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PLUTARQUE

 

OEUVRES MORALES

DES NOMS DES FLEUVES ET DES MONTAGNES,

ET DES CHOSES REMARQUABLES QUI S'Y TROUVENT (01).

 

texte grec

 

I. L'HYDASPE.

Chrysippé, ayant encouru la colère de Vénus, conçut un amour criminel pour son père Hydaspe, et ne pouvant réprimer ses désirs incestueux, elle vint le trouver au milieu de la nuit, accompagnée de sa nourrice. Ce prince, à qui ce crime involontaire attira des malheurs, fit enterrer toute vive la femme qui l'avait trompé , attacha sa fille à un gibet, et, accablé de chagrin, se précipita dans l'lndus, qui depuis fut appelé Hydaspe. C'est un fleuve de l'Inde qui se décharge avec impétuosité dans le golfe Saronique.

Il s'y forme une pierre appelée lychnis , de couleur d'huile et extrêmement brillante ; on la trouve au son de la flûte, quand la lune est à son croissant. Des gens très riches peuvent seuls en faire usage. Dans le voisinage de ce fleuve, et près d'un endroit qu'on appelle les défilés, une plante est assez semblable à l'héliotrope. Le suc qui s'en exprime, en la broyant, est un préservatif contre les rayons ardents du soleil , et ceux qui s'en frottent la peau peuvent supporter sans péril les chaleurs les plus excessives.

Quand les filles manquent à la chasteté, les habitants les clouent à un poteau et les précipitent dans l'Hydaspe, en chantant dans la langue du pays un hymne en l'honneur de Vénus. Tous les ans ils enterrent vives, auprès d'une colline nommée Therogonum (02), une vieille femme à qui l'on a fait son procès dans les formes. Aussitôt on voit accourir du haut de la colline une multitude de serpents et dévorer les insectes qui voltigent autour de cette femme. C'est ce que raconte Chryserme, dans le quatre-vingtième livre de son histoire de l'Inde (03). Archélaüs en a parlé avec plus de détail dans son treizième livre des Fleuves.

Près de l'Hydaspe est le mont Eléphas; voici d'où il a tiré son nom. Quand Alexandre , roi de Macédoine, fut entré dans l'Inde; à la tête de son armée, et que les habitants du pays eurent pris la résolution de le combattre, l'éléphant de Porus, roi de cette contrée, entrant tout à coup en fureur, monta sur la colline du soleil et prononça distinctement ces mots d'une voix humaine : Ô roi, mon maître, fis de Gégasius , garde-toi de rien entreprendre contre Alexandre, car il est fils de Jupiter. A peine il eut fini de parler qu'il expira. Porus, instruit de cet événement fut frappé de terreur, et étant aller trouver Alexandre, il se jeta à ses genoux et lui demanda la paix ; il l'obtint aux conditions qu'il avait proposées lui-même ; et, changeant le nom de la montagne, il l'appela le mont Eléphas. (Dercylle, dans son troisième livre des. Montagnes (04).)

II. L'ISMÈNE.

L'Ismène est un fleuve de Béotie, qui coule auprès de Thèbes. Il s'appelait autrefois le pied de Cadmus, pour la raison suivante. Cadmus ayant tué à coups de flèches le dragon qui gardait la fontaine (05), et craignant que l'eau n'en fût empoisonnée , parcourut ce pays pour y découvrir quelque source. Pallas l'ayant conduit à l'antre de Corycie (06), il enfonça son pied droit dans une boue très épaisse, et il en sortit une rivière à laquelle ce héros, après avoir immolé aux dieux un taureau, donna le nom de pied de Cadmus. Quelque temps après, Isménus, fils d'Amphion et de Niobé, qu'Apollon avait blessé d'une flèche, ne pouvant résister à l'excès de sa douleur, se précipita dans ce fleuve, qui depuis porta son nom, comme le dit Sostrate dans son second livre des Fleuves (07).

Auprès de l'Isménus est le mont Cythéron, qui s'appelait anciennement Astérius, pour la raison que je vais dire. Béotus , fils de Neptune , balançait entre deux femmes d'une naissance illustre, désirant d'épouser celle qui lui apporterait de plus grands avantages. Une nuit qu'il les attendait toutes deux sur le sommet d'une montagne dont le nom n'est pas connu , tout à coup une étoile, se détachant du ciel, tomba sur l'épaule de l'une d'entre elles nommée Eurythémiste, et disparut aussitôt. Béotus, décidé par ce prodige, épousa Eurythémiste, et, pour perpétuer le souvenir de cet événement, il donna le nom d' Astérius à la montagne. Elle fut dans la suite appelée Cythéron ; en voici la cause. Tisiphone, l'une des furies, étant devenue amoureuse d'un jeune homme parfaitement beau, nommé Cythéron, et ne pouvant contenir la violence de sa passion, elle lui en fit l'aveu. Cythéron, saisi  d'horreur à cette proposition, ne daigna pas même lui répondre. Tisiphone, trompée dans ses désirs, détacha un des serpents qui [formaient sa chevelure , et le lança sur ce jeune dédaigneux. L'animal l'ayant saisi pendant qu'il gardait ses troupeaux sur le mont Astérius, le serra étroitement et l' étouffa. Les dieux voulurent que la montagne fût de son nom appelée Cythéron. (Léon de Byzance, dans son histoire de Béotie (08).)

Mais Hermésianax de Cypre (09) rapporte une autre origine de ce nom. Deux frères, nommés Hélicon et Cythéron, avaient des caractères et des mœurs très différents. Le premier, bon et humain, nourrissait avec tendresse ses parents dans leur vieillesse; Cythéron, naturellement avare, voulut envahir tout le patrimoine, et commença par égorger son père. Ensuite, ayant tendu des embûches à son frère , il le poussa dans un précipice, mais il y tomba lui-même. Les dieux les transformèrent l'un et l'autre dans les montagnes qui portent leurs noms. Cythéron, par son impiété, donna lieu à la fable des furies. La piété filiale d'Hélicon fit placer sur la montagne qui prit son nom le séjour des Muses.

III. L'HÈBRE.

L'Hèbre est un fleuve de Thrace qui avait dû son premier nom à la violence de son cours. Cassandre, roi de cette contrée, eut de son épouse Crotonice un fils qu'il nomma Hébrus. Dans la suite, il répudia sa femme, et épousa Damasippe fille d'Atrax , laquelle étant devenue amoureuse du fils de son mari, le sollicita de satisfaire ses désirs. Hébrus ayant fui sa belle-mère comme une furie, se livra à l'exercice de la chasse. Cette femme impudique, voyant sa 'passion méprisée, accusa ce vertueux jeune homme d'avoir entrepris de lui faire violence. Cassandre, aveuglé par la jalousie, courut avec emportement chercher son fils dans les bois, et le poursuivit l'épée à la main, pour le punir d'avoir voulu déshonorer son père. Le fils, voyant qu'il ne pouvait lui échapper, se précipita dans le fleuve Rhombus, qui, depuis, prit le nom d'Hèbre, comme Timothée le rapporte au premier livre des Fleuves.

Le mont Pangée , situé près de ce fleuve, fut ainsi nommé à l'occasion suivante. Pangéus, fils de Mars et de Critobulé, ayant eu commerce avec sa propre fille, sans la connaître, en conçut une douleur si vive, qu'il courut au mont Carmanius, et, dans son désespoir, il se perça de son épée. La montagne prit, par l'ordre des dieux, le nom de Pangée (10). 

Il croît dans l'Hèbre une plante semblable à l'origan. Les Thraces coupent Je bout de sa tige, et après s'être rassasiés de pain, ils le mettent sur des charbons ardents et en respirent longtemps la fumée. Alors leurs sens s'appesantissent, et ils tombent dans un profond sommeil. On trouve sur le mont Pangée une plante nommée cithare ; voici l'origine de ce nom. Les femmes de Thrace, après avoir mis Orphée en pièces, dispersèrent ses membres dans l'Hèbre. Sa tête et son corps prirent, par l'ordre des dieux, la forme d'un dragon ; mais Apollon voulut que sa lyre conservât sa figure. Du sang qui coulait de ses plaies il naquit une plante qui fut nommée cithare, et qui, dans les fêtes de Bacchus, rend le même son que cet instrument. Les naturels du pays, vêtus de peaux de daim et armés de leurs thyrses, chantent un hymne dont le vers suivant fait partie :

Folâtrer à propos, c'est savoir être sage.

(Voyez Clitonyme dans le second livre des Histoires traciques (11)).

IV. LE GANGE.

Le Gange est un fleuve de l'Inde qui dut son nom au fait suivant. Une femme de Calaurie eut d'un Indien, son mari, un fils d'une beauté singulière, qui fut nommé Gangès, et qui, ayant perdu la raison dans l'ivresse, commit un inceste avec sa mère sans la connaître. Le lendemain, instruit par sa nourrice de ce qui s'était passé, il en eut une douleur si vive, qu'il se précipita dans le fleuve Chliarus, qui fut depuis appelé Gange.

Il croît sur ses bords une plante semblable à la buglose. Les habitants la broient pour en exprimer le suc qu'ils conservent avec soin, et dont ils vont au milieu de la nuit frotter l'entrée des cavernes des tigres. Ces animaux, qui craignent l'effet de ce suc, n'osent pas sortir de leurs antres et s'y laissent mourir de faim, au rapport de Callisthène dans son troisième livre de la Chasse (12).

Auprès du Gange est le mont Anatole ; voici l'origine de son nom. Le Soleil ayant vu une jeune fille nommée Anaxibia, qui se promenait dans la campagne, en devint amoureux; et ne pouvant réprimer sa passion, il la suivit dans le dessein de lui faire violence. La jeune fille, voyant qu'elle ne pouvait lui échapper, se réfugia dans le temple de Diane Orthienne, situé sur le mont Coryphe, et là elle disparut tout à coup. Le dieu, qui la suivait de près, ne l'apercevant plus, en fut si outré de douleur, qu'il se leva sur l'horizon à ce lieu même. Cette aventure fit que les gens du pays changèrent son premier nom en celui d'Anatolé  (13). (Cémaron, dans le dixième livre de son histoire des Indes (14). )

V. LE PHASE.

Le Phase est un fleuve de la Scythie (15) qui traverse une ville du même nom. Il s'appelait auparavant Arcturus, et ce nom venait de ce qu'il coule dans des climats froids (16) ; il en changea à l'occasion suivante. Phasis, fils du Soleil et de la nymphe Ocyrrhoé, fille de l'Océan, ayant surpris sa mère en adultère, la tua. Agité sans cesse par les furies, en punition de ce crime, il se précipita dans l'Arcturus, qui prit depuis le nom de Phase. Il croît dans ce fleuve une plante en forme de verge, nommée leucophylle, qu'on trouve au commencement du printemps, par l'inspiration du dieu Pan et pendant la célébration des mystères d'Hécate. Les hommes jaloux, après l'avoir cueillie, la jettent sous le lit nuptial, et en conservent ainsi la chasteté (17). Si quelqu'un d'impur et pris de vin, entre; imprudemment dans la chambre où est cette plante, il perd aussitôt la raison, et il avoue publiquement tous les crimes qu'il a faits, ou qu'il projette de faire. Ceux qui se trouvent présents le saisissent à l'instant même, le cousent dans un sac et le jettent dans le fleuve, à l'endroit appelé l'embouchure des impies, qui est de forme ronde et semblable à un puits. Au bout de  trente jours, on transporte aux Palus-Méotides son corps, qui est tout rempli de vers, et aussitôt des vautours qu'on n'avait pas encore aperçus dans tout le canton, se jettent sur son cadavre et le déchirent. Voilà ce que Ctésippe raconte dans le second livre de l'histoire des Scythes.

Auprès de ce fleuve est le mont Caucase, qui s'appelait autrefois le lit de Borée, pour la raison que je vais dire. Borée ayant enlevé Chloris, fille d'Arcturus, dont il était amoureux, la transporta sur une colline nommée Niphante, et il en eut un fils qu'il appela Hyrpax, et qui succéda au trône d'Héniochus. La montagne en prit le nom de lit de Borée ; voici à quelle occasion elle le changea en celui de Caucase. Après la guerre des géants, Saturne, pour éviter les menaces de Jupiter, s'enfuit sur la montagne du lit de Borée, et ayant pris la forme d'un crocodile, il tua un berger du pays, nommé Caucasus. Par l'inspection de ses entrailles, il connut que les ennemis n'étaient pas loin. Jupiter ayant paru à l'instant même, lia son père avec une corde de laine, et le précipita
dans le Tartare. Ensuite , pour honorer la mémoire du berger, il donna à la montagne le nom de Caucase. Il y attacha Prométhée, et l'abandonna à un vautour qui lui déchirait les entrailles, pour le punir d'avoir établi l'usage de consulter l'avenir par l'inspection des entrailles. (Cléanthe, dans le livre troisième du Combat des dieux (18). )

Il croît sur cette montagne une herbe nommée prométhéienne. Médée la prit, la broya, et se servit de son suc pour défendre Jason contre la mauvaise volonté de son père (19). (Voyez le même historien.)

VI. L'ARAR ou LA SAÔNE.

L' Arar est un fleuve de la Gaule Celtique, ainsi nommé, parce qu'il se joint (20) au Rhône, près du pays des Allobroges (21). Il s'appelait anciennement Brigulus, et changea de nom à l'occasion suivante. Arar ayant été chassé dans les bois, y trouva son frère Celtibérus, qui avait été déchiré par des bêtes féroces. Dans la douleur qu'il en eut, il se perça de son épée, et se jeta dans le fleuve Brigulus, qui de son nom fut appelé Arar.

On y pêche un grand poisson que les naturels du pays nomment scolopide, qui est blanc quand la lune est dans son croissant, et qui devient noir à son décours. Lorsqu'il est parvenu à toute sa grosseur, il se tue avec ses propres épines. Il a dans la tête une pierre semblable à un grain de sel, laquelle est un remède souverain contre les fièvres quartes, si on l'applique sur le côté gauche dans le décours de la lune. (Voyez Callisthène le Sybarite dans son treizième livre de l'histoire des Gaules, d'où Timagène le Syrien l'a emprunté.)

Auprès de l' Arar est une montagne qui s' appelait Lugdunum, et qui changea de nom pour la cause que je vais rapporter. Momorus et Atépomarus, qui avaient été détrônés par Séséronéus, entreprirent, d'après la réponse d'un oracle, de bâtir une ville sur cette montagne. Ils en avaient déjà jeté les fondements, lorsqu'une multitude de corbeaux, dirigeant leur vol de ce côté, remplirent les arbres d'alentour. Momorus, très versé dans la science des augures (22), donna à la ville le nom de Lugdunum. Car  lugus dans la langue du pays, signifie corbeau, et dunus une montagne (23). (Voyez Clitophon, dans le treizième livre de la Fondation des Villes (24).)

VII. LE PACTOLE

Le Pactole, fleuve de Lydie, baigne la ville de Sardes. Il s'appelait anciennement Chrysorrhoas (25). Apollon eut d'Apathippé un fils nommé Chius, qui exerçait un art mécanique d'où il tirait une modique subsistance. Il trouva le moyen d'entrer pendant la nuit dans le trésor du roi Crésus, et d'en emporter beaucoup d'or qu'il distribuait à ses amis. Mais enfin, ayant été surpris par les gardes, et ne voyant aucune issue pour leur échapper, il se jeta dans le fleuve, qui depuis fut appelé Chrysorrhoas  (26), et qui reçut ensuite le nom de Pactole à l'occasion suivante.

Pendant la célébration des mystères de Vénus, Pactole, le fils d'Iolis et de Leucothée, fit violence à sa sœur Démodicé, sans la connaître. Quand il fut instruit de son crime, il se jeta de désespoir dans le fleuve Chrysorrhoas, qui prit alors le nom de Pactole. Il roule avec son sable des paillettes d'or très pur, et il se décharge dans le golfe Heureux.

On trouve dans le Pactole une pierre appelée arurophylax, et qui ressemble à l'argent. Il est assez difficile de la distinguer, parce qu'elle est mêlée avec les paillettes d'or que le fleuve roule dans le sable. Elle a une propriété singulière. Les Lydiens riches, qui sont seuls en état de l'acheter, la placent sur le seuil de leur trésor, et conservent ainsi sans danger l'or qui y est renfermé ; car toutes les fois que des voleurs s'en approchent, cette pierre rend le son d'une trompette, et les voleurs, qui se croient poursuivis, s'enfuient et tombent dans des précipices. L'endroit où ils meurent ainsi d'une mort violente, est appelé la prison du Pactole.

Il croît sur ses bords une plante dont les fleurs sont couleur de pourpre, et qu'on appelle chrysopole. Les habitants des villes voisines s'en servent pour éprouver si l'or est pur. Pendant qu'il est en fusion, ils en approchent cette plante ; et si l'or est sans alliage, les feuilles de la chrysopole se dorent et retiennent la substance de ce métal ; mais s'il est altéré, elles rejettent cette matière dégénérée. (Voyez Chryserme, dans le second livre des Fleuves. )

Près du Pactole est le mont Tmolus, rempli de bêtes sauvages de toute espèce. Il s'appelait anciennement Carmanorium, de Carmanor, fils de Bacchus et d'Alexirrhoé, qui mourut de la blessure que lui fit un sanglier à la chasse. Voici à quelle occasion il prit dans la suite le nom de Tmolus. Un roi de Lydie, de ce nom, fils de Mars et de Théogone, chassant un jour sur cette montagne, et y ayant rencontré Arrhipé, nymphe de Diane, il en devint subitement amoureux, et, emporté par sa passion, il la poursuivit dans le dessein de lui faire violence. Comme elle ne pouvait lui échapper, elle se réfugia dans le temple de Diane ; mais ce prince, sans être retenu par la sainteté du lieu, abusa de la nymphe dans le temple même. Arrhipé se pendit de désespoir, et la déesse, indignée de l'action du roi, envoya contre lui un taureau furieux qui le saisit et le lança dans l'air, d'où il retomba sur des pieux très pointus et périt dans des tourments cruels. Théoclymène, son fils, lui rendit les honneurs funèbres, et donna son nom à la montagne.

Il y a sur le mont Tmolus une pierre assez semblable à la pierre ponce, mais qu'il est difficile de trouver, parce qu'elle change de couleur quatre fois le jour. Elle n'est aperçue que par les jeunes filles qui n'ont pas encore atteint l'âge de raison. Si celles qui sont nubiles la trouvent, elle les garantit, suivant le rapport de Clitophon, des outrages qu'on voudrait leur faire.

VIII. LE LYCORMAS.

Le Lycormas, fleuve d'Étolie, fut depuis nommé Evenus à l'occasion suivante. Idas, fils d'Apharéus, ayant enlevé Marpisse, dont il était amoureux, l'emmena à Pleurone (27). Evenus, indigné de cette violence, poursuivit le ravisseur de sa fille. Arrivé sur le bord du Lycormas, et désespérant de l'atteindre, il se jeta dans ce fleuve, qui prit le nom d'Evenus. Il y croît une plante nommée tarisse, qui a la forme d'une lance (28), et qui est bonne pour les maux des yeux. Près de ce fleuve est le mont Mycne, ainsi nommé de Myenus, fils de Tolestor et d'Alphésibé, qui, ayant inspiré de l'amour à sa belle-mère, et ne voulant pas déshonorer la couche de son père, se retira sur le mont Alphius. Tolestor, à qui sa femme avait inspiré de la jalousie contre son fils, le poursuivit sur cette montagne déserte, et la fit si bien entourer par ses gardes, que Myenus, pour prévenir les menaces de son père, se précipita du haut de la montagne, qui , par l'ordre des dieux, a depuis porté son nom.

Il croît sur cette montagne une fleur nommée leucoium (29), qui se flétrit dès qu'on prononce le nom de belle-mère, comme le dit Dercylle dans son livre second des Montagnes.

IX. LE MÉANDRE.

Le Méandre, fleuve d'Asie, se nommait anciennement  Anabénon, parce que entre tous les fleuves il est le seul qui, à commencer dès son origine , a un cours tellement sinueux , qu'il semble remonter vers sa source  (30). Son nom actuel lui vient de Méandre , fils de Cercaphus et d'Anaxabie , lequel , ayant déclaré la guerre aux habitants de Pessinunte (31), promit à la mère des dieux, s'il revenait vainqueur, de lui sacrifier le premier qui se présenterait à lui pour le féliciter de sa victoire. Les personnes qui vinrent les premières à sa rencontre furent Archélaüs, son fils, sa mère et sa sœur. Méandre, lié par le vœu qu'il avait fait, les conduisit à l'autel, et immola ce qu'il avait de plus cher. Mais bientôt, au désespoir de leur perte, il se jeta dans le fleuve Anabénon, qui, depuis, fut appelé Méandre. Ce trait est rapporté parTimolaüs dans le premier livre de son histoire de Phrygie, et par Agathocle de Samos dans sa République de Pessinunte (32).

Démostrate d'Apamée raconte autrement le fait. Méandre, général de l'expédition contre les habitants de Pessinunte, ayant, contre toute espérance , remporté la victoire, fit distribuer à ses soldats .les offrandes consacrées à la mère des dieux. La déesse , pour le punir de ce sacrilège , lui ôta la raison , et, dans sa fureur, il tua sa femme et son fils. Bientôt après , revenu à son bon sens, et accablé de remords pour les meurtres qu'il avait commis, il se jeta dans le fleuve, qui prit le nom de Méandre.

Il s'y trouve une pierre qu'on a nommée, par antiphrase, sophron  (33). Si on la jette dans le sein de quelqu'un, il entre aussitôt en fureur et tue un de ses parents ; mais après avoir apaisé la mère des dieux , il est guéri de sa folie. (Voyez Démarate, au livre troisième des Fleuves. Archélaüs en parle aussi, dans son premier livre des Pierres.)

Près de ce fleuve est le mont Sipyle , ainsi nommé de Sipylus, fils d'Agénor et de Dioxippe, lequel tua sa mère sans la connaître ; agité par les furies , en punition de ce meurtre, il alla sur le mont Céraunius, et il s'y pendit de désespoir. Les dieux voulurent que la montagne prît le nom de Sipyle.

On y trouve une pierre semblable à un cylindre. Lorsque des enfants pieux la rencontrent , ils vont la porter dans le temple de la mère des dieux ; et dès lors ils ne commettent aucune impiété : ils chérissent leurs parents et aiment tous ceux qui leur sont unis par les liens du sang , comme le dit Agatharchide de Samos dans son quatrième livre des Pierres (34).

X. LE MARSYAS.

Le Marsyas, fleuve de Phrygie, qui baigne la ville de Galène (35), s'appelait anciennement la fontaine de Midas, pour la raison que je vais rapporter. Midas, roi des Phrygiens, voyageant dans les contrées les plus désertes de son royaume, et manquant d'eau, frappa du pied la terre et en fit jaillir une source d'or ; mais comme l'eau qui en coulait était aussi d'or, et que la soif le pressait ainsi que ses soldats, il invoqua Bacchus, qui, à sa prière, fit sourdre de l'eau en abondance. Les Phrygiens se désaltérèrent, et Midas donna au fleuve, dont cette eau fut l'origine, le nom de source de Midas. Voici ce qui lui fit donner celui de Marsyas. Le satyre de ce nom ayant été vaincu et écorché vif par Apollon, le sang qui découla de son corps donna naissance aux satyres et au fleuve qui porte son nom, comme le dit Alexandre Corneille dans le second livre de son histoire de Phrygie (36). Evhéméridas de Cnide (37) raconte la chose autrement. La peau de Marsyas, ayant été desséchée par le temps, fut portée dans la source de Midas ; et comme elle suivait le fil de l'eau, elle fut trouvée par un pêcheur. Pisistrate le Lacédémonien , d'après un ordre de l'oracle , bâtit dans l'endroit où l'on avait trouvé les restes du satyre une ville qu'il nomma Noricum, nom qui, en langue phrygienne, signifie une peau ou une outre.

Il croît sur les bords de ce fleuve une plante nommée aulus , qui , lorsqu'elle est agitée par le vent , rend des sons mélodieux (38) au rapport de Dercylle dans le premier livre des Satyriques.

Près du fleuve Marsyas est le mont Bérécynthe, qui prit son nom de Bérécynthus, le premier prêtre de la mère des dieux.

On y voit une pierre appelée mâchera , qui ressemble beaucoup au fer (39). Si quelqu'un la trouve pendant la célébration
des mystères de la déesse, il devient furieux, comme le rapporte Agatharchide dans son histoire de Phrygie.

XI. LE STRYMON.

Le Strymon, fleuve de Thrace, près de la ville d'Édonis (40), s'appelait anciennement Palestinus, d'un fils de Neptune, du même nom, lequel étant tombé dangereusement malade pendant qu'il faisait la guerre à des peuples voisins , donna le commandement de ses troupes à son fils Haliacmon, qui, ayant livré témérairement la bataille, fut tué dans le combat. A la nouvelle de sa mort, son père, accablé de douleur , trouva le moyen de tromper ses gardes, et se précipita dans le fleuve Conozus, qui prit depuis le nom de Palestinus. Dans la suite, Strymon, fils de Mars et d'Hélice, ayant appris la mort de Rhésus, fut si accablé de douleur, qu'il se jeta dans le fleuve Palestinus, auquel il donna son nom.

Il y croît une plante nommée pausilype. Lorsqu'une personne affligée la trouve, elle est sur-le-champ délivrée de son chagrin, au rapport de Jason de Byzance, dans ses Récits tragiques (41).

Près de ce fleuve sont les monts Hémus et Rhodope. Un frère et une sœur ainsi nommés s'aimaient très tendrement ; Hémus donnait le nom de Junon à sa sœur, qui, de son côté , l'appelait Jupiter. Les dieux, irrités de leur impiété, les transformèrent en deux montagnes qui prirent leur nom.

On y trouve des pierres qu'on appelle philadelphes , qui ont la couleur de plumes de corbeau et la forme humaine. Lorsqu'elles sont séparées les unes des autres, si on prononce leur nom, elles tombent aussitôt en dissolution chacune de leur côté , au rapport de Thrasylle le Mendésien (42) dans son second livre des Pierres. Il en parle plus en détail dans ses Récits tragiques.

XII. LE SAGARIS (43).

Le Sagaris est un fleuve de Phrygie qui portait anciennement le nom de Xérabate, parce qu'il est à sec la plus grande partie de l'été (44). Voici à quelle occasion il prit celui de Sagaris. Sagaris, fils de Mindonius et d'Alexirrhoé, avait souvent témoigné du mépris pour les mystères de la mère des dieux, et insulté ses prêtres et ses ministres. La déesse, indignée de son impiété, le rendit furieux, et, dans sa démence, il se précipita dans le fleuve Xérabate, qui, de son nom, fut appelé Sagaris.

II s'y trouve une pierre nommée autogryphe, sur laquelle est naturellement empreinte l'image de la mère des dieux. Si un des prêtres de Cybèle rencontre une de ces pierres, ce qui arrive rarement, il ne s'étonne plus de rien et soutient avec intrépidité la vue des objets les plus extraordinaires. (Voyez Arétase dans son histoire de Phrygie.)

Près de ce fleuve est le mont Ballenéum, qui , en langue phrygienne, signifie royal. Il fut ainsi nommé de Ballenéus, fils de Ganymède et de Médésigiste, lequel, voyant son père près de mourir de langueur, institua pour les habitants du pays une fête qui porte encore aujourd'hui le nom de Ballenéum (45).

Il y a sur cette montagne une pierre nommée aster (46), qui, au commencement de l'automne, a, pendant la nuit, tout l'éclat du feu. Dans la langue du pays, elle s'appelle Ballen, nom qui signifie roi, au rapport d'Hermésianax de Cypre dans le livre second de son histoire de Phrygie.

XIII. LE SCAMANDRE.

Le Scamandre est un fleuve de la Troade, qui, anciennement, s'appelait le Xanthe; il changea de nom pour la raison que je vais dire. Scamandre, fils de Goryhas et de Démodice, ayant paru tout à coup dans le lieu où l'on célébrait les mystères de Rhéa, la déesse le rendit furieux, et il courut précipitamment se jeter dans le Xanthe, qui, depuis, fut appelé Scamandre.

Il y croît une plante nommée sistros, qui ressembler l'érébinthe, et dont les graines sont toujours en mouvement; c'est de là qu'elle a pris son nom (47). Ceux qui l'ont sur eux ne craignent ni les fantômes ni les apparitions des dieux, au rapport de Démostrate dans le second livre des Fleuves (48). Dans le voisinage du Scamandre est le mont Ida, appelé anciennement Gargarus (49), sur lequel sont les autels de Jupiter et de la mère des dieux. Voici à quelle occasion il prit le nom d'Ida. Egesthius, qui tirait son origine de Diosphore, eut d'une jeune fille nommée Ida les dactyles idéens : elle perdit la raison dans le sanctuaire de Rhéa, et Egesthius donna en son honneur à la montagne le nom d'Ida.

On y trouve une pierre nommée cryphius, qui ne se voit que pendant la célébration des mystères des dieux, au rapport d'Héraclide de Sicyone dans le second livre des Pierres (50).

XIV. LE TANAÏS (51).

Le Tanaïs, fleuve de Scythie, s'appelait anciennement Amazonius, parce que les Amazones allaient s'y baigner. Voici à quelle occasion il changea de nom. Tanaïs, fils de Borossus et de l'amazone Lysippe, vivait dans la plus grande chasteté, haïssait les femmes, n'honorait que le dieu Mars, et méprisait le mariage. Vénus, pour le punir, lui inspira de l'amour pour sa propre mère. Tanaïs résista d'abord à cette passion ; mais, ne pouvant pins réprimer la violence de ses désirs , et voulant conserver sa chasteté, il se précipita dans le fleuve des Amazones, qui fut depuis appelé Tanaïs.

Il croît sur ses bords une plante nommée halinde,dont les feuilles sont semblables à celles du chou. Les naturels du pays en expriment le suc et s'en frottent le corps. Il les échauffe tellement qu'ils peuvent résister au plus grand froid. Ils l'appellent en leur langue l'huile de Borosse.

Il y a aussi une pierre qui ressemble au cristal et représente un homme couronné. Quand le roi du pays est  mort, le peuple s'assemble sur les bords du fleuve : celui qui trouve cette pierre est sur-le-champ déclaré roi , et reçoit le sceptre du prince mort. (Voyez Ctésiphon dans le second livre des Plantes. Aristobule en fait aussi mention dans le second livre des Pierres (52).)

La montagne voisine s'appelle , dans la langue du pays, Brixaba, c'est-à-dire front du bélier. Voici l'origine de ce nom. Phryxus perdit sa sœur Hellé en traversant le Pont-Euxin. Vivement affligé de cette perte, il se retira sur le sommet d'une colline. Quelques Barbares l'ayant aperçu y montèrent armés; le bélier à la toison d'or sur lequel il voyageait , en regardant au bas de la colline , vit cette troupe d'hommes marcher contre Phryxus, qui était endormi : il le réveille en lui parlant d'une voix humaine, le prend sur son dos et le porte jusqu'en Colchide. La colline fut depuis appelée le front du bélier (53). Il croît sur cette montagne une plante que les Barbares nomment dans leur langue phryxa, c'est-à-dire qui hait les méchants ; elle est semblable à la rue, et les enfants d'un premier lit qui en portent sur eux, n'ont rien à craindre de leurs belles-mères. On la trouve en abondance près de l'antre de Borée , et quand on l'a cueillie , elle est plus froide que la neige. Si une belle-mère tend des embûches à son fils , la plante jette des flammes et lui fait éviter les dangers dont il est menacé par une marâtre cruelle. (Voyez Agathon de Samos dans le second livre de son histoire de Scythie (54).)

XV. LE THERMODON.

Le Thermodon, fleuve de Scythie, d'abord nommé Cristal parce qu'il gèle , même en été , par le froid du climat , changea de nom à l'occasion suivante .... (55).

XVI. LE NIL.

Le Nil , fleuve d'Égypte , qui coule auprès d'Alexandrie , s'appelait anciennement Mêlas , d'un fils de Neptune de ce nom. Il prit ensuite le nom d'Egyptus, parla raison que je vais rapporter. Egyptus , fils de Vulcain et de Leucippe, régnait dans cette contrée. Pendant une guerre qu'il eut à soutenir contre ses propres sujets , les eaux du Nil ne se retirant point des terres , et les peuples étant pressés par la famine , l'oracle leur promit une récolte abondante si , pour apaiser les dieux , le roi du pays sacrifiait sa propre fille. Egyptus , que les maux accablaient de toutes parts , conduisit à l'autel sa fille Aganippé , et l'immola. Mais bientôt , désespéré de cette perte , il se jeta dans le fleuve Mêlas, qui prit dès lors le nom d'Egyptus (56). Il le changea depuis en celui de Nil , et voici quelle en fut la cause. Garmathone, reine d'Égypte , pleurait amèrement , avec toute sa cour, son fils Chrysochoas, qui était mort avant d'avoir atteint l'âge de puberté. Isis lui ayant apparu subitement , la reine suspendit les témoignages de sa douleur, fit à la déesse l'accueil le plus gracieux , et lui laissa voir toute la satisfaction que sa présence lui causait. Isis , pour reconnaître sa piété, engagea Osiris à rappeler son fils des enfers. Il se rendit aux prières de la déesse (57); mais Cerbère, que  d'autres appellent Phobérus (58), poussa des hurlements si terribles, que Nilus, le mari de Garmathone , saisi d'une fureur Soudaine , se précipita dans le fleuve Egyptus , qui depuis prit son nom.

On trouve dans ce fleuve une pierre qui ressemble à une fève : dès qu'un chien l'aperçoit, il cesse d'aboyer. Elle a la plus grande vertu contre les possessions des esprits , car on ne l'a pas plutôt approchée du nez d'un homme possédé du démon, que l'esprit malin se retire de lui.

Il produit d'autres pierres nommées collotes, que les hirondelles ramassent après que les eaux du Nil se sont retirées, pour construire le mur Chélidonien, qui résiste à l'impétuosité des flots et empêche que le pays ne soit ravagé par l'inondation du fleuve. (Voyez Thrasybule dans son histoire d'Égypte.)

Près du Nil est le mont Argillus, qui fut ainsi nommé à l'occasion suivante. Jupiter ayant enlevé de Lycte, ville de Crète, la nymphe Argé, dont il était amoureux , la transporta sur la montagne d'Égypte nommée aujourd'hui Argillus. Il en eut un fils nommé Dionysus, et qui , devenu grand , donna à cette montagne le nom d' Argillus, en l'honneur de sa mère. Dans la suite , il rassembla une armée de pans et de satyres , fit la conquête de l'Inde , et après avoir soumis l'Ibérie , il y laissa pour gouverneur Pan, qui, de son nom, appela le pays Panie , dont on a formé depuis celui de Spanie (59). (Voyez Sosthène dans le livre treize de l'histoire d'Ibérie 60).)

XVII. L'EUROTAS.

Himérus, fils de Lacédémon et de la nymphe Taygète, s'étant attiré la colère de Vénus , abusa , dans la veillée de celte déesse , de sa sœur Cléodice, sans la connaître. Le lendemain , instruit de son crime et accablé par ses remords , il se précipita dans le fleuve Marathon , qui fut depuis appelé Himérus et prit dans la suite le nom d'Eurotas à l'occasion suivante. Les Spartiates étant en guerre avec les Athéniens, attendaient la pleine lune pour combattre. Enrôlas, leur général, qui n'était retenu par aucune crainte superstitieuse , rangea les troupes en bataille malgré les éclairs et les foudres qui semblaient devoir l'en détourner. Mais son armée fut taillée en pièces , et dans la douleur que cette défaite lui causa , il se jeta dans le fleuve Himérus , qui fut depuis nommé Eurotas.

On y trouve une pierre nommée thrasylide , qui ressemble à un casque : dès qu'elle entend le son d'une trompette , elle s'élance sur le rivage ; mais si on prononce le nom des Athéniens , elle se plonge aussitôt sous les eaux. Il y a plusieurs de ces pierres dans le temple de Minerve Chalcièque (61), où elles ont été consacrées, au rapport de Nicanor le Samien dans le second livre des Fleuves (62).

Dans le voisinage de l'Eurotas est le mont Taygète , ainsi nommé de la nymphe Taygète , qui , déshonorée par Jupiter, se pendit de désespoir sur le sommet du mont Amyclée , qui porta depuis son nom.

Il croît sur cette montagne une plante nommée charisium que les femmes attachent autour de leur cou au commencement du printemps, et elles en sont plus tendrement aimées de leurs maris , comme le dit Cléanthe dans le second livre des Montagnes. Sosthène de Cnide en parle plus en détail , et c'est de lui qu'Hermogène a tiré ce qu'il en dit  (63).

XVIII. L'INACHUS.

L'Inachus est un fleuve de l'Argolide qui s'appelait anciennement Carmanor. Haliacmon, originaire de TyrinIhe, faisant paître un jour ses troupeaux sur le mont Coccygius , vit , sans les connaître , Jupiter et Rhéa qui avaient commerce ensemble. Aussitôt il devint furieux, et s' élança avec impétuosité dans le fleuve Carmanor, qui fut appelé depuis Haliacmon. Il prit ensuite le nom d'inachus par la raison que je vais dire. Inachus, fils de l'Océan , ayant vu sa fille Io déshonorée par Jupiter, se mit à la poursuite du dieu en l'accablant d'injures. Jupiter, irrité , envoya contre lui Tisiphone , une des furies , qui lui troubla tellement la raison , qu'il courut se jeter dans le fleuve Haliacmon , qui dès lors prit le nom d'inachus.

Il produit une plante nommée cyura , qui ressemble à la rue , et que les femmes qui veulent se faire avorter sans péril mettent sur leur nombril après l'avoir fait tremper dans le vin.

On y trouve aussi une pierre semblable au béril (64), qui noircit dans les mains de ceux qui veulent porter un faux témoignage. On voit un grand nombre de ces pierres dans le temple de Junon Prosymnée (65), au rapport de Timothée dans son histoire d'Argos. Agathon le Samien en fait mention dans le second livre des Fleuves. Agathocle de Milet (66), dans son traité des Fleuves , raconte que le fleuve Inachus fut , à cause de son astuce , foudroyé par Jupiter, et son lit presque desséché.

Dans son voisinage sont les monts Mycène , Apésante, Coccygius et Athénéus : voici d'où ils avaient tiré leurs noms. Le mont Apésante portait anciennement le nom de Sélénée , parce que Junon , qui voulait se venger d'Hercule , invoqua le secours de la lune, qui, par ses enchantements magiques , remplit un coffre d'écume de laquelle naquit un lion énorme qu'Iris attacha avec sa ceinturé et conduisit sur le mont Opheltus , où il mit en pièces un berger nommé Apésante , dont les dieux voulurent que la montagne prît le nom (67), suivant le récit de Démodocus, dans le premier livre de son Héraclide (68).

Il croît sur cette montagne une plante nommée selène (69): elle rend une écume que les bergers ramassent avec soin au commencement du printemps. Ils s'en frottent les pieds , et elle les préserve de la morsure des serpents.

Le mont Mycène s'appelait anciennement Argium, du nom de l'Argus aux cent yeux. Voici à quelle occasion il prit celui de Mycène. Après que Persée eut tué Méduse, Sthéno et Euryalé , sœurs de cette gorgone , le poursuivirent pour le punir de sa trahison. Arrivées au sommet du mont Argium, et désespérant de l'atteindre, leurs regrets pour une sœur qui leur était chère leur firent pousser d'affreux mugissements, et c'est de là que les naturels du pays donnèrent à cette montagne le nom de Mycène(70), comme le dit Ctésias d'Éphèse dans le premier livre de sa Perséide (71). Mais Chryserme de Corinlhe, dans ses Péloponnésiaques , raconte l'histoire suivante. Persée , en traversant les airs , laissa tomber sur le sommet de cette montagne la garde de son épée. Gorgophonus , roi des Epidauriens , ayant été chassé de son trône , reçut ordre de l'oracle de parcourir les villes dans l'Argolide, et d'en bâtir une dans le lieu où il trouverait la garde d'une épée. Arrivé au mont Argium , il y trouva celle de Persée, qui était d'ivoire, et y construisit une ville qu'il nomma Mycène à cause de cette aventure (72).

On trouve sur le mont Mycène une pierre nommée corybas, dont la couleur ressemble à celle du corbeau. Ceux qui la portent sur leur personne n'ont à craindre aucune vision monstrueuse.

Le mont Apésante fut ainsi nommé d'Apésantus , fils d'Acrisius, lequel ayant marché sur un serpent venimeux pendant qu'il chassait sur cette montagne , en fut mordu et expira sur-le-champ. Acrisius y fit ensevelir son fils , et changea son ancien nom de Sélinuntium en celui d' Apésante (73).

Voici d'où le mont Coccygius prit son nom. Jupiter étant devenu amoureux de sa sœur Junon , et l'ayant épousée , il en eut un fils, et , depuis , la montagne sur laquelle il avait été conçu changea son nom de Ducéium en celui de Coccygius, au rapport d'Agatonyme dans sa Perséide (74).

Il croît sur cette montagne un arbre nommé palinure. Le coucou est le seul animal qui puisse s'y poser, sans y rester attaché comme avec de la glu. (Voyez Ctésiphon dans le premier livre de son traité des Arbres.)

Le mont Athénée prit son nom de Minerve (75). Après la ruine de Troie , Diomède étant retourné à Argos , construisit un temple à Minerve sur le mont Céraunius, auquel il donna le nom d'Athénée , de celui de la déesse.

Il croît sur son sommet une plante semblable à la rue, qu'on nomme adrastée. Si une femme en mange par mégarde, elle devient furieuse, au rapport de Plésimachus, au livre premier des Retours (76).

XIX. L'ALPHÉE.

L'Alphée, fleuve d'Arcadie qui coule près de Pisé d'Olympie, s'appela d'abord Stymphèle, du nom de Stymphélus, fils de Mars et de Dormothée, lequel, vivement affligé de la mort d'Alcméon Philippe, son fils, se précipita dans le fleuve Nyctime, qui, de son nom, fut appelé Stymphèle. Il prit dans la suite le nom d'Alphée, parce que Alphée, un des descendants du soleil, disputant  de valeur avec son frère Cercaphus, le tua, et ayantI été chassé par les bergers du canton, il se jeta dans le fleuve Nyctime, qui prit dès lors le nom d'Alphée (77).

Il croît sur les bords de ce fleuve une plante nommée cenchritis, qui ressemble à un rayon de miel. Les médecins en font une décoction qu'ils donnent à ceux qui ont perdu l'usage de la raison, et qui les guérit de leur folie, comme le dit Ctésias dans le premier livre de son traité des Fleuves.

Le mont Cronius, qui est près de l'Alphée, fut ainsi nommé pour la raison suivante. Après la guerre des géants, Saturne, pour se dérober aux menaces de Jupiter, se retira sur le mont Cturus, qu'il appela de son nom le mont Cronius (78). Il s'y tint caché pendant quelque temps, étala première occasion qu'il trouva de s'échapper, il se retira sur le mont Caucase en Scythie.

On trouve sur le mont Cronius une pierre nommée cylindre pour la raison que je vais dire. Toutes, les fois que Jupiter éclaire ou tonne, cette pierre roule du haut de la montagne en bas, au rapport de Dercylle dans le premier livre de son traité des Pierres (79). 

XX. L'EUPHRATE.

L'Euphrate est un fleuve de la Parthie (80) qui traverse la ville de Babylone. Il se nommait autrefois Médus, du nom d'un fils d'Artaxerxés, qui fit violence à Roxane, fille de Cordyus, dont il était amoureux. Dès le lendemain, son père ayant donné ordre qu'on l'arrêtât pour le punir de son crime, Médus, saisi de crainte, se jeta dans le fleuve Zarande, qui depuis porta le nom de Médus. Voici à quelle occasion il eut celui d'Euphrate. Euphrate, fils d'Arandacus, ayant trouvé son fils Axurtas couché avec sa mère, et le prenant pour un de ses sujets, dans le transport de sa jalousie, il le perça de son épée. Mais quand ensuite il se reconnut l'auteur d'un meurtre qu'il ne pouvait plus réparer, il se précipita dans le fleuve Médus, auquel on donna depuis le nom d'Euphrate.

On y trouve une pierre nommée astygé, que les sages-femmes mettent sur le ventre des femmes dont le travail est difficile, et qui les fait sur-le-champ accoucher sans douleur (81).

Il croît sur ses bords une plante qu'on appelle exalla, nom qui signifie chaleur. Les personnes qui ont la fièvre quarte la mettent sur leur poitrine pendant l'accès, et sont aussitôt guéries, au rapport de Chryserme le Corinthien dans le treizième livre de son traité des Fleuves.

Près de ce fleuve est le mont Drymillus, sur lequel on trouve une pierre semblable à la sardoine, que les rois du pays portent sur leurs diadèmes. Infusée dans l'eau tiède, elle guérit les maux des yeux, comme le dit Nicias de Malles dans son traité des Pierres (82).

XXI. LE CAÏQUE.

Le Caïque, fleuve de Mysie, s'appelait anciennement l'Astrée, du nom d'un fils de Neptune. Pendant qu'on célébrait la veillée des fêtes de Minerve, il abusa de sa sœur Alcippe, sans la connaître, et lui prit son anneau. Le lendemain il reconnut le cachet de sa sœur, et accablé par la douleur, il se précipita dans le fleuve Adure, qui, de son nom, fut appelé Astrée. Voici pourquoi il fut nommé Calque. Caïcus, fils de Mercure et de la nymphe Ocyrrhoé, ayant tué un habitant du pays distingué par sa naissance, et craignant la vengeance des parents du mort, se précipita dans l'Astrée, qui porta depuis le nom de Caïque.

Il croît sur ses bords une espèce de pavot qui porte des pierres au lieu de fruits. Elles contiennent des graines noires qui ont la forme de lyres, et que les Mysiens jettent dans les terres labourées. Si l'année doit être stérile, les pierres restent immobiles dans les endroits où elles sont tombées ; mais s'il doit y avoir une récolte abondante, elles bondissent comme des sauterelles.

On y trouve aussi une plante nommée élipharmaque, que les médecins emploient dans les pertes de sang, parce qu'elle a la propriété de resserrer les vaisseaux, au rapport de Timagoras dans le premier livre du traité des Fleuves (83).

Près de ce fleuve est le mont Teuthras, ainsi appelé du nom d'un roi de Mysie qui étant allé chasser sur le mont Thrasylle, et ayant lancé un sanglier énorme, se mit à le poursuivre avec toute sa suite. L'animal eut le temps de se jeter en quelque sorte comme suppliant dans le temple de Diane Orthosie (84). Tous les chasseurs se disposant à l'y forcer, le sanglier s'écria d'une voix humaine très intelligible : Prince, épargnez le nourrisson de la déesse. Mais Teuthras se dressant fièrement sur ses pieds, tua l'animal. La déesse, irritée de ce mépris, rendit la vie au sanglier, et pour punir Teuthras, elle le frappa de la lèpre et le rendit furieux. Ce prince, honteux de son état, faisait sa demeure ordinaire sur le sommet des montagnes. Sa mère Lysippe, instruite de ce qui était arrivé à son fils, accourut à la forêt avec le devin Polyide, fils de Cyranus, qui lui ayant appris tout ce qui s'était passé, l'engagea à apaiser la déesse par des sacrifices. Son fils ayant recouvré l'usage de la raison, elle bâtit un autel à Diane, sous le nom d'Orthosie, et fit placer un sanglier en or avec une tète d'homme. Encore aujourd'hui, s'il arrive qu'un de ces animaux soit lancé par des chasseurs, il entre dans le temple, et y fait entendre une voix humaine. Teuthras revenu, contre toute espérance, à son bon sens, donna son nom à la montagne.

On y trouve une pierre nommée antipathès, qui, macérée dans le vin, est souveraine contre les dartres et la lèpre, au rapport de Ctésias le Cnidien dans le second livre de son traité des Montagnes.

XXII. L'ACHÉLOÜS.

L'Achéloüs, fleuve d'Étolie, fut anciennement appelé Thestius pour la raison suivante. Thestius, fils de Mars et de Pisidice, ayant transporté sa demeure à Sicyone, a cause de quelque chagrin domestique, et y ayant fait un assez long séjour, retourna enfin dans sa patrie. Il trouva son fils Calidonius dans le lit de sa mère, et ne doutant pas que ce ne fût un adultère, il tua son fils sans le connaître. Quand ensuite il eut vu de quelle perte irréparable il était lui-même l'auteur, il se précipita dans le fleuve Axénus, qui prit depuis le nom de Thestius. Voici à quelle occasion il eut celui d'Achéloüs. Achéloüs, fils de Mars et de la nymphe Naïs, ayant eu commerce avec sa fille Clistoria , sans la connaître, en conçut une douleur si vive, qu'il se précipita dans le fleuve Thestius, qui prit alors le nom d' Achéloüs.

Il y croît une plante nommée zancle, qui ressemble à de la laine. Si on la broie et qu'on la jette dans le vin, elle le change en eau ; mais elle ne lui ôte que sa force, et  lui laisse son odeur.

Il s'y trouve aussi une pierre de couleur livide, que sa propriété a fait nommer linurque. Si on la jette dans un drap, aussitôt, par une sorte de sympathie, elle en prend la forme et la blancheur, comme le dit Antisthène dans le livre troisième de sa Méléagride. Dioclès le Rhodien en parle avec un grand détail dans ses Étoliques (85).

Près de ce fleuve est le mont Calydon, ainsi nommé de Calydon, fils de Mars et d'Astynomé, qui, ayant vu par mégarde Diane dans le bain, fut métamorphosé en pierre ; et la montagne qui s'appelait auparavant Cyrus fut, par l'ordre des dieux, nommée Calydon.

Il y croît une plante nommée myope. Si on la trouve dans l'eau, et qu'on s'en frotte le visage, elle fait perdre la vue; mais on la recouvre dès qu'on a apaisé Diane par des sacrifices, comme le raconte Dcrcylle dans le troisième livre de ses Etoliques.

XXIII. L'ARAXE.

L'Araxe, fleuve d'Arménie, tira son nom d'Araxus, fils de Pylus, qui tua à coups de flèches Arbélus, son aïeul, à qui il disputait le trône. Agité par les furies en punition de ce crime, il se jeta dans le fleuve Bactus, qui prit le nom d'Araxe, comme le dit Ctésiphon dans le premier livre des Persiques. Araxe, roi d'Arménie, ayant déclaré la guerre aux Perses ses voisins, et voyant qu'on différait, d'en venir aux mains, consulta l'oracle, qui lui promit la victoire s'il immolait aux dieux préservateurs deux jeunes filles de la plus haute naissance. La tendresse paternelle lui ayant fait épargner ses propres enfants, il fit conduire à l'autel les filles d'un de ses sujets, toutes deux de la plus grande beauté, et elles y furent immolées. Mnésalque, leur père, irrité de cette violence, dissimula d'abord son ressentiment ; mais ayant trouvé une occasion favorable, il tua les deux filles du roi, qu'il avait attirées dans le piège, et quittant son pays natal, il s'enfuit dans la Scythie. A cette nouvelle, Araxe, accablé de chagrin, se précipita dans le fleuve Halmus, qui prit le nom d'Araxe.

Il croît sur ses bords une plante nommée araxa, terme qui signifie, en langue du pays, ennemie des vierges. Dès qu'une jeune fille l'a prise, elle jette beaucoup de sang et se flétrit.

On y trouve aussi une pierre de couleur noirâtre, nommée sicyone. Lorsqu'un oracle a ordonné le sacrifice d'une victime humaine, deux jeunes filles posent cette pierre sur l'autel des dieux préservateurs. A peine le prêtre l'a touchée de son couteau, qu'il en sort une grande quantité de sang ; et aussitôt tous ceux qui ont part à cette cérémonie superstitieuse se retirent en poussant de grands cris, et reportent la pierre dans le temple. Voila ce que raconte Dorothée le Chaldéen dans le livre second
de son traité des Pierres.

Près de l'Araxe est le mont Diorphe , ainsi nommé de Diorphus, fils de la Terre, dont on raconte l'histoire suivante : Mithras, qui voulait avoir un fils, mais qui détestait les femmes, vint à bout d'échauffer une pierre, et l'ayant rendue féconde, il en eut, dans le terme ordinaire, un fils qu'il nomma Diorphus, qui, parvenu a la fleur de son âge, osa disputer de valeur avec le dieu Mars et fut tué dans le combat. Les dieux le métamorphosèrent en une montagne qui porta son nom.

On y voit une espèce d'arbre qui ressemble au grenadier; il porte une grande quantité de fruits dont le goût approche de celui du raisin. Si on cueille un de ces fruits lorsqu'il a atteint une trop grande maturité et qu'on prononce en même temps le nom de Mars, aussitôt le fruit redevient vert, comme le dit Ctésiphon dans le livre treizième de son traité des Arbres.

XXIV. LE TIGRE.

Le Tigre, fleuve d'Arménie qui se jette dans l'Araxe et dans le lac Arsacide (86) , eut d'abord le nom de Sollax (87), c'est-à-dire rapide. Voici ce qui lui fit donner le nom de Tigre (88). Bacchus, que la haine de Junon avait rendu furieux, parcourait la terre et les mers dans l'espoir de se guérir de sa folie. Arrivé en Arménie, et ne pouvant pas traverser le fleuve Sollax, il implora le secours de Jupiter, qui, touché de sa prière, lui envoya un tigre sur lequel il passa le fleuve sans danger ; et, en reconnaissance, il lui donna le nom de cet animal , comme le dit Théophile dans le livre premier de son traité des Pierres. Hermésianax de Cypre raconte le fait autrement. Bacchus étant devenu amoureux de la nymphe Alphésibée, et ne pouvant vaincre sa résistance ni par ses dons ni par ses prières, prit la forme d'un tigre ; et en ayant triomphé par la crainte, il la transporta au delà du fleuve, et en eut un fils qu'il nomma Médus, et qui, devenu grand, donna à ce fleuve le nom de Tigre, en mémoire de cet événement. (Voyez Aristonyme dans le livre troisième de son histoire (89).)

On y trouve une pierre d'une blancheur éclatante ; on appelle myndan, et elle garantit des attaques des bêtes féroces, suivant Léon de Byzance dans le second livre de son traité des Fleuves.

Près du Tigre est le mont Gauranus, ainsi nommé de Gauranus, fils du satrape Roxane, qui, en récompense de sa piété envers les dieux, obtint la faveur singulière d'être le seul, entre les Perses, qui vivrait trois cents ans et mourrait sans maladie. Il fut enterré sur le mont Mausorus, où on lui fit des obsèques magnifiques, et qui, par l'ordre des dieux, reçut dès lors le nom de mont Gauranus.

Il y croît une plante semblable à l'orge sauvage, que les naturels font bouillir ; ils se frottent de l'huile qu'ils en expriment, et il les préserve de toute espèce de maladie, jusqu'à ce qu'ils cèdent enfin à la nécessité de mourir, comme le dit Sostrate dans le premier Recueil des histoires fabuleuses.

XXV. L' INDUS.

L'Indus, fleuve de l'Inde, qui traverse avec beaucoup de rapidité le pays des Ichtyophages (90), s'appelait anciennement Mausolus, du nom de Mausole, fils du Soleil ; il changea de nom à l'occasion suivante. Pendant qu'on célébrait la fête de Bacchus et que les gens du pays étaient tout occupés de cette cérémonie religieuse, un jeune homme d'une naissance illustre, nommé Indus, fit violence à Damasalcide, fille du roi Oxyalus, et l'une des canéphores (91). Ce prince l'ayant fait chercher pour tirer vengeance de ce crime, Indus, par la frayeur qu'il en eut, se précipita dans le fleuve Mausole, qui, depuis, porta son nom.

On y trouve une pierre (92) qui, portée par les jeunes filles, les défend de toute violence contre leur honneur.

Il y croît une plante semblable à la buglose , et qu'on nomme carpyce. Infusée dans l'eau tiède, elle est très efficace contre la jaunisse, comme le dit Clitophon de Rhodes dans le dixième livre de l'Histoire des Indes.

Dans le voisinage est le mont Lilée, qui tire son nom d'un berger naturellement fort superstitieux ; il n'adorait d'autre divinité que la Lune, et célébrait en pleine nuit les mystères de cette déesse. Les autres dieux, irrités du mépris qu'il avait pour eux, envoyèrent contre lui deux énormes lions qui le mirent en pièces et le dévorèrent. La Lune changea cet adorateur fidèle en une montagne qui prit son nom.

Elle produit une pierre d'une couleur noire, qu'on nomme clytoris. Les habitants du pays la portent comme lin ornement dans les soieries (93). (Voyez Aristote dans le quatrième livre de son traité des Fleuves (94).) 


(01) Le défaut de jugement, les incorrections de style et les erreurs nombreuses qu'on rencontre à chaque page, tout annonce que ce traité n est pas de Plutarque. Amyot ne l'a pas traduit, mais il se trouve dans l'édition donnée par Vauvillier et Brolier, et nous avons cru devoir le joindre à Ia nôtre.

(02) Ce nom signifie qui produit des bêtes féroces.

(03) Chryserme était de Corinthe. Stobée cite son histoire de Perse ; celle de l'Inde n'est connue que par notre auteur, et peut fort bien n'avoir jamais existé, aussi bien que l'Archélaüs qu'il cite en témoignage de ce même fait.

(04) Dercylle est cité par Athénée comme auteur d'une histoire d'Argos et de quelques autres ouvrages. Son histoire des Fleuves n'y est pas nommée, et pourrait bien être de l'invention de l'auteur.

(05) Cette fontaine, qui n'est point nommée dans le texte, s'appelait fontaine de Mars.

(06) Cet antre était voisin de la ville de Delphes, et près du temple d'Apollon.

(07) Il y a eu deux auteurs de ce nom : l'un, appelé le grammairien vivait du temps d'Auguste; l'autre était de Phénagore, ville de la Tauride.

(08) Léon de Byzance, dont Philostrate a écrit la Vie, fut auteur de plusieurs ouvrages historiques. Suidas nous en a conservé les titres.

(09) Hermésianax est nommé plus bas comme auteur d'une histoire de Phrygie, ouvrage qui l'est cité par aucun des autres écrivains qui ont parlé de lui.

(10) Le mont Pangée était dans la Thrace et dans la Thessalie, mais auprès de la mer et non pas de l'Hèbre; ce qui a fait croire à Palinérius qu'il s'agissait du mont Rhodope.

(11) Cet écrivain n'est connu que par ce traité et celui des Parallèles, et doit par conséquent être fort suspect.

(12) Ce Callisthène n'est cité par aucun autre auteur tant soit peu ancien.

(13)  Anatolé, en grec, veut dire le levant.

(14) Cet auteur est absolument inconnu, ainsi que son ouvrage.

(15) Le Phase, selon Strabon, liv. II, est un fleuve d'Arménie; mais Vibius Sequester, dans son livre des Fleuves, le donne à la Colchide, ce qui est plus vrai.

(16) Arcturus signifie gardien de l'ourse ; c'est le nom qu'on donne à une constellation voisine de l'ourse, et placée près du pôle septentrional.

(17) Cette prétendue propriété de la plante leucophylle est tirée presque mot pour mot de la fin d'un ouvrage d'Aristote, intitulé : Des Histoires merveilleuses. Mais Maussac observe avec raison que ce passage a été interpolé dans l'ouvrage d'Aristote, et la supposition est en effet évidente.

(18)  Cet ouvrage de Cléanthe est cité par Athénée, Diogène Laërce et Suidas.

(19) Il voulait empêcher Jason de s'emparer de la Toison d'Or.

(20) Il fait venir son nom d'un mot grec, qui signifie se joindre, s'adapter.

(21) C'est aujourd'hui le Dauphiné.

(22) Le corbeau était l'oiseau le plus observé dans son vol par les augures.

(23) Encore aujourd'hui nous appelons dunes les côtes élevées de la mer.

(24) Clitophon, suivant Stobée, était de l'île de Rhodes. Aucun autre écrivain que le nôtre ne cite son ouvrage sur la Fondation des Villes.

(25) Ce mol signifie qui roule de l'or.

(26)  Si ce fils d'Apollon se nommait Chius, comment le fleuve s'est-il, de son nom, appelé Chrysorrhoas ? Je ne relève pas les autres inepties de ce récit, elles sautent aux yeux des lecteurs. Quelle ignorance, par exemple, de dire que ce fleuve s'appelait Chrysorrhoas du temps de Crésus, comme si tout le monde ne savait pas qu'il portait dès lors le nom de Pactole ? Chrysorrhoas n'était vraisemblablement qu'un surnom qu'on lui donnait, à cause de ces paillettes d'or qu'il roulait avec son sable.

(27) C'était une ville d'Éolie.

(28) La sarisse, suivant Hésychius, était une longue lance en usage chez les Macédoniens.

(29) Ce mot grec signifie violette blanche.

(30) Anabénon, en grec, veut dire qui remonte vers sa source ; et il est probable que c'était plutôt une épithète du Méandre, qu'un nom plus ancien de ce fleuve. Mais ce que l'auteur ajoute, qu'il est le seul dont le cours soit sinueux, est démenti par Pausanias , qui dit la même chose du Néda.

(31) Pessinunte était une ville de Phrygie dans laquelle Cybèle, la mère des dieux, était singulièrement honorée ; et c'était un usage assez ordinaire aux anciens d'évoquer pas des vœux et des offrandes les dieux des villes ennemies, avant de les attaquer. Notre auteur, comme il est aisé de s'en apercevoir, transporte aux villes d'Asie, même les plus éloignées des mœurs grecques, non seulement les noms, mais les usages de la Grèce.

(32) Voilà encore des historiens qui ne sont guère connus que! par notre auteur, el dont par conséquent l'existence est au moins douteuse. Je dis autant de celui qu'il va citer dans l'article suivant.

(33) C'est-à-dire  sage.

(34) Il y a eu un historien célèbre de ce nom, qui était de Cnide; celui de Samos n'est point connu d'ailleurs.

(35)  Cette ville de Phrygie fut depuis appelée Apamée, du nom de la sœur de Séleucus. 

(36) Il y a eu plusieurs auteurs de ce nom dans l'antiquité ; celui-ci n est guère connu que par notre auteur.

(37) On connaît plusieurs historiens qui ont porté le nom mais Évhéméridas n'est cité que dans ce traité.

(38) Le nom de celte prétendue plante signifie flûte.

(39) Le mot grec mâchera veut dire couteau.

(40) Celle ville d'Edonis, au rapport d'Aristote,élait dans le pays des Clmmériens, et non dans la Thrace; peut-être l'auteur a-t-il confondu un nom de ville avec un nom de contrée, car il y avait en effet une contrée d'Édon dans la Thrace.

(41) Le nom de cette plante signifie qui fait cesser la douleur. On voit dans tous ces récits que les noms des plantes ou des pierres sont forgés sur les prétendus effets qu'on leur attribue. Jason de Byzance est inconnu.

(42) Mendès était une ville d'Égypte où le bouc était singulièrement honoré, ou plutôt le dieu Pan sous la figure de cet animal. Je ne remarque pas que le nom de l'historien cité, et qui n'est pas connu d'ailleurs, est purement grec, tandis qu'il le fait égyptien.

(43) Ce fleuve est appelé Sangarius par Homère, Strabon, Pausanias, etc et Sangaris par d'autres.

(44) Le mot Xérabate signifie qu'on passe à pied sec. Pline, liv. VI, ch. I, dit qu'avant de recevoir le nom de Sangarius, il portait celui de Coralius.

(45) Euphorion, cité par le scoliaste d'Eschyle dans sa tragédie des Perses, dit que ce mot appartient à la langue des Thuriens.

(46) Plusieurs auteurs anciens parlent de la pierre asterius et asterite ; mais aucun autre ne cite la pierre aster.

(47) Son nom vient d'un mot grec, qui signifie mouvoir, agiter.

(48) Damostrate est inconnu d'ailleurs.

(49) Ce n'est pas le mont Ida lui-même, mais seulement son sommet, qui s'appelait Gargarus, au rapport de Strabon, liv. XIII Les dactyles étaient ainsi nommés parce qu'ils étaient dix, comme les doigts de la main.

(50) Voilà encore un écrivain qui n'est point connu.

(51) Eustathe, dans ses notes sur Denys Périégète, observe que le Tanaïs, en langue barbare, se nommait Silis; que les Grecs lui avaient donne nom de Tanaïs à cause de la rapidité de son cours, et qu'ils avaient changé les noms de plusieurs autres fleuves.

(52) Ctésiphon est cité avec éloge par Macrobe, liv. II, chap, 14. Arien parle d'un officier d'Alexandre, nommé Aristobule, qui écrivit l'histoire de ce prince. Plutarque le cite souvent dans la Vie d'Alexandre. Je ne sais si c'est celui de notre auteur.

(53) La tradition générale des mythologistes est que Phryxus fuyait, avec sa sœur Hellé, la colère de leur père Athamas, et qu'Hellé se noya dans le détroit d'Abyde, qui prit le nom d'Hellespont, aujourd'hui le détroit des Dardanelles.

(54) Cet historien n'est connu que par l'auteur de ce traité, et par celui des Parallèles.

(55) Tout le reste du chapitre manque dans le texte.

(56)  C'est le nom qu'Homère donne toujours au Nil; et Eustathe, sur le quatrième livre de l'Odyssée, pag. 1499 de l'édition de Rome, dit que ce nom lui fut donné, ainsi qu'au pays qu'il arrose, parce que les chèvres s'engraissaient, de ἆιξ, chèvre. Plusieurs autres écrivains, entre autres Slobée et Hésychius, attestent qu'il eut d'abord le nom de Mêlas, et qu'il le reçut à cause de la profondeur de ses eaux, qui les faisait paraître noires.

(57) Plutarque, dans son traité d'Isis et d'Osiris, dit que ce dieu exerce l'empire sur les morts, et qu'il est le même que celui que les Grecs appellent Adès et Pluton. 

(58) Ce second nom de Cerbère signifie terrible, et n'est sans doute qu'un surnom de ce gardien redoutable des enfers.

(59) C'est aujourd'hui l'Espagne, que les auteurs latins nomment souvent l'Ibérie, à cause de l'Èbre, qui la traverse.

(60) Sosthéne était de Cnide.

(61) Ce mot signifie maison d'airain ; c'était un temple revêtu d'airain que Minerve avait à Sparte.

(62) Il y a eu plusieurs auteurs de ce nom; celui-ci n'est guère connu que par notre auteur.

(63) Cet auteur n'est point connu.

(64) Béril est le nom que Ire anciens ont donné à l'aigue-marine des modernes, et à plusieurs autres espèces de pierres précieuses qui portent présentement d'autres noms. Le béril tenait le huitième rang sur le pectoral du grand-prêtre juif. L'aigue-marine est ainsi nommée ê cause du rapport de sa couleur avec celle de la mer. Sa couleur est mêlée de vert et de bleu; elle la tient des substances métalliques.

(65) Ce nom lui venait de Prosymne, ville de l'Argolide où elle était honorée.

(66) Cet Agathocle pourrait bien être le même que celui de Samos, déjà cité dans le Méandre.

(67) Placidus Lactance, dans ses notes sur la Thébaïde du Stace, dit que l'Apésante est une montagne voisine de Tarse en Cilicie, d'où Persée avait pris son vol lorsqu'il partit pour aller en Libye exterminer Gorgone. Il  fait venir d'un verbe grec qui signifie s'en aller, partir.

(68) Cet auteur ne m'est point connu; son ouvrage, s'il a existé, devait contenir le récit des exploits d'Hercule.

(69) C'est-à-dire lune.

(70) Μυκάω signifie mugir, et c'est de là, suivant celle étymologie, que vient le nom de Mycène.

(71) Ce Ctésias n'est pas l'historien de ce nom qui a écrit l'histoire des Perses, et dont il nous reste des fragments assez considérables.

(72)  Μύκη veut dire la garde d'une épée, et c'est d'après celte étymologie que l'auteur a formé le nom de Mycène. Il est, au reste, fort embrouillé dans ce récit. Gorgophonus, nom grec qui signifie meurtrier de la gorgone, est le surnom ordinaire de Persée, que la tradition commune fait fondateur de la ville de Mycène, et c'est en particulier l'opinion de Pausanias, liv. II, chap. xvi. Il y a donc grande apparence que ce roi des Épidauriens est de l'invention de notre auteur.

(73)  Il a déjà parlé de l'origine du nom d'Apésante, et ce qu'il en dit ici après coup est une seconde tradition sur la dénomination de cette montagne, qu'il a oublié de placer plus haut.

(74) Cet historien n'est point du tout connu.

(75) On sait qu'Athénée est le nom grec de Minerve, et que c'est de celle déesse que la ville d'Athènes prit son nom.

(76) Suidas et les anciens commentateurs lie Pindare et d'Apollonius nomment cet historien Lysimachus. Son ouvrage avait vraisemblablement pour sujet le retour des princes grecs dans leur patrie, après la prise de Troie. L'histoire de Diomède donne lieu de le penser.

(77) Eustalhe, dans ses commentaires sur Dyonisius Afer, prétend que le nom d'Alphée venait de la propriété qu'avait l'eau de ce fleuve de guérir la lèpre.

(78) Pindare, dans sa dixième ode olympique, dit que le mont Cronius, avant que  Saturne, appelé Cronos par les Grecs, lui donnât ce nom, n'en avait aucun. Le scoliaste de ce poète confirme cette opinion.

(79) Il a été déjà question dans le Méandre d'une pierre cylindre ; mais ses effets étaient différents.

(80) La Parthie était l'ancienne Mésopotamie ou Babylonie, qui changea dé nom lorsque les Parthes s'en furent emparés ; de là vient que, dès le siècle d'Auguste, les auteurs donnent fréquemment aux Parthes les noms de Perses et de Mèdes.

(81) Cette pierre est nommée aétite par Stobée et par Dioscoride, qui s'accorrdent avec notre auteur pour lui attribuer cette vertu presque miraculeuse.

(82) Dans le traité des Parallèles, ce Nicias est cité comme étant de Malée, promontoire de Laconie. Malles est une ville de Cilicie. Cet historien, d'ailleurs, est peu connu.

(83) Ce Timagoras n'est cité que par Stobée, qui n'a fait que copier notre auteur.

(84) C'est la même que Diane Orthienne. ( Voyez ce que nous en avons dit a l'article du Gange, )

(85) Cet Antisthène n'est sûrement pas le philosophe stoïcien de ce nom; celui-ci n'est pas plus connu que son ouvrage. J'en dis autant de Dioclès.

(86) Strabon et Donysius Afer nomment ce lac Arséne et Thonithis. Il est faux que le Tigre se décharge dans l'Araxe, comme le prétend notre auteur: il se joint à l'Euphrate au-dessous de Bassora.

(87) Eustache, dans ses notes sur Denys le Périégête, dit qu'il s'appelait Sulas, c'est-à-dire rapide.

(88) Tous les écrivains conviennent que le Tigre était ainsi nommé d cause de son extrême rapidité. Mais ce nom n'était pas tiré du tigre, comme on le croit communément, c'était du mot médique tigris, qui signifie flèche, et qui était bien propre à donner une idée de l'impétuosité de ce fleuve.

(89) Aristonyme n'est point connu d'ailleurs.

(90) C'était un peuple d'Asie, ainsi nommé parce qu'il se nourrissait  de poisson. 

(91) Les canéphores , comme leur nom le signifie, étaient de jeunes filles qui, aux cérémonies publiques de religion, portaient dans des corbeilles les offrandes sacrées.

(92) Le nom de celte pierre manque dans le texte.

(93) J'ai conservé le mot grec, afin d'éviter une trop longue périphrase. Il signifie proprement salutaires. C'étaient des fêles ou des sacrifices qu'on faisait pour remercier les dieux d'avoir échappé à quelque grand péril, et d'avoir sauvé sa vie.

(94) Je ne sais si cet Aristote est le fameux philosophe de Stagyre ; car plusieurs auteurs anciens ont porté ce nom. Cet ouvrage ne se trouve pas parmi ceux que nous avons de ce fondateur du Lycée, et Diogène Laërce ne l'a point mis dans le catalogue qu'il a donne de ses ouvrages, ce qui porte à croire qu'il s'agit d'un autre Aristote.