Joppé,  et de là les transportant par terre jusqu'à Jérusalem. Il commença la construction du temple de Dieu étant âgé de treize. ans, employant à cette œuvre les nations que nous venons de nommer: les douze tribus juives fournissaient à ces 160,000 ouvriers tout ce qui leur était nécessaire, chaque tribu pendant la durée d'un mois. Les fondations furent jetées sur un espace en longueur et largeur de 60 coudées (90), la largeur des murs de la fondation étant de 10 coudées. C'était la mesure que le prophète de Dieu, Nathan, lui avait commandée. La bâtisse se composait alternativement d'une travée en pierre et d'un enchevêtrement en bois de cyprès, les deux parties étant liées entre elles par des crampons de fer à queue d'aronde, du poids d'un talent. Le tout était construit de manière que les parements extérieurs étant de fort bois de cèdre ou de cyprès, dissimulaient entièrement la construction en pierres de l'intérieur. Le temple était tout doré en dedans par des applications de briques d'or d'une dimension de cinq coudées qui étaient assujetties par des clous d'argent du poids d'un talent, en forme de gorge et au nombre de 4 pour chaque brique; il était ainsi doré du pavé jusqu'au comble; le plafond était revêtu de lambris d'or et la couverture était en bronze formée de plaques coulées et soudées.

« Il fit faire deux colonnes de bronze dorées entièrement, de l'or le plus pur à l'épaisseur d'un doigt : ces colonnes étaient égales en hauteur au temple; la largeur de chacune d'elles, mesurée à la circonférence, était de dix coudées (91). Il les plaça devant le Saint des saints (92), l'une à droite, l'autre à gauche; il fit faire aussi dix candélabres d'or pesant chacun dix talents (93), prenant pour modèle celui que Moïse avait placé dans la tente du témoignage ; il les plaça de chaque côté du tabernacle, les uns à la droite, les autres à la gauche. Il fit des lampes d'or au nombre de soixante-dix, en sorte que chaque candélabre portait sept de ces lampes. Il fit construire les portes du temple qu'il décora en or et eu argent et qu'il recouvrit de lambris de cèdre et de cyprès ; il éleva un portique au côté septentrional du temple, et le soutint par 48 colonnes de bronze; il disposa également une baignoire de bronze de la longueur de 20 coudées, d'une égale largeur et de 5 coudées de liant: elle reposait sur un cercle qui la dépassait d'une coudée. Sa destination était de laver les pieds et les mains des prêtres lorsqu'ils entraient dans le temple. Les supports de cette même baignoire étaient au nombre de douze, fondus et tournés, de hauteur d'homme. Ces soutiens furent placés inférieurement à la baignoire. A droite de l'autel des sacrifices, il fit faire une estrade de bronze de la hauteur de 2 coudées, à la suite de la baignoire, afin que le Roi s'y plaçât lorsqu'il viendrait prier, et qu'il fût vu par tout le peuple des Juifs. Il éleva l'autel des sacrifices dans la dimension de 25 coudées sur 20, sur une hauteur 12 coudées, il fit deux filets (94) de bronze formés de chaînons enlacés, et disposés sur des machines placées au-dessus du temple, de 20 coudées d'étendue, de manière à en couvrir et ombrager tout le comble. A chaque filet étaient suspendues des clochettes d'airain pesant un talent chacune et au nombre de 400. Il fit faire tous ces filets pour mettre les clochettes en branle, afin d'écarter les oiseaux, de les empêcher de se percher sur le temple, de faire des nids sous les larmiers des portes et des portiques et de souiller par leurs ordures le lieu saint. Il enceignit la ville entière de Jérusalem de murailles avec tours et fossés et se fit construire à lui-même un palais. D'abord cet édifice (ἀνάκτορον) fut appelé (Ἱερὸν Σολομῶνος) temple de Salomon ; puis, par corruption du mot, hiéron, la ville entière prit le nom de Hiérousalem,que les Grecs transformèrent dans un nom qui s'en rapproche, Hiérosolyme. Après avoir achevé le temple et terminé l'enceinte des murailles de la ville, Salomon vint à Selom pour y offrir un sacrifice en holocauste au Seigneur, formé de mille bœufs; puis, ayant pris le tabernacle et l'autel du sacrifice, aussi bien que tous les ustensiles qu'avait fait façonner Moïse, il les transporta à Jérusalem, et les plaça dans le Saint des saints. Il y introduisit aussi l'arche sainte, l'autel d'or, le chandelier et la table, ainsi que tous les autres ustensiles sacrés, comme le lui avait commande le prophète. Alors il immola au Seigneur le sacrifice gigantesque composé de 2000 moutons et de 3500 veaux. La totalité de l'or employé dans les deux colonnes et le reste du temple s'élève au poids de 4,600,000 talents; les clous, aussi bien que les ornements d'argent, s'élevèrent à 1232 talents ; le bronze qui servit à la baignoire, aux colonnes et au portique, formait un poids de 18,050 talents. Salomon renvoya les Égyptiens et les Phéniciens chacun dans leur patrie, après leur avoir donné individuellement dix sicles d'or (Le sicle vaut le talent) (95). Il envoya au roi d'Égypte, Vaphrès, 10,000 mesures d'huile, 1000 artabes de dattes, 100 cruches de miel et des aromates ; il envoya à Suron, dans Tyr, une colonne d'or, que celui-ci consacra dans le temple de Jupiter.

CHAPITRE XXXVI.

THÉOPHILE SUR SALOMON.

Théophile déclare que Salomon fit l'envoi au roi de Tyr de tout l'or qui lui resta après la construction; celui-ci en fit fondre une statue représentant sa fille de grandeur naturelle, puis une colonne d'or creuse dans laquelle ou renfermait cette statue.

CHAPITRE XXXVII.

EUPOLEMUS SUR SALOMON.

Eupolémus dit que Salomon fit faire mille boucliers du poids de 500 pièces d'or chacun. Il vécut 52 ans, dont il régna 40.

CHAPITRE XXXVIII.

TIRÉ DE TIMOCHARÈS, CONCERNANT JÉRUSALEM DANS SON HISTOIRE D'ANTIOCHUS.

Timocharès (96), dans l'écrit qu'il a composé sur Antiochus, donne à Jérusalem une circonférence de 40 stades ; il déclare que c'est une ville presque imprenable, étant entourée de toutes parts de précipices abruptes. La ville est abondamment pourvue d'eau, à ce point que les jardins environnants sont arrosés parles eaux qui coulent de la ville. La contrée intermédiaire depuis les dehors de la ville jusqu'à 10 stades de distance, est complètement aride ; au delà de ces 40 stades, elle redevient arrosée.

CHAPITRE XXXIX.

TIRÉ DU SCHOENOMÈTRE DE SYRIE SUR LA MÊME VILLE.

L'ouvrage intitulé Schœnomètre de Syrie, dans sa première partie, dit que Jérusalem est dans une position élevée et abrupte, qu'une partie de la muraille est construite de pierres polies, mais que la majeure partie l'est de pierres noyées dans la chaux. Le périmètre de la ville embrasse 28 stades (97), elle contient une source qui verse d'abondantes eaux.

CHAPITRE XL.

DE PHILON SUR LES EAUX QUI SONT DANS JÉRUSALEM.

Philon, dans son poème sur Jérusalem, dît qu'il y a une source dont l'eau tarit en hiver, et déborde pendant l'été. Voici comme il en parle dans son premier livre (98) :

« En revenant d'en haut, vous verrez la source la plus merveilleuse que je connaisse, qui remplit le lit profond de son cours majestueux par des ondes qui reviennent en abondance ;»

et ce qui suit. Quant à cette richesse d'eau qui la remplit, il ajoute plus bas :

« Le cours qui vient des hauteurs, entraînant dans sa rapidité les eaux de neige, et apportant la joie, suit une pente sinueuse sous les monts couverts de forteresses, et montre, au grand étonnement des peuples, un lit précédemment tapissé d'un sable aride, transformé en un fleuve dont les yeux contemplent de loin l'abondance; »

et ce qui vient à la suite. Après quoi il parle aussi de la source du grand prêtre et indique la manière dont elle a été dérivée en ces termes :

« Des tuyaux cachés sous la terre qui verse les eaux, vomissent à gros bouillons l'onde qu'ils renferment, »

et tout ce qui suit. Mais en voilà assez des emprunts faits à Alexandre Polyhistor.

CHAPITRE XLI.

TIRÉ D'ARISTÉE SUR LE MÊME SUJET (g).

A l'égard des eaux qui sont dans Jérusalem, Aristée, dans le livre qu'il a écrit sur la traduction de la loi des Juifs, rapporte ce qu'on va lire :

« Le saint des saints (99) regarde l'aurore, et l'opistodome est tourné au couchant: tout le sol est pavé de pierres plates, et des pentes sont ménagées, suivant l'opportunité des lieux, pour l'écoulement des eaux; elles sont indispensables pour déterger le sang des victimes, car dans les jours de fêtes, ou y amène des milliers de bestiaux, aussi a-t-on eu soin que l'amas d'eau ne fît jamais défaut. Cette eau provient d'une source placée dans l'intérieur, source intarissable et abondante. Indépendamment de cette irrigation naturelle, il existe sous terre de merveilleux et innombrables réservoirs qui, autant que j'ai pu m'en convaincre, occupent une surface de cinq stades à partir des fondations du temple. A ces réservoirs s'adaptent d'innombrables tuyaux, qui portent l'eau dans toutes les directions d'écoulement : tous sont en plomb, placés tant sous le pavé que dans l'épaisseur des murs, et revêtus d'un enduit en mortier très solide, car on n'a rien épargné dans l'exécution de ces travaux.»

CHAPITRE XLII.

TIRÉ D'EUPOLÉMUS SUR LE PROPHÈTE JÉRÉMIE.

Après tout cela, le Polyhistor ayant fait mention des prophéties de Jérémie, je serais complètement inexcusable de passer ce morceau sous silence : le voici donc :

« A ce prince succéda Joachim; c'est sous son règne que le prophète Jérémie prophétisa. Ayant été envoyé par Dieu, pour reprendre les Juifs qui immolaient des victimes à une idole d'or du nom de Baal, et pour annoncer les malheurs qui devaient les atteindre, le roi Joachim forma la résolution de brûler vif  le prophète; celui-ci dit au roi que les bois qu'il avait ramassés dans ce dessein serviraient aux Babyloniens pour faire leur cuisine : que quant aux Hébreux traînés en servitude, ils iraient ouvrir les canaux de dérivation du Tigre et de l'Euphrate. »

« Le roi des Babyloniens, Nabuchodonosor, ayant entendu parler des prédictions de Jérémie, engagea Astibarès (100), roi des Mèdes, à se joindre à lui pour entreprendre cette guerre. Ayant donc réuni une armée de Babyloniens et de Mèdes de 180,000 hommes d'infanterie, 120,000 de cavalerie, et de 10,000 chars armés, il détruisit d'abord Samarie, la Galilée, et Scythopolis, aussi bien que le pays de Galaad, habité par les Juifs; puis il s'empara de Jérusalem, et prit vivant Joachim, roi de celte ville. Quant à l'or, l'argent et le bronze renfermés dans le temple, l'en ayant extrait, il l'envoya à Babylone, sauf l'arche et les tables de la loi qui y étaient contenues; ce fut Jérémie qui les conserva. »

CHAPITRE XLIII.

DE BÉROSE SUR LA CAPTIVITÉ DES JUIFS, SOUS NABUCHODONOSOR; SUR LES ROIS DE BABYLONE DEPUIS NABOPOLASSAR JUSQU'A LA RUINE DE CET EMPIRE PAR CVRUS, TIRÉ DE JOSÈPHE CONTRE APION, LIV. I, P. 450.

Il est nécessaire de rattacher à ce qui vient d'être dit, ce qui concerne la captivité des Juifs sous Nabuchodonosor.

« Celui-ci étant entré en campagne contre le rebelle (101), et lui ayant livré bataille, se saisit de lui, et fit rentrer de nouveau ce pays sous sa domination. A cette époque il advint à son père Nabopolassar, d'être atteint de maladie, dans la ville des Babyloniens, et de succomber, après un règne de 21 ans (102). Ayant eu promptement connaissance de la mort de son père, Nabuchodonosor mit ordre aux affaires d'Égypte et des autres pays, ayant prescrit à quelques-uns de ses amis ce qu'on devait faire des prisonniers des Juifs, des Phéniciens et des Syriens, et des peuples qui s'étaient alliés à l'Égypte, il se rendit  en Babylonie. »

Après d'autres récits, il ajoute :

« Nabuchodonosor donc, après avoir commencé la construction de la muraille que nous venons de dire, tomba dans une maladie dont il mourut après un règne de 43 ans. Son fils, Evilmérodach (103), succéda à son empire ; mais s'étant mis au-dessus des lois, et se livrant à toutes sortes de violences dans le gouvernement de ses états, ce prince périt victime des embûches que lui tendit Nériglisar, époux de sa sœur, après un règne de 2 ans. Après lui avoir ôté la vie, Nériglisar, (104)l'auteur de cette perfidie, usurpa le pouvoir et régnai ans. Son fils Labassoarchaclas (105), régna étant encore enfant pendant neuf mois; mais ses amis ayant découvert en lui des penchants vicieux, conspirèrent contre ses jours et le massacrèrent; les conspirateurs s'étant réunis, déférèrent d'un commun accord la couronne à Nabonnide,l'un des habitants de Babylone qui avaient trempé dans le complot (106). Sous son règne, les murailles de brique cuite et d'asphalte qui défendaient la ville de Babylone du côté du fleuve, furent terminées. Il avait déjà régné 17 ans, lorsque Cyrus s'étant mis en marche de la Perse, avec une armée nombreuse, et ayant mis à feu et à sang toutes les autres parties de l'empire, s'avança dans la Babylonie. Nabonnide ayant eu connaissance de son invasion, marcha à sa rencontre à la tête de son armée; mais ayant livré bataille, il fut vaincu et s'enfuit accompagné de peu de monde, dans la ville des Borsippiens, où il fut investi. Cyrus ayant pris Babylone, et ayant donné l'ordre de démolir les murs extérieurs de cette ville, parce qu'ils semblaient présenter trop de difficultés pour la réduire, porta son camp vers Borsippe, pour y assiéger Nabonnide; mais celui-ci n'osant pas affronter les hasards d'un siège, se rendit, avant qu'il fût commencé. Cyrus le traita avec bonté, et lui ayant donné pour demeure la Carmanie, l'éloigna de la Babylonie. Nabonnide y passa le reste de ses jours et y termina sa carrière.»

Josèphe continue :

« Ces récits historiques sont tout à fait en harmonie avec nos livres dont ils confirment la vérité. Il y est écrit que la 18e année de son règne, Nabuchodonosor dévasta notre temple qui resta détruit pendant 70 ans (107). La deuxième année du règne de Gyrus, les fondements du temple furent jetés, et la dixième (108) du règne de Darius cette construction fut terminée.»

Ces paroles sont de Josèphe. Je trouve dans l'écrit d'Abydénus sur les Assyriens, les choses suivantes relativement à Nabuchodonosor (109).

CHAPITRE LIV.

D'ANYDÈNE, DANS SON ÉCRIT SUR NABUCHODONOSOR.

Mégasthène dit que Nabuchodonosor fut plus valeureux qu'Hercule, qu'il fit la guerre en Lybie et en Ibérie (Espagne) ; soumit ces pays à ses lois, et en tira des colonies qu'il établit sur la rive droite du Pont; après quoi les Chaldéens ajoutent : qu'ayant été saisi d'une fureur envoyée par une divinité inconnue, il monta au sommet de son palais et s'écria :

ô Babyloniens, je suis ce Nabuchodonosor (prédit) et je vous annonce un malheur qui vous est réservé, et que ni mon aïeul Belus, ni la reine Beltis n'ont eu le pouvoir d'engager les Parques à détourner de vous: le mulet Perse (110) va venir et il aura vos propres divinités pour auxiliaires; il traînera l'esclavage à sa suite, le Mode sera son complice, lui qui faisait la gloire de l'Assyrie. Hélas! plût à Dieu, qu'avant de trahir ses concitoyens, une charybde ou une mer l'eût englouti tout entier, de manière qu'il n'en restât plus de trace, ou qu'ayant pris une route différente, il se fût lancé dans le désert où l'on ne voit pas de villes, où l'on ne reconnaît nulle trace du pas des hommes ; les bêtes sauvages y ont leur pâture, les oiseaux les parcourent en volant : il aurait dû y vivre seul au milieu des rochers et des précipices ; et quant à moi: il aurait mieux valu que je terminasse ma carrière avant d'avoir connu ces funestes révélations (111). Après avoir proféré cet oracle, Nabuchodonosor disparut aussitôt. Son fils Evilmalourouscas régna après lui; mais sou beau-frère Neirglissar l'ayant assassiné, il laissa pour roi son fils Labassoaraschos; celui-ci ayant péri d'une manière violente, on déclara roi Nabannidochos, qui n'avait aucun degré de parenté avec lui. C'est à lui que Cyrus, ayant pris Babylone, donna la satrapie de Carmanie.

CHAPITRE XLV.

DU MEME SUR LA FONDATION DE BABYLONE.

Quant à l'opinion que Nabuchodonosor fonda et fortifia Babylone, voici ce qu'en dit lç même auteur (112) :

« Toute cette contrée, dans le principe, n'était qu'un vaste étang qu'on appelait θάλασσα (mer) : Belus fit cesser cet état de choses, en distribuant à chacun une portion de terrain ; et il environna Babylone d'une muraille; mais par la suite des temps tous ces travaux avaient disparu (113). Nabuchodonosor releva de nouveau les murailles, qui durèrent jusqu'à la conquête des Macédoniens, étant fermées par des portes d'airain (114). »

Après d'autres récits, il ajoute :

« Nabuchodonosor ayant reçu l'empire, dans l'espace de quinze jours, construisit une triple enceinte autour de Babylone, détourna le fleuve (115) Armaclé, ainsi que l'Alcanon (116) qui est un bras de l'Euphrate, au-dessus de la ville de Sipara (117). Il avait creusé un lac, dont le périmètre était de 40 parasanges, d'une profondeur de 20 orgyes ; il y avait adapté des écluses qui, en s'ouvrant, arrosaient toute la plaine : ils les nomment Ochetognomons, ou canaux d'irrigation. Il construisit également une forteresse sur les bords de la mer Érythrée; on donne à cette ville le nom de Teredon, ce fut pour s'opposer aux incursions des Arabes. Il environna le palais royal d'arbres, ce qu'il nomma jardins suspendus. »

J'ai cru devoir rapporter ce morceau de l'ouvrage ci-dessus, à cause de ce qu'on lit dans la prophétie de Daniel, savoir, que Nabuchodonosor se promenant à Babylone dans le temple du palais, enflé d'orgueil, proféra d'inspiration les paroles qui suivent :

N'est-ce pas là cette grande Babylone, que j'ai bâtie pour être le séjour de ma royauté dans le développement de ma puissance et pour l'honneur de ma gloire (h)? A peine ce discours était-il sorti de sa bouche, qu'il éprouva la catastrophe qui bouleversa toute son existence.

En voilà suffisamment sur ce sujet.

Pour conclure ce livre, ajoutons un extrait du traité de Josèphe sur l'antiquité des Juifs, dans lequel il rapporte textuellement les propres expressions d'une foule d'écrivains, et termine en ces termes :

CHAPITRE XLVI.

DU PREMIER LIVRE DE JOSÈPHE SUR L'ANTIQUITÉ DES JUIFS.

« Toutefois, il doit suffire à la démonstration de notre antiquité, d'alléguer les annales authentiques des Syriens, des Chaldéens et des Phéniciens, et après ces documents les nombreux écrivains grecs que nous avons invoqués, auxquels il convient d'adjoindre Théophile, Théodote, Mnaséas, Aristophane, Herrnogène, Euhemère, Comon (118) Zopyrion, et beaucoup d'autres encore; car je n'ai pas eu en ma possession tous les auteurs qui se sont appliqués à nous faire connaître. La plupart de ces mêmes historiens ont altéré la vérité dans le récit des premiers temps de notre histoire, parce qu'ils n'ont pas fait usage de nos livres saints; mais tous, d'un sentiment unanime, ont rendu témoignage à notre antiquité, qui est la seule chose en question pour le moment. Néanmoins Démétrius de Phalère, Philon l'ancien et Eupolemus, se sont peu écartés de la vérité, et cette aberration de leur part est d'autant plus excusable, qu'il ne leur était pas donné de pouvoir suivre pas à pas, avec l'exactitude la plus minutieuse, nos écrits particuliers. »

C'est ainsi que Josèphe s'exprime. Et quiconque se donnerait la peine de parcourir le traité de cet écrivain sur l'antiquité des Juifs (traité contre Apion}, y trouverait de nombreux témoignages à cet égard, d'accord avec ceux que nous avons allégués ; indépendamment de cela, d'autres auteurs tant anciens, que modernes, attestant les mêmes faits et joignant leurs suffrages à ceux que nous avons invoqués, se pressent en foule; mais dans l'intérêt de l'ordre que nous avons adopté pour la rédaction de cet ouvrage, nous croyons devoir omettre de citer leurs paroles, laissant le soin de les rechercher et de les discuter à ceux qu'un pareil travail peut intéresser. Quant à nous, nous passerons à l'exposition de ce qui nous reste à prouver.


LIVRE IX.

(01) La première incise de la première phrase de ce chapitre me paraît tout-à-fait incorrecte; j'ai d'abord préféré γεγυμνασαμένης du Manuscrit 465, à γεγενημένης ce qui n'a aucune importance pour la contexture de la phrase; l'un ou l'autre des participes ne pouvant s'accorder qu'avec ἀποδείξεως, « Οὐκ ἀσυλλογίστως ἡμῖν γεγυμνασαμένης τῆς ἀποδείξεως; (cet ἡμῖν prouve qu'il s'agit d'Eusèbe; or, l'accueil fait par les Hébreux, à leurs livres saints lui est étranger), il faut donc faire disparaître τὰ devant τῆς ἀποδείξεως. Ἐπρειδὴ συνῶπται, qui peut rester à toute force, paraît aussi fort inutile, et trouble l'expression de la pensée.

(02) Du second livre. Le texte porte du premier livre; mais comme c'est manifestement faux, j'ai rétabli la vérité. V. le Traité de l'abstinence p. 147, éd. in-4° de Rhoer.

(03) On voit, dans ce passage de Théophraste, une relation très erronée de la manière dont les juifs célèbrent la pâque. 1° Ils mangent l'agneau qui leur sert de victime; 2° ils brûlent, en effet, tout ce qui en reste; mais ce n'est pas pour que le soleil n'en voie rien; cet acte religieux étant une commémoration de la sortie de l'Égypte. Dieu avait prescrit qu'il ne subsistât rien de la victime immolée au moment où ils abandonnaient le pays (Voir EExode) ch. 12. v. 9.

Il y a dans ceci, comme dans ce que Porphyre, cité au chapitre suivant, nous dit sur les Esséniens, une supposition de culte du soleil par les juifs tout-à-fait fausse. Cela ne doit pas étonner, au reste, de la part des païens, dans l'esprit desquels l'idée d'un Dieu tout spirituel et tout immatériel ne pouvait pénétrer:on verra même les juifs accusés, dans ce fragment, d'avoir immolé des hommes ; ce qui est évidemment faux.

(04) J'ai suivi ici la leçon du Manuscrit 465, qui lit νυκτῶν au lieu de εὐχῶν et j'ai remplacé θεοκλητοῦντες par la leçon de tous les Manuscrits, θεοκλυτοῦντες, qui est aussi celle de Porphyre. Ce participe repousse toute association avec εὐχῶν ; on n'entend pas Dieu en lui adressant des prières, et θεοκλυτεῖν veut dire que cela : voilà ce qui, vraisemblablement, avait fait substituer θεοκλητοῦντες à θεοκλυτοῦντες. Mais évidemment, par là, Théophraste a voulu faire comprendre que les juifs recevaient des instructions et des révélations divines : θεοκλυτοῦντες γένος est associé par Plutarque au μαντικόν, t. VIII, 340 de Reiske.

(05) Tout ce morceau sur les Esséniens est emprunté à Porphyre, l. IV De l'abstinence, p. 332 de Rhoer.

(06) Je lis ἔθεσι pour ἤθεσι. On ne transforme pas les caractères, on fait seulement contracter des habitudes : la confusion de ces deux termes est très commune en grec.

(07) Τὸ γὰρ αὐχμεῖν ἐν καλῷ τίθενται. Vigier traduit par squalorem honori ducunt : c'est un contre-sens: la saleté ne peut pas s'allier avec l'usage journalier des bains froids, qu'il attribue, plus tard, aux Esséniens. Évidemment, ce qu'ils redoutaient, c'était d'avoir le corps onctueux comme les Grecs, et surtout comme les athlètes, qui, après s'être baignés, se frottaient d'huile. Les nations modernes leur ressemblent; en général, elles laissent à la peau, détergée par l'eau, son aridité naturelle. Saumaise, Ad. Tertullianum de Pallio, p. 69, a compris ce passage comme Vigier : à tort, je crois.

(08) Μετοικοῦσιν ἐν ἑκάστῃ πόλει. J'ai indiqué par une périphrase ce qu'a voulu dire le rédacteur de celte narration. Pour peu qu'on soit verse dans la connaissance de la constitution civile d'Athènes, on sait que les Métèques étaient d'une condition inférieure à celle des citoyens, ne prenant aucune part à l'administration de la république, payant un tribut nommé μετοίκον : on trouvera sur eus des détails suffisants dans l'Archéologie de Potter, l. I, 10.

(09) Περίζωμα, que je traduis ici par tablier, l'a été par cingulum dans la traduction latine : il faut que je rende raison du sens que j'ai adopté. Paul Leopardus, dans ses Emendat., l. IX, c. 12, a déjà corrigéla traduction latine de ce mot dans l'Apophtegme d'Antigone, rapporté par Plularque, t. VIII, p. 107 de l'éd. de Hutten.

« Ἀριστοδήμου δὲ τῶν φίλων τινὸς ἐκ μαγείρου γεγονέναι δοκοῦντος, συμβουλεύοντος δ´ αὐτῷ τῶν ἀναλωμάτων καὶ τῶν δωρεῶν ἀφαιρεῖν· οἱ λόγοι σου, εἶπεν, ὦ Ἀριστόδημε, περιζώματος ὄζουσιν. »

« Un de ses amis nommé Aristodème, qui passait pour le fils d'un cuisinier, lui donnant le conseil de retrancher de ses dépenses et de ses libéralités, Antigone lui répondit : « Vos conseils, ô Aristodème, sentent le tablier. »

Les anciens traducteurs avaient mis, sentent la sauce. — Le même Plutarque, dans le Traité, Si un vieillard doit administrer, t. XII, p. 192, dit : « Lorsque les habitants d'Agrigente furent délivrés de la tyrannie de Phalaris, ils prohibèrent les habits bleus, parce que les serviteurs du tyran portaient des tabliers de cette couleur : « Γλαυκίνοις ἔχοντα περιζώμασι. »

Le même, ibid., p. 100 : « C'est comme si l'on arrachait, dit-il, à une femme, d'un rang élevé et d'une conduite réservée, ses vêtements, pour lui  donner un tablier, et en faire une servante de cabaret. »

Athénée, Deipnosoph., 1. vu, p. 290 Casauboni : « C'est un cuisinier qui parle. » « Οὐ γὰρ περέργως ἔμαθον ἐν ἔτεσι δθεὶν ἔχων οερίζωμα, ἀλλ' ἅπαντα τὸν βίον. » L. VIII, p. 340: « Ἕψοντι γόγγρων λοπάδα καὶ οεριεζωμένῳ » « Faisant bouillir un plat de gongre, ayant un tablier. » Arrien, sur Épictète, l. IV, c. 8, parlant de Vulcain: «  οὐδεὶς δ´ ἐρεῖ· ἐγὼ μουσικός εἰμι‘, ἂν πλῆκτρον καὶ κιθάραν ἀγοράσῃ, οὐδ´ ἐγὼ χαλκεύς εἰμι, ἂν πιλίον καὶ περίζωμα περιθῆται. » « Ce n'est pas le bonnet et Je tablier qui font le forgeron. » Olympiodore dans la chaîne, sur l'épître de Jérémie aux Babyloniens, publiée par Ghislerius : « Σκοίνια. Φησὶ τὰ παριζώματα.  Καλύπτοθσαι γὰρ γυναῖκες μόνα τὰ τοῦ σώματος ἀσχήμονα τὰ λοιπὰ παρεγύμνουν, προσκαλούμεναι τοὺς ἐταστάς. »

Denys d'Halicarnasse, dans le jugement sur Dinarque, au commencement : « Διορίσαι τούς τε γνησίους καὶ ψευδεῖς λόγους πάντων ἀναγκαιότερον ο´μαι τοῖς μὴ ἐλ περιζώματος ἀσκοῦσι ῥητορικήν. » «Je, crois qu'il est de la plus grande nécessité pour ceus qui n'ont pas appris la rhétorique comme des cuistres, de discerner les vrais des faux discours. » Le même Denys d'Halicarnasse, dans le septième livre des Antiquités romaines, c. 72, p. 1491 de l'édition de Reiske : « σκευαὶ δ´ αὐτοῖς ἦσαν τοῖς μὲν εἰς Σιληνοὺς εἰκασθεῖσι μαλλωτοὶ χιτῶνες, οὓς ἔνιοι χορταίους καλοῦσι, καὶ περιβόλαια ἐκ παντὸς ἄνθους· τοῖς δ´ εἰς Σατύρους περιζώματα καὶ δοραὶ τράγων καὶ ὀρθότριχες ἐπὶ ταῖς κεφαλαῖς φόβαι καὶ ὅσα τούτοις ὅμοια. »

« Ceux qui avaient pris le travestissement des satyres portaient des tabliers de peaux de boucs, avaient les cheveux hérissés sur la tête, et autres costumes semblables.» Casaubon, De Satyrica poesi, l. 1, c. 4, p. 159 : « Περιζώματα Dionysius vocat hircinas pelles quibus partes infra umbilicum tegebantur. »

(10) Ἀφέξεσθαι ληστείας. Ceci me paraît déplacé, ayant déjà été dit, et ne se liant pas avec les préceptes entre lesquels il se trouve intercalé.

(11) Ἄλλως οὐ θακεύοθσι; celle expression dont Vigier n'a pas saisi le sens, est une locution gazée, indiquée par Hésychius, θακεύουσι· κάθηνται εἰς τὰ χρείας;. Les traducteurs de Josèpbe et de Porphyre n'ont pas commis  la même faute.

(12) II serait étonnant qu'Eusèbe qui cite souvent Josèphe, eût ignoré que c'était à lui que Porphyre devait toute la citation concernant les Esséniens : il le pouvait d'autant moins qu'avant de la faire, le même Porphyre nomme les divers livres de Josèphe d'où ces relations sont tirées :  je croîs donc qu'il y a ici un peu de supercherie. Josèphe était juif, par conséquent tout ce qu'il dit des Juifs devait être rapporté dans le VIIIe livre qui contient les témoignages des Juifs sur leur histoire de leurs lois: ici sont ceux des Païens, et Porphyre étant le coryphée du paganisme et le plus célèbre adversaire du christianisme, son nom a bien une autre importance, lorsqu'il parle favorablement, soit des Juifs, soit des Chrétiens ; voilà pourquoi Eusèbe semble lui attribuer exclusivement ou à ses anciennes lectures, un éloge aussi pompeux des Esséniens.ἐκ παλαιῶν, ὡς εἰκὸς, ἀναγνωσμάτων.

(13) Voir au chap. suivant de Cléarque ce qu'on doit penser de cet Hécatée. Voici cependant la traduction de ce qu'a écrit sur ce personnage Dähne dans son tableau historique de la philosophie religieuse des Juifs d'Alexandrie. Tome II, p. 216.

« Hécatée d' Abdère, contemporain d'Alexandre le grand, dans son grand ouvrage historique, avait embrassé tout ce qui était relatif aux Juifs, alors en faveur tant auprès du prince qu'auprès des premiers Plolémées. C'est vraisemblablement la raison pour laquelle il n'en a pas parlé avec le mépris commun aux historiens grecs venus plus tard, à l'époque où la haine entre les Juifs et les Païens se développa au point que les premiers eurent à supporter une odieuse oppression. Rien dans tout ce qui nous est parvenu de ses écrits ne trahit la main d'un juif, surtout d'un juif alexandrin, en sorte qu'on a lieu de s'étonner de ce qu'en dit Celse cité par Origène, l. 1er c. p. 334, de La Rue. Scaliger partageait les présentions de Celse (voir sa 115e lettre latine à Casaubon) contre Hécatée, mais Vossius, dans son livre Des historiens grecs, hésitait; et réellement ce passage n'a rien qui justifie le jugement de Philon. Toutefois il résulte clairement de la lettre d'Aristée que les expressions d'Hécatée ont été interpolées par un juif alexandrin : Démétrius de Phalère y assure, au roi, qu'Hécatée d'Abdère pour la nommer ἁγνήν τινα καὶ σεμνὴν τὴν ἐν τούτοις θεωρίαν : le mot θεωρία ayant dans le langage religieux des Juifs la valeur d'une législation théocratique. Mais pour admettre qu'Hécatée eût embrassé la religion juive, il faudrait d'autres morceaux de son histoire que ceux qui nous sont pas venus. »

(14) Josèphe l'historien nomme cet homme Mosollamos : contre Apion l. I, p. 457 de l'édition d'Havercamp, d'où ce passage est copié.

(15) Pour discuter l'autorité de cette citation, il est bon de rappeler ce qui a été dit sur la supposition générale des auteurs grecs, dont les apologistes ont invoqué le témoignage en faveur des Hébreux : Hécatée, Néménius, Théodote, Cleodème, Eupolemus, Artapan, Démétrius, Aristée. Plusieurs écrivains les ont déclarés juifs de religion, mais Valkenaer les a rassemblés dans son acte d'accusation qui se lit p. 17 de son Traité De Aristobulo judœo : il les compare aux passages qu'il reconnaît pour avoir été ajoutés dans les livres d'Esther, de Job et surtout du le livre des Macabées. «Qui, dit-il, en lisant les lettres de Salomon aux rois de Tyr et d'Égypte ainsi que les réponses, ne reconnaît le génie hébraïque qui a dicté celles d'Artaxerxés dans le livre d'Esther, Théodote? que Josèphe nomme parmi les autorités païennes, C. Apion, l. 1er c. XXIII, était juif ; Cleodème, cité au 1er des Antiq., judaïques, c. 15, d'après Alexandre Polyhistor, l'était également. » Pour Hécatée, Eupolème, Artapan, Démétrius, le même Valckenaer n'en fait aucun doute. Déjà, dit-il, Hécatée a été suspect à Scaliger : Bentley, dans son supplément à la lettre à Millius, p. 93, partage celte opinion, fondée sur le jugement d'Hérennius Pliilon, cité par Celse au rapport d'Origène contre Celse, I, p. 13. Richard Simon avait déjà dit la même chose dans son Histoire critique du vieux testament, l. II, c. 2; mais sans s'appuyer d'aucune autorité. Quant à Eupolemus et Démétrius, la chose ne saurait faire un doute d'âpres l'aveu d'Eusèbe lui même, Hlst. ecclésiast. l. VI, c. 13, où il dit que St-CIément d'Alexandrie s'est servi du témoignage de Philon, d'Aristobule, de Josèphe, de Démétlrius et d'Eupolcinus, historiens juifs (ἰουδαίων συγγραφέων). Que l'on compare St-Jérôme De viris illustribus in Clémente, c. 58. Pour Numenius, ce qu'Origène en rapporte contre Celsc, I, p.13, IV, 198 cl 199; Eusèbe, Prép. évang., IX, 8 et ailleurs, prouve qu'il était juif, ou au moins que ce qu'on en cite avait été publié sous son nom par un juif (on peut voir ce que Jonsius en dit, Hist. philos., l. III, c. 10, § 4). les noms de Numénius et Eupolemus conviennent à des juifs comme on peut s'en convaincre par le liv. I Des Machabées, 12-16, 15-15, 8-17. Tout ce qu'Orîgène rapporte d'explications allégoriques des lois de Moïse données par Numénius, ne peut convenir qu'à un juif helléniste. » Ici finit Valckenaer qui ne nomme ni Cléarque ni Abydenus parmi les prétendus autorité païennes qu'il soutient être juives; mais d'autres, entre lesquels Richard Simon, qui n'est jamais en faute pour cela, ont accusé Cléarque de supposition ou d'interpolation par les juifs hellénistes. Graevius avait écrit une lettre à son sujet à Huet, qu'il serait précieux, de connaître. Nous avons au moins la réponse par laquelle l'évêque d'Avranche cherche à se justifier de l'avoir cité comme païen : je vais la donner dans le latin correct de Huet, elle fait partie du recueil publié par Tilladet, t. II, p. 249 et 250 :

« De Clearcho acute et crudite scribis pro more tuo ; equidem Josephi et Eusebii fidem secutus sum, ac re forsitan non satis perpensa. Primus nobis de ea re scrupulum injecit Simonius (Richard Simon) in critica sua, nam Clearchum hunc ab hellenistis judœis, vel suppositum, vel interpolatum suspicatur. Tu vero tot arguments idem conaris conficere, ut manus dare propemodum necesse sit. Verumtamen sunt etiam quae rationibus tuis a viro non nimis pertinaci obduci possint. Etsi enim falso jactari videtur Aristotelem perlustrasse Asiam in Alexandri magni comitatu, at illuc excurrere potuit per primos vitae annos. Scripsit Laertius in Proœmio fuisse à Clearcho proditum judaeos sobolem esse gymnosophistarum : atque id confirmaturum eum fuisse vis autoritate Aristotelis, si hoc ab eo traditum cognoscet ex Clearcho. Ai certe alia omnia habet Laertius : scripsisse Clearchum in libro Περὶ παιδείας, gymnosophistas venisse a Magis ; vero tradere judaeos quoque eorum esse progeniem; hoc est Magorum sive Chaldaeoruim, de quibus hoc loco disserit Laertius. Demus praeterea scripsisse Laertium quae recitas; annon Aristotelis verborum vel negligens, vel parum memor esse potuit in opere tumultuario, qualem esse hanc Laertii compilationem probare facile est? Ais unum Josephum meminisse libri Clearchi Περὶ ὕπνου. Quid tum? an dubiae sunt fidei veterum libri, quicumque semel tantum a sequentis œtatis scriptoribus laudantur? non hanc tantum sed alias quoque scriptionce argumento hoc ab eodem Clearcho abjudicaris. Ad haec Judaea nomen hac œtate graecis ignotum fuisse contendis : non valde cognitum in vulgus fuisse concesserim, plane ignotum, negaverim. Enimvero aegyptum jam perlustraverant Thales, Pythagoras, Plato, ubi magna erat judaeorum frequentia ; quidam etiam partes orientis adierant. Itiones erant crebrae, commercii causa, Phaenicum in Graeciam, Graecorum in Syriam, jam inde a vetustis temporibus. Hebrœi autem post solutam captivitatem Judaei dici capti sunt, jam vero non Syriam solum, sed et Persidem quoque pervaserat Graecorum lingua.

« Apud Danielum qui vixit Darii temporibus reperias vocabula σοφοί, ψαλτήρια συμφυνία, non satis igitur firma habemus argumenta quibus Clearchi libros κιβδηλείας, et si res suspicione non caret, sed in re incerta tutius est receptis opinionibus adhœrere. »

A ce Plaidoyer en faveur du vrai Cléarque, je vais faire succéder l'accusation du faux Cléarque; le premier auteur est onsius, De scriptoribus hist. philos., l. I, ch. 18, traduit et développé par Bayle, Dictionn. au mot Aristote, remarque B. Je vais le citer : — « Ce passage ne serait pas d'une petite autorité s'il était du Cléarque qui fut un des plus célèbres disciples d'Aristote, mais selon toutes les apparences il est d'un autre Cléarque, car 1° l'auteur dit qu'Aristote, voyageant en Asie, rencontra un juif qui eut plusieurs conversations avec lui et avec quelques autres personnes d'étude, ἡμῖντε καί τισιν ἑτέροις τῶν σχολαστικῶν .» De savants hommes prétendent qu'à l'époque où vivait Cléarque, le σχολαστικός n'était point encore en usage pour signifier un écolier, un disciple, un étudiant. Quoi qu'il en soit, comme ce voyage d'Asie ne peut s'accorder avec l'histoire, il n'y a point d'apparence qu'un de ses disciples eût voulu feindre, dans un dialogue, un fait tel que celui-là, dont tant d'autres connaissaient la fausseté. C'est donc un Cléarque plus moderne, qui a supposé ce voyage ; et il aura pu le faire de bonne foi ; car on sait que Solin assure qu'Aristote suivit Alexandre dans la guerre contre Darius. L'auteur anonyme de la Vie d'Aristote débite le même fait. — « 2° S'il est it vrai qu'Aristote eût eu beaucoup de conversations avec un juif aussi habile que celui dont il est parlé dans le passage de Cléarque, aurait-il cru tout ce qu'il débite touchant l'origine des Juifs? aurait-il dit que les Juifs descendent des Calanes, peuples des Indes, et qu'ils ont pris dans la Syrie le nom de Juifs, à cause qu'ils occupaient une province nommée la Judée? Voilà ce qu'Aristote débile dans le passage de Cléarque cité par Josèphe. Son juif l'aurait-il laissé dans une erreur si puérile? verrions-nous si peu de traces de Judée et de la nation judaïque dans tous les écrits d'Aristote, après tant de belles lumières que le juif lui aurait communiquées?— « 3° Nous lisons dans Diogène Laërce que les gymnosophistes descendaient des Mages, et qu'il y avait des gens qui donnaient aux juifs la même origine, voilà deux faits : quant au premier, on le donne sur le témoignage de Cléarque, disciple d'Aristote ; mais pour le second, on ne cite qui que ce soit. N'est-il pas vrai que c'était la plus belle occasion du monde et la plus inévitable de citer Cléarque touchant l'origine indienne de la nation judaïque? Si le livre De Somno, où Aristote parle de cette origine indienne, était du même Cléarque que Diogène Laërce cite, aurait-on manqué de le nommer? Je laisse les autres raisons de Jonsius ; ces trois là me suffisent pour être persuadé qu'Aristote n'a point dit ce que le Cléarque de Josèphe lui attribue. On peut m'objecter que Cléarque connaissait le juif qui avait parlé à Aristote, qu'il vivait en même temps qu'Aristote, mais je nie que Cléarque le connût. »

Ce raisonnement de Bayle qui semble péremptoire contre le vrai Cléarque, me laisse une difficulté pour être attribuée à un juif hellénique comme le veulent Richard-Simon et Valckenaer. Si, comme l'observe justement Bayle, un juif n'a pas pu dire à Aristote que sa nation descendait des Calanes indiens, un juif prenant le masque de Cléarque n'a pas pu mettre cette assertion dans la bouche de son pseudonyme; il reste donc deux conclusions qui semblent incontestables : savoir l'une, qu'Aristote n'a pas pu tenir le langage qu'on lui prête ; l'autre, qu'un juif n'a pas pu inventer cette fable.

Dans tout état de cause, Eusèbe n'est pas non plus l'inventeur de ce récit : il n'a d'autre tort que d'avoir copié Josèphe, sans y apporter assez de réflexion. Mais à qui attribuer toute cette narration? Sera-ce à Josèphe? Josèphe qui a écrit l'Histoire des antiquités judaïques n'a pas pu, se contredire aussi grossièrement. Il me paraît démontré que le faussaire est, ou Cléarque, ou tout autre péripatéticien qui connaissant les Juifs, au moins de nom (car enfin une nation placée entre l'Égypte et la Syrie, ne pouvait pas être ignorée totalement en Grèce), à cette époque, a voulu les faire intervenir dans la Vie d'Aristote, pour donner de l'importance à son héros. Les Juifs alors étaient connus comme nation ; mais leur origine et leur état social, assez ignorés pour qu'on leur attribuât de fausses traditions, tout à fait dans le génie de la Graecia Mendax. Ainsi nous voyons déjà dans Diogène Laërce qu'on les faisait descendre des gymnosophistes indiens. C'est là une fable grecque et non pas juive.

Combien Ctésias, Hérodote même n'ont-ils pas délité sur le compte de peuples mieux connus, en relations plus habituelles avec les Grecs, de fables évidentes? Au commencement de ce livre, un passage de Théophraste emprunté à Porphyre, dans le livre de l'abstinence, prouve que ce philosophe, successeur d'Aristote, attribuait aux Juifs des usages, relativement à l'immolation des victimes, qui leur étaient étrangers. Somme toute, on peut suspecter ces témoignages, mais il y a une règle de critique qu'il me semble nécessaire d'adopter, qui est de n'attribuer aux juifs hellénistes ou helléniques que ce qu'ils avaient un intérêt réel à supposer, parce qu'ils relevaient par là leur nation. Il n'y a de menteurs que ceux à qui le mensonge profile, par conséquent toutes les fois que leur nom seulement est cité sans blâme ni louange, tout motif de suspicion cesse; car il n'y avait rien d'étonnant qu'on nommât un peuple infiniment plus voisin que les Gaulois, les Ibères et même que les Scythes, quand les traits qu'on en rapporte sont insignifiants. D'après ce principe, je ne vois aucune raison de suspecter le passage d'Hécatée qui nous donne le périmètre de Jérusalem et nous parle d'un oiseau tué par un Archer juif ; il se peut que Celse, sur d'autres passages du livre que le susdit Hécatée avait composé sur les Juifs, ait soupçonné son authenticité ou ses sentiments religieux; mais pour nous, nous n'avons aucun motif de le faire, et nous devons même être surpris que Josèphe ait été choisir dans ce livre, ce qui ne faisait rejaillir aucune gloire sur sa nation. Vossius, De hist. grœcis, p. 70, rétorque par de bonnes raisons l'argument de Scaliger. Ce que je considère comme supposition toute judaïque; c'est la fable d'Aristée sur les Septante. Mais même les mots attribués à Numénius en faveur de Moïse, l'un cité par les Apologistes, l'autre par Porphyre sur l'Antre des nymphes c. 10, où il nomme Moïse prophète en alléguant le commencement de la Genèse,
1,5: « Ἡγοῦντο γὰρ προσιζάνειν τῷ ὕδατι τὰς ψυχὰς θεοπνόῳ ὄντι, ὡς φησὶν ὁ Νουμήνιος, διὰ τοῦτο λέγων· καὶ τὸν προφήτην εἰρηκέναι ἐμφέρεσθαι ἐπάνω τοῦ ὕδατος θεοῦ πνεῦμα· » Ces mois eux-mêmes ne me convainquent pas qu'il fût juif : 1° je crois que s'il l'avait été, Porphyre n'y aurait pas eu recours ; et puis, je ne m'étonne pas plus de cet éloge que de celui que Longin a donné à Moïse dans le Traité du sublime. On peut parler avec respect des choses respectables dans les religions qu'on ne professe pas. Ne voit-on pas les historiens grecs louer certaines pratiques religieuses des Égyptiens tout en blâmant le culte des animaux auquel ils étaient adonnés? Ce qui prouve que Numénius ne s'astreignait pas aux rites judaïques ou chrétiens, c'est le passage que fournit Eusèbe, l. IC, c. 7, où il veut qu'aux doctrines de Platon et de Pythagore, on unisse les opinions des Brachmanes, des Juifs, des Mages et des Égyptiens. Ce mélange convenait aux Pythagoriciens dont la philosophie reposait en partie sur les dogmes venus de l'orient, à l'aide desquels ils avaient interpolé les croyances de la Grèce, telles que la métempsychose. La foi des hébreux et celle des chrétiens ne se prêtait pas à tes ménagements. Mais ce qui à mon avis décide la question pour le Numénius païen, est un passage de Porphyre cité par Eusèbe dans son histoire, l. VI, c. 19: il s'agit d'Origène à qui Porphyre reproche d'avoir abandonné l'Hellénisme pour le Christianisme.

Ὠριγένης Ἕλλην ἐν ἕλλησι παιδευθεὶς λόγοις, πρὸς τὸ βάρβαρον ἐξώκειλε τόλμημα. Ὧ δὴ φέρων αὐτόν τε καὶ τὴν ἐν τοῖς λόγοις ἕξιν ἐκαπήλευσε. Κατὰ μὲν τὸν βίον χριστιανῶς ζῶν καὶ παρανόμως, κατὰ δὲ τὰς περὶ τῶν πραγμάτων καὶ τοῦ θείου δόξας, ἑλληνίζων τε καὶ τὰ Ἑλλήνων τοῖς ὀθνείοις ὑποβαλλόμενος μύθοις. Συνῆν γὰρ ἀεὶ τῷ Πλάτωνι, τοῖς τὲ τοῦ Νουμηνίου καὶ Κρονίου, Ἀπολλοφάνους τε καὶ Λογγίνου, καὶ Μοδεράτου, Νικομάχου τε καὶ τῶν ἐν τοῖς Πυθαγορείοις ἐλλογίμων ἀνδρῶν ὡμίλει συγγράμμασιν .

« Origène, grec et élevé dans les doctrines grecques, vint faire naufrage contre l'audace barbare, à laquelle il te prostitua ainsi que son talent comme écrivain, vivant en chrétien au mépris de toutes les lois, dans sa conduite et ses doctrines sur la divinité. Après avoir été instruit dans l'hellénisme, il soumit les pures doctrines aux fables étrangères : du reste, il passait sa vie dans le commerce de Platon, de Numénius, de Ctonius, d'Apollophane, de Longin, de Moderatus, de Nicomaque, et n'étudiait que les écrits des plus éclairés parmi les Pythagoriciens. »

2° Celte assertion de Porphyre est confirmée par St-Jérôme dans sa lettre à Magnus, où il dit : « Origenem in libris decem stromatorum Christianorum et philosophorum inter se sententias comparasse, et omnia christianae religionis dogmata ex Platone et Aristotele, Numenio Cornutoque confirmasse. » On peut lire de plus les raisonnements de Spencer contre Scaliger dans ses notes sur le passage d'Origène contre Celse, l. I, chap. 15.

Le témoignage de Porphyre en faveur du paganisme de Numénius qu'il assimile aux plus fameux pythagoriciens de l'époque, tranche à mon avis la question irrévocablement, et met au néant toutes les velléités qui ne reposaient que sur des probabilités. Il l'invoquait fréquemment dans ses ouvrages: ainsi, dans le fragment du livre de l'orne cité par Stobée, Eglog. phys., I. n,21, p. 832, 856, 866, 894, 896, 910; dans la Vie de Plotin et ailleurs. C'est à ce même philosophe qu'appartient le trait rapporté par Macrobe, In somnium Scipionis, l. I, c. 2 : « Numenio inter philosophes occultorum curiosiori offensam numinum quod Eleusinia sacra interpretando vulgaverit, somnia prodiderunt, visas sibi ipsas Eleusinias Deas habitu in meretricio ante apertum lupanar ludere prostantes; admirantique, et causas non convenientis numinibus turpitudinis consulenti, respondisse iratas, ab ipso se adyto pudicitiae suae vi abstractas, et passim adeuntibus prostitutas. »

Les chapitres 12,14 et 41 des Fragments d'Abydenus, à peu près analogues à ceux des auteurs que nous venons de parcourir, ont été respectés par les agresseurs des autorités païennes favorables aux Juifs. Il est vrai que le langage porte un caractère de véracité que n'ont pas les autres, ils sont écrits en dialecte ionien tombé en désuétude à l'époque où l'on voudrait ramener l'origine de ces publications, en les attribuant à des juifs contrefacteurs. L'atticisme était alors la seule langue des compositions historiques avec quelque mélange de Macédonien pour les alexandrins; mais une absence totale des formes d'Hérodote : ce qui en confirme l'authenticité, qui au reste n'a pas élu attaquée.

(16) Sur cette fréquentation d'un Juif par Aristote, voir l'article Aristote dans le dictionnaire de Bayle, note A, III, et note B. déjà cité.

(17) Je n'ai pas à défendre Eusèbe de l'anachronisme dont il se rend coupable; il ne fait que suivre Clément d'Alexandrie, Stromat., l. I, p. 558; mais Clément, lui-même, ne faisait que répéter une erreur vulgaire, réfutée, cependant, depuis longtemps par Denys d'Halicarnasse, Antiq. romaines, l. II c. 59. Voir également Cicéron au commencement du premier livre des Tusculanes; Tile-Live, Histor., l. I, et  l. IV. Toutefois, on s'était plu à répéter celte fable, voulant attribuer au roi de Rome quelque relation avec la Grèce: elle avait été imaginée par Épicharme le Comique, à ce que nous apprend Plutarque dans la Vie de Numa, c. V. Voirs. saint Augustin, Cité de Dieu, IV, 31.

(18) ἐπεδείκνυτο γὰρ αὐτοῖς ὁ Νουμᾶς δι' ἐπικρύψεως (ὑποκρύψεως Clemens) ὡς οὐκ ἐφάψασθαι τοῦ βελτίστου δυνατὸν γλώσσῃ, est mis ici, à mon avis, pour indiquer le culte qu'il avait introduit en faveur de la déesse Tacita. Voir Plutarq., In Vita Numae, §, 8 : « 'Ἔδιδαξε σέβεσθαι τοὺς Ῥωμαίους Τακίταν οἷον σιωπηλὰν ἢ ἐνεάν. »

(19) Voir à l'article de Cléarque, c. 5, ce que j'ai écrit sur le compte de Numénius le pythagoricien, qu'on doit bien distinguer du rhéteur, père d'Alexandre, également rhéteur. Suidas a séapré leurs biographies.

(20) Ces fameux thaumaturges égyptiens, qui ont lutté' contre Moïse (Exode, c. VII, v. 15), sont nommes par saint Paul dans la Deuxième Épître à Timothée, c. 3, et saint Ambroise dans son Commentaire sur ce passage; par Apulée, Deuxième Apologie, p. 375 de Colvius:

« Ego ille sim Charinondas, vel Damigeron, vel Moses, velJannes, vel Apollonius (Tyanaaeus), vel ipse Dardanus, vel quicumque alius post Zoroastrem et Hostanem inter magos celebratur. »

Tertullien, De Anima, 57 : « Adjutrix opinionum istarum magia sonat Hostanes et Typhon Dardanus et Damigeron, et Nectanebis et Berenice. » Origène contre Celse, l. IV, 5l, p. 542 de l'édition de La Rue, et Van Goens, In Diatribe de Cepotaphiis, et Léon Allatius in syntagmate de Engastrimytho ad dissrrtationem Eustathii contra Origenem », p. 495.

(21) Ces vers, dans l'opinion de Scaliger, p. 12 des notes sur les fragments historiques qui suivent son livre, De Emendatione temporum, ne doivent pas s'entendre des Juifs, mais des Lyciens ou de leurs voisins, dont il est question dans l'Iliade sous le nom de Solymes. Les voici, Iliad.,Z, v. 204 :

Ἴσανδρον δέ οἱ υἱὸν Ἄρης ἆτος πολέμοιο
μαρνάμενον Σολύμοισι κατέκτανε κυδαλίμοισι·.

Sur ces vers, Eustathe fait les remarques suivantes. « On doit savoir que les Solymes étaient limitrophes des Lyciens, et en hostilité avec eux : c'est pourquoi Bellérophon, ayant été envoyé contre eux par Jobate, en triompha, leur ayant généreusement fait la guerre : son descendant la leur fit également. Les anciens disent que les Solymes d'Homère sont ceux que, depuis, on nomma Pisidiens : c'est une nation illustre, comme le déclare l'épithète κυδάμιμος. Solyme, Σόλυμα au neutre, désigne, assure-t-on, une ville construite par les Assyriens après la prise de Jérusalem, et la montagne lycienne, suivant Strabon.

« Le nom ethnique de Solyme s'est conservé jusqu'à nous : c'est un lieu très fort dans le voisinage de la Lycie, dont les habitants, dans leur langage barbare, s'appellent Tzelimes, Ceux de l'Odyssée ne sont pas les Pisidiens. Les Solymes de Lycie se nommaient aussi Minyens, de Minos. » Comparer Strabon, l. XIV, p. 667, éd. de Paris).

Au reste, l'erreur d'Eusèbe tient moins à lui qu'à Josèphe, dont ce passage est textuellement copié contre Apion, l. I, p. 454.

Le même Scaliger, dans ses notes sur la chronique d'Eusèbe, p. 101, observe que Chœrilus l'ancien, comme le nomme ici Eusèbe, ne doit pas être confondu avec celui dont parle Horace avec mépris : l'ancien était de Samos, contemporain, ou peu s'en faut, de l'expédition de Xerxès, qui lui fournit le sujet du poème de la Perséide, dont les vers cités sont extraits: il prétend encore qu'Horace a fait un anachronisme en plaçant sous Alexandre le grand. Chœrile, qui doit être placé sous Alexandre, fils d'Amyntas.

Je laisse cette question indécise : savoir, s'il y a en un ou deux poètes Cliœrile, et si Alexandre le grand fut contemporain du second.

Naecke, dans son recueil des fragments de Chœrile, a résumé les opinions contraires des savants sur le peuple auquel il convient d'attribuer cette description. Scaliger, Loco laudato, Bochart, dans son Phaleg et Chanaan, c. 6, p. 361, pensent qu'elle ne doit pas s'entendre des juifs, mais des Lyciens ou Pisidiens, que Bochart déclare être une colonie phénicienne, qu'Homère dit être voisins de la Lycie. Le Τροχοκοθράς est formellement interdit aux juifs par le Lévitique, 19, 27, et est attribué aux Arabes par Hérodote, Thalie, c. VIII ; de plus, Bochart trouve des rapprochements nombreux entre le peu qui est connu de la langue des Pisidiens et celle des Phéniciens; cet avis est encore partagé par Cunaeus, De Republica Hebraeorum, l. II. c. 18, p. 266. Quant au lac indiqué, c'est le lac Phaselis. Samuel Petit, cité par Havercamp, vient en quatrième à l'appui de cette opinion, et nomme Barlovius en sa faveur.

Ceux qui l'ont combattue, en rétablissant les juifs dans le fragment de Chœrile, sont Saumaise, De Caesarie, et Coma, p. 46 à 50, et p. 82. Casaubon, sur l'Auguste de Suétone, 45 ; Grotius, sur saint Luc, III, 14; sur le Lévitique, 19, 27; Adrianus Junius, De Coma, c. 6; Turnebus, Adversariorum, 19, 9; il aurait dû ajouter Holstenius sur Etienne de Byzance au mot Solyma. On sait par Tacite, Hist. V, 11, et par Étienne, citant Quadratus, que Solyme était l'abréviation de Hiérosolyme. Le lac le plus grand de la Syrie est le lac Asphaltite. Il est bien vrai, disent les mêmes, que le τροχοκουράδες ne convient pas aux juifs: il leur est même interdit; mais c'est une erreur de Chœriilus, disent les soutiens de cette opinion, à cause du voisinage des Arabes, qui portaient cette tonsure. Le reste de la coiffure, savoir, des têtes de chevaux séchées au feu, ne parait guère non plus dans les mœurs hébraïques : on voit donc le côte faible de chacune des deux opinions. La langue phénicienne était-elle celle de la Pisidie? Bochart le prouve moins qu'il ne l'établit; au reste, cette preuve était difficile à administrer. D'un autre côté, les usages que Chœrilus prête aux juifs ne leur conviennent pas; il est donc difficile de choisir : néanmoins, contre l'opinion de Naecke, j'inclinerais pour l'avis de Bochart.

Les variantes que ces deux auteurs présentent dans ces cinq vers sont discutées minutieusement par M. Naecke; je ne puis descendre à ces détails : je vais donner le texte tel qu'il le compose de l'ensemble de ses comparaisons.

Τῶν δ' ὅπισυεν διέβαινε γένος θαυμαστὸν ἰδέσθαι,
Γλῶσσαν μὲν φοίνισσαν ἀπὸ στομάτων ἀγιέντες.
Ὤκεον δ' ἐν Σολύμοις ὄρεσι, πλατέῃ ἐπὶ λίμνῃ,
Αὐχμαλέοι κορυφὰς, τροχοκουράδες· αὐτὰρ ὕπερθεν
Ἵππων δαρτὰ πρώσωπ' ἐφόρεον ἐσκληκότα καπνῷ.

(22) Sur l'orthographe du nom de celle montagne, consulter Bochart, In Geograplna sacra, l. I, c. 3, p. 18 de l'édition de ses œuvres, t. I, Leyde, 1692.

(23) L'incertitude sur la ville désignée parce nom est assez démontrée par ce qu'eu dit Bochart, dans sa géographie sacrée, Chanaan, l. I, c. 3, p. 4. J'en dirai autant de Baris. Au reste, comme tout ceci est tiré de Josèphe, Antiquités judaïques, l. I, c. 3, §. 6, on peut voir ce que disent ses éditeurs.

(24) Voir le chronographe Georges Syncelle, p. 30 de l'édition du Louvre, où ces mêmes citations sont rapportées d'après Alexandre Polyhistor, les extrayant d'Abydène.

(25) Celte ville, nommée Σιπφάρα par Ptolémée, est le Kiriath-Sepher des Hébreux, la ville des lettres. Josué, XV, 15.

(26) Je lis avec Syncelle, p. 30, où il cite Polyhistor à peu près dans les mêmes termes, et saint Cyrille contre Julien, l. I, enfin, avec Scaliger, dans les fragments des historiens anciens, à la suite du De Emendatione temporum : ἑπεί τ' ὕων ἐκόπασε, au lieu de ἑπεί τ' ὧν ἐκόπασε, sous entendu θεός. Xenoph., De venatione, ὅταν νίφῃ θεός.

(27) Wesseling, Ad Herodot., IV, 140 ; Abydenus, In Prœp. evang. Eusebii, l. XII, 12 : « Ἀπίκατο γὰρ δὴ πηλοῦ κατάπλεοι. A quo Vigerius manus abstinere debuerat, hanc tamen leclionem mutatam praehabuit.» Apud Hérodot., l. 4, 204 : « Τοὺς ὑπολειπομένους αὐτέων καὶ ἐπελκομένους ἐφόνευον ἐς ὃ ἐς τὴν Αἴγυπτον ἀπικνέατο. » Certains manuscrits portent ἀπίκατο; on lit même dans Hérodote, l. IV, 204 : Ἐς ὃ τὴν Αἴγυπτον ἀπικέατο : Wesseling a conserve cette leçon, qui est changée en ἀπίκατο dans quelques manuscrits.

(28) La superstition qui s'attache aux amulettes est de tous les temps et presque de tous les hommes; Plutarque : dans la Vie de Périclès, c. 58, rapporte, d'après Théophraste, qu'étant attaqué de la peste qui dévora Athènes, la deuxième année de la guerre du Péloponnèse, Périclès montra à un ami qui était venu le visiter « Περίαπτον ὑπὸ τῶν γυναικῶν τῷ τραχήλῳ περιηρτημένον, ὡς σφόδρα κακῶς ἔχων » une amulette que les femmes lui avaient attachée au cou, comme preuve de la gravité de sa maladie. »

(29) Le texte porte Molus, nom altéré de Mochus que donne Josèphe, et qui est incontestable. Ce Mochus, ancien historien de la Phénicie, est indiqué d'une manière fautive par Diogène Laërce dans son Introduction, p. 2. Ménage l'a rétabli, et s'appuie sur Strabon; Sextus Empiricus l. IX, 363: Adversus physicos,  Tatien, Jamblique, Vie de Pythagore, Athénée, etc. Voir au surplus, sur ce Mochus, la note de Fabricius sur le passage indiqué de Sextus, et les auteurs auxquels il renvoie.

(30) Vossius, dans le livre des historiens grecs, propose de remplacer le nom d'Hésiode, qui n'a point parle de la longévité des premiers hommes, par celui d'Isidore de Charax, invoqué par Lucien dans ses Macrobii, comme ayant écrit sur la longévité des hommes, t. III, p. 218 de l'édition de Reiz; cependant, ce nom et ce passage se trouvent non seulement dans Josèphe, mais dans Georg. Syncelle, p. 43, éd. de Paris, in-folio, 1652. Pline, Hist. nat., l. VII, 48, en parle de la même manière. Il faut croire que Josèphe a eu en vue le passage du livre Des Oeuvres et des Jours, v. 108 et suivants, où est tracée la description de l'âge d'or, ou quelques vers perdus : quant aux autres auteurs cités, Mochus, Estieus, Hécatée (de Smyrne), Hellanicus, voyez les fragments de ce dernier, publiés par Sturz., in-8°, Leipz., 1826, p. 155.

(31) Ἐνυάλιος ζεὺς cette épithète consacrée ordinairement à Mars, est ici appliquée au nom du maître des Dieux, ce qui paraît d'autant plus étrange qu'on n'en trouve pas d'autre trace. Vigier cite un passage de Pausanias où Jupiter est nommé ἄρειος premières Eliaques c. 1 4. Τὸν βώμόν εἰσιν Ἠλείων οἳ ὀνομάζουσιν Ἀρείου Διός.  Λέγουσι δὲ οἱ αὐτοὶ οὗτοι ὡς Οἰνόμαος ἐπὶ τοῶ βωμοῦ τούτου θύοι τῷ Ἀρεί[ω Διί. Au reste, on trouve le nom de Jupiter placé devant celui d'hommes (tels que Jupiter Bélus), dans Berose apud Syncelli Chronogr. p. 2. Jupiter Arotrius dans Sanchoniathon Supra, liv. I, p. 57. Jupiter Casius, dans Achille Tatius et dans les médailles d'Agra et dp Corcyre, indiquées dans la Palestina ex monumentis illustrata de Reland, tome II, p. 934 et suivantes. Jupiter Menzana des Sallentins : Festus voce october. Jupiter Trophonius de Lébadie, etc.

(32) Alexandre Polyhistor, auteur d'une σύνταξις περὶ ἰουδαίων, est trop connu pour qu'on lui ail attribué d'être un juif déguisé. Il est possible qu'EupoIemus, dont il a emprunté la portion de narration que nous lisons ici, eût été juif, comme le veut Valckenaer, au. passage indiqué dans sa citation de Cléarque ; toutefois, Alexandre a bien mal profité de sa lecture, et il avait une bien imparfaite connaissance de l'origine du peuple dont il avait entrepris de retracer l'histoire. Au rapport de Suidas, il faisait de Moïse, une femme nommée Moso, qui aurait donné des lois aux Hébreux. Etienne de Byzance dit, à l'article Ἰουδαία, qu'Alexandre Polyhistor l'a nommée ainsi, d'après les filles de Sémiramis Ἰούδα et Ἰδουμαία Certes, s'il devait de pareils renseignements à Eupolemus, malgré le nom de Valckenaer, nous ne saurions souscrire à son arrêt. Alexandre Polyhistor est aussi nommé Cornélius Alexandre, dans deux citations d'Etienne de Byzance, Ἄραξα et Ἄσσος, dans les lieux cités par Alcman. Ce nom de Cornélius lui venait de Cornélius Lentulus dont il avait été l'esclave, l'affranchi et l'instituteur. Au rapport de Suidas, il a laissé 42 ouvrages différents : Pline y a souvent recours. Il mourut dans l'incendie de sa maison à Laurentium, et fut contemporain de Sylla. Villoison, dans son traité de Triplici Theologia, p. 239, (2e éd. des Mystères de Ste Croix) lui attribue, après Rigault, ad Terlul. de Pallio, p. 19, la fameuse lettre d'Alexandre à sa mère, dans laquelle il déclare, sur la foi des prêtres de Jupiter Ammon, que tous les Dieux avaient été des hommes (voir Cyprien, Augustin De C. D. Athenagore leg.). J'ai discuté ailleurs ce point de critique, et je ne partage pas l'opinion de ces deux savants : C'est dans l'Essai sur le Polythéisme l. I. p. 21. George Syncclle a inséré un long fragment d'Alexandre Polyhistor dans sa Chronographie, p. 28 et suivantes, de l'édition du Louvre, où se retrouve une partie des chapitres précédents.

(33) Scaliger, appelé en témoignage par Vigier, discute l'orthographe de celte ville, qu'il dit être la ville que la Genèse nomme Ur en Chaldée ; que Pline, liv. 5, c. 81, nomme Ura. lien conclut qu'on doit écrire οὔρην et non pas οὐρίην. Quant à la désignation ville des Chaldéens, il l'attribue au premier nom Καμαρίνη, et suppose que le nom de Chaldéens ne veut pas dire ici les habitants de la Chaldée, mais les magiciens ou astrologues qui sont quelquefois désignés sous ce nom. Simson, ad annum 2077, « cum Abraham adhuc esset in Chaldœâ sive Mesopotamia, ut ait. B. Siephanus: Actor, 7 2. Mesopotamiam vocans non eam modo regionem quae duobus amnibus Euphrate et Tigri includitur, sed etiam Babyloniani, cujus pars est Chaldœa. Sur quoi Wesseling a fait la remarque suivante :

« Antiquissimus hujus opinionis auctor est Eupolemus qui apud Euseb., liv: lX, praep. evang. c. 17. Ur collocavit in Babylonia. Fuit inibi, eo fere nomine, urbs cujus meminit Plinius L. V, H. N. c. 21. neque tamen vero simile fit ibi incoluisse Abrahami patrem. Ratio itineris qnod ingressus est ut in Cananaeam perveniret, aliud suadet ; aliud etiam Josuas, qui c. 24. 2. affirmat Therachum trans Euphratem a longissimo tempore habitasse, et tamen cis eum fluvium fuit urbs Eupolemo memorata. Verius S. Bochartus l. 11. Phal. 6. Ur quaesivit in Mesopotamia. Ammian. MarcelI, 1. 25. c. 8°. Ur Castellum persicum haud procul Nisibi Tigrique flumine ponit. Id videtur fuisse Ur Chaldaeorum quippequi olim eo loci habitarunt, ut docuit Campeg. Vitringa ad Esaiam 13. »

Ne serait-ce pas dans Καραμίνη qu'on doit chercher l'erreur de ces noms? Il est évident que Camarine est une ville de Sicile.

Apparet Caramina procul. Aeneid. III. v. 701, qui n'a rien à démêler avec la Babylonie. C'est donc le cas d'appliquer le proverbe μὴ κίνει Καμαρίναν.

Quelle est donc la ville cachée sous ce nom ? évidemment Harrha, où le père d'Abraham se réfugia en quittant Ur sa patrie. Il y a encore une ville au-delà de l'Euphrate, du nom de χαρμάνδη, dont Sophanète parle dans l'expédition du jeune Cyrus. Ἐπὶ ταῖς Βαβυλωνίης πύλαις πέραν τοῦ Εὐφράτου πόλις ᾤκιστο ὄνομα Χαρμάνδη, apud Stephanum Byzant. v. Xenophon anabasin, 1, 5, 10. Cette ville a quelque ressemblance avec Καμαρίνη Il y a dans tout cela beaucoup d'incertitude ; la seule chose qui me semble claire; c'est que Καμαρίνη, est un faux nom.

Michaelis, dans la seconde partie de son Spicilegium geographiae Hebrœorum exterœ, p. 104, discute ce texte d'Eupolemus qu'il qualifie, au reste, d'inepte compilateur. Il croit que Camarine est la Cascara du moyen âge; il approuve l'étymologie qu'en donne Scaliger. Il rejette l'opinion de Bayer, dans son histoire de l'Osrhoène, qui y voit l'Orchœn de Ptolémée et la confond avec Erech. et Urhoï.

(34) II y a ici une erreur manifeste, qui ne peut venir que des copistes. δεκάτῃ γενεᾷ ἐν πόλει τῶς Βαβυλωνίας Καμαρίνῃ... ἐν τρισκαιδεκά γενέσθαι Ἀβραάμ. Déjà l'auteur a dit qu'Abraham naquit à la dixième génération, et voici qu'il le fait naître à la treizième. La contradiction est d'autant plus choquante, que la phrase est incorrecte ; le γενέσθαι Ἀβραάμ, ne peut se rapporter qu'à l'une des deux époques. Laquelle est la véritable? il y a lieu de croire que c'est la première. Nous lisons en effet dans le chapitre précédent une citation de Josèphe ainsi conçue : Μνημονεύει δὲ ἡμῖν τοῦ πατρὸς Ἀβραάμου Βηρωσσὸς οὐκ ὀνομάζων, λέγων δὲ οὕτως· μετὰ τὸν κατακλυσμὸν δεκάτῃ γενεᾷ, παρὰ χαλδαίοις τις ἦν δίκαιος ἀνήρ. Il y a donc lieu de penser qu'un chronologiste qui ne partageait pas l'opinion qu'Abraham fût né dans la dixième génération, a substitué, de son autorité, la treizième, et que le copiste a conservé les deux dates, malgré l'absurdité qui en résulte. Michaelis cite ce texte dans la deuxième partie de son Spicilegium geographiœ Ηebrœorum exterœ, p. 105, « decimam tertiam generationem Abrahae computari puto a Mathusala qui diiuvio superstes  fingebatur. Vide me de chronologia Mosis ante Diluvium § XI, p. 144 et 145, commentationum per annos 1763, 1768 prœlcetarum. Vis dum enim de gigantibus qui diluvium effiigerant verba fecerat Eupolemus. »

(35) L'astrologie et la science chaldaïque. Que veut dire découvrir la chaldaïque ? Nous lisons dans le chapitre précédent tiré de Josèphe qu'Abraham étant venu en Égypte y enseigna l'Arithmétique et l'Astrologie. Τήν τε Ἀριθμητικὴν αὐτοῖς χαρίζεται καὶ τὰ περὶ Ἀστρολογίαν. Est-ce là ce qu'il entend par la science chaldaïque, ou bien la science divinatoire des Chaldéens prêtres ? Dahne propose τὴν au lieu de καὶ ; la science chaldaïque serait l'Astrologie.

(36) Cette campagne, dans laquelle Lot fut fait prisonnier, est rapportée au quatorzième chapitre de la Genèse. Au lieu des Arméniens, on trouve dans la Genèse le roi de Sennaar, le roi du Pont, le roi des Elamites et le roi des nations. On voit, en effet, que ces rois commandaient à des peuples voisins de l'Arménie.

(37) J'ai corrigé μεστταείμ en μιζραίμ  rangeant en cela à l'avis de Perizonius, Antiq. Aegyptiacae, c. I, p. 8. Bcehart, geograph. sacra, IV, 24, lit tout ce passage ainsi qu'il suit :

Βαβυλωνίος λέγειν πρῶτον γενεσθαι Βῆλον ὃν εἶναι Κρόνον· ἐκ τούτου δὲ γενέσθαι Βῆλον καὶ Χάμ· τοῦτον δὲ τὸν Χαναὰν γεννῆσαι, τὸν πατέρα τῶν Φοινίκων καὶ Χοὺμ ὑιὸν γενέσθαι ὃν ὑπὸ τῶν Ἑλλήνων λέγεσθαι Ἄσβολον πατέρα μὲν Αἰθιόπων ἀδελφὸν δὲ τοῦ Μιζραὶμ, πατρὸς Αἰγυπτίων. On peut lire les raisons de ces changements, dans le passage indiqué de Bochart ; j'ai cru devoir le suivre.

(38) Ce mot est, dit-on, formé de deux : Erm. qui signifie Syrien et ἴουθ ou ἴουδ, juif.

(39) Cette fausse étymologie du nom d'Hébreu, que notre auteur fait descendre d'Abraham, prouve, suivant Bochart, Chanaan, l. II, c. 14, p. 95, l'ignorance la plus complète de la langue hébraïque ; les lettres qui servent à écrire ces deux noms étant entièrement différentes. Abraham porte déjà le nom d'Hébreu, c. 14, 13 de la Genèse. Il est donc peu vraisemblable qu'Artapan eût été juif, comme le veut Valckenaer De Aristobulo, p. 26, car il n'aurait pas pu commettre ce trait d'ignorance. De plus, il contredit trop ouvertement les livres saints, pour cela. Ainsi, par exemple, lorsqu'il dit que Joseph ayant eu connaissance du complot de ses frères, aurait supplie les Arabes de l'emmener en Égypte ; puis, en approuvant jusqu'à un certain point l'idolâtrie égyptienne, lorsqu'il attribue à Moïse l'introduction du culte des animaux, et la division de l'Égypte en 36 nomes, et autres récits pareils, qui ne peuvent être sortis de la bouche d'un juif. Voir la note sur le chap. 27.

(40) Le nom de ce roi ne se retrouve dans aucune des dynasties de Manéthon. C'est, je le crois, une corruption de Pharaon. D'ailleurs, tout ceci est fabuleux ; ce nom est également défiguré dans les Antiq. judaïq. de Josèphe, l. I, c. 8, Φαραώθης ὁ βασιλεὺχ τῶν Αἰγυπτίων.

(41) Je ne Lis aucun doute qu'on doive lire avec les manuscrits 465 et 466, Molon au lieu de Melon. Nous savons d'une manière certaine, qu'Apollonius Molon avait écrit contre les Juifs. Josèphe c. Apion, l. II, 14.

« Puisqu'Apollonius Molon et Lysimaque et quelques autres, tant par ignorance que surtout par la haine qu'ils nous portent, ont composé des livres contre notre législateur Moïse et contre ses lois, disant qu'elles sont contraires à la justice et à la vérité, qu'il n'est qu'un jongleur et un imposteur, que nos lois ne nous enseignent que le mal et nullement la vertu ; je veux répondre brièvement, etc....  Au surplus Apollonius n'a pas compose un ouvrage suivi, d'accusations contre nous, à la manière d'Apion ; mais il a répandu des calomnies ça et là dans tous ses écrits, tantôt nous accusant d'athéisme et de misanthropie, tantôt nous traitant de lâches athées : par un renversement d'idées étrange, il nous reproche parfois notre témérité insensée, il nous déclare les plus stupides des barbares, les seuls qui n'ayons apporté aucun tribut de découvertes utiles à l'humanité, etc. »

Dans la partie de ce livre, dont le texte grec manque, mais dont la traduction latine existe, on voit que Molon avait le premier accrédite la fable de la tête d'âne, en or, conservée et adorée dans le temple de Jérusalem. Voici donc un fait avéré, l'aversion de Molon contre les Juifs. Eusébe appelle du nom de Juifs, il avait donne la même dénomination, l. V. p. 179, au livre que Porphyre a écrit contre les chrétiens. Αὐτὸς ὁ καθ' ἡμᾶς τῶν δαιμόνων προήγορος, ἐν τῇ καθ' ἡμῶν συσκευῇ — Le même, p. 31 ; 6  ὁ καθ' ἡμᾶς τῶν καθ' ἡμῶν πεποιημένος συσκευήν. Suri la valeur de ce mot, v. Mœris atticista, p. 557, σκεωωρία· σκευωρήματα ἀττικῶς, συσκευή Ἕλληνες, Voir Thomas Mag. p. 796 et intt. Il est donc d'accord avec Josèphe, en signalant un ennemi des Juifs dans Molon ; c'est par conséquent, le même. Quant au personnage, nous le connaissons comme sophiste, professant la rhétorique à Rhodes, à l'époque où Cicéron y fut, dans sa jeunesse, lorsqu'il courait la Grèce, pour son instruction. Plutarque rapporte, c. 4 de la vie de Cicéron, « qu'Apollonius Molon ayant prié le jeune orateur romain de déclamer en langue grecque en sa présence, parce qu'il n'entendait pas le latin, Cicéron se prêta à son désir ; mais après la harangue Apollonius prit un air soucieux et garda le silence, lorsque tous les autres félicitaient le jeune orateur. Cicéron étant affligé de ce silence lui en demanda la cause : Je vous loue ô Cicéron, et je vous admire; mais je déplore le sort de la Grèce, en voyant que les seuls biens qui nous restaient, vont, par votre moyen, devenir la proie des Romains : je veux dire l'instruction et l'éloquence.

« Je ne sais si c'est au même et non pas à un Molon, contemporain de Platon, comme l'a supposé Ménage, qu'on doit attribuer le mot que rapporte Diogènc Laercc, Vie de Platon, 34, ἀλλά τοι Μόλων ἀπεχθῶς ἔχων πρὸς αὐτὸν οὐ τοῦτό φησι θαυμαστὸν εἰ Διονύσιος ἐν Κορίνθῳ, ἀλλ' εἰ Πλάτων ἐν Σικελίᾳ. « Ce qui m'étonne, ce n'est pas Denys à. Corinthe, c'est Platon en Sicile. « Démétrius de Phalère cite ce mot Διονύσιος ἐν Κορίνθῳ comme exemple de laconisme, περὶ Ἑρμηνείας c. 8°. Apollonius Molon est nommé par Strabon, I. xiv,p. 652, 654, 661, et par Suétone in Cœsare, c. 4°, où Casaubon lit Apollonius Molonis, sons-entendu filius, et cite Porphyre dans les questions homériques λύει τὴν ἀπορίαν ὡς καὶ Ἀπολλώνιος ὁ τοῦ Μόλωνος παρίστησι. Je renvoie à la note de Casaubon, L. L. Je reviendrai  sur la difficulté de savoir si l'on doit dire Apollonius Molon ou Apollonius fils de Molon. Ce n'est pas la seule difficulté sur ce nom. Huet, dans la Démonstration évangélique, t. I, prop. 4, ch. 2, § 23. p. 90, de l'édit. in 8°, soutient qu'on ne doit pas confondre Apollonius Molo ou Molonis comme il l'appelle, qui μαλακὸς; dictus est, avec Molon : erreur dont il accuse Josèphe c. Apion, 1. n, tandis que Strabon, 1. xiv, p. 652, ed. de Casaubon, en fait la différence. Voici le passage de Strabon: « Ἔστι λόγος Μόλωνος κατὰ Καυνίων (ὑπὲρ τῶν Ῥοδίων.)

Le même, p. 655 : « Ποσειδώνιος δ᾽ ἐπολιτεύσατο μὲν ἐν Ῥόδωι καὶ ἐσοφίστευσεν͵ ἦν δ᾽ Ἀπαμεὺς ἐκ τῆς Συρίας͵ καθάπερ καὶ Ἀπολλώνιος ὁ μαλακὸς καὶ Μόλων͵ ἦσαν δὲ Ἀλαβανδεῖς͵ Μενεκλέους μαθηταὶ τοῦ ῥήτορος.) ἐπεδήμησε δὲ πρότερον Ἀπολλώνιος͵ ὀψὲ δ᾽ ἧκεν ὁ Μόλων͵ καὶ ἔφη πρὸς αὐτὸν ἐκεῖνος ὀψὲ. Μολών ἀντὶ τοῦ ἐλθών·.

Voici la note de Casaubon sur ce passage : « Aperte Strabo duos facit Apollonium quem mollem vocat et Molonem : atque Apollonius est qui cognomento Molon dictus est. Sic enim eum nominant Quintilinnus multis locis, et Suetonius in Cœsare. Dicam quod sentio : puto enim quoties vel apud Quintilianum, vel apud Suetonium, vel alium occurrit mentio Apollonii Molonis, toties occurrere insigne vel ipsius auctoris vel librarii peccatum : auctoris, si ita scripsit et duos viros ejusdem professionis perperam confudit : librarii, si, cum scriptum esset ab auctore Apollonius mollis, ipse in molonem mutavit. Merito suspicetur aliquis quoties Apollonius Molo ab his vocatur, toties rescribi debere mollis, quod docet nos Strabo, a quo stat Marcus Tullius Molonis auditor, ut ipse saepius testatur (Brutus, 91. Ad Attic. 11, 1.), quem quidern ille nunquam ApolIonium vocat : idem Cicero Apollonium non Molonem sed alabandensem appellat ; in quo pulchre ei cum Strabone convenit. »

Malgré ce jugement de Casaubon, Ernesti, dans l'Index historicus de son édition de Cicéron, réunit ces deux noms sur le même individu. Il est incontestable qu'Apollonius était fils de Molon ; mais tandis que les Grecs écrivaient Ἀπολλώνιος ὁ Μόλωνος, par le besoin de discerner les homonymes ; chez les latins, le père et le fils portant le même nom, on a souvent rapproché ces deux noms. Ainsi, Hérode Atticus, pour Hérode, fils d'Atticus, Apion Pleistonices, pour Apion, fils de Pleistonices. Voir Suétone, Cœsar, 4, Porphyre dans le Scholiaste de Venise ad Iliad. IX 5, et Sturz operum, p, 14. Valère Maxime, Quintilien, parlant du même personnage.

(42) La multiplicité des Philons mentionnés par Eusèbe sans une explication suffisante, en rend la distinction assez difficile. Il en est cependant qui nous sont bien connus, tels sont Philon, le juif d'Alexandrie, dont les ouvrages sont en partie conservés, et Phillon Herennius ou de Byblos qui est traducteur en grec de Sanchoniathon et ennemi juré des Juifs; voir Orig. c. Celse, 1, 15, p. 334 : ce dernier vivait sous Néron; le juif  sous Caius Caesar auprès duquel il fut envoyé comme ambassadeur par les Juifs d'Alexandrie. Mais indépendamment de ceux-là, nous avons le poète, auteur du fragment très corrompu sous nos yeux, et Philon l'ancien. Philon l'ancien, dit Dahne, tome 2, p. 199, de sa Geschichtliche Darstellung, « ne doit pas être confondu avec l'auteur du poème : l'auteur du poème est juif et l'autre est païen. » Cette dernière assertion n'est pas prouvée; il est bien vrai que Josèphe, dans le premier discours contre Apion, § 23, le déclare tel ; mais cette opinion est contredite par St Jérôme qui le croit auteur du livre de la sagesse de Salomon : in praefatione in libros Salomonis : secundus liber (sapientia) apud Hebraeos nusquam est, quin et ipse stylus graecam eloquentiam redolet : nonnulli scriptorum veterum hunc esse Judaei Philonis affirmant. Or, St Jérôme ne pouvait avoir en vue le juif, postérieur à la naissance de J.-C. ; c'est donc de Philon l'ancien qu'il a voulu parler. Quoi qu'il en soit, je crois qu'on ne doit pas confondre le poète Philon, ici cité, avec Philon l'ancien, eût-il été juif comme le poète, qui l'a certainement été.

(43) Ces vers, tellement corrompus que Vigier a renoncé à l'idée de les traduire, ne peuvent l'être en effet qu'autant que l'on change la plupart des mots ; il porte Ἀβραὰμ κλυτοηχὲς. Je lis κλυτήχου d'après la signification de son nom, Clemens Alex. Strom., l. 5, p. 648 ; ἑρμηνεύεται Ἀβραὰμ πατὴρ ἐκλεκτοῦ ἠχοῦς· ἠχεῖ γὰρ ὁ γεγωνὸς λόγος. Abraham est interprété Père de l'écho choisi, parce que la parole (le verbe) proférée retentit » Origène c. Celse, L. V. 45, p. 612, ἐὰν λέγῃ ὁ θεὸς πατρὸς ἐκλεκτροῦ ἠχοῦς καὶ ὁ θεὸς τοῦ γέλωτος καὶ ὁ θεὸς τοῦ πτερνίστου, οὕτως οὐδὲν ποιοῖ ἂν τὸ ὀνομαζόμενον.

Si parlant du dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, il le nomme le Dieu du père de l'écho choisi, le Dieu du rire, le Dieu du lutteur, qui fait tomber en saisissant la jambe, ces dénominations ne signifieront rien. »

Cette traduction du nom d'Abraham est employée par Philon De Abrahamo ; De nominum mutatione ; De glgantibus.

(44) Je n'essayerai pas de justifier ma traduction d'après le texte qui, dans son état actuel, est inintelligible. J'ai dû changer beaucoup de mots pour former un sens passable qui est peut-être très éloigné du texte primitif; je livre à la censure mes corrections, sans essayer même de les défendre.

Ἔκλυον ἀρχεγόνοισι τὸ μόρσιμον ὥς ποτε θεσμοῖς
Ἀβραὰμ κλυτήχου ὑπερτέρου ἅμαμτι δεσμῶν,
Παμφαὲς ἐκπλήμμυρε μεγαυχήτοισι λογισμοῖς
Θεοφιλῆ θέγλητρα.  Λιπόντι γὰρ ἀγλὸν ἔρνος,
Αὐτοφύτων, ἔκκαυμα βριήπυος Ἄγγελος ἴσχων
Ἀθάνατον ποίησεν ἕην φάτιν, ἐξὸτ' ἐκείνου
Ἔγγονος ἀντὶ γόοιο πολύμνιον ἔλλαςε κῦδος.

Καὶ τὰ ἑξῆς οἷς μετ' ὀλίγα ἐπιφέρει.

Ἀντίχερος θηκτοῖο ξιφήφορον ἐντύοντος
Λήμματι καὶ σφαράγοιο παραλιδὸν ἀθροισθέντος,
Ἀλλ' ὁ υεὸς χείρεσσι κεράσφορον ὥπασε κριόν.

(45) Sur la diversité d'orthographes de ce nom, voir les commentateurs de Josèphe, Antiquités judaïques, p. 44 de l'édition d'Havercamp.

(46) Quel est le Démétrius dont ce fragment est emprunté ? voici comme Dahne répond à cette question, l. II, p. 220 :

« On ne sait que répondre à la question, si le Démétrius qui nous a laissé un long fragment sur Jacob est ou n'est pas juif. Il y a, en effet, deux hommes de ce nom, tous deux historiens des Juifs, souvent pris l'un pour l'autre, quoique bien faciles à distinguer. Le premier, Démétrius de Phalère dont le nom et la destinée sont bien connus, bibliothécaire de Ptolémée Soter. Josèphe nous assure qu'il s'est exprimé avec plus d'exactitude que tous les autres, sur les Juifs (contre Apion,1, 23,) ; ce qui prouve que Huet est dans l'erreur lorsqu'il pense que cet historien a confondu Démétrius de Phalère avec son homonyme (prop. IV, § 22, p. 86 de l'édit. 8°). L'autre Démétrius, parlant du quatrième Ptolémée, ne saurait être confondu avec Dérnétrius de Phalère. Ce dernier a écrit sur les rois de Juda, et le fragment sur Jacob ne paraît guère pouvoir lui être attribué. On serait tenté de croire qu'Eusèbe s'est trompé en ne l'inscrivant pas sous le nom de son homonyme. Il porte, en effet, un cachet qui doit le faire considérer comme l'œuvre d'un Alexandrin, en déclarant que Jacob a lutté, non contre Dieu, mais contre un ange, d'après la distinction que les Alexandrins ont toujours cherché à établir entre le Dieu suprême et les Dieux terrestres, en relation avec les hommes. Ce qu'on ne saurait non plus admettre comme doctrine propre à Démétrius de Phalère, à moins de supposer qu'il ne tînt ce récit d'un Juif Alexandrin. »

Huet, dans sa Démons, prop. IV, § 22, et Isaac Vossius, De 70 interp., p. 396, tiennent Démétrius pour Juif.

(47) Il y a ici une contradiction, en ce qu'il donne deux âges différents à Jacob, 75 et 77, à la même époque. Vigier prouve que le deuxième chiffre est exact ; Jacob avait 91 ans quand Joseph naquit. Il était marié depuis 14 ans; retranchez 14 de 91 reste 77. Comparer le chapitre 30 sur la naissance des patriarches, qui corrige les nombreuses erreurs de Démétrius.

(48) Il y a échange dans les noms des concubines de Jacob. Suivant la Genèse, Balla était la servante de Rachel, et Zelpha, celle de Lia ; je crois que l'erreur vient des copistes ; car il est évident que Démétrius a fait usage de la sainte écriture dans sa relation, et plus tard il rétablit les noms dans l'ordre réel.

Au lieu de et la même, il faut lire et Balla.

On peut lire avec fruit les corrections chronologiques et autres, que le père Petau a proposées sur ce chapitre, dans le dix-neuvième chap. du neuvième livre de sa Doctrina temporum, lesquelles s'accordent avec les observations ci-dessus. Vigier renvoie de plus aux Annales de Salianus, tome premier, an du monde 2283.

(49) J'ai rétabli les nombre» d'après le mss. 466 (et le bon sens) : il est étonnant que Vigier ait laissé subsister dans le texte une absurdité pareille à celle qui donnait le même âge aux trois enfants d'une même mère, quoiqu'il l'ait relevée dans ses notes.

(50) On ne comprend pas pourquoi ce chiffre de deux années figure ici, à moins qu'on ne suppose qu'il y a quelque omission, et que Démétrius n'ait déclaré que la seconde année de la disette fut celle où les frères de Joseph vinrent en Égypte. Eusèbe passe par dessus tout ce récit, pour expliquer comment Joseph ne songeait pas à faire venir en Égypte son père et sa famille, pour les soustraire à la famine qui étendait ses ravages dans toutes les contrées circonvoisines. En effet, au chap. 45, 6, de la Genèse on lit : « Il y a déjà deux ans que la famine a commencé à s'étendre sur la terre ; il en reste encore cinq pendant lesquels on ne pourra ni labourer ni récolter. »

(51) Le texte porte une (μίαν), mais c'est évidemment une en sus des autres, car le chiffre sept, qui marque l'addition, ne permet pas qu'il en soit autrement. Au reste, on sait que Joseph ne mangeait pas à la même table que ses frères, mais séparément et avec les Égyptiens.

(52) Vigier développe et justifie celle chronologie ainsi qu'il suit : Abraham avait 75 ans, quand il vint en Chanaan ; il mourut à 175 ans, 100. Jacob avait 15 ans, quand Abraham mourut ; il passa en Égypte à 130, reste 115 ; total depuis la vocation d'Abraham à la migration de Jacob en Égypte : 215.

(55) Cette énumération de l'âge des patriarches à l'époque de la transplantation de Jacob, est fautive en plusieurs points; 1° l'omission de deux noms, Dan qui ne figure pas même dans le premier catalogue, et Issachar qui manque également, y est rappelé ; 2° quant aux âges respectifs, il suffit de les comparer entre eux, pour se convaincre que les faibles erreurs dans les mois sont plutôt dues aux copistes qu'à l'auteur qui ne peut être en contradiction avec lui-même :

Arrivée en Chanaan. Séjour. Départ en Égypte.
Ruben, 12 ans 2m.
Siméon, 11, 4
Levi 10, 6
Judas 9, 8
Nephthali 8, 10
Gad 8, 10
Aser 8,
Issachar 8,
Zabulon 7,
Dîna 6, 4
(32, 10)
(33, 8)
(32, 6)
(32, 7)
(32, 0)
(32, 5)
(32, 8)

(33, )
(32, 8)
45 ans.
44.
43.
42, 3
41, 3.
41, 3.
0, 8.

40,
59.

L'exagération des années que Démétnus attribue aux époques qu'il cite, ne concorde avec aucune chronologie. Est-elle due aux copistes, ou est-elle l'effet de sa conviction ? il est impossible de le décider. Ce qui blesse surtout dans ce calcul d'années ; c'est l'intervalle immense qu'il suppose entre le déluge et le départ de Jacob pour l'Égypte. Pour le remplir, il faillirait créer des générations nombreuses entre Noé et Abraham. Malgré la longévité attribuée aux premiers âges du monde, cette difficulté est insoluble.

Il a dit plus haut qu'il avait 77 ans. J'ai traduit εἰς χαρρὰν au lieu de ἐκ χαρράν. Ce n'était pas en sortant de Charrhan qu'il se rendit chez Laban, mais en y arrivant: Laban habitait à Charrhan.

(54) Vigier croit découvrir une erreur dans l'époque attribuée par Démétrius à la naissance de Kaath, qui concourt avec la mort de Jacob en Égypte. Or, dans l'énumération des petits enfants de Jacob, au 46e chap. de la Genèse, v. 11, il est dit les fils de Levi : Gerson, Kaalh et Merari. Merari étant né avant le départ de la famille de Jacob, il en résulte évidemment que Kaath, étant son aîné, avait dû naître avant l'entrée des patriarches en Égypte, et non pas 17 ans après. J'ai corrigé le nom de Klath en Kaath conformément à la Genèse. On ne doit pas douter que ce ne soit une erreur de copiste. Simson, année 2290, a cru découvrir une fausse indication dans l'âge que Démétrius donne à Levi ; savoir : 43 ans à l'arrivée en Égypte et 60 à la naissance de Kaath. Mais Wesseling, dans sa note sur ce passage, le combat, en disant que toutes les dates de Démétrius sont parfaitement d'accord entre elles, en ce qui concerne Levi : 10 ans 6 mois, au départ de la Mésopotamie, 32 ans 6 mois de séjour en Chanaan, font bien 43 ; 17 ans de séjour en Égypte jusqu'à la mort de Jacob et la naissance de Kaath, font les 60 années qu'il lui attribue dans ce moment. Toute cette généalogie paraît entachée d'erreurs à Perizonius, dans ses Origines Aegyptiacae, c. 20, p. 411, 1° dit-il:  « Jocbabed, femme d'Amram, est nommée fille de Levi (nombres, 20, 59) ce qui ne se peut : elle eût été sœur du père d'Amram. Il fait un calcul qui prouve qu'elle n'aurait pu avoir Moïse que dans un âge fort avancé. On doit donc introduire des générations intermédiaires pour faire concorder les époques ; 2° quand on pense à l'immense augmentation de la population des Hébreux en Égypte, on ne peut croire que certains chefs de famille aient eu aussi peu d'enfants ; ainsi Kaath a quatre fils (3 des nombres 27) qui font quatre peuples, et la seule population mâle de Kaath, au ch. 3 des nombres 28 est de 8600; et Amram, dans ce nombre, ne fournirait qu'Aaron et Moïse. Il n'est donc pas douteux, ajoute-t-il, qu'entre Kaath et le père de Moïse, il est intervenu plusieurs générations.

(55) J'ai fait disparaître l'erreur du telle, qui a transformé le nom d'Amram en celui d'Abraham, plus connu : le mss. 466 porte Ἀμβράν. Il n'y avait pas à hésiter, et je ne sais comment Vigier s'est contenté de relever celle faute dans sa note.

(56) Jocabeth, que Démétrius nous donne pour fille de l'oncle ou cou sine germaine d'Amnra, est nommée fille de Levi, née en Égypte. (Nombres 26. 59.) Déjà Perizonius avait fait voir la presque impossibilité qu'il en fût ainsi,, par un calcul tiré de la durée du séjour en Égypte 215
de l'Age de Moïse à la sortie, 80
ce qui reporte sa naissance à l'an, 135
Levi a vécu en Égypte 94
Si on retranche les 14 ans où Moïse a vécu simultanément avec Levi, il avait 123 ans à la naissance de cet enfant. Si on suppose que Jocabelh avait 40 ans à la naissance de Moïse, il lui aurait donné le jour à 85 ans : c'est possible, surtout à un patriarche ; mais cela suppose une distance considérable dans l'âge de chacun Je ses enfants. Si par fille de Levi on entend seulement sa descendance, ou, comme le dit Démétrius, sa petite-fille, cette difficulté chronologique sera levée.

 (57) J'ai corrigé ici le texte qui péchait contre la pensée et la syntaxe ; κεῖσθαι δ' αὐτήν φησιν ἐν τῇ περὶ ἰουδαίων.

Κεῖσθαι  veut dire que Sichem est située ἐν τῇ dans la.... περὶ ἰουδαίων: cache évidemment le nom du peuple qui ne peut être les Juifs, qui s'y établirent longtemps après. D'ailleurs περί dans ce cas, serait de trop. On voit qu'il est répète de ce qu'on lit plus haut: τὰ δὲ Σίκιμά φησι Θεόδοτος ἐν τῷ περὶ ἰουδαίων, il est donc nécessaire de remplacer le περὶ Ἰουδαίων par un nom de peuple, et justement celui qui a précédé les Hébreux dans cette contrée, porte un nom qui se rapproche assez du texte, περὶ ἰουδαίων Φερεζαίων. Je ne mets donc guère en doute que la correction soit véritable.

(58) Ces vers de Théodote, moins obscurs que ceux de Philon, laissent cependant beaucoup à désirer pour la clarté du sens, la correction de la phrase et la mesure des vers. La prétention de Vigier de mettre en vers latins les vers grecs, fait qu'il s'éloigne de l'exacte traduction pour la remplacer par une imitation vague. Cela a surtout lieu lorsque, comme ceux-ci, les vers grecs sont obscurs. Je dois rendre compte de la mienne. Le sixième vers présente αὐλῶπις; dans un sens qu'aucun dictionnaire n'a indiqué. Ce mot homérique n'est jamais employé que comme épithète de τρυφάλεια et signifie un casque qui se termine en pointe, dit le Scholiaste εἰς στενὸν καὶ μακρὸν ἀπολήγουσα Ἄσπις. ἡ λήγουσα εἰς ὄξὺ υῷ αὐλίσκῳ εἰς ὃν ῀ο λόφος ἐνίεται; ce nom convient donc à une vallée étroite, qui se nomme proprement αὐλὼν (convallis), lorsqu'elle est resserrée entre deux montagnes. Telle était la situation de Sichem. Nous le voyons par la description qu'en fait Théodote et aussi par un passage de Théophraste, Hist. Plantarum, 9, 7, μεταξὺ τοῦ τε Λιβάνου καὶ ἄλλου τινὸς ὄρους μικροῦ ἐστιν ὃν Αὐλῶνα καλοῦσι, πεδίον πολὺ καὶ καλόν: ce qu'il répète en termes à peu près semblables : μεταξύ τε Λιβάνου καὶ ἄλλου τινὸς ὄρους μικροῦ ἐν Αὐλίσκῳ τινί, Pline traduit ainsi ce passage, 12, 22 (48)  « Inter Libanum montem aliumque ignobilem, non, ut quidam existimavere, Antilibanum, in convalle modica juxta lacum cujus palustria estate siccantur, tricenis spatio stadiis calamus et juncus odorati nascuntur. » On pourrait être tenté de corriger ce mot. qui non seulement n'offre celte acception dans aucun autre passage, mais de plus est contre la quantité, πις étant bref, tandis qu'il devrait cire long. Le Mss. 466, présente une variante qui ne rend pas le vers meilleur, mais qui peut donner un moyen de correction : ἀτράπιτος τέτμηται ἀραίη αὐλῶπις... La correction quelle qu'elle soit doit porter sur αὐλῶπις, car nous voyons que αὐλὼν était le nom propre de cette vallée, suivant Théophrasle. Josèphe, l. IV des Antiquités judaïques donne le nom de ces deux montagnes : « οὐ πόρρω τῆς Σικίμων πόλεως μεταξὺ δυοῖν Γαριζαίου μὲν τοῦ ἐκ δεγιῶν κειμένου, τοῦ δ' ἐκ λαιῶν Γιβάλουoù προσαγορυομένου. » C'est auprès du mont Garizim que se trouvait le puits de Jacob où le Sauveur entretint la Samaritaine. La ville est appelée dans Sy Jean évang., c. 4, Sichar : sous les Romains, on la nommait Νεάπολις, et maintenant Naplouse. Ce nom de Sichar est, suivant St Jérôme, dans l'épitaphe de Ste Paule, une corruption du vérilable nom. « Transivit Sichem non ut plerique errantes legunt Sichar quae nunc Neapolis appellatur, et ex latere montis Garizim exstructam, circa puteum Jacob. »

Il faut nécessairement lire ἀτραπίτῳ τέτμηται au lieu de ἀτράπιπος.

(59) Peut-être doit-on lire λίαν au lieu de λίπεν, car plus bas il fait  venir Jacob de l'Euphrate à Sichem.

(60) Ἐπίτρεπτον δὲ δέμας n'a point de sens. Les Mss. 4C5 et 466 portent ἐπίτρεπον qui vaut beaucoup mieux. Mais alors pour la mesure des vers, il faut ajouter quelque chose : je lis donc :

εἶδος ἐπίπρεπον ἠδὲ δέμας, καὶ ἀμύμονα θυμόν

(61) Le texte porte ἰσραὴλ au lieu d'ἰσμαὴλ et ὑιοὺς ἀδελφοὺς au lieu de ὑιὸν ἀδελφόν ; je ne conçois pas que Vigier ait porte la superstition jusqu'à  laisser subsister une erreur aussi manifeste.

(62) Ceci paraît une altération de Gessen, terre dans laquelle furent placés les Hébreux par Pharaon ; voir le chapitre 47 de la Genèse. On retrouve le même nom altéré, d'une autre manière an chapitre 27 Κεσσὰν e Mss. 408 [lorte Τεσσάν. Il subsiste cependant une difficulté'; c'est que dans les deux passages, Artapan appelle Cessa ou Caissa ville : ἐν τῇ πόλει Καισὰν, et chap. 27 : πρῶτον μὲν τὴν Κεσσὰν οἰκοδομῆσαι τό τε ἐπ' αὐτῇ ἱερὸν καθιδρύσασθαι. Nous connaissons par le premier chapitre de l'Exode, les villes que construisirent les Juifs pour Pharaon; ᾠκοδόμησαν πόλεις ὀχθρὰς τῷ Φαραῷ, τήν τε Πειθὼ, καὶ Ῥαμεσσῆ;, ce serait donc Ῥαμεσσῆ, καὶ Ὢν, ἥ ἐστι Ἡλιούπολις.  Mais les Juifs n'ont pas pu élever un temple au vrai Dieu dans une ville d'Égypte : le temple dont parle Artapan, dans la ville de Caissan, était-il pour une divinité égyptienne ? est-ce le lieu où ils habitèrent ? il faut opter et je ne me charge pas de trancher cette question.

(63) Je ne mets pas en doute qu'on doive remplacer par Pithom : τὸ ἐν Ἀθὼς : τὸ ἐν Πειθῶ. 1° ἐν Ἀθὼς est un solécisme, il faudrait ἐν Ἀθῷ; 2° aucune ville de ce nom ne se retrouve en Égypte : j'ai donc introduit ce changement dans le texte.

(64) Sur l'étymologie du mot Ermiouth, voir la note 58, chap. 18 ci-dessus.

(65) Quel est cet écrivain ? ce n'est évidemment pas Philon qui s'exprime en vers ; c'est toujours Polyhistor comme la fin du chapitre le confirme.

L'Aristée περὶ Ἰουδαίων ne doit pas être confondu avec l'auteur de la relation de la traduction des Septante, comme l'a fait Fabricius, bibliothèque grecque t. v, 61. V. Dahne, t. 2, p. 200.

(66) Ἰωβὰμ. du texte, imprimé, corrigé par ἰωβὰβ. 466, résulte de la forme du βῆτα qui se rapproche du M dans certains manuscrits. Jobab qu'Aristée fait descendre d'Esaü, paraît être le même que celui que nous trouvons dans la Généalogie d'Esaü, Genèse XXXVI, § 33. Mortuus est Be!a et regnavit pro eo Jobab filius Zarœ de Bosra; lire sur Job, et ses diverses origines le ch. XX du 9e livre de la Doctrina temporum de Petau.

(67) Voir la note 61 au chapitre 23 ci-dessus.

(68) Le véritable nom de ce roi d'Égypte, d'après les auteurs grecs, est Χεφρήν, contenu dans le distique suivant, cité
par le Scholiasτe de Clément d'Alexandrie; Protreptic p. 44 de Potter :

Μνήματα Χεφρῆνός τε καὶ ἀντιθέου Μυκερίνου
Καὶ Χέοπος κατιδὼν Μάξιμος ἠγασάμην.

(69) Voir le passage cité de Diodore de Sicile, livre II, chapitre premier de la Préparation évangélique où la même cause est indiquée pour les cultes rendus aux animaux différents, suivant les nomes, par les Égyptiens.

(70) Je lis συγγενῶν comme ci-dessus au lieu de γεωργῶν, comme le texte imprimé, ou de γονέων du manuscrit 468.

(71) Il y a lieu de croire que l'Égyptien nommé ici Naclicrot, est le même que dans la suite, il appelle Chanethoth. C'est le même nom que lui donne la Chronique d'Alexandrie.

(72) Hieronymus ad fabiolam ep. 127 : illud Hebrœi autumant quod nocte qua egressus est populus, omnia in Aegypto templa destructa sunt, sive motu terrœ sive ictu fulminum.

(73) Ce récit entremêle de vérités et de fables mérite d'être comparé à la relation encore plus fabuleuse de Diodore de Sicile, Églog. XI, t. 2, p. 542 de l'édition in-folio de Wesseling ; de Justin, 1. XXXVI. Le même expose sur Moïse est cité, d'après Artapan, par Eustath. in hexaëmer, p. 78 et suivantes avec les notes de Léon Allatius, et par le Chronicon Alexand., publié par Raderus, p. 148. « Si l'on considère la manière dont Arapan parle de Moïse aussi bien que d'Abraham à qui il attribue l'invention de l'astrologie; de Joseph qu'il présente comme ayant fait construire le temple d'Héliopolis, on ne saurait mettre en doute que les idées juives étaient parvenues jusqu'à lui ; mais si l'on voulait tirer de là la conclusion qu'il était juif lui-même, on pourrait être arrêté ; car si l'on admettait qu'un Juif eût fait tourner au profit de sa foi les révélations des païens, ce serait contre la manière des Juifs, qui n'acceptaient point, pour de semblables résultat, une matière où l'on pût reconnaître le germe païen. Il était contre leur manière de voir, de donner à ce culte leur législateur comme fondateur. Il est beaucoup plus vraisemblable de prendre Artapan pour un néoplatonicien syncrétiste, tels qu'on en a vu un grand nombre depuis la naissance de J.-C., qui sans renoncer à ses anciennes doctrines et à ses Dieux, sans combattre le dictamen de la raison, cherchait néanmoins à concilier ce qui lui semblait digne d'approbation dans les doctrines opposées, qu'il réunissait sous une forme allégorique. Il devait donc plus naturellement se tourner vers les Juifs que les Juifs vers les païens. On explique ainsi la confusion de Moïse avec Musée, disciple d'Orphée. De la part des Juifs et des Chrétiens, de semblables rapprochements n'auraient eu pour but que de fonder la sagesse grecque sur une base hébraïque, ce qui n'avait pas un intérêt égal au danger de confondre la vraie et la fausse religion. Au lieu de cela les païens admettant une grande variété dans les cultes religieux, saisissaient avidement l'occasion d'établir la prééminence de leurs croyances sur les traditions juives, soutenant en opposition aux philosophes de la Judée, que c'étaient ces derniers qui leur avaient emprunte, et que pour bien comprendre les doctrines juives, on devait les interpréter dans un sens allégorique païen. »

Dahne, t. 2, p. 201.

(74) Le poète Ézéchiel a été, comme tous les auteurs, cité par Eusèbe dans ce neuvième livre de sa Préparation, un sujet de controverse. Philippson qui l'a publié avec la traduction allemande, à Berlin 1830, in-8°, résume dans sa préface les diverses opinions. Il est un point sur lequel tout le monde est d'accord, c'est que cet auteur est juif; mais on diffère sur l'âge où il vécut. Lemoyne, dans ses Varia sacra, suivi par Morhof. Polyhistor, VII, 2, veut qu'il soit postérieur h la naissance de J. C. et le reporte à la révolte de Barcozba, un siècle après cette naissance. Cette opinion est contredite par les autres savants tels que fluet, Démonst. évang. prop. IV, C. 24, par la raison qu'Eusèbe a pris dans l'ouvrage d'Alexandre Polyhistor les fragments qu'il en donne. Or, nous savons que cet Alexandre, dont la biographie a été rapportée par Suidas, était contemporain de Sylla, qui vécut 100 ans avant J.-C. : Ézéchiel l'a donc précède. On en a fait un des Septante, traducteurs de l'ancien testament. Rien ne justifie celle opinion. Est il Alexandrin? c'est l'avis de Philippson, mais Dahne le conteste. C'est un Juif helléniste, on n'en saurait douter.

(75) Μάλιστα δι' αὐτων συγγενεῖς κακουμένους. Ce vers ne s'accorde pas avec ce qui suit : λέγω τί τύπτεις ἀσθενέστερον σέθεν : « Pourquoi frappes-tu un plus faible que toi ?» On ne voit rien dans le premier vers qui marque l'inégalité de la lutte. De plus, κακουμένους  est remplacé dans les mss., 466, 467, 468, par παρουμένους, qui cache un mot meilleur que κακουμένους signifiant l'oppression ; il faut lire δερουμένους ou un mot analogue.

(76) J'ai dû substituer le nom de Jexan à celui d'isaar, que le texte d'Eusèbe donne pour second fiis à Chettura ; d'abord pour le mettre d'accord avec lui même, car plus haut, en établissant la généalogie de Sepphora, il la fait descendre de Jexan et non d'isaar ; ensuite, le ch. 25 de la Genèse ne connaît pas d'Isaar parmi les enfants de Chettura, mais bien Jexan qui est en effet son deuxième enfant. « Abraham épousa ensuite une autre femme nommée Chettura, qui lui enfanta Zamram, Jexan, Madan, Madian, Jesboc et Sué. » Il n'y avait donc pas moyen de laisser subsister l'erreur du texte, et je ne conçois pas comment Vigier a pu l'admettre sans observation.

(76bis) Φησὶ Δημήτριος τὸν Ἀβραὰμ τοὺς παῖδας πρὸς ἀνατολὰς ἀπὶ κατοικίαν πέμψαι· διὰ τοῦτο δὲ καὶ Ἀαρὼν καὶ Μαριὰμ εἰπεῖν ἐν Ἀσηρὼθ Μωσῆν αἰσθιοπίδα γῆμαι γυναῖκα. Déme'trius place l'Éthiopie dans l'Orient par rapport à la Judée et donne le nom d'éthiopienne à Sepphora, femme de Moïse, En cela il a suivi l'Écriture sainte qui, au douzième ch. des Nombres, va 1er, la désigne sous cette même dénomination de pays. Pour se rendre compte de l'opinion sur la situation de l'Éthiopie il faut remonter à la plus haute antiquité. Homère avait séparé en deux les Ethiopiens. Odys. A. 23.

Αἰθίοπας τοὶ διχθὰ δεδαίαται, ἔχατοι ἀνδρῶν,
οἱ μὲν δυσομένου Ὑπερίονος οἱ δ' ἀνιόντος.

L'explication géographique de ce passage a excité une contestation grave entre les deux premiers commentateurs d'Homère, Aristarque et Cratès, qui est longuement rapportée par Strabon, livre 1er p. 30, et par Eustathe sur l'Odyssée, A. p. 1386, éd. de Rome; non qu'ils contestassent cette division en deux d'un même pays; mais l'un (c'était Aristarque), établissait cette division dans le sens des longitudes, ne reconnaissant que l'Éthiopie placée au midi de l'Égypte qui était séparée par le Nil. Cratès se réglant sur l'opinion fort générale qui remontant à Homère, était encore professée par Ératosthène et même par Strabon, quoique Hipparque eût scindé les mers en différents bassins ; Cratès, dis-je, faisant tourner la mer autour de la terre de manière à occuper toute la bande de l'équateur, coupait la terre en deux: la Chtone et l'Anticchthone, et supposait que les Éthiopiens habitaient sur ses deux rives: Aussi lisait-il ce vers ;

ἢ μὲν δυσομένου Ὑπερίονος ἢ δ' ἀβιόντος.

Strabon repoussant la doctrine de Cratès comme sujette à de nombreuses objections, combat également Aristarque en ce que, d'après son système, on ne pouvait pas plus admettre deux Ethiopies que deux Égyptes, également séparées par le Nil. Il dit que tous les navigateurs de la mer Érythrée partis de l'orient en occident et ceux de la mer Atlantique naviguant en sens contraire, n« pouvant se rejoindre à cause de l'isthme, prolongée, formée par l'Afrique, dans ces mers, ont également nommé éthiopiens les peuples qui les bordent d'un et d'autre c6té (Voir le périple d'Hannon), ce qui est vrai. Puis ensuite il rapporte l'opinion d'Ephore qui déclare que dans la pensée ancienne, concernant l'Éthiopie, ce pays s'étendait du levant d'hiver au couchant d'hiver. TΤὸ τῶν αἰθιόπων ἔθνος παρατείνειν ἀπ' ἀνατολῶν χειμερινῶν μέχρι δυσμῶν, ce que répète Pline, 6 35. Sita est Aethiopia ab oriente hiberno ad occidentem hibernum. Strabon appuie de citations d'Homère la preuve de celle division :  telle que c'est la mer Rouge, et non le Nil, qu'il donne pour borne séparative des deux Ethiopies. Cette doctrine est celle de tous les poètes les plus récents comme les plus anciens. Sénèq. Hercul. furens, act. 1er. v  36.

Qua Sol reducens qua que deponens Diem
Binos propinqua tingit Aethiopas face.

Ovide, Met. I. 779. fait arriver Phaéton de l'Orient au temple du Soleil. .

Aethiopasque suos positosque sub ignibus Indos
Sidereis transit, patriosque adit impiger ortus.

Mimnerme avait exprimé cette idée dans des vers élégiaques délicieux qu'Athénée nous a conservé», liv. XI, p. 470, où il oppose l'Éthiopie au pays des Hespérides.

« Ἠέλιος μὲν γὰρ ἔλαχεν πόνον ἤματα πάντα,
οὐδέ ποτ´ ἄμπαυσις γίνεται οὐδεμία
ἵπποισίν τε καὶ αὐτῷ, ἐπὴν ῥοδοδάκτυλος Ἠὼς
ὠκεανὸν προλιποῦς´ οὐρανὸν εἰσαναβῇ·
τὸν μὲν γὰρ διὰ κῦμα φέρει πολυήρατος εὐνή,
ποικίλη Ἡφαίστου χερσὶν ἐληλαμένη
χρυσοῦ τιμήεντος, ὑπόπτερος, ἄκρον ἐφ´ ὕδωρ
εὕδονθ´ ἁρπαλέως χώρου ἀφ´ Ἑσπερίδων
γαῖαν ἐς Αἰθιόπων, ἵνα δὴ θοὸν ἅρμα καὶ ἵπποι
ἑστᾶς´, ὄφρ´ Ἠὼς ἠριγένεια μόλῃ.
Ἔνθ´ ἐπέβη ἑτέρων ὀχέων Ὑπερίονος υἱός. »

Virgile, au lieu de cela, place les Éthiopiens au couchant extrême. Aeneid. IV, 480.

Oceani finem juxta solem que cadentem
Ultimus  Aethiopum locus est.

Les Éthiopiens orientaux ont donné naissance à la fable de Memnon, fils d'un satrape du royaume d'Assyrie, qui vint à Troie, tua Antiloque, et fut tué par Achille, comme fils de l'Aurore; (Homère, Odyss.Δ.. v. 187.)

μνήσατο γὰρ κατὰ θυμὸν ἀμύμονος Ἀντιλόχοιο,
τόν ῥ᾽ Ἠοῦς ἔκτεινε φαεινῆς ἀγλαὸς υἱός·

Non vacat Aurorae, quamquam iisdem faverat armis,
Cladibus et casu Trojaeque Hecubœque moveri.
Cura Deam propior, luctusque domesticus angit,
Memnonis amissi, phrygiis quem lutea campis
Vidit Achillem pereuntem cuspide mater.

(Ovid. Met. l. 13. v. 576.)

Dans la mythologie grecque ce Memnon est fils de Tithon et de l'Aurore, par conséquent neveu de Priam et roi des Éthiopiens. (Hésiode Théogonie, v. 984.)

Τιθώνῳ δ' Ἠὼς τέκε Μέμνονα χαλκοκορυστὴν,
Αἰθιόπων βασιλῆα.

Ce fut Tithon qui envoya les Éthiopiens au secours de Troie (Voir Athénée, l. XV. p. 680). Plus tard, lorsque l'Éthiopie fui plus particulièrement confinée en Afrique, ayant pour capitale Meroë et traversée par le Nil, on fit d'immenses efforts, en torturant les fables anciennes, pour ramener sur les bords du Nil, et placer sur le trône de Meroë le fils de l'Aurore : de là le Memnonium et Memnonis saxea effigies, ubi salis radiis icta est, vocalem sonum reddens. Tacite Annal. l. 2, 61.)  Hérodote dans la Thalie, distingue les Éthiopiens asiatiques des Africains, et dans sa revue de l'armée de Xerxès, (Polymnie 70), il les sépare autant par leur pays différent que par leur qualités physiques. Οἱ μὲν ἀπ' Ἡλίου Αἰθίοπες ἰθυτριχές εἰσι, οἱ δὲ ἐκ τῆς Λιβύης, οὐλότατον τρίχωνα ἔχουσι. (Vroir Denys le Périégète, v. 249). Jusque-là nous n'avons cité que des poètes pour qui la vérité a moins d'empire que les traditions mythologiques. Cependant les historiens eux-mêmes ont partage l'opinion de l'existence d'une double Éthiopie, l'une orientale, l'autre occidentale.

« Les uns ont les cheveux plats, les autres crépus. »

On voit en cela la cause de la confusion qui règne toutes les fois qu'il est question, chez les anciens, d'Éthiopie. L'ignorance de la véritable configuration des parties équatoriales du globe, jointe à celle de l'origine du Nil, ajoutées l'une et l'autre à une Éthiopie orientale imaginaire, ont répandu des ténèbres cimmériennes sur tout ce qui concerne le Nil et l'Afrique. Et comme les uns, c'était le plus grand nombre, faisaient tourner l'Océan atlantique au midi, ils donnaient à l'Afrique une projection orientale contraire à la réalité. Ce qui explique l'erreur d'Alexandre qui, en arrivant à l'Indus, se crut parvenu aux sources du Nil, et s'imagina qu'en s'embarquant sur ce fleuve ou l'un de ses affluents, il arriverait en Égypte. Voir Arrien anab. VI. 1. Strabon. I. 15 p. 696. Lucain, dans  Pharsale I. 10 v. 292, fait sortir le Nil du pays des Sères (les Chinois).

Te que vident primi (quœrunt tamen hi quoque) Seres
Aethiopumque feris alieno gurgite campos.

Virgil. Géorgie. l. IV. v. 287, lui donne la Perse pour contiguë.

Nam qua pellaei gens fortunata Canopi
Accolit effuso stagnantem flumine Nilum
Et circumpictis vehitur sua rura faselis
Quaque pharetratae vicinia Persidis urget
Et viridem Aegyptum nigra faecundat arena,
Et diversa ruens septem discurrit in ora :
Usque coloratis amnis devexus ab Indis :
Omnis in hac certam regio jacit arte salutem.

Stace, Thebaïde, livre 4 v. 705, l'a suivi d'après son usage.

Sic ubi se magnis reflinus suppressit in antris
Nilus et Eoae liquentia pabula brumae
Ore premit : fumant deserto gurgite valles, etc.

Le même l. 8 v. 358.

Qualis ubi aversi secretus pabula cœli
Nilus et Eoas magno bibit ore pruinas,
Scindit fontis opes, septemque pottntibus arvis
In mare fert hiemes.

Mais encore une fois celte licence poétique a été partagée par des auteurs plus sérieux. Hygenus libertus Augusti : De limitibus constituendis p. 116, éd. de Paris 1554, dit que pour aller de l'Égypte à l'Océan il faut passer le Nil.

Il n'y a donc aucune raison de s'étonner qu'une erreur aussi générale que celle d'une Éthiopie orientale ait été partagée par Démétrius et même par l'écrivain sacré.

(77) Le texte de tous les Mss. diffère de la leçon de Robert Etienne et de Vigier, dans les trois premiers vers ; les voici :

Ἐξ ὄρους κατ' ἄκρας οὗ θρονῶν μέγαν
Τιν' εἶναι, μέχρις οὐρανοῦ πτηχός,

Πτυχός 468.

(78) Le même désordre qui régnait dans les premiers vers, avant le le redressement de Robert Etienne, n'ayant point été rétabli par lui, l'a été par Vigier dans ses notes. Il a remis les mots dans l'ordre nécessaire pour qu'on pût les scander, et a dû changer quelques mois pour arriver à ce but. Philippson a adopté cette leçon dans l'édition séparée qu'il a donnée à Berlin en 1830, décès fragments poétiques. En général, les premiers vers sont on ne saurait plus incorrects, dans les manuscrits.

(79) Au lieu de κοιλὰ ποσσὶν on doit lire καλάποσσιν : galoches, dont les semelles sont en bois.

(80) Tous les mss. portent ἀπαλλαγήσεται au lieu de ἀπαλλαγὴ qui se trouve à la marge du mss. de Leyde, qui a évidemment servi de texte à l'édition de Robert Etienne. Si Vigier avait consulté un seul mss, il aurait rétabli la vraie leçon au lieu de l'indiquer en marge.

(80 bis) La description du Phénix par le poète Ézéchiel a été en partie copiée par Eustathe, auteur du commentaire sur l'Hexameron, p. 26 de l'édition in-4° de Léoni Allatius, avec quelques variantes. Isaac Vossius, dans son commentaire sur Pomponius Méla, l. II, c. 8, l'a également cité et corrigé ; Saumaise en donne quelques vers dans ses Exercitationes Plinianae in Solinum, p. 548 de l'édition de Paris. Enfin, M. Philippson, dans l'édition des fragments d'Ezéchiel et de Philon, imprimée à Berlin en 1850, in-8°, a proposé de lire καττοὶς au lieu de κοίτης au huitième vers, ce que j'ai suivi. Pour compléter la collection des passages conservés du même poète, le même éditeur a terminé par les neuf vers qu'Épiphane cite sans non) d'auteur, tome premier, p. 544- de l'édition de Cologne (Leipsic), qu'il dit, d'après Scaliger, appartenir à Ézéchiel. Petau les a donnés  sans observation d'après les corrections du même Scaliger, dans ses notes sur la Chronique d'Eusèbe :

ὦ πᾶσιν ἀρχὴ καὶ πέρας κακῶν, ὄφις,
οὕτω βαρὺν τίκτουσα θησαυρὸν κακῶν
πλάνη τυφλοῦ, ποδηγὸς ἀγνοίας βίου,
χαίρουσα θρήνοις, καὶ στενάγματι βροτῶν;
ὑμεῖς ἀθέσμους εἰς ὕβρεις ὁμοσπόρων,
τὰς μισαδέλφους ὁπλίσαντας ὠλένας
Καίν' μομῦναι φοινίῳ πρῶτον λύθρῳ
ἐπείσατ' ἂρ γῆν, κἀξ ἀκηράτων πεσεῖν
Αἰωνίων τε πρωτόπλαστον ἐς χθόνα
ὑμεῖς ἐτεκτήνασθε.

A toi principe et fin de tous les maux, serpent qui as engendré le  pesant amas des crimes ; qui égares l'aveugle, guide de l'ignorance dans le sentier de la vie, qui te plais à entendre les soupirs et les gémissements des mortels ; c'est par tes perfidies conseils que les parents se sont portés à des excès inhumains envers leurs parents ; que des frères ont porté le fer dans le sein de leurs frères ; que Caïn, le premier en proie à sa fureur,  a souillé la terre d'un sang répandu par le meurtre. C'est toi et les tiens qui, par vos détestables artifices, avez contraint le Protoplaste à quitter le séjour des délices éternelles pour venir habitée cette terre infortunée....

(81) Dans la confusion de ce récit, où l'erreur est mêlée à la vérité, il est bien difficile de reconnaître un juif; car l'ignorance où il est des faits les plus mémorables de sa propre histoire, rend cette supposition invraisemblable.  Quel Juif aurait fait de David le fils de Saül ? L'observation de Josèphe sur l'unanimité des Juifs dans les relations de leur histoire, est fondée : elle tenait à ce que tous leurs historiens puisaient le principe de leurs récits dans les livres saints. De là cet accord qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Or, comment un Juif qui a dû lire les livres historiques, ignore-t-il que David n'est pas fils de Saül ?

(82) Le texte porte μοαμίτας au lieu de μοαβίτας solemni errore M pro B posito, dit Holstenius sur Etienne de Byzance, p. 216. Le même, sur le mot Ναβαταῖοι dit : Si hebraeam originationem sequamur, rectius scriberemus Ναβαθαίους quam Ναβαταίους verbo Nabaioth : germinans.Ovidius Metam. I, 61, Nabathaea que regna, V, 163, dextra Nabathaeus Ethemon Juvénal : satyr XI, 196 Nabathæo bellua saltu. On lit cependant dans le Periégète ce mot par un τ. v, 559 :

ἀλλ' ἤτοι πρῶτοι μὲν ὑπὲρ κλετὺν λιβάνοιο
Ἀφνειοὶ ναίουσιν ἐπωνύμίνην Ναβαταῖοι.

Strabon écrit de même, Libro, XVI, p. 719 ;

Πρὸς τὴν Πέτραν τὴν τῶν Ναβαταίων καλουμένην,

Pline, VI, 28 : ou 33, Nabataei oppidum incolunt Petram.

(83) L'ange qu'il fait intervenir est le prophète Nathan dont le nom est défiguré, v. ch. 7 du deuxième livre des Rois. Quant aux victoires de David sur les peuples voisins de la Judée, le ch. 8 du même livre les rapporte avec le changement que les noms hébreux ont éprouvé en passant dans la langue grecque.

(84) A Aelan, ville d'Arabie, Simson dans le Canon chronicus ad annum 8007. ἐν Αἰλάνοις (au lieu de Ἀχάνοις du texte) εἰς τὸν οὐφειρ (au lieu de εἰς τὴν οὐφρῆ. Aelana est illa celebris urbs in sinu arabico quae in sacris litteris Elath. Eloth. V. Holstenium. ad Steph. Byzant. p. 16. Αἴλανον Salmasius ad Solinum, p. 284, (novae édit. 342) docet frequentius Αἴλανα dictum numero plurali. Urbis hujus nomen corruptum apud Eusebium, l. IX, Praep. evang. c. 30.

(85) Il y a ici une confusion de nom : à la mort de David, deux grands prêtres, Sadoe et Abiathar, partageaient le sacerdoce. Abiathar avait terempé dans la conspiration d'Adonias, pour lui assurer la succession au trône. Sadoc, au contraire, avec le prophète Nathan, fit sacrer Salomon par l'ordre de David, à Githon. Voir le troisième livre des rois, chap. premier. Sadoc descendait bien, il est vrai, du grand prêtre Héli qui avait élevé Samuel ; mais il n'en portait pas le nom.

(86) Le nom de Vaphrès ou bien Ouaphrès que nous trouvons ici, donné au roi d'Égypte, n'est pas celui du l. III c. 3 des rois qui le nomme purement Pharaon, aussi bien que Josèphe. Dans la lignée des rois donnée par Manethon, nous trouvons ce nom attribué à un roi bien postérieur : l'Apriès d'Hérodote, fils de Psammis (Euterpe, 161). Le même roi est cité par le prophète Jérémie, c. 44, 50, sous le nom de Vaphrès : il vécut 414 ans plus tard. L'interprète le nomme Ephré : les modernes le nomment Hophrah. Dans Clément d'Alexandrie, il se nomme Οὐαφρής. Celui-ci n'a rien de commun que le nom, avec le Vaphrès du roi Salomon. Ce dernier est-il le beau-père de ce prince ? cela est assez croyable, car nous savons qu'il avait épousé une fille du roi d'Égypte. Mais auquel, dans la suite des rois d'Égypte, de Manéthon ou d'Ératosthène, doit-on rapporter ce nom? je laisse celte question à résoudre. Au reste, il parait que Josèphe ne lui a pas connu d'antre nom que Pharaon. « Quant à ceux, dit-il, l. VIII, c. 6, de ses Antiquités, qui demandent pourquoi tous les rois d'Égypte, depuis Menès qui construisit Memphis, qui vécut bien des années avant notre patriarche Abraham, jusqu'à Salomon, c'est à dire pendant une période de plus de 1300 ans, se nomment Pharaon ; ayant fait remonter cette dénomination au roi Pharaon, qui ne commença à régner que longtemps après ceux qui occupèrent la première partie de cette époque, j'ai jugé nécessaire de redresser leur ignorance et de leur faire connaître la cause évidente de ce nom. Le mot Pharaon, en langue égyptienne signifie Roi. Je crois que, ayant porté d'autres noms dès leur enfance, ceux qui, ensuite, sont devenus rois, ont quitté leur premier nom pour celui qui marque la souveraine puissance, dans leur langue maternelle. De même que les rois d'Alexandrie, nommés précédemment par d'autres noms, lorsqu'ils furent devenus rois, se sont faits appeler Ptolémées du nom du premier de cette dynastie. Ainsi les empereurs romains ayant porté d'autres noms en naissant, sont appelés Césars : l'autorité et la dignité qu'ils ont acquises, leur ayant conféré ce titre qu'ils ne tenaient pas de leurs auteurs. Je crois qu'Hérodote d'Halicarnasse par cette raison, après Menès qui construisit Memphis, nous ayant déclaré que 330 rois régnèrent sur l'Égypte, s'est abstenu de nous les nommer. C'est qu'ils étaient tous des Pharaons. Après la mort de tous ceux-ci, une femme étant venue à régner, comme il était constant que des rois mâles pouvaient seuls être désignés par le nom commun de Pharaons, auquel cette femme n'osait pas participer, par ce motif on lui refusa un titre que son sexe repoussait, et je trouve, dans mes livres nationaux, qu'après le Pharaon, beau-père de Salomon, aucun roi d'Egypte ne fut plus désigné par ce nom. »

(87) Le nom Sebrithite est évidemment un nom altéré ; on doit lire Sethroïte, comme celui qu'on lit plus bas Bathritite. Lucas Holstenius, sur Etienne de Byzance, a rétabli la véritable orthographe du second : il le nomme Athribite, mais il a laissé intacte l'erreur du premier, que je ne crois pas pouvoir être placé hors du Delta non plus que les autres nomes cités ici. Ptolémée qui, dans son quatrième livre, nous donne la liste des nomes d'Égypte, en place un dans ces régions, sous le nom de Sethroïte. On voit donc que ce nome est voisin de ceux qui viennent ensuite, le mendésien qui a pour capitale Tmouis, Le Bousirite, Bousiris, le Leontopolitain, Leontopolis; l'Athribitain, Athribis. Quant à la certitude de la correction de Lucas Holstenius, elle me paraît incontestable. Bochart dans son Phaleg., p. 59, liv. premier, chap. 15, « Delta ægypti proprie dicebatur Rib. unde est quod in ipso corde τοῦ Δέλτα nomus medius Athribis appellabatur, id est cor pyri, » v. Etymologus magnus vote Ἀθριβής. Voici le passage du grand étymologue :

Ἀθριβὴς π´πλις Αἰγύπτου· γράφεται δὲ καὶ Ἀθλιβὴς, ἧς ὁ πολίτης Ἀθλιβίτης.  Νικάνωρ δὲ διὰ τοῦ Ῥ. Τὸ Δέλτα τῆς νησευομένης Αἰγύπτου ἐστὶ κεφαλὴ, κατὰ καρδίας σχῆμα τῶν περιεχομένων Νείλῳ μεθυσκόμενον, ὅθεν τὸν Νομὸν Ἀθριβὴν προσηγόρευσαν· ὅπερ, εἴ τις ἑλληνιστὶ βούλοιτο φράζειν, οὐκ ἄλλως ἔχοι λέξαι πλὴν καρδίαν.  Οὕτως Ἀπίων καὶ Ὠρίων.

Voir Reland., Palestina sacra, tome II, p. 937 et suivantes où cette étymologie du mot Rib, poire est contestée. Le même Bochart, p. 259, ægyptiis ἄθ vel ἤθ est cor ut scribit Horus Hieroglyphicon l. XVII, c. 7 et ῥίβ´, ῥιβί. Pyrum ; Inde Athribis, cor pyri id est ægypti partis quam pyri forma ægyptii  Rib, id est pyrum vocabant : quod nomen hodieque servat post tot saecula incorruptum. Errif scribit Leo Africanus. Dans l'écriture sainte c'est Raab ; ce dont il cite plusieurs exemples. (Voir Reland...)

(88) Souron, qui est le nom donné ici au roi de Tyr, diffère singulièrement de celui que lui donne Josèphe, Εἵραμος Antiq. judaïques, l. VIII, c. 2 et suivants. Les lettres que cite Josèphe s'éloignent du texte qu'Eusèbe nous donne, aussi bien que les noms, ce qui prouve qu'ils n'ont pas puisé aux mêmes sources. Au reste le fond des pensées est le même. Dans Josèphe, Salomon demande à faire couper des bois dans le Liban, ce que lui accorde le roi de Tyr. On voit que Josèphe a plus exactement suivi la relation du troisième livre des Rois, chap. 5 et 6. Le nom du roi de Tyr, qui est ici la seule chose en question, dans l'écriture sainte est Hiram (3e deisrois 5 et suivants). Dans les mss. de Josèphe on lit  Εἵρωμος Χείραμος ; Menandre d'Éphèse l'appelle Εἵρωμος ὑιὸς Ἀβιβάλου. Simon fait sortir le nom de Souron des autres, de la manière suivantes : étymologie que je laisse à juger ; c'est sur l'an du monde 2977. Appelais hebraeis Hiram et Huram, graecis Εἵρωμος et Σούρων in Eupolemi, verbis apud Euseb. Praepa. evang. l. IX, c. 33, effertur autem Σούρων pro Οὔρωμ.

(89) Potter propose de lire ἐκ τῆς φυλῆς Δάν. D'abord il n'existe pas de tribu de David, qui n'est pas un patriarche. Au 2e livre, 2e chapitre des Paralipomènes, § 13, 14, on lit :

« Misi ergo tibi virum prudentem et scientissimum, filium mulieris de filiabus Dan.  »

(90) Le texte porte ἔξ, mais dans le mss., 465, on lit ἑξήντα ; on voit par l'accent que c'est une erreur, pour ἑξήκοντα. En effet, la longueur ne pouvait n'être que de six coudées, quand la largeur était de soixante.

(91) Josèphe leur donne douze coudées de circonférence et quatre doigts d'épaisseur, vraisemblablement de dorure, ce qui est omis.

(92) Οἶκος est mis ici pour le Saint des Saints : οἶκος τοῦ ἁγίου τῶν ἁγίων, disent les Paralip., c. 3, v. x ; στῆναι me semble préférable. J'ai ajouté πρὸ devant τοῦ οἴκου, 1° pour déterminer où étaient ces colonnes; puis pour donner une construction régulière : στῆναι ou στῆσαι τοῦ οἴκου me paraissant manquer de sens et pécher contre la syntaxe. Les Paralipomènes, l. II, c. 3, v. 15, donnent ce sens au passage qui nous occupe ; καὶ ἐποίησεν ἔπροσθεν τοῦ οἴκου στύλους δύο, καὶ ἔστησε τοὺς στύλους κατὰ πρόσωπον τοῦ ναοῦ, ἕνα ἐκ δεξιῶν, καὶ τὸν ἕνα ἐξ εὐωνύμων. καὶ ἐκάλεσε τὸ ὄνομα τοῦ ἐκ δεξιῶν· Κατόρθωσις· καὶ τὸ ὄνομα τοῦ ἐξ ἀριστερῶν· Ἰσχύς. v. 17. On trouve encore plus bas οἶκος pour le Saint des Saints.

(93) J'ai répété le mot δέκα pour marquer le nombre des candélabres qui me paraît déterminé par ce qu'on lit plus bas, que chaque candélabre portait sept lumières, lesquelles, en total formaient le nombre 70. Les Paralipomènes sont venus encore ici à mon secours, liv. II, chap. 4, v. 7.

Καὶ ἐποίησε τὰς λυχνίας τὰς χρυσᾶς δέκα κατὰ τὸ κρὶμα αὐτῶν, καὶ ἔθηκεν ἐν τῷ ναῷ πέντε ἐν δεξιῶν, καὶ πέντε ἐξ ἀρεστερῶν

Il y a une erreur évidente dans Josèphe qui porte leur quantité à dix mille, Antiq. judiaïq. I, VIII, c. 3.

(94) J'ai dû changer le texte malgré l'unanimité des manuscrits pour conserver δακτυλίους, qu'on doit remplacer par δίκτυα. Tout  prouve la certitude de cette correction ; 1° l'impossibilité. Comment deux anneaux formés de chaînons placés au-dessus du temple sur des machines ayant vingt coudées d'étendue ombrageaient-ils tout le comble en tenant suspendues 400 clochettes du poids d'un talent ? 2° le reste de la phrase rétablit le véritable mot ; seulement au genre féminin au lieu du neutre ; le mss. 466 porte ὅλους τοὺς δικτύους pour ὅλας τὰς δικτύας ; en sorte que voila les trois genres attribués à un substantif neutre; mais toujours le véritable mot surgit au milieu de ces incorrections. 3° Le filet est mentionné dans les Paralipomènes,l. II, c. 4, 12.

Καὶ δίκτυα δύο τοῦ συγκαλύψαι τὰς κεφαλὰς τῶν χωθαρεθ. καὶ κὸνδονας χρυσοῦς τετρακοσίους εἰς δύο δίκτυα.

Dans le dernier chap. de Jérémie, v. 22.

Καὶ δίκτυον καὶ ῥοαὶ ἐπὶ τοῦ γείσους κύκλῳ, τὰ πάντα χαλκᾶ.

(95) Cette assertion, que le sicle d'or équivaut au talent, me semble de toute fausseté, et d'après les apparences, c'est une glose ajoutée à Eusèbe. Josèphe, dans le troisième livre des Antiquités judaïques, donne ainsi la valeur du sicle d'argent : « ὁ Σίκλος νόμισμα Ἑβραίων ὢν, ἀττικὰς δέχεται δραχμὰς τέσσαρας.  Le sicle hébreu contient quatre drachmes attiques »; c'était le sicle sacré. Le sicle commun valait un didrachme, c'est-à-dire la moitié de l'autre. V. Waserus de antiquis nummis Hebraeorum, libro 2° ubi de Stelo. Si l'on calcule l'or comme aujourd'hui à seize fois le poids d'argent, il serait enraie impossible d'atteindre le poids d'un talent. Le talent est formé de 60 mines : la mine de 100 drachmes, ce qui fait 6000 drachmes pour un Talent. Le quart de 6000 est 1300. L'or a pu valoir 15 fois son poids en argent, mais non 1500 fois. Le siècle d'or est donc le centième du talent.

(96) Le Timocharès ici nommé est-il l'astronome Timocharès cité dans le septième livre de l'Almageste de Ptolémée, comme ayant laissé des calculs sur les étoiles, dont Hipparque a conclu l'existence d'un mouvement rétrograde du ciel, cause de la précession des équinoxes? Il a précédé Hipparque d'environ 150 ans, 283 ans avant l'ère chrétienne.

(97) La différence entre ces mesures de la circonférence de Jérusalem, a donné l'idée à Scaliger de corriger μθ dans Timocharès et μζ dans le Schœnométre, parce qu'Hécatée d'Abdère, dans son livre sur les Juifs, donne 50 stades et qu'il le regarde comme une autorité plus digne de foi v. Scaliger, fragments après les Emend. Tempor. p. 24 des notes; Reland Palcestina sacra, t. 3, p. 835.

(98) Ces vers de Philon aussi corrompus que ceux déjà cités de lui sur Abraham, ne tirent presque aucun secours des mss. Joseph Scaliger et Isaac Vossius, sur leurs exemplaires, ont proposé quelques corrections, mais qui ne donnent ni un sens parfait ni une rigoureuse mesure des vers.

Sur le premier vers Vossius lit νισσσόμενος au lieu de νηχόμενος δέκρῃ θροῦν ἀοιδᾶ μεγιστούχοιο λοεστροῖς, ce qui fait toujours un mauvais vers ; néanmoins δέκρῃ me semble incontestable. Scaliger lit μεγιστοχόοιο, qui vaut mieux pour la mesure.

Au troisième vers, Vossius ἐξανιεῖσι participe, au datif, pluriel s'accordant avec Λοετροῖς ; les mss. 467, 468, lisent au cinquième vers ce que propose Scaliger ὑπὲρ πύγροισιν ὀρεινοῖς ; Vigier propose ὑπαὶ. Enfin au huitième vers, Scaliger lit ὑδροχόοιο au lieu de ὑδροχόοισι, ce qui me semble préférable. Malgré ces corrections, il est difficile de donner un texte correct. Dans θρον σὺν ἀοιδᾷ du deuxième vers, on doit chercher le substantif neutre de τὸ θαμβηέστατον ἄλλο

Νισσόμενος δ' ἐφύπερθε τὸ θαμβηέστατον ἄλλο
Δέρκῃ κρούνισμ' ὅ γ' οἶδα μεγιστοχόοιο λοετρροῖς
Ῥεύματος ἐμπίμπλησι βαθὺν ῥόον ἐξανιεῖσι,
Ῥεῦμα γὰρ ὑψιφάεννον ἐν ὑετίοις νιφετοῖσιν
Ἰέμενον πολυγηθὲς ὑπαὶ πύργοισιν ὀρεινοῖς
Στρωφᾶται, καὶ ξηρὰ πέδῳ κεκονιμένα κρήνης
Τηλεφανῆ δείγνυσιν ὑπερέρατα θάμβεα λαῶν
Αἰπὺ δ' ἆρ' ἐκπτύουσι διᾶ χθονὸς ὑδρόχοιο
Σωλῆνες.

(99) J'ai rendu par Saint des Saints le mot οἶκος ; j'ai fait voir dans les chapitres précédents la convenance de cette traduction, voir chap. 34. Au fait, ce n'est pas le temple entier qui est tourné au levant ; car il y a des parties d'édifice à tous les aspects solaires ; mais c'est la partie principale, l'οἶκος, qui est orienté au levant.

(100) Quel est ce roi nommé par Eupolemus Astibarès, roi des Mèdes ? les savants sont partagés à son sujet. Simson, à l'année du monde 3396,veut que ce soit Cyaxare : à l'année 3447, il soutient cette même thèse : Darium Medum non Medorum sed Chaldaeorum regem fuisse testatur, Daniel cap. 9e. Assuerus ille ut modo dixi non alius est quam inclytus Cyaxares, ut et ipsum nomen indicat, quod varie effertur, nempe Assuerus sive Achasuerus. Ἀστιβάρης, Ὀξυάρης (pro ὀχσυάρης) Ἀξοάρσης Ὀξάρκης, Ξέρξης et Ἀξάρης unde fit Κυαξάρης  falluntur ergo qui putant hunc Assuerum, esse Astyagem. B Hieronymus Josephum secutus, existimat Darium medum fuisse Astyagis filium, Cyri avunculum, et patri Astyagi in Medorum regno successisse. Scaliger, dans ses notes sur les fragments, p. 40, dit que Ctesias nomme Cyaxare Astibarès, v. Diod . de Sicile, liv. 2. 34. Néanmoins Wesseling, dans la note à l'année 3396 de Simson, croit que c'est Astyage qu'on doit admettre sous ce nom : sa fille Aroïtis ayant épousé Nabuchodonosor, si l'on doit s'en rapporter à Alexandre Polyhistor cité par Syncelle, p. 210. Scaliger, dans ses Emendationes temporum, veut que ce soit le même que Nabonide : (voir les prolegomenes depuis la page 32 jusqu'à la page 36.) le Labynète d'Hérodote, sous qui Babylone fut prise par Cyrus, lequel fut envoyé par lui comme Satrape, en Carmanie. Je me borne à exposer ces diverses opinions sans les appuyer ni les combattre.

(101) Le rebelle, d'après le récit plus développé de Berose, dans Josèphe, est Pharaon Nechao ou Necos que Bérose considère comme un satrape ; tandis qu'Hérodote, suivant le récit des prêtres égyptiens en fait le véritable souverain de l'Égypte ; voici les termes de Bérose dans Josèphe : 'Ἀκούσας ὁ πατὴρ αὐτοῦ Ναβολάσσαρος, ὅτι ὁ τεταγμένος Σατράπης ἔν τε Αἰγύπτῳ καὶ τοῖς περὶ τὴν Συρίαν τὴν κοίλην καὶ τὴν Φοινίκην τόπος ἀποστάτης γέγονε, συστήσας τῷ διῷ Ναβουχοδονοσόρῳ, ὄντι ἐν τῇ ἡλικίᾳ, μέρ τινὰ τῆς δυνάμεως, ἐξέπεμψεν ἐπ' αὐτόν. Josèphe c. Apion l. 1er 19.

 (102) Le fragment de Bérose, que rapporte ici Eusèbe, est cite deux fois par Josèphe, 1° dans le dixième livre des Antiquités, chap. 11;  2° dans le premier livre contre Apion 19 : les chiffres de la durée du règne de Nabopolassar varient. Dans les Antiquités on lit KA 21, dans l'écrit contre Apion KO, 29. Scaliger, dans ses notes sur les fragments d'anciens historiens, à la suite du livre de Emend. temporum, admet de préférence le nombre 20. Simson a suivi cette correction à l'année du monde 3409, et Capelle dans sa Chronologie sacrée. Eusèbe présente le chiffre 21 dans tous les manuscrits, parce qu'apparemment il avait copié le livre des Antiquités en citant ce passage ; car cette erreur, si c'en est une, est d'ancienne date, se trouvant dans le Syncelle et dans St Épiphane. Contre Scaliger et pour le nombre 21 sont Usherius in Chronologia sacra, Marsham Canon chronicus, p. 587 de l'éd. de Leipsic, Van Alphen, dans l'Appendice, au ch. 8, § XI du commentaire sur le 9e chap. de Daniel, Prideaux, dans l'Histoire des Juifs, t. II, p. 119, enfin Perizonius dam ses Origines œgyptiacae, c. 23, depuis la page 479 à 504. Pétau au livre neuvième, chapitre 58 de la Doctrina temporum, donne à Nabopolassar un règne de 21 ou 25 ans, d'après le canon des rois de Babylone, de Ptolémée. Parmi tous ces chronologistes les uns ont rendu raison de leur option, les autres se sont bornés à l'exposer. Voici les raisons de Scaliger: le nombre un et neuf ἕν et ἐννέα, sont faciles à confondre, a quand même cette variante ns se trouverait pas dans l'un des testes, on aurait dû, dit-il, d'après le début de la prophétie d'Ézéchiel, être amené à cette correction. « Il arriva dans la 30e année, au 4e mois, au 5e jour, lorsque j'étais en captivité sur le fleuve Chobar, que les cieux s'ouvrirent et que j'eus la vision de Dieu. »

Ézéchiel étant en Chaldée, ne devait compter les années, dit Scaliger, que d'après la durée du règne du prince vivant. Or, ce prince était Nabopolassar, c'est donc la 30e année commencée ou la 20e révolue que mourut Nabopolassar, la 152e de l'ère de Nabonassar. Perizonius soutient que cette 30e année ne représente pas la durée de règne de Nabopolassar, mais celle de l'affranchissement de Babylone qui avait secoué le joug des Assyriens, et que Nabepolassar était mort la 145e année de l'ère de Nabonassar; mais que l'an 152 représente la 30e année de l'expulsion des Assyriens de Babylone. De là Perizonius s'engage dans la discussion de savoir comment la quatrième année de Joachim, roi de Juda, a pu être la première de Nabuchodonosor : je n'entreprends pas de le suivre dans cette nouvelle carrière qui remplit 20 pages de ses Origines aegyptiacae, et qui ne présente pas une grande clarté. Je laisse donc subsister le chiffre 21 : non nostrum inter vos tantas componere lites.

(103) Evilmeredach. Le texte d'Eusèbe porte Evilmalourouchos. Josèphe contre Apion, Evilmaradouchos. Evilmarodak, (4e des Rois, ch. 25,) Eviladmerodach, Sincelle. Entre toutes les altérations de ce nom, j'ai préfère: celui généralement adopté d'après l'écriture sainte et la correction de Scaliger.

(104) Neriglisar. Ce nom, dans Josèphe, contre Apion, est écrit Neririglisoor : Scaliger préfère celte orthographe.

(105) Le texte d'Eusèbe porte Chubaessoarachos ; j'ai préféré à cette altération évidente la leçon de Josèphe qui est adoptée par tous les érudits.

(106) La note de Scaliger sur ce passage du fragment, p. 15 et 16, tend à inculquer que ce Nabonnide est le Labynète 2 d'Hérodote qui est mal à propos déclaré fils de Labynète 1er (Nabucbodonosor) par le père de l'histoire ; c'est aussi selon lui Darius le Mède de Daniel : c'est de la sorte que le royaume de Balthazar (Labassoarchodos), passa suivant la prophétie d'abord aux Mèdes, c'est-à-dire à un roi d'origine Mède, puis aux Perses, Cyrus ayant détrôné Nabonnide qu'il relégua en Carmanie. Cette version a trouvé assez d'approbateurs quoiqu'elle ait eu des adversaires : je n'entreprends pas de la discuter, en ayant parlé à l'occasion d'Astibarès.

(107) Pendant 70 ans, le texte et les manuscrits portent πεντήκοντα, cinquante, où évidemment on doit lire ἑβδομήκοντα, soixante-dix.

Cette erreur se trouve déjà dans le texte de Josèphe Contre Apion l. I, c. 21, où Lowth propose la correction de ἑβδομήκοντα ; elle s'est propagée dans le Syncelle. Mais quelle vraisemblance y a-t-il à ce que Josèphe ait pu ignorer la durée de la captivité, qui a été de 70 ans, que les prophètes avaient annoncée devoir durer autant, que Josèphe lui-même au commencement du onzième livre de ses Antiquités déclare avoir été d'un temps égal ; et qu'il oublie tout cela pour lui donner 50 années? Voici le passage du 11e livre, c. 1 :

« La première année du règne de Cyrus qui était la soixante-dixième depuis le jour de la transmigration de noire peuple de la terre natale en Babylonie, le Seigneur eut pitié de la captivité et des adversités de ces malheureux, ainsi qu'il le leur avait prédit par le prophète Jérémie, avant que la ville eut été rasée : savoir qu'après la servitude sous Nauchodonosor et ses successeurs, servitude qui devait durer 70 ans, ils les rétablirait dans leur patrie, ils rebâtiraient le temple et jouiraient de leur félicité passée. »

(108) Et la dixième du règne de Darius, Josèphe Contre Apion, l 20, a la deuxième année; Syncelle qui le copie offre la sixième; et Abraham, in Pharo vet Test., préfère celte date. Je n'ai aucune opinion sur la véritable leçon.

(109) L'orthographe du nom de Nabuchodonosor varie : tantôt nous lisons Ναβυχοδονόρ, ορος comme dans ce texte, tantôt Ναβυχοδονόσορος, ρου Dans Daniel, les Rois, 1. iv; les Paralipomènes, 1. u, le livre de Judith, ce nom est indéclinable. Dans Berose et Abydcnus, il se décline MU- la deuxième déclinaison. Les Septante ont gardé la forme hébraïque, les écrivains grecs ont modifié, dans le goût de leur langue, ces noms étrangers. (110) Celte expression est empruntée à l'oracle rendu à Crœsus au rapport d'Hérodote. Clio, 55 :

ἀλλ' ὅταν ἡμίονος βασιλεὺς Μήδοισι γένηται,
καὶ τότε, Λυδὲ ποδαβρέ, πολυψήφιδα παρ' Ἕρμον
φεύγειν μηδὲ μένειν μηδ' αἰδεῖσθαι κακός εἶναι

Cyrus était désigné sous le nom de Mulet, à cause de son origine mélangée d'un père perse et d'une mère mède.

(111) Cette sorte de prophétie, dans la bouche de Nabuchodonosor, reporte naturellement l'esprit vers le 4e chap. de Daniel avec lequel elle a des points de ressemblance et aussi de différence ; ils se ressemblent en ce qu'il est question, dans l'un et l'autre, d'hommes réduits à l'état des bêtes. Mais dans le livre des prophètes, c'est Nabuchodonosor lui-même, qui éprouve ce sort ; tandis que dans Mégasthène, c'est une imprécation contre le Mède qui doit aider les Perses à renverser l'état de Babylone : ce Mède qu'il nomme l'orgueil de l'Assyrie, ne peut être que Darius le Mède qui fit périr Baltazar, et qui vraisemblablement, dans l'opinion de Mégasthène, devait concourir à livrer à Cyrus la capitale de son royaume. Cette imprécation rapprochée du fragment de Bérose, c. 40, justifierait assez l'opinion de Scaliger (Notes sur les fragments, p. 22 et suiv., Proleg., p. 37 et 579), que Nabonnide le Labynet, d'Hérodote, est Darius le Mède de Daniel. Dans cette imprécation αἰστῶσαι πρόρριζον, est encore ionique et poétique, Hérodote, l. VI, 86 : « ἐκτέτριπται πρόρριζος ἐκ σπάρτης »; I, 52 : « προρρίζους ἀνέτρεψε »: Sophocl., In Electra, v. 765 :

Τὸ πᾶν δὴ δεσπόταισι τοῖς πάμαι
Πρόρριζον ἔφθαρται γένος.

V. 514. πόρριζος ἐκριφθείς

Eurip., Hippol., v. 682 :

Ζεύς σ' ὁ γεννήτωρ ἐμὸς πρόρριζον ἐκτρίψειε

(112) Je crois qu'au lieu de κτίσαι, fonder, ce que personne n'a attribué à Nabuchodonosor à l'égard de Babylone, on doit lire τειχίσαι, fortifier. Le même Abydène reporte à Bélus, ancêtre de Nabuchodonosor, la fondation de cette ville.

(113) Τῷ χρόνιω δὲ τῷ ἱκνευμένῳ ἀφανισθῆναι.

Cette expression du pur ionisme donne une date certaine à l'auteur qui ne peut appartenir aux temps postérieurs. Grégor. Corinth., De Dialecto ionica, 156 : Τὸ οὐκ ἱκνεομένως ἀντὶ τοῦ οὐ προσηκόντως, οὐ καθηκόντως, ubi interp.

La forme ἱκνευμένως est préférable à ἱκνεομένως;. Hérodote, l. VI, 65 : Οὔτε ἱκνεομένως βασιλεύοντα Σπάρτης ; ibid ., 86: Συνευειχθῆναι δὲ οἱ ἐν χρόνῳ ἱκνευμένῳ, ubi interp.; Plutarq., De Educat., 9, in Emil. Paul. et in Caesare. Oracle dans Démosth., tom. II, p. 1072 : Ἐν ἱκνουμένᾳ ἁμέρᾳ: ceci appartient au dorisme. Damascène; Apud Photi cod., 242 Vie d'Isidore, p. 351, de Bekker.

Κατὰ τὸν ἱκνούμενον χρόνον ἀντὶ τοῦ κατὰ ἐπιόντα. C'est le sens que ce mot a ici : « Dans les temps qui suivirent. » Ἀφανισθῆναι. « Il n'y en avait plus de trace. » C'est le sens que je donne à ce mol que Vigier fait rapporter à Bélus ; ce qui est erroné. Que Βélus ait disparu, peu importe au récit ; mais il importe de savoir que ces anciennes constructions étaient disparues quand Nabuchodonosor a reconstruit Babylone. Valckenaer avait dit au passage cité d'Hérodote en parlant de celui d'Abydénus : « Non palam fit an ad Belum sive Babylonem, illud verbum referatur »; pour moi cela ne fait pas un doute.

(114) Ce sont les portes que le prophète Isaïe, c. 45, veut indiquer θύρας χαλκᾶς συντρίψω, καὶ μοχλοὺς σιδηροῦς συγκλάσω.

(115) Le fleuve, on bras de l'Euphrate, nommé ici Armaclé, est nommé tout autrement par différents auteurs : ainsi Arnmien Marcelin, l. XXIV, c. 2, dit : « Ventum hinc ad fossile flumen Naarmalcha nomine, quod amnis regum interpretatur.» Pline, l. VI, c. 26 : « Sicut qui  tradunt Euphratem Chobaris prafecti opera deductum, ubi cum diximus  findi, ne praecipiti cursu Babyloniam infestaret, ab Assyriis vero universis appellatum Armalchar, quod significat regium flumen. » Isidore, Charaxene in stathmiis parthicis : Διαβάντων τὸν Εὐφρὰτην καὶ Ναρμάλχαν ἐπὶ Σελευκίαν τὴν πρὸς τῷ Τίγριδι.

Ce bras de rivière qui paraît être le même que le fleuve Chobar nommé plusieurs fois dans le prophète Ézéchiel, s'appelait donc le fleuve royal ; et d'après cette signification, Bochart, In Phaleg., l. I, c. 8, p. 34, préfère l'orthographe Naarmalcha.

(116) Même incertitude sur le nom de cette dérivation de l'Euphrate, Pline le nomme Narraga, Ptolémée, Baersares ou Maarsares, Ammien Marcell., Marsias, Bochart au même endroit, p. 35, croit qu'on doit lire dans Abydenus Ναρκακάνον, c'est-à-dire fleuve de l'étang.

(117) On a mis en doute si l'on ne devait pas lire Βορσιππῶν au lieu de Σιππαρηνῶν, néanmoins ces deux villes Borsippa et Sippara sont à peu de distance de Babylone, l'une au nord (Sippara) l'autre au sud (Borsippa).

(118) Le nom de cet historien est diversement écrit dans Eusèbe et dans Josèphe : les éditions de Josèphe portent Conon, les manuscrits que j'ai eus d'Eusèbe ont tous Connon. Ce dernier nom est évidemment altéré ; mais doit-on le remplacer par celui de Conon ? telle est la question.

Conon, dont nous possédons cinquante narrations conservées en extrait par Photius, dans sa bibliothèque, était contemporain île Jules César, ainsi que nous l'apprend le même Photius. Il avait dédié ces dites narrations à Archelaüs Philopator, dernier roi de Cappadoce, qui suivit Antoine dans la guerre contre Auguste. Ces narrations tout à fait puisées dans la mythologie grecque, ne donnant guère à penser qu'elles aient pu fournir des discussions sur l'ancienneté des Juifs, je serais bien plutôt disposé à croire qu'il faut lire Κάμων au lieu de Κόμων. Nous savons, en effet, par Michel Apostolius, Proverb.,XX, 29, pr 257, de l'édition de Pantin, qu'un auteur de ce nom avait écrit sur les découvertes ; ce qui a dû faire naître l'occasion de remonter aux antiquités des peuples barbares. Voici le passage: Φοινικήια γράμματα, « lettres phéniciennes. » Κάμων ἐν δευτέρᾳ τῶν Εὑρημάτων ἀπὸ Φοινίκης τῆς Ἀκταίονος ὀνομασθῆναί φησι, μυθεύεται δὲ οὗτος ἀρσένων μὲν παίδων ἔπαις, γένεσθαι δὲ αὐτῷ θυγατέρας Ἀγλαύρην Ἔρσην, Πάνδροσον, τήν τε Φοινίκην ἔτι παρθένον οὖσαν τελευτῆσαι· διὸ καὶ φοινικήια γράμματα τὸν Ἀκταίωνα εἰπεῖν, βουλόμενον τινὸς τιμῆς ἀπονεῖμαι τῇ θυγατέρι.

« Camon, dans le second livre des découvertes, dit que la dénomination Φοινικήια γράμματα fut donnée aux lettres par Actéon: on raconte de lui que n'ayant point eu de fils il eut pour filles Aglaure, Ersé, Pandrose et Phénice qui mourut vierge, et c'est pour rendre un honneur à sa mémoire qu'il appela du nom de Φοινικήια γράμματα les éléments de l'Écriture.»

Ce récit paraît suspect en ce que les noms qu'il donne aux filles d'Actéon sont ceux des filles de Cécrops; au lieu d'Ἀκταίονος  on doit donc lire, dans Michel Apostulius, Κέκροπος. Voir le 14e chap. du IIIe livre de la bibliothèque d'Apollodore. Action fut beau-père de Cécrops. Sur l'existence d'Actéon, voir Africanus cité par Eusèbe, Pr. év., l. x c. 10, p. 490.

(a) Premier strom. p. 358.

(b) Clément Stromat. Ier p. 360.

(c) Josèphe, Antiq., 41e c. V, § 2, et ch.8.

(d) Demeure d'Abraham.

(e) Station du désert. Nombre. 11 et 12.

(f) Exode, XV. 27. XVI. 1.

(g) Tome 2, p. 112, du Josèphe d'Horercamp.

(h) Daniel. 4. 27.