Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Agobard (saint), né en Espagne ou en Septimanie en 778 et peut-être d'origine wisigothique, arrive en Gaule en 781 et vit à Narbonne. Il fait probablement partie de l'entourage de Benoit d'Aniane.
Il se consacre aux études, à la religion et aux sciences, part à Lyon vers l'an 795 et est ordonné prêtre en 804, puis archevêque de la ville en 816, où il succède à l'évêque Leidrade, quand ce dernier se retire au monastère de Saint-Médard.
De 816 à 822, il s'engage pour l'unité dogmatique, politique, ecclésiologique, de l'Église, et essaie d'orienter, avec d'autres réformateurs, la politique impériale. À partir de 823, toutefois, à cause de l'influence croissante de l'impératrice Judith, il devient opposant. Il s'oppose ainsi au statut accordé aux Juifs à Lyon, et prend partie pour Lotaire contre son père Louis le Pieux. Cette dernière prise de position lui vaut d'être disgracié en 835, lorsque Louis le Pieux remonte sur le trône. Il part alors en exil en Italie, où il s'oppose aux réformes liturgiques d'Amalaire. Il retrouve toutefois son siège épiscopal en 837. Il meurt en 840 à Saintes.
Il est à l'origine de la suppression de la personnalité des lois en Burgondie, et écrivit notamment contre les épreuves de l'eau et du feu et contre la croyance aux sorciers. Il a laissé une œuvre importante et variée (quelque vingt-deux ouvrages), dont l'une des premières éditions savantes est publiée en 1668 Etienne Baluze.
Citation
« Il est rapporté qu'Agobard, évêque de Lyon, réussit à sauver du bûcher trois hommes et une femme, descendus d'une nacelle aérienne, prétendant être de retour sur Terre après avoir été enlevés par des êtres célestes qui leur auraient montré des merveilles. »
— Le phénomène OVNI, rapport du Service d'Expertise des Phénomènes Rares Aérospatiaux - CNES, p. 57
Cette citation fait référence à l'œuvre intitulée De Grandine et Tonitruis (De la grêle et du tonnerre), dans laquelle Saint Agobard laisse un récit intéressant d'un incident particulièrement significatif :
« Plerosque autem vidimus et audivimus tanta dementia obrutos, tanta stultitia alienatos, ut credant et dicant, quandam esse regionem quae dicatur Magonia, ex qua naves veniant in nubibus, in quibus fruges quae grandinibus decidunt et tempestatibus pereunt, vehantur in eandem regionem, ipsis videlicet nautis aëreis dantibus pretia tempestariis, et accipientibus frumenta vel ceteras fruges. Ex his item tam profunda stultitia excoecatis, ut hoc posse fieri credant, vidimus plures in quodam conventu hominum exhibere vinctos quatuor homines, tres viros et unam feminam, quasi qui de ipsis navibus ceciderint: quos scilicet, per aliquot dies in vinculis detentos, tandem collecto conventu hominum exhibuerunt, ut dixi, in nostra praesentia, tanquam lapidandos. Sed tamen vincente veritate post multam ratiocinationem, ipsi qui eos exhibuerant secundum propheticum illud confusi sunt, sicut confunditur fur quando deprehenditur. »
Traduction: « Nous avons cependant vu et entendu beaucoup d'hommes plongés dans une si grande stupidité, noyés dans de telles profondeurs de folie, qu'ils croient qu'il existe une certaine région, qu'ils appellent Magonie, où des bateaux voguent dans les nuages pour emporter dans ce lieu les fruits de la terre qu'ont détruits la grêle et les tempêtes ; les marins payant des gratifications aux sorciers de l'orage et recevant eux-mêmes du blé et d'autres produits.
Parmi ces gens dont la folie aveugle était assez profonde pour leur permettre de croire ces choses possibles, j'en ai vu quelques-uns extirpant d'une assemblée 4 personnes garrottées — 3 hommes et 1 femme qui, prétendaient-ils, étaient tombés de ces navires ; après les avoir gardés en captivité, il les avaient amenés devant cette multitude comme nous l'avons dit, en notre présence, afin qu'ils soient lapidés. Mais à la fin, la vérité ayant triomphé, après beaucoup d'argumentation, ceux qui les avaient montré, furent, comme dit un prophète, aussi confus que le voleur est confus quand il est surpris. »
Il faut comprendre que pressés de questions, les prétendus témoins durent avouer, confus, qu'en fait, ils n'avaient rien vu du tout. Agobard en avait déjà fait l'expérience en recherchant des témoins ayant vu les prétendus sorciers à l'œuvre. Le seul qu'on lui indiqua dut avouer qu'il n'était pas présent lors des faits qu'il rapportait.
En 1670, l'abbé Montfaucon de Villars (1635-1665) reprendra l'histoire sur le thème de l'enlèvement par les Sylphes dans Le Comte de Gabalis. L'histoire ainsi modifiée sera reprise par Jacob Grimm (vers 1820), puis entra dans la casuistique ufologique par l'intermédiaire de W. Raymond Drake dans son article de 1964 Spacemen of the Middle Ages :
« Un jour — entre autres par exemple — il arriva qu'à Lyon on vit descendre de ces nacelles aériennes 3 hommes et 1 femme. La cité tout entière se rassembla autour d'eux, criant qu'ils étaient des magiciens envoyés par Grimaldus, duc de Beneventum, l'ennemi de Charlemagne, pour détruire les moissons françaises. En vain, les 4 innocents se défendirent en disant qu'ils étaient des leurs et avaient été emportés peu de temps auparavant par des hommes extraordinaires qui leur avaient montré des merveilles dont on n'a jamais entendu parler, et ils avaient désiré leur faire eux-mêmes le récit de ce qu'ils avaient vu. La populace déchaînée ne tint aucun compte de leur défense et était sur le point de les jeter dans le feu quand le valeureux Agobard, évêque de Lyon, qui ayant été moine dans cette ville, avait acquis une autorité considérable, alerté par le bruit, arriva en courant, et après avoir entendu les accusations des gens et la défense des accusés, déclara gravement que les uns et les autres étaient dans l'erreur, qu'il n'était pas vrai que ces hommes étaient tombés du ciel, et que ce qu'ils disaient avoir vu était impossible. Les gens crurent en la parole de leur bon père Agobard plus qu'en leur propres yeux, ils s'apaisèrent, remirent en liberté les 4 ambassadeurs des Sylphes, et reçurent, émerveillés, le livre qu'Agobard écrivit pour confirmer le jugement qu'il avait prononcé. Ainsi le témoignage de ces 4 témoins fut-il rendu inutile ».
On remarque que, sur la base d'un ouvrage d'Agobard où il dénonçait de faux témoins, on en fit d'autres où le fait était réel, et Agobard un négateur, sans s'apercevoir que le livre de Montfaucon de Villars n'était qu'une fable.
En 1969 l'ufologue français Jacques Vallée reprendra ce nom de « Magonia » dans le titre d'un de ses plus célèbres ouvrages Passport to Magonia.