le de divinatione de Cicéron |
ANNEXES
On trouvera sous cette rubrique quelques textes et références qui pourront être utilisés avec profit au cas où le professeur choisirait d'aborder en classe les questions soulevées dans le présent travail.
1. THÉOPHRASTE, Car., 16 (Le superstitieux)
Il s'agit d'une description caricaturale de l'attitude évoquée par Cicéron en 2, 40 (extrait 11). Son exploitation en classe ne peut se faire qu'en éliminant les gestes devenus pour nous sans signification.
La superstition est, à ce qu'il me semble, un sentiment de crainte à l'égard de la puissance divine. Et voici quelle sorte d'homme est le superstitieux. Le jour de la fête des Choès, s'étant purifié les mains et aspergé d'eau lustrale, il sort du temple avec une branche d'olivier dans la bouche et se promène toute la journée en cet état. Qu'une belette ait traversé la route : il ne bouge plus, avant d'avoir vu passer une autre personne ou d'avoir lancé trois cailloux par-dessus le chemin qu'a suivi l'animal. A-t-il aperçu dans sa maison un serpent : si c'est un serpent joufflu, il invoque Sabazios ; si c'est un serpent sacré, il élève immédiatement à l'endroit même un hérôon. Quand il passe devant des pierres ointes que l'on voit dans les carrefours, il y verse toute l'huile de sa fiole et ne s'éloigne qu'après les avoir adorées à genoux. Un de ses sacs à farine a-t-il été rongé par une souris : il s'adresse à l'exégète, pour savoir que faire ; et, si l'exégète répond d'y faire mettre une pièce par le corroyeur, il ne se rend pas à cet avis et va en le quittant offrir un sacrifice expiatoire. Il est homme à faire sans cesse purifier sa maison, prétendant qu'elle est hantée par Hécate. S'il a entendu sur son chemin le cri d'une chouette, il s'émeut et ne poursuit sa marche qu'après avoir prononcé la formule : "Athèna est plus forte !" Il évite de marcher sur une tombe, d'approcher d'un mort ou d'une femme en couches : "il tient beaucoup", dit-il, "à ne pas se charger d'une souillure." Tous les quatrième et vingt-quatrième jours du mois, après avoir donné ordre à ses gens de préparer du vin chaud, il sort pour acheter des branches de myrte, de l'encens, des gâteaux sacrés, puis, une fois rentré chez lui, passe tout le jour à couronner les images d'Hermaphrodite. Lorsqu'il a fait un rêve, il se rend chez les interprètes des songes, chez les devins, chez les augures, pour apprendre d'eux quel dieu ou quelle déesse il doit invoquer. Chaque mois, pour renouveler son initiation, il va trouver les prêtres orphiques, en compagnie de sa femme (ou, si elle n'est pas libre, de la nourrice) et de ses enfants. Il est de ces gens qu'on voit, sur le bord de la mer, se livrer minutieusement à des ablutions. Aperçoit-il quelqu'un de ces hommes porteurs d'une couronne d'ail qu'on rencontre dans les carrefours ; il rentre chez lui, s'inonde de la tête aux pieds, fait venir les prêtresses et leur demande de le purifier avec un oignon marin ou avec le cadavre d'un jeune chien, portés en cercle autour de lui. A la vue d'un aliéné ou d'un épileptique, il est pris de frisson et crache dans le pli de son vêtement.
2. CICÉRON, de natura deorum
Le de natura deorum, le de divinatione et le de fato forment une trilogie sur des thèmes communs ou connexes. Il est fatal que les mêmes préoccupations s'y manifestent. Les extraits ci-après peuvent être mis en rapport avec des extraits du de divinatione.
(Velleius l'épicurien s'adresse à Balbus, le stoïcien.)
Hinc vobis exstitit primum illa fatalis necessitas quam heimarmenen dicitis ut, quicquid accidat, id ex aeterna veritate, causarumque continuatione fluxisse dicatis. Quam autem haec philosophia aestimanda est cui, tamquam aniculis, et iis quidem indoctis, fato fieri videantur omnia ? Sequitur mantike vestra, quae latine divinatio dicitur : qua tanta imbueremur superstitione, si vos audire vellemus, ut haruspices, augures, harioli, vates et coniectores nobis essent colendi. 1,20
De là votre destin, votre fatalité que vous appelez heimarmenen, selon laquelle vous prétendez que, quoi qu'il arrive, cela s'est produit suivant une vérité fixée de toute éternité et par enchaînement des causes. Peut-on estimer une philosophie qui nous dit, comme les vieilles, et ajoutons, comme les vieilles ignorantes que tout arrive par arrêt du destin ? De là encore, votre mantike, qu'on appelle en latin "divination". A vous en croire, nous deviendrions superstitieux jusqu'à révérer les haruspices,les augures, les voyants, les devins, les prophètes
(C'est Balbus qui a la parole.)
Praedictiones vero, et praesensiones rerum futurarum quid aliud declarant, nisi hominibus ea quae sint ostendi, monstrari, portendi, praedici ? Ex quo illa ostenta, monstra, portenta, prodigia dicuntur. Quod si ea ficta credimus licentia fabularum, Mopsum, Tiresiam, Amphiaraum, Calchantem, Helenum quos tamen augures ne ipsae quidem fabulae adscivissent, si res omnino repudiarunt : ne domesticis quidem exemplis docti, numen deorum comprobabimus ? Nihil nos P. Claudii, bello punico primo, temeritas movebit ? Qui etiam per iocum deos irridens, cum cavea liberati pulli non pascerentur, mergi eos in aquam iussit, ut biberent, quoniam esse nollent. Qui risus, classe devincta, multas ipsi lacrimas, magnam populo Romano cladem attulit. Quid ? collega eius Iunius eodem bello nonne tempestate classem amisit, cum auspiciis non paruisset ? Itaque Claudius a populo condemnatus est; Iunius necem sibi ipse conscivit. C.Flaminium Coelius religione neglecta cecidisse apud Trasimenum scribit cum magno reipublicae vulnere. Quorum exitio intelligi potest, eorum imperiis rempublicam amplificatam, qui religionibus paruissent. Et, si conferre volumus nostra cum externis, ceteris rebus aut pares, aut etiam inferiores reperiemur; religione, id est, cultu deorum multo superiores. 2,3
Ces prédictions et ces pressentiments des choses futures, que démontrent-ils si ce n'est que l'avenir est montré, révélé, annoncé, prédit au genre humain ? De là les noms de ces phénomènes (ostentum, monstrum, portentum, prodigium). Même si nous pensons que tout cela a été imaginé par la fantaisie des légendes, les Mopsos, Tirésias, Amphiaraos, Calchas, Helenos que, soit dit en passant, les légendes elles-mêmes n'auraient pas considéré comme des devins, si elles avaient complètement rejeté la réalité de leur existence, irons-nous jusqu'à nier la puissance des dieux, instruits comme nous le sommes par des exemples nationaux ? Quoi ! ne serions-nous pas frappés de ce qui arriva dans la première guerre punique à P. Claudius qui, voyant que les poulets sacrés qu'on avait tirés de leur cage, ne mangeaient pas, les fit plonger dans l'eau par dérision envers les dieux et dit : "Qu'ils boivent donc, puisqu'ils ne veulent pas manger." Plaisanterie qui coûta cher au peuple romain et que Claudius paya de ses larmes, quand il vit sa flotte vaincue. Junius, son collègue, ne perdit-il pas ses vaisseaux par une tempête dans la même guerre pour avoir mis à la voile malgré les auspices ? Aussi le premier fut-il condamné par le peuple, l'autre se donna-t-il lui-même la mort. Coelius nous apprend que C. Flaminius tomba près du lac Trasimène, causant ainsi un énorme dommage à l'Etat, parce qu'il avait méprisé les auspices. Tous ces événements sinistres font assez voir que Rome doit sa grandeur à ceux qui ont respecté la religion. Et lorsqu'on voudra comparer le peuple romain avec les autres peuples, on verra que si les étrangers nous ont égalés ou même surpassés en plusieurs choses, ce qui nous élève au-dessus d'eux, c'est notre respect pour les dieux.
Multa ex sibyllinis vaticinationibus, multa ex haruspicum responsis commemorare possum quibus ea confirmentur quae dubia nemini debent esse. (...) Magna augurum auctoritas. Quid ? haruspicum ars nonne divina ? Haec innumerabilia ex eodem genere qui videat, nonne cogatur confiteri deos esse ? Quorum enim interpretes sunt eos ipsos esse certe necesse est. Deorum autem interpretes sunt: deos igitur esse fateamur. At fortasse non omnia eveniunt quae praedicta sunt. Ne aegri quidem quia non omnes convaslescunt, idcirco ars nulla medicina est. Signa ostenduntur a diis rerum futurarum. In his si qui erraverunt, non deorum natura, sed hominum coniectura peccavit. 2, 4
Prédictions de sibylles, réponses d'haruspices, je pourrais faire là-dessus mille récits qui prouveraient des choses dont personne ne doit douter. (...) Voilà les augures dans un grand crédit. Et l'art des haruspices n'est-il pas divin? Celui qui constaterait en grand nombre ces faits du même ordre ne serait-il pas forcé de reconnaître qu'il y a des dieux ? Car les dieux existent, s'ils ont des interprètes; or, ils en ont; ils existent par conséquent. On dira que les prédictions ne s'accomplissent pas toujours. Parce que tous les malades ne guérissent pas, en conclura-t-on que l'art de la médecine est nul ? Ce qui regarde les dieux, c'est de marquer l'avenir par des signes; mais si on se trompe à ces signes, ce n'est la nature des dieux, mais l'analyse des hommes qui en est responsable.
Illud vero, quod uterque vestrum fortasse arripiet ad reprehendeum : Cotta quia Carneades libenter in stoicos invehebatur; Velleius, quia nihil tam irridet Epicurus quam praedictionem rerum futurarum : mihi videtur vel maxime confirmare, deorum providentia consuli rebus humanis. Est enim profecto divinatio, quae multis locis, rebus, temporibus apparet, tum in privatis, tum maxime in publicis. Multa cernunt haruspices, multa augures provident; multa oraculis declarantur, multa vaticinationibus, multa somniis, multa portentis : quibus cognitis, multae saepe res hominum sententia atque utilitate partae, multa etiam pericula depulsa sunt. Haec igitur sive vis, sive ars, sive natura, ad scientiam rerum futurarum homini profecto est nec aliicui quam a diis immortalibus data. 2, 65
Ici, je m'attends à vous avoir tous deux pour adversaires, toi, Cotta, parce Carnéade s'élevait volontiers contre les stoïciens, toi, Velleius, parce qu'il n'est rien dont Epicure se moque autant que de la divination. En effet, la divination se fait connaître en beaucoup de lieux, de circonstances, d'époques dans les affaires privées, et surtout dans les affaires publiques. Les haruspices discernent bien des choses; des faits nombreux sont annoncés par les oracles, les vaticinations, les songes, les prodiges : par la connaissance de tous ces signes, les humains ont souvent fait naître des événements conformes à leur désirs et à leur intérêt, ou même écarté un grand nombre de dangers. Que la divination soit délire, technique ou faculté naturelle, les dieux immortels en ont fait don à l'homme, et à l'homme seul, pour connaître l'avenir.
Quod quidem intelligitur etiam significationibus rerum futurarum, quae tum dormientibus, tum vigilantibus portenduntur. Multa praeterea ostentis, multa in extis admonemur, multisque rebus aliis : quas diuturnus usus ita notavit ut artem divinationis efficeret. Nemo igitur vir magnus sine aliquo afflatu divino unquam fuit. 2, 66
On le voit par les pressentiments qui nous viennent de leur part, ou en songe, ou quand nous veillons. Ajoutons quel avenir se manifeste souvent à nous par les entrailles des victimes, par les présages et de beaucoup d'autres manières, qui ont été observées longtemps avec tant d'exactitude qu'il s'en est fait un art de deviner. Jamais grand homme ne fut sans quelque inspiration divine.
(d'après la traduction Garnier qui a dû être revue sur bien des points)
3. SÉNÈQUE, Questions naturelles, 2, 32 - 39
Dans le 2e livre des Questions naturelles, Sénèque aborde le problème de la foudre et du tonnerre ; il examine la question de la divination par la foudre. Le texte est trop long pour être cité ici ; aussi trouvera-t-on ci-dessous un résumé de son contenu.
32 - la foudre annonce l'avenir - comparaison
des opinions romaine et étrusque sur la question - la foudre annonce l'avenir
comme le font les oiseaux - la foudre et la providence divine - tout ce qui est
présage ce qui sera - pourquoi certains oiseaux seulement annoncent-ils
l'avenir ? - nous ne connaissons pas tout - divination par les astres
33 - démarche vis-à-vis de la foudre : déterminer, interpréter, conjurer
34 - la foudre annule-t-elle les autres présages ?
36 - le destin est ce qui ne peut pas ne pas arriver - pourquoi des voeux pour
conjurer la foudre ?
37 - les dieux ont laissé des événements en suspens - les prières et les
voeux peuvent les influencer
38 - les voeux font eux aussi partie du destin - le destin et la liberté
humaine
39 - trois types de foudre : conseil, autorité, état
4. VALÈRE-MAXIME
Le livre 1 des Dits et faits mémorables
de Valère-Maxime est consacré aux croyances et aux faits discutés dans le de
divinatione (dans certains cas, le de divinatione est même la source
de Valère-Maxime).
ch. 1 : De la religion observée ou négligée
ch. 4 : Des auspices
ch. 5 : Des présages
ch. 6 : Des prodiges
ch. 7 : Des songes
ch. 8 : Des miracles
Bien entendu, on ne trouve ici aucune mise en question des faits rapportés. C'est cependant une mine d'anecdotes parallèles.
5. AULU - GELLE, Nuits attiques, 15, 1
Ce chapitre assez long contient une démolition systématique de l'astrologie. En voici le passage le plus intéressant :
36. Aut adversa eventura dicunt aut prospera. Si dicunt prospera et fallunt, miser fies frustra exspectando; si adversa dicunt et mentiuntur, miser fies frustra timendo; sin vera respondent eaque sunt non prospera, iam inde ex animo miser fies antequam e fato fias; si felicia promittunt eaque eventura sunt, tum plane duo erunt incommoda : et exspectatio te spei suspensum fatigabit et futurum gaudii fructum spes tibi iam praefloravit. Nullo igitur pacto utendum est istiusmodo hominibus res futuras praesagientibus.
Ils prédisent du bonheur ou du malheur. S'ils prédisent du bonheur et qu'ils se trompent, tu seras malheureux en attendant en vain; s'ils prédisent du malheur et qu'ils mentent, tu seras malheureux en craignant pour rien; mais s'ils t'annoncent la vérité et que c'est le malheur qui t'attend, tu seras malheureux en imagination avant de l'être par le destin; s'ils te promettent le bonheur et qu'il se produit, alors, il y a deux inconvénients : l'attente t'épuisera, suspendu à l'espoir et cet espoir te privera de la jouissance de ta joie. Donc, il ne faut en aucune façon recourir à ces gens qui prédisent l'avenir.