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HISTOIRE UNIVERSELLE DE DIODORE DE SICILE

traduite en français par Monsieur l'Abbé TERRASSON

Tome septième

Paris 1744

livre 32 : histoire d'androgynes ; Viriathe
livre 34 : première guerre servile en Sicile : Eunus (- 140)
livre 36 : deuxième guerre servile en Sicile : Athénion et Tryphon (-104 -100)

LIVRE XXV

I. Le philosophe Epicure dans son Livre des maximes généralement reçues, dit que celui qui ne s’écarte jamais des lois de la justice passe ordinairement sa vie sans trouble : au lieu que l’homme injuste s’attire à lui-même une infinité d’affaires fâcheuses qui ne le laissent jouir d’aucun repos : excellent principe, qui enferme beaucoup d’autres très capables de guérir les hommes de toutes les inclinations perverses qui pourraient les porter à nuire aux autres, et par conséquent à eux-mêmes. L’injustice est la source de tous les maux, non seulement à l’égard des particuliers et des hommes d’une condition commune : mais elle a jeté dans les derniers malheurs les Rois, les peuples, et les nations entières. Les Carthaginois, en guerre avaient toujours pour eux l’Espagne, la Gaule, les îles Baléares, la province Africaine, la Carthaginoise proprement dite, la Ligurie, et beaucoup d’esclaves nés d’un père grec, ou d’une mère grecque...
On vit alors par l’expérience combien l’habileté d’un commandement l’emporte sur l’ignorance du vulgaire, et sur l’opinion précipitée d’un nouveau soldat...
Tel est l’avantage que ceux qui gouvernent tirent de la modestie et de la modération qui les empêche de rien entreprendre qui passe les forces humaines... Au sortir de la Sicile les mercenaires des Carthaginois se soulevèrent contre eux sur les prétextes suivants... Ils demandaient des dédommagements exorbitants pour les hommes et les chevaux qu’ils avaient perdus dans la Sicile... Ils firent la guerre entre eux pendant quatre ans et quatre mois. Ils furent enfin égorgés par le commandant Barcas qui avait combattu courageusement contre les Romains dans la Sicile.

II. Le Carthaginois Amilcar dans le cours de sa préture, avait procuré des accroissements considérables à la puissance et à la gloire de sa patrie ; en conduisant sa flotte jusqu’aux colonnes d’Hercule et à Cadix. Les habitants de cette dernière ville sont une colonie des Phéniciens, établie à l’extrémité de notre continent sur l’Océan, où elle a un port. Cette colonie ayant vaincu les Ibériens et les Tartessiens commandés par Istolatius chef des Celtes, et par son frère, détruisit toute la nation, et fit mourir les deux principaux chefs et quelques autres des plus considérables ; et elle ne conserva que trois mille homme pris vivants dans le combat, et qu’elle fit passer dans ses troupes. Quelque temps après un autre de leurs capitaines nommé Indorrés, ayant trouvé moyen de rassembler jusqu’à cinquante mille hommes, s’enfuit avant l’ouverture d’un combat qu’on lui présentait, et se retira sur une hauteur. Attaqué lç par Amilcar en pleine nuit, Indorrés se met encore en fuite, après avoir perdu la plus grande partie de ses troupes ; et bientôt pris lui-même, il tombe vivant entre les mains d’Hamilcar qui lui fait crever les yeux, et après toutes sortes d’ignominies le fait mettre en croix. Mais il renvoya plus de dix mille prisonniers qu’il avait faits ; il gagna aussi plusieurs villes par des promesses avantageuses, et en emporta quelques autres de force.
Dans la suite Asdrubal, gendre d’Amilcar fut renvoyé à Carthage par son beau-frère, pour faire la guerre aux Numides qui venaient de se révolter contre les Carthaginois. Asdrubal dès le premier combat en mit par terre plus de huit mille, et en prit deux mille vivants : enfin la nation entière réduite en servitude fut chargée d’un tribut annuel. Cependant Amilcar ayant soumis plusieurs villes en Espagne, y en bâtit une très grande, à laquelle sa situation fit donner le nom de Roc-blanc. Acra-leuca. Mais ayant assiégé ensuite une autre ville nommée Helice, il se fixa dans les environs, en renvoyant la plus grande partie de son armée et ses éléphants, au Roc-blanc pour y prendre leur quartier d’hiver. Mais Orisson Roi dans le pays faisant semblant de prendre le parti d’Amilcar contre les assiégés, se tourna tout à coup contre l’assiégeant, et l’ayant attaqué, il le mit en fuite : et sauva ainsi ses fils mêmes, et les amis qu’il avait dans cette ville ; après quoi il se retirait par un autre chemin. Amilcar voulant le poursuivre entreprit de traverser un grand fleuve à gué sur son cheval, qui en se cabrant le jeta dans l’eau où il se noya. Mais Annibal et Asdrubal ses fils qu’il avait menés avec lui arrivèrent sains et saufs au Roc-blanc... Il est juste qu’Amilcar, quoique mort plusieurs siècles avant le nôtre trouve dans l’Histoire l’Epigraphe avantageuse qu’il a méritée. Asdrubal son gendre apprenant la mort de son beau-frère leva aussitôt le siège d’Helice ; et s’en revint au Roc-blanc, où il ramena encore plus de cent éléphants.
Ce dernier ayant été déclaré général par son armée, et par le Sénat même de Carthage, assembla d’abord cinquante mille hommes de pied déjà tous exercés à la guerre ; et dès la première bataille, il défit et tua le Roi Orisson : après quoi il fit périr par le fer tous ceux qui avaient causé la fuite d’Amilcar, et se mit en possession de leurs villes qui étaient au nombre de douze, et ensuite même de toutes les villes d’Espagne. A quelque temps de là ayant épousé la fille du Roi de cette contrée, il fut reconnu par ses habitants commandant et souverain absolu de tout le pays. Il y bâtit sur le bord de la mer une ville qu’il nomma Carthage la neuve, et auprès de celle-ci une autre encore dans le dessein qu’il avait de surpasser en tout son beau-père Amilcar. Il avait aussi levé une armée de soixante mille hommes de pied, de huit cents chevaux et de deux cents éléphants. Mais tombant enfin dans un piège que lui avait tendu un officier infidèle, il fut égorgé après avoir commandé neuf ans les armées de sa patrie.

III. Les Celtes et les Gaulois entrant en guerre contre les Romains, avaient assemblé deux cent mille hommes au moyen desquels ils gagnèrent non seulement la première, mais encore la seconde bataille qui se donna entre les deux peuples, de sorte même que l’un des consuls fut tué dans celle-ci. Les Romains avaient alors sur pied cinquante mille hommes d’infanterie et sept mille hommes à cheval. Quoique vaincus deux fois, ils se relevèrent et parvinrent dans la troisième attaque à tuer aux ennemis quarante mille hommes et à faire passer tout le reste sous le joug.... Le plus considérable des deux Rois ennemis se tua lui-même : mais le second tomba vivant entre les mains des vainqueurs. Aemilius fait consul en récompense d’une victoire si complète, ravage les terres des Gaulois et des Celtes, leur enlève plusieurs forts et remplit Rome des richesses qu’on recueillit de la dépouille de des deux nations.

IV. Hieron de Syracuse envoya des vivres aux Romains dans le temps qu’ils faisaient la guerre aux Celtes : mais il en fut amplement payé après la conclusion de cette guerre.

V. Après un intervalle d’anarchie, qui suivit le meurtre d’Asdrubal , la milice de Carthage se donna pour chef à la pluralité des suffrages, Annibal fils aîné d’Amilcar... Dans le temps qu’Annibal faisait le siège de Sagonte, les citoyens assemblèrent dans un même lieu les vases sacrés de leurs temples. Là même ils apportèrent encore toute la vaisselle qu’ils avaient dans leurs maisons, à laquelle ils joignirent les colliers, les pendants d’oreille de leurs femmes, en un mot tout ce qu’ils pouvaient avoir chez eux en or et en argent qu’ils firent fondre en y mêlant du fer et et plomb pour le rendre inutile aux ennemis. Sortant ensuite de leurs murailles et combattant avec une valeur héroïque, ils se font tuer jusqu’au dernier d’entre eux, après avoir causé eux-mêmes de très grandes pertes aux ennemis. Les dames non moins résolues de leur côté, après avoir égorgé leurs enfants se jetèrent dans las fournaises qu’elles avaient allumées : de sorte qu’Annibal entra enfin sans profit dans une ville en cendres. Les Romains s’étant plaints dans la suite des infractions qu’Annibal avait faites à un traité qu’ils avaient passé avec lui et ne pouvant en avoir raison donnèrent lieu à une guerre qu’on a appelée Annibalique.

Livre XXVI

I. Il n’y a aucun poète, aucun historien, ni aucun autre de ceux qui travaillent à l’instruction des hommes par leurs écrits, qui parviennent à contenter tous les lecteurs et il ne peut pas se faire qu’aucun écrivain, quand même il atteindrait parfaitement son but, se mette à l’abri de toute critique, Phidias lui-même si estimé par la beauté des figures qu’il taillait en ivoire, ni Praxitèle qui semblait communiquer à la pierre les passions humaines, ni Appelle, ni Parrhasius, qui ont porté la peinture à un si haut degré par l’excellence de leurs coloris, n’ont point été assez heureux pour échapper à toute censure. Quels poètes ou quels orateurs ont été plus fameux qu’Homère ou que Démosthène et quels hommes ont mené une ville plus irréprochable qu’Aristide et que Solon ? Cependant on a lu des discours où leur capacité et leur vertu sont attaquées. Pour dire même vrai, quoiqu’ils eussent formé et exécuté l’un et l’autre d’excellentes entreprises, l’infirmité humaine ne leur a pas permis d’être en tout et par tout exempts d’erreur ou de faute. Il y a une espèce d’hommes jaloux et d’ailleurs peu éclairés qui sont peu touchés de ce qu’il y a de noble et de généreux dans le caractère et dans les actions d’un personnage de l’histoire et très capables au contraire de se prêter à une interprétation désavantageuse qu’on leur rend probable. Les actions humaines tirent leur pris non pas des passions ou du jugement d’autrui mais du principe et du motif de celui qui les fait. D’ailleurs on ne peut assez admirer la malheureuse subtilité de ceux qui cherchent à se procurer de la gloire par le tour désavantageux qu’ils savent donner aux actions des autres ... Il y a certaines choses dans la nature qui ne paraissent faites que pour nuire comme la neige et la gelée à l’égard des fruits : mais comme l’extrême blancheur de la neige éblouit les yeux de ceux qui la regardent trop longtemps, il y a certains hommes qui incapables d’eux-mêmes de faire aucune action éclatante, s’en consolent ou s’en vengent en donnant un mauvais tour à celles qu’ils voient faire à d’autres. Mais il convient aux esprits équitables d’accorder les louanges qui sont dues à ceux qui ont porté la vertu au plus haut point où elle puisse atteindre et de ne refuser pas même la portion qu’en ont mérité ceux à qui l’infirmité humaine n’a pas permis d’aller aussi loin que les premiers. Mais en voilà assez contre les détracteurs et les envieux.

II. A l’exemple des athlètes qui se sont exercés longtemps avant de descendre sur l’arène, ils s’étaient acquis une grande expérience et ils avaient rassemblé de grandes forces.

III. Ménodore de Corinthe a écrit l’Histoire de la Grèce en quatorze livres et Sosilus d’Ilium celle d’Annibal en sept livres.

IV. La légion romaine était composée de cinq mille hommes.

V. Les hommes s’assemblent volontiers autour de ceux que la fortune favorise et méprisent ceux à qui elle devient contraire.... L’âme qui est immuable de la nature se trouvera pourtant un jour dans une situation différente de celle où elle est aujourd’hui.

VI. La ville de Rhodes ayant été extraordinairement endommagée par un grand tremblement de terre, Hiéron de Syracuse envoya pour la réparation de ses murailles le poids de six talents d’argent et des cuves de ce métal d’un très grand prix, sans parler de tout l’argent monnayé qu’il fit venir aux Rhodiens. Il les exempta aussi du tribut que lui devaient tous les vaisseaux chargés de vivres qui partaient de la Sicile.

VII. La ville qui porte aujourd’hui le nom de Philippolis, s’appelait autrefois Thèbes Phtiotide.

VIII. L’usage continu des plaisirs et de tous les accompagnements d’une vie molle et délicieuse avait alors détruit en eux la patience, la tranquillité et la sérénité même qu’ils conservaient dans la privation de toutes les commodités de la vie et leurs âmes, aussi bien que leurs corps, s’étaient absolument efféminées. La nature ne revient pas volontiers à la frugalité dont elle est une fois sortie et ne reprend pas aisément les travaux dont elle s’est lassée ; elle se plonge au contraire de plus en plus dans l’oisiveté et dans le luxe dont elle a une fois goûté. Annibal s’est emparé, par beaucoup de travaux et de fatigues, des villes qui appartenaient aux Romains dans le territoire des Brutiens, prit aussi Crotone et se disposait à assiéger Rhège : s’étant déjà rendu maître jusqu’à cette ville, de tout ce qui appartenait aux Romains du côté de l’Occident, ou depuis les colonnes d’Hercule.

LIVRE XXXI

I. Pendant que ces choses se passaient il vint à Rome des ambassadeurs de la part des Rhodiens, pour justifier cette ville des infidélités qu’on lui reprochait. Car on disait que dans la dernière guerre que l’on avait eue contre le roi Persée, les Rhodiens trahissant l’amitié et l’alliance des Romains, avaient favorisé leur ennemi. Ces ambassadeurs ne réussissant point dans leur objet tombèrent dans un grand découragement et s’adressaient les larmes aux yeux aux principaux citoyens de la ville. Antonius tribun du peuple les ayant introduits dans le Sénat, l’ambassadeur Philophron exposa le premier l’objet de leur ambassade, et Astimedès parla ensuite. Après avoir dit l’un et l’autre beaucoup de choses propres à fléchir leurs auditeurs, et après avoir même emprunté, suivant le proverbe, la voix du cygne près de la mort, on leur répondit à peine quelques paroles ; de quoi ils tirèrent un augure favorable. Mais on les accabla ensuite de reproches sur l’infidélité dont il s’agissait... On voit que les grands hommes chez les Romains ne disputaient entre eux que de gloire : émulation bien avantageuse aux peuples qui vivent dans un pareil gouvernement. Parmi les autres nations, les puissants sont toujours jaloux et envieux les uns des autres : mais les Romains se louent et se soutiennent mutuellement ; et ne s’occupant tous que de l’utilité publique, ce concours d’intentions les porte à faire de très grandes choses : au lieu que chez les autres peuples, chacun cherchant par une gloire mal entendue à s’élever aux dépens des autres, ils se nuisent tous réciproquement, et font par là de très grands torts à leur patrie commune.

II. Persée dernier roi de Macédoine qui s’était souvent lié d’amitié avec les Romains, et qui souvent aussi leur avait déclaré très sérieusement la guerre, fut enfin vaincu, et pris par le consul L. Aemilius Paulus qui acquit par cette victoire l’honneur d’un triomphe distingué. Persée tombé en des malheurs tels qu’ils semblent être des fictions fabuleuses, ne renonçait pourtant point encore à la vie. Avant que le Sénat eut déterminé par quel genre de supplice il fallait le faire passer, un des préteurs l’enferma avec ses enfants dans la prison d’Albe. Cette prison est une caverne creuse fort avant sous terre, et de la grandeur d’une salle de dix tables, fort puante d’ailleurs à cause du grand nombre de criminels qu’on y détenait en attendant leur jugement. Il arrivait à plusieurs de ceux qui étaient enfermés dans un lieu que le nombre des prisonniers rendait étroit de s’y couvrir de poils et d’y devenir aussi velus que des animaux. Comme les aliments et les autres besoins de la vie étaient assemblés là sans ordre, le tout ensemble causait une puanteur insupportable. Il passa dans ce lieu là sept jours entiers, réduit même à demander quelques morceaux de pain à d’autres prisonniers auxquels on ne donnait que par mesure, et qui le lui cédaient en déplorant eux-mêmes la situation. Quelques-uns d’eux lui présentèrent un poignard et une corde, pour terminer une vie aussi malheureuse que la sienne. Mais on dirait que les malheureux se consolent de tous leurs maux par la vie même. Il l’aurait pourtant bientôt perdue dans cette situation, si M. Aemilius chef du Sénat ayant égard à la dignité du prisonnier et à l’honneur même de la République, n’eut fait des remontrances très vives à toute l’assemblée, en disant que si l’on n’avait point d’égard aux jugements des hommes, on devait craindre au moins la déesse Némésis armée contre ceux qui abusent de leur avantage. Là dessus on fit passer le captif dans une prison moins obscure, où se laissant flatter d’espérances plus heureuses, il retomba dans des peines encore plus cruelles que les précédentes : car mis entre les mains de satellites barbares, qui se relevaient pour l’empêcher de dormir, il perdit la vie dans cette cruelle espèce de supplice.

Cappadoce.

Dynastie des Ariarathides.

 I Datames satrape de Cappadoce 362-330.
            1 enfant:
                - Ariamnes I. cf: dessous. 

II Ariamnes I.
            2 enfants:
                - Ariarathes I satrape de Cappadoce. cf: dessous.
                - Holophernes.
                            1 enfant:
                                - Ariarathes II (adopté par Ariarathes I satrape de Cappadoce) roi de Cappadoce. cf: dessous. 

III Ariarathes I satrape de Cappadoce 330-322.
            1 fils adopté:
                - Fils adopté: Ariarathes II roi de Cappadoce. cf: dessous. 

IV Ariarathes II roi de Cappadoce 301-280.
            1 enfant:
                - Ariamnes II roi de Cappadoce. cf: dessous. 

V Ariamnes II roi de Cappadoce 280-262.
            1 enfant:
                - Ariarathes III roi de Cappadoce. cf: dessous. 

VI Ariarathes III roi de Cappadoce 262-220.
        épouse: Stratonice fille d'Antiochos II roi de Syrie. cf: Dynastie Seleucide.

            1 enfant:
                - Ariarathes IV Eusebes roi de Cappadoce. cf: dessous. 

VII Ariarathes IV Eusebes roi de Cappadoce 220-163.
        épouse: Antiochis fille d'Antiochos III roi de Syrie. cf: Dynastie Seleucide.
            2 enfants:
                - Ariarathes V Eusebes roi de Cappadoce. cf: dessous.
                - Stratonice.
                        épouse: Eumenes II roi de Pergame. cf: Pergame.

VIII Ariarathes V Eusebes Philopator roi de Cappadoce 163-126.
        épouse: Nysa.
            1 enfant:
                - Ariarathes VI Epiphanes roi de Cappadoce. cf: dessous.

III. Les rois de Cappadoce font remonter leur origine à Cyrus, roi de Perse, et se font descendre en même temps d’un des sept Perses qui tuèrent le mage usurpateur de l’empire.
Voici comment ils établissent leur généalogie. Arosta était soeur de Cambyse, père de Cyrus. D’Atosta et de son époux Pharnace, roi de Cappadoce, naquit Gallus père de Smerdis, qui eut pour fils Artamès père d’Anaphas. Ce dernier fut un prince d’un grand courage, et un des sept qui exterminèrent les mages. Il eut pour successeur un fils du même nom que lui. Ce dernier laissa deux fils Daramès et Arymnée dont l’aîné Daramès lui succéda, prince courageux, et doué de toutes les qualités d’un grand roi. Mais ayant eu une guerre contre les Perses, il fut tué dans un combat où il avait donné de grandes preuves de valeur. Son fils Ariamnès lui succéda, et eut lui-même un fils Ariarathès et Holopherne. Enfin Ariamnè mourut, après un règne de cinquante ans, pendant lequel il ne se passa rien de mémorable. Ariarathès l’aîné de ses fils lui succéda.(ARIARATHES I) On rapporte de celui-ci qu’il aima extraordinairement son frère Holopherne, et qu’il le revêtit de toutes les dignités éminentes de son état. On ajoute qu’Ariarathès se joignit aux Perses qui portaient la guerre en Egypte, d’où il revint comblé des honneurs dont Ochus, roi de Perse, l’avait revêtu en considération de sa valeur. Il mourut enfin dans ses états, en laissant deux fils Ariarathès et Arisas son frère, et qui n’ayant point d’enfants adopta Ariarathès l’aîné de ses neveux. (ARIARATHES II)
Ce fut à peu près en ce temps-là qu’Alexandre, roi de Macédoine, passant en Asie renversa l’empire des Perses, et mourut lui-même bientôt après. Perdiccas qui se trouva chargé en quelque sorte du soin de la succession, envoya Eumène pour commander en Cappadoce. Celui-ci ayant vaincu et tué Ariarathès dans le combat, la Cappadoce et les pays d’alentour furent réunis au nouvel empire de la Macédoine.
(ARIARATHES III) Mais un troisième Ariarathès fils du roi précédent, qui suspendit pour lors le dessein de remonter sur le trône de ses ancêtres, se retira dans l’Arménie avec le peu de troupes qui lui restaient. Cependant Eumène et Perdiccas étant morts, et Antigonus et Seleucus s’occupant chacun de son côté de soins plus importants, Ariarathès emprunta des troupes d’Ardoarus, roi d’Arménie ; par le secours desquelles il tua Amyntas chef des Macédoniens qu’il mit hors des provinces, et recouvra le royaume de ses pères. Il eut trois fils dont l’aîné Ariamnès lui succéda. Il contracta une alliance avec Antiochus surnommé Dieu, en épousant Stratonice fille d’Ariarathès (ARIARATHES IV), fils aîné de ce roi. Cer Antiochus qui aimait extrèmement les enfants, donna lui-même le diadème à son fils, et partagea avec lui tous les honneurs du trône, sur lequel après la mort de son père, il demeura seul. Mais mourant lui-même quelque temps après, il laissa pour succéder son fils nommé aussi Ariarathès (ARIARATHES V) et encore dans la première enfance. Celui-ci épousa Antiochide, fille d’Antiochus le grand, princesse très rusée. Comme elle n’avait point d’enfants, elle trouva moyen d’en supposer deux à son mari Ariarathès et Holopherne : mais dans la suite, devenant grosse elle-même, elle mit au monde contre toute espérance deux filles, et un fils nommé Mithridate. Avouant alors à son mari la supposition précédente, elle lui persuada d’envoyer à Rome le premier de ses deux fils supposés avec une pension médiocre, et le second en Ionie ; afin qu’ils ne fissent aucun obstacle à la succession légitime de son véritable fils. On dit que celui-ci parvenu à la fleur de l’âge, voulut prendre le nom d’Ariarathès, se fit enseigner toutes les sciences de la Grèce et se rendit célèbre par ses vertus. D’un autre côté le roi son père songeait à récompenser l’amour que son fils avait pour lui, et leur bienveillance mutuelle alla au point que le père voulant céder absolument la couronne à son fils, celui-ci déclara qu’il ne donnerait jamais l’exemple d’un fils monté sur le trône du vivant de son père. Il ne lui succéda en effet qu’après sa mort, et il conforma toute sa vie aux préceptes de la philosophie qu’il avait embrassée . Il arriva même de là que la Cappadoce, pays auparavant peu connu des Grecs, devint sous son règne une retraite favorable pour les savants et tous les sages. Il renouvela de plus et entretint toujours l’alliance qu’il avait contractée avec les Romains. Nous terminerons ici la généalogie ou la descendance des rois de Cappadoce que nous avons fait remonter jusqu’à Cyrus.

IV. On a fait de tout temps les figures et les représentations des Romains distingués par leur noblesse et par la gloire de leurs ancêtres, et ces figures rendent avec fidélité parfaite, non seulement des traits de leurs visages, mais toutes les circonstances de leur taille : car il y a des peintres ou des sculpteurs qui à ce dessein observent pendant tout le cours de leur vie, leur maintien, leur attitude en marchant et toute l’habitude de leurs corps. Chacune des grandes familles a dans sa maison ses ancêtres revêtus chacun des marques de dignités auxquelles ils ont été élevés, et des honneurs auxquels ils sont parvenus.

V. Le préteur Memnius qui avait obtenu la décoration de six vaisseaux, fut envoyé en Espagne à la tête d’une armée. Mais les portugais tombèrent sur la flotte dans l’embarras de la descente, le battirent et lui firent perdre la plus grande partie de son équipage. Le bruit de cet avantage des Portugais s’étant répandu, les Tarragonais qui se croyaient bien plus vaillants qu’eux vinrent à mépriser les Romains ; et ce fut à cette occasion que la nation assemblée en forme, entreprit et déclara la guerre à Rome.

LIVRE XXXII

I. Alexandre, roi de Syrie, vaincu par Démétrius, prit la fuite, accompagné de cinq cents hommes, du côté d’Abas ville d’Arabie, dans le dessein de se réfugier chez le prince Dioclès, auquel il avait déjà confié son fils Antiochus encore dans l’enfance. Mais les chefs du parti du capitaine Heliade, qui se trouvaient dans son armée, envoyèrent à celui-ci des députés secrets qui lui offrirent de tuer Alexandre dans sa fuite. Démétrius lui-même favorisant ce projet, les traîtres exécutèrent ce crime, par lequel fut accompli l’oracle qui avait averti le roi Alexandre d’éviter un lieu où l’on aurait vu un être à deux formes.

Comme le texte qui suit a été expurgé par le traducteur, voici le texte en anglais :

http://www.ucpress.edu/books/pages/8914/8914.ch01.html

There was dwelling at Abae in Arabia a certain man named Diophantus, a Macedonian by descent. He married an Arabian woman of that region and begot a son, named for himself, and a daughter named Herais. Now the son he saw dead before his prime, but when the daughter was of an age to be married he gave her a dowry and bestowed her upon a man named Samiades. He, after living in wedlock with his wife for the space of a year, went off on a long journey. Herais, it is said, fell ill of a strange and altogether incredible infirmity. A severe tumour appeared at the base of her abdomen, and as the region became more and more swollen and high fevers supervened, her physicians suspected that an ulceration had taken place at the mouth of the uterus. They applied such remedies as they thought would reduce the inflammation, but notwithstanding, on the seventh day, the surface of the tumour burst, and projecting from her groin there appeared a male genital organ with testicles attached. Now when the rupture occurred, with its sequel, neither her physician nor any other visitors were present, but only her mother and two maidservants. Dumfounded at this extraordinary event, they tended Herais as best they could, and said nothing of what had occurred. She, on recovering from her illness, wore feminine attire and continued to conduct herself as a homebody and as one subject to a husband. It was assumed, however, by those who were privy to the strange secret that she was a hermaphrodite, and as to her past life with her husband, since natural intercourse did not fit their theory, she was thought to have consorted with him homosexually. Now while her condition was still undisclosed, Samiades returned and, as was fitting, sought the company of his wife. And when she, for very shame, could not bear to appear in his presence, he, they say, grew angry. As he continually pressed the point and claimed his wife, her father meanwhile denying his plea but feeling too embarrassed to disclose the reason, their disagreement soon grew into a quarrel. As a result, Samiades brought suit for his own wife against her father, for Fortune did in real life what she commonly does in plays and made the strange altercation lead to an accusation. After the judges took their seats and all the arguments had been presented, the person in dispute appeared before the tribunal, and the jurors debated whether the husband should have jurisdiction over his wife or the father over his daughter. When, however, the court found that it was the wife's duty to attend upon her husband, she at last revealed the truth. Screwing up her courage, she unloosed the dress that disguised her, displayed her masculinity to them all, and burst out in bitter protest that anyone should require a man to cohabit with a man. All present were overcome with astonishment and exclaimed with surprise at this marvel (paradoxon). Herais, now that her shame had been publicly disclosed, exchanged her woman's apparel for the garb of a young man.And the physicians, on being shown the evidence, concluded that her male organ had been concealed in an egg-shaped portion of the female organ, and that since a membrane had abnormally encased the organ, an aperture had formed through which excretions were discharged. In consequence they found it necessary to scarify the perforated area and induce cicatrization: having thus brought the male organ into decent shape, they gained credit for applying such treatment as the case allowed.

Herais, changing her name to Diophantus, was enrolled in the cavalry and after fighting in the king's forces accompanied him in his withdrawal to Abae. Thus it was that the oracle, which previously had not been understood, now became clear when the king was assassinated at Abae, the birthplace of the "two-formed one." As for Samiades, they say that he, still in thrall to his love and its old associations, but constrained by shame for his unnatural marriage, designated Diophantus in his will as heir to his property, and made his departure from life. Thus she who was born a woman took on a man's courage and renown, while the man proved to be less strong-minded than a woman. (Diodorus Siculus, XXXII 10.2 [ = Photius, Library, codex 244, 377b])

A change of sex under similar conditions occurred thirty years later in the city of Epidaurus. There was an Epidaurian child, named Callo, orphaned of both her parents, who was supposed to be a girl. Now the orifice with which women are naturally provided had in her case no opening, but beside the so-called pecten [pubis] she had from birth a perforation through which she excreted the liquid residues. On reaching maturity she became the wife of a fellow-citizen. For two years she lived with him, and since she was incapable of intercourse as a woman, she was obliged to submit to unnatural embraces. Later a tumour appeared on her genitals and because it gave rise to great pain a number of physicians were called in. None of the others would take the responsibility for treating her, but a certain apothecary, who offered to cure her, cut into the swollen area, whereupon a man's privates were protruded, namely testicles and an imperforate penis. While all the others stood amazed at the extraordinary event, the apothecary took steps to remedy the remaining deficiencies. First of all, cutting into the glans, he made a passage into the urethra, and inserting a silver catheter drew off the liquid residues. Then, by scarifying the perforated area, he brought the parts together. After achieving a cure in this manner he demanded double fees, saying that he had received a female invalid and made her into a healthy young man.Callo laid aside her loom-shuttles and all other instruments of woman's work, and taking in their stead the garb and status of a man, changed her name (by adding a single letter, N, at the end) to Callon. It is stated by some that before changing to man's form she had been a priestess of Demeter, and that because she had witnessed things not to be seen by a man, she was brought for trial for impiety. (Diodorus Siculus, XXXII 11 [ = Photius, Library, codex 244, 378b])

Not that the male and female natures have been united to form a truly bisexual type, for that is impossible, but that Nature, to mankind's consternation and mystification, has through the bodily parts given this impression. And this is the reason why we have considered these shifts of sex worthy of record, not for the entertainment, but for the improvement of our readers. For many men, thinking such things to be portents, fall into superstition, and not merely isolated individuals, but even nations and cities. (Diodorus Siculus, XXXII 12, 1 [ = Photius, Library, codex 244, 378b-379a])

Avis au lecteur.

Il s’agit dans le reste de cet article de l’histoire d’une hermaphrodite, nommée Heraïs, de la ville d’Abas, en Arabie. Elle avait était épousée comme femme par un homme de la nation, et ce ne fut en effet que pendant l’absence de son mari, et à la suite d’une violente maladie et d’une éruption contre nature, qu’elle devint homme sans cesser d’être femme. Tout cela est accompagné dans l’auteur d’un assez long détail que je crois devoir supprimer dans une traduction française. Du reste Heraïs cessant dans la suite d’habiter avec son mari, se fit déclarer homme, prit le nom de Diophante, et alla même à la guerre. Au contraire son mari Samiadès, désolé de cette aventure, se donne la mort, en laissant tout son bien à sa femme, quoiqu’elle eût changé de sexe. Et comme cette aventure était arrivée à Abas d’Arabie : c’était là le sens de l’avis donné au roi Alexandre, tué dans ce même endroit, d’éviter un lieu où l’on aurait vu un être à deux formes. Mais à cette occasion l’auteur rapporte encore deux faits semblables. Le premier arriva trente ans après dans Epidaure, à l’égard d’une fille appelée Callo, qui souffrit beaucoup entre les mains d’un chirurgien, qui fut obligé d’employer des opérations très douloureuses pour aider la nature qui tendait à la faire changer de sexe. En étant cependant venu à bout, il demanda une double récompense : l’une pour avoir guéri une fille, et l’autre pour en avoir fait un homme. Cependant Callo par la seule addition d’un "n" s’appela Callon. Mais comme elle avait été prêtresse de Cérès, la superstition et l’injustice de ce temps-là la firent d’abord appeler en jugement comme ayant vu des cérémonies ou des mystères qu’il n’était pas permis aux hommes de voir.

Le second exemple d’androgyne ou d’hermaphrodite rapporté par l’auteur à l’occasion d’Haraïs, avait paru dans le voisinage de Rome, au commencement de la guerre contre les Marses. Un mari qui avait épousé une femme comme telle, crut devoir dénoncer son aventure au Sénat, et suivant les préventions grossières et inhumaines de ces premiers temps, soutenues par les haruspices, le Sénat condamna cette malheureuse femme à être brûlée vive. Les Athéniens quelque temps après en usèrent de même à l’égard d’un sujet semblable. Ce sont peut être des singularités de cette espèce, dit l’auteur en finissant cet article, qui ont fait imaginer les Hyanes, espèce de monstres, qui d’une année à l’autre, deviennent alternativement mâles et femelles. Mais ce ne sont, ajoute-t-il, et fort heureusement, que des accidents particuliers ; ce qui doit nous guérir de la superstition, comme de la plus cruelle de toutes les erreurs humaines.

II. On dit que les murs de Carthage avaient soixante coudées de hauteur, sur vingt-deux d’épaisseur ; ce qui n’empêcha point que les Romains animés par leurs exploits précédents, et munis d’ailleurs de toutes les machines qu’on peut employer dans un siège, ne l’emportassent de force, après quoi ils lamirent au niveau de la terre. 

III. Manassez, en latin Massinissa, roi en Afrique, et qui s’était toujours entretenu dans l’amitié des Romains, vécut quatre-vingt dix ans dans une beauté toujours égale, et mourut enfin en confiant à la République les dix enfants qu’il laissait après lui. C’était un homme fort et puissant, et accoutumé depuis son enfance aux exercices les plus vigoureux. Il se tenait debout des journées entières, ou s’il était assis pour quelque ouvrage, il le continuait jusqu’au soir sans se lever de son siège. Il passait à cheval un jour et une nuit tout de suite. Un signe de son merveilleux tempérament, fut qu’arrivé à quatre-vingt-dix ans, il eut un fils, qui dès l’âge de quatre ans avait une force extraordinaire. Il s’était extrêmement adonné pendant le cours de sa vie à la culture des terres, il laissa à chacun de ses enfants un champ de dix mille arpents d’étendue, fourni de tous les instruments propres au labourage, et lui-même avait administré son royaume pendant soixante ans avec beaucoup de sagesse. 

IV. Nicomède faisant la guerre à son père Prusias, le fit fuir jusque dans un temple de Jupiter, où il eut encore la barbarie de le tuer. Et ce fut par cet horrible parricide qu’il parvint à la couronne de Bithynie. 

V. Les Portugais n’ayant pas d’abord à leur tête un chef assez habile, se laissèrent vaincre par les Romains. Mais s’étant mis ensuite sous la conduite de Viriathus, ils jetèrent les Romains à leur tour dans de grandes pertes. Celui-ci était né dans la partie du Portugal qui regarde l’Océan. Accoutumé dès son enfance à la profession de berger, et ayant passé sa vie sur les montagnes, il y avait acquis un tempérament très robuste. Il surpassait en force et en légèreté de corps tous les habitants de son pays. Il s’était même accoutumé à de violents exercices, qu’il ne soutenait qu’au moyen d’une nourriture très légère, et d’un sommeil très court. Il avait toujours sur lui des armes toutes de fer et très pesantes ; et il cherchait à combattre contre des brigands ou contre des bêtes sauvages. Devenu célèbre dans sa patrie par ces sortes d’exercices, il se trouva bientôt chef des bandits, et se rendit assez habile à la guerre pour y acquérir la réputation d’un grand capitaine. Il était extrêmement équitable dans le partage des dépouilles qu’il distribuait toujours à proportion des preuves de valeur qu’on avait données. Il eut souvent affaire aux Romains, et l’emporta sur eux plus d’une fois. Il vainquit entr’autres leur commandant Vetilius dont il détruisit l’armée, qu’il prit vivant et qu’il tua de sa main. Il eut ensuite d’autres avantages, jusqu’à ce que Fabius étant nommé commandant contre lui, il commença à baisser de réputation. Cependant ayant encore rassemblé ses troupes, il prit de l’avantage sur Fabius même, et le réduisit à des conventions qui ne parurent pas dignes du nom romain. Mais Caepion qui fut mis ensuite à la tête de l’armée contre Viriathus, annula ces conventions. L’ayant battu plus d’une fois, et réduit même à la dernière infortune, il le fit tuer par la trahison de quelques domestiques du vaincu. Il épouvanta de même Tantalus, successeur du mort, et ayant écarté ses troupes, il l’amena aux conditions qu’il lui plut de lui imposer, après quoi il lui accorda un territoire et même une ville pour habitation.

LIVRE XXXIV.

I. Le roi Antiochus forma le siège de Jérusalem, les Juifs le soutinrent courageusement pendant quelque temps ; mais ayant consumé toutes leurs provisions, ils furent obligés d’enter en négociation avec lui. La plupart de ses confidents lui conseillaient d’emporter la ville de force, et d’exterminer la race des Juifs comme une nation qui ne contractait alliance avec aucune autre, et qui les regardait toutes comme ennemie. On lui représentait que leurs ancêtres avaient été chassés de toute l’Egypte comme des impies et des hommes haïs des dieux. Que leurs corps étant couverts de dartres et de lèpre on les avait forcé de se réfugier en des lieux déserts et inhabités. Qu’en conséquence de cette expulsion, ils s’étaient réunis en corps dans un camp qu’ils avaient trouvé libre autour du terrain où Jérusalem est actuellement placée, et que rassemblés là ils entretiennent ensemble la haine qu’ils ont pour tous les autres hommes. Qu’une de leurs lois est de ne se mettre jamais à table avec aucun étranger, et même de ne lui souhaiter aucun bien. On ajoutait qu’Antiochus, surnommé l’Illustre, ayant vaincu les Juifs, avait pénétré jusque dans le sanctuaire, où suivant leur loi, il n’était pas permis d’entrer qu’au Grand Prêtre. Le roi vit là une statue de pierre représentant un homme à grande barbe qui était assis sur un âne. Il jugea que c’était Moïse, fondateur de Jérusalem, qui fit prendre de grands accroissements à la nation, mais qui lui inspira en même temps par des lois odieuses, de haïr tous les autres peuples. C’est pour cela qu’Antiochus qui détestait ces principes, fit immoler devant la statue de ce fondateur, sur l’autel qui était à l’air au-dehors du temple, un grand pourceau, avec le sang duquel il voulut qu’on arrosât les Livres Sacrés des Juifs, qui ne respiraient que l’aversion et la haine pour les étrangers. Il fit éteindre aussi la lampe qu’ils appelaient immortelle, et qui brûlait perpétuellement dans leur temple. Mais de plus il força le Grand Prêtre et d’autres Juifs à manger des viandes qui leur étaient interdites par leurs lois. Tous les officiers du roi l’exhortaient vivement à exterminer la nation entière, ou du moins à la forcer de prendre d’autres coutumes et d’autres moeurs. Mais le roi qui avait une grande élévation d’esprit, et qui était de plus extrêmement doux et humain, se contenta d’exiger des Juifs un tribut pour la sûreté duquel il prit des otages : après quoi faisant raser les murailles, il oublia d’ailleurs toutes les accusations portées contre eux. 

II. Les affaires de la Sicile ayant prospéré soixante ans de suite, après la ruine des Carthaginois, cette île vit naître la guerre qu’on appela servile, ou des esclaves, et dont voici l’origine. Les Siciliens ayant amassé de grandes richesses à la faveur de la longue paix dont ils jouissaient, avaient acheté un grand nombre d’esclaves ; et les particuliers les faisant venir d’un marché où on les tenait tous ensemble, les marquaient d’un fer chaud pour les distinguer. On en faisait des bergers, s’ils étaient bien jeunes, et on employait les autres à d’autres services. Mais on les traitait tous avec une extrême dureté, et à peine leur donnait-on le nécessaire pour la nourriture ou pour l’habillement. Il arriva de là qu’une partie d’entr’eux s’adonna au vol ou au pillage, et le pays se remplissait de brigands et d’assassins. Les commandants dans les provinces entreprirent d’abord d’apporter quelque remède à ce désordre. Mais comme on n’osait pas en faire une punition exemplaire, en considération des maîtres auxquels ces malfaiteurs appartenaient ; ces commandants semblaient conniver à se brigandage : car comme la plupart des maîtres de ces esclaves étaient des chevaliers romains, juges eux-mêmes des intendants des provinces, ils étaient formidables pour ces intendants. Il arriva de-là que les esclaves opprimés et sujet à des flagellations fréquentes, résolurent entr’eux de se soustraire à ces vexations. Ainsi cherchant les occasions de s’assembler, ils conférèrent assez longtemps entr’eux des moyens de secouer le joug de leur servitude, avant que de mettre comme ils le firent enfin, leur projet à exécution. Il y avait parmi eux un Syrien de nation, né dans la ville d’Apamée, magicien de profession, et fabricateur de prodiges, qui appartenait à Antigène citoyen d’Enna. Il se donnait pour un homme qui avait le don de voir l’avenir dans les songes, et il avait déjà imposé à un assez grand nombre de gens, par la prérogative qu’il s’attribuait en cette matière. Partant de cette imposture pour aller plus loin, il prétendit bientôt que les dieux lui apparaissaient dans le jour même, qu’il s’entretenait avec eux tout éveillé qu’il fût, et qu’ils lui révélaient l’avenir. Or quoiqu’il ne débitât que les rêveries qui se présentaient à chaque fois à son esprit, le hasard fit que quelques-unes de ses prédictions se trouvèrent véritables. Ainsi personne ne relevant les fausses, et tout le monde faisant valoir celles que le hasard vérifiait, la réputation de ce faux prophète s’accrut prodigieusement. Dans la suite même il s’avisa de faire sortir de sa bouche des flammes artificielles, ou des étincelles qu’il accompagnait de gestes et de contorsions de fanatique, quand il avait quelque prédiction à faire ; de sorte qu’on ne doutait plus qu’il ne fût inspiré par Apollon même ! Quoiqu’au fond tous ses prestiges ne consistassent qu’à insinuer dans sa bouche des noyaux ou des coquilles de noix remplies de matière inflammable. Avant même que de lever l’étendard de la révolte, il avait dit à beaucoup de gens et à son maître même, que la déesse de Syrie lui était apparue, et lui avait prédit qu’il serait roi. Comme on tournait cette prédiction en risée, Antigène son maître se divertissait lui-même de l’extravagance de son esclave, le menait avec lui aux repas où il était invité ; et là on demandait à Eunus, car c’était le nom de cet insensé, comment il traiterait dans le temps de sa royauté, chacun de ceux qui se trouvaient à table avec lui. Il répondait sans se déconcerter à toutes les questions : déclarant sur tout qu’il serait doux et humain, surtout à l’égard de ceux qui avaient été ses maîtres. Par se semblables propos et d’autres encore plus impertinents, il faisait rire tous les convives. En plusieurs maisons, on lui faisait présent de ce qu’on enlevait de plus exquis de dessus de la table, en le priant de ne pas oublier ses anciens amis, lorsqu’il serait monté sur le trône. Mais enfin toutes ces extravagances aboutirent à l’accomplissement réel de sa prophétie, et il fit exactement étant roi tous les présents qu’il avait promis à ceux qui ne lui avaient demandé que par risée et pour se moquer de lui. Or voici quelle fut la cause actuelle et immédiate de cet événement extraordinaire. Un citoyen d’Enna, nommé Dampphile, que ses richesses avaient enorgueilli et rendu barbare, traitait ses esclaves avec une sévérité cruelle, et sa femme, nommée Mégallis animait encore son mari, et lui suggérait tous les jours de nouvelles inhumanités. Les esclaves poussés à bout et désespérés, en vinrent à conclure entr’eux de se défaire de leurs maîtres. Ils s’adressent d’abord à Eunus, et lui demandent comme à un homme inspiré, si les dieux autoriseront la vengeance qu’ils méditent. Eunus contrefaisant d’abord l’enthousiasme suivant la coutume, leur répondit que les dieux contentaient à leur entreprise, et il leur conseilla de plus d’en hâter l’exécution : ils s’assemblent aussitôt au nombre de quatre cents, et sous la conduite d’Eunus qui mettait en usage son vomissement de flammes, ils entrent dans la ville d’Enna. Là pénétrant dans les maisons, ils y font un massacre effroyable, sans épargner les enfants qu’ils arrachent du sein de leur mère pour les jeter contre terre ; mais il est impossible de faire le détail des affronts honteux ou sanglants qu’ils firent à toutes les femmes en présence même de leurs maris, soutenus qu’ils furent bientôt par les autres esclaves établis et logeant dans les maisons particulières ; et qui après le massacre de leurs maîtres, se joignirent à ceux qui étaient venus de dehors, et ne firent qu’un corps avec eux. Cependant Eunus apprenant que son maître Damophile s’était retiré à la campagne avec sa femme, il envoya là une escouade de ses gens avec ordre d’amener le mari et la femme les mains liées derrière le dos, et qu’on ferait marcher en les frappant comme des animaux : mais en ménageant avec beaucoup d’attention leur fille, qui avait toujours plaint les esclaves des mauvais traitements qu’on leur faisait essuyer, et qui leur avait procuré tous les soulagements qui étaient à sa disposition : réserve qui marquerait que la révolte actuelle n’était point une sédition aveugle et tumultueuse, mais un juste châtiment des cruautés de leurs maîtres. Arrivés dans la ville, ils firent monter Damophile et sa femme Mégallis sur le théâtre public, où tous les révoltés s’étaient donné rendez-vous. À Damophile qui avait préparé sa défense, commençait à gagner une partie des assistants. Mais Hermias et Zeuxis le traitèrent d’extravagant, et sans attendre que le public prononçât sa sentence, le premier lui enfonça son épée dans le corps, et le second lui emprta la tête d’un coup de hache. Aussitôt Eunus est déclaré roi par la voix publique : non qu’il eût donné des preuves particulières de courage, ni qu’il eût jamais eu de commandement à la guerre, mais uniquement à cause de son enthousiasme prétendu, et parce qu’il se trouvait le chef de la révolte actuelle et présente. Outre cela son nom seul prétendait quelque chose de favorable et de bon augure pour ceux qui se soumettaient à ses ordres. Etabli donc souverain arbitre de toutes choses par les révoltés, il fit mourir d’abord tous les citoyens d’Enna qui avaient été pris vivants, à l’exception de ceux dont la profession était de fabriquer des armes ; et d’ailleurs ceux-ci furent attachés à leur ouvrage comme des esclaves. A l’égard de Megallis elle fut livrée à ses esclaves, filles, pour en prendre la vengeance qu’il leur plairait. Après lui avoir fait souffrir plusieurs sortes de tourments, elles la jetèrent du haut en bas d’un précipice. Eunus de son côté, fit mourir ses deux maîtres Antigène et python, après qu’il eût pris le diadème et les autres ornements royaux. Il déclara reine en même temps Syra sa femme qui était de même nation que lui, et il se forma un conseil de ceux de ses compagnons qui lui parurent les plus intelligents. Il y en avait un nommé Achaeus, et Achéen de nation, homme de bon conseil, et expéditif dans l’exécution. Au bout de trois jours de temps il eut plus de dix mille hommes, munis de toute espèce d’armes que le hasard leur avait fournies, et il en rassembla d’autres armés de haches, de frondes, de faux, de bâtons brûlés par le bout, de broches mêmes de cuisine, et qui l’aidèrent à ravager toute la campagne des environs. Enfin ayant ramassé une infinité d’esclaves ou de gens sans aveu, il osa attaquer des commandants d’armée et les Romains mêmes : de sorte qu’ayant rencontré plus d’une fois des détachements qui se trouvaient moins forts que lui, il avait eu réellement l’avantage. En un mot il parvint à se voir à la tête de dix mille hommes de troupes réglées. D’un autre côté cependant un certain Cléon de Cilicie, entreprit aussi de former une armée d’esclaves révoltés ; cette nouvelle sédition fit concevoir l’espérance que ces deux partis s’attaquant l’un l’autre, et se ruinant réciproquement, délivreraient la Sicile du fléau cruel dont elle se voyait alors infestée. Mais par un événement tout contraire, ces deux bandes de séditieux s’unirent ensemble ; Cléon se soumit pleinement à l’autorité d’Eunus, et le regardant comme roi, il lui offrit les cinq mille hommes qu’il amenait à son service, et qu’il ne commanderait que comme son lieutenant. A peine s’était-il passé un mois depuis cette seconde révolte, que le commandant romain Lucius Hypsaeus arriva de Rome, et se mettant à la tête de huit mille Siciliens, il attaqua les révoltés, qui étant au nombre de vingt mille, remportèrent sur lui une victoire complète. Mais bientôt après cette victoire, ces vingt mille hommes s’augmentèrent, et parvinrent jusqu’au nombre de deux cents mille : de sorte qu’entre plusieurs rencontres qu’il y eut entre les Romains et eux, ce furent eux qui eurent beaucoup plus de fois l’avantage. Le bruit d’un pareil succès étant parvenu jusqu’à Rome, y donna lieu à un complot qui se forma d’abord entre cent cinquante esclaves. Il y en eut un bien plus grand nombre dans l’Attique, où une pareille sédition assembla plus de mille hommes à Délos ou en d’autres lieux ; mais la vigilance des magistrats et la promptitude des châtiments arrêta bientôt le progrès d’une si dangereuse révolte. L’on ramena même à la raison par de sages remontrances plusieurs de ceux qui s’étaient laissé emporter d’abord par cet espèce de fanatisme. Mais le mal augmentait de plus en plus dans la Sicile ; les rebelles y emportaient les villes, en faisaient prisonniers tous les habitants, et détruisaient même des armées entières : jusqu’à ce qu’enfin le général romain Rupilius, eût repris Tauromène, après avoir amené les assiégés aux derniers excès de la famine, et les avoir réduits à manger d’abord leurs propres enfants, ensuite leurs femmes, et enfin à se manger les uns les autres. Il se saisit là de Camanus frère du capitaine Cléon, lorsqu’il croyait s’échapper par une porte : enfin le Syrien Sarapion lui ayant livré la ville en traître, tous ces esclaves tombèrent au pouvoir du commandant romain qui les assiégeait, et qui les ayant entre les mains les fit passer par toutes sortes de supplices avant que de les précipiter du haut en bas du rocher. Marchant de là vers Enna, il réduisit cette seconde place aux mêmes extrémités que la précédente, et lui ôta toute espérance de salut : Cléon qui avait fait une vigoureuse sortie fut tué de la main même de Rupilius à la fin d’un combat qu’il avait soutenu héroïquement. Le vainqueur fit exposer son corps, et voyant que la ville était imprenable de vive force, il trouva moyen de s’en rendre maître par la fraude. Eunus prenant avec lui six cents de ces assassins se retira avec eux par crainte et par lâcheté sur un roc inaccessible. Mais ses camarades qui furent instruits des approches de Rupilius qui venait à eux, ne trouvèrent d’autre ressource que de s’égorger réciproquement les uns les autres : pour Eunus ce roi de théâtre et cet inventeur de prestige grossiers, après avoir cherché honteusement à se cacher dans quelques cavernes souteraines, il en fut tiré avec quatre autres, son cuisinier, son patissier, celui qui le frottait dans le bain et le plaisant de profession qui le divertissait à la table : jeté enfin dans une prison à Morgantine, il périt dévoré par la vermine dont il fut couvert. Rupilius parcourant enfin avec un corps d’élite toute la Sicile, la délivra de ces bandits en moins de temps qu’on aurait cru. Du reste le ridicule aventurier Eunus s’était donné le surnom d’Antiochus, et avait fait prendre aux misérables qui le suivaient celui de Syriens.

LIVRE XXXVI.

1. Dans le même temps que Marius venait de défaire dans un grand combat Bocchus et Jugurtha rois d’Afrique, auxquels il avait fait perdre une infinité de soldats ; et lorsqu’il avait en sa possession Jugurtha prisonnier de guerre, qui lui avait été livré par Bocchus même, dans la pensée qu’un présent de cette nature lui ferait pardonner la guerre qu’il avait lui-même faite aux Romains ; dans le même temps encore que les Romains venaient d’essuyer des pertes sanglantes dans la guerre qu’ils avaient eue contre les Cimbres dans les Gaules, ils apprirent que des milliers d’esclaves s’étaient soulevés dans la Sicile. Cette nouvelle jeta dans une grande perplexité la république, qui venait de perdre contre les Cimbres une armée d’élite de soixante mille hommes ; et qui ne voyait pas de quoi fournir à la nouvelle expédition qui se présentait à elle. Avant même la rébellion des esclaves de Sicile, ils avaient essuyé en Italie des révoltes, qui à la vérité n’avaient ni été longues ni considérables, et qui semblaient n’avoir servi que d’annonce et de présage à celle qui devaient s’élever dans la Sicile. La première avait paru à Nucérie, où une trentaine d’esclaves soulevés furent bientôt punis de leur audace. La seconde arriva à Capoue : celle-ci quoique composée de deux cents hommes fut dissipée aussi promptement que la précédente : mais la troisième fut accompagnée de circonstances plus singulières. Il y avait à Rome un chevalier romain nommé Titus Minutius né d’un père très riche. Il se laissa gagner par les charmes d’une esclave très belle qui ne lui appartenait pas ; et après en avoir joui, sa passion pour elle augmenta prodigieusement. Il en vint à cet excès de folie, que le maître de cette esclave ayant peine à lui céder, il lui en offrit sept talents attiques, en prenant des termes pour le payement de cette femme. Le vendeur comptait sur la richesse de l’acheteur ; et le jour de l’échéance s’approchait, lorsque ce dernier demanda encore un délai de trente jours. Cependant sa passion augmentant, sans qu’il pût rassembler l’argent promis, il conçut le noir projet de perdre son créancier, et en même temps de s’emparer de la puissance souveraineté. Dans ce dessein, il commanda cent armures complètes, qu’il promettait de payer dans un terme précis, et qu’on devait lui apporter secrètement sur sa parole, dans une maison qu’il avait à la campagne. Là ayant assemblé jusqu’au nombre de quatre cents esclaves fugitifs, il se revêtit de la pourpre, il mit le diadème sur son front ; et soutenu par la troupe rebelle qu’il avait autour de lui, il fit d’abord frapper de verges et décapiter enfin ceux qui lui demandaient le prix de la fille esclave qu’il leur avait enlevée. Il se saisit ensuite à main armée de tous les villages voisins. Il recevait et fournissait d’armes tous ceux qui venaient d’eux-mêmes se rendre à lui, et massacrait tous ceux qui lui faisaient quelque méfiance. Ayant assemblé ainsi près de sept cents hommes, il les distribua par centuries ; et s’étant formé un camp bien clos et bien muni, il y reçut tous les esclaves qui abandonnaient leurs maîtres : cette rébellion dura jusqu’à ce que la nouvelle en ayant été portée à Rome, le sénat pourvût sagement à ce désordre, et en arrêta les suites. Il chargea un de ses généraux qui était encore dans la ville, L. Lucullus, de châtier les esclaves fugitifs. Le même jour que celui-ci eut levé dans Rome six cents soldats, il partit pour Capoue, où il rassembla quatre mille hommes de pied, et quatre cents hommes de cheval. Minutius apprenant que Lucullus se disposait à venir à lui, se saisit d’une hauteur déjà fortifié, où il se posta n’ayant en tout que trois mille cinq cents hommes. Dans la première attaque les révoltés qui avaient pour eux l’avantage du lieu, se défendirent et repoussèrent les agresseurs. Mais ensuite Lucullus gagnant par des présents considérables Apollonius le plus considèrable des officiers de Minutius, et lui promettant l’impunité sur la foi publique, l’engagea à lui livrer tous les complices de la rébellion. Mais au moment qu’Apollonius, pour exécuter sa promesse, mit la main sur Minutius ; celui-ci pour prévenir le supplice qui l’attendait, se perça lui-même de son épée ; et tous les compagnons de son entreprise à l’exception du seul Apollonius qui les avait trahis, furent égorgés. Tout cela ne fut que le prélude de la grande révolte qui arriva dans la Sicile, et dont nous exposerons ici l’origine. Dans l’expédition de Marius contre les Cimbres, le sénat lui avait permis d’emprunter du secours des peuples qui habitaient au-delà des mers, ainsi il s’était d’abord adressé à Nicomède roi de Bithynie, pour lui demander par des ambassadeurs des troupes auxiliaires. Ce roi répondit que la plupart de ses sujets avaient été enlevés par les publicains de Rome, pour être vendus comme esclaves dans les provinvces de l’empire romain. Sur cette réponse le sénat fit un décret, par lequel il était défendu de rendre esclave aucun homme libre, dans toute l’étendue des provinces alliées au peuple romain ; et il chargea en même temps les préteurs ou les proconsuls de remettre en liberté tous ceux qui se retrouveraient dans le cas dont il s’agissait. En conséquence de ce décret Licinius Nerva alors préteur en Sicile, fit examiner devant un tribunal dressé exprès pour l’examen de cette espèce de cause ; l’état de tous les complaignants ; de sorte qu’en peu de jours il y en eut plus de huit cents qui furent restitués à leur première condition, et remis dans la liberté qui leur avait été injustement et témérairement ravie. Mais cette équité même eut une suite dangereuse : car sur l’exemple que l’on venait de voir, tous les esclaves de l’île conçurent l’espérance de leur affranchissement. Aussitôt les personnages les plus importants de la province se rendirent auprès du préteur, pour l’inviter de terminer là ses perquisitions sur cet article. Ce magistrat, soit qu’il fut gagné par les présents des riches, soit qu’il voulut ménager la faveur des grands, abandonna toute recherche au sujet des esclaves, et il renvoya avec dédain à leurs maîtres tous ceux qui venaient se plaindre à lui de la liberté qu’on leur avait arrachée contre le droit de leur condition et de leur naissance. Aussitôt ceux-ci formant une ligue entre eux, sortirent d’abord de Syracuse ; et se rendant de concert dans le bois qui environne le temple des Palices, ils prirent là des mesures entre eux pour une révolte générale : et le bruit de leur entreprise s’étant répandu au loin, les esclaves de deux frères très riches de la ville d’Ancyre levèrent les premiers l’étendard de la révolte, et se déclarant libres, prirent pour chef un nommé Oarius. Ils commencèrent par tuer leurs maîtres dans le sommeil ; et parcourant les maisons de campagne des environs, ils excitèrent un grand nombre d’autres esclaves à se mettre en liberté ; de sorte que dès cette première nuit, ils se trouvèrent plus de six-vingt. Ils se saisirent d’abord d’un lieu fort par sa nature, et qu’ils fortifièrent encore, à l’aide de quatre-vingts autres révoltés qui étaient venus se joindre en armes. Licinius Nerva préteur de la province qui s’était aussitôt mis en marche pour les chasser de leur fort, ne put y réussir : de sorte qu’ayant recours à l’adresse, il fit promettre la vie à un certain Caius Titinius surnommé Gaddaeus. Celui-ci avait été condamné à la mort deux ans auparavant, et s’étant sauvé, il volait et assassinait sur les grands chemins tous les riches, mais ne faisait aucun mal aux esclaves et autres gens de la sorte. Se présentant donc au pied du fort, accompagné de quelques hommes qui lui ressemblaient, il déclara qu’il venait se joindre aus assiégés contre les Romains. Là dessus ayant été reçu et accueilli, il fut encore nommé gouverneur et commandant pour les assiégés. Mais il ne fit usage de son nouveau titre que pour livrer la place aux assiégeants. Une partie des rebelles fut tuée dès le premier abord des ennemis, une autre pour prévenir le supplice qui leur était réservé, se jeta du haut en bas du mur et du rocher : c’est ainsi que se termina cette première sédition des esclaves de la Sicile. Les troupes ayant été licenciées, on apprit qu’environ quatre-vingt sept esclaves s’étant attroupés avaient égorgé un chevalier romain nommé Clonius, et grossissaient toujours leur nombre. Le chef de l’armée romaine en Sicile, trompé par les faux avis qu’on lui donnait avait laissé lui-même aux rebelles le temps de se fortifier. Mais enfin il marcha contre eux avec le peu de troupes qu’il avait encore auprès de lui : et ayant passé le fleuve Alba, il laissa les rebelles sans le savoir, sur le mont Caprian, et il vint jusqu’à Héraclée. Les esclaves ne manquèrent pas d’imputer à la crainte qu’on avait d’eux, la méprise de ce général, et par là ils attirèrent à leur parti un assez grand nombre de nouveaux camarades : de sorte que formant déjà un corps considérable, et ramassant de part et d’autre, ce qu’ils purent trouver d’armes, ils se virent dans les sept ou huit premiers jours au nombre de plus de huit cents hommes, et montèrent peu de jours après jusqu’à deux mille. Le général romain apprenant ce progrès dans Héraclée où il était, nomma pour commandant contre eux M. Titinius, et lui donna pour corps de troupe six cents hommes de la garnison d’Enna. Celui-ci ayant attaqué les révoltés, qui étaient bien plus forts que lui, et par le nombre et par l’avantage de leur poste, fut battu : la plus grande partie de ses gens demeura sur place ; et tout le reste jetant les armes échappa à grand peine par la fuite. Les vainqueurs tirèrent de là une nouvelle audace, et il n’y avait plus un seul esclave qui ne se crût à la veille de la liberté. Ils abandonnaient leurs maîtres les uns après les autres, et en si grande foule qu’en très peu de jours, ils se virent au nombre de plus de six mille. S’étant assemblés pour tenir un conseil entr’eux, ils se donnèrent pour chef un nommé Salvius, qui passait pour se connaître au vol des oiseaux, et qui dans les fêtes ou solemnités où les femmes s’assemblaient leur jouait sans cesse de la flûte Aussi dans tout le temps de sa royauté, n’eut-il d’autre soin que d’entretenir l’oisiveté et les réjouissances publiques. Partageant son armée en trois corps, et donnant à chacun son chef, il leur prescrivit de courir tout le pays par bandes séparées, et de se rassembler tous ensuite dans le même lieu. Ayant ramassé par ce moyen un grand nombre d’animaux de plusieurs espèces, ils se trouvèrent fournis en peu de temps de plus de deux mille chevaux, et ils n’avaient pas moins de vingt mille hommes de pied qui même étaient déjà formés aux exercices de la guerre. Ainsi s’attaquant d’abord à la ville de Morgantine, ils la pressaient par des assauts vigoureux et continuels. Le préteur dans le dessein de la secourir s’avança de nuit vers les murailles, ayant avec lui environ dix mille hommes, tant de l’Italie que de la Sicile même. Il trouva en arrivant les rebelles occupés au siège de cette ville : ainsi se jetant sur leur propre camp, où il restait peu d’hommes pour le garder, mais un grand nombre de femmes captives, une quantité prodigieuse de hardes et autres dépouilles amenées là : il emporta aisément tout ce butin, et revint aussitôt devant Morgantine. Là les révoltés se jetant tout à coup sur lui de la hauteur où ils étaient postés, eurent un grand avantage sur leurs agresseurs , et mirent en fuite les troupes romaines. Le chef des rebelles fit aussitôt publier l’ordre de ne tuer aucun des fuyards qui jetterait les armes ; et ce fut par cet expédient que la plupart des Romains s’échappèrent. Salvius ayant ainsi recouvré son camp, et gagné une victoire importante, recueillit une grande quantité de dépouilles. Il n’était pourtant pas péri en cette rencontre plus de six cents hommes tant Italiens que Siciliens, à cause de la réserve qui avait été prescrite par le vainqueur. Mais on fit quatre cents prisonniers. Cependant cet heureux succès ayant donné moyen à Salvius de doubler son armée, il se voyait maître de toute la campagne : aussi il revint devant Morgantine, et fit publier à son de trompe qu’il y donnerait la liberté à tous les esclaves. Mais les citoyens de cette ville leur ayant fait la même promesse s’ils aidaient leurs maîtres à se défendre, ils crurent trouver plus de sûreté dans la parole de ces derniers, et ils combattirent avec tant de zèle qu’ils parvinrent à faire lever le siège. Cependant le préteur Nerva ayant annulé cette promesse des maîtres, donna lieu à la plupart des esclaves de passer chez les ennemis. La contagion de ce mauvais exemple gagna alors les villes et tout le territoire d’Egeste et de Lilybée. Le chef de ces nouveaux révoltés fut nommé Athénion Cilicien d’origine, homme d’un très grand courage. Celui-ci chargé de l’administration du bien de deux frères, et se croyant très profond dans l’art de la divination astronomique, assembla d’abord autour de lui deux cents esclaves sur lesquels la fonction lui donnait autorité ; et gagna ensuite quelques autres du voisinage il réunit bientôt plus de mille hommes. S’étant fait nommé roi par eux, il prit le diadème, et tint dans sa révolte une conduite toute différente de la leur. Il ne les recevait pas tous indifféremment dans ses troupes ; mais faisant son choix des plus braves, il ne donnait aux autres que les fonctions auxquelles ils étaient accoutumés, et ne leur demandait que ce qu’ils savaient faire : par là il procurait à son camp toutes les commodités qu’on peut avoir à la guerre. Il supposait encore que les dieux lui avaient pronostiqué depuis longtemps qu’il deviendrait roi de toute la Sicile : qu’ainsi ils devaient ménager eux-mêmes les animaux, et les fruits d’un territoire dont ils devaient bientôt jouir sous sa domination. Là dessus les assemblant au nombre de plus de dix mille, il entreprit le siège de Lilybée, ville imprenable par elle-même. Ainsi n’avançant point dans ce projet, il l’abandonna en disant qu’il en avait reçu l’ordre des dieux, qui les menaçait tous d’un revers funeste, s’ils persistaient dans leur entreprise. Dans le temps même qu’ils se disposaient à la retraite , il entra dans le port de cette ville assiégée, une escadre de vaisseaux qui amenaient un renfort de troupes mauresques, toutes d’élite. C’était un secours qui venait aux Lilybéens sous la conduite d’un capitaine nommé Gomon. Celui-ci attaquant de nuit les troupes d’Athénion qui étaient déjà en marche pour leur retraite, en tua une grande partie, en blessa autant, et entra enfin dans la ville. Ce revers étonna beaucoup ceux qui avaient compté sur la grande pénétration de leur chef en matières astrologiques, mais en général la Sicile se voyait livrée alors à un grand nombre de calamités, et de troubles. Ce désordre ne venait pas seulement des esclaves, les gens de famille libre qui se trouvaient dans la pauvreté exerçaient toute sorte de brigandages ; et de peur que ceux qu’ils avaient volés, libres ou esclaves, ne portassent leurs plaintes contre eux, ils les égorgeaient impitoyablement. Il arrivait de là que les citoyens regardaient à peine comme un bien fut à eux les vergers ou plants d’arbres ou de vignes qu’ils avaient à la campagne : et ils abandonnaient en quelque sorte aux brigands et aux coureurs toutes les possessions qui ne pouvaient être closes de murailles. En un mot il se passait alors dans la Sicile un grand nombre de choses contraires à l’honneur, et à la tranquillité d’une nation policée. Au reste ce même Salvina qui avait assiégé Morgantine, après avoir ravagé par ses courses tout le pays qui s’étendait depuis cette ville jusqu’à Leontium, rassembla dans cet espace une armée de trente mille hommes choisis : là il voulut offrir un sacrifice aux héros de l’Italie, auxquels il consacra une de ses robes de pourpre, en reconnaissance de la victoire qu’ils lui avaient procurée : et aussitôt se déclarant roi lui-même ; ses troupes lui donnèrent le nom de Tryphon. Dans le dessein qu’il avait de se saisir de Tricala, et d’en faire le centre de son royaume ; il envoya des députés à Athénion comme de la part d’un roi à son lieutenant général. Sur cette hardiesse tout le monde se persuada qu’Athenion soutiendrait son rang, et défendrait sa dignité : ce qui faisant naître la dissension entre les deux chefs, préviendrait peut-être les maux d’une guerre intestine, et dissiperait les deux partis. Mais la fortune en augmentant les troupes de l’un et de l’autre, donna lieu aux deux chefs de s’accorder. Tryphon étant venu subitement avec son armée à Tricala, Athénion s’y rendit à la tête de trois mille hommes, avec toute la déférence d’un subalterne à l’égard de don commandant. Il avait pourtant déjà fait partir d’autres troupes, pour ravager les campagnes, et pour exciter partout les esclaves à la révolte. Cependant Tryphon soupçonnant dans la suite qu’Athénion pourrait bien se degoûter de la seconde place dans cette entreprise, s’assura de bonne heure de sa personne, et le fit mettre en prison : après quoi il fit fortifier la citadelle de Tricala déjà très forte de nature, et y fit faire des ouvrages qui pouvaient passer pour magnifiques. On dit au reste que le nom de Tricala fut donné à cette forteresse à raison de trois sortes de beauté dont elle était ornée. La première était des eaux de fontaine d’une douceur admirable. Elle était entourée de campagnes couvertes de vignes et d’oliviers, et dont la terre était propre à toutes les productions de la nature. Enfin le lieu était extrêmement fort par lui-même étant défendu par un rocher inaccessible. Tryphon l’ayant encore entourée d’une ville de huit stades de tour, fermée elle-même d’un fossé profond ; il s’était fait là un séjour délicieux, dans lequel il ne manquait d’aucun des besoins, ni même des plaisirs de la vie. Il s’y fit élever un palais superbe, et fit construire au milieu de la ville un marché qui pouvait contenir un nombre innombrable de personnes. Il s’était composé aussi un conseil ou un sénat d’hommes sages et éclairés, dont il prenait les avis et dont il comptait les voix dans l’administration de la justice. Quand il s’agissait de prononcer une sentence, il se revêtait d’une longue robe et d’un laticlave. Il se faisait précéder aussi par des licteurs armés de haches et de faisceaux, en un mot il se donna tous les indices extérieurs de la puissance souveraine et de la suprême judicature. Enfin pourtant le Sénat romain voulant s’opposer à cette révolte, nomma pour commandant général L. Lucinius Lucullus, auquel il fournit quatorze mille hommes tant de Rome que du reste de l’Italie, et huit cents autres tirés de la Bithynie, de la Thessalie et de l’Acarnanie. On leur joignit encore six cents Lucaniens qui avaient à leur tête Cleptius homme supérieur en courage et en science militaire. On en fit encore inscrire huit cents autres : de sorte que leur nombre total montait à près de dix-sept mille hommes. Lucullus entra ainsi accompagné dans la Sicile. C’est pour cela que Tryphon jugeant à propos d’oublier les sujets de plaintes particulières qu’il avait contre Athénion, ne songea plus qu’à conférer avec lui sur la guerre présente. Sa pensée était qu’il importait sur toutes choses de se défendre dans Tricala même, et d’attendre là les Romains. Mais Athénion pensait au contraire, qu’il était important pour eux de ne point se laisser enfermer, et qu’ils ne devaient se présenter à l’ennemi qu’en pleine campagne. Cet avis ayant prévalu, ils campèrent auprès de Scirthée au nomùbre de quarante mille hommes complets. Le camp des Romains n’était là distant du leur que de douze stades : et on commença à s’attaquer de part et d’autre, par des insultes réciproques. En étant venu enfin à une bataille réglée, la fortune avait tenu quelque temps le succès de la bataille en la balance, et le nombre de morts était à peu près égal de part et d’autre, lors qu’Athénion accompagné de deux cents cavaliers choisis, couvrit d’hommes jetés par terre tout le terrain qui l’environnait. Mais enfin blessé lui-même aux deux genoux, il reçut encore une troisième plaie qui le mit hors de tout combat, et le rendit inutile pour le commandement même ; de sorte que tous ses soldats découragés et déconcertés se mirent en fuite. Pour lui se cachant dans le dessein de passer pour mort, il profita de la nuit qui s’avançait beaucoup pour se sauver lui-même. Ainsi les Romains remportèrent en cette occasion une victoire complète, et sur Tryphon et sur son armée : car s’étant mis à la poursuivre, ils en firent périr encore vingt mille hommes. Tout le reste à la faveur de la nuit se réfugia dans Tricala, où il aurait même été aisé au vainqueur de les détruire totalement. Car ces malheureux étaient tombés dans un découragement tel, qu’ils avaient projeté entr’eux de s’aller remettre eux-mêmes entre les mains et la discrétion de leurs maîtres, s’ils n’étaient ensuite revenus à l’avis de se défendre jusqu’à la mort, contre des gens dont ils s’étaient fait des ennemis irréconciliables. Cependant à neuf jours delà le général romain vint assiéger Tricala. Cette entreprise fut mêlée pour lui de succès et de désavantages ; de telle sorte que les révoltés reprirent vigueur. Lucullus soit par négligence, soit par mauvaise intention ne faisait rien de ce qu’il devait faire ; de sorte qu’il fut enfin appelé en jugement par les Romains. C. Servilius qui fut envoyé pour prendre sa place ne fit rien non plus de digne de mémoire, sur quoi même il fut condamné à l’exil, aussi bien que Lucullus. Dans l’autre parti Tryphon étant mort, Athénion fut pourvu du commandement à sa place : tantôt il insultait des villes, tantôt il ravageait les campagnes, sans que Servilius se mit en devoir de s’opposer à ses incursions. Mais à la fin de l’année C. Marius fut créé consul pour la cinquième fois avec C. Acilius. Celui-ci nommé commandant contre les rebelles, vint à bout par sa vigilance et par son courage de les détruire dans une bataille mémorable. Attaquant même personnellement Athénion, il eut contre lui un combat signalé dans lequel il le tua, quoiqu’il eût reçu lui-même une blessure à la tête ; après quoi il mit en fuite et poursuivit l’armée ennemie qui montait encore à dix mille hommes. Or quoiqu’elle cherchât une retraite dans les remparts, Acilius ne se désista pas de la poursuivre, qu’il ne les eût tous en sa disposition. Il lui en manquait encore mille que commandait Satyrus. Mais comme ils se soumirent à lui par un député qu’ils lui envoyèrent, il leur pardonna pour lors leur rébellion. Dans la suite, les ayant envoyés à Rome, il les destina à combattre dans les spectacles publics contre les bêtes féroces : en ce qu’étant présentés dans l’arène à ces animaux, ils s’égorgèrent réciproquement les uns les autres devant les autels publics, et l’on ajoute que Satyrus ayant tué le dernier de tous ceux qui restaient avant lui, se donna héroïquement la mort à lui-même. Ce fut là la fin tragique que la guerre des esclaves eut dans la Sicile, après y avoir duré près de quatre ans.

AVERTISSEMENT

C’est ici la véritable place d’un chapitre de l’abrégé de l’Histoire Romaine, faite par L. Anneus Florus ; que H. Etienne a cru à propos d’inférer parmi les fragments de l’Histoire universelle de Diodore ; ce chapitre de Florus contient une exposition de la guerre des esclaves appelée dans les Historiens, guerre servile, dont il s’est agi dans les chapitres précédents. On sait du reste que Florus était de la famille du philosophe Sénèque, comme l’indique son prénom Anneus Cet historien, Espagnol de naissance, vivait du temps de Trajan, 200 ans après Auguste. On le croit Auteur des sommaires de tous les livres de l’Histoire de Tite-Live, et même du grand nombre de ceux qui sont perdus : quoique plusieurs croient que ces sommaires ont été faits par Tite-Live lui-même. J’ai consulté sur l’article dont il s’agit l’excellente édition de Florus à Leyde, chez Vander Linden 1722.

 

Voir Florus

SUITE DES FRAGMENTS TIRÉS DU LIVRE XXXVI DE DIODORE.

II. Il arriva de la ville de Pessinunte en Phrygie, à Rome, un nommé Barracés, prêtre de la grande déesse, mère des dieux. Ayant déclaré qu’il venait par leur ordre exprès, il se présenta aux magistrats et devant le sénat ; et là il déclara que le temple de la déesse avait été fouillé, et qu’il en fallait faire à Rome une expiation publique. Il portait au reste un habit et des ornements extérieurs, tout à fait inusités dans cette ville : car il avait sur la tête une couronne d’or d’une grandeur extraordinaire, et une robe fermée de fleurs brodées en or, qui faisaient ressembler son habit à celui d’un roi. Etant monté dans la tribune pour parler au peuple, qu’il n’entretint que de religion, on lui prêta une hospitalité généreuse et même magnifique. Mais un des tribuns du peuple A. Pompeius lui déclara qu’on lui interdisait la couronne. Ayant été mené de là par un autre tribun à la tribune aux harangues, on lui fit sur le sujet des expiations des temples un grand nombre de questions, auxquelles il donna des réponses qui marquaient un homme dont la tête était remplie d’idées superstitieuses. Tiré de la tribune par les officiers de Pompeius, et renvoyé honteusement dans son hôtellerie, il ne se montra plus en public, mais il disait à tout le monde qu’on avait offensé, non seulement lui, mais la déesse dont il était le ministre. Là dessus il arriva que le tribun fut attaqué de fièvre ardente, accompagnée d’une violente esquinancie, qui lui fit perdre la parole sur-le-champ, et la vie trois jours après ; événement qui fut attribué à la vengeance de la déesse, dont on avait offensé le ministre ; d’autant plus que les Romains sont d’eux-mêmes très superstitieux. C’est pour cela aussi que Battacés ayant eu authentiquement la permission de porter sa robe sacerdotale, et comblé même de présents de la part des hommes et des femmes de la ville, sortit enfin de Rome et revint dans sa patrie.

III. La pratique des Romains était, que lorsqu’un de leurs généraux, dans une bataille donnée contre les ennemis, en avait laissé plus de six mille sur la place, il était déclaré Empereur, et salué comme tel. Ce nom dans la Grèce et chez les autres peuples est rendu par celui de Roi.