Confession de Louis le Pieux.
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Confession de Louis le Pieux.
AGOBARDUSCHARTULA Porrecta Lothario Augustoin synodo Compendiensi.In nomine Dei ac Domini nostri Jesu Christi. Anno incarnationis ejus octingentesimo tricesimo tertio, ego Agobardus Lugdunensis Ecclesiae indignus episcopus interfui venerabili conventui apud palatium quod nuncupatur Compendium: qui utique conventus exstitit ex reverentissimis episcopis, et magnificentissimis viris illustribus, collegio quoque abbatum et comitum, promiscuaeque aetatis et dignitatis populo, praesidente serenissimo et gloriosissimo Lothario imperatore, et Christi Domini amatore; quo protegente et adjuvante subter annexa disposita sunt anno imperii primo, mense quarto. Quibus omnibus vehementer incumbebat vera necessitas, ut sollicite tractarent de periculo regni in praesenti, et statu in futuro: quod regnum, quia jamdiu nutabat, et impellebatur ad ruinam per negligentiam, et (ut verius dicam) per ignaviam domni Ludovici venerandi quondam imperatoris, in quibus ille irretitus est per corruptas mentes et corrumpentes, et secundum apostolicum dictum: Quia erant ipsi errantes, et alios in errorem mittentes. A quo conventu quidquid utiliter et laudabiliter tractando et conferendo inventum est, et necessario statuendum, et judicantibus consensi et consentiens ipse judicavi. In primis videlicet quae ad commoditatem et soliditatem regni et regis pertinere videbantur, deinde quae ad ereptionem et purgationem animae domni Ludovici, manifestissime noscebantur: quae in praedicto conventu fideliter quaesita, et veraciter inventa, et ordinabiliter exsecuta sunt, in eo scilicet quod praedictus conventus deliberavit, ut per legatos et missos admoneretur domnus Ludovicus de suis erroribus, et exhortaretur ut secundum propheticum dictum rediret ad cor, et recognosceret acta sua, quae adversus Deum currens per vias pravitatis et injustitiae exegerat, ac deinceps susciperet consilium vitae et salutis suae; quatenus apud omnipotentem Judicem et Dominum, qui clementissimus indultor est criminum, indulgentiam et remissionem iniquitatum impetrare posset; ut qui per multiplicatas negligentias regnum terrenum amiserat, per impensas supplices confessiones regnum coeleste adipisceretur per eum apud quem est misericordia et copiosa redemptio. Propter quod et libellus editus est a viris diligentioribus, et ei oblatus, de manifestatione criminum suorum; in quo velut in speculo perspicue conspiceret feditatem actuum suorum, et fieret in illo quod per poenitentem perfectum dictum est: Iniquitatem meam ego agnosco, peccatum meum coram me est semper. Pro qua re accesserunt ad eum denuo omnes qui in praedicto conventu aderant episcopi, condolentes et compatientes infirmitatibus et miseriis ejus, exhortantes atque exorantes et postulantes ut omnipotens Deus manu pietatis suae educeret eum de lacu miseriae et de luto coeni. Quod clementissimus Dominus non solum non abstulit, sed nec distulit. Sed mox resuscitata in mente ejus contritione humiliati cordis, prostratus coram eis, non semel, vel iterum, sed tertio, aut amplius, crimina cognoscit, veniam poscit, auxilium orationum precatur, consilium recipit, poenitentiam postulat, injunctam sibi humilitatem libentissime impleturum promittit. Innotescitur ei lex et ordo publicae poenitentiae: quam non renuit, sed ad omnia annuit; ac demum pervenit in ecclesiam coram coetu fidelium, ante altare et sepulcra sanctorum. Et prostratus super cilicium, bis terque quaterque confessus in omnibus clara voce cum abundanti effusione lacrymarum, depositis armis manu propria, et ad crepidinem altaris projectis, suscepit mente compuncta poenitentiam publicam per manuum episcopalium impositionem, cum psalmis et orationibus. Sique deposito habitu pristino, et assumpto habitu poenitentis, congratulans et confidens, postulat piissimi pastoris humeris reduci se ad inventae et redemptae ovis unitatem. His gestis ego Agobardus indignus episcopus intertui, et melioribus consonans et consentiens judicavi, et manu propria signans subscripsi.
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AGOBARD
« Au nom de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'an de l'Incarnation 833, moi Agobard, évêque, quoique indigne, de l'Eglise de Lyon, j'ai assisté à la vénérable assemblée qui s'est réunie au palais de Compiègne. Cette assemblée a été composée des très respectables évêques, des grands les plus illustres, du collège des abbés et des comtes, du peuple de tout âge et de toute dignité. Elle a été présidée par le sérénissime et très glorieux empereur Lothaire, qui aime le Seigneur Jésus-Christ, par la protection et le secours duquel ont été prises les dispositions ci-indiquées, la première année de son empire et le quatrième mois. « Une nécessité impérieuse s'imposait à tous de s'occuper avec sollicitude des périls présents du royaume et de son état à venir. Le royaume, en effet, depuis longtemps déjà, chancelait sur sa base et penchait vers sa ruine, par l'incurie ou, pour mieux dire, par la lâche faiblesse du vénérable seigneur Louis, autrefois empereur, qui s'est laissé enchaîner dans les filets d'esprits corrupteurs et corrompus, vérifiant cette parole de l'Apôtre : C'étaient des hommes égarés entraînant les autres dans leurs égarements. « Tout ce que cette assemblée, dans ces conférences et discussions, a trouvé utile et louable, tout ce qu'elle a jugé devoir nécessairement statuer, je l'ai jugé tel moi-même de mon plein gré, donnant adhésion entière au jugement qui a été porté par tous. « Le premier objet des résolutions à prendre se rapportait aux intérêts et à la solidité soit du royaume, soit du roi ; le second à la délivrance et la purification de l'âme du seigneur Louis. Ces choses ont été recherchées, conçues et exécutées par l'assemblée avec fidélité, sincérité et sagesse. « L'assemblée décida d'envoyer une députation de ses membres à Louis (à Soissons), pour l'avertir de ses erreurs, pour l'exhorter à rentrer en lui-même, selon la parole du Prophète, à reconnaître toutes les actions qu'il avait faites contre Dieu, engagé qu'il était dans des voies perverses et injustes, et enfin à recevoir le bon conseil d'un plan de vie capable d'assurer son salut, lui faisant obtenir indulgence et rémission de ses péchés auprès du tout-puissant Juge et Seigneur qui pardonne avec clémence, afin qu'ayant perdu son royaume terrestre par ces fautes multipliées, il mérite !î- royaume céleste auprès du Dieu de la miséricorde et de la rédemption par ses supplications et ses aveux. « C'est pourquoi les évêques les plus capables de l'assemblée ont rédigé un petit écrit, ou libelle, contenant la déclaration de tous ses crimes et le lui ont remis, afin que là, comme dans un miroir, il vît clairement la laideur de ses actes et qu'il pût dire comme le Pénitent parfait : Je connais mon iniquité et mon péché est toujours devant moi. « Dans ce but, tous les évêques présents à l'assemblée sont venus ensuite le trouver (à Soissons), prodiguant leurs condoléances et leur sympathie à ses infirmités et à ses misères, suppliant et conjurant le Dieu tout-puissant de le tirer, d'une main compatissante, de son abîme et de son bourbier fangeux. « Or le Seigneur très bon, non seulement ne lui a pas refusé cette grâce, mais la lui a départie sans aucun délai. Dans son cœur à l'instant a été suscités une humble contrition, et prosterné devant les évêques, non une fois ni deux, mais nombre de fois, il reconnaît aussitôt ses crimes, il demande pardon, il sollicite des prières, il reçoit le conseil qu'on lui suggère, il implore la pénitence, il promet de remplir de grand cœur les conditions humiliantes qui lui seront enjointes. Alors on lui fait connaître la loi et tous l'ordre de la pénitence publique : il ne la repousse nullement, il consent à tout. « Il se rend enfin à l'église, en présence de l'assemblée des fidèles, devant l'autel et les tombeaux des saints (Médard et Sébastien). Là, prosterné sur un cilice, après avoir prononcé sa confession entière, d'une voix claire, avec effusion abondante de ses larmes, après s'être dépouillé, de sa propre main, de son armure, et l'avoir jetée sur le bord de l'autel, il reçoit, avec un cœur pénétré de componction, la pénitence publique par l'imposition des mains des évêques, au milieu des psaumes et des oraisons. Ayant ainsi déposé son vêtement d'auparavant et pris le vêtement du pénitent, se félicitant lui-même et renaissant à la confiance, il veut, pauvre brebis retrouvée et rachetée, être rapporté au bercail de l'unité sur les épaules du très miséricordieux Pasteur. « Moi, Agobard évêque, quoique indigne, j'ai été présent à toutes ces choses; d'accord avec les meilleurs du royaume j'ai porté mon jugement avec eux et, souscrivant en main propre, j'ai apposé ma signature. »
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Nous devons maintenant rapporter le sommaire ou libelle des péchés de Louis le Débonnaire, tel que les évêques l'avaient rédigé, pour qu'il le lût dans l'église de Soissons et tel qu'il se trouve consigné dans les Actes du concile de Compiègne. Il est divisé en huit articles. Toutes les fautes, en tant qu'empereur, du monarque déchu, depuis le commencement de son règne, y sont énumérées avec un soin scrupuleux. C'est la confession générale d'un chrétien qui a péché sur le trône. Il s'agit d'un rite religieux qu'il faut rendre aussi parfait que possible. Point de bonne confession sans intégrité. Si on remonte si haut pour mettre à nu cette conscience impériale, c'est qu'on n'ignore pas que, dans ce malheureux règne, le mal est comme un tout inséparable : il a été parfois avoué et combattu, mais il n'a jamais été véritablement corrigé et il a duré tout entier jusqu'à cette heure. Ici encore, comme dans le manifeste de saint Agobard, c'est le caractère théologique ou moral des fautes qui est principalement mis en évidence. C'est une âme qui, à la lumière de la loi chrétienne, doit s'humilier devant Dieu. Ce sont surtout des péchés, et non pas seulement des méfaits politiques, que le royal pénitent doit déplorer. Ceux-ci sont pourtant signalés avec insistance, mais comme ayant été la cause d'une multitude de circonstances où Dieu a été offensé, où les droits du prochain ont souffert, où les âmes se sont perdues. Ces considérations sont essentielles pour juger sainement ce réquisitoire contre lui-même que se résigna à prononcer devant son peuple le religieux fils de Charlemagne. Libelle des péchés de Louis le Pieux I. Je m'accuse, dit-il, d'homicide et de sacrilège pour n'avoir pas respecté les avis de mon père et un serment redoutable fait après l'invocation divine, devant l'autel sacré, en présence des prêtres et d'une multitude immense ; je n'ai pas respecté ce serment en faisant violence à mes frères, à mes proches ; en permettant la mort de mon neveu, quand je pouvais le sauver; en faisant, par l'oubli de ma promesse, du sceau de la religion un moyen de vengeance pour ma colère. II. Je m'accuse d'avoir été un auteur de scandale, un perturbateur de la paix ; d'avoir violé mes serments, car, par un abus de ma puissance, j'ai détruit le pacte qui,- du consentement de tous mes fidèles, pour la paix parfaite unité de l'empire, pour la tranquillité l'Église, avait été fait entre mes fils et moi, et confirmé par des serments. Par cette faute, j'ai poussé mes fidèles à faire un nouveau serment contraire au primitif, tombant ainsi dans le parjure, puisque je violais et faisais violer les serments prêtés. Combien cette action a déplu à Dieu, c'est ce qu'il est facile de voir, car, dans la suite, ni moi-même ni mon peuple n'avons pu avoir la paix, mais tous nous avons été jetés dans le désordre par un juste jugement de Dieu et en punition de ce péché. III. Je m'accuse d'avoir, à l'encontre de la religion chrétienne et de ses prescriptions, sans utilité publique ou sans nécessité, trompé par le conseil d'hommes méchants, ordonné une expédition générale dans les jours du carême : d'avoir convoqué un placite aux frontières de l'empire le jeudi saint, alors que les fêtes pascales doivent être célébrées par tous les chrétiens. Dans cette expédition, j'ai induit mon peuple, autant qu'il est en moi, à de grands murmures ; j'ai, contre tout droit, enlevé les prêtres à leurs fonctions, et j'ai fait peser une grave oppression sur les pauvres. IV. Plusieurs de mes fidèles m'étant venus donner humblement des conseils pour mon salut, pour celui de mes fils, pour la réorganisation de l’empire chancelant, et m'ayant découvert les embûches qui m'étaient dressées par mes ennemis, j'ai usé de violence à leur égard; contre toute loi divine et humaine, je les ai dépouillés de leurs biens, j'ai ordonné leur exil, j'en ai condamné à mort. Quand ils n'étaient pas là pour répondre, j'ai amené les juges à porter contre eux de faux jugements. Pour les prêtres et les religieux, j'ai, au mépris des saints canons, porté contre eux des lois préventives, je les ai condamnés malgré leur absence ; en cela j'ai été homicide et violateur îles lois divines et humaines. V. Je m'accuse de tous ces serments opposés, pernicieux, qui furent faits par mes fils et par mes peuples. Que de fois je les y ai forcés, et sans raison ! J'ai fait ainsi tomber en grand crime le peuple qui m'était confié; mais c'est moi surtout qui suis coupable, parce que ces parjures sont attribuables à celui qui les a ordonnés. Dans ces serments, que des femmes ont faits pour soutenir leur innocence, dans ces faux témoignages, dans ces jugements injustes, dans ces parjures faits devant moi et avec ma permission, je reconnais combien j'ai offensé Dieu. VI. Je m'accuse de toutes ces expéditions, que j'ai faites dans le royaume qui m'était confié, non seulement sans aucune utilité, mais très nuisibles et sans prudence. Alors se sont commis d'innombrables forfaits dans le peuple chrétien : homicides, sacrilèges, adultères, rapines, incendies, soit dans les églises, soit ailleurs, pillages, oppression des pauvres gens, et tous ces forfaits retombent sur moi. VII. Je m'accuse de tous ces partages de l'empire, faits contre la paix générale, contre le salut de l'État, avec tant de témérité et selon mon caprice ; d'avoir poussé mon peuple contre mes fils comme contre mes ennemis, tandis que moi-même je pouvais tout concilier avec mon autorité paternelle, si j'avais pris conseil de mes fidèles. VIII. Comme si ce n'était point assez de tant de maux, de tant de crimes commis dans mon royaume par mon imprévoyance et par mon incurie, crimes qui ont amené visiblement ce royaume en grand péril et qui ont déshonoré le trône ; dernièrement encore, pour mettre le comble à tant de misères, j'ai poussé la partie du peuple qui m'obéissait à sa perte et à sa mort (en suscitant une guerre civile), tandis que je devais être pour ce peuple le guide du salut et de la paix. C'est alors que la bonté divine, intervenant d'une façon mystérieuse, inouïe, admirable pour tous les siècles, a décrété de sauver ce peuple. Pour toutes ces fautes graves, je me déclare coupable devant Dieu, et, les confessant devant les prêtres et devant le peuple, je demande la pénitence publique, afin que l'Eglise, scandalisée par mon péché, soit satisfaite.par mon repentir.
Telle fut la confession que, prosterné sur un cilice et tout en larmes, Louis le Débonnaire lut devant la foule nombreuse réunie dans la basilique de Soissons ; après quoi il se dépouilla de sa ceinture militaire et de ses armes, pour les déposer sur l'autel, échangea son habit séculier contre le costume noir des pénitents, et reçut des mains des évêques, avec tous les rites prescrits, l'imposition de la pénitence publique.
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