le de divinatione de Cicéron |
INTRODUCTION
Nul ne peut contester
l'utilité des "recueils" de textes, quelle que soit leur formule
(anthologies couvrant l'ensemble de la littérature latine, extraits d'oeuvres
différentes d'un même auteur, extraits d'une oeuvre unique, ...). Ils sont
cependant porteurs d'un danger, si on n'y prend garde.
Choisir, c'est poser un acte double, à la fois acceptation et refus : j'isole
tel extrait ou tel aspect d'une oeuvre et dans le même mouvement, j'affirme
implicitement que tout le reste mérite de demeurer inexploré (et inexploité).
Très vite, la force de l'habitude, les
commodités matérielles et la valeur de certains travaux transforment le champ
immense des textes en une chaîne de montagnes dont de rares pics vertigineux
(les "pages d'anthologie") attirent seuls l'attention.
Qu'on me comprenne bien : je ne veux
nullement dire que les "recueils" de textes doivent être mis à bas.
Pourquoi, en effet, ne pas user d'ouvrages bien faits, bien présentés, parfois
judicieusement illustrés ? Cependant, ils risquent de jouer, insidieusement et
contre la volonté de leurs auteurs, un rôle sclérosant s'ils finissent par
servir d'intermédiaires exclusifs entre le professeur et les textes.
De surcroît, aucun choix de textes n'est
innocent. Il est inconcevable qu'on puisse délimiter en la matière des
critères indiscutables, "objectifs", susceptibles de faire
l'unanimité. Certes, on pourrait avancer comme un des critères essentiels la
valeur littéraire du texte, mais il suffirait de soumettre ce qu'on entend par
là à un examen socratique pour découvrir bien vite qu'il s'agit d'un fantôme
insaisissable. Au mieux, pourrait-on établir une liste d'auteurs et d'oeuvres
"universellement admirées", mais cette unanimité autour d'un
panthéon intouchable serait sans doute avant tout le signe de l'emprise de la
tradition.
Quoi qu'il en soit, si la valeur
littéraire - en admettant qu'on puisse la préciser - constituait le seul
critère sur lequel fonder un choix, cela signifierait que l'on a opté pour une
"pédagogie de l'admiration" de préférence à une "pédagogie
de la réflexion".
En fait, tout choix est le produit d'une
réflexion polymorphe qui combine des facteurs d'ordres divers (esthétique,
pédagogique, social, politique, moral, ...) et qui tient compte d'ensembles
plus ou moins vastes : leçon, séquence, oeuvre, matière vue ou à voir,
jusque et y compris le savoir supposé de l'élève (ce "savoir" ne se
confondant pas avec les "connaissances" dans la branche concernée).
Bref, le choix résulte d'un compromis entre l'idéologie et les considérations
d'ordre matériel. Faut-il le dire, les "recueils" de textes ne jugent
pas toujours nécessaire de préciser les perspectives générales qui ont
guidé leurs choix.
On en arrive à la conclusion que la "neutralité" n'existe pas, ce
qui en soi n'a rien de particulièrement alarmant. Que le professeur en soit
conscient au moment décisif où il opte pour la lecture de tel ou tel texte ou
l'utilisation de tel ou tel recueil préexistant ne peut que l'amener à
préciser ses objectifs.
Ces quelques réflexions très générales peuvent s'appliquer à n'importe quel
texte destiné à n'importe quel niveau d'étude. J'ai choisi de les appliquer
au de divinatione de CICERON.
1. Qu'est-ce que le de divinatione ?
Le de divinatione est un des derniers
ouvrages philosophiques de Cicéron; on situe sa rédaction au début de 44. Il
se présente comme une suite au de natura deorum et aura lui-même une
suite dans le de fato où l'on retrouve des préoccupations similaires,
mais qui, à cause de son état lacunaire et de sa difficulté, ne se prête
guère à une lecture en classe.
Le de divinatione comporte deux livres qui sont censés contenir une
conversation entre Cicéron et son frère Quintus. En fait, il s'agit plutôt de
deux monologues : Quintus expose ses raisons de croire en la divination (livre
I), Marcus défend la thèse inverse (livre II). De ce fait, la structure est un
peu rigide : les éléments du débat sont en effet dispersés au lieu de
s'affronter pied à pied.
Les arguments en faveur de l'une et l'autre thèse proviennent d'ouvrages grecs
sur la question (Quintus défend l'opinion des stoïciens, Cicéron celle de
l'Académie). Mais les exemples sont tirés le plus souvent de l'histoire
romaine et même de la biographie personnelle des intervenants.
2. Pourquoi choisir le de divinatione ?
Le de divinatione a pour sujet des
croyances de type archaïque, mais dont la survie actuelle ne fait aucun doute,
l'astrologie de nos quotidiens en est la manifestation la plus commune. Elles
témoignent d'une préoccupation intemporelle (qu'est-ce que je (nous) vais
(allons) devenir ?) et d'une volonté de déchiffrement du réel qui n'a eu que
le tort de reposer sur des prémisses fausses (1). Par ailleurs, la croyance en
la divination entretient des rapports étroits avec les conceptions religieuses
et entraîne des considérations sur le rêve et le délire qui ne peuvent
manquer de nous renvoyer à la psychanalyse, bien que les perspectives soient
radicalement différentes (2).
Le second livre du de divinatione est sans doute le plus intéressant :
en effet, si le sujet du traité est, ainsi que je le signale ci-dessus, une
croyance de type archaïque, l'ouvrage de Cicéron contient aussi son contraire,
c'est-à-dire une critique rigoureuse, "moderniste" de la divination.
La construction de l'ouvrage permet également en exploitant des extraits ad
hoc des livres I et II de confronter les opinions sur des faits identiques :
il y a donc là des possibilités de constituer des diptyques pro et contra
tout à fait stimulants pour l'esprit critique.
Se pose également la problématique du rite et de la croyance personnelle, avec
des points de vue pour nous fort étonnants.
Enfin, on peut signaler que par la force des choses, le de divinatione
constitue un réservoir d'anecdotes curieuses dont certaines sont assez
divertissantes.
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(1) voir à ce sujet P. THUILLIER, Le temps
des astrologues dans l'Histoire nE 55 (avr. 83), p. 47 : "Si
l'astrologie a contribué à préparer la science moderne, (...) c'est parce
qu'elle substituait à un univers gouverné par l'arbitraire un univers
structuré, où tout se tenait et qu'il était possible d'étudier
méthodiquement (...)
L'astrologie était donc une "fausse science" - tant qu'on voudra.
Mais le mot science lui-même ici est important : il désigne le projet
d'une connaissance efficace, mettant en oeuvre des lois générales et
permettant aux hommes de "contrôler" leur destinée."
(2) La divination cherche dans le rêve un message concernant l'avenir; la
psychanalyse est à la recherche du passé de l'individu.
3. Le résumé
Cela va de soi, tout commence par la lecture (ou la relecture) du texte. Il est avantageux, dans un premier temps de procéder à une lecture "plane", c'est-à-dire sans chercher immédiatement les points forts et les passages "exploitables". A cette occasion, un inventaire détaillé du contenu de l'ouvrage a été établi, sans écarter les passages dont, à première vue, l'intérêt est faible.
Ce document permet :
1) des relectures rapides;
2) des mises en rapport multiples entre des
passages non contigus (c'est d'autant plus efficace dans le cas du de
divinatione que les arguments avancés au livre I sont combattus au livre
II);
3) le repérage d'un nombre limité d'extraits privilégiés;
4) le repérage de passages intéressants à soumettre à la classe en
traduction;
5) la possibilité de repenser le choix des extraits au gré des circonstances
en faisant l'économie d'une relecture intégrale.
CICERON, de divinatione, livre I (résumé)
1. la divination est une pratique universelle -
son nom grec (mantiké) et latin (divinatio) - supériorité du
mot latin - astrologues assyriens et égyptiens - en Asie, observation des
oiseaux - oracles
2. Romulus - art augural - haruspicine - le délire et le rêve permettent de
lire l'avenir - les livres sibyllins
3. les Romains ont adopté la divination par empirisme - les philosophes l'ont
théorisée - opinions diverses (de l'acceptation totale au rejet total) - les
Stoïciens acceptent la divination (mais, Panétius la considère comme
douteuse)
4. Cicéron décide d'examiner la question
5. entretien de Marcus et Quintus sur la question - Quintus estime qu'il y a une
lacune dans le de natura deorum - si la divination existe, il y a des
dieux; s'il y a des dieux, il y a des devins
6. pour Marcus, ces deux propositions ne sont pas nécessairement vraies -
Quintus s'apprête à donner son avis - deux sortes de divination :
1)
technique : auspices, haruspicine;
2)
naturelle (rêves)
7. validité des constatations d'expérience (comparaison avec la médecine et
la météorologie)
8. les oiseaux annoncent le temps qu'il va faire
9. il y a des signes dans la nature - il est vain d'en chercher le comment, mais
cela est
10. il en va de même pour la divination (consultation des entrailles des
victimes)
11. extrait du de consultatu suo : présages sinistres sous le consulat
de Cicéron
12. suite - allusion à la louve du Capitole frappée par la foudre
13. suite et fin - le hasard peut jouer un rôle, mais la divination est trop
précise pour être due au hasard
14. les événements prédits n'arrivent pas toujours, mais toutes les sciences
sont faillibles
15. Deiotarus, respectueux des auspices - valeur morale des auspices - mauvais
usage du tripudium
16. désaffection des auspices
17. le lituus - Attus Navius : la plus belle grappe du vignoble; la
pierre coupée à la demande de Tarquin - Tib. Gracchus néglige la prise des
auspices
18. reprise de la distinction divination technique / divination naturelle -
oracles par inspiration et par sortes - la divination par les rêves est obscure
: "la divinité n'a pas voulu que je fusse instruit des moyens qu'elle
emploie, mais seulement que je misse à profit ses avertissements" - Tib.
Gracchus et les deux serpents
19. Quintus feint de rejeter les divinations "barbares" pour mieux
exalter la divination grecque (oracle de Delphes)
20. rêves divers (Denys de Syracuse; Rhea Silvia)
21. suite (Hécube, Enée), mais Quintus reconnaît que ce sont là des
légendes
22. suite (Tarquin)
23. suite (Phalaris, Cyrus) - prophétie de la mort d'Alexandre par un sage
indien - annonce par les mages de la naissance d'un conquérant (Alexandre)
24. Hannibal détourné d'un vol par un rêve - rêve d'Hannibal au début de la
2e guerre Punique - Hamilcar rêve que le lendemain, il dînera dans Syracuse
assiégée, mais ce sera en prisonnier - rêve d'une mort glorieuse
25. rêves de Socrate, de Xénophon; Eudème de Chypre rêve de sa propre
guérison et de la mort du tyran de Phères (qui se réalisent) et de son retour
futur dans sa patrie (en fait, sa mort = retour de l'âme dans sa patrie
céleste); Sophocle a en rêve la révélation du nom d'un voleur
26. un paysan rêve que les jeux n'ont pas été correctement accomplis
27. Simonide averti du danger d'un voyage en mer; les deux voyageurs de Mégare
28. songe personnel de Quintus et évocation d'un songe de Marcus (lors de son
départ pour l'exil)
29. les songes mentent parfois - peut-être est-ce nous qui ne savons pas les
interpréter - même si certains mentent, le fait que beaucoup disent la
vérité suffit - les trois âmes et le rêve (formulation d'une théorie de
l'inconscient d'origine platonicienne)
30. lucidité des mourants - théorie de la lucidité des rêveurs
31. les délire divinatoire (Cassandre)
32. prophétie d'un rameur concernant les événements de Dyrrachium après
Pharsale (M. Cicéron témoin) - un seul cas sûr de divination permet
d'établir que la divination existe
33. forme scientifique et raisonnée de la divination - traités -
interprétation de signes fortuits (Calchas, Sylla, Denys)
34. armes qui s'entrechoquent dans un temple, statue suante, portes qui
s'ouvrent seules, chant de coq, statue couronnée d'herbes épineuses,
disparition d'étoiles, oracle perturbé par un singe: présages de la défaite
de Leuctres
35. C. Flaminius ne tient pas compte des signes défavorables
36. présage concernant des enfants (Midas, Platon, Roscius)
37. présence chez l'homme d'une force "divine" (délire poétique,
émotion) - hallucination envoyée par les dieux (les Gaulois à Delphes)
38. certains malades ont dans l'âme quelque chose de divin qui leur permet de
voir l'avenir - position des Stoïciens sur la divination : si les dieux
existent et s'ils ne révèlent pas l'avenir, cela implique que ...; or, c'est
en contradiction avec la nature des dieux; donc, s'il y a des dieux, ils
annoncent l'avenir; s'ils annoncent l'avenir, c'est pour être compris; donc, il
y a une divination
39. nous ne savons pas comment fonctionne la divination, mais elle existe
40. de nombreux personnages éminents pratiquent la divination
41. exemples étrangers (Gaule, Perse, Asie Mineure, Grèce, Syrie, Etrurie)
42. chaque milieu détermine la forme de divination qui lui convient (astres,
lecture des entrailles, ...)
43. la divination et l'Etat : exemples grecs et romains - accord entre les
haruspices et les livres sibyllins
44. présages sinistres pendant la guerre contre les Marses - la prise de Véies
liée au niveau du lac d'Albe
45. avertissements envoyés par les dieux - importance des formules, des noms,
...
46. Paul Emile et sa petite fille - une femme cède la place à sa nièce;
celle-ci épouse peu après son oncle devenu veuf
47. annonce des troubles civils sous le consulat de Cicéron - scepticisme que
suscitent les auspices - dans son poème sur Marius, Cicéron accorde foi aux
prodiges
48. Romulus et Rémus prennent les auspices
49. la divination scientifique repose sur l'expérience - l'âme humaine est de
nature divine, elle peut donc pressentir l'avenir - certains prévoient l'avenir
par la force de leur raisonnement (mais ce ne sont pas des devins) :
scientifiques, Solon, Thalès
50. autres exemples de prédictions "raisonnées", mais il y a
divination quand l'âme est détachée du corps (délire,rêve)
51. le rêve, source de connaissance de l'avenir - existence d'une providence
divine
52. les Stoïciens ne pensent pas que la sollicitude divine se manifeste dans
les entrailles des victimes; mais l'âme divine qui guide le monde peut modifier
l'organisme de la victime au moment de l'immolation (ex. : victimes aux organes
manquants ou incomplets, annonçant la mort de César)
53. la même intervention peut jouer à propos des oiseaux - la pureté de
l'âme peut mener à la voyance
54. exemple de Socrate
55. sources d'erreurs - l'avenir est connaissable, puisque le devenir est régi
par des lois
56. mais seul un dieu peut prévoir l'avenir sans jamais se tromper - les devins
voient à l'aide de signes présents ce qui est dans un autre temps
57. l'âme détachée du corps peut voir l'avenir - l'observation des faits peut
mener à la prédiction
58. Quintus se méfie des charlatans
livre II
1. Cicéron fait l'inventaire de ses ouvrages
philosophiques
2. éloge des ouvrages philosophiques - Cicéron a été "contraint"
à la philosophie par les circonstances - pour lui, la philosophie est un moyen
de continuer à servir l'Etat
3. reprise du fil de l'entretien - Cicéron dit qu'il va combattre les idées de
son frère, mais que ses doutes sont importants - la divination ne s'applique à
rien qui soit connu par les sens, à rien qui fasse l'objet d'une science ou
d'une technique
4. la divination ne porte pas sur la morale - la divination n'est d'aucun
secours pour les problèmes de logique, de physique ou de théorie politique -
à quoi s'applique la divination? il faut qu'elle ait un usage universel ou un
objet particulier - ce n'est pas le cas, donc la divination n'existe pas
5. la divination est la connaissance anticipée des événements qui sont du
domaine du pur hasard
6. comment peut-on faire confiance aux devins, alors que les techniciens se
trompent parfois? - comment peut-on prévoir un événement sans cause et sans
signe annonciateur ?
7. ex. : découverte d'un trésor, héritage, ... - et si de tels événements
ont une cause, c'est qu'il n'y a pas de hasard - mais, alors, la définition de
la divination n'est pas bonne
8. si tout est prévu par le destin, la divination ne sert à rien; s'il y a
destin, les avertissements sont inutiles
9. la connaissance de l'avenir est inutile (elle nous empoisonnerait
l'existence) : exemples de Crassus, Pompée, César
10. il est illogique que des actes de piété puissent empêcher des
catastrophes arrêtées par le destin
11. Marcus reprend la distinction divination technique / divination naturelle -
rappel des arguments de Quintus - Marcus met en doute les faits avancés par
Quintus
12. il faut maintenir l'usage de l'haruspicine pour des raisons
socio-politiques, mais Marcus n'y croit pas - sur quoi reposent les observations
des haruspices ? - arbitraire des principes de l'haruspicine - divergences dans
les démarches de divination selon les peuples - quels sont les liens qui
existent entre la marche du monde et l'organe d'un animal ?
13. si les organes des animaux annoncent l'avenir, il faudrait qu'au même
moment, ils soient pareils chez tous les individus - critique de l'annonce d'un
tremblement de terre par l'eau d'un puits
14. rien dans les règles des haruspices ne peut être le fruit de l'observation
- il existe une harmonie naturelle, mais il faudrait démontrer que la fissure
d'un foie d'animal et la découverte d'un trésor en fassent partie
15. admettons que ce rapport existe, il faudrait encore qu'on immole la bonne
victime - réponse des partisans de la divination : la providence nous guide
vers la victime qui convient ou le changement intervient au moment du sacrifice
- réfutation de ces objections - un second sacrifice contredit parfois le
premier
16. critique de l'anecdote du taureau sans coeur immolé par César
17. comment expliquer qu'un sacrifice offert par un dieu soit refusé par un
autre ? - l'existence des dieux n'est pas liée à la divination
18. prodiges et fulgurations - un éclair à gauche est un signe favorable sauf
pour les comices
19. théorie stoïcienne du tonnerre - pourquoi le tonnerre serait-il un signe
de l'avenir ? - pourquoi tous ces tonnerres qui se produisent sur des terres
désertes ou dans des pays où les hommes n'y attachent aucune importance
20. rappel de faits évoqués par Quintus : la tête dans le Tibre, présages de
63 (Marcus glisse sur l'exploitation qu'il fait des prodiges dans le de
consultatu suo - critique de l'idée de Quintus selon laquelle les faits
suffisent, même s'il n'y a pas d'explication
21. la vertu curative des plantes a été contrôlée - les prodiges par leur
caractère unique empêchent toute explication de ce genre - le hasard peut
ressembler à la vérité
22. tout ce qui arrive (même rarement) est possible - un fait insolite
n'apparaît comme un prodige que parce que nous ne le comprenons pas
23. origine de l'haruspicine : légende de Tagès - absurdité de la tradition
24. Caton et les haruspices - leurs prédictions sont parfois démenties par les
faits - quand elles concordent, n'est-ce pas le fruit du hasard ? - Hannibal et
Prusias (excellente anecdote) - César a passé outre aux recommandations des
haruspices et a réussi - exemples de prédictions erronées lors des
événements récents
25. les avertissements divins servent-ils à quelque chose ? - pourquoi les
dieux nous donnent-ils des avertissements que nous comprenons si difficilement ?
- pourquoi nous avertissent-ils de catastrophes inévitables?
26. critique de l'anecdote des coqs de Lebadia (1, 34)
27. fleuves de sang et statues suantes : phénomènes naturels auxquels on est
plus sensible en période troublée - Cicéron aurait pu tirer des prévisions
du fait que des souris ont rongé ses livres
28. la naissance d'un monstre est naturelle, puisqu'elle est - id. pour d'autres
phénomènes - le verrou et le serpent (excellent !)
29. critique de l'anecdote des serpents de Gracchus
30. caractère arbitraire de l'interprétation des prodiges
31. les "prodiges" ne sont pas toujours "prodigieux" -
explication rationnelle de certains d'entre eux - le prodige fait souvent
l'objet d'une interprétation après coup
32. explication rationnelle de prodiges - silence étonnant depuis leur
première et unique manifestation d'Aïus Loquens et Junon Moneta
33. auspices et sorts - Cicéron est augure, mais ne croit pas à la divination
de l'avenir - Romulus y croyait, donc, il est normal que la pratique continue;
quant à la croyance, ... - P. Claudius et L. Junius n'auraient pas dû passer
outre aux auspices pour des raisons sociales - mais Paul Emile a été battu à
Cannes, après avoir respecté les auspices
34. description d'une prise d'auspices par les poulets sacrés
35. critique de l'usage du tripudium - "je crois que le droit
augural s'est constitué à l'origine parce qu'on avait foi dans la divination
et qu'il s'est maintenu, conservé ensuite par la raison d'Etat"
36. divergences entre les auspices romains et étrangers - les auspices sont
tombés en désuétude en cas de guerre lointaine (les promagistrats n'avaient
pas le ius auspiciorum) - M. Marcellus néglige les présages fournis par
les fers de lance - comment contourner l'auspice d'attelage (deux bêtes qui
défèquent en même temps) : les atteler séparément - mais c'est là refuser
l'avertissement divin
37. Deiotarus choisissant Pompée : il a eu raison, mais ça n'a rien à voir
avec les auspices
38. rejet des fables - d'où vient le savoir augural ?
39. le fait que la divination est très répandue ne prouve rien : l'ignorance
l'est aussi - les lectures de présages se contredisent (la gauche et la droite
n'ont pas la même signification pour tout le monde)
40. comment guider sa vie si tout peut être signe ?
41. la divination par les sorts - origine du sanctuaire de la Fortune à
Préneste - rejet des superstitions qui y sont liées
42. l'astrologie
43. pourquoi les astres commanderaient-ils à la vie humaine ? - des jumeaux
n'ont pas la même vie
44. les Chaldéens considèrent que ceux qui sont nés au même moment
connaissent le même destin, mais ils ne tiennent pas compte de la latitude
45. les conditions météorologiques au moment de la naissance et l'hérédité
influencent plus que les astres - tous les enfants nés au même moment n'ont
pas le même destin
46. certains se débarrassent de défauts physiques avec le temps; ce serait
impossible si c'était les astres qui les avaient rendus tels
47. il faudrait supposer que ceux qui connaissent le même sort sont nés en
même temps (ex.: ceux qui sont morts à Cannes, ceux qui manifestent les mêmes
dons, ...)
48. Quintus reprend brièvement la parole pour reconnaître qu'il est d'accord
avec Marcus dans sa critique du stoïcisme - il réaffirme qu'il croit à la
divination naturelle
49. rappel des arguments des stoïciens sur les dieux et la divination
50. reprise des prémisses du raisonnement qui permet aux stoïciens de conclure
que la divination existe - toutes sont sujettes à discussions
51. suite
52. position de Cratippe : une seule prédiction peut établir l'existence de la
divination
53. Cratippe compare la vue au songe (si les yeux ont vu une fois, c'est que la
vue existe; si le songe dit vrai une fois, ...) - mais la vérité d'un songe
peut être due au hasard - beaucoup se sont vérifiés, mais beaucoup sont faux
; donc, c'est le hasard qui règne en maître - pourquoi appliquer ce
raisonnement uniquement aux songes ? il pourrait justifier aussi l'haruspicine,
...
54. pourquoi des gens privés de raison verraient-ils plus clair que les sages ?
- les livres sibyllins (allusion à l'oracle qui disait qu'un roi serait le
vainqueur des Parthes) - tricherie des oracles (pas de précision de date,
obscurité, ...) - la forme indique qu'il ne s'agit pas d'un délire
55. rejet de la légende (Cassandre) - refus d'interpréter les paroles
"prophétiques" du rameur de Dyrrachium comme autre chose que
l'expression d'une peur
56. l'oracle de Delphes - la valeur des prédictions est très diverse (fausses,
vraies, obscures, ambiguës) - Cicéron met en doute la vérité historique de
ces oracles - amphibologie d'un oracle formulé à la prop. inf. - qui aurait
été assez sot pour ne pas voir le piège ?
57. l'oracle de Delphes ne donne plus de réponses satisfaisantes - critique de
l'opinion des Stoïciens à ce sujet - l'oracle de Delphes complice de Philippe
58. les songes - critique des idées de Quintus sur l'âme - Cicéron feint
d'accepter ces idées, mais ne voit pas pourquoi les visions oniriques seraient
vraies
59. les rêves peuvent dire vrai par hasard - les rêves ne permettent pas de
résoudre des problèmes logiques, scientifiques, littéraires; donc, il n' y a
pas de raison qu'ils apportent des lumières dans d'autres domaines - critique
de l'incubatio
60. les songes n'ont pas d'origine divine - les dieux n'utiliseraient pas un
pareil moyen, puisque beaucoup d'hommes n'en tiennent pas compte ou ne s'en
souviennent pas
61. pourquoi les dieux ne nous envoient-il pas des visions pendant la veille ? -
pourquoi les dieux utilisent-ils un langage obscur ?
62. tous les rêves ne sont pas vrais - Ennius prétend qu'il suffit que
certains le soient - mais comment distinguer les vrais des faux ? - d'où
viennent les faux ? - les dieux nous trompent-ils ? - les rêves viennent de
l'homme
63. reprise des deux conceptions des rêves (humaine / divine) - les
interprètes des songes ne sont pas des gens compétents
64. pourquoi les dieux ont-ils besoin d'un interprète ? - pourquoi des conseils
obscurs ?
65. anecdote : un homme rêve d'un oeuf suspendu à son lit; un devin lui dit
qu'un trésor est caché sous son lit - critique
66. rappel des rêves cités par Quintus - Marcus en ajoute un autre (Alexandre
guérit Ptolémée) - sommes-nous assurés que les faits sont vrais ? -
occupons-nous des rêves que nous avons faits personnellement
67. explication rationnelle du rêve fait par Cicéron à Atina
68. les rêves qu'a cités Quintus (ceux que son frère et lui-même ont faits)
ne sont remarquables que parce qu'il y a eu coïncidence entre les faits et la
réalité - il y a beaucoup de sommeils sans rêves (même dans des
circonstances graves où on attendrait le conseil des dieux)
69. les médecins peuvent utiliser certains songes parce qu'il y a un lien entre
la vision et la nature (le corps), mais il en va tout autrement pour la plupart
des rêves
7O. interprétations contradictoires des rêves
71. une longue observation a-t-elle pu nous apporter des connaissances ? - on ne
peut observer les rêves : ils sont trop nombreux et trop confus - s'ils mentent
parfois, comment leur faire confiance ? rejet de la croyance en une divination
par les rêves
72. Cicéron se défend de vouloir abolir la religion - elle doit être
maintenue pour des raisons sociales - l'ordre du monde implique qu'il y ait des
dieux
4. Les extraits choisis
1. 1, 15 (26) : Prévenu par un signe,
Dejotarus échappe à la mort en ne logeant pas à l'endroit prévu (voir 7).
2. 1, 22 (68 - 69) : Pendant la guerre civile, un rameur annonce des
événements qui se réaliseront (voir 12).
3. 1, 35 (77) : En négligeant les présages défavorables, Flaminius a couru au
désastre. (Ce texte comporte trois présages; il est parfaitement possible d'en
éliminer un, sans nuire à la cohésion ou à l'intérêt.)
4. 1, 38 (82 - 83) : La divination existe (argumentation stoïcienne).
5. 1, 39 (85 - 86) : La divination est un fait confirmé par l'expérience,
même si nous ne parvenons pas à en comprendre le fonctionnement.
6. 1, 46 (103 - 104) : Deux présages en paroles. (Les deux anecdotes peuvent
être lues séparément.)
7. 2, 8 (20) : Le destin et la divination s'excluent (voir 1 et 3).
8. 2, 12 (28): La divination repose sur des bases incertaines; l'interprétation
des mêmes signes varie d'un peuple à l'autre.
9. 2, 28 (61 - 62) : Il n'y a pas de prodiges.
10. 2, 33 (70 - 71) : L'art augural est une survivance d'un temps d'ignorance,
mais la pratique doit en être maintenue.
11. 2, 40 (83 - 84) : Nous ne pouvons pas vivre en considérant que tout peut
être signe (voir 6).
12. 2, 55 (114) : Explication rationnelle de la prophétie du rameur (voir 2).
13. 2, 56 (115 - 116) : Critique d'histoires d'oracles.
14. 2, 62 (127 - 128) : Comment savoir quels sont les rêves signifiants ?
Explication du mécanisme des rêves.
15. 2, 65 (134) : Interprétation d'un rêve; incohérence de l'anecdote.
Remarque :
L'exploitation des "diptyques" pose un problème méthodologique.
Risquons une définition : un diptyque est constitué (dans le cas qui nous
occupe) de deux extraits qui ont en commun leur contenu informatif et qui se
distinguent par l'argumentation qui en est tirée.
En présence des diptyques ici suggérés, le professeur peut faire une série
de choix; chacun d'entre eux entraîne une démarche spécifique dans la
présentation et l'exploitation du ou des texte(s).
a) Il opte pour la lecture d'un des extraits sans faire référence à
l'autre; l'extrait choisi est exploité comme une entité se suffisant à
elle-même.
b) Il opte pour la lecture des deux extraits; les élèves découvrent donc tous
les éléments du "dossier"; l'information acquise lors de la
découverte du premier "panneau" est exploitée tout naturellement
lors de la lecture du second; les arguments pour et contre sont débattus et
critiqués.
c) Il opte pour la lecture d'un des deux extraits (appelons-le A), mais il
souhaite exploiter l'autre (B) dans le commentaire. La question essentielle est
de savoir dans quelle mesure le contenu informatif de B est indispensable à la
compréhension de A. Si oui, B (en traduction) est communiqué aux élèves
avant le travail sur A pour son contenu informatif; quand A aura été compris,
B sera à nouveau mis à contribution pour son argumentation.
On peut également envisager, si les circonstances s'y prêtent, de communiquer
en début de travail les informations de B sous forme synthétique (et non
littérale) et de ne fournir B dans sa version originale qu'au moment de son
exploitation dans le commentaire.
Les fiches de travail ci-après sont organisées en vue de l'option c). Il ne
faudrait pas en déduire qu'elle est préférable aux autres. Les professeurs
qui envisageraient l'utilisation de ces documents les réorganiseront en
fonction de leurs choix personnels.
Le choix des extraits ci-dessus mérite d'être explicité. Il est articulé autour de deux axes principaux : l'un de l'ordre de la réflexion, l'autre de celui de l'anecdote (étant entendu que les deux domaines ne sont pas étanches; voir tableau ci-dessous).
Certains extraits présentent des réflexions serrées, abstraites, sur la question; l'argumentation est solidement charpentée, l' enchaînement rigoureux.
Les anecdotes sont peu connues ou concernent souvent des personnages de second plan, voire anonymes. Cela permet de sortir quelque peu de la galerie des héros habituels, sans pour autant devoir dispenser une information érudite surabondante (au fond, il n'est pas très important de savoir exactement qui est Déjotarus). Le recours à de telles anecdotes permet aussi de concentrer l'attention sur les faits, sans effet de brouillage provoqué par des connaissances ou des références extérieures : une anecdote concernant César, par ex., implique presque inévitablement des considérations historiques (est-ce vrai ? quelle est notre source ?) et idéologiques (dans quelle perspective doit-elle être située ?). Cependant, il est clair que ces "historiettes" entraînent automatiquement des réflexions, soit qu'elles figurent explicitement dans l'extrait choisi, soit qu'elles doivent être élaborées par le lecteur.