texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER (Notes en grec relues et corrigées - F. D. F)
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Flavius Josèphe |
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ANTIQUITES JUDAÏQUES LIVRE XX Pour avoir le texte grec d'un paragraphe, cliquer sur le numéro du paragraphe ANTIQUITES JUDAÏQUES Flavius Josèphe Traduction de Julien Weill Sous
la direction de 1900
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LIVRE XX 1. Le procurateur Cuspius Fadus rétablit l'ordre en Judée. Affaire des vêtements du grand-prêtre. - 2. Rescrit de Claude à Fadus. [1] 1. Quand le roi Agrippa fut mort, comme nous l'avons raconté dans le livre précédent, l'empereur Claude envoya Cassius Longinus (01) pour succéder à Marsus, rendant ainsi un hommage à la mémoire du roi, qui, de son vivant, lui avait demandé, par de nombreuses lettres, que Marsus ne présidât plus aux affaires de Syrie. [2] Fadus, arrivé comme procurateur en Judée, trouva les Juifs de Pérée en lutte contre les Philadelphiens au sujet des limites d'un bourg appelé Zia (02) qui était plein de gens belliqueux. Les gens de Pérée avaient pris les armes contre l'avis de leurs chefs et avaient tué de nombreux Philadelphiens (03). [03] En apprenant cela Fadus fut très irrité qu'ils ne lui eussent, pas laissé le soin de décider s'ils étaient lésés par les Philadelphiens et qu'ils n'eussent pas craint de courir aux armes. [4] II s'empara donc de trois de leurs notables qui étaient aussi responsables de la révolte et les fit enchaîner. [5] Ensuite il fit tuer l'un d'eux, nommé Annibal, et punit de l'exil les deux autres, Amaram et Eléaziar. Il fit aussi périr Tholomaios, chef de brigands qui, peu après lui fut amené enchaîné et qui avait causé les plus plus grands maux à l'Idumée et aux Arabes. A partir de ce moment la Judée fut entièrement purgée de brigands, grâce au zèle et à la prudence de Fadus. [6] Celui-ci fit alors venir les grands-pontifes et les premiers de Jérusalem et les invita à déposer dans la tour Antonia les vêtements sacrés et la robe pontificale que la coutume permettait au seul grand-prêtre de revêtir, pour qu'ils y fussent comme auparavant (04) au pouvoir des Romains. [7] N'osant pas résister, ils supplièrent pourtant Fadus et Longinus : ce dernier était aussi venu à Jérusalem en amenant de grandes forces, parce qu'il craignait que les ordres de Fadus ne missent le peuple juif en humeur de se révolter. Ils leur demandèrent d'abord de leur permettre d'envoyer à l'empereur des délégués pour obtenir de garder la robe sacrée en leur pouvoir, ensuite d'attendre jusqu'à ce qu'ils connussent la décision prise par Claude à ce sujet. [8] Les Romains répondirent qu'ils leur permettraient d'envoyer des délégués s'ils donnaient leurs enfants en otages. Les autres acceptèrent avec empressement et remirent les otages. [9] Les délégués furent donc envoyés. A leur arrivée à Rome, Agrippa le Jeune, fils du roi défunt, qui se trouvait alors chez l'empereur Claude, comme nous l'avons dit précédemment, apprit, la cause de leur venue : il pria l'empereur d'accorder aux Juifs cc qu'ils demandaient touchant les vêtements sacerdotaux et d'envoyer à Fadus des ordres à ce sujet.
[10] 2. Claude manda donc les délégués et leur dit qu'il le leur accordait, en
les invitant, à en savoir gré à Agrippa, à la demande duquel il avait accédé.
Outre cette réponse il leur donna la lettre suivante: [15] 3. Hérode, frère du feu roi Agrippa, à qui était confié à ce moment le gouvernement de Chalcis, demanda aussi à d'empereur Claude la libre disposition du Temple, du trésor sacré et le choix des grands pontifes, et il obtint tout cela. [16] Désormais ce pouvoir appartint à tous ses descendants et leur resta jusqu'à la fin de la guerre. Alors Hérode destitua du grand-pontificat celui qu'on surnommait Canthéras et lui donna comme successeur dans dette dignité Joseph fils de Cami. 1-2. Histoire de la reine d'Adiabène Hélène et de son fils Izatès. - 3-4. Leur conversion au judaïsme. - 5. Voyage d'Hélène à Jérusalem, qu'elle sauve de la disette. [17] 1. Vers ce temps-là, la reine d'Adiabène (06) Hélène et son fils Izatès adoptèrent les coutumes juives pour la raison suivante. Monobaze, roi d'Adiabène, surnommé Bazaios, épris d'amour pour sa sœur Hélène, s'unit à elle par le mariage et la rendit grosse. [18] Dormant un jour avec elle, il posa par hasard sa main sur le ventre de sa femme ; dans son sommeil, il sembla entendre une voix lui ordonnant d'écarter la main de ses flancs pour ne pas comprimer le fœtus qu'elle portait et à qui la providence divine réservait la puissance et une fin heureuse. [19] Troublé par cette voix et éveillé en sursaut, il dit cela à sa femme ; il nomma Izatès le fils qui leur naquit. Or, il avait déjà d'Hélène un fils aîné, Monobaze, et d'autres fils d'autres femmes ; mais il manifestait clairement que toute son affection allait à Izatès comme s'il n'avait eu que lui. [20] Cela fit peser sur l'enfant la jalousie de ses frères de père et excita leur haine, parce que tous étaient affligés que leur père leur préférât Izatès. [21] Monobaze, bien que s'en apercevant clairement, le leur pardonnait, attribuant ce sentiment non à leur perversité, mais au désir d'éprouver chacun une égale bienveillance de sa part ; quant à l'adolescent, craignant vivement que la haine de ses frères ne lui portât malheur, il l'envoya, après lui avoir fait de grands présents, chez Abennerigos, roi du Camp de Spasinès (07), à qui il confia sa sécurité. [23] Abennerigos reçut le jeune homme avec empressement, manifesta une grande affection, lui donna pour femme sa fille nommée Symacho et le gratifia d'un pays qui lui rapporterait de gros revenus.
[24] 2. Monobaze était déjà vieux et comprenait qu'il n'avait plus guère de
temps à vivre ; aussi voulut-il voir son fils avant de mourir. Il le fit donc
venir, l'embrassa avec beaucoup d'affection et lui donna le pays dit de Carrhes
(08) ; [25] cette terre est très propre à produire
en abondance de l'amome. C'est là également que se trouvent les restes de
l'arche où, dit-on, Noé échappa au déluge, restes qui, jusqu'à nos jours, sont
montrés à ceux qui veulent les voir. Izatès vécut donc dans cette région jusqu'à
la mort de son père. [26] Le jour où Monobaze quitta la vie, la reine Hélène
manda tous les grands de l'État, les satrapes du royaume et les commandants des
troupes. Quand ils furent arrivés :
[34] 3. Au temps où Izatès vivait au Camp de Spasinès, un commerçant juif, nommé Ananias, qui avait accès dans le gynécée royal, apprit aux femmes à adorer Dieu selon la coutume nationale des Juifs. [35] Grâce à elles il se fit connaître d'Izatès et le persuada aussi. Lorsque celui-ci fut rappelé par son père en Adiabène, Ananias l'accompagna, obéissant à ses pressantes sollicitations. Or, il était arrivé qu'Hélène, instruite de la même façon par un autre Juif, s'était convertie également à leurs lois. [36] Quand Izatès eut pris la royauté et qu'arrivant en Adiabène il vit ses frères et ses autres parents enchaînés, il fut mécontent de ce qui était arrivé. [37] Regardant comme impie de les tuer ou de les garder enchaînés, mais jugeant dangereux de les laisser libres auprès de lui alors qu'ils se souviendraient des offenses reçues, il envoya les uns comme otages à Rome près de l'empereur Claude avec leurs enfants et il expédia les autres sous un prétexte analogue chez Atabane le Parthe.
[38] 4. Ayant appris que sa mère était fort satisfaite des coutumes juives, il
s'empressa de s'y rallier également, et croyant qu'il ne serait définitivement
juif qu'une fois circoncis, il était prêt à se faire circoncire. [39] Mais sa
mère, l'apprenant, tenta de l'empêcher en lui disant que cela le mettrait en
danger : en effet, il était roi et il s'aliénerait beaucoup ses sujets s'ils
apprenaient qu'il désirait adopter des mœurs étrangères et opposées aux leurs,
car ils ne supporteraient pas d'avoir un roi juif. [40] Voilà ce qu'elle disait,
s'opposant de toutes ses forces à son dessein, et Izatès rapporta ses paroles à
Ananias. Mais ce dernier approuva la mère du roi; il le menaça de le quitter
s'il ne lui obéissait pas et de l'abandonner. [41] En effet, il craignait,
disait-il, si l'affaire était connue de tous, de risquer de se voir châtié comme
responsable de tout cela et comme ayant incité le roi à des actes indignes de
lui ; d'ailleurs, le roi pouvait adorer Dieu, même sans être circoncis, s'il
avait décidé d'observer complètement les lois ancestrales des Juifs, ce qui
importait plus que la circoncision. [42] Il lui dit aussi que Dieu lui-même lui
pardonnerait d'avoir renoncé à ce vite, contraint à cela par la nécessité et la
crainte qu'il avait de ses sujets. [43] Le roi se laissa alors persuader par ses
paroles. Mais ensuite, comme il n'avait pas renoncé absolument à son dessein, un
second Juif venu de Galilée et nommé Eléazar, qui passait pour très versé dans
la loi de ses pères, l'exhorta à accomplir cet acte. [44] En effet, étant entré
chez lui pour le saluer et l'avant surpris en train de lire la loi de Moïse :
«
Tu ignores, dit-il, que tu fais la plus grande offense aux
lois et par suite à Dieu : il ne suffit pas de les lire, il faut avant tant
faire ce qu'elles ordonnent. Jusques à quand resteras-tu incirconcis ? Si tu
n'as pas encore lu la loi sur la circoncision, lis la sur le champ pour savoir
quelle est ton impiété.
» [49] 5. Hélène, la mère du roi, voyait que la paix régnait dans le royaume et que son fils était heureux et même envié de tous, jusque chez les peuples étrangers, grâce à la providence divine. Elle eut le désir de se rendre dans la ville de Jérusalem pour se prosterner devant le temple de Dieu, célèbre dans tout l'univers, et y offrir des sacrifices d'actions de grâces, et en demanda la permission à son fils. [50] Izatès consentit avec le plus grand empressement à la demande de sa mère, fit pour son voyage de grands préparatifs et lui donna même une très grande quantité d'argent. Elle descendit donc dans la ville de Jérusalem, non sans que son fils l'eût accompagnée fort loin. [51] Son arrivée fut tort profitable aux Hiérosolymitains, car à ce moment la famine pressait la ville et beaucoup de gens périssaient par manque de ressources. La reine Hélène envoya des serviteurs les uns à Alexandrie pour acheter du blé pour une grosse somme d'argent, les autres à Chypre pour en ramener un chargement de figues. Ils revinrent au plus vite et elle distribua aux indigents cette nourriture, laissant par ce bienfait un souvenir éternel dans tout notre peuple. Son fils Izatès, dès qu'il apprit cette famine, envoya beaucoup d'argent aux premiers des Hiérosolymitains. Mais nous raconterons dans la suite (10) tout ce que ces rois ont fait de bien à notre ville.
l-2. Artabane, roi des Parthes, est rétabli sur son trône par
Izatès. - 3. Faveurs accordées par Artabane à Izatès. - 4. Destinée du royaume
des Parthes après Artabane. [60] 2. Avant ainsi parlé, il fit monter Artabane à cheval et l'accompagna lui-même à pied pour lui rendre cet hommage comme à un roi plus grand que lui. Mais Artabane, voyant cela, ne put le supporter et jura par la fortune et la gloire qu'il avait à présent, qu'il descendrait de cheval si l'autre n'y montait aussitôt et ne le précédait.. Izatès, déférant à son désir, sauta à cheval, et l'ayant amené au palais royal, lui rendit tous les honneurs dans les assemblées [61] et lui attribua la place la plus élevée dans les festins, sans avoir égard à sa fortune présente, mais en raison de sa dignité passée et en considérant que les vicissitudes de la fortune sont communes à tous les hommes. [62] Il écrivit aussi aux Parthes pour leur conseiller de recevoir Artabane, en leur offrant sa foi, ses serments et sa médiation pour les assurer qu'on oublierait leurs actes. Les Parthes ne refusèrent pas de recevoir Artabane, [63] mais dirent qu'il ne leur était guère possible de le faire parce que le pouvoir avait été confié à un autre - celui qui le possédait s'appelait Cinname - et qu'ils craignaient qu'une guerre n'en résultât. [64] Cinname, apprenant leur volonté, écrivit. lui-même à Artabane, car il avait été élevé par lui et sa nature était belle et loyale ; il l'invita à se lier à lui et à venir reprendre son royaume. Artabane se fia à lui et revint. [65] Cinname vint à sa rencontre, se prosterna en le saluant du titre de roi et, enlevant, le diadème de sa tête, le mit sur celle d'Artabane. [66] 3. Ainsi, grâce à Izatès, Artabane fut rétabli sur le trône d'où les grands l'avaient naguère précipité. Il ne fut pas ingrat pour les services qu'il avait reçus et il en récompensa Izatès par les plus grands honneurs : [67] il lui permit de porter la tiare droite (11) et de coucher dans un lit d'or, alors que cet honneur et cet insigne sont réservés aux seuls rois des Parthes. [68] Il lui donna aussi un grand pays fertile qu'il détacha des possessions du roi d'Arménie. Ce pays s'appelle Nisibis. Les Macédoniens y fondèrent autrefois la ville d'Antioche qu'ils nommèrent Epimygdonienne. Tels furent les honneurs dont Izatès fut gratifié par le roi des Parthes. [69] 4. Peu après, Artabane mourut en laissant le trône à son fils Vardane. Celui-ci se rendit auprès d'Izatès et essaya de le convaincre, comme il était sur le point de faire la guerre aux Romains, de s'allier avec lui et de lui fournir son appui. [70] Mais il ne le convainquit point, car Izatès connaissait la puissance et la fortune des Romains et croyait l'entreprise impossible. [71] De plus, il avait envoyé cinq de ses fils encore jeunes pour apprendre avec soin notre langue nationale et recevoir notre éducation, et il avait aussi envoyé, comme je l'ai dit auparavant, sa mère se prosterner au Temple ; il était donc assez hésitant et détournait Vardane d'agir, en lui décrivant sans cesse la force et les exploits des Romains, pensant ainsi l'effrayer et le faire renoncer à ses projets d'expédition contre eux. [72] Le Parthe, irrité de cela, déclara immédiatement la guerre à Izatès ; mais il ne retira aucun profit de cette entreprise, car Dieu anéantit toutes ses espérances. [73] En effet, lorsque les Parthes apprirent les projets de Vardane et sa décision de combattre les Romains, ils se débarrassèrent de lui et donnèrent le pouvoir à son frère Cotardès (12). Celui-ci mourut peu après, victime d'un complot et eut pour héritier son frère Vologèse (13), qui confia à ses deux frères de père de grands gouvernements : Pacorus, l'aîné, eut la Médie, et Tiridate (14), le cadet, eut l'Arménie. 1-2. Conversion de Monobaze. Victoires d'Izatès sur Abias, roi des Arabes, et Vologèse, roi des Parthes. - 3. Mort d'Izatès, à qui succède Monobaze. [75] 1. Le frère d'Izatès, Monobaze, et ses parents, voyant que la piété du roi envers Dieu l'avait rendu un objet d'envie pour tous les hommes. eurent eux aussi le désir d'abandonner leur religion nationale pour embrasser celle des Juifs. Mais cela ne resta pas ignoré de leurs sujets, [76] et les grands, irrités de cette conversion, dissimulèrent, leur colère, ne songeant qu'à rechercher une occasion propice pour se venger au plus tôt. Ils écrivirent donc à Abias, roi des Arabes, lui promettant une grosse somme d'argent [77] s'il consentait à faire la guerre à leur roi ; ils s'engageaient à trahir celui-ci à la première rencontre, car ils voulaient le châtier de sa haine pour leurs coutumes nationales. Après s'être juré une foi mutuelle, ils l'exhortèrent à faire diligence. [78] L'Arabe y consentit et, à la tête d'une nombreuse armée, marcha contre Izatès. Comme le premier combat allait s'engager, avant qu'on en vînt aux mains, tous, comme c'était convenu, abandonnèrent Izatès en feignant d'être saisis d'une terreur panique et s'enfuirent en tournant le dos aux ennemis. [79] Izatès, loin d'être abattu, comprit, qu'il avait été trahi par les grands e! se retira dans son camp ; puis il chercha la cause du fait et quand il apprit qu'il y avait eu connivence avec l'Arabe, il se débarrassa des coupables. Le lendemain, il attaqua les ennemis, en tua le plus grand nombre et força tous les autres à s'enfuir. [80] En poursuivant le roi, il le refoula jusque dans une forteresse nommée Arsamos et, après l'avoir assiégée énergiquement, il la prit: il enleva tout le butin, qui était considérable, et retourna en Adiabène sans avoir pu prendre Abias vivant, car celui-ci, cerné de toutes parts, s'était tué. [81] 2. Les grands d'Abiabène avaient échoué dans cette première conspiration et Dieu les avait livrés au roi. Mais, au lieu de se tenir en repos, ils écrivirent de nouveau à Vologèse, roi des Parthes, en l'invitant à tuer lzatès et à établir ensuite chez eux un autre prince de naissance parthe ; car ils disaient haïr leur roi qui avait violé leur religion ancestrale en s'éprenant de rites étrangers. [82] A ces nouvelles, le Parthe fut excité à la guerre ; mais, n'ayant aucun prétexte juste pour son expédition, il envoya redemander les marques d'honneur accordées par son père à Izatès et le menaça de guerre en cas de refus. Izatès eut l'âme très troublée en apprenant cela : [83] il considérait que renoncer à ces présents serait se condamner lui-même, parce qu'il semblerait avoir ainsi agi par crainte. [84] Il savait aussi que le Parthe, même après avoir repris ces honneurs, ne se tiendrait pas en repos. Aussi jugea-t-il bon de confier à la protection de Dieu sa vie en péril. [85] Pensant donc avoir en Dieu le plus puissant, des alliés, il installa les enfants et les femmes dans les forts les plus sûrs, envoya tout le blé dans les châteaux et brûla le foin et le fourrage. Ces précautions une fois prises, il attendit les ennemis. [86] Le roi des Parthes accompagné d'une grande quantité de fantassins et de cavaliers arriva plus vite qu'un ne l'attendait, car il avait marché sans relâche. Il établit son camp près du fleuve qui sépare l'Adiabène de la Médie et Izatès établit le sien à peu de distance, ayant autour de lui six mille cavaliers. [87] Izatès reçut un message envoyé par le Parthe pour lui rappeler quelles grandes forces avait celui-ci, depuis le fleuve d'Euphrate jusqu'aux frontières de la Bactriane, et pour lui énumérer tous les rois ses sujets. [88] Le Parthe le menaçait en outre de le châtier de son ingratitude envers ses maîtres et déclarait que même le dieu qu'il révérait ne pouvait le tirer des mains de son roi. [89] Quand le messager eut ainsi parlé, Izatès répondit qu'il connaissait les forces des Parthes, sans doute de beaucoup supérieures aux siennes, mais qu'il savait encore bien mieux que Dieu est plus puissant que tous les hommes. Cette réponse faite, il se mit à supplier Dieu en se jetant à terre et, en souillant sa tête de cendre ; il jeûna avec sa femme et ses enfants en invoquant Dieu et en disant : [90] « Si ce n'est pas en vain, Seigneur et souverain maître, que j'ai compté sur ta bonté et si c'est à bon droit que je t'ai cru l'unique et suprême maître de toutes choses, viens m'aider et défends-moi contre mes ennemis, non point seulement dans mon intérêt, mais aussi parce qu'ils ont osé s'attaquer à ta puissance. » Il suppliait de la sorte avec des larmes et des gémissements, et Dieu l'exauça. [91] Dès la nuit qui suivit, Vologèse reçut une lettre où on lui mandait qu'une grande armée de Dahes et de Saces avait profité de son absence pour dévaster le pays des Parthes ; alors, sans avoir rien fait, il décampa et revint en arrière. Ainsi, grâce à la Providence divine, Izatès échappa aux menaces du Parthe.
[92] 3. Un peu plus tard Izatès mourut, après avoir achevé sa
cinquante-cinquième année et après vingt-quatre ans de règne, laissant
vingt-quatre fils et vingt-quatre filles. [93] La succession au trône devait
revenir selon ses ordres à son frère Monobaze, en récompense de la fidélité avec
laquelle il lui avait conservé son pouvoir en son absence, après la mort de leur
père. [94] Sa mère Hélène fut très affligée de la mort de son fils, comme il est
naturel pour une mère privée du plus affectueux de ses enfants; mais elle
trouvait, une consolation à apprendre que la succession était donnée à son fils
aîné, auprès duquel elle se hâta de se rendre. Revenue en Adiabène, elle ne
survécut guère à son fils lzatès. [95] Monobaze envoya ses os et ceux de son
frère à Jérusalem et les fit ensevelir dans les trois pyramides que sa mère
avait fait construire à trois stades de la ville. Mais nous parlerons plus loin
(15) de tout ce que le roi Monnbaze 1. Exécution de Theudas. - 2. Tiberius Alexander procurateur. - 3. Révolte lors de la fête de Pâque sous le procurateur Cumanus; sa répression. - 4. Profanation des livres saints. [97] 1. Pendant que Fadus était procurateur de Judée, un magicien nommé Theudas persuada à une grande foule de gens de le suivre en emportant leurs biens jusqu'au Jourdain ; il prétendait être prophète et pouvoir, à son commandement, diviser les eaux du fleuve pour assurer à tous un passage facile. Ce disant, il séduisit beaucoup de gens. [98] Mais Fadus ne leur permit pas de s'abandonner à leur folie : il envoya contre eux un escadron de cavalerie qui les surprit, en tua beaucoup et en prit beaucoup vivants. [99] Quant à Theudas, l'ayant fait prisonnier, les cavaliers lui coupèrent la tête et l'apportèrent à Jérusalem. Voilà donc ce qui arriva aux Juifs pendant le temps où Cuspius Fadus fut procurateur. [100] 2. A Fadus succéda Tiberius Alexander (16), fils d'Alexander, l'ancien alabarque d'Alexandrie, qui dépassait en son temps tous ses concitoyens par sa noblesse et sa richesse et l'emporta même par sa piété envers Dieu sur son fils Alexander ; car celui-ci ne resta pas fidèle à la religion de ses pères. [101] C'est sous ce dernier qu'arriva en Judée la grande disette où la reine Hélène acheta à grand prix de blé en Égypte pour le répartir aux indigents, ainsi que je l'ai dit plus haut. [102] C'est aussi à ce moment que furent accablés les fils de Judas le Galiléen qui avait excité le peuple à se révolter contre les Romains lorsque Quirinus procédait au recensement de la Judée, comme nous l'avons raconté précédemment (17). C'étaient Jacob et, Simon. [103] Alexander ordonna de les mettre en croix. Hérode, roi de Chalcis, après avoir dépouillé du grand pontificat Joseph fils de Cami (18), lui donna pour successeur dans cette charge Ananias, fils de Zébédée. [104] A Tiberius Alexander succéda Cumanus. Hérode, frère du roi Agrippa le Grand, termina sa vie la huitième année du principat de Claude en laissant trois fils : Aristobule que lui avait, donné sa première femme, Berenicianus et Hyrcan, nés de Bérénice, fille de son frère. Son pouvoir fut donné par l'empereur à Agrippa le jeune. [105]. 3. (19) Une révolte qui s'éleva dans la ville de Jérusalem, pendant que Cumanus administrait la Judée, coûta la vie à beaucoup de Juifs. [103] Mais je dois en exposer d'abord la cause. On arrivait à la fête appelée la Pâque, où c'est la coutume chez nous de manger du pain sans levain; de toutes parts une grande foule s'était rassemblée pour la fête. Cumanus, craignant qu'elle ne tentât une émeute, ordonna à un détachement. de l'armée de prendre les armes et de se tenir aux portes du Temple pour réprimer la sédition s'il s'en produisait une. Cette mesure avait du reste été prise aux fêtes par les procurateurs précédents. [107] Le quatrième jour de la fête, un soldat découvrit son sexe et le montra à la foule. [108] Ceux qui le virent, furent vivement irrités et dirent que ce n'était pas eux qui avaient été insultés, mais Dieu. Quelques-uns des plus hardis injuriaient Cumanus, alléguant. que c'était lui qui avait placé là ce soldat. Cumanus, à cette nouvelle, s'irrita démesurément contre ces injures ; [109] il enjoignit aux mécontents de cesser d'exciter à l'émeute et de ne pas se livrer à l'agitation pendant une fête. Il ne les convainquit pas, et ils s'acharnèrent encore plus à l'injurier. [110] Alors il ordonna à toutes les troupes de prendre les armes et de se rendre dans la forteresse Antonia qui, comme nous l'avons déjà dit, dominait le Temple. [111] En voyant arriver les soldats, le peuple effrayé se hâta de fuir, mais comme les issues étaient étroites et qu'ils se croyaient poursuivis par les ennemis, beaucoup de gens périrent écrasés dans ces passages resserrés. [112] On compta vingt mille tués dans ce désordre, si bien qu'au lieu d'une fête il y eut désormais un deuil et, que tous, oubliant les prières et les sacrifices, se mirent à se lamenter et à gémir. Telles furent les souffrances causées par l'impudeur d'un seul soldat. [113] 4 (20). Ce premier deuil n'avait pas encore cessé quand survint un nouveau malheur. Quelques-uns de ceux qui poussaient à la révolution attaquèrent à la façon de brigands, sur la voie publique, à cent stades de la ville, Stephanus, esclave de l'empereur, qui voyageait et ils le dépouillèrent de tout ce qu'il avait. [114] Cumanus, ayant appris la chose, envoya immédiatement des soldats avec l'ordre de piller les villages du voisinage et d'enchaîner les notables pour les lui amener. [115] Au cours de cette dévastation, un soldat, prit dans un village les lois de Moise et, les avant exposées à la vue de tous, les déchira, en ajoutant encore à cela des blasphèmes et des railleries. [116] A cette nouvelle, les Juifs se rassemblèrent en masse et descendirent à Césarée où se trouvait Cumanus pour le supplier de venger, non pas eux-mêmes, mais leur Dieu, dont les lois avaient, été outragées, car il ne leur était pas possible de vivre si la loi leurs pères était ainsi indignement, traitée. [117] Cumanus, par crainte d'une nouvelle révolte du peuple fit, sur le conseil de ses amis, décapiter le soldat qui avait outragé les lois et apaisa ainsi la sédition qui allait de nouveau éclater. 1. Révolte des Galiléens contre les Samaritains. - 2. Intervention de Quadratus, gouverneur de Syrie - 3. La question est tranchée par Claude, qui donne gain de cause aux Juifs et punit les responsables de la révolte. [118] 1. (21) Entre les Samaritains et les Juifs s'élevèrent aussi des haines pour la raison suivante. Les Galiléens avaient coutume, pour se rendre aux fêtes dans la ville sainte, de traverser le pays de Samarie. Alors, pendant qu'ils étaient en route, des habitants d'un bourg appelé Ginae (22), situé aux confins du pays de Samarie et de la grande plaine, engagèrent un combat avec eux et en tuèrent beaucoup. [119] Apprenant ces faits, les premiers des Galiléens vinrent trouver Cumanus et lui demandèrent de venger ces gens injustement assassinés. Mais lui, persuadé par les Samaritains qui l'avaient acheté à prix d'argent, négligea leur requête. [120] Irrités, les Galiléens décidèrent la masse des Juifs à courir aux armes et à soutenir le cause de leur liberté ; ils leur dirent, en effet, que si la servitude était déjà amère en elle-même, celle à laquelle s'ajoutait l'outrage était absolument intolérable. [121] Leurs magistrats s'efforcèrent de les apaiser et leur promirent qu'ils décideraient Cumanus à venger les victimes; mais les Juifs ne les écoutèrent pas. Prenant les armes et appelant à leur aide Eléazar, fils de Dinaios, brigand qui vivait depuis de longues années dans la montagne, ils pillèrent et incendièrent certains bourgs samaritains. [122] Lorsque Cumanus eut connaissance de cet acte, il prit avec lui l'escadron de Sébaste et quatre cohortes (23) de fantassins, fit armer les Samaritains et marcha contre les Juifs ; il les attaqua, en tua un grand nombre et en prit beaucoup vivants. [123] Les premiers des habitants de Jérusalem par la naissance et les honneurs, voyant la gravité des maux où ils étaient tombés, se revêtirent de cilices et se couvrirent la tête de cendres ; ils supplièrent de toutes les façons les révoltés, puisqu'ils avaient sous les yeux leur patrie qui allait être abolie, le Temple qui allait être détruit, enfin leurs femmes et leurs enfants qui allaient être réduits eu esclavage avec eux, de changer de dessein, de mettre bas les armes et de rester tranquilles après avoir regagné leurs maisons. [124] Ces paroles persuadèrent les mutins qui se dispersèrent, et les brigands retournèrent dans des lieux inexpugnables; mais, depuis ce moment, toute la Judée fut infestée de leurs brigandages. [125] 2 (24). Les premiers des Samaritains se rendirent chez Ummidius Quadratus (25), gouverneur de Syrie, qui alors séjournait à Tyr ; ils accusèrent les Juifs d'avoir incendié et pillé leurs villages. Ils prétendaient s'irriter moins des souffrances qu'eux-mêmes avaient éprouvées du fait que leurs ennemis avaient bafoué les Romains, juges auprès desquels ils auraient dû se rendre s'ils avaient subi quelque injustice plutôt que de se livrer à de telles incursions, comme s'ils n'avaient pas les Romains pour maîtres. Ils ventaient donc lui demander vengeance. [127] Telles étaient les accusations des Samaritains. Les Juifs déclarèrent que les Samaritains étaient responsables de la révolte et du combat, et plus encore Cumanus, qui avait été corrompu par leurs présents et n'avait fait aucun cas du meurtre de ceux qu'ils avaient tués. [128] Quadratus, la cause entendue, remit sort jugement à plus tard, disant qu'il le rendrait public après avoir pris en Judée une connaissance plus précise de la vérité. On se retira donc sans que rien eût été décidé. Peu après, Quadratus vint à Samarie et, [129] après enquête, reconnut, que c'étaient les Samaritains qui avaient provoqué les troubles. Mais dès qu'il apprit que certains Juifs avaient médité une révolution, il fit mettre en croix ceux que Cumanus avait capturés. Ensuite il se rendit dans un bourg qui se nommait Lydda (26) et ne le cédait pas en grandeur à une ville : [130] il s'installa sur son tribunal et, pour la deuxième fois, écouta les Samaritains. L'un d'eux lui apprit qu'un des principaux Juifs, nommé Dortos, et d'autres révolutionnaires au nombre de quatre, avaient conseillé au peuple de se soulever contre Rome. [131] Quadratus les fit mettre à mort et envoya à Rome enchaînés, avec leur entourage, le grand-pontife Ananias et le commandant (27) Anan pour se justifier de leurs actes devant l'empereur Claude. [132] II ordonna (28) aussi aux principaux des Samaritains et des Juifs, au procurateur Cumanus et au tribun Celer de se rendre en Italie devant l'empereur pour voir juger par lui leurs enquêtes respectives. [133] Pour lui, craignant une nouvelle révolte de la populace juive, il arriva dans la ville de Jérusalem qu'il trouva paisible et en train de célébrer une fête ancestrale en l'honneur de Dieu. Il fut donc persuadé qu'il n'y aurait aucune sédition à Jérusalem et, la laissant en fête, retourna à Antioche. [134] 3 (29). Cumanus et les premiers des Samaritains, envoyés à Rome, obtinrent, de l'empereur un jour d'audience pour parler des litiges qui les divisaient.. En faveur de Cumanus et des Samaritains s'exerçait le plus grand zèle des affranchis et des amis de l'empereur, et les Juifs auraient été vaincus si Agrippa le jeune, qui se trouvait. alors à Rome et voyait l'effroi des premiers des Juifs, n'eût vivement imploré l'impératrice Agrippine pour qu'elle persuadât son mari de juger comme il convenait, à sa justice, après audition des parties, ceux qui étaient responsables de la révolte. [136] Claude fut touché par cette prière et, après avoir ouï les débats, reconnaissant que les Samaritains avaient été les premiers auteurs de ces maux, ordonna d'exécuter ceux d'entre eux qui s'étaient présentés à lui ; il infligea la peine de l'exil à Cumanus ; enfin il prescrivit d'emmener à Jérusalem le tribun Celer et de le mettre à mort, après l'avoir traîné dans toute la ville aux yeux de tous. Mariages de Félix avec Drusilla (1-2), du roi Polémon avec Bérénice, de Démétrius d'Alexandrie avec Mariamme (3-4). [137] 1. Claude envoya ensuite Félix (30), frère de Pallas, pour s'occuper des affaires de Judée. [138] Après avoir accompli sa douzième année de principat, il donna à Agrippa la tétrarchie de Philippe et la Batanée, en y ajoutant la Trachonitide et Abila, c'est-à-dire la tétrarchie de Lysanias, mais il lui enleva Chalcis qu'il avait gouvernée pendant quatre ans. [139] Ayant reçu ce présent de l'empereur, Agrippa donna en mariage à Aziz, roi d'Émèse (31), qui avait consenti à se faire circoncire, sa sœur Drusilla, qu'Épiphane, fils du roi Antiochus, avait refusé d'épouser parce qu'il ne voulait pas se convertir au judaïsme, bien qu'ayant promis autrefois au père de Drusilla de le faire. [140] De plus, Agrippa donna Mariamme à Archélaüs, fils d'Helcias, auquel son père Agrippa l'avait fiancée, et ils eurent une fille nommée Bérénice. [141] 2. Peu après, le mariage de Drusilla et d'Aziz fut rompu pour la cause suivante. Au moment où Félix était procurateur de Judée, il vit Drusilla, et, comme elle l'emportait en beauté sur toutes !es femmes, il s'éprit de passion pour elle. Il lui envoya un Juif cypriote de ses amis, nominé Simon, qui se prétendait magicien, et il essaya de la décider à quitter son mari pour l'épouser, promettant de la rendre heureuse si elle ne le dédaignait pas. [143] Elle, qui était malheureuse et voulait, échapper à la haine de sa sœur Bérénice - Félix l'invitait en raison de sa beauté qui, croyait-il, l'exposait à bien des tourments du fait de Bérénice (32) - se laissa persuader de transgresser la loi de ses ancêtres et d'épouser Félix. Elle eut de lui un fils qu'elle nomma Agrippa. [144] Pour la façon dont ce jeune homme périt avec sa femme dans l'éruption du Vésuve sous l'empereur Titus, je l'expliquerai plus tard (33) [145] 3. Quant à Bérénice, après la mort d'Hérode, son mari et son oncle, et après un long veuvage, comme le bruit courait qu'elle était la maîtresse de son frère, elle persuada à Polémon, roi de Cilicie, de se faire circoncire et de l'épouser, car elle espérait ainsi prouver que ces accusations étaient calomnieuses. [146] Polémon consentit surtout à cause de la richesse de Bérénice, mais leur union ne fut pas longue et Bérénice abandonna Polémon par légèreté, à ce qu'on dit. Celui-ci, dès la rupture de son mariage, renonça aussi aux coutumes juives. [147] Au même moment Mariamme, après avoir quitté Archelaüs, s'unit à Démétrius, le premier des Juifs d'Alexandrie par la naissance et la fortune, qui était alors alabarque. Elle eut de lui un fils qu'elle nomma Agrippinus. Mais nous parierons plus loin (34) en détail de chacun de ces personnages. VIII. 1-3. Mort de Claude; avènement et crimes de Néron. - 4. Modifications territoriales en Syrie et en Judée. - 5-6. Méfaits de brigands à Jérusalem ; exécution d'un agitateur égyptien.- 7-8. Sédition de Césarée ; troubles à Jérusalem. - 9-10. Festus remplace Félix. - 11. Construction d'un mur pour interdire à Agrippa la vue de l'intérieur du Temple. [148] 1. L'empereur Claude mourut après un règne de treize ans, huit mois et vingt jours. Certains faisaient courir le bruit qu'il avait été empoisonné par sa femme Agrippine. Le père de celle-ci était Germanicus, frère de l'empereur, et elle avait épousé Domitius Aenobarbus, illustre Romain. [149] Après la mort de ce dernier et un long veuvage, elle fut épousée par Claude et amena avec elle son fils, nommé Domitius comme son père. Claude avait auparavant fait périr par jalousie sa femme Messaline, dont il avait eu comme enfants Britannicus et Octavie. Il avait encore l'ainée de ses enfants, Antonia, née de sa première femme Paetina. [150] Il maria Octavie à Néron, car tel fut le nom que Claude donna à Domitius après l'avoir adopté. [151] 2 (35). Agrippine, craignant que Britannicus devenu adulte ne reçût de son père le pouvoir et voulant ravir l'empire pour son propre fils, provoqua, dit-on, la mort de Claude et chargea aussitôt le préfet du prétoire Burrhus, [152] ainsi que les tribuns et les plus puissants des affranchis, d'emmener Néron au camp et de le proclamer empereur. [152] Néron, après avoir ainsi obtenu le pouvoir, tua par le poison Britannicus à l'insu de presque tout le monde et peu après assassina ouvertement sa mère, lui donnant cette récompense pour l'avoir engendré et pour lui avoir fait obtenir l'empire de Rome par ses machinations. Il tua aussi Octavie à qui il était marié et également beaucoup d'hommes illustres, sous prétexte qu'ils complotaient, contre lui. [154] 3. Mais je ne veux pas en écrire davantage sur ce sujet; nombreux, en effet, sont ceux qui ont raconté l'histoire de Néron. Les uns ont négligé la vérité pour lui faire plaisir, parce qu'ils avaient été bien traités par lui, et les autres, à cause de leur haine et de leur inimitié contre lui, l'ont si impudemment maltraité par leurs mensonges qu'eux-mêmes méritent le blâme. [155] Je ne songe pas d'ailleurs à m'étonner qu'ils aient menti au sujet de Néron, puisque même en écrivant sur ses prédécesseurs ils n'ont pas respecté la vérité historique ; et cependant ils n'avaient aucune haine contre ceux-là, puisqu'ils vivaient longtemps après eux. [156] Mais libre à ceux qui ne se soucient pas de la vérité d'écrire comme ils veulent, puisque cela paraît leur faire plaisir. Pour nous qui nous sommes proposé la vérité pour but, [157] nous prétendons ne rappeler que brièvement ce qui s'écarte de notre histoire et expliquer ce qui nous est arrivé à nous autres Juifs d'une façon moins superficielle, sans hésiter à exposer nettement nos malheurs et nos fautes. Je reviendrai donc maintenant au récit de nos affaires particulières. [158] 4. (36). La première année du gouvernement de Néron, Aziz, prince d'Émèse, mourut et son frère Soème (37) Iui succéda au pouvoir. Aristobule, fils d'Hérode, roi de Chalcis, reçut de Néron le gouvernement de l'Arménie Mineure. [159] L'empereur gratifia aussi Agrippa d'une partie de la Galilée et soumit à son autorité Tibériade et Tarichée (38) ; il lui donna aussi la ville de Julias en Pérée (39) et quatorze bourgs situés dans son voisinage. [160] 5 (40). En Judée les affaires prenaient de jour en jour une tournure de plus en plus mauvaise, car le pays était de nouveau rempli de brigands et d'imposteurs qui trompaient le peuple. [161] Chaque jour Félix arrêtait beaucoup de ces derniers et les faisait périr, ainsi que des brigands. Eléazar, fils de Dinaios, qui avait réuni une troupe de brigands, fut pris vivant par lui grâce à un stratagème : lui ayant donné sa foi qu'il ne lui ferait aucun ma!, il le persuada de se rendre auprès de lui, puis, l'avant fait enchaîner, il l'envoya à Rome. [162] Félix était irrité contre le grand-prêtre Jonathan parce qu'il était souvent, admonesté par lui, réclamant une meilleure direction des affaires de Judée ; car Jonathan ne voulait pas se voir lui-même chargé de reproches par le peuple pour avoir demandé à l'empereur d'envoyer Félix comme procurateur en Judée. Félix cherchait donc un prétexte pour se débarrasser de cet homme qui ne cessait de l'importuner, car des admonestations continuelles sont pénibles à qui veut commettre des injustices. [163] C'est pourquoi Félix, par la promesse d'une grosse somme, décida le plus fidèle ami de Jonathan, un Hiérosolymitain nommé Doras, à faire attaquer et tuer Jonathan par des brigands. L'autre y consentant. machina de la façon suivante l'exécution de ce meurtre par les brigands. [164] Certains d'entre eux montèrent à la ville comme pour adorer Dieu, avec des poignards sous leurs vêtements et, s'approchant de Jonathan, ils le tuèrent. [165] Comme ce meurtre était resté impuni, les brigands, sans aucune crainte désormais, montèrent, lors des fêtes avec leurs armes dissimulées de la même manière et, se mêlant à la foule, tuèrent les uns parce que c'étaient leurs ennemis, les autres, parce qu'on les avait payés pour un tel service, et cela non seulement dans le reste de la ville, mais parfois même dans le Temple : en effet, ils osaient les égorger en cet endroit. parce qu'ils ne voyaient même en cela rien d'impie. [166] C'est pourquoi, à mon avis, Dieu, détestant leur impiété, se détourna de notre ville et, jugeant que le Temple n'était plus pour lui une résidence pure, excita contre nous les Romains et lança sur la ville la flamme purificatrice en infligeant aux habitants, à leurs femmes et à leurs enfants la servitude pour nous rendre plus sages par ces calamités. [167] 6. Les actes des brigands remplissaient ainsi la ville d'impiétés de cette sorte. Quant aux imposteurs et aux trompeurs, ils conseillaient au peuple de les suivre au désert, [168] car, disaient-ils, ils lui montreraient des miracles et des signes éclatants dus à la Providence divine. Beaucoup les écoutèrent et furent châtiés de leur folie, car Félix les livra au supplice quand on les amena devant lui. [169] A ce moment là vint à Jérusalem un Egyptien qui se disait prophète et qui conseilla à la populace de monter avec lui au mont appelé le Mont des Oliviers, qui se trouve en face de la ville, à cinq stades de distance. [170] Il répétait, en effet, aux gens qu'il voulait leur montrer de là comment sur son ordre les remparts de Jérusalem s'écrouleraient et il promettait de leur frayer ainsi un passage. [171] Félix, lorsqu'il apprit cela, ordonna à ses soldats de prendre les armes et, s'élançant hors de Jérusalem avec beaucoup de cavaliers et de fantassins, il attaqua l'Égyptien et ceux qui l'entouraient ; il en tua quatre cents et en fit prisonniers deux cents. [172] L'Égyptien lui-même s'échappa de la mêlée et disparut. A nouveau les brigands excitaient le peuple à la guerre contre les Romains, en disant qu'il ne fallait pas leur obéir, et ils incendiaient et pillaient les villages de ceux qui leur résistaient. [173] 7 (41) Il y eut aussi une lutte des Juifs habitant Césarée contre les Syriens de cette ville au sujet de !'égalité politique. Les Juifs voulaient tout diriger parce que le fondateur de Césarée, leur roi Hérode, était de race juive. Les Syriens reconnaissaient ce qui concernait Hérode, mais disaient que Césarée s'était d'abord appelée la forteresse de Straton et n'avait alors aucun habitant juif. [174] Apprenant cela, les magistrats de la province saisirent des deux côtés les instigateurs de la révolte et les maltraitèrent en les rouant de coups, ce qui apaisa le trouble pour quelque temps. Mais à nouveau les Juifs de la ville enhardis par leur richesse et méprisant à cause de cela les Syriens, les insultèrent pour les exciter. [176] Les autres, inférieurs sous le rapport de l'argent, mais orgueilleux de ce que la plupart de ceux qui servaient dans les troupes romaines étaient de Césarée et de Sébaste, insultèrent eux aussi pendant quelque temps les Juifs; puis Juifs et Syriens se jetèrent mutuellement des pierres jusqu'à ce qu'il y eût de chaque côté nombre de blessés et de morts. [177] Les Juifs furent vainqueurs. Quand Félix vit ces dissensions prendre les allures d'une guerre, il se rendit en hâte sur les lieux et invita les Juifs à se tenir tranquilles. Comme ils n'obéissaient pas, il arma ses soldats, les envoya contre eux, en tua beaucoup, en prit vivants encore plus et laissa ses soldats piller certaines des maisons de la ville qui regorgeaient de toutes sortes de biens. [178] Les plus modérés des Juifs et, les plus élevés en dignité, craignant pour eux-mêmes, supplièrent Félix de faire sonner le rappel de ses soldats, d'épargner ceux qui restaient et de leur permettre de se repentir de leur conduite. Félix y consentit. [179] 8. Vers le même temps, le roi Agrippa donna le grand-pontificat à Ismael, fils de Phabi. Il y eut des dissentiments entre les grands-pontifes et les prêtres, ainsi que les chefs du peuple de Jérusalem : chacun d'eux prit le commandement d'une bande d'hommes très hardis et révoltés ; se heurtant les uns centre les autres, ils s'insultaient et se lapidaient mutuellement. Or, il n'y avait personne pour les châtier, car tout se passait avec la même licence que dans une ville dépourvue de chefs. [181] Telles furent l'impudence et la hardiesse des grands-pontifes qu'ils osèrent envoyer leurs esclaves aux aires pour ravir la dîme due aux prêtres, et il arriva ainsi que des prêtres, dénués de ressources, moururent de faim. Voilà comment la violence des fauteurs de troubles primait le droit. [182] 9. Porcius Festus (42) ayant été envoyé par Néron pour succéder à Félix, les principaux des Juifs de Césarée allèrent à Rome pour accuser Félix, et il aurait été châtié de toutes ses injustices envers les Juifs si Néron n'avait montré beaucoup de condescendance pour les demandes de Pallas, frère de Félix, qui avait alors le plus grand crédit auprès de lui. [183] Deux des principaux Syriens de Césarée obtinrent, en le corrompant par de grosses sommes d'argent, que Burrhus (43), gouverneur de Néron, chargé des dépêches pour les pays grecs, demandât à Néron un rescrit abolissant l'égalité de droits politiques des Juifs avec eux. [184] Burrhus, ayant sollicité l'empereur, obtint que ce rescrit fût rédigé, et ce fut pour notre peuple la cause de tous les malheurs qui suivirent. En effet, lorsque les Juifs de Césarée surent ce qui avait été écrit, ils persistèrent davantage dans leur révolte contre les Syriens jusqu'à ce qu'ils eussent allumé une guerre. [185] 10. Quand Festus arriva en Judée, il la trouva mise à mal par les brigands qui incendiaient et pillaient tous les villages. [186] Ceux qu'on appelait les sicaires - c'étaient, des brigands - devinrent alors très nombreux ; ils se servaient de courts poignards à peu près de la même longueur que les acinaces perses, mais recourbés comme ce que les Romains appellent sicae, avec lesquels ces brigands tuaient beaucoup de gens et d'où ils tirèrent leur nom. [187] Se mêlant lors des fêtes, comme nous l'avons dit précédemment, à la foule de ceux qui arrivaient de partout vers la ville pour remplir leurs devoirs religieux, ils égorgeaient sans difficulté qui ils voulaient. Souvent aussi ils arrivaient en armes dans les villages de leurs ennemis, les pillaient et les incendiaient. [188] Festus envoya une troupe de cavalerie et d'infanterie contre ceux qui avaient été trompés par un imposteur qui leur avait promis le salut et la fin de leurs maux s'ils voulaient le suivre au désert. Les soldats envoyés par Festus tuèrent cet imposteur et tous ceux qui l'avaient suivi. [189] 11. Vers le même temps le roi Agrippa éleva un bâtiment d'une grandeur remarquable dans le palais de Jérusalem, près de la galerie couverte. [190] Ce palais avait jadis été celui des Asmonéens et était situé dans un lieu élevé d'où ceux qui voulaient regarder la ville avaient la vue la plus agréable. Le roi, qui aimait cela, regardait là haut de son lit de table ce qui se faisait dans le Temple. [191] Les principaux des Hiérosolymitains, lorsqu'ils s'en aperçurent, furent très irrités, car il n'était pas conforme aux mœurs de nos ancêtres ni à notre loi de voir de haut ce qui se faisait dans le Temple, et particulièrement les sacrifices. C'est pourquoi ils construisirent un mur élevé au-dessus de la salle de réunion qui, dans l'enceinte intérieure du Temple, était tournée vers l'occident. [192] Non seulement cet édifice interceptait la vue de la salle à manger royale, mais celle du portique occidental extérieur au Temple d'où les Romains le surveillaient lors des fêtes. Ceci irrita le roi Agrippa et surtout le procurateur Festus, qui ordonna la démolition du mur. [193] Mais les Juifs demandèrent la permission d'envoyer à ce sujet des délégués auprès de Néron, prétendant qu'ils ne pourraient supporter de vivre si une partie du sanctuaire était détruite. [194] Festus leur ayant accordé cette demande, ils déléguèrent à Néron dix des premiers citoyens avec le grand pontife Ismael et Helcias, le gardien du trésor. [195] Après les avoir écoutés, Néron, non content de leur pardonner leurs actes, leur accorda encore de laisser debout leur construction pour faire plaisir à sa femme Poppée qui l'avait imploré en leur faveur, car elle était pieuse (44). Elle ordonna aux dix de s'en aller, mais retint auprès d'elle comme otages Helcias et Ismael. [196] Lorsque le roi le sut, il donna le grand-pontificat à Joseph, fils du grand-prêtre Simon et surnommé Cabi. 1-3. Albinus succède à Festus. Méfaits des sicaires. - 4-5. Mesures prises par Agrippa - 6. Réclamations des lévites. Le roi refuse de réparer une partie du Temple. [197] 1. (45) Ayant appris la mort de Festus, l'empereur envoya Albinus (46) en Judée comme procurateur. Le roi enleva le pontificat à Joseph le grand-prêtre et donna la succession de cette charge au fils d'Anan, nommé lui aussi Anan. [198] On dit que le vieil Anan fut très heureux, car il avait cinq fils qui tous eurent la chance d'être grands-prêtres de Dieu et il avait lui-même rempli cette charge pendant très longtemps; or, cela n'arriva jamais à aucun autre de nos grands pontifes. [199] Arian le jeune, qui, comme nous l'avons dit, reçut le grand-pontificat, était d'un caractère fier et d'un courage remarquable ; il suivait, en effet, la doctrine les Sadducéens, qui sont inflexibles dans leur manière de voir si on les compare aux autres Juifs, ainsi que nous l'avons déjà montré. [200] Comme Anan était tel et qu'il croyait avoir une occasion favorable parce que Festus était mort et Albinus encore en route, il réunit un sanhédrin, traduisit devant lui Jacques, frère de Jésus appelé le Christ (47), et certains autres, en les accusant d'avoir transgressé la loi, et il les fit lapider. [201] Mais tous ceux des habitants de la ville qui étaient les plus modérés et les plus attachés à la loi en furent irrités et ils envoyèrent demander secrètement au roi d'enjoindre à Anan de ne plus agir ainsi, car déjà auparavant il s'était conduit injustement. [202] Certains d'entre eux allèrent même à la rencontre d'Albinus qui venait d'Alexandrie et lui apprirent qu'Anan n'avait pas le droit de convoquer le sanhédrin sans son autorisation. [203] Albinus, persuadé par leurs paroles, écrivit avec colère à Anan en le menaçant de tirer vengeance de lui. Le roi Agrippa lui enleva pour ce motif le grand-pontificat qu'il avait exercé trois mois et en investit Jésus, fils de Damnaios. [204] 2. Quand Albinus fut arrivé à Jérusalem, il mit tout son zèle et toute sa diligence à pacifier le pays en faisant périr la plupart des sicaires. [205] Mais de jour en jour le grand-pontife Ananias croissait en réputation et obtenait de façon éclatante l'affection et l'estime de ses concitoyens : en effet, il savait donner de l'argent et il essayait quotidiennement de faire sa cour par des présents à Albinus et au grand-pontife. [206] Il avait des serviteurs très pervers qui s'adjoignaient les hommes les plus audacieux pour fondre sur les aires et prendre de force la dîme des prêtres, non sans frapper ceux qui ne la leur cédaient pas. [207] Les grands pontifes faisaient comme ces esclaves, sans que personne pût les empêcher. Aussi les prêtres, jadis nourris par les dîmes, étaient-ils exposés alors à mourir de faim. [208] 3.De nouveau, pendant la fête qui avait lieu alors, les sicaires montèrent de nuit dans le ville ; ils firent prisonnier le secrétaire du commandant Éléazar, qui était fils du grand-pontife Anan, et l'emmenèrent chargé de chaînes. [209] Puis ils envoyèrent dire à Ananias qu'ils relâcheraient le secrétaire et le lui rendraient, s'il décidait Albinus à relâcher dix des leurs qu'il avait pris. Ananias, forcé d'exhorter à cela Albinus, obtint satisfaction, mais ce fut la source de malheurs plus grands. [210] En effet, les brigands employaient tous les moyens pour s'emparer de certains des familiers d'Ananias et, ne cessant d'en capturer, ils ne les délivraient pas avant d'avoir reçu en échange quelques sicaires. Devenus de nouveau très nombreux, ils reprirent courage et se mirent à ravager tout le pays. [211] 4. Vers ce moment le roi Agrippa, ayant agrandi la ville de Césarée (48) dite de Philippe, la nomma Néronias en l'honneur de Néron. Il offrit aux Bérytiens, dans un théâtre construit à grands frais, des spectacles annuels et y dépensa des drachmes par dizaines de mille ; car il donnait à la populace du blé et lui distribuait de l'huile. [212] Il ornait aussi toute la ville de statues et de copies de chefs d'œuvre antiques et il transporta là tout ce qui ornait son royaume, ou peu s'en faut. La haine que lui vouaient ses sujets augmenta parce qu'il décorait à leurs dépens une ville étrangère. [213] Le roi donna aussi la succession du grand pontificat à Jésus, fils de Gamaliel, après après ravoir enlevé à Jésus, fils de Damnaios. Cela fut cause d'une lutte entre eux. En effet, les gens les plus audacieux ayant été rassemblés par eux en bandes, des insultes on en vint à se jeter des pierres. Ananias se distinguait parce qu'il s'attachait, grâce à sa fortune, tous ceux qui étaient prêts à recevoir de l'argent. [214] Costobar et Saül aussi rassemblaient autour d'eux une foule de gens pervers ; ils étaient de race royale et très en faveur à cause de leur parenté avec Agrippa, mais violents et disposés à ravir les biens des plus faibles. C'est surtout, à partir de ce moment, que notre ville dépérit, parce que tous progressaient dans le mal. [215] 5. Quand Albinus apprit que Gessius FIorus (49) arrivait pour lui succéder, il voulut paraître faire quelque chose pour les Hiérosolymitains, et, ayant réuni les captifs, ordonna de tuer tous ceux qui manifestement méritaient la mort ; quant à ceux qui avaient été jetés en prison pour une faute légère et commune, il les remit en liberté pour de l'argent. Mais si la prison fut ainsi vidée de captifs, le pays se trouva de nouveau plein de brigands. [216] 6. Ceux des Lévites - c'est une tribu - qui chantaient les hymnes, demandèrent au roi de réunir le sanhédrin et de leur permettre de porter comme les prêtres une tunique de lin, car ils prétendaient qu'il devait faire pendant son règne une innovation mémorable. [217] Ils obtinrent satisfaction. En effet, avec le consentement des gens convoqués au sanhédrin, le roi accorda aux chanteurs d'abandonner leur vêtement ancien et de porter un vêtement de lin comme ifs le désiraient. Et comme une partie de la tribu exerçait son ministère dans le Temple, [218] il lui permit également d'apprendre les hymnes, ainsi qu'ils le lui demandaient. Or, tout cela allait contre la loi de nos ancêtres, et cette transgression devait fatalement être expiée par lui. [219] 7. A ce moment le Temple était achevé. Le peuple voyait donc que les ouvriers, au nombre de plus de dix-huit mille, chômaient et avaient besoin de salaires, parce qu'ils se procuraient jusque là de quoi vivre en travaillant au sanctuaire. Il ne voulait pas épargner l'argent par crainte des Romains, [220] mais, se préoccupant des ouvriers, voulait dépenser pour eux le trésor : en effet, si un ouvrier avait travaillé, ne fût-ce qu'une heure dans sa ,journée, il était immédiatement payé pour elle (50). Le peuple engagea donc le roi à restaurer le portique oriental. [221] C'était un portique de l'enceinte extérieure du sanctuaire, donnant sur une profonde vallée, avec des murs de quatre cents coudées de long et fait de blocs quadrangulaires de marbre blanc dont chacun avait vingt coudées de long et six de hauteur: c'était l'œuvre du roi Salomon qui, le premier, avait construit tout le Temple. [222] Mais le roi, à qui l'empereur Claude avait confié le soin de s'occuper du Temple, réfléchit que le travail le plus facile était de démolir, tandis que construire était difficile, surtout s'il s'agissait de ce portique, car cela exigeait beaucoup de temps et d'argent. Il écarta donc cette demande, mais sans s'opposer à ce que la ville fût pavée de marbre blanc. [223] Ayant enlevé le grand-pontificat à Jésus, fils de Gamaliel, il le donna à Matthias, fils de Théophile, sous lequel commença la guerre des Juifs contre les Romains. Les grands-pontifes : 1. De Moïse à Salomon. - 2. De Salomon à Antiochus. - 3. D'Antiochus au roi Alexandre. - 4. D'Alexandre à Hérode. - 5. D'Hérode à la guerre des Juifs. [224] 1. Je crois nécessaire et conforme à ce qu'exige cette histoire d'exposer, au sujet des grands pontifes, quelle fut leur origine, qui a le droit de recevoir cette dignité, enfin quels sont ceux qui l'ont exercée jusqu'à la fin de la guerre. [225] On dit que le premier de tous à être grand-pontife de Dieu fut Aaron, frère de Moïse, et qu'à sa mort lui succédèrent immédiatement ses fils, puis que tous leurs descendants sans exception gardèrent cet honneur dans leur famille. [226] C'est pourquoi une loi de nos pères exige que personne ne reçoive le grand-pontificat s'il n'est du sang d'Aaron, et il n'est permis à personne d'une autre famille, fût-il roi, d'accéder à cette dignité. [227] Depuis Aaron qui fut, comme nous l'avons dit, le premier, jusqu'à Phineesos qui reçut des mutins le pontificat pendant la guerre, il y eut en tout quatre-vingt-trois grands-prêtres. [228] Depuis l'époque de Moïse, où le tabernacle construit par Moïse pour Dieu s'éleva dans le désert jusqu'à l'arrivée en Judée, où le roi Salomon édifia le temple de Dieu, treize d'entre eux exercèrent le grand-pontificat. [229] En effet, on eut d'abord le grand-pontificat à vie, tandis qu'ensuite on remplaça les grands-pontifes, même de leur vivant. Donc ces treize, comme ils étaient les descendants des deux fils d'Aaron, eurent, cet honneur par héritage. Le gouvernement fut d'abord aristocratique, puis monarchique (51) et en troisième lieu royal. [230] Le nombre d'années où commandèrent les treize, depuis le jour où nos pères quittèrent l'Égypte sous la conduite de Moïse jusqu'à la construction du Temple que le roi Salomon éleva à Jérusalem, s'élève à six cent douze. [231] 2. Après ces treize grands-pontifes, dix-huit exercèrent le grand-pontificat en se succédant depuis le règne du roi Salomon à Jérusalem jusqu'à ce que Nabuchodonosor, roi de Babylone, ayant fait une expédition contre la ville, brûla le Temple et emmena à Babylone notre peuple, en faisant prisonnier le grand-pontife Josedek. [231] La durée de leur grand-pontificat s'éleva à quatre-cent-soixante-six ans, six mois, dix jours, pendant que les Juifs vivaient sous des rois. [232] Soixante-dix ans après la conquête de la Judée par les Babyloniens, Cyrus, roi de Perse, délivra les Juifs de Babylone, les renvoya dans leur pays et leur permit de relever le Temple. [234] Alors un des prisonniers revenus de Babylone, Jésus, fils de Josedek, reçut le grand-pontificat. Lui et ses descendants, quinze en tout, furent pontifes sous un gouvernement républicain jusqu'au roi Antiochus Eupator (52) pendant quatre cent quatorze ans.
[235] 3. Les premiers,
cet Antiochus que nous venons de nommer et son général Lysias, mirent fin au
grand-pontificat d'Onias surnommé Ménélas en le tuant à Beroia (53)
et privèrent son fils de sa succession pour nommer grand-pontife Jacim, qui
était bien de la race d'Aaron, mais non de la famille d'Onias. [236] C'est
pourquoi Onias, neveu de l'Onias qui avait été tué et porteur du même nom que
son père, s'en alla en Égypte, où il fut reçu avec amitié par Ptolémée
Philométor (54) et. sa femme Cléopâtre, et il les
décida à édifier [242] 4. Alexandre mourut après avoir été roi et grand-pontife pendant vingt-sept ans, laissant à sa femme AIexandra le soin de désigner le futur grand-pontife. Elle donna le grand-pontificat à Hyrcan et mourut elle-même après avoir gardé la royauté pendant neuf années. [243] Son fils Hyrcan fut grand-pontife un nombre égal d'années. En effet, après la mort de sa mère, son frère Aristobule lui fit la guerre, le vainquit et le priva de sa charge, pour devenir lui-même à la fois roi et grand-pontife de son peuple. [244] Mais trois ans et trois mois après son avènement au pouvoir, Pompée (57) survint et, ayant pris de force la ville de Jérusalem, l'envoya à Rome enchaîné ainsi que ses enfants ; puis il rendit le grand pontificat à Hyrcan en lui confiant le pouvoir sur le peuple, mais en lui défendant de porter le diadème. [245] Outre ses neuf premières années, Hyrcan resta au pouvoir pendant vingt-quatre ans. Mais Barzapharnès et Pacoras, princes des Parthes, traversèrent l'Euphrate, combattirent contre Hyrcan, le firent prisonnier et nommèrent roi Antigone, fils d'Aristobule. [246] Après trois ans et. trois mois de règne, celui-ci fut assiégé et pris par Sossius et Hérode (58), conduit à Antioche et mis à mort par Antoine. [247] 5. Hérode, qui reçut le pouvoir des mains des Romains, ne créa plus de grands-pontifes asmonéens, mais conféra cet honneur à des gens obscurs qui étaient de simples prêtres, sauf un seul, Aristobule; [248] celui-ci était le petit-fils d'Hyrcan que les Parthes avaient fait prisonnier. Hérode lui donna le grand-pontificat et épousa sa sœur Mariamme pour se concilier la faveur du peuple, grâce au souvenir d'Hyrcan. Puis, craignant de voir tout le monde pencher pour Aristobule, il s'en débarrassa, en s'arrangeant pour le faire étouffer à Jéricho (59) pendant qu'il nageait, ainsi que nous l'avons déjà raconté. [249] Ensuite il ne confia plus le grand-pontificat à aucun des descendants des Asmonéens. La conduite d'Hérode fut imitée en ce qui concerne les pontifes par Archélaüs son fils et, après celui-ci, par les Romains qui s'étaient emparés du pouvoir sur les Juifs. [250] Or, depuis le temps d'Hérode jusqu'au jour où Titus prit et incendia la ville et le Temple, il y eut en tout vingt-huit grands-pontifes et le temps de leurs pontificats fait un total de cent-sept ans. [251] Certains d'entre eux gouvernèrent sous le règne d'Hérode et de son fils Archélaüs ; après la mort de celui-ci, le gouvernement fut aristocratique, mais les grands-pontifes avaient la direction du peuple. En voilà assez sur les grands-pontifes. XI Excès du procurateur Florus. [252] 1. (60) Gessius Florus, envoyé par Néron pour succéder à Albinus, accabla les Juifs de toute sorte de maux. II était né à Clazomènes et avait amené avec lui sa femme Cléopâtre qui, très liée avec Poppée, femme de Néron, et ne valant pas mieux que son mari, lui avait obtenu cette charge. [253] Il se montra si pervers et si violent dans l'exercice de sa puissance qu'en raison de l'excès de leurs maux les juifs célébraient Albinus comme leur bienfaiteur : [254] en effet, celui-là du moins cherchait à cacher sa perversité et s'efforçait de ne pas la découvrir à tout le monde, tandis que Gessius Florus, comme si on l'avait envoyé pour montrer sa méchanceté, faisait parade des illégalités commises contre notre peuple, sans s'interdire la moindre rapine ou le moindre châtiment injuste. [255] Car il était inaccessible à la pitié et d'une insatiable cupidité, au point de ne se distinguer le plus souvent en rien des gens les plus bas et de s'associer aux brigands. Bien des gens exerçaient, en effet, impunément ce métier, parce qu'ils étaient certains que leur sécurité était garantie par leur association avec lui. [256] Il n'y eut plus la moindre modération et les infortunés Juifs, incapables de supporter les exactions commises par les brigands, étaient tous forcés de quitter leurs demeures et de s'enfuir, convaincus qu'ils vivraient mieux dans n'importe quel autre lieu chez des étrangers. [257] Que dire de plus ? Florus fut celui qui nous força à commencer la guerre contre des Romains, parce que nous aimions mieux périr en masse qu'en détail. Effectivement, ce fut la deuxième année du gouvernement de Florus et la douzième du principat de Néron que la guerre commença. [258] Mais tout ce que nous fûmes forcés de faire et tout ce que nous eûmes à supporter peut être exactement connu si l'on veut bien se reporter aux livres que j'ai écrits sur la guerre des Juifs. Conclusion de l'ouvrage.
[259] Je terminerai
donc mes Antiquités Judaïques, après lesquelles j'ai raconté aussi la Guerre.
Elles comprennent les traditions qui vont de la naissance du premier homme
jusqu'à la douzième année du règne de Néron et tout ce qui nous est arrivé à
nous, Juifs, en Égypte, en Syrie et en Palestine, [260] tout ce que nous avons
subi du fait des Assyriens et des Babyloniens, comment les Perses et les
Babyloniens nous ont traités et, après eux, les Romains. Tout, cela, je crois
l'avoir mis en ordre avec une précision absolue. [261] J'ai même essayé de
conserver la liste des grands-pontifes qui se sont succédé pendant ces deux
mille ans. J'ai également marqué sans erreur la liste des rois, en rapportant
leurs actions, leur gouvernement et la puissance des Juges, selon ce que les
Livres Saints nous racontent sur tous; [262] car j'avais promis de le
faire en commençant cette histoire. Et maintenant je dis hardiment, après avoir
achevé ce que je m'étais proposé, que nul autre, Juif ou étranger, n'aurait pu,
même s'il l'avait voulu, présenter avec autant d'exactitude cette histoire au
public grec. [263] En effet, mes compatriotes reconnaissent que je l'emporte de
beaucoup sur eux par ma connaissance des choses nationales, et je me suis
efforcé de posséder les lettres grecques après avoir appris la grammaire
grecque, bien que notre éducation nationale m'ait empêché d'acquérir une
prononciation correcte : [264] chez nous, en effet, on n'honore nullement ceux
qui ont. appris beaucoup de langues étrangères, parce qu'on juge cette étude
accessible non seulement aux gens de naissance libre, mais encore à n'importe
quel esclave, et l'on reconnaît seulement comme savants ceux qui connaissent la
loi de façon précise et peuvent interpréter le sens de l'Ecriture sainte. [265]
C'est pourquoi, alors que beaucoup s'efforcent de s'exercer à cela, deux ou
trois à peine y réussissent et recueillent aussitôt le fruit de leur labeur.
[266] Mais peut-être ferai-je une œuvre qui ne provoquera pas l'envie en
parlant brièvement de ma famille et de ce que j'ai fait pendant mon existence,
tant que vivent encore ceux qui pourraient me réfuter ou témoigner en ma faveur.
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