Agobard

ALCUIN

 

LETTRE 89

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

ALCUIN

ALCUINUS

 

 

EPISTOLA LXXXIX.

AD LIOBRADUM. (Anno 798.)

Liobradi (Leidradi) electi episcopi Lugdunensis amicitiam exoptat.

Pontifici, fratri, amico Liobrado electo Albinus salutem.

Gratias ago Deo qui talem mihi perdonare dignatus est amicum, in cujus fide veritas, in cujus bonitate benignitas, in cujus consilio salus semper inventa est. Et quanto rariores nunc temporis tales inveniri possunt, tanto chariores haberi debent. Sicut gemmarum fulgor inter arenosam splendescit glaream, ita amicus probatus inter multitudinis circumstrepentem turbam gratissime eruitur, amplexatur, tenetur. Qui juxta antiquitatis proverbium, diu quaeritur, vix invenitur, difficile servatur. Cujus parabolae interpretationem facile est ex teipso cognoscere. Et mirum in modum, quod omnes invenire volunt, vix ullus esse desiderat. Et hoc ideo, quia praeceptum Dominicum, si apertis audiant auribus, surdo tamen corde parvi pendunt: Omnia, quaecunque vultis, ut faciant vobis homines, haec eadem et facite illis (Matth. VII, 12). Inter caetera virtutum insignia quae huic adjacent mandato, hoc quoque adjungitur, ut qui amicum velit invenire fidelem, sit ille cuicunque hominum amicus fidelis, vel in salute animae, vel in suffragio saeculari, quantum ad rem et personam cujuslibet pertineat.

Quod vero me interrogare voluisti de certitudine voluntatis vel loci, nihil tibi certum adhuc remandare habeo, nisi Deo miserante et vita comite, adhuc visurus eris faciem meam; licet nesciam propter occupationes meas vel vestras, ubi aut quando. Multoties, secundum opportunitatem portantium, litteras mihi dirigere satage, ut habeam curam tuae charitati rescribendi, et etiam demandandi quodcunque veniat mihi. Tantum diligenter deprecare Dominum Jesum, ut dirigat secundum suam magnam misericordiam vitam famuli sui in sanctissimae suae voluntatis effectum, et Christianae religionis, juxta facultatem virium nostrarum, profectum.

Pax aeterna regat Christi te, praesul amate,

Semper in aeternum, praesul amate, vale.

 

 

LETTRE 89

A LEYDRADE

 

A notre frère et ami Leydrade, pontife élu de Lyon, Alcuin, salut.

Je rends grâces à Dieu qui m'a donné en vous un tel ami. Quel bonheur de trouver toujours dans son dévouement la vérité, dans sa bonté la tendresse, dans son conseil le salut ! De tels hommes doivent être d'autant plus chers qu'il est plus rare de les rencontrer. De même que l'éclat d'un rubis resplendit au milieu du sable et des cailloux, ainsi dans la foule bruyante, se montre un ami éprouvé, et on l'attire à soi avec délices, on l'embrasse, on l'enchaîne. Le proverbe des anciens le dit : « C'est le trésor longtemps cherché, qu'on trouve avec peine et qu'il faut conserver à tout prix. » Il n'est pas besoin de vous faire l'application de cette sentence. Mais, chose singulière ! ce que tous veulent trouver, il n'est presque personne qui veuille l'être. Ils ouvrent sans doute les oreilles, mais ils n'ont qu'un cœur sourd à cette parole du Maître : Omnia quaecumque vultis ut faciant vobis homines, hœc eadem et facite illis (S. Matth., vii, 12) : Toutes les choses que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-les vous aussi pour eux. En conséquence, quiconque désire avoir un ami fidèle doit de son côté être un fidèle ami, soit dans l'ordre des intérêts de l'âme, soit dans l'ordre des services temporels, autant qu'il est nécessaire. Quant à ce que vous me demandez sur ce que j'ai décidé de faire, je ne suis certain que d'une chose, c'est que, si Dieu me prête vie, vous reverrez mon visage; mais où? mais quand? c'est ce que mes occupations et les vôtres ne me permettent pas de prévoir. Ayez grand soin, toutes les fois que vous aurez des porteurs sous la main, de me faire passer des lettres, afin que je puisse moi-même répondre à votre affection et vous mander aussi tout ce qui me concerne. Priez diligemment le Seigneur Jésus que, selon sa miséricorde, il dirige la vie de son serviteur dans l'accomplissement de sa volonté, et que, selon la mesure de nos forces, il nous emploie au profit du christianisme. Que la paix éternelle du Christ vous régisse, ô pontife aimé !

« PAX AETERNA REGAT CHRISTI TE, PRAESUL AMATE ! »