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RUFUS D'ÉPHÈSE.TRAITÉ ANONYME (attribué à Rufus).
TRAITÉ ABRÉGÉ SUR LE POULS. Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
OUVRAGE ANONYME (ATTRIBUÉ A RUFUS). .************** TRAITÉ ABRÉGÉ SUR LE POULS.
PRÉAMBULE.
Il faut étudier avec soin l'art d'interroger le pouls, car autrement il est impossible de traiter convenablement les malades. On dit qu'Egimius, médecin ancien, le premier qui avait écrit sur cette matière, a pris pour titre, Des palpitations et non Du pouls; il ignorait vraisemblablement s'il y a une différence entre la palpitation et le pouls, ainsi que nous le démontrerons dans la suite (p. 220, chap. 11); mais disons d'abord ce qu'est le pouls.
1. DÉFINITION : QU'EST-CE QUE LE POULS?
Le pouls est la diastole et la systole du cœur et des artères, car ces parties sont les seules qui jouissent en nous du mouvement sphygmique ; les autres, qui semblent posséder ce mouvement, comme nous le voyons pour les membranes du cerveau chez les enfants, sont mues parce qu'elles participent au mouvement des artères.
2. DANS QUELLES PARTIES OBSERVE-T-ON LES PALPITATIONS, LES SPASMES ET LE TREMBLEMENT?
Ces phénomènes ont été assimilés au pouls, et même, suivant quelques-uns, ils sont, comme le pouls, le résultat de la diastole et de la systole. Il y a cependant une grande différence ; ainsi Praxagore soutenait qu'ils diffèrent par la quantité et non par la qualité ; il disait que la palpitation vient du pouls augmenté d'intensité, et que le tremblement vient de la palpitation poussée à l'extrême. Telle était l'opinion de Praxagore, qui n'était pas un homme ordinaire, ni en médecine ni dans les autres sciences; mais Hérophile, qui avait étudié le sujet avec plus de soin, trouvait plutôt les différences dans la qualité ; suivant lui, le pouls n'existe que pour les artères et pour le cœur, tandis que la palpitation, le spasme et le tremblement se passent dans les muscles et dans les nerfs ; le pouls naît et meurt avec l'animal; il n'en est pas ainsi des phénomènes susdits ; le pouls se produit par la réplétion et la déplétion des artères ; il n'en est pas ainsi pour les palpitations, les spasmes et le tremblement; le pouls est toujours involontaire, c'est un fait purement naturel, mais les autres phénomènes dépendent de notre volonté, car souvent les parties sont comprimées ou surchargées à notre gré:
3. COMMENT SE PRODUIT LE POULS?
Le pouls se produit de la manière suivante : le cœur, après avoir attiré le pneuma du poumon, le reçoit d'abord dans sa cavité gauche, puis, retombant sur lui-même, il le distribue aux artères. Remplies par suite de cet affaissement du cœur, les artères de tout le corps produisent le pouls; quand elles se vident, il y a systole; ainsi le pouls, comme je l'ai dit, a lieu dans les artères quand elles se remplissent et qu'elles reçoivent le pneuma, et dans le cœur, lorsqu'il se vide, comme je vais le démontrer ; nous avons donc donné une définition convenable du pouls en disant : Le pouls est la diastole et la systole du cœur et des artères. Le pouls est composé de diastole et de systole; comme les artères et le cœur battent en même temps, et qu'à cause de cela presque tous les médecins pensent que le pouls se produit également dans le cœur et dans les artères, par la réplétion, je veux les convaincre d'erreur : nous constatons, il est vrai, que les battements sphygmiques du cœur sont isochrones à ceux des artères; cela est évident; mais les battements ont lieu pour les artères quand elles se remplissent, et pour le cœur quand il se vide; je renvoie à l’anatomie ceux qui veulent s'en assurer; mais, pour ne pas paraître envieux et malveillant, je traiterai la question en peu de mots. — Le cœur a une forme conique ; la partie large, sur laquelle s'ouvrent les orifices de ses cavités, est attachée au poumon et se trouve placée entre les quatre lobes, car un petit lobe, le cinquième, remplit la troisième cavité du thorax ; la partie allongée en pointe se dirige en avant, vers le sternum, mais elle n'y est point attachée, comme la base l'est au poumon : elle est, au contraire, flottante. Le cœur est entouré de tous côtés par une membrane qu'on appelle péricarde ; cette membrane, qui commence sur la partie large du cœur, n'est pas fixée seulement au poumon mais aussi au sternum, là où nous avons dit que flottait la pointe du cœur. Il arrive donc que le cœur, exactement rempli par le pneuma qu'il a attiré du poumon, se porte sur les côtés et s'éloigne notablement du sternum ; quand il retombe sur lui-même, et que, se vidant, il revient à sa forme naturelle, il se rapproche vivement du sternum, le frappe ; par conséquent, c'est en s'affaissant qu'il produit le pouls.
4. DES ESPÈCES DE POULS SUIVANT LES AGES.
Les choses étant ainsi, nous traiterons d'abord des différences naturelles du pouls suivant les âges ; ensuite du pouls dans les fièvres ; en troisième lieu, du pouls dans les maladies [locales]; enfin des espèces de pouls auxquelles les anciens ont donné un nom particulier. — Le pouls des nouveau-nés est tout à fait petit ; on n'y distingue ni la diastole ni la systole. Hérophile dit que ce pouls est sans proportion définie; or il appelle ainsi un pouls sans analogie avec un autre; en effet, ce pouls n'a point de proportion avec un autre, ni celle d'un à deux, ni celle d'un à un et demi, ni aucune autre; mais il est absolument petit; il ne paraît pas plus grand qu'une piqûre d'aiguille; c'est donc avec raison qu'Hérophile a le premier appelé ce pouls sans proportion. — Quand l'enfant croît en âge et que le corps prend du développement, le pouls grandit en raison de l'âge ; c'est-à-dire que, comparée à la systole, la diastole est alors plus étendue; on peut, du reste, établir la proportion en se servant, comme moyen de démonstration, de la mesure métrique; en effet le premier pouls qu'on puisse constater chez l'enfant nouveau-né prend le mètre d'un pied à syllabes brèves ; il est bref dans la diastole et dans la systole, aussi on lui reconnaît deux temps (pyrrhique); chez les individus plus âgés, le pouls a de l'analogie avec ce que les grammairiens appellent un trochée : il a trois temps : la diastole en a deux, et la systole un. —Dans le pouls des adultes, la diastole est égale à la systole; on la compare à un spondée (— —), qui est le plus long des pieds de deux syllabes, et présente quatre temps. Hérophile appelle ce pouls composé de temps égaux. — Le pouls des hommes sur le déclin et de ceux qui approchent de la vieillesse a trois temps ; la systole est double de la diastole et dure plus longtemps ( ïambe). — Telles sont, en résumé, les différences que présente le pouls aux divers âges dans l'état de santé; je vais maintenant parler du pouls dans les fièvres.
5. DU POULS DANS LES FIEVRES.
Quand la fièvre commence, le pouls est tout à fait petit et profond dans les deux temps, c'est-à-dire dans la diastole et dans la systole, de sorte qu'on le sent à peine; mais, dans la période d'augment, il se fait graduellement mieux sentir; la diastole devient plus grande et a une plus longue durée que la systole, à cause de la montée du pneuma; tandis que, dans l'acmé, la systole est semblable à la diastole, la fièvre étant devenue uniforme. Dans la période de décroissance, la systole dure plus longtemps que la diastole, et la chaleur devient plus forte aux extrémités; remarquez, en effet, que, dans les fièvres au début, la chaleur se concentre presque entièrement vers les parties centrales, en sorte que souvent les extrémités sont froides, tandis que, dans la période d'augment, la plus grande partie de la chaleur est encore retenue au centre, et il y en a peu aux extrémités ; quand la fièvre est à son apogée et à sa période d'état, la chaleur est répandue également au centre et aux extrémités. — Telles sont, en résumé, chez les fébricitants, les qualités du pouls.
6. DU POULS DANS LES MALADIES.
Les espèces de pouls dans les maladies sont nombreuses et variées ; il ne sera ici question que du pouls dans les affections aiguës. — Le pouls des phrénétiqaes est petit et fort, à cause du mouvement continuel que l'insomnie imprime au pneuma; en frappant les doigts, il donne la sensation d'une corde d'arc tendue; il touche les doigts par une très petite surface. — Le pouls des léthargiques est grand et vide, suivant la largeur et la longueur; il faut supposer la profondeur; aussi certains auteurs ont-ils été jusqu'à dire que ce pouls est sans corps. — Le pouls des cardiaques est beaucoup plus petit que celui des phrénétiqaes, mais il est plus fort et, pour ainsi dire, plus musculeux; il frappe les doigts tantôt à un point, tantôt à un autre. Ce phénomène tient à ce que le pneuma tantôt diminue et s'arrête, et tantôt reprend son cours. — La différence entre le pouls des pleurétiques et celui des péri-pneumoniques est très petite; les médecins expérimentés peuvent seuls la saisir; le plus ordinairement il est vif, fort, et il frappe souvent irrégulièrement. — Chez les épileptiques, qui n'ont ni spasmes ni contraction des parties, le pouls est grand et vide; ordinairement il frappe d'une manière continue et rapide; chez ceux qui ont des spasmes, il est seulement grand et vide comme celui des léthargiques. — Telles sont les espèces de pouls qu'on rencontre le plus ordinairement dans les maladies.
7- DE QUELS ÉLÉMENTS SE COMPOSE LE POULS.
Il faut savoir que, dans toute espèce de pouls, on distingue la grandeur, la rapidité, la plénitude et le rythme. Le pouls grand est celui dont on sent au toucher, d'une manière marquée, la longueur, la largeur et la profondeur. Le pouls plein est celui qui frappe les doigts avec force et qui est tendu comme un nerf. Le pouls dont le rythme est régulier est celui qui, dans chaque âge, conserve la marche naturelle : on l'appelle eurythmique; on nomme, au contraire, para-rythmique celui qui ne conserve pas cette marche. Le pouls rapide est celui qui se retire rapidement des doigts ; la rapidité et la fréquence diffèrent : la rapidité peut se reconnaître à l'aide d'un seul battement; pour constater la fréquence, il en faut plusieurs; nous appelons rapide un homme qui, en peu de temps, parcourt une longue distance, et prompt au retour (fréquent), celui qui revient coup sur coup au même point. —- Les espèces de pouls sont, par rapport au repos, caractérisées par la fréquence et la rareté; par rapport au mouvement, par la rapidité et la lenteur; par rapport à l'intensité, par la force et la faiblesse; par rapport au corps de l'artère, par la dureté et la mollesse. — Telles sont les espèces de pouls; nous allons parler maintenant des pouls les plus importants, et dont les noms sont les plus usités parmi ceux que les anciens ont décrits.
8. DES DIVERSES ESPECES DE POULS.
Il y a un pouls qu'on appelle myure, et dont il existe deux espèces : dans l'une, les pulsations, d'abord grandes et fortes, vont en diminuant graduellement pour revenir ensuite à la force et à la grandeur qu'elles présentaient dans le principe; dans l'autre, au contraire, les battements, d'abords petits, vont en augmentant, puis reviennent, en diminuant, à l'état primitif; ce pouls est habituel chez quelques gens bien portants. Quand on l'observe chez les malades, celui où la petitesse domine indique que l'individu sera pris de phrénitis, celui où la grandeur domine indique qu'il va être pris de léthargus. — Le pouls est appelé intercident, lorsque, à la suite de plusieurs systoles et diastoles, il s'arrête, et il accomplit, après le repos, une diastole plus rapprochée que la précédente. Quelquefois on observe ce pouls en bonne santé; chez les malades, il indique une absence de tonicité. — Le pouls est appelé dicrote y lorsque l'artère, après avoir accompli une grande diastole, en fait une plus petite. Ce pouls se montre chez les individus bien portants à la suite de courses, d'exercices gymnastiques ou de tout autre effort brusque; chez les malades, il se rencontre particulièrement à la période d'augment, dans les fièvres. — Le pouls est appelé caprisant quant à un grand battement succède immédiatement un petit battement, en sorte que l'artère semble se reprendre pour une nouvelle diastole avant d'avoir entièrement achevé la systole. Ce pouls est surtout observé dans les affections de poitrine. — Il y a aussi un pouls qu'on appelle formicant, c'est celui dont les pulsations sont fréquentes et petites, et qui donne, sous le doigt, la sensation de la marche d'une fourmi : on le trouve presque toujours chez les agonisants. — Le pouls le plus faible et le plus petit est celui qu'on nomme vermiculaire. Ce pouls est si petit, si faible, si obscur, qu'il n'est pas possible de distinguer la diastole de la systole, distinction qu'on peut faire encore dans le pouls formicant, qui est cependant très petit; on ne sent dans les artères qu'une ondulation, qu'un mouvement rotatoire du pneuma. Les dix espèces de pouls, d'après Archigène, sont déterminées : 1° par la quantité de la diastole; 2° par la qualité du mouvement; 3° par l'intensité de la force ; 4° par la quantité du battement ; 5° par la durée du repos ; 6° par la consistance [de l'artère] ; 7° par l'égalité et l'inégalité ; 8° par la régularité et l'irrégularité ; 9° par la plénitude et la vacuité; 10° par le rythme.
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