RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

 

ALLER à LA TABLE DES MATIÈRES DE RUFUS D'ÉPHÈSE

RUFUS D'ÉPHÈSE.

TRAITÉ DE LA GOUTTE

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

RUFUS D'ÉPHÈSE.

TRAITÉ DE LA GOUTTE

 

D'APRÈS UNE VERSION LATINE DU MOYEN ÂGE PUBLIÉE PAR M. EM. LITTRE.

 

 

Rufus d'Ephèse est un médecin qui a vécu du temps de Trajan. Habile et érudit, il avait composé divers traités, et entre autres des commentaires sur les œuvres d'Hippocrate. Il est fréquemment cité par Galien, qui en faisait grand cas. Mais cette puissante recommandation ne l'a pas sauvé du sort qui a frappé tant de productions de la littérature ancienne; ses livres ont péri presque complètement, et nous ne possédons de lui que peu de chose.

Ce peu qui reste s'accroîtra du morceau que je mets sous les yeux du lecteur, non pas, il est vrai, dans la langue de l'auteur (Rufus avait écrit en grec), mais traduit en latin et conservé sous cette forme. C'est dans le n° 621, Supplément, de la Bibliothèque royale[1] que se trouve l'opuscule Sur la goutte. Ce manuscrit est très beau et très ancien (du viie ou viiie siècle); il contient une traduction latine de la Synopsis d'Oribase, de laquelle le texte grec est encore inédit,[2] et, à la fin, quelques fragments, entre autres celui de Rufus.

Est-il bien certain que ce morceau appartienne au célèbre médecin d'Ephèse? Le manuscrit le lui attribue par ces mots placés à la fin : finit Rufi de podagra feliciter. Deo gratias. A la vérité, la lecture de l'opuscule ne suscite aucun doute sur la légitimité de cette attribution; mais il n'en est pas moins heureux de pouvoir fournir une preuve extérieure et décisive. Notre opuscule sur la goutte a été mis à contribution par Aétius dans sa compilation (De re medica Libri XVI). Aétius en transcrit presque textuellement les chapitres xxx et xxxi, et nomme Rufus comme l’auteur des passages qu'il copie. Ainsi l'authenticité de notre opuscule latin est parfaitement établie.[3]

En regard des deux chapitres ci-dessus indiqués, on trouvera le texte d'Aétius; je l'ai cité, afin qu'on pût comparer avec l'original la traduction latine. Le traducteur paraît comprendre suffisamment le grec; mais la langue latine est pour lui un instrument rebelle, et il écrit à une époque de décadence complète. En effet, il n'a plus guère le sentiment des cas, et, à chaque instant, des erreurs sont par lui commises à cet égard. Les conjugaisons ne sont pas à l'abri de la confusion ; il transforme fréquemment la seconde en troisième : oportit, dolit, admiscis, debit. A côté de ces traces manifestes de barbarie, on reconnaît l'influence constante des locutions grecques sur le traducteur; et cette influence s'est exercée avec d'autant plus de force, qu'il rendait un original correct en une langue qui était en voie de perdre son caractère, sa syntaxe et ses formes. Vu l'antiquité du manuscrit, il n'est pas sans intérêt de noter quelques mots portant la marque de la transition vers les idiomes modernes : salemoria, saumure; sablones, sablons; lenticla, lentille; pecula, italien pegola, poix.

Le manuscrit est d'une belle écriture et parfaitement lisible, sauf en un très petit nombre de lignes où quelques mots sont effacés. Mais les manuscrits latins d'un âge reculé sont généralement très défectueux. Le nôtre ne fait pas exception à la règle; il offre donc nombre de passages douteux, obscurs, inintelligibles. De plus, il est unique, circonstance toujours défavorable pour la critique. Dans les notes succinctes que j'ai jointes au texte, j'ai eu pour but de signaler les endroits difficiles, d'en corriger quelques-uns, de proposer des conjectures pour quelques autres, en un mot de rendre plus commode la lecture de l'opuscule retrouvé de Rufus.

 

E. Littré.


 

TRAITÉ DE LA GOUTTE.

1. Prologue. — 2. Diagnostic de l'affection. — 3. Des exercices. — 4. De la friction. — 5. Du bain. — 6. Propriétés des eaux naturelles ou médicinales. — 7. Des herbes qu'il est avantageux de mettre dans les eaux douces. — 8. Des diverses espèces de fomentations. — 9. Légumes. — 10. Poissons. — 11. Oiseaux. — 12. Viandes de boucherie. — [12 bis. Le pain.] — 13. Les vins. — 14. Alimentation des goutteux pendant les accès. — 15. Salaisons. — 16. Des promenades et des veilles après les repas. — 17. Purgatifs. ·— 18. Purgatifs qu'il ne faut pas administrer aux goutteux. — 19. Purgatifs utiles aux goutteux. — 20. Remèdes qui purgent par vomissement. — 21. Du vomissement. — 22. Aliments acres; aliments divers. — 23. Que l'on devient goutteux aussi par le côlon. — 24· Moyen de supprimer les flatuosités. — 25. Des lavements. — 26. Des médicaments administrés par en haut. — 27. Médicaments composés contre la podagre. — 28. Il ne faut pas cesser tout d'un coup de faire prendre les potions. — 29. Des modes de traitement. — 30. Autre manière de traiter la goutte. — 31. Cautères à poser, escarres à produire sur les articulations. — 32. Autre mode de traitement, par les onctions et les emplâtres. — 33. Traitement à suivre quand il y a complication de douleurs rhumatismales. 34. Réfrigération des articulations. — 35. Cataplasmes réchauffants. — 36. (Remèdes) contre la podagre très humide. — 37. Fomentations.

1. PROLOGUE.

Les affections articulaires pourront se guérir, attendu qu'elles consistent en une fluxion et une surabondance d'humidité impliquant défaut de chaleur et de sécheresse. D'abord, lors même que l'affection est légère, dès que la fluxion s'est manifestée, il y a lieu de s'inquiéter. Ainsi, aux premières atteintes, la douleur n'est pas excessive et il n'y a pas grand mal; mais bientôt après, si les accès se renouvellent coup sur coup, on constatera une invasion croissante (des humeurs) dans les articulations, et la guérison deviendra, dès lors, assez difficile. Ceux qui prennent une nourriture trop copieuse et malsaine sont exposés à cette aggravation. Donc le malade commence par éprouver des douleurs très faibles dans les articulations, puis des souffrances très aiguës viennent subitement l'assiéger. L'accident le plus grave, c'est lorsque la fluxion abandonne l'articulation du malade; un autre danger le menace, et bientôt après l'emporte; ou bien il est atteint de péripneumonie, ou d'apoplexie, ou de quelque autre affection aiguë. C'est donc le moment de donner toutes les autres explications, afin que, par le détail des médicaments, nous puissions mieux exposer ceux qu'il est utile d'administrer contre cette maladie.

2. DIAGNOSTIC DE L'AFFECTION.

Si une articulation est endolorie, on devra demander au malade s'il n'a pas heurté la partie qui souffre. S'il dit que non,[4] il faut aussitôt le mettre à la diète, lui faire prendre un lavement et le saigner non loin (de l'endroit où est la douleur). Revenons sur ces prescriptions. Il faut s'abstenir de nourriture afin de ne plus former de nouveau sang et d'éviter que les articulations deviennent plus paresseuses. Nous prescrivons le lavement parce qu'il est bon d'évacuer le ventre. La saignée est utile, mais médiocrement dans les parties inférieures; il faut relâcher le ventre; s'il y a évacuation de sang, ce sera d'un grand secours, car les progrès du mal seront ainsi arrêtés. Lors même que l'affection a cessé complètement chez ces malades, on ne doit pas les croire guéris pour cela, car les accès reviennent avec le temps, attendu que cette maladie a ses périodes comme les autres. Ceux, qui, n'observant pas leur état, ne tiennent pas compte de notre dire, s'exposent à des affections très graves. Nous leur enjoignons donc, avant le retour du second et du troisième accès, de ne négliger aucunement les recettes en usage pour de tels cas. Ainsi, immédiatement après la saignée, il est bon d'opérer une friction, de dessécher le corps par un exercice laborieux, de prendre des aliments faciles à digérer, et de s'attacher particulièrement à dessécher le corps.

3. DES EXERCICES.

En effet, si les articulations des mains et des membres supérieurs sont en mauvais état par suite de nodosités, il faut faire travailler les pieds au moyen de la promenade, de la course et de l'équitation, effectuer des frictions sur les cuisses et plus bas. Si, au contraire, ce sont les articulations des pieds qui sont atteintes, il faut agir avec ses mains, se donner du mouvement de diverses façons et par divers travaux, car c'est ainsi que l'on se desséchera le corps. Lorsque l'on paraît avoir abondamment travaillé (avec certains membres), c'est le moment de se livrer à des exercices généraux très violents et de nature siccative. Les goutteux éprouvent de plus grandes souffrances dans les nerfs, lorsque leurs articulations supérieures et inférieures sont à la fois attaquées, et, par ce motif, réclament des soins très attentifs.

4. DE LA FRICTION.

Je loue les frictions, sèches d'abord, puis avec de l'huile.[5] Qu'elles ne soient pas trop prolongées, mais continuées seulement jusqu'à ce que les mains soient devenues molles au toucher sans être glissantes sous la friction. Ne pas employer de l'huile nouvelle, mais plutôt la plus ancienne possible, à laquelle on ajoutera des ingrédients siccatifs et réchauffants, tels que l'iris ou le mille-pertuis, ou du sel en abondance, ou encore du miel en petite quantité. Tout cela est d'un bon effet pour les goutteux. Un remède non moins efficace, c'est la graisse du porc ou celle du sanglier, qui est encore plus siccative. Je ne pense pas qu'il soit raisonnable de négliger de frictionner les articulations avec l'axonge (car on en a toujours sous la main), mais on doit employer l'huile plus souvent, comme aussi certains (autres) médicaments, lorsqu'on en dispose. Le mieux, c'est d'en frictionner la partie où les douleurs sont le plus fortes. Il est encore bien, pour la podagre et toutes les affections articulaires et les coliques hépatiques, de traiter les membres avec de la graisse de porc[6] très ancienne. Vous la faites fondre sur des charbons (ardents), vous y ajoutez du mélèze et du beurre en quantités de même poids, et vous en oignez les parties endolories.

5. DU BAIN.

Je ne citerai pas les bains, absolument parlant, comme efficaces dans cette affection, si ce n'est pour combattre la fatigue ou une digestion trop lente, ou la pléthore, ou enfin l'excès de sécheresse des articulations; en effet, dans ces divers cas, ils réussissent assez souvent. Recourez encore aux bains lorsque le corps éprouve une souffrance (pressante), s'il y a des pollutions nocturnes ou s'il y a eu acte vénérien. En toute autre circonstance, il faut les interdire (aux goutteux).

6. PROPRIETES DES EAUX NATURELLES OU MEDICINALES.

Si vous mettez dans de l'eau des plantes médicinales, et si vous employez des eaux chaudes naturelles, telles que les eaux chargées d'asphalte, de soufre ou d'alun, du moment qu'on prendra des bains fréquents, elles ne feront pas de mal; et, si l'on prend des bains d'eau de mer, on s'en trouvera bien. Il sera même bon d'y nager, car cet exercice est salutaire pour les articulations.

7. DES HERBES QU'IL EST AVANTAGEUX. DE METTRE DANS LES EAUX DOUCES.

Que si l'on n'a pas d'eaux naturelles, les sortes d'ingrédients à mettre dans l'eau douce sont les suivants : la sauge, le laurier, l'agnus, le myrte, les feuilles tendres de saule, le sel pour faire de la saumure, surtout le sel non marin. Tout cela donne aux bains des propriétés siccatives, et produit un bon résultat quand il y a excès d'humeurs.[7] Seulement il ne faut pas que les bains soient froids, car, lorsque les malades se seront habitués aux bains que nous avons prescrits, les bains froids pris dans d'autres moments leur feront encore plus de mal.

8. DES DIVERSES ESPECES DE FOMENTATIONS.

Je recommande la transpiration causée par le (bain de) sable,[8] les bains que l'on prend en s'enveloppant de cuir ou de draperie, et les bains de Laconie.[9] L'emploi des bains de vapeur à sec est efficace. C'est ce que les Grecs appellent le tonneau.[10] Quant à nous, avec une pomme de pin placée dans un tonneau, enveloppé à son orifice et chauffé avec du sarment, après avoir ôté le feu, nous faisons transpirer (nos malades) à l'intérieur en veillant à ce que l'eau ne se répande pas.[11] Il y a encore un mode de transpiration qui consiste en frictions sur tout le corps, en lotions détersives, en liniments et onctions modérées[12] à l'huile d'iris ou de troène. Il faut arriver maintenant aux aliments qui peuvent faire du bien à ces sortes de malades.

9. LEGUMES.

Mon avis est que les légumes ne sont guère d'un bon effet; néanmoins il faut en faire manger, quelques-uns en vue de ramollir le ventre, d'autres, parce qu'ils sont froids et humides (rafraîchissants et humectants), d'autres caustiques, d'autres acres; il y en a aussi qui sont diurétiques.

10. POISSONS.

Les poissons convenables sont les poissons assez secs; tels sont les mulets,[13] le scorpion de mer ou la scorpène,[14] l'odilcon; tels sont encore certains poissons à chair molle : par exemple, les merles marins, les tourdes, les scares, et une autre espèce de merle. Tout cela est bon comme desséchant et facile à digérer ; mais les meilleures chairs (dans cette maladie), ce sont encore celles du garus (anchois), du homard-pagurus, de l'écrevisse de mer, qui est plus desséchante. Je ne recommande pas le jeune thon, ni aucun des poissons charnus,[15] qui sont gras, indigestes, troublent le ventre, engendrent la pituite et sont humectants, tels que les anguilles (de mer). Sont pareillement médiocres les poissons d'espèce cartilagineuse, et généralement tous les poissons d'eau dormante.

11. OISEAUX.

Quant aux oiseaux, on doit les recommander tous, excepté ceux qui vivent dans l'eau et dans les marais ; en effet, ceux-ci n'ont pas une nourriture saine (pour nos malades), mais humectante et aqueuse; de plus, ils sont d'une digestion, difficile. Mais ceux qui vivent en des lieux secs et se nourrissent de froment, je les recommande fort, ils sont à la fois digestifs et nourrissants.

12. VIANDES DE BOUCHERIE.

La viande de porc est à recommander en toute espèce de régime quand il s'agit.de fortifier; c'est pourquoi l'on donne exclusivement de cette viande aux athlètes. Maintenant, du moins, il en est ainsi, mais non jadis. Elle est nourrissante pour tout le monde, pourvu, cependant, que l'on fasse attention à l'état du ventre; car, lorsque celui-ci est porté à l'humidité, il est tempéré par les desséchants; porté à l'inflammation, il l'est par les rafraîchissants. Toutefois, à mon avis·, la viande de porc n'est avantageuse ni aux goutteux ni aux arthritiques; et, plus généralement, lès personnes qui ont des affections nerveuses ne doivent pas prendre une nourriture forte, surtout si elle est humectante, car il en résulte bientôt l'ingérence de quelque autre affection. Quelle raison, donnerai-je pour condamner la viande de porc? c'est qu'elle est humectante et qu'elle trouble le ventre. Le chevreau, l'agneau, le veau, se digèrent beaucoup mieux; et, en effet, ces animaux digèrent toutes sortes de végétaux, et ne troublent pas (le ventre) autant que le porc.

[12bis.] LE PAIN.

Il faut manger du pain cuit dans un four chauffé de tous côtés,[16] parce que la cuisson en est parfaite, qu'il soit bien levé, fabriqué avec une farine qui ne soit pas trop pure, mais avec celle du blé de trois mois.[17]

13. LES VINS.

On boira du vin rouge ni trop vieux ni trop jeune. Pour les personnes quelconques, je ne recommande ni le vin rouge ni le vin jeune; l'un et l'autre sont indigestes pour tout le monde, et particulièrement pour les malades dont il s'agit ici. Tels sont les aliments el les boissons usuels propices aux goutteux.

14. ALIMENTATION DES GOUTTEUX PENDANT LES ACCES.

En cas d'inflammation, je recommande l'eau plutôt que le vin, et des œufs plutôt que la viande de boucherie. Ne pas administrer de fomentations aussitôt après le repas; car on risquerait de contracter les tissus en les faisant pendant que la nourriture est encore crue (sc. non digérée). Or l'atténuation résulte du froid (?). D'abord donc nous proposons de boire du vin miellé plutôt que du vin seul, la valeur d'une cotyle. Ce mélange est tout ensemble une boisson et un médicament. Ensuite vous ferez manger chaque jour les aliments précités, en ayant surtout égard au bon état du ventre. Car, s'il n'a pas été relâché, il faut employer toutes sortes d'aliments bouillis : en fait de légumineux, la bette, la mauve, la patience, la mercuriale mâle, la partie molle du cnicus ; on avalera des laits de poule et des coquillages marins. Si, au contraire, le ventre est .relâché, ces aliments ne sont pas nécessaires; mais, une fois la douleur calmée, on mangera du pain et de la viande. La meilleure nourriture, dans ce régime comme dans tous les autres, c'est une petite quantité de pain et une alimentation modérée, si l'on veut régler le tempérament du ventre, composée des choses énumérées plus haut.

15. SALAISONS.

En fait de salaisons, adopter celles du Pont ou celles de Cadix. A leur défaut, il suffit de saler les aliments de n'importe quelle autre façon.

16. DES PROMENADES El DES VEILLES APRÈS LE REPAS.

Il faut se promener ou prendre du repos; car, pour ce qui est de dormir (aussitôt) après avoir pris un repas, comme il en résulte de l'humidité, je n'en suis pas partisan; après avoir mangé, on devra se promener ou se reposer. Du reste, si l'on veut faire sa méridienne, qu'on la fasse avant le repas. Tel est le régime à suivre pour les goutteux. Nous ne sommes pas tenus de donner un détail complet, et il ne faut point qu'on nous fasse un reproche[18] de n'avoir pas tout décrit en fait de régime et de traitement. Il nous suffisait de rappeler les notions médicales qui précèdent.

17. PURGATIFS.

Quant aux purgatifs, on reconnaîtra de la manière suivante ceux qu'il faut administrer aux goutteux. J'estime qu'il est très bon pour le goutteux d'être purgé deux fois par an. Il se purgera d'abord au commencement du printemps,[19] avant que les humeurs entrent en ébullition et se répandent dans les articulations,[20] et la seconde fois à l'automne, à l'époque des Pléiades, avant que les premiers froids fassent congeler le sang. Purger avec les médecines qui font évacuer la pituite et la bile. Ces humeurs doivent donc être purgées au moyen de ces purgatifs, qui sont avantageux aux goutteux. Quant aux médicaments qui purgent les humeurs aqueuses chez les goutteux, sur le moment, ils paraissent bien soulager les malades, mais ils leur font ensuite plus de mal (que de bien) ; ils sont tout à fait colliquatifs.

18. PURGATIFS QU'IL NE FAUT PAS ADMINISTRER AUX GOUTTEUX.

La scammonée, la tithymale, la vigne sauvage, l'euphorbe, le kermès de Cnide, et les médicaments analogues.

19. PURGATIFS UTILES AUX GOUTTEUX.

Vous donnerez aux goutteux principalement de l'ellébore noir jusqu'à 2 drachmes, auquel vous ajouterez une légère dose de sel et de kermès de Cnide. Cette médecine fait évacuer modérément la pituite et la bile. Vous donnerez aussi du polypode, plante qui fait aussi évacuer modérément la pituite et la bile; vous en ferez prendre une dose de 2 drachmes, car il purge assez doucement. Si vous voulez faire une décoction d'ellébore noir et l'administrer, vous vous en trouverez bien ; le polypode pareillement. Un très bon purgatif à l'usage des goutteux, c'est encore l'intérieur de la coloquinte à la dose de 4 drachmes, saupoudré d'une poussière de vin miellé ou d'eau. Cette potion fait évacuer les humeurs acidulées, même après leur résolution. Du reste, dans les affections nerveuses, aucun de ces remèdes ne sera nuisible. Pour ma part, je connais une recette excellente pour les goutteux; elle comprend:[21] intérieur de la coloquinte, 20 drachmes, champignon agaric, 10 drachmes; germandrée, 10 drachmes; suc de panax, 8 drachmes; suc de Cyrène, 8 drachmes; assa fœtida, 8 drachmes; persil sauvage, 5 drachmes; aristoloche ronde, 5 drachmes; poivre blanc, 5 drachmes; cinnamome, 4 drachmes ; épi de nard, 4 drachmes ; myrrhe, 4 drachmes ; safran, 4 drachmes. Vous mettez du miel en quantité suffisante pour mélanger le tout. Il faut prendre fréquemment ce remède. On ne doit donc pas administrer ces médecines tout d'un coup, mais avoir soin par-dessus tout de les donner par intervalle, à la dose maximum de 4 drachmes, dans du vin miellé ou de l'eau. Vous y ajouterez une cuillerée de sel, ce qui contribue à purger mieux, plus promptement et avec plus de facilité. Tels sont les purgatifs avantageux et aux goutteux et aux arthritiques.

20. REMEDES QUI PURGENT PAR VOMISSEMENT.

Ce qui purge le mieux en faisant vomir, c'est l'ellébore blanc, mais j'estime qu'il ne faut pas (l'employer). Il faut l'éviter comme étant très nuisible; et, si l'on doit en user, que ce soif avant que la maladie ait pris tout son développement. Pour peu que vous y trouviez quelque danger, essayez d'un médicament plus léger pour faire vomir, tel que l'oignon de narcisse, qui est parfaitement inoffensif et que l'on prend en décoction; ou bien encore la staphisaigre broyée dans du vin miellé, en potion à la dose de 15 grains. Une autre médecine excellente, c'est la graine de concombre des jardins, mélangée avec la staphisaigre, car elle suffoque très peu. Lorsqu'il y a douleur aux pieds, et (généralement) si la goutte se porte surtout aux membres inférieurs, la purgation des humeurs par les vomissements est plus efficace; si elle attaque les membres supérieurs, il vaut mieux faire évacuer les humeurs par le ventre.

21. DU VOMISSEMENT.

En même temps que (pour d'autres affections), je préconise le vomissement pour les goutteux, et je leur recommande de le provoquer souvent. Mais ici ce doit être après le repas. Vous donnerez une décoction dans de l'eau où vous faites cuire de l'origan à la dose de 3 cotyles, tempérée au moyen de l'oxymel. Vous ferez boire de l'hysope ou du thym et des raiforts pris isolément, et trempés dans de l'oxymel salé. Si l'on veut vomir après le repas, la douleur étant presque calmée, on vomira à son déclin, et tout ce que le malade désire, il faut le lui donner d'abord, pour qu'il prenne ensuite d'autres aliments : c'est dans ces conditions que l'on emploiera (ces vomitifs).

22. ALIMENTS ACRES; ALIMENTS DIVERS.

On prendra pour nourriture des raiforts, des oignons, des salaisons, de la moutarde et des légumes, de la viande de boucherie grasse, du poisson à chair grasse, de la pâtisserie faite de fromage, de miel et d'huile. En dernier lieu; on pratiquera des fomentations administrées à jeun, puis on provoquera un vomissement, afin que le ventre rende ce qu'il aura absorbé. Que le malade se promène ou qu'il reste en repos, vous lui ferez boire du jus d'absinthe le volume d'une fève dans trois cyathes d'eau. Or pourquoi est-ce que je prescris de boire de l'absinthe? Parce que je trouve que cette plante favorise les digestions et qu'elle est avantageuse comme diurétique, double résultat à poursuivre pour le traitement de la goutte, car il y a une relation intime entre le côlon et les articulations.

23. QUE L'ON DEVIENT GOUTTEUX AUSSI PAR LE CÔLON.

Beaucoup de personnes ont un ulcère profond et de longue durée à une articulation (au côlon?). Ces malades meurent de la diarrhée. Un grand nombre d'entre eux, qui se plaignent de souffrir à cet intestin, éprouveront une-vive douleur dans les articulations. Il ne faut donc pas négliger la digestion ni les gaz qui peuvent survenir d'une façon continue chez cette sorte de malades; leur persistance offre du danger.

24. MOYEN DE SUPPRIMER LES FLATUOSITÉS.

Il est avantageux, dans ce cas, de prendre les (médicaments) qui aident à la sortie des gaz. Tels sont la rue, le cumin, l'anis et la graine d'aneth. Ces plantes sont prises sous forme de décoction. Il est bon aussi de faire des lotions au ventre avec de l'huile ou bien des frictions à sec avec une peau d'agneau.

25. DES LAVEMENTS.

Je recommande aussi les lavements pour les goutteux, surtout pour ceux dont les excréments sont durs. Dans quel but? afin de faire sortir les matières qui blessent les articulations. Nous devons donc préparer des lavements ayant pour objet de faire évacuer, ou quelque autre remède (analogue). Les lavements communs sont simples; d'autres sont médicamenteux; je décris principalement ceux qui ont du rapport à la maladie (dont il s'agit); et en effet ce sont ceux qui feront évacuer les excréments seuls; car telles autres maladies exigent une autre médicamentation (par le lavement). Je ne crois pas trop peu actif tout (lavement) que je sais avoir été employé par les médecins de l'antiquité.

Voici donc des lavements médicamenteux : eau, dans laquelle on a fait une décoction de coloquinte, d'ellébore noir, d'absinthe, d'aurone, de centaurée, de rue, d'hysope, d'iris, de nielle, de cresson-thlaspi; ajoutez-y du nitre plus que de sel et du sel plus que dans les autres lavements, du miel en plus grande quantité aussi, mais de l'huile en quantité moindre et qui soit vieille. Or il faut, lorsque vous jugez opportun l’emploi de ce lavement, le faire précéder d'un lavement doux. Vous donnerez ensuite à prendre celui-ci, qui est acre. Car il faut, avant tout, tenir compte de la force du malade, et une évacuation trop brusque est toujours sanguinolente. Après cela, vous ferez boire du lait pour adoucir les intestins affectés de mordication. Veillez aussi au régime. Ces lavements soulagent toujours beaucoup les personnes dont les articulations supérieures sont malades, ou qui ont des douleurs prolongées dans les lombes et qui souffrent de la sciatique ; mais celles dont la goutte affecte les articulations inférieures en éprouvent moins de soulagement.

26. DES MÉDICAMENTS ADMINISTRÉS PAR EN HAUT.

Il y a aussi un autre mode de traitement, qui consiste dans les médicaments pris en potion. Je sais, en effet, que des podagres, des gens affectés de sciatique et des goutteux, ont été délivrés par ces potions, et que certaines d'entre elles ont eu pour effet de résoudre des concrétions visqueuses. Seulement ii ne faut pas attendre de ce traitement un résultat prompt et immédiat : ces remèdes agissent plus tard, attendu que l'affection n'est pas aiguë et ne se laisse pas entamer aussi facilement. A ceux qui veulent engraisser, on fera prendre une potion composée comme il suit : décoction de tussilage, de racine de quintefeuille ou de têtes d'hélichryse; une décoction de racine de méum, prise en potion, est encore d'un bon effet; de même le mille-pertuis, l'ive-mus-cade et la germandrée; le champignon agaric est tout ce qu'il y a de plus efficace; il faut en boire dans de l'oxymel la valeur de deux oboles. La décoction de nard sauvage offre le même avantage et provoque les urines ; son effet est assez prompt ; il consiste à faciliter l'écoulement des humeurs épaisses stationnaires, à dissoudre les concrétions et à chasser les humeurs visqueuses.

27. MÉDICAMENTS COMPOSES CONTRE LA GOUTTE.

Nous trouvons encore d'autres potions composées. Au premier rang se place la potion à la centaurée, qui comprend : centaurée, gentiane, aristoloche ronde, 4 livres[22] de chacune; poireau, persil sauvage, carvi, scordium (ou germandrée), 3 livres de chacun; miel, 6 livres; préparez et employez. En voici une autre, à la rue, comprenant ; gentiane, 3 aristoloche ronde, 4 drachmes de chacune; centaurée, germandrée, 14 drachmes de chacune; graine de rue sauvage, 2 onces;[23] miel, 5 livres; préparez et employez. Il est encore d'autres potions que recommande l'auteur de l'Aucista (?) ; il écrit en effet, dans ses livres Des préparations (médicinales), la potion ainsi composée ; germandrée, 10 oboles ; aristoloche ronde, 9 oboles; gentiane, 8 oboles; absinthe, 7 oboles; centaurée, 1 obole; mille-pertuis, 5 oboles; phou, 4 oboles; méum, 3 oboles; persil sauvage, 2 oboles; agaric, 1 obole; miel, quantité suffisante. — Autre potion : germandrée, gentiane, centaurée, aristoloche, persil sauvage, lavande-stœchade, agaric, cyclamen, 3 [livres de chacun][24];jonc-souchet, 1 livre; graine de lin, 5 livres ½ ; aloès, 5 livres ½ ; miel, quantité suffisante. — Autre : germandrée, gentiane, aristoloche, centaurée, rue, à poids égal; miel, quantité suffisante; à prendre à la dose de 2 drachmes. — Autre : épi de nard, myrrhe, gentiane, à poids égal ; miel, quantité suffisante; dose, 2 drachmes. — Autre : L'agaric donné une fois par jour est d'un très bon effet. Le remède sacré, pris une fois par mois, purge bien; ou encore la poudre de fleur de thym et de rhapontic (rhubarbe) ; vous en donnez 2 scrupules une fois par jour dans du vin miellé, ou bien en onctions, et de toutes les façons où 10 elle peut convenir (?). — Autre : épi de nard, 9 scrupules; rhubarbe,[25] 1 obole ½ ; aristoloche ronde, 6 oboles ; gentiane, 3 oboles ; myrrhe, 6 oboles; baie de laurier épurée, 1 livre; dose, 2 scrupules.

Évitez tout ce qu'il n'est pas avantageux d'employer ; il faut surtout savoir complètement quels sont les aliments à prescrire. On ne doit pas renoncer brusquement à une potion ou dès que l'on n'en a pris qu'une fois ; je ne suis pas d'avis non plus que l'on cesse les diurétiques que l'on est habitué à boire, mais il faut les supprimer graduellement, sans quoi on s'expose à l'apoplexie ou à quelque autre affection insurmontable; comme j'ai appris qu'il en est advenu à Clemmagnitès (?). Affecté de la goutte, il prenait la potion à la centaurée; puis, se sentant soulagé, il interrompit le traitement: bientôt il éprouva des douleurs spasmodiques, et, atteint d'une apoplexie de la tête, il en mourut. Je connais encore un autre malade qui fut victime du même accident; seulement, comme il avait des humeurs, il se purgea beaucoup et se tira d'affaire ; puis, ayant cessé tout d'un coup les lavements, il mourut. Il est donc nécessaire d'évacuer graduellement les humeurs invétérées pour s'en débarrasser, dans la crainte que ces matières très nuisibles, séjournant dans le corps, ne viennent, par suite de leur accumulation, à causer subitement la mort du malade.

28. IL NE FAUT PAS CESSER TOUT D'UN COUP DE FAIRE PRENDRE LES POTIONS.

Le mieux, est donc, je le répète, de ne pas renoncer subitement aux potions composées des médicaments précités. Mais, si lon juge que le malade en a pris suffisamment, supposé qu'il ne lui soit pas encore avantageux de reprendre sa boisson habituelle, il faut, dans ce cas, ne plus prendre autant de la potion, ni même en prendre tous les jours ; mais il faut qu'il en diminue constamment la dose et ne la supprime pas subitement.

29. DES MODES DE TRAITEMENT.

Il est bon de varier les purgatifs (?); le malade doit être purgé avec des remèdes plus forts (?). Si l'on voit qu'il y a réellement surabondance de sang, il faut saigner et faire vomir, lors même que ces moyens ne devraient pas apaiser la douleur; et en effet on ne peut pour cela se dispenser de recourir aux onctions et à d'autres traitements. Ainsi donc les moyens curatifs sont toujours nuisibles, si la cessation de leur emploi est trop brusque. Cette recommandation faite, c'est d'après toutes sortes d'autorités que j'ai indiqué le traitement et le régime, et, si l'on me demande mon avis, (je répondrai que) je n'accorde pas indifféremment la même efficacité à toutes les prescriptions que j'ai données.

30. AUTRE MANIÈRE DE TRAITER LA GOUTTE.

Il est d'autres moyens estimables[26] de traiter celle funeste maladie; nous les recommandons contre la goutte aux articulations des pieds; je recommande aussi de faire une incision à la veine sous la plante, comme lorsque les varices affectent les jarrets ou le tibia. Car on voit ces parties se gonfler légèrement au début de la maladie, puis d'une façon plus sérieuse. Si l'on fait une incision profonde à la veine, dès lors le sang ne peut plus s'y renouveler, de sorte qu'il y a inflammation, surtout quand la podagre provient de la pléthore, auquel cas le diagnostic est celui-ci : rougeur autour du pied, formation de tumeurs sur la même partie, gonflement des veines, inflammation de tout le pied accompagnée de douleur et soulagement obtenu par les réfrigérants. Lorsque cette maladie affecte les autres articulations, la veine n'est pas saillante. S'il en est autrement, il faut aussi l'inciser.

31. CAUTÈRES À POSER, ESCARRES À PRODUIRE SUR LES ARTICULATIONS.

Il faut aussi[27] produire des escarres sur les articulations, surtout celles qui sont causées par les cautères, ou, à leur défaut, les médicaments. Il est préférable de recourir aux cautères, car ils brûlent d'une manière plus pénétrante et plus sèche. Il faut avoir soin que l'articulation ainsi brûlée ne guérisse pas trop vite. Dans certains cas, il est avantageux de ne pas laisser les plaies se cicatriser.

32. AUTRE MODE DE TRAITEMENT PAR LES ONCTIONS ET LES EMPLATRES.

Il existe une autre sorte de traitement. Pour les goutteux, il y a lieu de faire un choix parmi les remèdes dessiccatifs; s'ils sont très actifs, par suite d'une dessiccation excessive, après avoir épuisé l'humeur fluide, ils donnent de la dureté à l'humeur épaisse et produisent des calus. Erasistrate prescrivait de porter l'action des humeurs sur les articulations, afin de réprimer la pléthore. Voici donc les remèdes à employer : il y a les liniments, notamment ceux qui sont étendus sur un linge et que l'on applique de cette façon ; puis tous les dessiccatifs, tels que les trochisques d'Andron et de Polyide. Il y a aussi (un liniment ainsi composé) : soufre et vinaigre, alun, feuilles de bruyère triturées avec de la galle, de la myrrhe et du vinaigre. Vous appliquez ce liniment sur les parties malades, soit les coudes, les bras, les genoux, les cuisses, les pieds, les tibias et autres régions analogues où se produit la douleur. Ces substances empêchent la fluxion d'affecter les articulations. Citons encore, entre autres emplâtres dessiccatifs, l’hicésium, le diaitéas, et tous ceux qui se composent de bitume, de goudron et de calamine. En voilà assez sur les liniments et sur les emplâtres. Vous ne ferez pas mal de pratiquer une onction générale de résine sur tout le corps, et notamment sur les articulations. A défaut de liniment, vous pouvez recourir aux frictions sèches et saupoudrer de farine de moutarde ou de cresson; car ces remèdes sont d'un grand secours, pourvu que l’on ne les emploie pas autrement qu'avant la déplétion.

Tel est le traitement que j'ai à prescrire contre toutes les affections articulaires, et je crois pouvoir garantir la guérison à quiconque voudra le supporter, et ne sera pas arrêté par la mollesse ou la négligence.

33. TRAITEMENT À SUIVRE QUAND IL Y A COMPLICATION DE DOULEURS RHUMATISMALES.[28]

Maintenant nous avons à parler des remèdes contre les douleurs rhumatismales et contre l'inflammation des articulations. Il faut les calmer promptement par les moyens convenables ; car, pour certains malades, il suffit d'administrer des adoucissants à faible dose.[29] Il s'agit donc de lès appliquer sur les douleurs; mais, auparavant, on doit donner un lavement émollient pour faire évacuer le ventre, puis, pendant les premiers jours (du traitement), prescrire l'abstinence en fait de boire et de manger. Si le malade a l'estomac plein au moment où commencent les douleurs, vous le faites vomir; s'il y a pléthore manifeste, vous saignez. Les moyens prohibitifs diminuent l'inflammation des pieds.

34. RÉFRIGÉRATION DES ARTICULATIONS.

Si les articulations demandent à être rafraîchies, vous faites un cataplasme d'ache triturée avec du pain ou d'euphorbe péplide, indifféremment. On emploie aussi pour le faire la renouée, les feuilles de pavot, la morelle à fruits noirs, la pariétaire ou helxiné, le cotylet ou nombril de Vénus, la jusquiame, le plantain, les feuilles de verveine et la tête de la ciguë. Toutes ces plantes doivent être mélangées avec du pain, comme on vient de le dire. Mais il est préférable de mélanger les vieux cataplasmes avec de la fleur de farine. Cette farine jetée seule dans du vinaigre, vous appliquez le mélange en cataplasme. Triturer la farine avec le jus des plantes précitées, pour en faire un liniment, est encore une bonne recette. Citons aussi le suc du safran, de l’ache (?), du nerprun, du plantain-psyllium et d'autres plantes analogues. Il n'est pas mauvais d'appliquer une compresse imbibée d'huile aux roses et d'eau. Il ne faut pas exagérer le rafraîchissement, car une fraîcheur trop intense porte l'inflammation à l'intérieur, et il en résulte un affaissement des articulations tuméfiées, une recrudescence de la douleur et une inflammation qui se fixe à l'intérieur.

35. CATAPLASMES RÉCHAUFFANTS.

Lorsque les malades se trouvent bien d'être réchauffés, il faut leur mettre un cataplasme de pain et de vin miellé cuit, ou de farine d'orge cuite, ou encore de graine de lin et de fenugrec. Ce qui est meilleur encore, c'est une décoction de figues dans laquelle on fait entrer les plantes précitées. On applique aussi un cataplasme de figues triturées avec du vin; avec l'orobe, c'est-à-dire l'ers nettoyé (?) et criblé jeté dans du vin miellé cuit, vous faites encore un bon cataplasme;[30] de même avec la farine d'ivraie.

36. [REMEDES] CONTRE LA PODAGRE TRES HUMIDE.

Pour ceux qui ont les articulations humides, vous aurez recours aux médicaments dessiccatifs, tels que le souchet cuit dans du miel, l'ail jeté dans du vinaigre, et le bitume cuit avec la farine d'orge. Ces remèdes sont les plus actifs. En voici maintenant qui sont plus doux. La dessiccation est modérée avec un cataplasme de lentilles frites dans· la poêle et de farine mélangée avec du miel ; ou encore celui de poireau mélangé avec de la graisse de chèvre, appliqué comme cataplasme émollient. Vous faites un mélange de deux parties d'héliotrope vert contre une partie de graisse de bouc, et vous posez le cataplasme. Si le médicament est trop sec, vous y ajoutez des jaunes d'œufs. Il y a aussi un cataplasme composé de graisse de chèvre ou de brebis mélangée avec la fiente de chèvre et de crocodile.

37. FOMENTATIONS.

Lorsque les articulations sont relâchées et que les humeurs sont diffuses, on a recours aux fomentations astringentes, telles qu'une décoction de feuilles ou d'écorce de saule, de jonc, de myrte, de cyprès, du soufre vif[31] mélangé avec une quantité de vinaigre médiocrement chaud. Il faut s'attacher, en employant ces médicaments, à éviter l'induration des articulations. C'est pourquoi je trouve bon, après l'emploi de ces fomentations, de rafraîchir doucement et d'appliquer des liniments assez gras. Il faut que les malades, dans la période d'inflammation, se tiennent dans un repos absolu. Tel est le traitement de la goutte lorsqu'il y a inflammation.

 

 


 

[1] Aujourd'hui n° 10233 de l'ancien fonds. Notre texte commence au f° 263 (C. Ε. R.).

[2] M. Littré écrivait ceci en 1845. La Synopsis a été publiée en 1873. (C. E. R.)

[3] Un argument de plus en faveur de cette thèse, c'est le rapprochement des fragments de Rufus extraits de Rhazès, notamment f° 289. Voir aussi la Préfacé, II, vii. (c. e. r.)

[4] C'est-à-dire si sa douleur est bien un accès de goutte.

[5] Cf. Oribase, Coll. méd. VI, xiii, 2.

[6] Cf. Oribase, Coll. méd. XV, 2. Si l'on adopte les corrections de M. Littré, on devra traduire : ... les coliques hépatiques et les contractions des membres, de recourir à la graisse, etc.

[7] Fort. legend. in nimio œstu non expediant... Et ne produit pas un bon résultat lorsqu'il y a beaucoup d'inflammation.

[8] Cf. Oribase, Coll. méd. II, viii.

[9] Cp. Oribase, Coll. méd. Χ, v et notes, ibid. II, p. 878.

[10] Cp. Œuvres d'Oribase, t. II, p. 896. A sec, c'est-à-dire sans eau, à l'air chand.

[11] Rapprochez Œuvres d'Hippocrate, t. VIII, p. 654, où la vieille traduction d'un texte grec perdu parle de vases remplis d'eau chaude. Voyez aussi t. II, p. 672.

[12] Cp. Orib. Coll. méd. Χ, vii, 21: ἀλείφεσθαι δεῖ ἐλαίῳ συμμέτρῳ. (Fragm. d'Agathinus.)

[13] Dans Oribase, Coll. méd. II, i, 3 et ailleurs, on a traduit τρίγλαι par rougets.

[14] Cp. Oribase, Coll. méd. II, lviii, 37.

[15] Les poissons gras sont indiqués plus bas (22, 1) parmi les aliments destinés à être rejetés à la suite d'un vomissement provoqué.

[16] Cp. Oribase, Coll. méd. I, viii, i et la note à la fin du t. I, p. 563.

[17] Peut-être qui a trois mois d'emmagasinage. Cp. Oribase, Coll. méd. I, i, 8.

[18] Nous traduisons d'après l'ingénieuse conjecture de M. Littré.

[19] Même prescription chez Galien, cité par Oribase, Coll. méd. VII, xxiii, 2, 3.

[20] Cp. Oribase, Euporistes, IV, cxx, 3.

[21] C'est la ἱερὰ Ρούφου ἀντίδοσις. Rapprochez ce texte de la vieille traduction latine reproduite dans les Œuvres d'Oribase, t. V, p. 891. Voir aussi, plus loin, les fragments 46 et 61.

[22] Ne serait-ce pas plutôt drachmes ?

[23] Ou S drachmes ?

[24] Restitution conjecturale.

[25] Lecture conjecturale.

[26] Aétius, liv. XII, chap. xxiv, a inséré ce chapitre dans son ouvrage. Je reproduis ici le texte grec, tant pour établir l'authenticité de ce morceau de Rufus, que pour montrer comment notre traducteur latin s'est acquitté de son office. On verra des différences entre le texte grec et la traduction latine; nuis peut-être ne doivent-elles pas être entièrement mises sur le compte du traducteur, Aétius ayant pu remanier quelque peu ce morceau, qu'il s'appropriait. Le texte grec de la partie d'Aétius où se trouve notre passage étant encore inédit, j'ai mis à contribution les manuscrits 2192 et 2194 de la Bibl. nationale. Il vaut la peine, dit Rufus, de trouver d'autres modes de traitement contre cette funeste maladie. S'il s'agit de fluxion aux articulations des pieds, je recommande l'excision d'en haut des petites veines qui descendent dans les pieds, comme pour combattre les varices crurales ; car on voit ces parties se gonfler sensiblement, surtout dans le temps de l'inflammation ; des rougeurs se manifestent autour des veines, et l'on voit les petites veines se remplir de sang. Les malades ainsi affectés éprouvent de l'inflammation sous l'action de la douleur, et beaucoup de soulagement au moyen des réfrigérants. En conséquence, si l'on excise les veines, comme dans le cas des varices, la surabondance de sang ne pourra plus affluer comme auparavant de façon à causer de l'inflammation, surtout s'il y a podagre sanguine. Lorsque la fluxion affecte les autres articulations, telles que les hanches et les coudes, les petites veines ne sont pas du tout saillantes. S'il en est autrement, il faut, dans ce cas aussi, exciser les veines devenues flexueuses. (Trad. c. e. r.)

[27] Ce chapitre est aussi dans Aétius, liv. XII, chap. xxv. Cp. Cœl. Aurel. p. 566. (Daremberg.)— Il faut produire des escarres, les unes au-dessus de l'articulation où il y a fluxion, les autres tout auprès, et les produire de préférence avec un cautère, ou, à son défaut, avec des médicaments. Il vaut mieux le faire avec un cautère, car celui-ci brûle d'une manière plus pénétrante et plus sèche. Il faut cautériser en général les parties du pied où il y a fluxion, aux deux chevilles intérieure et extérieure, en appuyant les cautères contre les veines qui passent là, plutôt même un peu au-dessus des chevilles. Brûler aussi la région située entre le grand orteil et le doigt voisin, surtout si l'on constate un gonflement des veines, notamment des plus grosses. Pour quelques malades, il faut même cautériser les articulations, lorsqu'on les trouve surchargées de mucosités, avant qu'il s'y forme des calus. Il faut savoir, toutefois, dit Rufus, que les plaies engendrées par la cautérisation des articulations chargées de mucosités sont d'une guérison difficile. Mais, lorsque les cicatrices se réunissent, elles procurent une grande force aux articulations, qui, de cette façon, ne reçoivent plus les superfluités affluentes. (Trad. c. e. r.)

[28] Traduction proposée par M. Littré.

[29] On traduit d'après la restitution conjecturale de M. Littré.

[30] Cp. Oribase, Coll. méd. IX, xxxviii.

[31] Probablement le Θεῖον ἄπυρον d'Oribase. (Synopsis, II, lvi, 66.)