Philelphe

PHILELPHE

 

CENT-DIX LETTRES GRECQUES

traduction française d'Emile LEGRAND

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 


 


 

CENT-DIX LETTRES GRECQUES

DE

 

FRANCOIS FILELFE

 

 

PUBLIÉES INTÉGRALEMENT POUR LA PREMIÈRE POIS

D'APRÈS LE CODEX TRIVULZIANUS 873,

AVEC TRADUCTION, NOTES ET COMMENTAIRES

PAR

EMILE LEGRAND

PROFESSEUR A L'ÉCOLE NATIONALE DES LANGUES ORIENTALES

 

 

 

 

 

 

POÉSIES GRECQUES INÉDITES DE FRANÇOIS FILELFE ET D'ANDRONIC CALLISTE. LETTRES INEDITES DE GUARINO DE VÉRONE, BESSARION, JEAN EUGÉNICOS, MATTHIEU CAMARIOTE, GEORGES SCHOLARIUS, GEORGES DE TRÉBIZONDE, THÉODORE GAZA, ANNE NOTARAS, JEAN ARGYROPOULOS, DÉMÉTRIUS CHALCONDYLE, EMMANUEL ADRAMYTTENUS, JANUS LASCARIS ET SERGIUS STISSUS.

 

 

 

PARIS

 

ERNEST LEROUX, ÉDITEUR

28, RUE BONAPARTE, 28


 

 

 

 

Wikipédia sur l’auteur

 

 

François Philelphe (en italien Francesco Filelfo, latinisé en Franciscus Philelphus), né en 1398 à Tolentino dans les Marches, et mort en 1481 à Florence, est un lettré italien des débuts de la Renaissance.

Biographie

Philelphe étudia à Padoue, puis remplit diverses missions : il fut secrétaire de l'ambassade de Venise à Constantinople, fut envoyé près de l'empereur Sigismond par Jean VIII Paléologue pour implorer son secours contre les Turcs (1424), recueillit en Grèce une riche moisson de manuscrits, qu'il rapporta en Italie, professa les langues anciennes a Venise, Florence, Sienne, Bologne, Milan. Il enseigna la philosophie à Rome, et mourut à Florence, laissant de nombreux écrits en prose et en vers (satires, fables, etc.), et plusieurs traductions latines d'ouvrages grecs (la Rhétorique d'Aristote, la Cyropédie et les opuscules de Xénophon, et quelques Vies de Plutarque). Philelphe fut l'ennemi des Médicis, et eut querelle avec plusieurs savants, notamment avec le Pogge.

Son fils aîné, Marius Philelphe (né à Constantinople en 1426, † à Mantoue en 1480), fut employé à la cour de Constantinople, puis à celle de Provence sous René, professa les belles-lettres à Gênes et fut avocat à Turin. On a de lui de nombreux écrits, en latin et en italien, discours, lettres, commentaires, épigrammes, tragédies, poèmes divers, dont un sur la prise de Constantinople.

Œuvres

·            Appiani Alexandrini historiæ. Il entreprit cette traduction en latin en réaction contre celle de Décembrius.

·            Une traduction de Dion de Pruse, dont L'Arétin fit de grands éloges. Mathieu Béroalde a publié cette traduction avec quelques autres opuscules.

·            Conviviorum libri duo, imprimés plusieurs fois, entre autres à Paris en 1552.

·            Satiræ, Milan 1476, in-folio (rééd. à Venise en 1502, puis à Paris en 1518). Ces satires sont au nombre de cent, partagées en dix livres, et contiennent chacune cent vers, ce qui les lui a fait appeler « hecatosticha ».

·            Epistolarum familiarum libri XXXVII. Venise 1502, réimpr. à Hambourg en 1681 ; on trouve dans ces lettres des particularités de la vie de l'auteur, et quantité de traits de l'histoire littéraire et politique de son temps.

·            Carminum libri V. Brescia 1497.

Outre ces ouvrages latins, Philelphe a donné un commentaire italien sur les sonnets de Pétrarque, dont la première édition est de Bologne (1475).


 

INTRODUCTION

Les lettres grecques de François Philelphe avaient attiré, il y a déjà plus d'un siècle, l'attention d'un illustre helléniste français. Durant son séjour en Italie, Villoison les avait transcrites sur le manuscrit 873 de la bibliothèque Trivulcienne. Assez soigneusement exécutée, sa copie était divisée en trois cahiers, dont le troisième fut acheté par nous en 1886, chez un libraire du Quai Voltaire, à Paris. C'est un in-4° de 48 feuillets, dont 19 seulement sont écrits au recto et au verso, les uns entièrement, les autres en partie. Il mesure 252 millimètres sur 214 et comprend les 34 dernières lettres de la collection. Dans la marge supérieure du premier feuillet, on lit n° 3, ce qui indique que les 76 lettres précédentes formaient deux autres cahiers, dont le sort nous est inconnu. Le bas du feuillet 19 v° est occupé par la souscription suivante :

Has Francisci Philelphi, viri doctissimi, græcas epistolas sibi descr. Joli. Bapt. Casp. d'Ansse de Villoison.

La lecture des 34 lettres contenues dans ce cahier nous avait vivement intéressé. Elle nous inspira, l'idée de reprendre pour notre compte le projet de publication abandonné par Villoison. Il fallait, pour le mener à bonne fin, nous procurer une copie partielle du Trivulzianus 873, ce qui n'était pas sans offrir certaines difficultés.

En effet, bien que possédant un bibliothécaire, le prince Jean-Jacques Trivulce se réserve de communiquer lui-même, aux personnes qui en font la demande, les manuscrits de sa précieuse collection. Mais ce seigneur ne résidant guère à Milan que durant la saison d'hiver, cette circonstance nous mettait dans l'impossibilité d'aller nous-même exécuter la copie désirée, les devoirs du professorat exigeant alors notre présence à Paris.

N'ayant qu'une médiocre confiance dans plusieurs copistes qui nous furent proposés, nous résolûmes de faire photographier celles des pages du manuscrit où se trouvent des lettres grecques. Un ami du prince Trivulce, M. Charpentier, alors consul de France à Milan, voulut bien négocier cette affaire, dont la conclusion fut d'ailleurs assez laborieuse. Enfin, au mois d'avril 1890, l'autorisation de photographier fut accordée, à la condition que nous fournirions, à nos frais, au prince Trivulce deux épreuves de chaque cliché. Ces épreuves, au nombre de 260, lui ont été expédiées par nos soins, et M. Emile Motta, bibliothécaire de la Trivulcienne, nous en a accusé réception.

Il est de notre devoir d'adresser ici nos meilleurs remerciements au prince Trivulce pour sa libérale communication, à M. Charpentier pour son inépuisable obligeance, et enfin à M. Schefer, administrateur de l'École des langues orientales, qui voulut bien nous recommander à la bienveillance de l'honorable consul.

Une fois en possession des photographies du Trivulzianus 873, il nous fut facile de reconnaître que ce splendide manuscrit, qui passait pour un autographe de François Philelphe, n'est en réalité qu'une copie vraisemblablement exécutée sous ses yeux.

Nous donnons en tête du présent volume les fac-similés héliogravés d'une lettre latine et d'une lettre grecque. Si l'on compare l'écriture latine à celle de la lettre de Philelphe reproduite plus loin par la phototypie, on pourra très aisément acquérir la certitude qu'il n'y a rien de commun entre elles. D'un autre côté, la copie des lettres grecques, faite postérieurement à celle des lettres latines, dans des blancs laissés à cet effet et qui n'ont pas toujours été calculés avec toute la précision désirable, cette copie, disons-nous, n'est pas davantage de la main de Philelphe. On en peut juger par l’exlibris ci-dessous, emprunté au Parisinus 2110 de l'ancien fonds grec (f. 128 v°), volume qui provient de la bibliothèque du célèbre humaniste.

D'ailleurs, lors même que nous ne posséderions pas ce terme de comparaison, une simple lecture du texte grec suffirait amplement à nous convaincre que cette copie ne saurait émaner de Philelphe. Elle est, en effet, criblée de fautes de toute nature, qui trahissent un scribe peu familier avec la langue grecque et ne déchiffrant que péniblement les textes qu'il était chargé de transcrire.

Dans le Trivulzianus 873, les lettres latines sont écrites à l'encre noire et les lettres grecques à l'encre rouge.

Nous nous sommes efforcé de reproduire le texte du Trivulzianus aussi fidèlement que possible, plaçant au bas des pages les leçons erronées de l'original.

— Nous avions songé tout d'abord à nous procurer une copie du Guelferbytanus 657, lequel contient la presque totalité des lettres grecques de Philelphe. Mais, après avoir acquis la certitude que ce manuscrit ne devait nous rendre à peu près aucun service pour l'établissement de notre texte, nous résolûmes de nous en passer. M. le Dr von Heinemann, l'aimable et savant bibliothécaire de Wolfenbüttel, s'était spontanément offert (lettre du 11 février 1890) à nous fournir un apographe de ce manuscrit, tout en nous informant qu'un professeur du collège de cette ville l'avait déjà transcrit pour le compte de M. le Dr Louis Stein, de Zurich.

— J'avais déjà copié les 110 lettres grecques de Philelphe et j'en avais traduit une cinquantaine, lorsque j'eus connaissance de la publication de M. le Dr Théodore Klette. Je n'ai pas d'opinion à exprimer ici sur ce livre. Je dois dire toutefois qu'il m'a été agréable d'y rencontrer trois mots oubliés par le copiste du Trivulzianus dans la lettre 18, et donnés par celui du Guelferbytanus. Il me faut ajouter encore que, quand j'entrepris mon travail, je savais, grâce à un renseignement fourni par le prince Trivulce, au des d'une de ses cartes de visite, que M. le Dr Klette avait examiné le Trivulzianus. Je conclus de cette communication qu'un simple examen ne pouvait avoir permis à l'érudit allemand de copier intégralement les lettres grecques contenues dans ce manuscrit. Je ne savais pas que, possédant déjà une copie du manuscrit de Wolfenbüttel, M. Klette avait pu la collationner et la compléter avec le manuscrit de Milan. Nous ne pensons pas toutefois que la collation ait dû porter sur chacune des lettres, par exemple sur le n° 98. Cela expliquerait peut-être pourquoi M. le Dr Klette n'a pas publié in-extenso l'Epistolaire grec de Philelphe.

A la suite de ces cent dix lettres, on trouvera quatorze pièces de vers grecs du même Philelphe, dont treize adressées à des Grecs et une au sultan Mahomet II. Je dois la copie des nos 6, 12 et 14 à M. Henri Rostagno, conservateur des manuscrits de la bibliothèque Laurentienne ; celle des autres à M. John Schmitt, de Cincinnati. Que ces deux habiles paléographes nous permettent de leur offrir le tribut de notre reconnaissance pour le précieux concours qu'ils nous ont prêté en cette matière.

Aux noms de ces deux savants, je dois joindre celui de M. Thomas-William Allen, qui m'a envoyé de Florence une excellente copie de la pièce de vers d'Andronic Calliste à la louange du livre de Bessarion In calumniatorem Platonis.

Mon intention première avait été de publier comme complément à ces lettres de Philelphe environ cent cinquante lettres émanées de savants grecs du xve siècle. Je voulais, en outre, consacrer à chacun d'eux une notice biographique, mais j'ai dû, pour des raisons indépendantes de ma volonté, renoncer à ce projet. J'avais déjà rédigé des notices sur Georges Gémiste (Pléthon), Georges Scholarius, Georges Amiroutzès, Georges de Trébizonde et Jean Argyropoulos, lesquelles formeraient à elles seules un volume, tant sont nombreux les documents que nous avons réunis sur ces personnages. Mais il nous a paru préférable d'en différer la publication plutôt que de les écourter pour les placer en tête du présent volume.

Les quelques lettres qu'on lira à la fin de ce livre donneront une idée de l'intérêt que présenterait une collection dix fois plus considérable.

La correspondance échangée entre Bessarion et Guillaume Fichet se trouve en manuscrit à la fin d'un exemplaire imprimé de l'opuscule du cardinal De bello in Turcas decernendo, imprimé en Sorbonne, conservé à la Bibliothèque nationale de Paris (Z non porté, Réserve) et paraissant avoir appartenu à Fichet lui-même. Une autre copie de cette correspondance, évidemment faite sur le susdit exemplaire, constitue le manuscrit n° 18591 du fonds latin de la même bibliothèque, et reproduit assez exactement l'original. Nous n'avions pas à nous en préoccuper.

L'importance de cette correspondance n'échappera à personne. Ces lettres nous renseignent admirablement sur les derniers efforts tentés par Bessarion, secondé par Fichet, pour décider les princes de l'Occident à entreprendre une croisade contre les Turcs. L'activité déployée par Fichet en cette circonstance était à peine soupçonnée jusqu'à ce jour. Nous n'en avons pas trouvé trace dans Le cardinal Bessarion de M. Henri Vast. On ne lira pas sans un vif intérêt le récit de l'audience accordée par Louis XI à Fichet, lorsque celui-ci remit au Roi un exemplaire enluminé du livre de Bessarion (lettre 10). On verra en quelle singulière estime Louis XI tenait le célèbre cardinal : et ce témoignage d'un contemporain qui possédait (chose rare!) toute la confiance du soupçonneux et rusé monarque, contribuera peut-être à faire enfin justice de la fable ridicule sur la barbe de Bessarion, fable mise en circulation par Brantôme et prise au sérieux par plus d'un grave historien. On verra aussi avec qu'elle ardeur les Français désiraient l'arrivée de Bessarion en qualité de légat pontifical, et combien fut cruel le désappointement des populations quand le bruit courut que le cardinal, empêché par la maladie, ne pourrait se rendre dans notre pays. On admirera enfin la franchise avec laquelle Fichet, dans sa lettre à Sixte IV (n° 13), parle à ce pape de la triste réputation que certains légats avaient laissée en France.

L'historien de l'Université de Paris trouvera, lui aussi, un curieux document dans la lettre 14, adressée par le Recteur à Bessarion, le 4 mai 1472, pour le remercier des deux volumes dont il avait fait hommage à la bibliothèque universitaire par l'entremise de Fichet.

a) Les lettres de Jean Eugénicos sont empruntées au Parisinus 2075 de l'ancien fonds grec. Ce manuscrit en contient d'autres encore qui sont loin d'être dénuées d'intérêt. Nous avons rédigé une notice bio-bibliographique sur Jean Eugénicos, mais elle est trop étendue pour trouver place ici. Elle sera publiée ailleurs.

b) La lettre de Matthieu Camariote nous fournit l'occasion de reproduire une note qui peut servir à établir un point fort controversé de la biographie très peu connue de ce savant. Cette note, qui figure sur une feuille de garde à la fin du Mutinensis II A. 10. (Arriani dissertationes Epicteteæ, etc.), est ainsi conçue :

Liber hic scriptus est manu clarissimi viri domini Matthæi Camarioti constantinopolitani : quem mihi dono dedit, anno domini M .CCCC .LXXXIIII, præceptor ille optimus.

On peut donc désormais considérer Matthieu Camariote comme Constantinopolitain, et ce avec d'autant plus de certitude que la chose nous est affirmée par un élève de cet habile maître, c'est-à-dire par un contemporain bien placé pour être exactement renseigné.

c) Comme la précédente, la lettre de Georges Scholarius est adressée à Démétrius Raoul Cabacès. Nous supposons que ce dernier était fils de Manuel Cabacès qui fut envoyé, en 1422, comme ambassadeur à Venise, par le despote de Mistra.[1] Ce qui nous ferait admettre cette hypothèse, c'est que le fils de Démétrius s'appelait aussi Manuel, et que, conformément à une coutume constante chez les Grecs, surtout à cette époque, le petit-fils devait porter le prénom de son aïeul.

Quant à Démétrius, il était depuis longtemps connu, mais quelques particularités nouvelles sont venues récemment s'ajouter à sa biographie.[2] On lui doit la copie de plusieurs manuscrits, notamment celle du Vat. gr. 1359 (Hérodote), dont la souscription nous apprend que Démétrius l'écrivit l'année même de la prise d'Otrante par les Turcs, c'est-à-dire en 1480, et qu'il résidait alors à Rome depuis vingt-un ans, Nous le voyons encore, en 1482, emprunter un Strabon à la bibliothèque Vaticane.[3]

Il eut un fils qui fut archevêque de Monembasie et qui s'acquit une certaine réputation comme poète latin. Il est fort connu, dans l'histoire littéraire, sous le nom de Manilius (= Manuel) Cabacius Rhalles. Il fit graver sur le tombeau de son père, dans la Basilique des Douze-Apôtres, une épitaphe plusieurs fois publiée d'une façon incorrecte, même par Forcella[4] et dont voici le texte exact :

D. O. M.

DEMETRIO. CABACIO. RALLO.

EQVITI. SPARTANO.

QVI. NVLLVM. CORPORIS. INCOMMODVM. EXPERTVS.

NONAGESIMVM. ÆTATIS. ANNVM. MENSIBVS. II. DIEBVS. XXII.

SVPERAVIT.

MANILIVS. EX. THOMAIDE. THEODORI. BOGGHALI. FILIA. SVSCEPTVS.

PARENTI. SANCTIS. AG. B. M. SIBI. QVE. POSVIT.

 

SI, GENITOR DEFLENDE, PIVS TIBI DEBITA NATVS

IVSTA SEPVLTVRÆ MVNERA SI APTA DAREM,

CONDERER HIC TECVM, DISCAT NE SERA SENECTVS

CVM GENERE AMISSAM REM PATRIAMQUE MIHI.

Démétrius-Raoul Cabacès est auteur d'une fort curieuse lettre sur la parenté de sa famille avec celle des Métochites. Ce document, intitulé Δημητρίου Ραὺλ Καβάκη Σπαρτιάτου καὶ Βυζαντίου πρὸς τὸν ὑίον αὑτοῦ Μανόλιον, a été publié, pour la première fois, par Léon Allatius dans son ouvrage In Roberti Creightoni Apparatum (Rome, 1674, in-4°), pp. 616 et suivantes.

d) Nous devons à M. Pierre de Nolhac l'indication de la première lettre de Georges de Trébizonde, et à M. Léon Dorez, membre de l'École française de Rome, la copie de la seconde

e) Nous aurions désiré, à l'occasion de la publication des lettres de Théodore Gaza, donner un supplément à la notice biographique que nous avons consacrée à ce personnage dans le tome premier de notre Bibliographie hellénique, mais le manque de place ne nous le permet pas. — Les lettres de Gaza à Panormita m'ont été indiquées par M. Pierre de Nolhac.

f) Je dois la communication de la courte lettre d'Anne Notaras à l'amitié du R. P. Pierling. Cette lettre fixera définitivement le nom contesté d'un personnage officiel qui fut le familier de cette grande dame byzantine. Il s'appelait en réalité Franculius Servopulus. Démétrius Paléologue l'avait chargé d'une ambassade près de Charles VII, roi de France, et il était venu dans notre pays, porteur d'une lettre du despote, datée du 12 décembre 1455, dans laquelle on lisait : « Visum mihi est nobilem virum familiarem nostrum Franculium Servopulum, fratrum olim meorum imperatorum cancellarium et Romeorum iudicem generalem, præsentium latorem, ad celsitudinem tuam oratorem mittere, cum res necessarice christianorum id exigere videantur. Eius igitur verbis quæ meo nomine serenitati tuæ referet, placeat plenam fidem adhibere. »

Du Cange, à qui nous empruntons cette citation, ajoute : « Scripsit in eiusdem Servopuli gratiam regi Carolo Callistus pontifex xxiv febr. eodem anno, quem ob utriusque linguse cognitionem mirifice commendat. »

h) Nous n'avons rien de particulier à dire des lettres de Jean Argyropoulos, ni de celles de Démétrius Chalcondyle.

i) Sans nous révéler de nombreuses particularités sur leur auteur, les lettres d'Emmanuel Adramyttenus nous le montrent du moins fort lié avec Ange Politien. Elles ne devront pas être négligées par l'historien de cet illustre humaniste.

j) Le volume se termine par une lettre fort intéressante de Janus Lascaris à Sergius Stissus et la réponse de celui-ci. Je dois la copie de l'une et de l'autre à la bonne amitié de M. Th. W. Allen.

 

Paris, 8 janvier 1892.

 

 


 

LETTRES GRECQUES

DE

FRANÇOIS FILELFE

 

 

1.

FRANÇOIS FILELFE À GUARINO DE VÉRONE

Venise, 21 décembre 1427.

Le messager qui est venu me trouver de ta part m'a dit, après m'avoir comblé de politesses, que les Bolonais désireraient me posséder chez eux, et que tu voudrais sur ce point pressentir ma pensée.[5] Voici donc quelle est mon intention : si les Bolonais consentent à me créer dans leur ville une situation honorable, je suis prêt à me rendre à leurs vœux; car il m'est tout à fait impossible de rester davantage ici, où je perds mon temps. Porte-toi bien.

Filelfe quitta Venise le 13 février 1428 et, le 17 du même mois, il était déjà à Bologne, où l'avait devancé sa grande réputation de savoir. Son arrivée donna lieu à un immense concours de peuple : ce ne furent pas seulement les professeurs et les élèves de la célèbre université, mais presque tous les citoyens, qui s'empressèrent d'aller lui présenter leurs hommages. Le lendemain, il fut admis à l'audience du cardinal Louis d'Aleman, archevêque d'Arles et légat apostolique. Très flatté de l'accueil honorable qu'il reçut de ce prélat, Filelfe accepta les offres qui lui furent faites. On lui assigna un traitement de 450 écus d'or, dont 300 devaient être fournis par le trésor public et 150 par le légat. Ce dernier lui fit en outre plusieurs cadeaux.[6] « Le séjour de Bologne me plaît beaucoup, écrivait Filelfe ; la ville est agréable et la population polie. On y trouve en abondance toutes les choses nécessaires à la vie, et l'empressement y est général pour l'étude des arts. Ce qui me cause le plus de plaisir, c'est que chacun m'a pris en amitié. Dieu veuille que cette joie soit durable![7] » Ce souhait de Filelfe ne devait pas être exaucé. Quinze jours plus tard, il pressentait déjà quelque grave catastrophe.[8] Elle ne tarda pas à éclater. La puissante famille des Cannetoli s'empara du pouvoir et chassa le cardinal légat, dont la maison fut saccagée (août 1428).[9] Le pape Martin V donna ordre à Dominique Capranica d'assiéger la ville rebelle.[10]

Cet état de choses et la misère qui en fut la conséquence dégoûtèrent Filelfe du séjour de Bologne. Il résolut de quitter cette ville et s'adressa à Pallas Strozzi, noble florentin, qui, à son retour du siège de Brescia, lui avait déjà proposé de venir se fixer à Florence.[11] Filelfe lui écrivit (30 août 1428) qu'il était prêt à s'y rendre, si on lui faisait un parti honnête. Pallas ne tarda pas à l'informer que la République de Florence lui assurait pour cette année 300 écus d'or, avec promesse que ses émoluments seraient augmentés l'année suivante. Filelfe accepta cette proposition, mais à condition qu'il serait payé avec exactitude. Sa réponse, qui est du 19 septembre suivant,[12] nous est une preuve que ces négociations ne traînèrent pas en longueur. Il serait parti sur le champ pour Florence, s'il avait pu se procurer les bêtes de somme nécessaires au transport de ses livres et de ses meubles qu'il avait apportés de Constantinople. Il fit part de ce contre temps à Niccolu Niccoli, en le priant de lui louer six mulets à cet effet. Mais, malgré son empressement, il ne put effectuer son départ aussi promptement qu'il l'eût désiré.[13] Le commandant des troupes pontificales s'était ménagé des intelligences dans Bologne par le moyen d'un moine,[14] et tant qu'il eût lieu d'espérer que les conjurés lui faciliteraient l'entrée dans la ville, il ne voulut permettre à personne d'en sortir.[15] Pendant que Filelfe se trouvait ainsi arrêté malgré lui, le pape et Nicolas d'Este lui firent proposer une situation;[16] mais il déclina leurs offres, disant qu'il s'était engagé avec les Florentins et qu'il n'avait rien de plus cher que sa parole.

Enfin, las d'attendre, il écrivit, le 13 février 1429, à Léonard Bruni pour l'engager à faire demander par la république de Florence au général romain qu'il eût à lui délivrer un laissez-passer.[17]

Léonard était son ami et, en sa qualité de chancelier de cette république, il pouvait facilement lui procurer les recommandations qu'il sollicitait. Mais il n'en eut pas besoin. La conspiration qui se tramait dans Bologne fut découverte, les assiégés se tinrent sur leurs gardes afin de n'être point surpris ; et le général, voyant son projet avorté, accorda un passeport à Filelfe,[18] qui partit immédiatement pour Florence.[19] Il y fut reçu avec des honneurs infinis, que son amour-propre ne lui a pas permis de taire. Cosme de Médicis l'accueillit d'une façon particulièrement obligeante et lui déclara qu'il ne lui manquerait jamais, si toutefois il était payé de retour.[20]

2.

FRANÇOIS FILELFE A AMBROISE TRAVERSARI[21]

Bologne, 7 mars 1428.

Antérieurement à la réception de ta charmante lettre, ô Ambroise, j'avais souvent entendu raconter sur toi monts et merveilles, aussi m'étais-je épris pour ta bonté de la plus tendre affection. Mais aujourd'hui, connaissant par expérience ton habileté consommée dans les choses littéraires et aussi ton extrême bienveillance à mon égard, je ne saurais exprimer combien est vif le désir que j'éprouve de te voir et de converser avec toi. Mais, puisque cela est actuellement impossible, il nous faut y suppléer par un commerce épistolaire. Cet exercice nous sera facile et profitable à tous deux. Porte-toi bien, tête chérie.

3.

FRANÇOIS FILELFE A GEORGES DE TRÉBIZONDE

Bologne, 30 juillet 1428.

J'ai lu moi-même avec le plus grand soin le discours que tu m'as envoyé et je l'ai donné à lire aux savants de cette ville. Car tu paraissais me l'avoir surtout communiqué pour que beaucoup d'autres personnes en prissent connaissance. Et, de mon côté, j'ai pensé qu'il serait à propos (si tant est que les discours du genre délibératif soient susceptibles d'exercer quelque influence sur les affaires) que les princes en situation de faire leur devoir fussent mis à même de s'inspirer de ton écrit.

De simples citoyens, des orateurs publics de Bologne ont lu ton discours et lui ont accordé leur approbation. Eux aussi, ils sont d'avis qu'il faut résister aux ennemis et ne rien négliger. Ils estiment que tu fais œuvre d'habile rhétoricien en même temps que de bon et intelligent patriote; que c'est maintenant surtout qu'il te faut prodiguer conseils et écrits, avant que Byzance soit menacée, avant que les chrétiens, se laissant aller à la dernière indifférence, refusent même d'écouter ceux qui implorent des secours. Ne savons-nous pas que, si les Turcs s'emparent de Constantinople, ils se rendront indubitablement maîtres des mers, de sorte que les Vénitiens et tous les Italiens avec eux seront exposés aux plus graves périls. II est donc temps d'empêcher l'ennemi de grandir, et c'est chose aisée. Car, si ce mécréant parvient à avoir, outre une cavalerie et une infanterie puissantes, une marine redoutable, il sera fort difficile de se mesurer avec lui et il restera peu d'espoir de le vaincre.

C'est pourquoi je crains que, par leur négligence, les chrétiens n'éprouvent ce qui arrive aux gens qui, par suite d'une mauvaise hygiène, contractent soit une hydropisie, soit une pleurésie incurable. Auparavant, il leur eût été facile de se bien porter en s'astreignant à un bon régime ; tandis que, plus tard, cela est impossible, quand ils sont devenus, la proie de la maladie; et c'est en vain que le médecin prescrit des remèdes. Si donc, loin de soulager ceux qui se trouvent dans un pareil état de santé, ces remèdes leur sont nuisibles, ceux-là aussi qui négligent aujourd'hui Byzance, s'exposent à d'irréparables calamités, s'ils laissent l'ennemi acquérir des forces. Toutefois, il est bon, il est juste de donner des conseils, de s'efforcer de trouver un remède à cette situation. Si les princes ne l'envisageaient pas avec répugnance, s'il y avait beaucoup de gens à on parler, il se dégagerait de toutes les opinions une ligne de conduite. Mais, au lieu de cela, un seul exprime son avis et encore se soucie-t-il médiocrement que les autres sachent qu'il agit. Il est de toute nécessité que je garde le silence. Porte-toi bien.

Quoique cette lettre ne fournisse pas de données très explicites, il est cependant facile de déterminer quel était le genre de discours que Georges de Trébizonde avait soumis à l'examen de Filelfe. C'était certainement un appel aux princes et aux peuples de l'Europe pour les exhorter à défendre contre les Turcs le peu qui restait alors de l'empire byzantin. Il ressort, en outre, de cette lettre que Georges devait avoir pris à tâche, dans son élucubration, de démontrer aux chrétiens de l'Occident que le souci de leurs plus chers intérêts leur faisait un devoir sacré d'opposer une digue aux envahisseurs musulmans. Parmi les nombreux écrits de Georges de Trébizonde, il en est un dont le titre, que voici, peut s'appliquer au discours en question : Georgii Trapezuntii pro religione christiania adversus Turcas. Il s'en trouvait un exemplaire manuscrit, un chartaceus in-quarto, dans la bibliothèque (malheureusement détruite par un incendie) des chanoines réguliers de saint Antoine de Venise.

4

FRANÇOIS FILELFE A FRANÇOIS BARBARO

Bologne, 5 août 1428.

Ta lettre, que je viens de recevoir, ô très bon Barbaro, a rempli mon âme d'allégresse. Car quel est l'homme sensé qui, confiant dans ce que tu m'écris, pourrait ne pas se réjouir, faire de grands bonds, battre joyeusement des mains et devenir aussitôt hors de lui? Dieu veuille que tu me dises vrai ! Mais je crains que ta présente lettre ne soit qu'une phraséologie creuse et vide, comme cela est arrivé antérieurement. Et pourtant le passé suffit bien. Aux navires déjà surchargés, il ne faut pas, dit le proverbe, ajouter encore des fardeaux. Porte-toi bien.

Cette lettre est assez énigmatique. Mais on peut conjecturer, non sans beaucoup de vraisemblance, que François Barbaro devait avoir annoncé à Filelfe l'envoi prochain des manuscrits que celui-ci lui avait prêtés pendant son séjour à Constantinople. Si telle était la promesse de Barbaro, Filelfe n'avait pas tort de se montrer défiant; car, en 1451, Barbaro ne lai avait pas encore rendu les livres, qu'il détenait depuis trente ans.[22] Il mourut même sans les avoir restitués, puisque, trois ans plus tard, nous voyons Filelfe prier le médecin Pierre Tommasi de vouloir bien les réclamer de sa part aux héritiers du noble vénitien.[23]

5

FRANÇOIS FILELFE A GEORGES SCHOLARIUS

Florence, 1er mars 1430.

J'ai reçu ta très aimable lettre, mon bien cher Scholarius, et elle m'a causé une joie extrême. Car il me semblait non pas lire ton écriture, mais te voir toi-même, te serrer dans mes bras et converser très agréablement avec toi. J'ignore pourtant s'il me faut te savoir gré d'un tel bonheur, ou si ce ne serait pas plutôt au poète Orphée, dont tu m'exprimes le vif désir d'avoir une copie. Je cherche avec tout le zèle dont je suis capable le moyen de t'en procurer une. J'ai bien sous la main un copiste, un Athénien, mais c'est un paresseux fieffé, sauf quand il s'agit de vin ou de choses pareilles.

Tu me demandes le nombre de mes enfants ; j'en ai deux, un garçon[24] et une fille.[25] Puisque tu m'interroges également sur ma situation ici, je me borne à te dire que, entre les citoyens de cette ville et un étranger instruit, il n'y a rien de commun. Florence toute entière obéit à quelques scélérats.[26] Aussi ai-je l'intention et le désir de m'en aller ailleurs. Mais assez sur ce chapitre. Je suis étonné que tu ne m'écrives rien de Constantinople, ni de l'empereur, ni des Turcs. Porte-toi bien.

Le copiste athénien dont il est question dans cette lettre ne saurait être que Antoine le Logothète, dont on connaît deux manuscrits, exécutés l'un et l'autre pour Filelfe, pendant le séjour de celui-ci à Sienne. Le plus ancien est le Laurentianus 9 du pluteus 69 (Polybe, Historiarum libri quinque).

Ce manuscrit a été copié par Antoine sur un membranaceus qui appartenait jadis aux Bénédictins de Sainte-Marie de Florence (aujourd'hui à la Laurentienne). Montfaucon, qui put examiner ce volume, reproduit la note mise en tête par Antoine.

Le second manuscrit est le Laurentianus 7 du pluteus 55 (Plutarque, Apophthegmata).

6

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS HYALEAS

Florence, 29 septembre 1430.

Ta lettre, que j'ai reçue tardivement, m'a causé un double plaisir, d'abord parce que je la désirais fort, ensuite parce qu'elle est remplie de charme.[27] Je ne fréquente guère les Florentins ; car, étant ami de la vérité, je déteste le mensonge et ne saurais louer les gens qui l'emploient contre moi. En t'écrivant, je m'acquitte de la promesse que je t'ai faite; mais, comme tu ne me rends pas la pareille, cela me chagrine beaucoup. Je suis, en outre, lésé, car je n'ai reçu de toi que la lettre à laquelle je réponds, et qui m'a été apportée par un homme nommé Théodore. Porte-toi bien.[28]

7.

FRANÇOIS FILELFE A JEAN AURISPA

Florence, 9 janvier 1431.

J'ai appris par la lettre de notre commun ami Toscanella que tu désires extrêmement mon Dion Chrysostome (on appelle ainsi cet auteur, comme tu le sais, à cause de l'élégance de son style). Quant à tes sentiments de bienveillance et d'affection à mon égard, dont tu charges Toscanella de se faire l'interprète, ils me sont connus de vieille date et je t'en sais le plus grand gré. Maintenant, un mot de l'affaire. Tu affirmes désirer tellement mon Dion crue tu voudrais l'acquérir par voie d'échange et me donner en place un Diogène Laërce. Tu peux, si tu le veux, devenir propriétaire de mon Dion, en m'envoyant la Géographie de Strabon. En effet, je n'ai nul besoin du Diogène Laërce, dont je possède déjà un exemplaire, tandis que je n'ai pas de Strabon. Porte-toi bien.

Durant son séjour à Constantinople, Filelfe avait fait exécuter à ses frais une copie de la Géographie de Strabon, qui se trouve aujourd'hui à la bibliothèque de l'Escurial, sous la cote T. II 7. C'est un fort joli membranaceus in-folio, calligraphié avec élégance, en l'année 1423, par Georges Chrysococcès. « Il est recouvert d'une sévère et belle reliure en veau brun-marron, ouvragée à froid sur toute la surface des plats et du dos; parmi les motifs les plus caractéristiques, on remarque un oiseau à deux longs cous enfermé dans un carré enjolivé lui-même tout autour, et, au dos, dans des cercles, des lions passants; enfin, les plats sont parsemés de vires et de quintefeuilles, de sortes de trèfles déformés et à longues feuilles ovales, d'alérions dans de petits triangles. »

Mais ce manuscrit n'était plus, depuis longtemps déjà, entre les mains de Filelfe. C'est lui-même qui nous l'apprend par une lettre du 3 des nones d'août (3 août) 1448, adressée à Guarino de Vérone : « Strabonem geographum, quem ab me petis commodato, darem ad te quam primum, si penes me foret. Sed eum ab usque Constantinopoli cum aliis meis permultis libris misi ad Leonardum Justinianum, virum clarissimum et tibi æque amicissimum atque ipsi mihi, ea scilicet lege ut mihi cum primum in Italiam revertissem, bona fide restitueret. Nunc, illo vila functo, libri omnes apud ejus filium Bernardum, virum optimum patrique simillimum. Tu rem tenes. »

Désespérant de rentrer en possession de son Strabon, Filelfe essaya maintes et maintes fois de s'en procurer un autre exemplaire, mais ne put, croyons-nous, jamais y parvenir.

Quant au Dion Chrysostome qu'il faisait prier Filelfe de lui céder, Jean Aurispa le détenait déjà depuis huit années à titre de prêt. Et ce qu'il y a de piquant dans cette histoire, ce qui est bien dans les mœurs de l'époque, c'est que, ne voyant pas l'affaire se conclure dans les conditions qu'il proposait, Aurispa eut l'audace de prétendre avoir reçu le Dion Chrysostome à titre de cadeau. En présence d'une pareille affirmation, Filelfe ne put se contenir et écrivit la lettre suivante en réponse à celle d'Aurispa :

« Moverunt mihi risum litteræ tuæ, quibus Macrobiam atque Dionem, quos commodato acceperas, repetenti responderis eos me tibi dédisse dono, quo tempore Constantinopoli sum profectus ad regem Romanorum Sigismundum.[29] Et ita niteris oratione mihi probare tuum commentum ut nisi juvenis admodum essem, me putarem oblitum mei. At vereor, quum senectutem attigeris, ne ipse obliviosus sis factus : nam sunt qui senectuti imbecillitatem memoriæ ascribant. Ego enim memoriter memini, cum essem triremem prope inscensurus, petiisse te ut duos illos codices ad reditum usque meum ex Pannonia tuæ fidei commendarem ; tulius enim eos apud te futuros quam domi. Cum vero Constantinopolim revertissem, tu aberas in Italia.[30] Quod si, posteaquam in Italiam redii, illos serius repeto, nolo ob id putes me esse oblitum mei. Quare te rogo ut eos te jure postliminii uti sinas. Quod tum feceris, cum liberi ad me reverterint.[31] »

Il est probable que, après avoir lu cette verte épître, Aurispa s'empressa de restituer les volumes qu'il voulait s'approprier. Cela ne l'empêcha pas, huit ans plus tard, de solliciter de nouveau le prêt de ce Dion Chrysostome, ni Filelfe, tout en bougonnant, de lui en promettre l'envoi : « Tu semper aliquid petis, inservis autem raro. Quid hominis sis ignoro. Petis a me Diona Prusaiensem, quem equidem dabo ad te propediem ea lege ut eum aliquando patiaris ad nos redire. Ibit enim codex ille ad te mutuo, non dono. Quamobrem facito ut ex commodo tuo nihil mihi tandem incommodes.[32] »

L'exemplaire de Dion Chrysostome, objet des justes réclamations de son propriétaire, est aujourd'hui le Laurentianus n° 22 du pluteus 59. C'est un bombycin in-8° du XIVe siècle, comprenant 460 feuillets et fort bien conservé.

8.

FRANÇOIS FILELFE A CYRIAQUE D'ANGONE

Florence, 7 mars 1431.

J'admire depuis longtemps la puissance de style que tu possèdes; mais aujourd'hui je ne sais comment exprimer ce que j'éprouve, tant m'a frappé la beauté de tes lettres grecques. Plutôt que de les croire émanées d'un homme ayant fréquenté les écoles de Constantinople, on serait tenté d'y voir l'œuvre de quelqu'un qui aurait étudié à Athènes, car elles respirent une grâce toute attique. Je suis d'avis que, s'il arrivait jamais à la première des Muses de se rencontrer avec toi, elle éprouverait de l'embarras et serait ravie du charme de ton langage. A toi, qui ne le cèdes en rien, sous le rapport des connaissances, ni à tes contemporains, ni aux anciens, je souhaite une bonne santé et la vieillesse de Nestor, afin que tous ceux qui t'estiment, puissent longtemps profiter de cette culture intellectuelle qui te vient de Dieu. Porte-toi bien, sanctuaire des Muses, et continue d'aimer ton Filelfe, qui se précipiterait de grand cœur dans le feu pour toi et tes intérêts.[33]

Cyriaque d'Ancône n'avait commencé que fort tardivement l'étude du grec, en 1426, à l'âge d'environ trente-cinq ans. On se demande s'il n'y a pas une certaine dose d'exagération dans les éloges que Filelfe lui prodigue. Pogge affirme, au contraire, que Cyriaque mêlait les mots grecs avec les mots latins et avait un style inculte et barbare. Il ne faut pas oublier pourtant que le fameux auteur des Facéties était une fort méchante langue,[34] qu'il en voulait à Cyriaque,[35] que, dans une lettre écrite à une date antérieure, il l'avait proclamé un homme docte et ami des gens studieux. Cependant, si l'on considère le détestable latin de Cyriaque, on a peine à croire que son grec fût de meilleur aloi. Nous ne savons s'il existe en cette langue un document qui puisse être attribué d'une façon certaine à Cyriaque. Il est toutefois très vraisemblable qu'il a copié le Parisinus grec n° 1394 de l'ancien fonds (Géographie de Strabon) et que la note qui se trouve dans la marge inférieure du f. 295 verso a été rédigée par lui.

9.

FRANÇOIS FILELFE A GEORGES DE TRÉBIZONDE

Florence, 28 juillet 1431.

J'ai appris que si tu n'as pas répondu à ma lettre, bien que tu l'aies depuis longtemps reçue, c'est que tu étais gravement malade. Le climat de Mantoue, préjudiciable à tout le monde, doit l'être surtout pour toi, dont la santé est si délicate. Une loi fatale t'aurait-elle donc conduit dans cette ville pour t'y faire mourir? Car on ne dit pas que tu sois actuellement débarrassé de la fièvre et que tu n'éprouves plus de vives douleurs. Il arrivera ce qu'il plaira à Dieu.

Ce que tu me transmets concernant Aurispa, notre commun ami, a excité mon hilarité.[36] Quand le temps en sera venu, j'écrirai à cet homme et je le traiterai comme il convient. Je te remercie, et je souhaite pouvoir t'être utile. Je te prie d'abord de me renvoyer, si toutefois tu n'en as pas besoin, la Métaphysique, dont ta maladie t'a empêché de prendre copie, et ensuite de faire agréer à l'excellent Victorin de Feltre[37] mes affectueuses salutations.[38]

10.

FRANÇOIS FILELFE A LAPO LE FLORENTIN[39]

Florence, 13 août 1433.

Je sais que tu n'as rien raconté de ce que je t'avais confié. Car étant un homme sensé et un ami d'une complaisance sans bornes, tu prends à cœur de toujours agir comme il convient. Aussi ai-je depuis longtemps et souvent pu me convaincre de ton extrême affection pour moi, ainsi que du zèle et de la sollicitude qui en découlent. Bien que quelques personnes t'aient à tort et mensongèrement appelé l'ange calomniateur, tu ignores, pour ainsi dire, les pratiques clos calomniateurs et des criminels. Quant à moi, Cosme de Médicis et ses acolytes continuent de m'accuser. Ils prétendent que je sais parfaitement où le diable tient sa queue. Cela me fait volontiers admettre, afin de ne pas te contrister dans les circonstances présentes, que ton amitié et ton dévouement pour moi n'auront pas de fin tant que les cochons s'engraisseront. Et je crains bien que, jusqu'alors, les gendres ne maigrissent, comme dit le proverbe. Quant à toi, mon très cher Lapo, évite avec soin que l'homme aux grandes côtes, venant à apprendre ton affection pour moi, ne te frappe de bannissement. Porte-toi bien.

Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi le sens de cette lettre. Elle contient des allusions à des faits qu'il est impossible de préciser en toute rigueur; mais elle a certainement trait aux démêlés de Filelfe avec Cosme de Médicis, Niccolo Niccoli et Charles Marsuppini,[40] démêlés qui s'envenimèrent à un tel point que Filelfe se vit obligé de quitter Florence, où sa vie était en danger.[41]

Lapo de Castiglionchio, le destinataire de la présente lettre, appartenait à une honnête famille et était le neveu de Lapo l'Ancien, ami de Pétrarque. Il avait déjà vingt-cinq ans, lorsqu'il se mit à l'étude; mais il s'y livra avec tant d'ardeur qu'il fit de rapides progrès dans les langues grecque et latine. Il eut pour maîtres François Filelfe, Charles Marsuppini et Georges de Trébizonde. A l'époque où les affaires du concile de Florence obligeaient la cour pontificale à résider dans cette ville, Lapo traduisit plusieurs ouvrages de Lucien et de Plutarque. Comme il possédait un style d'une parfaite élégance, il acquit une certaine réputation, et le pape Eugène IV le nomma secrétaire apostolique. Lapo entretenait des relations avec Léonard Bruni et Gianozzo Manetti. Il dédia à ce dernier sa version du De longoevis de Lucien. Aimé des cardinaux et autres prélats, il serait parvenu, s'il eût vécu davantage, à une dignité plus haute que celle dont il était revêtu. Il mourut de la peste à Ferrare,[42] où il avait accompagné Eugène IV. Lapo était un homme de taille moyenne, d'un caractère mélancolique et taciturne, de mœurs irréprochables. Comme il était peu favorisé de la fortune, il copia de sa main un certain nombre de manuscrits grecs et latins.[43]

Il consulta parfois Filelfe sur des questions d'interprétation, notamment sur le sens de ce vers d'Homère :

Βούλομ' ἐγὼ λαὸν σόον ἔμμεναι ἢ ἀπολέσθαι [44]

Ambroise Traversari traduisait : Volo ego populum salvum esse aut populum perire, et Charles Marsuppini : Volo ego populum salvim esse aut me ipsum perire. Filelfe déclare avec juste raison ces deux versions erronées et donne celle-ci, qui est exacte : Respondet Agamemnon velle se populi salutem et non perniciem atque interitum.[45]

Lapo de Castiglionchio traduisit un certain nombre de Vies de Plutarque :

1) Vie de Thésée.

2) Vie de Romulus.

3) Vie de Lycurgue.

4) Vie de Numa Pompilius.

5) Vie de Solon, avec une épître dédicatoire au pape Eugène IV.

6) Vie de Valerius Publicola, avec une épître dédicatoire au cardinal Jourdain Orsini.

7) Vie de Thémistocle, avec une épître dédicatoire à Cosme de Médicis.

8) Vie de Camille.

9) Vie de Périclès, avec une épître dédicatoire à Jean Vitelli, patriarche d'Alexandrie et archevêque de Florence.

10) Vie de Phocion.

11) Vie de Caton le jeune.

12) Vie d'Artaxerxès, avec une épître dédicatoire ad illustrissimum principem Eufridum, Gloucestriæ ducem et, Pembrochiæ comitem. Dans l'épître dédicatoire de cette Vie il est question de Zanon de Castillon,[46] évêque de Bayeux (Zanonus, episcopus Baiucensis, vir cum summa doctrina, integritate ac religione præditus, etc.).

13) Vie d'Aratus, avec une épître déd. au card. Julien Cesarini. La traduction de ces treize Vies a été plusieurs fois imprimée,[47] mais sans les épîtres dédicatoires, qui sont de précieux documents d'histoire littéraire. On doit encore à Lapo les traductions suivantes :

14) Xénophon, Præfectus equitum, avec une épître dédicatoire à un certain Gaspar [Villanovensis, civis Tudertinus, d'après le Parisinus latin 1616, f. 198 r°.]

15) Lucien, De calumnia, avec une épître dédicatoire à Jean Reatinus.

16) Lucien, De longævis.[48]

16 a) Lucien, De somnio (dans le Parisinus latin 1616, ff. 163 r° et suiv.[49]).

17) Lucien, De sacrifiais, avec une épître déd. à Baptiste Alberti.

18) Lucien, De tyranno.[50]

19) Lucien, Demonaclis philosophi vita, avec une épître dédicatoire à Aloysius, episcopus Trauriensis.

20) Lucien, Patriæ laudatio.[51]

21) Lucien, De fletu, avec une épître dédicatoire à Eugène IV.

22) Théophraste, De impressionibus (les Caractères).

23) Démosthène, Oratio funebris, avec une épître dédicatoire à Jacques Rachi.

24) Isocrate, Oratio ad Demonicum, avec une épître dédicatoire au cardinal Prosper Colonna.

24 a) Isocrate, Nicocles (dans le Parisinus latin 1616, ff. 176 r° et suiv.).

24 b) Isocrate, De regno ad Nicoclem (dans le Parisinus latin 1616, ff. 182 v° et suiv.).

24 c) Josèphe, Machabæorum liber, avec une épître dédicatoire ad clementissimum virum d. Johannem tiluli sancti Laurentii in Lucinia sacrosanctæ romanæ ecclesiæ presbyterum cardinalem (dans le Parisinus latin 1616, ff. 1 r° et suiv.).

Enfin les ouvrages ci-après que Lapo composa lui-même :

25) Oratio habita in suo legendi initio [A l'université de Bologne].

26) Oratio brevis.

27) Oratio de laudibus philosophiæ.

28) Actio gratiarum.

29) Alia actio gratiarum.

30) Comparatio inter rem militarem et studia litterarum, avec une épître dédicatoire à Grégoire Gorraro, protonotaire apostolique (dans le Parisinus latin 1616, ff. 58 r° et suiv.).

31) De commodis curiæ romanæ (clans le Parisinus latin 1616, ff. 137 r° et suiv.).

32) Lettre à Siméon Lamberti (dans le Parisinus latin 1616, ff. 187 v° et suiv.).

33) Descriptio cujusdam pompæ summi pontificis in Florentia (dans le Parisinus latin 1616, ff. 275 v° et suiv.).

Les treize premiers numéros des ouvrages ci-dessus sont imprimés (voir p. 26; note 3). Les numéros suivants, pour lesquels il n'est pas donné d'indication, se trouvent dans le Laurentianus 43 du pluteus 89 inf. et le Laurentianus 30 du pluteus 63.

11.

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS HYALÉAS

Sienne, 4 octobre 1436.

J'ai enfin reçu de Bâle cette lettre de toi que je désirais depuis si longtemps. Quand je l'ai tenue entre mes mains, ma joie a été telle que je me suis senti inondé d'un bonheur pareil à celui dont nous jouissions à Byzance. Il me semblait que tu étais présent dans cette lettre, que tu me parlais, que tu m'écoutais. Tu es un vieil ami des Muses, un orateur de premier ordre; je ne suis, moi, qu'un homme sans éducation, mais je ne cesserai d'écrire que lorsque je serai fatigué de tenir la plume, et toi, las d'être importuné. De la sorte, je t'obligerai à remplir tes promesses, c'est-à-dire à me consoler par de longs et fréquents discours. Tu n'ignores pas quel immense plaisir me procurent tes lettres. Présent, tu m'adressais verbalement de paternelles consolations; pourquoi, absent, n'agirais-tu pas de même en m'écrivant? J'ai le plus vif désir de te voir, mais c'est de toi, non de moi, que cela dépend.

Sur ton conseil, j'ai écrit au cardinal Julien Cesarini, légat apostolique. J'ai également écrit au sacrosaint concile de Bâle. Je te prie de saluer de ma part Nicéphore Asan. Porte-toi bien.[52]

On voit que Démétrius Hyaléas se trouvait à Bâle, quand il écrivit à Filelfe la lettre dont la présente est la réponse. Il devait être au nombre des Grecs que l'empereur Jean Paléologue avait députés pour le représenter au concile.[53] Je n'ai pu trouver nulle part de renseignements sur ce personnage, pour lequel Filelfe paraît avoir ressenti une vive amitié.[54] Peut-être était-il de Thessalonique, comme le copiste Constantin Hyaléas ou Hiyaléas, à qui l’on doit le manuscrit n° 49 du fonds Burney, au Musée britannique; peut-être aussi existait-il entre eux quelque lien de parenté.[55] Ils étaient du moins contemporains.

12

FRANÇOIS FILELFE A GEORGES SCHOLARIUS

Bologne, 29 mars 1439.

J'ai éprouvé du plaisir et de la peine en lisant ta lettre. J'ai été heureux de constater que tu t'y déclarais partisan du divin Aristote, et étais loin de partager le sentiment de ceux qui calomnient ce philosophe. J'ai depuis longtemps embrassé la doctrine du Stagirite; j'aime ses disciples et les défenseurs de la vérité. Défendre Aristote et la vérité, c'est à mes yeux une seule et même chose.

Mais, d'un autre côté, j'ai été fort contrarié de ne pouvoir te procurer le livre que tu me demandes. Car j'ai vainement cherché jusqu'à ce jour l'ouvrage d'Aristote Sur les doctrines des philosophes, de même que beaucoup d'autres écrits du même auteur. Or, il n'est pas aisé de dégager l'opinion personnelle d'Aristote des objections qu'il adresse à Platon dans son Ethique et sa Métaphysique. En effet, bien que tous ses arguments paraissent dirigés contre Platon, il réfute en réalité la doctrine de divers autres : comme le font observer plusieurs de ses commentateurs, notamment Simplicius dans son commentaire sur le De physica auscultatione. Qu'il existât dans l'antiquité différentes opinions concernant les idées, c'est ce qu'ont démontré Porphyre, Simplicius et avant eux Platon. Les anciens étaient très partagés sur cette question. Il n'est donc pas facile aujourd'hui de préciser la doctrine d'Aristote sur cette matière et d'en dire autre chose que ce que je viens d'en effleurer. Porte-toi bien.

La lettre de Georges Scholarius, dont la présente est la réponse, fut très probablement écrite, comme celle-ci, au mois de mars 1439. Les Grecs se trouvaient encore à Florence, car le concile ne prit fin que le 5 juillet 1439, par l'acte fameux où les deux parties arrêtèrent les conditions de l'union des églises.[56] Bien que Scholarius n'ait pas apposé sa signature au bas de ce document, on ne saurait en conclure qu'il eût quitté Florence, comme plusieurs autres de ses compatriotes, attendu que les laïques (et il était alors de ce nombre) n'avaient que voix consultative aux séances et ne souscrivirent pas le décret.[57] La lettre de Filelfe nous fournit, en outre, la preuve péremptoire que Georges Pléthon avait déjà composé son traité Sur les différences entre les doctrines d'Aristote et celles de Platon. Elle nous apprend aussi que Scholarius, quoiqu'il ait déclaré que cet opuscule était venu tardivement entre ses mains,[58] en connaissait dès lors l'existence et savait dans quel esprit il était conçu. Pléthon l'avait rédigé à Florence sur la demande de plusieurs personnes, dont probablement Cosme de Médicis; mais il ne lui avait peut-être pas donné une publicité bien étendue. On voit pourtant que, dès les premiers mois de 1439, Scholarius songeait à son plaidoyer en faveur du Stagirite. Ce qui dut l'empêcher de le mettre plus tôt au jour, ce fut sans doute l'impossibilité où il se trouvait de se procurer en Italie les livres dont il avait besoin pour établir sa thèse.

13.

FRANÇOIS FILELFE A ANTOINE GASSARINO

Milan, 28 septembre 1440.

Nicolas Fregoso, jeune homme probe et honnête, vient de faire de moi ton ami et l'admirateur passionné de ta vertu, ce que je n'étais pas auparavant : car le bruit de ton savoir n'était pas encore parvenu jusqu'à mes oreilles. Mais, ayant vu le traité Des richesses attribué à Platon, bien qu'il ne soit pas de lui (il figure parmi les écrits de ce philosophe, mais c'est une œuvre supposée et entièrement dépourvue d'authenticité), ayant donc vu ce traité soigneusement traduit par toi dans un latin élégant, je n'ai pas peu admiré ton habileté et ton érudition, et je me suis félicité de t'avoir pour ami : car je me considère comme possédant déjà ton amitié. Je salue en toi un homme véritablement heureux, puisque le savoir est, dit-on, une cause de bonheur et l'ignorance une cause de malheur. Mais, avec la science du bien, tu me parais posséder aussi le bien lui-même. Je voudrais, en outre, après l'avoir connu de réputation, te connaître encore par expérience, c'est-à-dire par une lettre dont j'ai le plus vif désir. Aussi, sans préjudice des égards que tu pourras me témoigner par la suite, tu me ferais un sensible plaisir de m'écrire sans retard une lettre soit amicale, soit d'un intérêt plus relevé. Porte-toi bien.[59]

14.

FRANÇOIS FILELFE A LÉONARD GIUSTINIANI

Milan, 29 septembre 1440.

Le nommé Giustiniani est un homme juste, je le sais. C'est pourquoi je suis grandement étonne que tu me fasses tort en ne me rendant pas les livres que, mu par un sentiment de confiance et d'affection, j'ai mis chez toi en dépôt. Une pareille conduite de ta part est en opposition avec toi-même et avec les lois de l'amitié. Elle nous est dommageable à tous deux : à moi, en me privant de livres fort chers ; à toi, en te dépouillant de la justice et de la bonne foi. Et ce double préjudice, c'est toi qui en es la cause. Porte-toi bien.

Digne émule de François Barbaro son compatriote,[60] Léonard Giustiniani mourut sans avoir restitué les manuscrits que Filelfe lui avait confiés. Il poussa même l'indélicatesse jusqu'à inscrire son nom sur les volumes, comme en fait foi le codex Palatinus n° 282 (à la Vaticane). Après le décès de Léonard, ce fut à Bernard son fils que Filelfe s'adressa pour récupérer ses livres, tantôt directement, tantôt par l'intermédiaire du médecin Pierre Tommasi.[61]

15.

FRANÇOIS FILELFE A SON FILS JEAN-MARIUS

Milan, 7 octobre 1440.

Depuis un an que tu es à Byzance pour t'initier à la culture grecque, tu dois connaître excellemment les choses helléniques ; d'autant plus que, lorsque tu m'as quitté tu n'étais pas tout à fait étranger aux Muses et au beau langage grec, mais déjà presque un savant. Aussi, suis-je fort étonné que tu ne m'aies rien écrit selon le type et le caractère de la sagesse hellénique. Que fais-tu donc, mon enfant? Quelle conduite mènes-tu ? Pourquoi gardes-tu le silence? Aurais-tu, par hasard, embrassé la doctrine pythagoricienne? Mais si, selon les préceptes de Pythagore, la langue observait le silence, la main prêtait son aide à la pensée. Sache donc que je ne puis supporter plus longtemps un tel silence de ta part. Je t'invite à le rompre, ô mon bien aimé fils, et à écrire à ton père, afin que, quand je recevrai ta très douce lettre, je paraisse comme ravi de plaisir et que je ne sache quoi devenir dans le débordement de ma joie. Et puisque, dit-on, une hirondelle ne fait pas le printemps, ne m'écris pas seulement une lettre, mais un grand nombre, où tu me raconteras par le menu et avec précision tout ce qui te concerne. Assez sur ce sujet.

Je t'ai envoyé l'oraison funèbre que j'ai prononcée publiquement, ces jours-ci, sur la tombe du bon et grand citoyen Etienne Federigo Thodeschini.

Porte-toi bien, mon très cher enfant. Présente de ma part mes hommages les plus respectueux et les plus humbles à notre excellent souverain et très grand Empereur. Salue aussi avec beaucoup d'affection nos parents et nos amis.

Jean Paléologue, alors à Florence, avait engagé Filelfe à lui confier son fils Marius. Très flatté de la gracieuse proposition du monarque byzantin, Filelfe lui écrivit, le 12 des calendes de septembre (21 août) 1438, une lettre où nous lisons : « Quod hortaris Joannem Marium flliiam ad te mittam, faciam id quidem nequaquam invitus. Quid enim mihi optatius cedere possit quam meum dilectissimum filium vel hospitio tuo, vel disciplina uti, qui omnium christianorum principum et dignitate sis maximus et virtute primarius? » L'empereur grec s'embarqua à Venise le 11 octobre 1439 et arriva à Constantinople le 1er février 1440. Il est très probable que Marius, alors âgé de quatorze ans et demi, quitta l'Italie en même temps que lui. Au moment donc où Filelfe écrivait cette lettre, il pouvait y avoir environ un an qu'il s'était séparé de son fils. Il avait d'abord eu la pensée de confier cette missive aux soins de Cyriaque d'Ancône, mais un long retard que subit la réponse de celui-ci ne permit pas à Filelfe d'user des facilités que son ami aurait pu lui procurer. Voyez les lettres latines de Filelfe à Cyriaque du 5 des ides de juillet (11 juillet) 1440, 4 des calendes d'octobre (28 septembre) 1440, et du 14 des calendes de novembre (19 octobre) 1440.

L'oraison funèbre d'Etienne Federigo Thodeschini, dont il est question dans cette lettre, a été publiée parmi les Oraliones Philelphi (Venise, 1491, in-4°), ff. 31 r° à 33 v°. Elle est intitulée : Francisci Philelphi oratio funebris pro magnifico equite aurato ducalique senalore Stefano Frederico Thodeschino. Filelfe la prononça à Milan, in templo divi Ambrosii, 1440.

16

FRANÇOIS FILELFE A LAMPUGNINO BIRAGO

Milan, 13 octobre 1440.

Qui croirait que je suis impuissant à exprimer par la parole la joie qui s'est emparée de moi, lorsque j'ai reçu ta lettre, mon bien cher ami? En la lisant, il me semblait te voir réellement présent et parler avec toi ; car dans cette missive tu as mis toute ta grâce. Aussi ai-je compris combien est grand le préjudice que tu me causes, en gardant si longtemps le silence. Car toi qui es sensé et, de plus, mon ami, tu n'ignores pas que je ne cesse de désirer de tes nouvelles. C'est pourquoi, Lampugnino, il ne faut pas te montrer paresseux à m’écrire, mais au contraire m'accabler de lettres. Tu me demandes le traité De la République des Lacédémoniens, il est à ta disposition, et je te l'enverrai à titre de cadeau, si tu le désires; mais je ne possède pas la traduction latine que j'en ai faite. Hâte-toi donc de me faire savoir ton opinion et ton bon plaisir à ce sujet. Porte-toi bien.

17.

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 19 octobre 1440.

Le jurisconsulte Caton Sacco, qui est un homme de bien et un de mes meilleurs amis, m'a écrit que tu lui parais savant et pourvu d'une excellente instruction ; aussi ton mérite m'inspire-t-il pour toi une franche et sincère affection. Je t'approuve surtout de te fixer parmi nous par amour de la philosophie et de la science, ainsi que Caton me l'a écrit. Si donc, considérant l'amitié que je te porte, tu désires de moi soit un service, soit une recommandation, informe-moi de ce qui te serait agréable et je ne négligerai rien pour te satisfaire. Si tu possèdes quelques renseignements sur mon fils Marius, j'aurai plaisir à apprendre de toi comment il étudie la langue grecque et à savoir tout ce qui le concerne. Je te prie, en outre, de me donner des nouvelles de notre excellent souverain, le très grand empereur des Grecs.[62] Porte-toi bien.

18.

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 24 octobre 1440.

J'ai appris par ton élégante et savante lettre que la mienne avait trouvé près de toi un accueil plein de douceur et d'affection. J'admire ton érudition et ton caractère, car je vois dans ta missive la preuve évidente que tu es réellement un homme indulgent et bon. Quant à ta lettre précédente, je ne l'ai pas reçue. Les nouvelles relatives à l'Empereur m'ont ému, et celles concernant mon fils Marius m'ont causé une vive satisfaction. Je te remercie cordialement d'avoir accueilli mes déclarations avec bienveillance. Je trouverai toujours plaisir à t'obliger. Caton Sacco te renseignera, d'ailleurs, à ce sujet, car je lui ai écrit fort exactement tout ce qui s'est passé.[63] Porte-toi bien.

19

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 13 novembre 1440.

Je me réjouis d'avoir acquis ton amitié; mais, loi, dans les éloges que tu me prodigues, tu dépasses la mesure de la vérité. Comment, moi, qui suis un Latin, pourrais-je manier la langue grecque avec assez d'habileté pour mériter tes suffrages? Mon mérite est en réalité bien au-dessous de l'opinion que tu t'en es formée. J'ai écrit à Galon Sacco relativement à ce que tu désires. Je t'engage à avoir bon espoir, car je ne t'oublie pas. Je te prie de me communiquer les titres des livres que tu possèdes.[64]

20

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 11 décembre 1440.

J'ai lu ta lettre à notre commun ami Antoine Pessina. Rien ne sera négligé pour t'être agréable, tu peux compter sur mon amitié. Et, puisque le mot amitié se rencontre sous ma plume, j'en profite pour t'adresser une question. Tu mentionnes dans ta lettre à Pessina l'affection qui unissait Pylade à Thésée. Je m'en étonne ; car ces doux personnages n'étaient pas contemporains, et il n'est dit nulle part qu'ils furent amis. Je te prie de m'écrire ton opinion à ce sujet et de m'énumérer ceux que l'amitié a rendus célèbres chez les Grecs. Dis-moi quelle était la doctrine d'Epicure sur les principes et si elle était conforme à celle de Démocrite. Je voudrais aussi avoir l'explication de la colère d'Apollon dans Homère. Enfin, tu auras la bonté de m'envoyer la liste des ouvrages que tu possèdes. Porte-toi bien.[65]

21

FRANÇOIS FILELFE A FRANÇOIS BARBARO

Milan, 13 février 1441.

Toutes les fois qu'il m'arrive de relire la très aimable lettre que tu m'as récemment adressée, je lui souris et je me transporte près de toi par la pensée. Et il me semble t'entendre me parler amicalement et avoir avec toi de longues conversations. Si donc tes missives ont pour moi tant de charme, toi qui es un sage et qui m'aimes, tu devrais m'écrire plus fréquemment. Car on dit que les honnêtes gens qui négligent leurs devoirs donnent ainsi l'exemple à ceux qui ne s'étudient qu'à se mal conduire. Quelqu'un pourrait-il faire à son ami absent une chose plus agréable que d'envoyer chaque jour heurter à sa porte des lettres où il l'entretiendrait de leur mutuelle affection? Quand je lis les tiennes, je crois te voir présent et l'adresser la parole. Adoucis donc, en m'écrivant souvent, l'amertume de ton absence. Et toi, si habile à placer au rang des sages ceux qui ne le sont pas, à grandir les petits, à combler de joie les affligés, fais-moi, je t'en prie, éprouver tes faveurs. Porte-toi bien.[66]

22

FRANÇOIS FILELFE A MATTHIEU ASAN

Milan, 1er mars 1441.

Je me réjouis sincèrement de te savoir à mon égard tel que tu dois être. Fils de parents que j'aime tendrement et qui m'ont comblé de bienfaits, tu réclames le meilleur des héritages. Car de bons amis sont un héritage plus glorieux à recueillir que les trésors de Crésus. Je te suis donc infiniment reconnaissant. Mon affection n'est pas d'ailleurs inférieure à la tienne, comme tu l'apprendras clairement d'Athanase, ce très grand et très savant homme. Porte-toi bien, ô tête qui m'es si chère.

23

FRANÇOIS FILELFE A GEORGES GÉMISTE

Milan, 1er mars 1441.

Tu m'as déjà inspire, à Bologne, l'amour de ta vertu et de ton savoir. Tu m'inspires aujourd'hui la hardiesse de te prier de m'écrire : car je ne cesse de désirer une lettre de toi, et cela n'a de ma part rien d'extraordinaire. En effet, si l'âme de l'homme de bien se passionne pour ceux qui ne sont plus, mais qui furent célèbres par leur gloire, combien plus ne dois-je pas t'aimer, toi si illustre par les mœurs et par l'intelligence? Tu m'accorderas donc une faveur des plus agréables, en m'écrivant promptement quelque chose qui soit digne de ton heureuse nature et de mon désir. Il me semblera te voir présent et m'entretenir avec toi, quand je lirai ta lettre fleurie. C'est pourquoi, voulant te fournir un sujet de missive, je n'hésite pas à te demander pour quelle raison le dérivé immédiat d'ἀρετὴ, c'est-à-dire ἀρεταῖος, n'était pas en usage chez les anciens Grecs. Car tu ne trouverais pas aisément ἐνάρετος dans les orateurs, ni dans les philosophes les plus estimés. Le même phénomène s'est produit chez les Latins. En effet, virtus, qui est synonyme d'ἀρετὴ, ne forme pas de dérivé; car l'expression virtuosus n'a pas été employée par les savants, j'entends ceux de l'antiquité. Porte-toi bien, mon père.

Les relations de Filelfe avec Pléthon remontent au moins à 1439. En effet, sur le premier feuillet de garde d'un exemplaire que je possède du Traité de Gémiste Περὶ ὦν Αριστοτέλης πρὸς Πλάτωνα διαφέρεται (Paris, 1341, in-8°).

24

FRANÇOIS FILELFE AU PAPAS JEAN ARGYROPOULOS,

PRÊTRE ET JUGE DU TRÉSOR PUBLIC.

Milan, 13 avril 1441.

Lorsque j'ai reçu ta lettre, ô admirable savant, je me suis doublement réjoui : d'abord parce qu'elle venait de toi, c'est-à-dire d'un homme qui occupe sans contredit le premier rang parmi les sages de la Grèce ; ensuite parce qu'elle était conçue dans un style tel qu'on l'aurait vraiment crue l'œuvre d'une des Muses. Aussi ai-je exalté avec raison le talent et l'habileté de ta nature, grâce auxquels, tant en éloquence qu'en philosophie, tu atteins à un degré où personne ne s'est encore élevé dans l'une ou l'autre de ces facultés prises séparément. O Muses, ô Hermès, ô Apollon, quels élèves vous nous formez ! En lisant ta lettre, ô bienheureux mortel, je croyais converser avec un de ces anciens maîtres nourris dans les lettres helléniques, tant était parfaitement grecque ou plutôt attique cette jolie missive qu'on eût dit émanée d'un de ceux qui ont étudié à Athènes la littérature et la philosophie.

Quant à la sympathie que tu dis éprouver pour moi, je t'en sais beaucoup de gré. Que Dieu te comble de ses biens! Tes sentiments à mon égard sont identiques, je crois, à ceux dont je suis moi-même animé vis-à-vis de toi. Car je n'aurais pas voulu que mon fils Marius fréquentât tes leçons, si, indépendamment de la décence de tes mœurs, il n'avait pas existé entre nous des relations cordiales; bien que Marius, comme la renommée me l'a appris, ait promptement secoué le joug de son professeur pour mener une vie insouciante, loin de ta douce et paternelle surveillance. Il lui eût été beaucoup plus profitable, à mon avis, de rester auprès de moi que de se trouver à Constantinople ainsi dépourvu de protecteur. En effet, non seulement il n'a pas élargi le cercle de ses connaissances, mais il a perdu ce qu'il savait déjà, quand il me quitta pour se rendre là-bas. Car pourquoi dissimuler la vérité à un homme de bien, a un vieil ami tel que foi? Mais assez sur ce sujet.

Il y a à Constantinople, chez le baïle de Venise, un vertueux jeune homme nommé Pierre Perleone, que je considère comme un de mes fils ; car non seulement il a été mon élève, mais encore il m'aime et me chérit pour ainsi dire plus que son père; de façon que, sur un ordre de moi, il se jetterait dans le feu, comme dit le proverbe. Et, à mon avis, les choses sont de la sorte dans l'ordre qu'il convient. Car son père ne lui a, pour ainsi dire, donné que la matière de l'être, tandis que, moi, je lui ai donné la forme, laquelle est, comme tu le sais, beaucoup plus précieuse que la matière. Celle-ci, en effet, semble avoir plus besoin de la forme, que la forme n'a besoin de la matière. C'est donc à juste titre que Pierre considérerait comme supérieur et aimerait davantage celui dont il tiendrait la meilleure et la plus précieuse portion de lui-même. Je te le recommande, ô très cher Argyropoulos, comme mon ami, comme mon fils : ce qu'il sera, d'ailleurs, pour toi-même, si, imitant mon exemple, tu l'admets à tes leçons. Car, déjà initié au culte des Muses avant de partir, il réside parmi vous pour apprendre le grec. Porte-toi bien.

25

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 1er août 1449.

Que veux-tu que je t'écrive au milieu d'un état de choses si furieusement agité, ô très vénérable père? Ne sais-tu pas que tout ici s'en va à la dérive? Je n'ai donc rien à te communiquer ni sur moi-même, ni touchant les troubles publics, Porte-toi bien, mon doux et auguste ami.

26

FRANÇOIS FILELFE A FRANÇOIS BARBARO

Milan, 1er juin 1450.

Tu es réputé pour la bonté dont tu fais preuve à l'égard des gens probes et honnêtes. Pourquoi ne me traites-tu pas de la même façon? Pourquoi ne m'écris-tu pas plus souvent? Tu sais pourtant combien je désire tes lettres et combien elles me sont agréables ! Porte-toi bien.[67]

27

FRANÇOIS FILELFE A ANDRÉ ALAMANNI

Milan, 13 octobre 1450.

Lorsqu’Ange Acciaiuoli, homme noble et bon, résidait ici en qualité d'ambassadeur auprès du duc Sforza, il reçut de moi pour les examiner trois de mes discours. Mais étant, à mon avis, sujet à l'oubli, il les emporta avec lui en retournant à Florence. Fais-moi donc le plaisir de lui parler de cette affaire et de la conduire avec tant de soin et d'activité que mes discours rentrent promptement au logis. Porte-toi bien, très cher ami.

28

FRANÇOIS FILELFE À GUARINO DE VÉRONE

Pavie, 22 novembre 1451.

Tu es un de mes meilleurs amis, je le sais de vieille date, et il faut qu'il en soit ainsi. Car ceux qui ont eu les mêmes maîtres[68] et suivi les mêmes leçons, doivent, à mon avis, nourrir l'un pour l'autre la plus tendre affection. C'est pour ce motif et en vertu du proverbe grec Entre amis tout est commun, dont je m'autorise comme d'une très juste loi, que je ne crains pas de te demander tes plus chers trésors. J'ai appris, en effet, que tu possèdes la Géographie de Strabon[69] et la Grande Morale d'Aristote. Je désire extrêmement ces deux ouvrages. Toi donc qui as tant de fois saisi l'occasion de m'être agréable, n'hésite pas à m'accorder une nouvelle faveur : envoie-moi ces écrits, afin que je les copie, ou aie l'amabilité de prendre toi-même le soin de les faire copier à mon intention. Porte-toi bien, mon très cher ami.

À défaut de commentaire, nous croyons devoir insérer ici deux lettres de Guarino, adressées l'une et l'autre à Jean Tortelli d'Arezzo,[70] bibliothécaire de Nicolas V. Ces deux lettres sont inédites et publiées d'après les originaux qui faisaient partie de la collection d'autographes de feu le marquis de Saint-Hilaire, vendue aux enchères, à Paris, les 5 et 6 janvier 1891, à l'Hôtel des commissaires-priseurs.[71] Elles figurent au catalogue sous les nos 112 et 113, et appartiennent aujourd'hui à M. le prince Georges Maurocordato.

Nous ferons observer que les lettres autographes de Guarino sont d'une insigne rareté. R. Sabbadini, l'homme d'Italie qui connaît le mieux tout ce qui concerne Guarino, n'en mentionne qu'une seule, datée du 12 janvier 1456, et conservée aux archives d'État de Modène.

29

FRANÇOIS FILELFE A PHILIPPE FERROFINO

Pavie, 1er décembre 1451.

La lettre de Jean, notre commun et bien-aimé père, que j'ai reçue aujourd'hui et lue avec attention, m'a causé la plus grande joie. Elle m'informait, en effet, que vos affaires de Gênes sont dans une situation florissante ; elle me disait surtout la vive affection et la bienveillance que vous avez pour moi. Ces deux nouvelles m'ont fait éprouver un vrai plaisir; car, comme dit le proverbe, entre amis tout est commun. Vous craignez l'état de choses qui règne à Pavie? mais il n'y a plus rien à redouter. La peste est allée au diable et le calme a partout reparu. C'est pourquoi je te conseille de revenir vers nous au plus vite. Notre académie pleure ton absence. Accours donc, et rapporte-moi mes Convivia. Je désirerais aussi avoir des lunettes ; si tu m'en apportes une paire, je t'en serai reconnaissant. Salue notre commun père et porte-toi bien.[72]

30

FRANÇOIS FILELFE A PIERRE PERLEONE

Milan, 2 avril 1453.

Tu as parfaitement compris, je pense, ma lettre du 14 mars, bien que je l'aie écrite dans la langue des Thraces, et ce pour mettre nos affaires à l'abri des indiscrétions du premier venu.

Devant me rendre auprès du roi Alphonse, j'ai besoin d'une foule de choses; car je veux que ma visite soit convenable. Tu me feras donc le plus grand plaisir de ne pas différer ce que je désire, mais de l'exécuter au plus vite. Porte-toi bien.

Fuyant sans doute les dissensions civiles qui faisaient alors de Gènes la plus agitée des cités italiennes, Pierre Perleone venait d'abandonner la chaire qu'il occupait dans cette ville et s'était retiré à Rimini sa patrie.[73] Une lettre latine que Filelfe lui adressa la veille des ides de mars (14 mars) 1453 débute ainsi : « Quid volo istic agas meo nomme, grsece ad te scripsi. Fac, si me amas, ut quamprimum adeas Sigismundum principem, cui diligenter expone quod tibi vides in commentariis datum. » Cette lettre grecque, écrite le même jour et qui nous aurait révélé pour quel motif Filelfe sollicitait l'intervention de Perleone auprès de Sigismond Malatesta, est malheureusement perdue.[74]

31.

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 26 février 1454.

Mon fils Xénophon, porteur de la présente, te fera de ma part différentes communications ; il te dira notamment que je désire beaucoup les Apophtegmes lacédémoniens. C'est, comme tu le sais, le sage Plutarque qui a doté les Grecs de cet ouvrage, et ton Filelfe l'a traduit en faveur des Latins. Mais, ayant trouvé l'original fautif en certains endroits, par suite de l'ignorance du scribe, je suis obligé de recourir à ton assistance pour me procurer une autre copie de ce même texte, si toutefois tu en possèdes un exemplaire et qu'il soit correct. Porte-toi bien.

La traduction des Apophtegmes fut imprimée du vivant même de Filelfe, en 1471. En voici la description bibliographique aussi exacte que possible.

AD magnanimum et illustrissimum principe Philippum Mariam anglum inclitum Mediolanesium ducem Francisci Philelphi præfatio in Plutarchi chcronësis Apophthegmata ad Traianum Cæsarem prima pars.

Cet intitulé figure en tête du premier f. r°. Au f. 37 r°, on lit :

FRANCISCI prefatio ad nicolaum quitum summu pontifice in plutarchi cheronensis apophthegmata laconica.

Et à la fin :

M. CCCC. LXXI.

Impressum formis iustoq; nitore coruscans

Hoc Vindelinus condidit artis opus.

In-4° de 80 feuillets non chiffrés (dont les trois derniers blancs), sans titre, ni signatures, ni réclames. Caractères romains. 32 lignes à la page pleine. Ayant été assez heureux pour trouver un exemplaire de ce livre absolument non rogné et dans un cartonnage ancien, nous pouvons donner le détail des dix cahiers dont il est formé : Cahier 1, 8 feuillets; cahier 2, 10 feuillets; cahier 3, 8 feuillets; cahier 4, 10 feuillets (la première partie finit avec ce cahier) ; cahier 5, 8 feuillets ; cahier 6, 8 feuillets ; cahier 7, 6 feuillets ; cahier 8, 10 feuillets; cahier 9, 4 feuillets; cahier 10, 8 feuillets.

32.

FRANÇOIS FILELFE A MAHOMET, GRAND SEIGNEUR ET ÉMIR DES TURCS, FILS DU GRAND MOURAD

Milan, 11 mars 1454.

À force d'entendre chaque jour vanter ton mérite et tes admirables exploits, j'ai éprouvé exactement ce qu'éprouvent d'ordinaire les gens qui veulent le bien : je me suis épris des succès dont Dieu a récompensé ta bonté; car si, lorsque l'heure de sévir est venue, il châtie les méchants, jamais il ne refuse son assistance aux bons. Or étant de ceux qui, en dispensant la gloire que procure l'art d'écrire, immortalisent à cause de leurs belles actions des hommes mortels par nature, je crus avoir trouvé en toi une ample matière à exercer ma verve. Je me mis donc à l'œuvre, tant ta félicité me sollicitait (car, à mon avis, celui-là seul est heureux qui fuit toute action honteuse et ne s'écarte jamais du bien). Je n'espérais, en écrivant, recueillir d'autre profit que la satisfaction de rendre hommage à la vérité. Mais Dieu a donné à l'homme mille moyens d'acquérir la récompense réservée à chaque bonne action : c'est une chose que j'ai pu constater jadis chez d'autres, et dont j'ai fait moi-même aujourd'hui l'expérience.

Les fautes des Grecs t'ont livré Constantinople pour la punition des coupables ; mais, comme cela arrive parfois, la divine providence a permis que les justes fussent éprouvés avec les méchants. Ainsi Manfredina Chrysoloras, ma belle-mère, femme chaste, sainte et de naissance illustre, qui n'a pour ainsi dire offensé ni Dieu ni ta glorieuse personne, a été réduite en esclavage avec ses deux excellentes filles. Et par qui ? Par les éternels esclaves, les Juifs, ces avares, ces pusillanimes, les plus vils et les plus scélérats des mortels !

Je viens donc à toi, ô très grand émir, à toi que Dieu a envoyé pour être le bienfaiteur des malheureux, je viens implorer ton assistance. Je réclame ma belle-mère et ses filles, prêt à payer pour leur rançon, non ce qu'exige l'avidité des Juifs barbares, mais ce qui est équitable et dans la mesure de mes moyens. Ton secrétaire Kyritzis t'exposera verbalement le détail de cette affaire.

En outre, je ne veux pas te laisser ignorer que le plus habile parmi les Latins dans l'art militaire comme le plus heureux sur les champs de bataille est François Sforza, duc de Milan, mon très vaillant et très admirable seigneur. Il désire extrêmement mériter ta bienveillance, étant ennemi des Vénitiens et un de tes meilleurs amis. Porte-toi bien, tête divine ; pratique la magnanimité, c'est la première et la plus précieuse vertu des monarques.

En même temps que la présente lettre, François Filelfe adressait à Mahomet II l'ode publiée plus loin sous le n° 11. Dans une autre lettre, écrite longtemps après à Leodisio Cribelli et datée du 1er août 1465, il donne à ce sujet quelques détails complémentaires qu'il est indispensable de reproduire :

« Nec illad mihi certe vitio dandum est quod ad Mahometum, tyrannum amyramque Turcorum, et epistolam olim et carmen dederim, et id quidem non inscio sapientissimo et innocentissimo principe meo Francisco Sphortia, qui, cum vellet aliquid explorare de apparatu insidiisque Turcorum in christianos, audiretque honestissimam feminam, socrum meam, Manfredinam, uxorem illius splendidissimi Chrysoloræ, et ipsam et duas filias ex præda et direptione Constantinopolitana captivas servire apud illam barbariam, permisit ut, illarum redimendarum obtentu, duo quidam iuvenes callidi et ad rem strenui, nomine meo et cum meis item litteris, proficiscerentur ad Mahometum. »

Filelfe semble avoir appris relativement assez tard que sa belle-mère et ses deux belles-sœurs avaient été réduites en esclavage, lors de la prise de Constantinople. La première fois qu'il mentionne ce fait, c'est dans une lettre à son ami le médecin Pierre Tommasi, datée du 10 des calendes de février (23 janvier) 1454. Jusqu'à ce jour, écrit-il, je n'avais pas éprouvé de peine plus cruelle que celle que me cause la prise de la nouvelle Rome. S'il en était autrement, je me considérerais comme le plus ingrat des hommes, « non solum quod et socrum mihi carissimam Manfredinam Auriam, nobilissimam et prudentissimam feminam, ac duas eius et socri mei Johannis Chrysoloræ, præstantissimi equitis aurati et eruditissimi viri, filias, meorum quatuor filiorum materteras, in obscuram servitutem a barbaris et teterrimisTurcisactas audio, sed eo magis quod ea urbe etiam matre sum usus et altrice educatriceque inventæ studiorumque meorum. »

Peu de temps après, Filelfe reçut des nouvelles directes de Manfredina, comme en témoigne la lettre qu'il écrivit, la veille des ides de mars (14 mars) 1454, à un certain André de Ferrare : « Etsi mihi es incognitus, tuæ te tamen litterarum notæ, quibus in ea es usus inscriptione quam socrus meæ Manfredinæ Chrysolorinæ litteris adiecisti, non mediocriter notum faciunt. Gaudeo igitur te istic esse qui et res magnas videris et visurus etiam sis. Tuum autem fueritut ad nos aliquid scribas diligentius, quo te non minus intus quam in cute perspiciamus. Vale, et si quid ad liberationem socrus meæ eiusque tiliarum afferre vales, peto ne negligas. Hoc erit et mihi gratissimum et tibi honorificum. »

Les détails nous manquent sur la façon dont s'opéra la délivrance de Manfredina et de ses deux filles. Ce qu'il y a de certain, c'est que la lettre et l'ode de Filelfe produisirent l'effet qu'il en espérait sur l'esprit de Mahomet II. Le conquérant fit mettre en liberté les trois captives, qui passèrent en Crète et se fixèrent dans la ville de Candie. Manfredina y mourut, dans une extrême vieillesse, en 1464; peut-être même une de ses filles l'avait-elle déjà précédée dans la tombe, car il n'est plus alors question que d'une seule, nommée Zambia. Voici en quels termes Filelfe écrit à son fils Xénophon : « De socrus obitu quod scribis, eo fero æquiore animo quam quod antea significaras de tua matertera Zambia, quod ea ut decrepita intempestivæ naturæ concessit. Quare te plurimum hortor ut eius orbitati quam accuratissime consulas. Quod eo tibi faciundum est maiore studio quod eius actas est adhuc opportuna conlumeliæ. Est Candace (nam quam urbem. Veneti in Cretensibus Candidam mine vocant, ea et a doctis et a priscis viris Candax nominatur) est, inquam, Candace vir nobilis mihique amicissimus Laurus Quirinus, cui ut te notum facias et materteræ rem commendes, non erit inutile[75] ».

Zambia vivait à Candie dans une situation très voisine de la misère. Filelfe avait chargé son fils Xénophon de ramener sa tante en Italie. Nous ne savons ce qu'il advint d'elle par la suite. Les deux dernières mentions que nous en trouvions dans les lettres de Filelfe sont de l'année 1466. « Scire cupio, écrit-il à Lauro Quirini, quid secutum sit de illustri femina Zambia, sorore uxoris illius meæ Theodoræ Chrysolorinæ. Nam socrum Manfredinam diem obiisse iampridem accepi. Mandaram autem Xenophonti filio, qui propediem Rhagusio est ad nos rediturus ut eam istinc Rhagusium advectam secum ad nos ageret. Quid vero egerit nondum didici.[76] » Le lendemain, il écrit à Xénophon : « Scio litteras tuas non fuisse redditas tuæ materteræ. Nam peregrinorum triremis non attigit Creten. Doleo eius vicem. Cupiebam enim illi benefacere : id quod præstare mihi non licere ægre fero, ut par est.[77] »

Il n'est peut-être pas trop invraisemblable de supposer que le Kyritzis dont il est fait mention dans la présente lettre, était Cyriaque d'Ancône, puisque nous savons, par le témoignage formel d'un contemporain, qu'il avait gagné les bonnes grâces de Mahomet II et remplissait un emploi au palais. Zorzo Dolfin déclare, en effet, que le Grand Seigneur ogni di se fa lezer historie romane et de altri, da uno compagno CHIRIACO D'ANCONA et da uno altro Italo etc.[78] Il est vrai que le Vénitien Antoine de Leonardo affirme, dans une lettre écrite en 1437 à Félix Feliciano, que Cyriaque superioribus annis vitæ suæ finem fecit; mais cette expression vague n'implique pas nécessairement que le fameux voyageur italien fût déjà mort en 1454.

33

FRANÇOIS FILELFE A SON FILS JEAN-MARIUS

Milan, 4 juin 1454.

Le porteur de cette lettre, Dromocatès Chrysoloras, nous est uni par des liens de parenté, car il appartient à la famille de ta mère. C'est un honnête homme qui a eu sa triste part des calamités dont la nouvelle Rome a récemment été victime. Prouve donc à cet ami, à ce parent, que, comme dit le proverbe, entre amis tout est commun. Porte-toi bien.

En quittant Milan, Michel Dromocatès Chrysoloras se rendit certainement à Turin, où résidait alors Marius Filelfe.[79] De cette ville, il gagna peut-être la France pour aller, comme tant d'autres de ses compatriotes, implorer la générosité du roi. Quoiqu'il en soit, nous le retrouvons seize mois plus lard, en Italie. En effet, le 13 octobre 1455, François Filelfe recommande Michel et deux autres nobles Grecs au marquis de Mantoue, par la lettre suivante, qu'il n'est pas inutile de reproduire :

Franciscus Philelfus Ludovico Mantuæ marchioni salutem. Etsi non ignorabam eo te esse ingenio atque animi magnitudine ut etiam sine ulla mea commendatione quam liberalissime munificentissimeque excepturum arbitrarer virum illustrera Michælem Dromocatem Chrysoloram, Manuelis illius Chrysoloræ necessarium, qui extincta bonarum artium studia in lucem ad Latinos revocavit ; itemque viros nobiles Demetrium et Michælem Assanes, mei tamen existimavi esse officii ut te certiorem facerem cuiiismodi viri essent. Sunt enim, ut intelligis, honestissimo nati genere et iidem omnes Constantinopolitani, quique penes Turcum immanem illum et impium Mahometum quam miserrimam serviunt servitutom. Itaque peto abs te ut ea in hos tres benignitate uti velis, qua in omnes consuesti, cum intelligas idem quoque et ab hoc nostro principe et ab aliis plerisque et principibus et regibus esse factitatum, quibus te omnino cedere sit indignum. Vale, princeps oplime. Ex Mediolano, 3 idus octobres M. CCCC. LV.

34

FRANÇOIS FILELFE A ANDRÉ ALAMANNI

Milan, 26 juillet 1454.

J'ai écrit précédemment à ton Barthélémy[80] pour lui demander, en vertu des lois de l'amitié, un de vos jeunes gens qui soit un habile calligraphe. Mais Barthélémy, étant, je pense, pythagoricien aime le silence.[81] C'est pourquoi, forcé de recourir en cette affaire à ton zèle et à ton affection, je te prie, après tous les bons offices dont je te suis déjà redevable, de ne pas me refuser aujourd'hui encore un nouveau service. Je traiterai le copiste comme je l'ai écrit à Barthélémy, avec bienveillance et toutes sortes d'égards. Porte-toi bien, très cher ami.[82]

35

FRANÇOIS FILELFE A ANDRÉ ALAMANNI

Milan, 13 août 1454.

Me voici avec une nouvelle lettre pour t'adresser la même prière : j'ai besoin d'un jeune copiste. Mais, toi, te renfermant dans ton silence habituel, tu ne me réponds lien à ce sujet. Tu ignores, ce me semble, combien une attente continuelle est pénible pour moi, qui crois te voir présent toutes les fois que je lis tes lettres. C'est pourquoi, en ne négligeant pas de m'écrire, tu me fourniras de plus fréquentes occasions de me réjouir. Porte-toi bien.

36

FRANÇOIS FILELFE A ANDRÉ ALAMANNI

Milan, 1er septembre 1454.

Mon très cher ami, plus je t'interpelle souvent, plus tu t'obstines à garder le silence. Qu'est-ce que cela signifie? Comment, toi qui es un esprit cultivé, n'as-tu pas l'amour des Muses et ne me réponds-tu absolument rien? Je crois cependant que tu as pour moi une grande affection, et tu n'ignores pas que je te paye de retour. C'est pourquoi je ne saurais t'accuser d'oubli ni de négligence. Ecris-moi donc une longue lettre ou rends-moi raison de ton silence. Porte-toi bien.

37

FRANÇOIS FILELFE A THOMAS DE CORON, MÉDECIN

Milan, 13 octobre 1454.

Le porteur de la présente lettre, Jean Gavras, est un jeune Grec de la nouvelle Rome. Son infortune est des plus dignes de pitié : car, bien qu'il paraisse libre, il est esclave et subit chez les Turcs la plus lamentable servitude. Ces mécréants détiennent ses parents en captivité. C'est pourquoi je te recommande cet adolescent, afin que, par tes conseils et tes instances, tu décides le très grand roi de France Charles VII à se montrer envers lui non seulement humain, mais encore à lui donner une marque de sa magnificence habituelle. Porte-toi bien.

Nous n'avons recueilli que peu de détails sur Thomas Francos de Coron. Ce personnage devait signer en grec : Θωμᾶς Φράγκος.[83] Quant à l'ethnique ajouté à son prénom en tête de cette lettre grecque et de plusieurs lettres latines, il désigne la ville où il était né, ou dont il tirait son origine. Filelfe qualifie Thomas de philosophus medicusque regius.[84]

La plus ancienne mention que nous possédions de Thomas Francos nous est fournie par la présente missive de Filelfe ; mais les termes mêmes dans lesquels elle est conçue nous autorisent à croire que ce n'était pas la première que lui écrivait le célèbre humaniste italien. Huit lettres latines de Filelfe à Thomas Francos ont été publiées.

La première est datée du 9 des calendes d'août (24 juillet) 1455. Filelfe lui recommande deux nobles Grecs de Constantinople, Nicolas Trachaniote et Alexandre Cananus,[85] qui allaient de ville en ville, quêtant la rançon de leurs parents captifs en Turquie. On y lit cette phrase : Nosti enim quam pium sit opus benefacere indigentibus, ET PRÆSERTIM SUIS, à défaut d'autres arguments, ces trois derniers mots suffiraient à prouver que Thomas était Grec. Filelfe l'appelle une fois seulement Thomas Græcus, et ce dans sa lettre à Etienne Cornélius, secrétaire de Charles VII, datée des ides de novembre (13 novembre) 1455. Lancelot, dans ses Mémoires pour la vie de François Philelphe,[86] se demande si Græcus n'est pas, dans ce passage, une faute d'impression pour Francus. Nous pouvons affirmer qu'il n'en est rien. Le codex Trivulzianus donne la même leçon que les imprimés.

La seconde lettre est datée de la veille des calendes d'août (31 juillet) 1455. Filelfe y confirme à Thomas l'envoi de deux lettres précédentes; l'une d'elles est sans doute celle du 24 juillet 1455, mais l'autre ne nous a pas été conservée. Filelfe écrit qu'il profite de l'occasion que lui offre un messager, le prêtre Hugues, pour récapituler en grec à Thomas ce qu'il lui a écrit précédemment plus en détail. Cette lettre grecque a également disparu.

La troisième lettre est du 7 avant les calendes de novembre (26 octobre) 1455. Filelfe informe Thomas qu'il se propose de dédier à Charles VII un recueil de vers. Il envoie au médecin grec la première pièce de cette collection.[87]

La quatrième lettre porte la date de la veille des calendes de janvier (31 décembre) 1453. Filelfe a appris par Nicolas Trachaniote et Alexandre Cananus, à leur retour de France, que Thomas lui a écrit; mais il n'a pas reçu la lettre de son ami et il le prie de lui écrire de nouveau.

La cinquième lettre est du 10 des calendes de mars (20 février) 1456. Filelfe accuse réception de deux lettres à son adresse et d'une troisième destinée à son fils Marius, celle-ci écrite ex oppido Eduorum Monte Coclerio. C'est dans cette lettre que Filelfe désigne pour la première fois son correspondant par le nom de Francus, tandis que, dans les précédentes, il le qualifie simplement de Coronæus.

La sixième lettre est des ides de mars (15 mars) 1456. Filelfe a reçu des lettres de Thomas par l'intermédiaire de l'ambassadeur du duc de Milan. Il demande à son ami s'il approuverait son intention d'aller lui-même offrir ses poésies à Charles VII.

La septième lettre est du 15 des calendes de juin (18 niai) 1456. Filelfe recommande Jean Argyropoulos, qui se rend en France auprès de Charles VII.

La huitième lettre est datée du 6 des ides de juin (8 juin) 1456. Filelfe s'excuse de ne pas s'être déjà rendu près du roi de France. Il recommande Thomas Tebaldi, ambassadeur du duc de Milan. Il conjure Thomas Francos de faire tout son possible pour que la mission de l'envoyé de François Sforza soit couronnée de succès.

Thomas de Coron ne put hélas ! rendre à Filelfe le service que celui-ci demandait. En effet, Tebaldi n'arriva près de Charles VII qu'à la fin de novembre 1456, comme en fait foi une lettre de lui datée de Lyon, le 7 décembre 1456. Il y annonce à son maître que, arrivé depuis dix jours, il a immédiatement obtenu une audience du roi; il l'informe, en outre, que maître Thomas le Grec a succombé, deux mois auparavant, à une attaque de paralysie. …………………

Environ deux mois plus tard, le 14 février 1457, Tebaldi écrit à François Sforza qu'il a remis à Charles VII les livres dont il était chargé de lui faire hommage. Nous apprenons par sa lettre que Thomas de Coron avait informé le duc de Milan (probablement par l'intermédiaire de Filelfe) qu'un pareil cadeau serait agréable au roi de France.

38

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 5 novembre 1454.

J'ai le plus grand désir d'avoir de tes nouvelles, car voilà déjà longtemps que tu ne m'as adressé le plus petit mot, et personne ne m'a donné sur toi le moindre renseignement. Cependant le propre de l'amour est d'être sans cesse en éveil. C'est pourquoi, toi qui aimes conformément aux lois de la plus sincère amitié, écris-moi vite, je t'en prie, afin que, possédant l'un sur l'autre des informations complètes, mais principalement sur la question du bonheur, cet objet de nos vœux, nous nous adressions de mutuelles félicitations. Xénophon, mon fils et le tien, t'instruira verbalement de ce qui me concerne. Porte-toi bien.

39

FRANÇOIS FILELFE A BARTHÉLÉMY COLLE

Milan, 19 septembre 1455.

Je te soupçonne d'avoir abandonné le culte des Muses pour servir Aphrodite. Mais tiens-toi sur tes gardes, bien cher ami. Nous savons, en effet, que l'Amour est aveugle, et moi je veux que tu passes pour un homme très clairvoyant et le sois en réalité. Porte-toi bien.

40

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 12 février 1456.

Tu as vu Naples, bien plus tu l'habites déjà, et rien n'est changé dans tes mœurs. Je t'en félicite chaudement. Car il ne mérite pas un mince éloge, celui qui reste indemne dans la demeure des Sirènes, puisque le charme de ces divinités inspire l'oubli des amis absents. Je te suis donc reconnaissant, très cher ami, de m'avoir fait part de ton espoir de réussir (car je ne voudrais pas dire de ta réussite) et de m'avoir donné des nouvelles précises de notre bon et excellent ami Jean-André.[88] Je te souhaite l'assistance soit des Muses, soit du Destin, afin que par la suite tout ressemble au début. Car les sentiments des rois sont soumis à mille variations ; ils changent avec l'entraînement des passions. Tu te connais déjà toi-même, eh bien ! puisque, suivant Euripide, le bonheur n'est pas solide, mais éphémère, n'oublie pas la parole du Sage : épie le moment opportun. Je me réjouis de te savoir présentement dans un lieu de refuge au milieu d'une pareille tempête. Je te souhaite pour l'avenir un port et du calme. Hélas ! la mort de ce très pieux et très savant pontife Nicolas V en a été une autre pour tous les gens de lettres. Mais Dieu nous accordera bientôt ce qu'il nous appartient d'appeler de tous nos vœux : la cessation d'un si funeste état de choses. Mais, assez sur ce sujet.

Je m'occupe avec tout le soin dont je suis capable des affaires de notre commun ami Jean-André, et j'espère obtenir un résultat des plus favorables.

Je désire extrêmement me procurer la Géographie de Strabon. Or, sachant que tu en possèdes deux parties, l’Asie et l’Afrique, je te prie de me les copier ou faire copier. Tu recevras de moi pour ce service la rétribution que tu jugeras convenable, ou, si tu me le rends à titre gracieux, un cadeau qui n'aura rien de désagréable. Porte-toi bien.

41

FRANÇOIS FILELFE A ANDRONIC DE GALLIPOLI

Milan, 23 mai 1456.

Etant à Pavie pour notre enseignement, il te siérait, à mon avis, de ne pas accueillir avec mauvaise humeur les observations que t'adressent tes amis, et surtout celles de ton Fi Icile. En te donnant des conseils, je ne t'ai causé aucun préjudice. Je ne saurais pourtant te passer l'expression νοὸς βάρος, pas plus qu'à ton Lécapène[89] ni à aucun autre écrivain n'appartenant point à l'antiquité. Car Lécapène ne ressemble en rien à Démosthène, ni à Platon, ni à Thucydide, ni à nul autre auteur estimé. Il parle Latin et non grec, quand, au lieu de νοῦ δεινότης, il emploie l’expression νοὸς βάρος, car ce que les Latins appellent gravitas, les Grecs le nomment δεινότης et non βάρος. Le porteur de la présente, Buonaccorsi de Pise, est un de mes meilleurs amis. Je te le recommande comme désireux d’apprendre le grec, mais dénué de ressources pécuniaires. C’est, d’ailleurs, un jeune homme modeste et qui ne cesse de chanter tes louanges

Le porteur de la présente, Buonaccorsi de Pise, est un de mes meilleurs amis. Je te le recommande comme désireux d'apprendre le grec, mais dénué de ressources pécuniaires. C'est, d'ailleurs, un jeune homme modeste et qui ne cesse de chanter tes louanges.[90]

42

FRANÇOIS FILELFE A ANDRÉ ALAMANNI

Milan, 24 mai 1456.

Je viens te réclamer le carniero (comme on dit à Florence) que tu m'as promis dernièrement lorsque tu te trouvais ici. Tu agiras donc non seulement avec libéralité, mais en quelque sorte avec justice en me l'envoyant par notre commun ami Antoine Averulino.[91] Si, de ton côté, tu désires quelque chose de moi, donne m'en avis et tu ne seras pas trompé dans ton espérance. Porte-toi bien.

43

FRANÇOIS FILELFE A ANDRONIC DE GALLIPOLI

Milan, 31 mai 1456.

Je n'ai pas tout à fait tort de blâmer l'ignorance de ton Lécapène, qui se vante de son atticisme et emploie une forme latine. Je ne puis tolérer l'expression νοῦ βάρος; au lieu de διανοίας δεινότης. Une telle manière de dire est bien éloignée de l'élégance du langage antique. On ne peut rien trouver de pareil chez les auteurs anciens : grammairiens, philosophes, orateurs ou historiens. Si tu m'apportes un exemple de βάρος νοὸς qui leur soit emprunté, je me ferai un devoir de partager ton opinion. Je ne t'écris pas ce qui précède dans l'intention de te corriger, toi qui es un savant, mais mu par un sentiment de bienveillance à ton égard. Assez sur ce chapitre.

J'ai appris que tu possèdes un exemplaire de l'ouvrage grammatical d'Apollonius Dyscole. Je le prie de me Je prêter ou de me le vendre. J'ai, en outre, entendu dire que la bibliothèque ducale du château de Pavie possède les œuvres complètes de Platon : je désirerais savoir la vérité à cet égard, surtout en ce qui concerne les Lois,[92] dont je voudrais avoir une copie calligraphiée de ta main, moyennant une rétribution convenable. Porte-toi bien.[93]

44

FRANÇOIS FILELFE A ANDRONIC DE GALLIPOLI

Milan, 16 juin 1456.

Tu me parais avoir un bon caractère et être un homme intelligent. C'est pourquoi je ne blâme point tes chicanes, puisque tu n'incrimines pas mes vérités. Je n'aime guère les railleries secrètes, car dans l'amitié tout doit s'étaler au grand jour. Tu semblés garder mémoire des bons enseignements, il faut les mettre constamment en pratique. Tu ne dois pas, à mon avis, te borner à une seule façon de dire les choses, mais varier les tours et les constructions ; la phrase présente ainsi plus de gravité.

Je regrette que la demande que je t'ai adressée de me copier les Lois de Platon ait pu te contrarier. Dis-moi au moins si cet ouvrage existe ou non dans la bibliothèque du château de Pavie. Porte-toi bien.[94]

45

FRANÇOIS FILELFE À THÉODORE GAZA

Milan, 22 juin 1456.

Tu gardes depuis si longtemps le silence que je me décide à t'écrire, et je t'adjure de répondre aux nombreuses lettres que je t'ai adressées.

L'affaire de Jean-André, dont tu m'avais entretenu, n'a pas encore abouti, mais on a bon espoir. Je t'ai écrit par l'intermédiaire de cet ami commun, car je désirais avoir de tes nouvelles. Nous ne sommes pas très bien renseignés sur ce qui se passe à Naples, quoique l'on ait reçu à Milan une lettre de Candido Decembrio, dans laquelle cet imposteur assure qu'il est en grand honneur à la cour du roi Alphonse et reçoit de ce prince un traitement annuel de six cents ducats. Je voudrais savoir de toi la vérité à ce sujet, car Decembrio n'a guère pour habitude de la dire.

Porcellio de Naples et Grégoire de Tiferno ont, par mon entremise, obtenu du duc de Milan un traitement en rapport avec leur profession. Si tu le désires, je m'efforcerai de te faire avoir aussi un poste convenable. Porte-toi bien.[95]

46

FRANÇOIS FILELFE A ANDRÉ ALAMANNI

Milan, 22 juin 1456.

Diogène le Cynique conseillait à son disciple Cratès d'aller demander l'aumône aux statues de l'agora, tant il était convaincu de l'excellence d'un pareil exercice. Pourquoi donc ne prierais-je pas aussi mon savant ami André de m'envoyer les objets propres à seconder la nature que nous ne trouvons pas à Milan, tandis qu'ils foisonnent à Florence ? Je t'ai demandé antérieurement un carnier, aujourd'hui ce sont des yeux de verre (des lunettes) que je désire. Car un homme qui passe pour savant auprès de certaines gens, doit paraître aussi très clairvoyant. Celui-là donc qui est déjà courbé sous le faix des ans, a besoin d'avoir des yeux auxiliaires. Porte-toi bien.

47

FRANÇOIS FILELFE A ANDRÉ ALAMANNI

Milan, 20 mai 1457.

Le carnier que tu dois m'envoyer me paraît marcher comme la tortue : il m'arrivera à la fin du monde. Serais-tu donc devenu fier au point de ne pas répondre un mot aux lettres que je t'écris chaque jour? Tu me causes le plus grand préjudice, très cher ami ; ne sais-tu pas que, selon le proverbe, entre amis tout est commun? Envoie-moi donc le carnier ou une lettre, ou plutôt l'un et l'autre. Porte-toi bien, et salue affectueusement de ma part le très sage et très savant philosophe Jean Argyropoulos.

48

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Milan, 5 novembre 1457.

Désireux d'employer dans mes poésies lyriques différentes sortes de mètres grecs, j'ai versifié à ton adresse, comme tu le sais, la présente élégie, destinée à rendre manifeste aux yeux de tous l'amitié que je te porte.[96] Mais toi qui connais les secrets de l'harmonie, ne t'étonne pas de la rudesse de mon style ; car, étant Latin, je ne puis savoir à fond la langue grecque. Le seul éloge que j'ambitionne, c'est qu'il me soit permis d'oser dans mes essais quelque chose qui dépasse le niveau accessible au commun des mortels. Quant à toi, très cher ami, tu me rendras un service des plus agréables en me faisant connaître ton sentiment à cet égard. Car ton opinion sera pour moi un oracle de Delphes. Porte-toi bien.

49

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 13 novembre 1457.

Si ma lettre ne te parvient pas plus tôt, n'en sois nullement étonné : ce retard a chez moi la même cause que chez loi. Ne m'accuse donc pas de négligence, si tu ambitionnes à tort d'être loué comme soigneux. Nous sommes coupables de la même faute l'un vis-à-vis de l'autre; mais nous n'agissons pas judicieusement. Car, étant amis, il ne nous convient pas de garder le silence, mais d'user de la parole; et comment converser ensemble sinon par un échange de lettres? Donne-moi donc plus souvent de tes nouvelles, très cher ami, et par ton exemple stimulant ma paresse à écrire, montre-toi à moi non seulement un maître de beau langage, mais surtout un maître d'affectueux sentiments.

J'ai composé dans la langue des Hellènes une élégie à la louange du roi Alphonse ; car ce n'est pas seulement en latin, c'est encore en grec que je veux le faire connaître aux générations futures. J'ai commencé, en effet, à versifier aussi à l'imitation de vos savants. Je n'ignore pas toutefois la jalousie dont sont animées certaines gens. C'est pourquoi je te prie, toi qui es sur les lieux, d'avoir soin, au nom des lois de l'amitié, que la vérité ne demeure pas dans les ténèbres. Porte-toi bien.

La présente lettre nous fournit l'indication de la date à laquelle fut composée l'élégie de Filelfe en l'honneur du roi de Naples. Cette élégie, qui comprend vingt-neuf distiques, a été intégralement publiée par Bandini, d'après le codex Laurentianus n° 15 du pluteus 88, d'où sont tirées les quatorze pièces de vers que nous donnons ci-après.

50

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Milan, 13 novembre 1457.

Je t'ai déjà écrit, mais pas suffisamment pour ce qui nous est nécessaire à l'un et à l'autre. Tu sais que, quand tu me quittas,[97] je te dis qu'il y avait quatre ouvrages que tu me ferais le plus sensible plaisir de me donner : 1° la grammaire complète des cinq dialectes, surtout celle de l'éolien ; 2° le traité de la quantité des syllabes ; le traité d'accentuation ; 4° la syntaxe.[98] Tu m'affirmas que tous ces écrits étaient les uns en ta possession, les autres chez tes amis. Occupe-toi donc de me les faire avoir le plus tôt possible 2. Voilà pour ce qui me concerne.

Quant à ce qui te regarde, le voici en peu de mots. J'ai souvent demandé de tes nouvelles, et je n'en ai appris que de conformes à mon désir : à savoir que tu jouis d'une excellente santé et que tu réussis en toutes choses et auprès de tout le monde. Cela me cause la plus extrême satisfaction. Une seule chose chagrine bon nombre de gens, c'est que tu blâmes les écrits de cet excellent Léonard d'Arezzo.[99] Cesse donc de le critiquer, très cher ami, et voulant être loué, loue aussi toi-même, si tu es sage. Car Léonard jouit parmi tous les Latins d'une réputation telle que, pour parler comme Homère, sa gloire s'élève jusqu'au ciel. Il est un fait que je n'hésite pas à reconnaître, c'est que, jusqu'à ce jour, il ne s'est pas montré chez nous, parmi les savants, un homme qui ait rendu plus de services que Léonard. Voilà ce que les lois de l'amitié m'obligent à te dire. Porte-toi bien.

51

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 19 décembre 1457.

Lampugnino Birago de Milan est un de mes vieux amis. S'autorisant des lois de l'amitié, il usait de tout ce qui m'appartient comme de son propre bien. Ayant donc par devers lui mon exemplaire complet de l'ouvrage historique de Plutarque intitulé Vies parallèles, livre d'un intérêt considérable, il le prêta, assure-t-il, au très savant pape Nicolas. Ce pontife étant mort,[100] mon livre a dû le suivre dans la tombe ; car personne ne possède à son égard le moindre renseignement positif. Je te prie donc, tête auguste, de m'écrire ce qu'il en est. Quand je saurai la vérité, je verrai quel parti il conviendra de prendre. Porte-toi bien, très vénérable père.

Cette lettre semble être le premier cri d'alarme poussé par Filelfe, lorsqu'il eut appris la disparition de son précieux manuscrit des Vies parallèles de Plutarque. Il ne s'accordera plus dès lors ni repos ni trêve, qu'il ne soit rentré en possession de son bien. Le 14 des calendes de mars (16 février) 1458, il s'adresse à son ancien élève, le cardinal Ænéas Sylvius Piccolomini : « Audio codicem illum etiam post obitum summi pontificis Nicolai quinti visum esse apud cardinalem Ruthenum.[101] Modo quod in re verum sit non ignoremus, facile futurum spero ut nobilissimus codex ille ad dominum redeat aut pace aut bello, quamvis bello pacem anteponam. » Et, le même jour, il écrit à Bessarion : « Nec est aliud quicquam quod tantopere in præsentia abs te cupiam quam ut me facias certiorem quid de codice meo sentias, num spei quicquid sit reliquum, an perierit omnino. Immortali me affeceris beneiicio si hac in re mihi morem gesseris. » Et, cinq jours plus tard, au même Bessarion[102] : « Redditæ mihi sunt hodierno hoc hodie perhumanæ atque benignæ litteræ tuæ quibus quod scire desiderabam non obscure intellexi. Itaque habeo tibi gratias immortales quod vel in summis occupationibus tuis nihil quod mea interest negligere voluisti. Reliquum est ut mihi quid ea in re faciendum sit consulas vel epistola, vel nuncio. Nuncium vero alium velim neminem quam prudentissimum iurisconsultum Othonem Carretum,[103] qui istic huius principis nomine oratorem gerit. Is enim quod abs te acceperit, mihi quam primum significabit. Præterea, si quid certius habendum iudicas, id quod mihi quoque videri debet, habes archidiaconum dalarium qui, quum τῇ βιβλιοθήκῃ, præest, ut audio, rem omnem poterit quam primum optimeque inquirere. »

Cet archidiacre devait être parfaitement en mesure de fournir des renseignements précis sur le manuscrit de Filelfe. C'était, en effet, Cosme de Montserrat, celui-là même qui avait dressé l'inventaire de la bibliothèque de Nicolas V, après le décès de ce pontife. Si l'on consulte ce document, on est d'autant plus tenté d'y chercher les Vies parallèles parmi les manuscrits désignés comme ayant été prêtés au cardinal Isidore que, dans le passage ci-dessus reproduit de sa lettre à Piccolomini, Filelfe affirme que son Plutarque a été vu entre les mains du vieux prélat grec. On trouve en réalité dans cette partie de l'inventaire deux manuscrits de Plutarque, mais la description sommaire de ces volumes indique suffisamment qu'aucun d'eux n'est le nobilissimus codex recherché par Filelfe. On le reconnaît sans peine, au contraire, dans la mention suivante : Item unum volumen magnum de pergameno copertum coriorubeo et intitulatur PLUTARCUI PARALLELA.[104]

Le 23 mars 1458, Filelfe écrit encore[105] pour demander des nouvelles; mais il sait déjà que son livre est dans la bibliothèque Vaticane,[106] quand il adresse à l'excellent cardinal de Nicée la pièce de vers publiée plus loin, sous le n° 8. Il ne demande plus alors qu'on fasse des recherches, il interpelle le pape, il le supplie en termes émus. « O Callixte, s'écrie-t-il, ô toi qui occupes le trône et la dignité de Pierre, la divine justice implore ton assistance. O souverain père, rends-moi mon trésor : Bessarion te l'indiquera verbalement. Si tu me le rends, je t'en saurai le plus grand gré.

Comment hésiterais-tu à restituer le bien d'autrui, ô toi qui juges toutes choses avec équité? Hâte-toi donc de le rendre[107] ! » Callixte III avait en tête de trop graves soucis pour que les doléances d'un humaniste réclamant un livre eussent quelque chance de l'émouvoir. Il mourut (6 août 1458) sans avoir exaucé la prière de Filelfe. Celui-ci se réjouit à la nouvelle de la mort de ce vieux pontife,[108] qu'il a si injustement traité de monstre et de scélérat.

Dans ses lettres à Bessarion et à Ænéas Sylvius Piccolomini, datées l'une et l'autre des ides d'août (13 août) 1458, Filelfe n'a garde d'oublier la question de son manuscrit. Enfin, le cardinal Piccolomini, devenu le pape Pie II (19 août 1458), ordonne la restitution des Vies parallèles, objet de tant de lamentations. C'est Bessarion qui se charge d'en informer Filelfe. La réponse de ce dernier ne dut pas se faire longtemps attendre : « Vix dici queat, écrit-il, quam gratus mihi, quamque periucundus fuerit nuncius tuus de recuperalo Plutarcho ; quem quum amiseram, mea sumino pontifice Pio secundo, tuo interventu, dono accipere in non mediocrem felicitatis partem mihi ascribo, etc.[109] » Et à Pie II[110] : « Quantam mihi quamque singularem volupfatem attulisti nobilissimo ipso Plutarchi codice, etc. » Comme on le sait, Filelfe se rendit à Rome pour remercier le pape, qui lui avait accordé une pension de deux cents ducats. Il y arriva le 12 janvier 1459,[111] et revint à Milan au mois de février suivant,[112] rapportant sans doute avec lui son manuscrit de Plutarque.

52

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS CASTRENUS

Milan, 21 janvier 1458.

Je ne te connaissais pas précédemment; mais la lettre que tu m'as écrite m'a renseigné sur ton compte avec la dernière exactitude. Je te salue donc comme un ami, à cause de ta vertu, et je t'offre la participation à tout ce que je possède. Quand tu viendras à Milan, tu useras d'abord, en vertu des lois de l'amitié, de ce qui m'appartient; après quoi je m'emploierai auprès du duc à obtenir ce que tu sollicites avec raison : car la présence d'un honnête homme inspire du respect à ceux-là mêmes qui ne lui ressemblent pas. Mais le duc aime, loue et protège les gens de bien ; et vis-à-vis des savants il ne se montre pas seulement libéral, il les traite avec magnificence. Empresse-toi donc d'arriver. Porte-toi bien.

53

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Milan, 26 février 1458.

Acciaiuoli, le porteur de cette lettre, est un jeune homme de bonnes mœurs et passionné pour l'étude. Je te le recommande. Car si l'on a partout besoin de bons amis, ils sont surtout nécessaires dans une république démocratique. Je n'ai reçu, jusqu'à ce jour, qu'une seule lettre de toi, lettre remplie d'éloges plus bienveillants que conformes à la vérité, mais qui ne répondait pas aux différentes questions que je t'avais posées.[113] Je t'avais demandé si tu possédais quelque chose de rare sur la quantité des syllabes, sur l'accentuation, sur la syntaxe, sur la différence des cinq dialectes et principalement sur l'éolien. Si tu veux bien répondre exactement à ces questions, non seulement tu m'obligeras beaucoup, mais tu me feras le plus vif plaisir. Porte-toi bien.[114]

54

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS CASTRENUS

Milan, 1er mars 1458.

La lettre que je t'ai récemment adressée t'a fait connaître, on ne peut plus clairement, quelles bienveillantes et affectueuses dispositions je nourris à ton égard. Tu peux venir sans retard faire l'expérience de ce que je t'ai dit. Une fois à Milan, tu trouveras en moi un ami et un défenseur. Non seulement je me ferai auprès du duc ton protecteur zélé, mais je t'aiderai de ma fortune personnelle. Hâte-toi donc de venir, sinon remets à Ludovic Casella une lettre pour moi où tu m'exposeras avec précision tes intentions. Porte-toi bien.

55

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 23 mars 1458.

Je viens aujourd'hui te prier, très vénérable père, de me donner une nouvelle preuve de ta bienveillance et de ta divine magnanimité en apportant tous tes soins à ce dont je t'ai récemment entretenu par lettre,[115] c'est-à-dire à l'affaire de mes Vies parallèles de Plutarque. Tu me feras le plus sensible plaisir, si tu veux bien m'écrire à ce sujet quelque chose de positif, qui me permette de recouvrer cet ouvrage. Car je ne puis supporter sans une vive contrariété qu'un pareil trésor aille se perdre en des mains barbares. Porte-toi bien.

56

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 23 août 1458.

Le départ précipité du courrier m'oblige à ne t'écrire que quelques mots, ô très vénérable père. Ænéas, devenu aujourd'hui le pius Ænéas, me porte depuis de longues années une vive amitié. C'est pourquoi j'ai la plus grande espérance qu'il me comblera d'honneurs et de profits. Je te prie donc d'avoir la bonté de parler de cette question à sa Sainteté et de me faire savoir le plus tôt possible, avec sa réponse, ton opinion personnelle à ce sujet. Dis-moi en premier lieu si tu approuverais que j'allasse à Rome. Écris-moi en grec, afin que mon projet ne vienne pas immédiatement à la connaissance du grand nombre. J'ai écrit une courte lettre au souverain pontife Pie II,[116] mais tout mon espoir repose sur toi. Porte-toi bien.

57

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Milan, 4 octobre 1458.

Le porteur de cette lettre, Georges Alexandrin, a été mon élève. C'est un brave jeune homme qui n'est pas étranger aux Muses. Séduit par ta vertu et ton savoir, il se rend à Florence. Je te le recommande donc comme un de mes anciens élèves, qui sera désormais le tien. Car je fais enfin autre chose. Porte-toi bien, tête chérie.

58

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 13 juin 1459.

Si j'ai si longtemps gardé le silence, très vénérable père, c'est que j'ai cruellement souffert d'une fièvre tierce. En étant enfin délivré, grâce à Dieu, bien que je n'aie pas encore entièrement recouvre mes forces corporelles, je viens peu à peu payer ce que je dois à toi et à sa Sainteté Pie II, c'est-à-dire des vers en échange d'espèces sonnantes.[117] Plus donc vous me ferez riche, plus je charmerai ou j'étourdirai vos divines oreilles par mes chants, et ce non seulement dans les mètres de Sapho et d'Adonis, mais dans tous ceux des anciens poètes épiques. Porte-toi bien.

59

FRANÇOIS FILELFE A JÉRÔME CASTELLI,

PHILOSOPHE ET MÉDECIN.[118]

Milan, 15 octobre 1459.

Si même je garde le silence, je sais que tu ne négliges aucune de mes affaires. Je ne crois cependant pas superflu de te notifier par une courte lettre ce dont j'ai actuellement besoin. J'ai tout écrit, comme c'est mon devoir, à notre commun ami Casella.[119] Mais celui-ci paraît s'être fait pythagoricien, sans se douter peut-être que ce n'était pas le silence de la main, mais celui de la langue que Pythagore observait. Si donc tu connais la vérité, écris-moi vite ce qui me concerne. La chose n'est pas, d'ailleurs, très difficile à apprendre soit de Casella lui-même, soit du prince,[120] auquel je présente tous mes respects. Salue de ma part cet excellent Laurent Strozzi. Porte-toi bien.[121]

60

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 23 décembre 1463.

J'ai enfin reçu de toi une lettre depuis longtemps désirée et qui m'a rempli de joie. Je te remercie chaudement de ce que tu as eu la bonté de faire en ma faveur et je te promets de t'en garder une éternelle reconnaissance. Je m'empresse de te répondre et de m'expliquer sur les quatre points suivants :

1° J'ai été très satisfait d'apprendre que la Sérénissime République avait songé à moi. Etant déjà, grâce à un bienfait de ce gouvernement, citoyen de Venise, je ferais preuve d'ingratitude, si je voulais être ou paraître autre chose que Vénitien. Si la République me désire à son service, il faut qu'elle me donne un gros traitement. A cette condition j'accepterai ;

2° Je ne puis quitter Milan sans l'autorisation du duc. Mais si les Vénitiens la lui demandent, il ne la leur refusera pas, car il les aime et les tient en haute estime;

3° J'ai écrit le récit des actions du duc de Milan, et je crois m'être acquitté de cette tâche avec véracité; car je ne saurais rien écrire de contraire à ma conscience. Je te recommande de parler de cet ouvrage;[122]

4° J'estime que ne pas dire la vérité en toutes choses, c'est le fait d'un homme qui méprise la divinité. Car Dieu est vérité. Je ne consentirais donc pas, si même on me faisait plus riche que Crésus, à écrire quoi que ce fût par pure complaisance.

Tu as été chargé par le souverain pontife d'une légation à Venise, afin de surveiller les préparatifs de croisade contre les Turcs. Mais, en réfléchissant à cette affaire, je me suis formé la conviction que la ruse du renard[123] tend à un autre but. Car, toi présent dans le conseil des cardinaux, il n'ose rien faire d'indigne de sa dignité; tandis que, toi absent, il conduira indubitablement ses ouailles dans la gueule du loup. Porte-toi bien.[124]

61

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 27 janvier 1464.

Si tu es en bonne santé, très auguste père, la chose est parfaite et telle que je la désire. Moi aussi je me porte bien, et j'ai reçu à temps ta très aimable lettre, car je la désirais fort. J'ai appris ce que Ton Éminence a fait à Rome dans l'intérêt de mes affaires, et je ne saurais exprimer le bonheur que j'éprouve d'avoir vu clair comme le jour l'affection que tu as pour moi. Car donner ses soins empressés aux plus petites choses, lorsqu'on est un homme de ton rang et possédant ton savoir, c'est la marque d'un esprit magnanime et élevé. Mais pour m'avoir aimé et honoré de la sorte, quelle récompense auras-tu? L'acte de bienfaisance lui-même. Car qu'est-ce que j'ai qui soit digne de récompenser les bons offices que tu prends à cœur de me prodiguer sans cesse? Dieu lui-même te récompensera, lui qui ne laisse jamais rien sans sa rétribution. Cependant tu peux compter sur mon éternel dévouement. Quant au reste, pour être bref, mon très bon père, tu t'en arrangeras de la meilleure façon, comme c'est ta coutume. Porte-toi bien.

62

FRANÇOIS FILELFE A ANDRONIC DE BYZANCE

Milan, 27 avril 1464.

Ayant lu dans Plutarque quelques pages sur les Idées, j'ai trouvé le texte de cet auteur en bon état, à l'exception du passage relatif à la doctrine d'Aristote, lequel est tout à fait corrompu. C'est pourquoi tu me rendrais service et me ferais plaisir, si tu voulais bien me donner avec exactitude la définition de l'Idée selon Aristote, et ce en la transcrivant littéralement, telle qu'elle se trouve dans l'ouvrage intitulé Les doctrines des philosophes. Porte-toi Lien.

63

FRANÇOIS FILELFE À ANDRONIC DE BYZANCE

Milan, 29 avril 1464.

La question que je t'ai adressée concernant l'Idée n'est ni pour Aristote, ni contre Aristote. Je voulais tout simplement savoir quelle est en cette matière l'opinion du Stagirite. On lit, en effet, ce qui suit dans le premier livre du traité de Plutarque intitulé Les doctrines des philosophes. Or ce passage est évidemment corrompu.[125] J'aurais désiré en connaître la leçon exacte, au cas où tu eusses possédé le susdit traité (il se compose de cinq livres); mais, puisque j'apprends par ton élégante lettre que tu ne le possèdes pas, je me résignerai à la nécessité de m'en passer. J'ai, moi aussi, écrit sur les Idées quelque chose que je me propose de te communiquer prochainement. Porte-toi bien.

Mon affection pour toi date de l'époque où, jeunes tous deux, nous fréquentions l'école de Chrysococcès.[126] Depuis, tu es successivement devenu métropolitain, cardinal, patriarche, et je n'ai pas cessé de te vénérer. Quant à ton amitié pour moi, non seulement je la connais, mais j'en ai fait l'expérience en maintes graves circonstances. Il n'est rien de si grand, rien de si honorable qu'il ne me soit permis d'attendre de toi. Tu sais quel est l'objet de mes espérances; je t'en ai instruit et verbalement et par lettres. Grâce à la dignité dont tu es revêtu, grâce aussi à la faveur dont tu jouis, tu es tout-puissant auprès du nouveau pape.[127] Je ne suis pas non plus inconnu au souverain pontife. C'est pourquoi je te conjure de m'arracher aux misères de la cour de Milan. Car, souvent, à mon corps défendant, je nie vois forcé de dire et d'écrire, par complaisance tant pour le duc que pour ses sujets, une foule de choses qui ne conviennent ni à mon genre de vie, ni à la philosophie. Cependant, je n'accepterais pas plus un emploi lucratif sans dignité, qu'une dignité sans émoluments. Personne, d'ailleurs, ne sait-mieux que toi ce dont j'ai besoin. Porte-toi bien.[128]

65

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 9 novembre 1464.

Je viens aujourd'hui te prier de nouveau d'apporter toute ta sollicitude à hâter la réalisation de l'affaire pour laquelle je t'ai dernièrement adressé de si ardentes supplications.[129] Je t'importune, je le sais. Mais c'est malgré moi que j'agis de la sorte. J'ai, d'ailleurs, la plus entière confiance en la bonté, cette bonté dont tu ne cesses de multiplier les effets autour de toi et qui le distingue à l'égal de ceux qui, à travers les vicissitudes des âges, se sont montrés fiers de cette vertu. Porte-toi bien, tête divine.

66

FRANÇOIS FILELFE A ANDRONIG DE BYZANCE

Milan, 21 mars 1465.

Tu as tort, mon cher Andronic, tu as grand tort, à mon avis, d'en venir aux mains avec un libertin tel que Galeotto de Narni.[130] Il semble qu'en discutant avec lui tu veuilles donner de la célébrité à un individu qui, par sa nature et sa perversité, est indigne de voir la lumière du soleil. Envoie donc à tous les diables ce coquin, qui, comme dit le proverbe, ne diffère en rien de l'éléphant,[131] ou plutôt de la bête aux grandes côtes, pour me servir d'un dicton vulgaire, afin que les sages ne t'accusent pas d'avoir, par ton mérite, tiré quelque chose de ténébreux des ténèbres de ses mœurs et de sa sottise.[132] Car le sot trouve toujours son profit à discuter avec un homme supérieur, puisque le jugement de la multitude est toujours entaché d'envie. Porte-toi bien.

67

FRANÇOIS FILELFE À ANGE DECEMBRIO[133]

Milan, 28 juillet 1465.

Que tu ne cesses pas de faire du grec, c'est une chose dont je ne saurais te blâmer. Car qui oserait prétendre connaître les élégances latines, s'il est étranger à l'hellénisme? Cependant cet amour des lettres grecques poussé jusqu'à l'oubli du latin ne peut obtenir mes suffrages. Je voudrais te voir cultiver alternativement l'une et l'autre langue ; car le miel lui-même, si l'on en fait un trop fréquent usage, finit par sembler amer. Mélange donc à la phrase latine l'harmonie hellénique, et ton langage sera plus doux à mes oreilles. Tu m'as écrit que tu te trouvais bien là où tu es ; mais de quelle façon, chez qui? Tu ne m'en as rien dit. Tu aurais dû entrer dans quelques détails, afin de rendre ma joie complète. Quanta ce noiraud de Candido[134] (car il n'est pas blanc), je n'ai rien à t'en écrire, sinon qu'il quitte Milan pour une destination qui m'est inconnue. Porte-toi bien, et salue de ma part le plus brûlant des princes, le soleil Borso d'Este.

68

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 28 juillet 1465.

Si ma lettre t'est arrivée si tardivement, mon cher Gaza, c'est que ton adresse m'était inconnue. En effet, je t'ai plusieurs fois écrit antérieurement, je t'ai même envoyé différentes pièces de vers,[135] sans avoir pu, en retour, goûter les charmes et la douceur de ton style. Mais dernièrement deux personnages dignes de foi, les princes Georges Asan et le très grand Manuel Paléologue, étant venus ici, m'ont fourni sur ton compte tous les renseignements désirables. En apprenant de tes nouvelles, je me suis étonné de ta manière de vivre. Quel plaisir un philosophe tel que toi trouve-t-il à habiter avec les moutons ? À quoi te servirait d'être sensé, si tu te condamnais à passer tes jours parmi des êtres stupides? Viens donc vivre avec nous qui te chérissons, ou donne-nous la raison de ta retraite au désert. Porte-toi bien.

69

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 30 juillet 1465.

Ta lettre tardive, ô Théodore, m'a rempli d'une si douce joie qu'il, me semblait en la lisant te voir toi-même, t'embrasser et te souhaiter le bonjour. Aussi n'est-ce pas une fois que je l'ai lue avec une vivo admiration, mais doux et trois fois, et maintenant me voici en train de la relire encore. Cela te permet de te rendre un compte exact du préjudice que tu m'as causé on gardant vis-à-vis de moi un silence de tant d'années. La Calabre n'est pourtant pas plus loin de Milan que Milan de la Calabre. Et, par la route que tant de mes lettres ont suivie pour aller vers toi, tu aurais pu toi-même me faire parvenir de tes nouvelles. Mais je te pardonne, ô richissime Gaza, de mépriser les gens dépourvus d'or, toi qui es occupé à la recherche de ce métal. Car c'est pour ce motif que tu vis aux champs, semant et plantant, bâtissant étables et bergeries ! Salut, ô bienheureuse Calabre, salut, ô toi qui as recueilli Théodore Gaza parmi tes onagres! Car là-bas, très cher ami, tu es le seul être sensé, tu y vis pour toi seul, toi un si grand et si illustre philosophe. Il faudrait peut-être, à mon avis, que le sage vécût parmi les sages. Ne sais-tu pas, camarade, que l'harmonie exige que ceux qui se ressemblent se rassemblent? Voilà pour quelle raison, quoique bientôt septuagénaire, je préférerais la cour de Rome à celle de Milan. Car la conversation des savants entre eux ne contribue pas peu au développement du savoir. Par malheur, le pape Nicolas V, ce temple sacrosaint de toute sagesse, a emporté avec lui dans la tombe toute étude de sagesse. Car l'instruction n'étant pas honorée comme il convient, on n'a plus l'amour des belles choses. Plaise au ciel que, avant notre mort, notre savant maître Bessarion puisse s'asseoir sur ce trône pontifical dont il est digne, ce sera un grand bonheur pour les hommes de lettres et tous les gens de bien. Adresse donc à Dieu cette prière conjointement avec moi; peut-être exaucera-t-il nos vœux, car l'âme des poètes est divine. Porte-toi bien, tête d'or.

70

FRANÇOIS FILELFE A GEORGES AMIROUTZËS

Milan, 30 juillet 1465.

Le porteur de la présente lettre, Antoine Averulino,[136] est un homme de bien en même temps qu'un de mes meilleurs amis. C'est pourquoi, en vertu du vieux proverbe, je te le recommande comme étant mon ami, devant être le tien, et se trouver ainsi l'ami commun de deux personnes intimement liées l'une à l'autre. Averulino connaît à merveille une foule d'excellentes choses et est un architecte de très grand talent. Il se rend à Constantinople dans l'unique intention de voir le pays. Tu me feras un sensible plaisir, si tu daignes l'accueillir avec amabilité et lui témoigner toute l'affection que tu as pour moi-même. Porte-toi bien.

71

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 1er décembre 1465.

J'ai éprouvé beaucoup de soucis d'être privé de tes lettres. Pourquoi gardes-tu si longtemps le silence? Pourquoi ne réponds-tu pas à un vieil ami, à un fils? Ecris-moi donc avec ta bonté accoutumée, sinon fais-moi connaître le motif de ton silence : de cette façon je saurai quelle conduite je dois tenir. Je ne pense pas que mes prédictions concernant Pie II t'aient été désagréables : car il n'est pas un savant qui ne souhaitât la mort de ce pape, tant il les méprisait tous.[137] Il n'était pas non plus bien disposé à ton égard, lui qui créa Lupercus de Tyane,[138] chef et amiral de la flottille dirigée contre les mécréants en faveur des Grecs.

J'ai composé trois livres de poésies grecques comprenant ensemble deux mille quatre cents vers.[139] Je voudrais, avant de les publier, que tu les lusses avec attention. Car qui oserait ensuite critiquer ce qui aurait obtenu les suffrages d'Apollon? Si donc tu veux bien me rendre ce service, je t'enverrai sans retard lesdites poésies. Mais, auparavant, j'attends une lettre de toi. Porte-toi bien.[140]

72

FRANÇOIS FILELFE A ANDRONIC DE BYZANCE

Milan, 28 août 1466.

 

L'homme qui désire l'or, ne parle et n'entend parler de quoi que ce soit plus volontiers que de ce métal; l'homme passionné pour les plaisirs aime par dessus tout ce qui les lui rappelle. Et, moi, étranger aux Muses, je ne cesse de les cultiver. Ne t'étonne donc pas si, bien que poète sans talent, j'essaie de te parler le langage harmonieux de la poésie.[141] Je n'agis pas ainsi par ignorance, mais par désir d'avoir tes odes mélodieuses, dont la communication ferait de moi un homme presque heureux. Il t'appartient de satisfaire ce désir. Si tu t'y prêtes, tu me rendras ton débiteur.

Je te félicite d'être délivré des troubles de Bologne, et je suis heureux de savoir que tu as trouvé un asile calme et tranquille auprès de Bessarion, ce sanctuaire de la vertu et de la sagesse. Si tu veux que ma joie soit complète, je te prie de me donner des détails précis sur tout ce qui te concerne. Porte-toi bien.[142]

73

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Milan, 11 octobre 1466.

J'ai vu avec plaisir et accueilli avec bienveillance Georges Asan, que tu m'avais recommandé par lettre. Je l'ai muni, moi aussi, d'une lettre de recommandation des plus chaleureuses. Car, dans ces circonstances difficiles, que pourrais-je faire de plus? Je m'apitoie sur le malheur de tels hommes, et je blâme l'indifférence des gens heureux, qui, d'ailleurs, ne connaissent pas cette sage sentence : il arrivera ce qui a été fixé par le destin! Mais, assez sur ce chapitre.

Je te félicite, très cher ami, du bonheur dont tu jouis actuellement, et je souhaite qu'il soit éternel. Je te prie, quand l'occasion s'eu présentera, de parler de moi à cet excellent Pierre de Médicis. Il sait bien ce qu'il m'a tant de fois promis.

Je voudrais, en outre, faire l'acquisition du Grand Etymologique[143] qui commence ainsi : ἄλφα παρὰ τὸ ἀλφῶ τὸ εὑρίσκω. Si cet ouvrage se trouve à Florence, tu me feras grand plaisir de m'en informer par lettre. Porte-toi bien, très cher ami.

Nous ne savons comment expliquerai prière que Filelfe adresse ici à Argyropoulos concernant le Grand Etymologique. En effet, à la date où fat écrite la présente lettre, il devait certainement avoir déjà commandé la copie de ce livre qui est aujourd'hui le Laurentianus 11 du pluteus 57. Peut-être cette copie tardait-elle à lui arriver et désespérait-il de l'obtenir. Peut-être aussi voulait-il se procurer un second exemplaire de cet ouvrage. ……………………………………………. Ce volume est un chartaceus grand in-4° de 396 feuillets 2.

Notons encore (sans toutefois en tirer de conclusions) que le Laurentianus 15 du même pluteus 57, qui est également un Grand Etymologique, concorde, au commencement et à la fin, avec le n° 11……………:

74

FRANÇOIS FILELFE A GEORGES DE TREBIZONDE

Milan, 30 octobre 1466.

Autant était grande la crainte que m'avait inspirée ton voyage en Turquie, autant est vive la joie que me cause ton retour parmi nous. N'était-il pas bien naturel, en effet, de craindre pour toi et pour les Muses, quand on songe à la barbarie des Turcs ? Je suis donc heureux de te voir revenu sain et sauf auprès des tiens, auprès de moi, qui suis un de tes meilleurs amis. Car tu sais que, pour ainsi dire depuis l'âge le plus tendre, nous sommes unis par une étroite amitié. C'est pourquoi sache que, en vertu du proverbe Entre amis tout est commun, je considère ton sort comme le mien propre.

Mais dis-moi donc, au nom du ciel, quelle est la situation de l'infortunée Constantinople? Comment le mécréant traite-t-il cette pauvre ville? Sous son gouvernement barbare, tout y est-il devenu depuis longtemps barbare? En outre, as-tu rapporté avec toi quelque chose de précieux? je veux parler de livres.[144]

Il y a encore un point sur lequel je désire vivement être fixé. Je voudrais savoir si le souverain pontife actuel[145] te traite avec affection et libéralité. Car c'est ainsi qu'un homme tel que lui doit agir. Fais-moi l'amitié de m'écrire avec précision tout ce qui te concerne. Porte-toi bien.

75

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 1er décembre 1466.

J'ai maintenant traduit la Cyropédie:[146] de la douce et harmonieuse langue de Xénophon, j'ai fait passer cet ouvrage dans notre idiome. J'ai entrepris, à mon avis, une œuvre qui n'a rien de répréhensible, qui est même louable en ce que j'ai tiré une juste vengeance du tort (car pourquoi dire l'ignorance?) dont ce fameux Pogge s'était rendu coupable envers les Grecs et envers les Latins.[147]

Je voudrais avoir sur mon travail ton avis et tes conseils, que j'ai pour habitude de mettre toujours au premier rang. Quelques personnes, eu égard à la nature même de la Cyropédie, m'engagent à faire hommage de ma traduction au roi de France. Mais, m'étant rappelé à temps que le souverain pontife est considéré comme le roi des rois, ce qu'il est en réalité, je la lui enverrais de préférence. Je désirerais connaître ton sentiment à ce sujet, et je te prie de me le faire savoir dans un bref délai. Et, afin que tu puisses te prononcer en pleine connaissance de cause, je t'envoie, à titre d'échantillon, le prologue de la Cyropédie, que j'ai récemment traduit.

J'ai, en outre, quelques mots à te dire concernant notre ami Castrenus. C'est un honnête homme, versé dans la littérature grecque (tu le sais) et dans la littérature latine ; il est rempli de vénération pour toi et ne prononce jamais ton auguste nom qu'avec éloges. Je le crois tout à fait digne de ta très douce affection, et je te le recommande comme ton panégyriste et mon ami. Il salue ton Eminence et sollicite une réponse à la lettre qu'il t'a écrite précédemment. Porte-toi bien, cher ami.

La traduction de la Cyropédie fut imprimée du vivant même de Filelfe. C'est un livre aujourd'hui fort rare et dont nous croyons devoir donner ici la description bibliographique.

Au premier f. recto :

FRANCISCI PHILELFI PRÆFATIO IN XE-||

NOPHONTIS LIBROS DE CYRI PÆDIA||

AD PAVLVM SEGVNDVM PONTIFICEM||

MAXIMVM.

Au f. 5 recto, après les dix dernières lignes de l'épître dédicatoire au pape Paul II, commence la traduction de la Cyropédie, par le titre suivant[148] :

XENOPHONTIS DE CYRI PÆDIA LI-||

BER PRIMVS.

Au bas de l'avant dernier f. verso :

Huic aut Cyri Psediee Idem Franciscus Philelfus eques auratus. Laureatusq; poeta extrema imposuit manum Mediolani ad. XII. Kal. octobres, anno a natali christia || no Millesimo quadringentesimo Sexagesimo septimo.

Au dernier f. recto :

Calliphilus Bernardinus Robiatinus in Xenophontis li|| bros, de Cyri psedia : per clarissimum oratorem poe || tamque Franciscum Philelfum equitem auratum, de||græco in latinum conuersos. ||

Qui cupitis populis reges dominarier asque :

Discite me tandem discite : nam doceo.

Attica musa vocor. dium Xenophonta vocarunt

Nos alii. Græcis multa legenda dedi.

Vnius excelsi poediam scripsimus omneni

Pi-incipis : ut uiuat rex bene quisque sibi

Persarum sanctas per me tu consule leges

Et per me laudes concipe quasque tibi.

Edoceo bellum, pacem quoque iure tuendam :

Imperitare simul : imperiumque pati.

Le verso du dernier f° est blanc.

Dans certains exemplaires, la souscription Huic autem Cyri Pædiæ, etc., ne figure pas au bas du verso de F avant-dernier feuillet. Elle remplace, en tête du recto du dernier, la pièce de vers que nous venons de reproduire et elle est suivie de cette mention (qui manque dans les exemplaires ayant là pièce de vers) :

Hoc opus diligenter emendatum impressum est Ro || mæ opera et impensa magistri Arnoldi de Villa die de||cimo Martii Mcccclxxiiii.

In-4°, de 145 feuillets utiles, non chiffrés.

Biblioth. nat. de Paris : Inv. J 1201 Rés. (exempl. sans la pièce de vers).

Biblioth. nat. de Paris: Inv. J 1202 Rés. (exempl. avec la pièce de vers).

Trois ans après cette édition, il en parut une nouvelle, à Milan, dont nous n'avons pas vu d'exemplaire et que nous ne trouvons mentionnée chez aucun bibliographe. Son existence ne saurait pourtant être révoquée en doute, puisque c'est Filelfe lui-même qui la confirme dans les deux lettres suivantes :

Marco Aurelio Franciscus Philelphus S.

Poedia Cyri impressa est : quæ ut ad te maturrime iter faciat, tuum fuerit curare. Nam Petrum Mercatorem video id muneris subterfugere, ut phyginus iure dicendus sit. Poteris, si volueris, ad eum litteras dare ac petere ut hanc eius mittendi codicis provinciam suscipiat; qui cum ipso una etiam ibit similis codex ad veterem atque communem amicum nostrum Phoebum Gapellam vel mutulum... Ex Mediolano, xii cal. martias 1477.[149]

Bernardo Justiniano eq. aur. procurât. S. Marci Francisais Philelphus S.

Cyri Poediam, quam et Xenophon tuus ille socraticus suavi et luculenta oratione scripserat græce, et Philelphus idem hic tuus, si minus fortassis eleganter, at fideliter in latinum convertit eloquium, dono ad te dedi, opus certe dignum quod a doctis viris tuique similibus non ignoretur. Is autem codex, etsi ab hisce Mediolanensibus impressoribus depravatus erat, ipse tamen curavi ut a librario meo accuratissime emendaretur... Ex Mediolano, vii idus apriles 1477.[150]

Le manuscrit sur lequel Filelfe traduisit la Cyropédie est très probablement le Laurentianus 19 du pluteus 55 (Xenophontis varia), qu'il avait fait exécuter à ses frais, en 1426, par Georges Chrysococcès, durant son séjour à Constantinople.[151]

Ce manuscrit est un membranaceus in-4° de 228 feuillets. On y voit, en tête, les armoiries de Filelfe, et on y trouve des notes et des sommaires de sa main.

76

FRANÇOIS FILELFE À THÉODORE GAZA

Milan, 11 mars 1468.

Me prier de me rendre auprès de toi, c'est exciter à courir un cheval de Lydie. Rien ne saurait m'être plus agréable que de me trouver en compagnie d'un de mes amis les plus chers. Notre commun désir ne tardera pas à en être satisfait. Je te remercie des éloges que tu me décernes sur mon habileté à manier la parole, mais ces éloges sont plutôt dictés par la bienveillance que par la vérité. Je me connais bien moi-même ; mais, selon les poètes, l'amour est aveugle, et l'amour est une terrible maladie. Je reçois avec plaisir les conseils que tu me donnes touchant mon futur discours. Je voudrais avoir un auditeur tel que le feu pape Nicolas V, ou tel que le sera peut-être un jour Bessarion. Car j'ai entendu dire que l'on redoute à Rome quelque naufrage en haut lieu. Il faut que la destinée s'accomplisse. Quant à moi, je suis préparé à tout événement. Porte-toi bien.

77

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 5 décembre 1468.

La Cyropédie que je vous ai empruntée, à vous autres savants de la Grèce, pour la faire passer dans notre langue grossière, Jean Arcimboldi, cet homme excellent et érudit qui vient d'être promu évoque de Novare 2, l'emporte avec lui à Rome 3. Qu'ai-je besoin avec toi de longs discours? Tu connais toutes mes affaires. C'est pourquoi, sans que j'aie besoin de te solliciter, tu agiras comme à ton habitude ; car tu as toujours été pour moi un père et un bienfaiteur. Quant au reste, l'évoque de Novare t'en instruira verbalement. Porte-toi bien.

78

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 19 janvier 1469.

Jean Arcimboldi, évêque de Novare, récemment revenu de Rome à Milan[152] m'a fait savoir qu'il t'avait envoyé mes lettres, très vénérable père, mais que, forcé de quitter Rome dans un bref délai, il n'avait pu te parler de mon affaire auprès du souverain pontife. Je regrette vivement ce contretemps ; car j'aurais voulu que ma traduction de la Cyropédie n'eût pas été présentée au pape, avant que tu ne m'eusses tracé la marche à suivre. Mais l'évêque de Novare a remis l'ouvrage, et le pape l'a accueilli avec bienveillance et plaisir. Il a fait mon éloge ; il a pris sur mon compte toutes sortes d'informations ; il a même demandé combien j'avais de filles. Quand il sut que j'en avais quatre, dont deux nubiles, âgées l'une de vingt-quatre ans, l'autre de seize, il s'exprima avec tant de magnificence et d'affection qu'il laissa voir son intention de récompenser dignement celui qui lui adressait un pareil présent. L'évêque de Novare ayant prié le pape de ne pas différer l'exécution de ce qu'il promettait d'une si aimable façon, le pontife répondit qu'il s'en occuperait sans retard. Mais l'évêque ayant quitté Rome le jour même où il avait eu cette audience du pape, ne put s'occuper davantage de mes affaires. Je te prie de vouloir bien toi-même les prendre en main. Si le pape désire m'envoyer quelque chose, il peut le faire par l'intermédiaire de la banque des Médicis, laquelle possède une succursale à Milan. Porte-toi bien.[153]

79

FRANÇOIS FILELFE A DEMETRIUS CASTRENUS

Milan, 7 mars 1469.

Je m'estime fort heureux, très cher Démétrius, de ce que notre affection mutuelle va chaque jour grandissant. Tu as commencé par être mon ami dévoué et mon compère dans le Christ Dieu ; voilà que maintenant tu te fais le négociateur du mariage de ma bien-aimée fille. De même que toutes les autres choses nous viennent de Dieu, j'estime que le mariage est une institution éminemment divine. J'accepte donc ce que tu m'écris, si toutefois ma fille veut bien lui donner son agrément. Car, sans son consentement, la chose est impossible. C'est pourquoi il faut se hâter de faire venir ici son cousin Jean Pagnani, religieux de l'ordre et du monastère de saint Dominique. Car il est on ne peut plus apte à traiter cette affaire.

Ce que tu m'as écrit concernant l'Arétin[154] se fera et avec le plus grand soin. Porte-toi bien, cher ami, et salue de ma part notre excellent Buonaccorsi.

80

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS CASTRENUS

Milan, 14 mars 1469.

Il me semble bien que tu dois être plongé dans les délices de Pise ; car, s'il en était autrement, tu ne resterais pas si longtemps dans cette ville à rien faire. C'est une bonne chose que le plaisir, et une fort bonne, puisque tous les animaux le désirent par nature. Le bateau t'inspire donc tant de frayeur, que tu redoutes quelque danger si tu te confies à un rameur ? Soit! J'accueille avec plaisir ce que tu m'écris touchant Homère, si toutefois tu l'as trouvé dans le texte du poète. Car ce fameux Tortelli a je crois, parfaitement compris ce qui concerne les tourtes, mais rien autre chose. Je te souhaite une bonne santé, mon très cher Démétrius, ainsi qu'à notre ami Buonaccorsi.[155]

Jean Tortelli d'Arezzo, dont il est question dans cette lettre, s'était rendu à Constantinople en 1435, pour y étudier le grec. Il avait eu pour maître dans cette ville Jean Eugénicos (le frère du fameux Marc d'Éphèse, adversaire implacable de l'Union au concile de Florence). Cette particularité nous est révélée par une très curieuse note tracée de la main même de Tortelli sur un manuscrit de Thucydide, aujourd'hui à la bibliothèque de Bâle (sous la notation E. III. 4.). Ce volume est un bombycin in-4° de 274 feuillets. Au verso du dernier, dans la marge inférieure, on lit :

Liber Iohannis Arrctini datus sibi clono a maglslro suo papa Iohanne Eugenico in Constantinopoli, die III 1 mensis iulii, anno Domini M. CCCC. XXXV, secundo scilicel mense quo studiorum causa ad eam civitatem applicui, una cum fulelissimo socio Thomasio compatriota et fraire meo Laurentino.[156]

Filelfe se montre, dans cette lettre, fort injuste pour Tortelli. Plus tard, il le traite encore avec non moins de rigueur : « Ioannes Tortelius qui, cum et græcam et latinam litteraturam novisse videri vult, utramque ignoravisse declarat. » Cette appréciation paraît dictée par quelque secrète animosité contre le savant bibliothécaire de Nicolas V.

81

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS CASTRENUS

Milan, 1er mai 1469.

J'ai reçu de toi deux lettres datées d'Urbin, dans lesquelles tu me racontes avec précision tout ton bonheur. Je me réjouis de te savoir heureux et je forme pour toi les meilleurs vœux. Je vogue, moi aussi, sur la mer de la prospérité. Je n'ai reçu de Sienne rien autre chose, car mon ami ne m'a pas encore répondu. J'espère méprendre dans cette ville d'ici à quelques jours, pourvu toutefois que le duc de Milan veuille bien m'en accorder la permission. J'ai lieu de croire qu'il ne me la refusera pas, car il s'agit d'une affaire indispensable. J'ai chez moi, comme tu le sais, deux enfants de ma fille Panthéa:[157] un garçon[158] et une fille[159] déjà femme. Je veux les reconduire moi-même à leur père; car celui-ci est tellement négligent que, malgré les nombreuses lettres que je lui ai adressées, il s'obstine à garder le silence.[160]

Le souverain pontife m'a gratifié de quatre cents écus d'or. Je n'ai pas encore touché cette somme, mais je la toucherai.

J'ai reçu de Ferrare d'autres lettres de toi. Ton bonheur est parfait ; mais tu feras sagement d'observer les circonstances.

Glykys[161] part pour la France.

Tes lettres ont été remises à Bonini et au père de François. Rien de nouveau ici. Partout des divertissements. Porte-toi bien.

82

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Milan, 22 juin 1469.

J'ai appris la mort prématurée de ton excellent et bien-aimé fils récemment survenue à Rome. J'ai compati à ta douleur et versé d'abondantes larmes. Si mon chagrin s'est ainsi manifesté, la cause en est dans l'affection que je professe pour toi et dans la faiblesse de la nature, car je n'ai pas un cœur de fer. Il faut supporter avec résignation les malheurs que Dieu nous envoie. La Providence t'a privé d'un fils chéri, mais il t'en reste encore un autre qui est pieux et intelligent. Et, grâce à Dieu, tu possèdes une foule de biens dont tu dois jouir et te montrer reconnaissant envers celui à qui tu en es redevable. Un sage tel que toi n'a pas besoin de consolation ; car je connais ta grandeur d'âme, ta constance et ta sagesse en toute circonstance.

Je me suis adressé au gouvernement florentin, afin d'en obtenir un passeport ; car je suis obligé de me rendre à Sienne pour une affaire personnelle. Mon absence de Milan doit, d'ailleurs, être courte. J'ai écrit à ce sujet à Pierre de Médicis et à Thomas Soderini. Je te prie de donner tous tes soins à cette affaire, mais d'agir secrètement, dans la crainte de quelque perfidie. Porte-toi bien.[162]

La lettre même que, dans la présente, François Filelfe dit avoir écrite à Pierre de Médicis se trouvait, en original, dans la Collection d'autographes du feu marquis de Saint-Hilaire, vendue aux enchères les 5 et 6 janvier 1891.[163] Elle figure au Catalogue[164] sous le n° 200 et appartient aujourd'hui à M. le prince Georges Maurocordato. Nous en donnons ci-contre le fac-similé. Quant à la suscription, elle est disposée sur trois lignes et ainsi conçue :

Magnif[ico et] illustri viro Petro Medici compatri hon. Florentiae.

Nous ne connaissons, concernant l'infortuné Barthélémy Argyropoulos, d'autres détails que ceux qui se trouvent consignés dans … deux lettres … du cardinal Jacques Piccolomini.

83

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 7 juillet 1469.

Le don que m'a fait le souverain pontife marche, il me semble, à la façon des crabes. Car, jusqu'à ce jour, je n'ai reçu ni argent, ni lettres de change. Ce serait de ta part un acte de bienveillance, très vénérable père, de donner une fin à ce commencement de libéralité. Je te supplie donc de hâter cette affaire le plus possible.[165] Porte-toi bien.

84

FRANÇOIS FILELFE A JÉRÔME CASTELLI

Milan, 11 novembre 1469.

Je sais que jamais tu n'as mis mes affaires en oubli, mon très cher Castelli. Donc, puisque tu n'ignores pas qu'elles réclament ton zèle et tes soins, c'est à toi de te hâter tellement que j'apprenne bientôt ce qui aura été fait. Je salue avec un cordial dévouement notre impérial prince.[166] Porte-toi bien.[167]

85

FRANÇOIS FILELFE À LADISLAS LE PANNONIEN

Milan, 26 décembre 1469.

Ayant eu récemment des preuves non équivoques de ta bienveillance et de ton affection pour moi, je ne crois pas être indiscret en sollicitant ton concours dans une affaire aussi bonne que louable. Je désire énormément me procurer la Géographie de Strabon. Or, j'ai appris que mon excellent ami Baptiste Guarino en possède un exemplaire[168] ; je sais, en outre, qu'un calligraphe grec est de séjour à Ferrare. Si donc tu veux me rendre un agréable et signalé service, hâte-toi, très cher ami, de me faire transcrire le susdit ouvrage. J'enverrai au copiste la rétribution que tu auras fixée toi-même. Porte-toi bien.

86

FRANÇOIS FIL ELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 9 décembre 1469.

Au moment où j'ai reçu ta lettre, je l'ai couverte de baisers ; mais, en la lisant, j'ai fondu en larmes. Car la joie immense que j'avais ressentie à la vue de ton écriture, la lecture du contenu me l'a enlevée. J'ai compati à ta maladie, ou plutôt à tes maladies, qui ont si longtemps interrompu notre commerce épistolaire habituel. Je remercie Dieu de t'avoir t'ait la grâce de recouvrer la santé.

En m'engageant à m'acquitter de mon devoir, très cher Gaza, tu agis conformément à l'amitié et au bon sens ; mais c'est, comme dit le proverbe, inciter à courir un cheval lydien. Je ferai le nécessaire avec courage et hardiesse, avec d'autant plus de hardiesse que l'ouvrage en question n'est pas de ton imbécile Chézergius,[169] mais de ce misérable Barlaam le Calabrais.[170] Durant mon séjour à Constantinople, j'ai vu cet ouvrage chez le vieux primicier (j'ai oublié le nom de ce fonctionnaire, mais c'est celui dont la maison était située sur la gauche, dans la rue qui mène à la merveilleuse église de Sainte-Sophie). Cet homme possédait tous les écrits calomnieux de Barlaam, ainsi qu'une savante et habile réfutation par Démétrius Cydonis[171] dont il disait avoir été l'élève. Les additions que ce coquin de Chézergius a faites aux criminelles calomnies de Barlaam contre Platon sont plus injurieuses que solides, et, par les licencieuses insolences qu'il a vomies, il a révélé sa nature au grand jour. Mais c'en est assez sur ce sujet. Je ferai ce qu'il faudra, quand j'aurai reçu ce dont j'ai écrit à Bessarion. Porte-toi bien, tête chérie.

La lettre suivante de Filelfe à Bessarion, écrite le même jour que la lettre à Gaza en est un excellent commentaire et, à ce titre, nous la reproduisons d'après notre photographie du Trivulzianus.

Fr. Philelfus Bessarioni, cardinali Nicoeno et Constantinopolis patriarchæ, salutem.

Reddita mihi sunt, pater reverendissime, maledicta illa nefarria, ne insulsissimas nugas dixerim, in nobilissimum philosophorum principem Platonem, quæ a Barlaham Calabro, impurissimo illo hæretico, primum effutita, cum viderentur extincta, nescio quo infelici auspicio iterum exarserunt in flammas. Et quid requiras, quidve iubeas, intelligo : et quid me facere oporteat, non ignoro. Cæterum cum iis una quaternas accepi litteras, tuas binas, et eruditissimi nostri Gazæ item binas : quarum alterse ad me et totidem dabantur ad disertissimum virum, tuique observantissimum nominis, Lampugninum nostrum Byragum, cui æque suæ redditæ sunt atque mihi meæ. Epistolas vero duas illas ad Mahometum turcum nusquam vidi.[172] At ne illum quidem nosse potui qui et codicem calumniarum in Platonem, et quaternas illas litterasintra codicem occlusas misit ad meas sedis. Itaque tui laboris fuerit ut eas epistolas rursum excribi iubeas et ad me mittas. Quod ubi factum abs te fuerit, dabooperam ne qua in re a te officium meum desyderetur. Vale.

Ex Mediolano, v idus decembres M. CCCC. LXVIIII. (1469).

87

FRANÇOIS FILELFE À JEAN-MATHIEU TROVAMALA

Milan, 12 février 1470.

Je n'ignore pas que toutes mes affaires ne te sortent jamais de la mémoire; mais, dans la pensée qu'il ne me fallait pas paraître par trop négliger mes devoirs, ni m'en occuper d'une façon exagérée, je t'écris ces quelques lignes. Tu sais bien que je désire avoir les écrits que tu as commencés pour moi, mais je connais aussi tes nombreuses occupations. Que faut-il donc faire? Garder le juste milieu : car c'est ainsi qu'agit la vertu parfaite.

En outre, notre commun ami Buonaccorsi te communiquera quelque chose de ma part. Si tu peux exécuter sans retard ce qu'il te dira, tu agiras en ami et me feras un sensible plaisir. Porte-toi bien.

88

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS CASTRENUS

Milan. 1er juillet 1470.

Je me porte bien et je désire que la présente te trouve également en bonne santé. Je te remercie du soin et de la bienveillance que tu as pour moi. Depuis ton retour à Urbin, tu m'as écrit quatre lettres, où tu me donnes tous les détails qui nous intéressent l'un et l'autre. Quant à moi, je n'ai rien de nouveau à l'apprendre, sinon qu'il y a bon espoir que tout réussisse. Le duc de Milan m'a fait cadeau de trente-cinq aunes de soie cramoisie et il a assaisonné ce présent de paroles aimables. Aussi, pour tout ce qui me concerne, ai-jeles meilleures espérances, sans que pourtant rien soit certain.

Je m'étonne de n'avoir reçu aucune réponse du duc d'Urbin; bien plus, Camille ne m'a pas remis les lettres de ce prince, auxquelles tu fais allusion ; mais il m'a communiqué verbalement ce que tu m'avais déjà dit lors de ton séjour à Milan. Ce silence et ce retard ne laissent pas que de m'intriguer, aussi je n'espère rien de ce côté.

Je suis heureux, toutefois, du bonheur dont tu jouis, toi qui coules tes jours dans les jardins d'Alcinoüs, environné des Grâces et des Muses, et répétant, au sein des délices, les chants des Sirènes. Quant à moi, au milieu de Stoïciens moroses, je suis loin de mener une vie épicurienne. Je te souhaite bonne santé ainsi qu'à Ottaviano,[173] et je te prie de saluer de ma part le duc d'Urbin, mon prince et mon compère.[174]

89

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 24 août 1471.

Aux Samnites qui lui offraient de l'or, Marcus Curius Dentatus répondit qu'un homme qui se contentait d'un pareil dîner n'avait pas besoin d'or (ils l'avaient trouvé en train de faire cuire des navets), et qu'il était préférable pour les Romains de commander à ceux qui possédaient de l'or que d'en avoir eux-mêmes. Tu peux presque dire de toi-même quelque chose d'analogue. En effet, convive du banquet spirituel du Christ, tu méprises la gloire du monde et aimes mieux commander au souverain pontife que de l'être toi-même. Car c'est toi qui, du moine François, as successivement fait un général d'ordre, un cardinal, et enfin le pape Sixte IV. Aussi faut-il que, reconnaissant et très sage parmi les plus sages, cet homme t'obéisse. Tu auras donc la bonté de t'occuper de moi. Lors même que je garde le silence, tu sais ce dont j'ai besoin. Porte-toi bien.

90

FRANÇOIS FILELFE AU CARDINAL BESSARION

Milan, 26 octobre 1471.

Je sais, très vénérable père, que la prière des absents a peu d'action pour persuader la plupart des gens. En général, l'âme de ces personnes-là préfère jouir du présent plutôt que de désirer l'absent. Mais l'homme magnifiquement vertueux est toujours le même, c'est-à-dire magnifiquement bienfaisant. Apollon lui-même ne tire pas son nom d'ἐγγὺς, mais d'ἄποθεν.[175] Toi donc, comme un autre Apollon resplendissant de sagesse et de vertu, inonde-moi des brûlants rayons de la brillante magnificence et tire-moi de la misérable situation où je suis ici. Quant au reste, tu le sais sans que j'aie besoin de te le dire. Porte-toi bien.[176]

91

FRANÇOIS FILELFE A JÉRÔME CASTELLI

Milan, 31 octobre 1471.

Ayant appris d'un grand nombre de personnes que tu étais dans une excellente situation, j'en ai éprouvé, comme je le devais, une joie si excessive qu'elle ressemblait à de l'enthousiasme. Je craignais, en effet, non sans raison, l'inconstance de la fortune ; car, étant jalouse de sa nature, elle varie facilement. Mais, à ce qu'il me semble, la grandeur de ta vertu a brillé d'un si vif éclat qu'elle a subjugué la fortune étonnée. Je te félicite donc de ton bonheur, auquel il me faut participer en ma qualité d'ami intime. Il dépend de toi maintenant de l'occuper de ce qui me concerne. Quant au reste, tu le comprends. Porte-toi bien.[177]

92

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 31 octobre 1471.

Je ne cesse de t'écrire, mon bien cher Théodore, et tu t'obstines à garder un silence, dont je ne connais pas même la cause. Si donc tu veux m'accorder une grande faveur, ce sera de rompre ce silence. Porte-toi bien, tête chérie.

93

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 9 avril 1472.

Lampugnino Birago, cet homme de Lien qui cultivait les Muses, a payé, la nuit passée, sa dette à la nature. Je n'ignore pas que je t'annonce une nouvelle attristante; car la mort d'un ami ne peut pas ne pas l'affliger. Il avait pour toi, comme il le devait, une affection étonnante. Mais, pour parler avec Sophocle, le temps flétrit et consume toutes choses. Il faut donc supporter avec résignation les coups du sort. Birago était très vieux, et malade au point qu'il en avait perdu un œil. Assez sur ce sujet.

Jusqu'à ce jour, j'ai écrit au souverain pontife, non pas une fois, mais trois fois, pour l'engager à faire ce que je croyais être de ton intérêt et de celui de tous les autres savants. Ce bon père est dans d'excellentes dispositions à cet égard, suivant ce qu'il déclare. Quant au reste, la suite le fera voir. Porte-toi bien.

94

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 1er juillet 1472.

J'ai enfin reçu la lettre que tu m'as écrite ; mais elle a, ce me semble, imité la marche de la tortue; car, partie de Rome le 3 juin, elle ne m'est guère arrivée à Milan que le 1er juillet.[178] Seulement, elle était superbe, tout à fait digne de ton savoir et de ta sagesse : aussi m'a-t-elle causé le plus doux plaisir. J'ai été très satisfait d'apprendre les nouvelles que tu me transmets : en première ligne celle du mariage de l'impériale fille de l'illustrissime despote Thomas Paléologue.[179] Je désire apprendre comment les deux jeunes fils de ce prince[180] pratiquent la vertu, et surtout la magnanimité.[181]

Je le prie, en outre, de me renseigner sur ce qui suit : tu écris toujours τύρκος et non τοῦρκος. Pour quel motif orthographies-tu ainsi ce mot? Car je trouve invariablement chez les écrivains de ta nation non pas τύρκος, mais τοῦρκος. Tu peux le constater, si tu le veux, notamment dans le Lexique de Suidas, où on lit : βόκαμος, τοῦρκος. En me donnant la raison de ton orthographe, tu me feras un doux plaisir, car il n'est rien de plus doux que d'être affranchi de l'ignorance. Porte-toi bien, très cher ami.

95

FRANÇOIS FILELFE À DOMIZIO CALDERINI[182]

Milan, 1er juin 1473.

Suivant un proverbe fort ancien, les gens de la cour de Rome[183] ne disent pas aisément la vérité. Ce proverbe ne ment pas, je le sais d'une façon très positive. Car il n'y a rien de certain chez vous autres, sauf quand il s'agit de recevoir de l'argent. Aussi les sujets d'étonnement sont-ils nombreux.

Dis-moi donc, mon cher, si tant est que tu puisses encore concevoir la vérité, dans quelle situation te trouves-tu? Es-tu toujours pauvre au milieu de tant de gains? Ou bien ces gains vont-ils à d'autres personnes, et n'as-tu pour ta part que le travail et la peine? Si telle est ta position, il t'est permis de dire avec nous :

Aufuge tu, virtus; aufuge, Phoebe pater.

Ecris-moi donc une lettre pleine de détails précis sur tout ce qui te concerne. Car on dit que les Muses ont été frappées d'ostracisme. Je désire, en outre, avoir des nouvelles de notre excellent ami Gaza. Ce coryphée de la science hellénique habite-t-il encore actuellement à Rome, et dans quelles conditions? Porte-toi bien.

96

FRANÇOIS FILELFE A DOMIZIO CALDERINI

Milan, 24 juillet 1473.

J'ai appris par ta lettre les splendides festins, les jeux et divertissements de toutes sortes dont Rome a été dernièrement le théâtre. Je regrette que tu aies laissé passer sans les célébrer de pareilles somptuosités. Que sont donc devenus tes vers, ta prose fleurie, tes odes harmonieuses, tous ces talents Avariés dont la gloire monte jusqu'au ciel? C'était ton devoir de transmettre à la postérité soit en vers, soit en prose, les faits dont tu as été témoin. Mais, sans reconnaissance pour tant de bienfaits, ignorant ce qui vous entoure, vous n'avez aucun souci des éloges et de la gloire éternelle. Car ce n'est pas peu de chose que cette grosse somme d'argent distribuée à la multitude à titre de libéralité. Vous êtes bien heureux, vous autres, de vivre au milieu d'une telle prospérité. Je souhaite qu'elle puisse durer toujours.

Tu connais toutes mes affaires. Je vis en philosophe, me tenant à l'abri des coups du sort.

J'ai le plus grand désir d'avoir Apollodore. Tu disais posséder cet auteur. Je te prie de me le faire copier à mes frais. Porte-toi bien.[184]

97

FRANÇOIS FILELFE A MARSILE FIGIN

Milan, 30 octobre 1473.

Mon très cher Marsile, la lettre que tu m'as écrite m'a déjà fait connaître, malgré sa brièveté, ton savoir, ta bonté, et aussi ta vive affection pour moi. Pour cette raison, je te sais gré de tes sentiments amicaux, et j'applaudis sans réserve à ton excellente nature et à ton amour du travail. Je ne m'étonne, d'ailleurs, nullement que, vivant dans la société de notre bon et vertueux Laurent de Médicis, tu saches toi aussi parler et penser comme il convient.

J'ai été heureux d'apprendre que ce que j'ai récemment écrit sur les Idées ne vous a pas paru étranger à la vérité platonicienne. Cependant, la multitude, qui est privée d'instruction et ignore par conséquent la vérité, croupit dans les ténèbres ; d'autres au contraire, gens envieux et méritant pour cela même d'être châtiés, comme ayant des mœurs perverses et brutales, d'autres, dis-je, bien qu'ils connaissent la vérité, n'en suivent pas moins, de propos délibéré, la route des aveugles, et cela à cause de l'ulcère qui leur ronge le cœur. Mais mon Laurent et toi, vous détestez le mensonge, et vous n'avez que de bonnes et saines pensées. Je vous en félicite, et je te prie de croire qu'il n'est rien de plus utile que de se livrer à la recherche de la vérité. C'est là un exercice éminemment divin. Porte-toi bien, mon très cher ami.

98

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS SGOUROPOULOS

Milan, 9 novembre 1473.

O Démétrius Sgouropoulos, ô toi qui m'es si cher parmi mes meilleurs amis, te voilà donc enfin revenu de chez les plus impies des barbares dans ta vraie (pour ainsi dire) et bien aimée patrie. Car la Grèce est devenue tout à fait barbare, asservie qu'elle est depuis tant d'années à la race turque, la plus barbare et la plus misérable qu'il y ait sur terre. Je te félicite donc et je me félicite moi-même de ton retour. Je me réjouis d'autant plus pour nous deux que, devenu libre, tu pourras user de la fortune selon la droite raison. Ce que tu me dis au sujet de l'envie ne m'étonne nullement. Ne rampe-t-elle pas toujours vers la vertu? C'est donc un signe de ton honnêteté que tu sois un objet d'envie. Ne sais-tu pas que, par sa nature, la gloire acquiert d'autant plus de lustre qu'elle a été plus enviée. Il ne faut donc pas tourner le des aux envieux, mais leur tenir tête hardiment. Car si tu les méprises et si tu marches sur eux avec courage, tu en viendras aisément à bout en les abattant. Les chiens pratiquent ainsi. Car ces animaux poursuivent les personnes qui fuient, les mordent et les déchirent en hurlant; tandis que celles qui leur résistent, ils en ont peur et battent en retraite. Ignores-tu donc que les gens d'esprit louaient et admiraient le fameux philosophe Diogène, tandis que la multitude le méprisait et le traitait de fou. Je veux, en outre, que tu te rappelles ces vers de Théocrite, dans lesquels ce sage poète nous invite à avoir bon espoir :

Fidere, Batte, decet; melius cras forsan habebit;

sperandum est vivis, non est spes ulla sepultis;

nunc pluit, et clarus nunc Iuppiter æthere surgit.[185]

J'apprendrais avec plaisir quels sont tes projets et tes intentions, ce que tu veux faire, quand et où. Car je sais que tu es un homme sensé et prudent en toutes choses. Si tu connais quelque nouvelle concernant les affaires d'Orient, écris-la moi. Car sur les guerres et batailles dont ces contrées seraient le théâtre, il circule ici toutes sortes de bruits. Porte-toi bien.

Nous sommes assez pauvres en renseignements biographiques sur le compte de Démétrius Sgouropoulos. La plus ancienne mention que nous trouvions de lui remonte au 3 janvier 1443. C'est à cette date qu'il finit de copier, à Florence, pour le compte de Bessarion, le manuscrit, qui est actuellement le codex Marcianus 274 et qui contient plusieurs ouvrages de Théophraste.[186]

L'année suivante, il copia pour Filelfe, à Milan, la Grande Morale d'Aristote, qui est aujourd'hui le Laurentianus 13 du pluteus 81.[187]

On trouve, à la suite de cet ouvrage d'Aristote, dans ce même volume, le Περὶ ἑρμηνείας de Démétrius de Phalère, copié également par Sgouropoulos pour Filelfe.[188]

En 1445, Sgouropoulos copie pour Filelfe le manuscrit qui est aujourd'hui le n° 26 du fonds Scaliger à la bibliothèque universitaire de Leyde. Le premier feuillet de ce manuscrit est orné de deux écus de Filelfe, entre lesquels sont peintes dans deux couronnes les initiales : FR. Φ.[189]

Cette même année, il copia encore pour Filelfe la Géographie de Ptolémée.[190]

En 1451, Sgouropoulos quitte Milan pour se rendre à Rome, et Filelfe le recommande à André Alamanni par la singulière lettre suivante :

Franciscus Philelfus Andrex Alamanno salutem.

Demetrius Sguropulus, istac iter facturus in urbem Romani, petiit a me ut se libi per litteras commendarem. Quod mihi tam facile est quam quod facillimum; modo intelligas eum esse Demetrium, qui cum gravitate ac vero nihil habuerit commune unquarn. Ex librario non inepto, quantum ad formam litterarum attinet, vult videri philosophus, id quod ex ornatu capitis longioreque pallio tibi facile fuerit iudicare. Nam neque vitæ institutis, neque doctrina ulla philosophi quicquam sapit. Verum lingua est et celeri et expedita et suavi, ut Græcorum nemini cedat; voce quoque et clara et sonora. Rem omnem tenes. Ita tibi hominem commendo ut illi adsis et tecum habites. Vale. Ex Mediolano, idibus iuniis M. CCCC. LI.

Nous retrouvons enfin Sgouropoulos en 1473. Deux lettres de Gaza lui sont adressées,[191] dont l’une publiée par Nicolas Thésée et par Boissonade,[192] qui la croyait inédite, est datée du 18 juin 1473. Sgouropoulos retourna certainement en Orient, car on voit Janus Lascaris s'aboucher avec lui à Thessalonique,[193] en 1491, au cours de la mission dont l'avait chargé Laurent de Médicis.[194]

Le même Janus Lascaris composa sur la mort de Sgouropoulos l'épigramme suivante, qui est restée inédite et que nous empruntons au Vaticanus gr. 1412, f. 13 r° :

Εἰς Σγουρόπουλον τὸν Δημήτριον.
Καὶ σὺ, φίλη κεφαλὴ, βαιὸν σπινθῆρα λαχοῦσα
αἰπυτάτης σοφίης, λείψανον ἀδρανέος
κεῖσαι Σγουροπύλοιο κλυτὸν κάρ· οὔτινα δ' ἡμῖν
ἐκπρολιπὼν τῆς σῆς μάρτυρα φεῦ ! σοφίης
[195]

99

FRANÇOIS FILELFE A JEAN LE CARME

Milan, 11 mai 1474.

Je t'aime à cause de la droiture de ton caractère et de ton affection pour moi. Tu ne fais rien qui soit indigne de la bienveillance que je te porte. En effet, ayant vu, comme dans un miroir, que, d'ici à peu de temps, tu aurais acquis une telle connaissance du grec que tu ferais l'admiration de la postérité, il est juste que non seulement je t'aime, mais encore que je te place au rang de mes meilleurs amis. C'est pourquoi tu peux considérer comme nous étant commun tout ce qui m'appartient. Je t'envoie ci-joint l'explication que tu m'as demandée et, loin de me gêner, cela me fait, au contraire, grand plaisir. Porte-toi bien, et salue affectueusement de ma part l'excellent Albertino.

100

FRANÇOIS FILELFE À THÉODORE GAZA

Milan, 15 juillet 1474.

Je viens m'entretenir avec toi, et peut-être importuner ton silence et troubler ton sommeil; car j'éprouve le plus vif désir d'avoir de toi-même des détails exacts sur ce qui te concerne. Il s'est, en effet, passé bien du temps depuis que je n'ai appris sur toi rien autre chose, sinon que tu es vivant. Je m'en suis tout naturellement réjoui; mais cela n'est pas très suffisant. Je voudrais savoir comment tu vis et ce que tu fais. Celui qui dirige actuellement la barque de l'Eglise vogue-t-il sur une mer tranquille ou redoute-t-il un naufrage? Au lieu du Sixte qui devait faire régner la paix dans le monde, avons-nous un Xiste épris des fureurs de la guerre? Où est aujourd'hui Nicolas V, ce pacifique, très sage, très magnifique et excellent pontife? En quel état sont tes affaires au milieu d'un pareil bouleversement? Quant à moi, je me berce de vaines espérances. Chez nous tout est étranger aux Muses, mais le calme de mon âme demeure toujours le même.

Ecoute maintenant, cher ami, et dis-moi si tu partages mon avis. Notre Cicéron voulant déterminer, dans son De officiis; la signification de κατόρθωμα, traduit ce mot par le latin rectum, synonyme du grec ὀρθόν, et affirme qu'il constitue le devoir parfait. Je ne voudrais pas contredire Cicéron, lorsqu'il déclare que le κατόρθωμα est le devoir parfait; mais je n'approuve pas l'identification du κατόρθωμα avec le droit; je trouve que c'est un manque de goût et une ineptie. Moi, j'appellerais κατόρθωμα une chose entreprise de notre initiative privée et dans laquelle nous réussirions. Ainsi les écrivains, par exemple Denys d'Halicarnasse, appellent κατόρθωμα les actions que les Romains ont été assez heureux pour accomplir avec succès. Voilà mon sentiment à ce sujet. Ecris-moi quel est le tien. Car je ne subordonne pas la vérité à mes opinions. Porte-toi bien, très cher ami.[196]

L'explication du jeu de mots Sixte, Xiste, que Filelfe fait dans la présente lettre, nous est fournie par le passage suivant de sa lettre à Jean-Antoine Ferrofino, datée de Milan, veille des ides de mars (14 mars) 1472 :

Habemus pro divina benignitate summum romanæ ecclesiæ sacerdotem Sixtum. Quod quidem nomen, cura a sistendo descendat, qua ducuntur ratione qui primam syllabam per x litteram et y tenue scribant? Video unde manat erratum. Est apud Græcos ξυστὸν (xyston) quod hastam iaculumque significat ; id quod etiam ab me in elegia græca quam versibus quinquagenis proximo anno ad Sixtum pontificem dederam, duobus bis versibus ostenditur :

ὃ σταύρωσε θεὸν ξυστὸν λάβε, Σ$ιστε, θεοῖο
εἶδος ἐν ἀνθρώποις, σὸν δόρυ σταθρὸν ἔχων.

Nam malimus inde deduci Sixtum clementissimum ac pacificum in primis religiosissimumque pontificem, quasi hastatus bellicosusque sit, quam a sistendo, utpote futurum qui unus labantem iam ac prope corruentem christianam religionem sistat et validissimo quodam robore pro incredibili virtute sua divinaque sapientia ita confirmet ut nullum in posterum sit discrimen, nullum periculum formidatura? Qua ipse ductus sententia in altera elegia, quam eodem tempore versibus item quinquagenis ad eundem pontificem scripseram, ita in fine duobus his versibus sum locutus :

Propterea in solio statuit te, Sixte, deum rex

ut solium sistas imperiumque sibi.

101

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Milan, 18 juillet 1474.

Ayant vu clair comme le jour ton affection pour moi et convaincu que tu connais de vieille date l'amitié que je te porte, je viens aujourd'hui avec une entière assurance solliciter tes bons offices auprès du souverain pontife. Tu n'ignores pas, je pense, comment je vis à Milan, puisque ton fils Isaac, qui connaît mes affaires sur le bout du doigt, a dû te mettre au courant de tout. Quel est donc l'objet de la présente lettre? Je t'écris pour te prier de parler, à l'occasion, en ma faveur au souverain pontife, et de l'engager à ne pas sacrifier le culte des Muses à la grossièreté monacale. Le pape est un esprit tout à fait supérieur, un savant éminent dans les sciences philosophiques et théologiques, mais ces sciences demandent à être paréos du doux langage des Muses. Et comment y réussir, si le souverain pontife ne traite pas avec générosité et honneur les serviteurs des Muses? Il n'est pas besoin d'en dire davantage à un homme éloquent et sage comme toi. Fais donc on ma faveur ce qu'exigent les lois de l'amitié. Porte-toi bien.[197]

Nous ne savons que fort peu de chose sur ISAAC ARGYROPOULOS. Ce Grec n'avait pas, d'ailleurs, une position très en vue. Grâce, cependant, au registre des prêts de la bibliothèque Vaticane, sous le pontificat de Sixte IV, nous savons qu’Isaac était, en l'année 1478, camérier secret du pape. Voici, en effet, la mention que nous fournit le susdit registre :

1478 die nona ianuaril. Ego Isaacius Argyropylus, cubicularius secretus sanctissimi d. n., habui mutuo a domino B. Platina per manus Ioannis Cadeli,[198] custodis librariæ, libellum quemdam in membranis Experimentorum fratris Alberti in medicina cum calena et corio rubeo foliorum novem et quinquaginla. Is. Argyropylus manu propria. Restituit 16 kal. maias.[199]

En 1483, nous le voyons emprunter à la même bibliothèque les Déclamations de Libanius :

Ego Isaacius Argyropylus recepi a domino Bartholomeo bibliothecario Declamationes Libanii in papifo in pavonatio, ad restituendum ad beneplacitum suum, die 8 augusti 1483. Restituit die 21 octobris.[200]

Nous savons, en outre, par le témoignage de Raphaël de Volterra, que Isaac était un habile musicien.[201] C'est sans doute à ce talent qu'il dut l'emploi que nous lui voyons remplir dans les messes solennelles célébrées par le Pape. Ainsi, le jour de Noël 1492, il lit l'évangile en grec à la messe célébrée par le souverain pontife dans la basilique de Saint-Pierre. Il le lit encore le 26 novembre 1503 et le jour de Noël de la même année; le jour de Pâques 1504 (7 avril); le 23 mars 1505, jour de Pâques, il lit l'épître en grec; et le 29 juin 1505, jour des saints apôtres Pierre et Paul, il lit l'évangile en grec. Ces menus faits sont relatés dans le Diarum de Burchard.[202]

102

FRANÇOIS FILELFE A THÉODORE GAZA

Milan, 27 août 1474.

Dans le débordement de ma joie, j'ai couvert de baisers ta douce lettre, mais j'ai presque pleuré sur le malheur du temps présent, qui contraint deux amis de jeunesse tels que nous à vivre séparés l'un de l'autre, lorsque nous devrions être toujours ensemble. Mais il faut supporter avec résignation la nécessité et faire que les lettres nous tiennent lieu de conversation.

Je te remercie des explications que tu me donnes sur les κατορθώματα. J'admire ta pénétration d'esprit et ton éloquence, mais je ne saurais partager ton avis. Tu me dis avoir écrit conformément à l'opinion des Stoïciens et à celle d'Aristote. Je voudrais savoir dans quels ouvrages tu as puisé cette doctrine. Quand je le saurai, je t'écrirai sans retard, pour te faire connaître mon sentiment. Porte-toi bien.[203]

103

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Bologne, 30 juin 1475.

Lors de mon passage à Florence, j'ai parlé de toi tant à Laurent de Médicis, homme illustre et excellent, qu'à d'autres personnages, tes amis et connaissances, sans rien omettre de ce que j'ai cru profitable à ta dignité. Ils sont tous remplis d'affection pour toi, ils font l'éloge de ta sagesse ; mais, en dehors de cela, ils ne disent rien de catégorique. Je suis d'avis que ta présence contribuera puissamment à amener un résultat. Porte-toi bien.

104

FRANÇOIS FILELFE A JEAN ARGYROPOULOS

Milan, 21 août 1475.

Je t'ai écrit de Bologne que, lors de mon passage à Florence, j'ai parlé de toi tant à Laurent de Médicis qu'à d'autres personnages qui se disent et paraissent être tes amis. Mais je n'ai rien obtenu d'eux que d'élégants éloges de ta sagesse et de ton érudition; de l'affaire, pas un mot. C'est pourquoi je crois que tu feras tien soit d'aller leur parler, soit de leur envoyer quelqu'un qui leur parlera de toi, afin que cela se termine au mieux de tes intérêts. Car il n'est pas sensé d'acheter l'espérance à un prix quelconque. Porte-toi bien.

Il serait assez, difficile, sinon impossible, de pénétrer l'obscurité de cette lettre et de la précédente, si nous n'en possédions par bonheur une troisième qui les éclaire l'une et l'autre d'une vive lumière. Argyropoulos, qui avait quitté Florence, en 1471, désirait y retourner. Il s'en ouvrit à Filelfe, lors du court séjour que celui-ci fit à Rome, et Filelfe s'offrit obligeamment pour négocier le rappel de son ami sur les bords de l'Arno.

104 bis

FRANCISCUS PHILELFUS ALAMANNO RHAMNUCINO S.

Quam vobis sit opus eo viro qui gravas disciplinas perpulchro calleat, ex tuis verbis, cum nuper isthac Mediolanum petiturus iter facerem, dilucide intcllexi. Itaque visus es admonendus operam des ut cives tui oblatam opportunitatem arripiant.

Demetrius Chalcocontyles, is qui tibi reddidit meas litteras, Romam petit, futurus παρὰ τῶν Ρομαίων δεσπότῃ.[204] Tuum est officium doctissimo huic disertissimoque viro et eidem optimo eiusmodi retia tendere, quibus captus nusquam libentius malit quam apud vos esse.[205] Cætera tu pro tua prudentia moderaberis atque conficies.[206] Ego ad proximum septembrem in urbem reditum facere decrevi. Quare nunc brevior tecum sum, quoniam biduum saltem Florentiæ sim acturus. Vale una cum amicis communibus.

Ex Mediolano, XI kalendas septembres, M. CCCC. LXXV.

105

FRANÇOIS FILELFE A DONATO ACCIAIUOLI.[207]

Milan, 22 août 1475.

Le porteur de la présente, Démétrius Chalcondyle, est, comme tu le sais, un homme probe et honnête. Helléniste consommé, versé dans la littérature latine, il manifeste, en outre, pour toi une vive sympathie. Votre République a, ce me semble, le plus grand besoin d'un tel homme. Ton devoir exige que tu t'appliques à faire de Démétrius un citoyen de Florence, afin qu'il forme vos jeunes gens et les instruise.[208] Porte-toi bien.

106

FRANÇOIS FILELFE A FABRICE ELFITEO

Milan, 27 juillet 1476.

Ne voulant pas que tu m'accuses avec juste raison de négligence, je t'ai déjà écrit en grec et me voici encore à l'importuner pour le même motif avec ce billet également en grec. Pourquoi donc viens-je une seconde fois te créer des embarras? Afin que tu me donnes, cher ami, ou plutôt que tu me rendes une lettre. Et, si tu ne peux l'écrire telle que tu la désirerais, écris-la telle que les circonstances te le permettront. Porte-toi bien.

107

FRANÇOIS FILELFE A FABRICE ELFITEO

Milan, 18 août 1476.

Je n'ignore pas que tu t'occupes de moi et que tu considères toutes mes affaires comme nous étant communes. Pourquoi donc viens-je t'importuner? Est-ce dans la crainte que les nombreuses affaires du duc ne t'empêchent de prendre soin des miennes? Mais, très cher ami, il te faut aujourd'hui imiter les chevaux généreux. Une fois entrés dans la piste, ces animaux semblent, en effet, lorsqu'ils touchent au terme de leur course, de beaucoup supérieurs à ce qu'ils étaient au début. Unis donc aussi la fin au commencement et, en agissant de cette façon, il te sera facile de remporter le prix. Porte-toi bien, très cher ami.

Le destinataire de cette lettre et de la précédente, Fabrice Elfiteo, était secrétaire du duc de Milan. Il a copié le Parisinus n° 8125 du fonds latin (un chartaceus in-4° de 149 feuillets utiles), qui contient la Sphortiade de François Filelfe. On lit, en effet, au f. 149, le colophon suivant : Excripsit autem hanc Sphortiada Fabricius Elphitheus.

108

FRANÇOIS FILELFE A DOMIZIO CALDERINI

Milan, 8 février 1477.

Tu n'as pas ton pareil en malice et en perversité quand il s'agit d'observer les convenances. Je n'incrimine cependant pas le genre de vie que tu as adopté depuis ton enfance, mais je blâme la sottise du cardinal Julien qui tolère encore aujourd'hui près de lui un individu coupable de tels méfaits. Dieu qui voit et connaît les pensées des hommes te châtiera à son heure. Porte-toi bien.[209]

109

FRANÇOIS FILELFE A ERMOLAO BARBARO[210]

Milan, 11 mai 1477.

Je viens de recevoir de toi la lettre que je désirais depuis si longtemps. Je l'ai lue avec attention et je t'en adresse mes plus vives félicitations. Tu m'y as, en effet, révélé ton intelligence et la noblesse de ton âme. C'est pourquoi je constate avec plaisir que par ton savoir et le sérieux de ton caractère tu l'emportes sur tous ceux de ton âge. J'admire ta solide connaissance du grec. Car, n'est-il pas étonnant que, jeune comme tu l'es et de race latine, tu saches tellement bien une langue étrangère que tu y sois passé maître? Je ne saurais trop t'engager à étudier la jurisprudence. Tu peux aisément y briller chez nous au premier rang. Porte-toi bien.[211]

110

FRANÇOIS FILELFE A DÉMÉTRIUS CHALCONDYLE

Milan, 30 mai 1477.

Bien que, comme on peut s'en assurer, l'impuissance de la vieillesse se manifeste dans les choses humaines (puisque, selon le poète comique, la vieillesse est une maladie), il en est, cependant, quelques-unes où elle donne des preuves extraordinaires et surprenantes de sa force et de sa vigueur. En effet, la sagesse, le savoir et l'éloquence se fortifient singulièrement avec le temps. Innées dans les jeunes gens, ces qualités n'atteignent leur développement que chez les personnes déjà très âgées et blanchies par les ans. Je suis certes bien vieux, moi qui me trouve actuellement dans ma soixante-dix-neuvième année, et je ne suis plus apte aux œuvres qui exigent de la force corporelle. Mais il me semble que ma force d'âme est encore florissante, et c'est avec aisance et hardiesse que je marche à la lutte. Voulant donc par la victoire et le succès acquérir des louanges méritées, j'ai beaucoup écrit aux rois, aux empereurs et autres princes, pour les engager à faire la guerre aux infidèles et surtout aux Turcs. Ces derniers, en effet, étant sur terre et sur mer les plus redoutables ennemis de la chrétienté, me paraissent dignes de nos coups. Voilà en peu de mots pour ce qui me concerne.

Quant à toi, mon bien cher Démétrius, toi qui brilles au premier rang parmi les savants et les orateurs grecs, qu'as-tu fait jusqu'à ce jour? Ne connais-tu pas le dicton vulgaire Aux jeunes d'agir, aux hommes mûrs de conseiller? Je ne t'exhorte pas à saisir le bouclier et la lance de Mars, mais à manier le glaive puissant de l'éloquence démosthénienne, exercice où tu es passé maître. Pourquoi donc gardes-tu le silence, toi un homme si éminent, toi qui es comme une sorte de Phidias créateur d'une très belle et très douce éloquence, toi qui, en outre, habites Florence, ville immensément riche et remplie d'hommes au cœur généreux? Pourquoi ne la façonnes-tu pas telle que doit être la vraie République, puisque tu as sous la main la matière toute préparée à recevoir la forme que voudront lui donner tes paroles? Car elle n'est pas encore complètement dominée par ces artisans méprisables, impuissants à faire quoi que ce soit de bon ; mais, grâce à la vertu de sa nature, elle continue de repousser la forme qu'on veut lui donner. Elle cherche le mieux, mais elle en est empêchée par ceux qui la dominent.

Mais toi, très savant Démétrius, toi qui as un poing de bronze[212] et assez solide pour empêcher ce qui se fait, modèle artistement les choses présentes, tends la main à la chrétienté, en façonnant le prince[213] tel que l'exigent la raison et la situation actuelle. Il faut aussi faire valoir que le danger suspendu sur nos têtes, menace surtout les populations italiennes. En effet, les Turcs font les rodomonts aux portes de l'Italie. Ce serait en vain que nous exhorterions nos princes à protéger les œuvres libérales, lorsqu'ils courent risque de perdre le pouvoir qu'ils possèdent, alors que les Turcs ont une marine puissante, attaquent intrépidement de tous côtés, par terre et par mer, tandis que nous restons plongés dans l'indifférence, ou que nous nous dressons mutuellement des embûches et méditons des guerres civiles. Il faut donc surtout exhorter nos princes à ce que, après avoir pris les mesures nécessaires à leur sécurité, ils distribuent à leurs sujets de l'argent, de l'or, des vêtements, tout ce qui est nécessaire pour remédier aux maux de la situation présente. Car il faut au moins sauvegarder les ressources actuellement existantes. Et il est impossible de les sauvegarder, si l'on n'est pas d'accord, si l'on ne se résout pas à diriger une expédition contre les ennemis du dehors et à se mesurer avec eux. Mais assez sur ce chapitre.

Pour ce qui me concerne personnellement, tu sais que ma santé corporelle est bonne, grâce à Dieu. Quant à celle de l'âme, bien qu'elle ne soit pas parfaite à cause des traverses nombreuses que j'ai eues à subir, je lui donne les soins que me fournit la philosophie. Ecris-moi aussi comment tu te portes et dans quelle situation tu te trouves. Enfin, salue de ma part le très noble Laurent de Médicis, dont ni l'envie des hommes pervers, ni le temps lui-même n'effaceront les éclatantes vertus.

Je te recommande l'excellent Démétrius le Crétois,[214] mais surtout les Muses. Porte-toi bien, mon doux ami.

 


 

 

TABLE CHRONOLOGIQUE DES LETTRES GRECQUES DE

FRANÇOIS FILELFE

 

1 A Guarino de Vérone. Venise, 21 décembre 1427

2 1 Ambroise Traversari. Bologne, 7 mars 1428

3 A Georges de Trébizonde. Bologne, 30 juillet 1428

4 A François Barbaro. Bologne, 5 août 1428

5 A Georges Scholarius. Florence, 1er mars 1430

6 A Démétrius Hyaléas. Florence, 29 septembre 1430

7 A Jean Aurispa. Florence, 9 janvier 1431

8 A Cyriaque d'Ancône. Florence, 7 mars 1431

9 A Georges de Trébizonde. Florence, 28 juillet 1431

10 A Lapo le Florentin. Florence, 13 août 1433

11 A Démétrius Hyaléas. Sienne, 4 octobre 1436

12 A Georges Scholarius. Bologne, 29 mars 1439

13 A Antoine Cassarino. Milan, 28 septembre 1440

14 A Léonard Giustiniani. Milan, 29 septembre 1440

15 A Jean-Marius Filelfe. Milan, 7 octobre 1440

16 A Lampugnino Birago. Milan, 13 octobre 1440

17 A Théodore Gaza. Milan, 19 octobre 1440

18 A Théodore Gaza. Milan, 24 octobre 1440

19 A Théodore Gaza. Milan, lo novembre 1440

20 A Théodore Gaza. Milan, 11 décembre 1440

21 A François Barbaro. Milan, 13 février 1441

22 A Matthieu Asan. Milan, 1er mars 1441

23 A Georges Gémiste (Pléthon). Milan, 1er mars 1441

24 À Jean Argyropoulos. Milan, 13 avril 1441

25 Au cardinal Bessarion. Milan, 1er août 1449

26 A François Barbaro. Milan, 1er juin 1450

27 A André Àlamanni. Milan, 13 octobre 1450

28 A Guarino de Vérone. Pavie, 22 novembre 1451

29 A Philippe Ferrofino. Pavie, 1er décembre 1451

30 A Pierre Perleone. Milan, 2 avril 1453

31 A Théodore Gaza. Milan, 26 février 1454

32 A Mahomet II. Milan, 11 mars 1454

33 A Jean-Marius Filelfe. Milan, 4 juin 1454

34 A André Alamanni. Milan, 26 juillet 1454

35 A André Àlamanni. Milan, 13 août 1454

36 A André Alamanni. Milan, 1er septembre 1454

37 A Thomas de Coron. Milan, 23 octobre 1454

38 A Théodore Gaza. Milan, 5 novembre 1454

39 A Barthélémy Colle. Milan, 19 septembre 1455

40 A Théodore Gaza. Milan, 12 février 1456

41 A Andronic de Gallipoli. Milan, 23 mai 1456

42 A André Alamanni. Milan, 24 mai 1456

43 A Andronic de Gallipoli. Milan, 31 mai 1456

44 A Andronic de Gallipoli. Milan, 16 juin 1456

45 A Théodore Gaza. Milan, 22 juin 1456

46 A André Alamanni. Milan, 22 juin 1456

47 A André Alamanni. Milan, 20 mai 1457

48 A Jean Argyropoulos. Milan, 5 novembre 1457

49 A Théodore Gaza. Milan, 13 novembre 1457

50 A Jean Argyropoulos. Milan, 13 novembre 1457

51 Au cardinal Bessarion. Milan, 19 décembre 1457

52 À Démétrius Castrenus. Milan, 21 janvier 1458

53 A Jean Argyropoulos. Milan, 26 février 1458

54 À Démétrius Castrenus. Milan, 1er mars 1458

55 Au cardinal Bessarion. Milan, 23 mars 1458

56 Au cardinal Bessarion. Milan, 23 août 1458

57 A Jean Argyropoulos. Milan, 4 octobre 1458

58 Au cardinal Bessarion. Milan, 13 juin 1459

59 À Jérôme Castelli. Milan, 15 octobre 1459

60 Au cardinal Bessarion. Milan, 23 décembre 1463

61 Au cardinal Bessarion. Milan, 27 janvier 1464

62 A Andronic de Byzance. Milan, 27 avril 1464

63 À Andronic de Byzance. Milan, 29 avril 1464

64 Au cardinal Bessarion. Milan, 31 octobre 1464

63. Au cardinal Bessarion. Milan, 9 novembre 1464

66 A Andronic de Byzance. Milan, 21 mars 1465

67 A Ange Decembrio. Milan, 28 juillet 1465

68 A Théodore Gaza. Milan, 28 juillet 1465

69 A Théodore Gaza. Milan, 30 juillet 1465

70 A Georges Amiroutzès. Milan, 30 juillet 1465

71 Au cardinal Bessarion. Milan, 1er décembre 1465

72 A Andronic de Byzance. Milan, 28 août 1463

73 A Jean Argyropoulos. Milan, 11 octobre 1466

74 A Georges de Trébizonde. Milan, 30 octobre 1466

75 Au cardinal Bessarion. Milan, 1er décembre 1466

76 A Théodore Gaza. Milan, 11 mars 1468

77 Au cardinal Bessarion. Milan, 5 décembre 1468.

78 Au cardinal Bessarion. Milan, 19 janvier 1469

79 A Démétrius Castrenus. Milan, 7 mars 1469

80 A Démétrius Castrenus. Milan, 14 mars 1469

81 A Démétrius Castrenus. Milan, 1er mai 1469

82 A Jean Argyropoulos. Milan, 22 juin 1469

83 Au cardinal Bessarion. Milan, 7 juillet 1469

84 A Jérôme Castelli. Milan, 21 novembre 1469

83 A Ladislas le Pannonien. Milan, 26 décembre 1469

86 A Théodore Gaza. Milan, 9 décembre 1469

87 A Jean-Matthieu Trovamala. Milan, 12 février 1470

88 A Démétrius Castrenus. Milan, 1er juillet 1470

89 Au cardinal Bessarion. Milan, 24 août 1471

90 Au cardinal Bessarion. Milan, 26 octobre 1471

91 A Jérôme Castelli. Milan, 31 octobre 1471

92 A Théodore Gaza. Milan, 31 Octobre 1471

93 A Théodore Gaza. Milan, 9 avril 1472

94 A Théodore Gaza. Milan, lor juillet 1472

93 A Domizio Calderini. Milan, 1er juin 1473

96 A Domizio Calderini. Milan, 24 juillet 1473

97 A Marsile Ficin. Milan, 30 octobre 1473

98 A Démétrius Sgouropoulos. Milan, 9 novembre 1473

99 A Jean le Carme. Milan, 11 mai 1474

100 A Théodore Gaza. Milan, 15 juillet 1474

101 A Jean Argyropoulos. Milan, 18 juillet 1474

102 A Théodore Gaza. Milan, 27 août 1474 .

103 A Jean Argyropoulos. Bologne, 30 juin 1475

104 A Jean Argyropoulos. Milan, 21 août 1475

104B A Alamannus Rhamnucinus. Milan, 22 août 1475

105 A Donato Acciaiuoli. Milan, 22 août 1475

106 A Fabrice Elfiteo. Milan, 27 juillet 1476

107 A Fabrice Elfiteo. Milan, 18 août 1476

108 A Domizio Calderini. Milan, 8 février 1477

109 A Ermolao Barbaro. Milan, 11 mai 1477

110 A Démétrius Chalcondyle. Milan, 30 mai 1477

 

 


 

[1] G. Sathas, Monumenta hist. hellenicæ, t. I, p. 126.

[2] Voir Pierre de Nolhac, La bibliothèque de Fulvio Orsini (Paris, 1887, in-8°), pp. 146 et 147.

[3] Voir Muntz et Fabre, La bibliothèque du Vatican au xve siècle (Paris, 1887, in-8°), p. 288.

[4] Iscrizioni delle chiese e d’altri edificii di Roma, t. II, p. 230, n° 676.

[5] Guarino était alors à Vérone, mais il entretenait une correspondance active avec plusieurs amis qui habitaient Bologne.

[6] Lettre à Jean Aurispa du 7 avant les calendes de mars (23 février) 1428.

[7] Lettre à Antoine de Capanoro du 3 des ides de mai (13 mai) 1428.

[8] Lettre à Jean Aurispa du 6 des calendes de juin (27 mai) 1428.

[9] Lettre à Pallas Strozzi du 3 des calendes de septembre (30 août) 1428.

[10] Lettre au dominicain André de Constantinople, archevêque de Rhodes, des ides de décembre (13 décembre) 1428.

[11] Lettre à Pallas Strozzi du 3 des calendes de septembre (30 août) 1428.

[12] Lettre à Pallas Strozzi du 13 des calendes d'octobre (19 septembre) 1428.

[13] Lettre à Niccoli de la veille des calendes d'octobre (30 septembre) 1428.

[14] Lettre à Léonard Bruni de la veille des nones d'avril (4 avril) 1429.

[15] Lettre à Léonard Bruni des ides de février (13 février) 1429.

[16] Le pape, par l'intermédiaire du dominicain André de Constantinople, archevêque de Rhodes. Voyez la lettre de Filelfe à ce personnage, en date des ides de décembre (13 décembre) 1428. Nicolas d'Este, par l'entremise de Thomas Parentucelli (le futur pape Nicolas V), alors attaché au cardinal Nicolas Albergati. Voyez la lettre que lui écrivit Filelfe le 14 des calendes de janvier (19 décembre) 1428.

[17] Lettre à Léonard Bruni des ides de février (13 février) 1429.

[18] Lettre à Léonard Bruni de la veille des nones d'avril (4 avril) 1429.

[19] Le 7 des ides d'avril (7 avril) 1429 il était déjà à Imola. Voyez sous cette date ses lettres respectivement adressées à François Barbaro, à Léonard Giustiniani et à Marc Lippomano.

[20] Lettre à Jean Aurispa de la veille des calendes d'août (31 juillet) 1429.

[21] Il faut consulter sur lui la savante étude biographique que Laurent Mehus a mise en tête de son édition des lettres de ce savant religieux.

[22] Voyez la lettre que Filelfe lui adressait le 11 des calendes de mars (19 février) 1451.

[23] Lettre à Pierre Tommasi du 14 des calendes de mars (16 février) 1454.

[24] Jean-Marius-Jacques, né à Constantinople, le 24 juillet 1420. Dans sa lettre à Léonard Giustiniani, du 5 des ides d'octobre (11 octobre) 1427, Filelfe écrit : « Mihi est uxor annos nata sedeeim, et ex ea puer annum natus unum, menses duos, dies septem ac decem, nomine Joannes Marius Jacobus. »

[25] Angèle, née en Italie, à une date qu'on ne saurait préciser, mais qui doit se placer entre celle de l'arrivée de ses parents à Venise (10 octobre 1427) et celle de la présente lettre. Angèle était bien la première fille de Filelfe ; il nous l'apprend lui-même dans ses Satyrarum hecalostichon Decades decem (livre VI, Sat. 3), où il dit en parlant de sa chère Théodora :

Nec sterilem nobis fecundis gesserat uxor

illa viro peperit quæ quattuor ordine natos;

nam Marium genuit, gemuit Xenophonta ; puellæ ,

Angela prima patrem norunt, Panthea secunda,

qui mixtim facie referunt vultuque parentes.

[26] Allusion à Cosme de Médicis, à Niccolo Niccoli et à Charles Marsuppini, que Filelfe considérait comme ses ennemis jurés. Voyez ses lettres à Marsuppini et à Niccoli, l'une et l'autre des ides d'avril (13 avril) 1433 ; celle à Cosme de Médicis des calendes de mai (1er mai) de la même année ; et enfin celle à Ænéas Sylvius Piccolomini du 5 des calendes d'avril (28 mars) 1439.

[27] Voyez aussi la lettre onzième de la présente collection.

[28] Traduction abrégée.

[29] Manuel et Jean Paléologue, qui régnaient alors conjointement, députèrent Filelfe à Sigismond, dans les derniers mois de l'année 1423. Après s'être acquitté de sa mission auprès de ce monarque, il fut invité, en qualité d'ambassadeur impérial, par Ladislas IV, roi de Pologne, à assister à son mariage et au couronnement de la reine son épouse. Il se rendit à Cracovie et y prononça un discours le jour de la cérémonie, laquelle eut lieu, selon Martin Cromer (Polonia sive de origine et rebus gestis Polonorum, Cologne, 1389, f°, livre 19, p. 292), le 12 février 1424. Filelfe a parlé de ce voyage dans sa lettre à Jacques Piccolomini, cardinal de Pavie, du 5 avant les calendes de février (23 janvier) 1464.

[30] Aurispa dut quitter Constantinople fort peu de temps après Filelfe. On sait, en effet, qu'il partit en compagnie de l'empereur Jean Paléologue, lequel arriva à Venise le 15 décembre 1423, comme l'atteste Marino Sanuto (Voir Muratori, Scriptores rerum italicarum, tome 22, p. 971).

[31] Lettre de la veille des ides de septembre (12 septembre) 1431.

[32] Lettre du 5 des ides de décembre (9 décembre) 1439.

[33] Traduction abrégée.

[34] Il s'est moqué de Cyriaque même dans ses Facéties. Voyez celle qui porte le n° 82 dans l'édition Liscux (Paris, 1878, in-18), t. I, p. 172 et dans les Opera, éd. de Bâle, p. 442.

[35] Dans une discussion entre Pogge et Guarino de Vérone, Cyriaque avait pris parti pour ce dernier. Inde iræ.

[36] Il s'agit peut-être ici des manuscrits de Macrobe et de Dion Chrysostome que Filelfe avait prêtés à Aurispa et que celui-ci prétendait garder. Voir ci-dessus.

[37] Victorin de Feltre enseignait alors à Mantoue. Il avait été appelé dans cette ville, en 1425, par le marquis Jean-François de Gonzague, qui voulait lui confier l'éducation intellectuelle et morale de ses enfants. Il avait eu pour maître de grec Guarino de Vérone. Son école fut, à cette époque, la plus fameuse de l'Italie : la renommée de cet admirable professeur lui attirait des élèves de France, d'Allemagne et même de Grèce. Sur Victorin de Feltre, on peut consulter : Rosmini, Idea dell' ottimo precetlore nella vita e disciplina di Viltorino da Feltre e de' suoi discepoli (Bassano, 1801, in-8°); S. Davari, Notizie storiche intorno allô studio pubblico ed ai mæstri del secolo XV et XVI che tennero scuola in Mantova, traite dall' archivio storico Gonzaga di Manlova (Mantoue, 1876, in-8°); A. Morlet, Victorin de Feltre et la Maison Joyeuse, ou un lycée modèle au XV" siècle en Italie (le Havre, 1880, in-8°).

[38] Traduction abrégée.

[39] Dans une lettre latine de Filelfe à Lapo, datée de Sienne le 5 des ides de septembre (9 septembre) 1438 et publiée par Rosmini (Vita di Francesco Filelfo, t. I, p. 131), on lit : « Si me audire volueris, non Castelliunculum to posthac ab obscuro nescio quo municipio, sed eadem ratione Florentinum appellabis qua Lysias in Sicilia natus Atheniensem dici se maluit. »

[40] On était monté contre Filelfe à un tel diapason, qu'on le menaçait de mort et qu'il fut même victime d'une tentative d'assassinat. En présence de ces excès, Filelfe prit le parti de faire son cours chez lui. On trouve dans le Laurentianus latin n° 34 du plut. sup. 90 un discours ainsi intitulé : Francisci Philelphi oratio habita in principio publicæ lectionis, quam domi legere aggressus est, quum per invidos publice nequiret (avec cette date) : Florentiæ, X cal. novembres 1431. Voyez Bandini, Calalogus. codex latinorum biblioth. Laurentianæ, t. III, col. 295 et 495.

[41] Voir sur cette affaire une lettre de lui à Niccolo Niccoli et une autre à Charles Marsuppini, datées toutes deux des ides d'avril (13 avril) 1433; sa lettre à Cosme de Médicis des calendes de mai (1er mai) de la même année ; et celle à Léonard Bruni du 3 des ides d'avril (11 avril) 1436.

[42] Il n'avait que trente-trois ans. Cf. P.-A. Spera, De nobilitate professorum grammaticæ et humanïtatis (Naples, 1641, in-4°), p. 422.

[43] Vespasiano da Bisticci, Vite di uomini illustri del secolo XV (Florence, 1839, in-8°), pp. 509-510.

[44] Iliade, premier chant, vers 117.

[45] Voyez la lettre latine de Filelfe à Lapo, de la veille des nones de septembre (4 septembre) 1437.

[46] Ce fut très probablement à Florence que Lapo fit la connaissance de Zanon, qui assistait au concile. On conserve encore aujourd'hui à Bayeux l'expédition de l'Acte d'union des églises grecque et latine, qui fut faite pour ce prélat. Voyez Henri Omont, Catalogue des manuscrits grecs des départements (Paris, Pion, 1886, in-8°), pp. 10 et 11.

[47] Notamment en 1478, in-folio, à Venise, chez Nicolas Jenson, dans le volume décrit par Hoffmann, Lexicon bibliographicum, t. III, p. 365, seconde colonne.

[48] Dans le Parisinus latin 1616, cet opuscule et la Patriæ laudatio se suivent et sont dédiés à Grégoire Corraro, protonotaire apostolique (ff. 20 v° et suiv.).

[49] Dans le Parisinus latin 1616, cet opuscule et le De sacrificiis se suivent et sont dédiés au pape Eugène IV (ff. 163 r° et suiv.).

[50] Dans le Parisinus latin 1616, cet opuscule vient à la suite du précédent et est également dédié à Baptiste Alberti (ff'. 41 r° et suiv.).

[51] Dans le Parisinus latin 1616, cet ouvrage est dédié à François de Padoue, camérier du pape (ff. 33 r° et suiv.).

[52] Traduction abrégée.

[53] Le concile de Bâle s'ouvrit le 23 juillet 1431. Les Grecs qui y prirent part ne se rembarquèrent qu'au mois de septembre 1437, sur des vaisseaux fournis par le pape.

[54] Voyez aussi la lettre sixième de la présente Collection.

[55] On ne saurait conclure de la légère différence orthographique Υαλέας, Υἱαλέας que les deux personnages n'appartenaient pas à une seule et même famille. A toutes les époques, on rencontre, chez les Grecs, des exemples analogues. Ainsi l'illustre famille Μπότζαρης s'appelle Βότζαρης depuis une cinquantaine d'années ; et il est certain que, à un moment donné, les membres de cette famille ont signé les uns d'une façon, les autres d'une autre. L'orthographe 'Υαλέας, employée par Filelfe, est régulière et conforme à l'étymologie. Ce nom est synonyme du grec vulgaire actuel ὑαλᾶς, qui signifie verrier.

[56] Les Grecs ne quittèrent définitivement l'Italie que trois mois plus tard. Ils s'embarquèrent à Venise en octobre 1439, relâchèrent en route et ne parvinrent à Constantinople que le 1er février 1440. Voyez Ducas, ch. 31, dans Migne, Patrol. gr., t. CLVII, col. 1013.

[57] Le texte du décret d'union a été publié en latin et en grec, d'après l'exemplaire de la bibliothèque Laurentienne et avec éclaircissements, par M. Gaétan Milanesi, dans le Giornale storico degli archivi toscani (Florence, 1857, in-8°), t. Ier, pp. 196 et suiv.

[58] Voyez Pléthon, Traité des lois, éd. C. Alexandre (Paris, 1858, in-8°), Append., p. 292.

[59] Sur Antoine Cassarino, voyez P. de Nolhac, la bibliothèque de Fulcio Orsini (Paris, 1887, in-8°), p. 221. Consulter aussi les lettres latines de Filelfe à Nicolas Ceba et à Pierre Perleone du 1er janvier 1449, où il prie ses deux amis de faire leur possible pour lui acheter un manuscrit de Platon ayant appartenu à Cassarino, qui (est-il dit dans la lettre à Ceba.) proximis annis Genuæ periit.

[60] Voir ci-dessus la lettre n° 4.

[61] Voir notamment la lettre de Filelfe à Bernard Giustiniani du 7 des ides de novembre (7 novembre) 1450, et celle a Pierre Tommasi de la veille des nones de mai (6 mai) 1453.

[62] Jean Paléologue (1425-1447).

[63] Traduction abrégée.

[64] Traduction abrégée.

[65] Idem.

[66] La lettre de François Barbaro dont celle-ci est la réponse n'a pas du parvenir jusqu'à nous. On n'en trouve du moins aucune trace dans le livre de R. Sabbadini.

[67] Traduction abrégée.

[68] Guarino de Vérone étudia le grec, comme Filelfe, à l'école de Jean Chrysoloras. Il ne saurait être question de Manuel Chrysoloras, car Filelfe ne put pas être son élève.

[69] On peut conclure d'une lettre latine de Filelfe, du 3 des nones d'août (3 août) 1448, adressée à Guarino de Vérone, que celui-ci avait, à cette date, probablement déjà mis la main à sa traduction de la Géographie de Strabon. En septembre 1453, il envoyait à Jean Tortelli la version du quatrième livre de cet ouvrage; et, en 1455, il en avait traduit une autre notable portion (Cf. R. Sabbadini, Guarino Veronese e il suo epistolario, p. 78). L'édition princeps de cette traduction (10 premiers livres) fut imprimée à Rome, sous le pontificat de Paul II, par Conrad Sweynheym et Arnold Pannartz, et par les soins de Jean-André de Bussi, évoque d'Aléria. Ce savant prélat compléta la traduction de Guarino par celle des sept derniers livres due à Grégoire de Tiferno (Cf. Hoffmann, Lexicon bibliographe t. III, pp. 643-644).

[70] Voir sur lui la lettre 80 de la présente Collection.

[71] Catalogue de l'importante collection de lettres autographes composant le cabinet de feu M. le marquis de Queux de Saint-Hilaire, etc., etc. Paris, Etienne Charavay, [1890], in-8°.

[72] Nous ne possédons aucun renseignement concernant Philippe Ferrofino. Il était peut-être parent de Jean Ferrofino, iurisconsullus et ducalis iusticiæ consiliarius, auquel sont adressées deux lettres latines de Filelfe, l'une du 3 des ides de novembre (11 novembre) 1439, l'autre du 18 des calendes de septembre (15 août 1447). Nous trouvons enfin un certain Dominique Ferrofino comme interlocuteur des Convivia de Filelfe. Voir Conviviorum Francisci Philelphi libri II eruditi ac varii (Paris, auspitiis Hedmondi Fabri bibliopole parrhysiensis, s. d., in-4°), ff. 5 verso et suiv.

[73] Lettre latine de Filelfe à Perleone du 5 des calendes de mars (25 février) 1453.

[74] Dans la lettre latine de Filelfe à Perleone du 15 des calendes de mai (17 avril 1-433), il est question d'une autre lettre grecque également perdue.

[75] Lettre de Filelfe à son fils Xénophon, datée du 18 avant les calendes de février (15 janvier) 1465.

[76] Lettre du 12 des calendes de mars 1466.

[77] Lettre du 11 des calendes de mars 1466.

[78] Zorzo Dolfin, Assedio e presa di Costantinopoli nell' anno 1453, éd. de Philippe Dethier, dans les Monumenta Hungariæ historica, tome XXII, première partie, p. 982. [Nous devons faire observer ici que les tomes XXI et XXII de cette Collection (qui ne comprennent que des documents relatifs à la prise de Constantinople par les Turcs), bien qu'imprimés depuis une vingtaine d'années, n'ont pas été publiés et ne le seront jamais, pour des raisons dont il est aisé de se rendre compte, quand on a les volumes entre les mains. Nous possédons un exemplaire de cette publication, don précieux de l'Académie hongroise des Sciences.

[79] Voyez Guillaume Favre, Mélanges d'histoire littéraire (Genève, 1836, in-8°), t. I, p. 64.

[80] Filelfe avait écrit à Barthélémy Bucini une lettre datée du 15 avant les calendes de juin (18 mai) 1454, dans laquelle on lit : « Mihi domi opus est aliquo adolescente librario, non omnino rudi imperitoque litterarum. Hunc ego tractabo non humaniter solum, sed etiam liberaliter. Delector autem iis litterarum notis quæ ad atticas quam proxime accedant. Nam quibus opifices tabernariique utuntur ac reliquum vulgus indoctum, eæ nullum sint apud me pondus habituræ. ».

[81] Filelfe ne reçut une réponse de Bucini que la veille des calendes d'août (31 juillet) 1454. Ce même jour, il lui récrivit une lettre où il dit : « De librario vero quod antea abs te petii, ut matures, te etiam atque etiam rogo. »

[82] Sans millésime dans le manuscrit, mais placée entre une lettre à Nicolas Archuboldi du 11 des calendes d'août 1454 et une à Barthélémy Bucini de la veille des calendes d'août 1454.

[83] Ce nom propre n'est pas rare chez les Grecs. Il a été porté notamment au xv° siècle par un certain Démétrius Francos, auquel on doit une Relation des faits et gestes de Scanderbeg. Voyez Pompilio Rodotà, Rilo greco in Italia, t. III (Rome, 1763, in-4°), p. 25.

[84] Intitulé de sa lettre du 6 des ides de juin (8 juin) 1456.

[85] Ce Cananus pourrait bien être celui-là même qui a écrit un curieux itinéraire publié par Spiridion Lambros dans le Παρνασσός (Athènes, 1881, in-8°), t. V, pp. 706-707.

[86] Dans les Mémoires de Littérature publiés par l'Académie des Inscriptions, I. X, p. 719.

[87] Voir sur le même sujet la lettre latine de Filelfe à Guillaume Jouvenel des Ursins, écrite à la date des ides de novembre (13 novembre) 1455.

[88] Jean-André de Bussi, évêque d'Aleria.

[89] Sur Georges Lécapène, voyez Allatius, de Georgiis, dans la Bibliotheca græca de Fabricius, éd. Harlès, t. XII, pp. 59-61; K. Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Litteratur (Munich, 1891, in-8°), p. 283.

[90] Traduction abrégée.

[91] Statuaire et architecte. Voir aussi la lettre 70 de la présente Collection. Sur Averulino on peut consulter : G. Vasari, Le vite de' pitlori... con annotazioni di Ciuetano Milanesi, tome II (Florence, 1878, m-8°), pp. 453 et suiv.

[92] Les Lois de Platon ne sont pas désignées dans l'inventaire, fait en 1426, de la bibliothèque du château de Pavic. Voir [G. d'Adda], Indaqini sloriche, arlh-licha e bibliografiche sulla libreria Visconleo-Sf'orzesca ciel caslello di Pavia, parte prima (Milan, 1875, in-8°), p. 12 (nos 120 et 121) et p. 15 (11° 148). Il faut dire toutefois que nous ignorons ce que pouvait contenir le n° 120, ainsi libellé : Plato in greco voluminis salis grossi copertus corio albo et est in lingua greca. En revanche, nous trouvons les Lois mentionnées dans un inventaire de la susdite bibliothèque, dressé, en 1409, par Facino de Fabriano. Voir Giornale slorieo délia lilteratura ilaliana, t. I, (1883, in-8°), p. 49.

[93] Traduction abrégée.

[94] Traduction abrégée.

[95] Idem.

[96] Filelfe a composé en l'honneur d'Argyropoulos deux pièces de vers élégiaques : celles qui figurent plus loin sous les nos 3 et 14. Nous ne savons de laquelle il est ici question.

[97] Argyropoulos était passé par Milan en 1436 (très probablement au mois de mai). Il se rendait en France, et Filelfe lui avait alors donné pour Thomas de Coron, médecin de Charles VII, une lettre de recommandation datée du 15 des calendes de juin (17 mai), et la veille des calendes du même mois (31 mai), il écrivait à Donato Acciaiuoli : « Ioannem Argyropulum quem mihi diligentissime commendaras, et vidi libentissime, etc. »

[98] Filelfe recherchait depuis fort longtemps les ouvrages que lui avait promis Argyropoulos. Lorsqu'il se trouvait à Constantinople, il s'était déjà, mais vainement, efforcé de se les procurer, comme il nous l'apprend lui-même dans le passage suivant d'une lettre à Pierre Perleone, en date des ides d'avril (13 avril) 1441 : « Cum istic (à CP.) essem diu multumque studui, quæsivique diligenter comparare aliquid mihi ex Apollonii Herodiamque iis operibus, quæ ab illis de arte grammatica copiose fuerant et accurate scripta. Nihil usquam potui odorari. Nam a magistris ludi quæ publice docentur, plena sunt nugarum omnia. Itaquo neque de constructione grammatica orationis, neque de syllabarum quantitate, neque de accentu quicquam aut perfecti aut certi ex istorum præceptis haberi potest. Nam lingua asolica, quam et Homerus et Callimachus in suis operibus potissimum sunt secuti, ignoratur istic prorsus. Quæ autem nos de huiusmodi rationibus didicimus, studio nostro diligentiaque didicimus, quamvis minime negarim nos ex Chrysolora socero adiumenta nonnulla accepisse. » Pour compléter les renseignements qui précédent, nous devons dire que Filelfe finit par se procurer Hérodien et plusieurs autres traités de grammaire aujourd'hui conservés à la Laurentienne (Plut. 58, cod. 19). Dans ce volume, un chartaceus in-8° de 211 feuillets, un certain nombre de pages sont copiées de la main même de Filelfe. Cf. Bandini, Catal. codd. græc. biblioth. Laurent., t. II, col. 458-459.

[99] Voyez aussi la lettre 53 de la présente Collection.

[100] Le 14 mars 1455.

[101] Le cardinal Isidore de Russie.

[102] Lettre du 9 des calendes de mars (21 février) 1458.

[103] Othon de Carreto, ambassadeur du duc de Milan près la Cour de Rome.

[104] On connaît un certain nombre de manuscrits ayant fait partie de la bibliothèque de Filelfe; les uns portent son ex-libris, d'autres sont ornés de ses armoiries; mais j'ai vainement cherché un manuscrit des Vies parallèles qui présentât l'une ou l'autre de ces marques de provenance. Le seul manuscrit de cet ouvrage qui réponde au signalement du volume inventorié par Cosme de Montserrat est, à notre connaissance, le cod. Laurentianus n° 1 du pluteus 69. C'est un superbe membranaceus in-folio de 419 feuillets et ainsi souscrit: (Cf. Bandini, Calai, codd. græcorum biblioth. Laurentianæ, t. Il, col. G2I-G22).

[105] Voir la lettre 55 de la présente Collection.

[106] Cela ressort, à noire avis, du passage cité plus haut de sa lettre à Bessarion, en date du 9 des calendes de mars (21 février) 1458.

[107] Pièce de vers n° 8, vers 30-46.

[108] Pridie idus augustas reminciatum est Mediolani Callistum, ecclesiæ roulante pontificem, ad octavum idus sextiles animam tandem efflasse in maxima omnium laeticia, etc. Lettre à Bessarion des ides d'août. (13 août) 1458.

[109] Lettre à Bessarion des calendes de novembre (1er novembre) 1458.

[110] Lettre des cal. de nov. (1er novembre) 1458.

[111] Voir sa lettre Gaspari Mercato, Valentiæ comiti, du 14 des calendes de février (19 janvier) 1459, où il passe en revue toutes les étapes de son voyage. Il avait quitté Milan le 19 décembre 1458.

[112] Il y était déjà le 9 des calendes de mars (21 février) 1439. Voir la lettre latine qu'il écrivit à cette date à Sigismond Malatesta.

[113] Voir ci-dessus la lettre 50.

[114] Traduction abrégée.

[115] Cf. lettre 51.

[116] Elle ne se trouve pas dans les recueils imprimés des lettres de Filelfe. Celui-ci y fait allusion, dans une lettre latine à Bessarion de la veille des ides de septembre (12 septembre) 1458, laquelle débute ainsi : « Ad decimum kalendas septembres dedi ad te litteras unas el simul cum luis cilleras ad ponlificem Vium. Eas autem utrasque tibi redditas ab Otthone Garreto iurisconsulto, qui istic pro meo hoc principe Francisco Sphortia legati fungitur munere, non dubito. »

[117] On peut voir ici une allusion à l'anecdote d'après laquelle Pie II se faisant lire des vers en son honneur, dont les auteurs demandaient tous une récompense, se serait écrié :

Discite pro numeris numéros sperare, poêlai ; mulare est animus carmina, non emere.

Filelfe prétendit que le pape était trop généreux pour avoir composé ce distique et qu'il avait dû dire :

Discite pro numerïs nummos sperare, poêlai; mulare est animus carmina muneribus.

Cf. Rosmini, Vita di Francesco Filelfo, t. II, p. 114.

[118] Jérôme Castelli, élève de Guarino de Vérone, professa la médecine à Ferrare et fut médecin de Lionel et de Borso. Voir sur lui : Rosmini, Vita e disciplina di Guarino Veronese (Brescia, 1806, in-8°), t. III, pp. 128-131. Lire aussi la très intéressante lettre latine que Filelfe lui adressa, à la date du 7 des ides d'avril (7 avril) 1458. Nous avons trouvé au verso du dernier feuillet (en parchemin) du Monacensis gr. 32l une épigramme à la louange de Jérôme Castelli traduite du latin en grec par Emmanuel Adramyttenus. Elle sera reproduite plus loin, à la suite des lettres de ce Grec.

[119] Ludovic Casella fut successivement ministre de Nicolas, Lionel et Borso, ducs de Ferrare. Il se montra constamment zélé protecteur des études. Voir sur lui : Tiraboschi, Storia della letteratura italiana (Milan, 1824, in-8°), t. VI, pp. 46 et suiv.

[120] Le duc Borso d'Este.

[121] Voyez aussi les lettres 84 et 91 de la présente Collection.

[122] D'en parler aux Vénitiens, que Filelfe ne ménageait pas dans son livre.

[123] C'est-à-dire le pape Pie II.

[124] Traduction abrégée.

[125] Filelfe avait raison. Ce passage se trouve au livre I, § x. C'est-à-dire : Aristoteles formas atque ideas reliquit : non tamen a materia secretas, neque exempla rerum a deo factarum (Plutarchi Scripta moralia, éd Fr. Dübner, Paris, Didot, 1841, in-4°, t. II, p. 1075).

[126] Sur le diacre Georges Chrysococcès (qu'il ne faut pas confondre avec le médecin son homonyme et peut-être son aïeul) on peut consulter Allatius, De Georgiis, dans la Bibliotheca græca de Fabricius, éd. Harlès, t. XII, pp. ui56. Il était habile calligraphe.

[127] Paul II.

[128] Traduction abrégée.

[129] Voir la lettre précédente.

[130] Sur Galeotto Marzio de Narni, on peut consulter : Tiraboschi, Sloria délia letteratura ilaliana (Milan, 1824, in-8°), t. VI, pp. S64, 570 et suiv.; Rosmini, Vita e disciplina di Guarino Veronese (Brescia, 180G, in-8°), t. III, p. 107-116; et surtout l'excellente et consciencieuse étude (en hongrois) que lui a consacrée Eugène Aboi dans ses Analecta ad historiam renascentium in Hungaria. litterarum spectantia (Budapest, 1880, in-8°), pp. 231-294. Il n'y est pas question des démêlés de Galeotto Marzio avec Andronic Calliste

[131] Galeotto était d'une grosseur énorme.

[132] Filelfe avait eu, lui aussi, maille à partir avec Galeotto. Voir, à ce sujet, sa lettre latine à Albert Parisio de la veille des calendes de novembre (31 octobre) 1464.

[133] Il était fils d'Hubert Decembrio et frère de Pierre Candido. Voir sur lui Argelati, Bibliotheca scriptorum mediolanensium, t. I, seconde partie, p. 547.

[134] Pierre Candido avait été ainsi appelé par considération pour Pierre Filarge de Candie (Candia et Candida), qui fut pape sous le nom d'Alexandre V, et dont Hubert Decembrio était secrétaire. Cf. Tiraboschi, Storia della lett. ital. (Milan, 1824, in-8°), t. VI, p. 1073.

[135] On trouvera plus loin, sous les nos 4, 7 et 13, trois pièces de vers adressées par Filelfe à Théodore Gaza.

[136] Voir la lettre 42 de la présente Collection.

[137] Filelfe ne pardonna jamais à Pie II de ne pas lui avoir continué le paiement de la pension dont il l'avait gratifié. Même après sa mort, ce pape ne fut pas à l'abri des cruelles épigrammes de son ancien maître. En voici une, à titre de spécimen (Rosmini, Vita di Francesco Filelfo, t. II, p. 321) :

ECLOGIUM IN PIUM II ECCLESIÆ ROMANÆ PONTIFICEM.

Quo magis ingratus nemo fuit alter, et idem

qui dici voluit impiclate Pius, hac, silii quam virus construxit, elauditur arca

corpore, nam stygios mens habel; atra lacus.

Ilic, doclum quia se vatemque volebat haberi,

vatibus et doctis omnibus hostis erat.

Eloquio insignes, Musisquc dicata iuvontus,

solvilc vota deis quod rapucre Pium.

[138] Le cardinal Nicolas Forteguerri, évêque de Teano. « Nicolaus, sanctic Ccciliccî cardinalis Theanensis, quem Pius adhuc Sfiue agens ad Pisanum portum legatum pramiiscrat ut partern classis, qure ibi parafa erat, et quæ ex Genua expectabatur, per Sicilioî fretum ad se Anconam perduccret, etc., etc. (Pii secundi ponlificis maximi Commentarii, Rome, 1584, in-4°, pp. 64G-G47) ».

[139] Ce Recueil de poésies grecques est aujourd'hui à la bibliothèque Laurentienne et forme le cod. n° 15 du pluteus 58. C'est de ce manuscrit que sont extraites les quatorze pièces publiées ci-après.

[140] Traduction abrégée.

[141] Allusion à l'ode saphique adressée par Filelfe à Andronic et publiée plus loin, sous le n° 6. Nous avons ainsi, par cette lettre, la date très approximative à laquelle l'ut composée ladite pièce de vers. A la suite des quatorze Psychagogiæ de Filelfo, on trouvera une belle pièce d'Andronic Calliste à la louange du livre de Bessarion In calumniatorem Platonis.

[142] Traduction abrégée.

[143] Cet ouvrage ne fut imprimé qu'en 1499. Voyez notre Bibliographie hellénique des xve et xvie siècles, t. I, p. 55 et suiv.

[144] Georges de Trébizonde effectua son voyage en Turquie dans la seconde moitié de 1465 ; il aborda à Constantinople au mois de novembre de cette année-là. Cf. Acta Sanctorum, Maii t. VII, p. 185.

[145] Paul II.

[146] Voyez aussi les lettres 77 et 78 de la présente Collection.

[147] En faisant une détestable traduction de cet ouvrage de Xénophon. — Filelfe considérait Pogge comme sachant très mal le grec. Voici une épigramme où il malmène fort à ce sujet Fauteur des Facéties et Candido Decembrio (Rosmini, Vita di Filelfo, t. III, p. 164) :

IN ELOQUII GRÆCI DEPRAVATORES.

Græcatur Leucus, græcatur Poggius una,

cum linguam neuter noverit argolicam.

At graios qua lege libros fecere latinos ?

Graius id interpres præstitit auxilii.

Hinc errata libris permulta leguntur in ipsis,

aut Græci fraude stultitiave levis.

Qui tenet et græcam linguam edidicitque latinam,

transferat et docte, transferat et facile.

Voir surtout, à l'appendice du présent volume, la lettre de Georges de Trébizonde à son fils André, datée de Naples, 1er janvier 1454.

[148] Filelfe avait fait exécuter spécialement pour Nicolas Canale, jurisconsulte et commandant de la flotte vénitienne destinée à opérer contre les Turcs, une copie de sa traduction de la Cyropédie, en tête de laquelle figurait une épître dédicatoire datée de Milan, le 1er avril 1470, et reproduite par Mittarelli, Bibliotheca codd. mss. monasterii S. Michælis Venetiarum (Venise, 1779, in-f°), col. 1228-1229.

[149] Rosmini, Vita di Francesco Filelfo, t. II, pp. 347-348.

[150] Rosmini, Vita di Francesco Filelfo, t. II, pp. 348-349.

[151] Bandini, Catalog. codd. græcorum bibliothecæ Laurentianæ, t. II, col. 319.

[152] Voir la lettre précédente.

[153] Traduction abrégée.

[154] Très probablement Jean Tortelli d'Arezzo.

[155] Démétrius Castrenus logeait à Pise chez Buonaccorsi, comme en fait foi le passage suivant d'une lettre de Filelfe à ce dernier, datée du 8 des ides de mars (8 mars) 1469 : « Gaudeo præterea, vir doctissime, eruditum Demetrium Castrenum tuo uti diversorio : modo ne in Sirenum inciderit δηλητήριον deleterion. Tu velim hunc moneas magnificum Roberthum Malatestam effectum esse omnino nostrum : quem etiam audio uxorem ducturum inclyti comitis Urbinatis flliam. Quo fit ut nihil sibi inter proficiscendum formidandum suspicetur. » Je fais cette citation d'après une photographie du cod. Trivulzianus.

[156] Lettre latine à Laurent de Médicis du 4 avant les calendes de juin (28 mai) 1473.

[157] Panthéa avait épousé, avant le mois de mars 1431, Jérôme Bindoti de Sienne.

[158] Il s'appelait Jean-Marie et était né en 1452.

[159] Elle se nommait Arminie et avait vu le jour en 1435.

[160] Voir à ce sujet la lettre latine de Filelfe à son fils Xénophon, en date du 15 des calendes de juin (18 mai) 1470.

[161] Georges Glykys, un Grec que François Filelfe recommande à Louis XI, dans sa lettre à ce roi datée des ides d'avril (13 avril) 1469.

[162] Traduction abrégée.

[163] Voir aussi ce que nous avons dit ci-dessus à propos des deux lettres de Guarino de Vérone, publiées à la suite de la lettre 28 de la présente Collection.

[164] Voir ci-dessus (page 56, note 4) le titre plus détaillé.

[165] Filelfe toucha au mois d'août 1469 les quatre cents ducats dont l'avait gratifié Paul II.

[166] Borso d'Este, duc de Ferrare.

[167] Voyez aussi les lettres 59 et 91 de la présente Collection.

[168] Sans doute l'exemplaire dont son père s'était servi pour faire sa traduction de Strabon. Voyez ci-dessus la lettre 28.

[169] Le personnage que Filelfe désigne ici sous le nom irrespectueux de Chézergius n'est autre que Georges de Trébizonde, comme cela ressort clairement du texte de la présente lettre. Ce à quoi Gaza engageait Filelfe était sans doute à écrire quelque chose contre Georges de Trébizonde et en faveur de Bessarion dont le livre In calumniatorem Platonis venait d'être imprimé.

[170] Quoiqu'on dise Filelfe, ce Barlaam est une des plus puissantes et des plus originales figures de l'hellénisme au xive siècle. Il n'a pas encore été l'objet d'une bonne monographie. A défaut de mieux, on ne lira pas sans plaisir le petit volume de Giannantonio Mandalari : Fra Barlaamo Calabrese, mæstro del Petrarca (Rome, 1888, in-8°).

[171] Voir sur lui : Fabricius, Biblioth. græca, éd. Harlès, t. XI, pp. 398-405.

[172] Les lettres que Georges de Trébizonde passait, à tort ou à raison, pour avoir écrites à Mahomet II.

[173] Ottaviano Ubaldini. Voir sur lui : Tiraboschi, Storia della letteralura italiana (Milan, 1824, in-8°), t. IV, p. 607.

[174] Traduction abrégée.

[175] Il est à peine besoin de faire observer que cette étymologie n'a rien de sérieux.

[176] Traduction abrégée.

[177] Voir les lettres 59 et 61 de la présente Collection.

[178] Cette lettre de Gaza paraît irrévocablement perdue. Du moins n'en a-t-on pas, jusqu'à ce jour, signalé l'existence. Cette perte est d'autant plus regrettable que Gaza devait y donner des détails sur le mariage de la fille du despote Thomas Paléologue.

[179] Zoé plus connue sous le nom de Sophie. Sa mère s'appelait Catherine et était fille de Martin Asan Zaccaria Centurione, despote d'Épire. Le mariage par procuration de Sophie Paléologue avec le tsar Ivan III eut lieu le 1er juin 1472, dans la basilique Vaticane, au milieu d'une assistance nombreuse et distinguée, où l'on remarquait Catherine, reine de Bosnie, et Clarisse Orsini, femme de Laurent de Médicis. Il faut consulter sur cette question la consciencieuse et savante étude du R. P. Pierling, S. J. : Le mariage d'un tsar au Vatican, Ivan III et Zoé Paléologue, Paris, Palmé, 1887, in-8°, de 48 pages (extrait de la Revue des Questions historiques, 1887). Une seconde édition de ce livre vient de paraître chez l'éditeur Leroux, dans le format petit in-18, et fait partie de la Bibliothèque slave elzévirienne.

[180] André, né en 1453, et Manuel, né en 1455.

[181] Sur l'éducation à Rome des enfants de Thomas Paléologue, nous ne connaissons qu'une seule et unique source de renseignements, c'est une lettre, ou plutôt un programme d'études rédige par Bessarion et qui nous a été conservé par Georges Phrantzès. Voyez sa Chronique dans Migne, Patrologie grecque, t. CLI, col. 991 à 998.

[182] Né à Torri, sur le lac de Garde, Domizio Calderini fut un des philologues les plus célèbres et les plus laborieux du xve siècle. Il enseigna à Rome sous Paul II et Sixte IV. Il mourut de la peste, en 1178, à l'âge de trente-deux ans. Voyez Tiraboschi, Storia della letteratura italiana (Milan, 1824, in-8°), t. VI, pp. 1630-1632.

[183] Calderini était secrétaire apostolique.

[184] Traduction abrégée.

[185] Filelfe qui a cité ces vers de Théocrite (Idyll., IV, 41-43) dans sa lettre latine à Pierre Perleone du 4 des nones d'octobre 1450, les y fait suivre de la traduction latine ici reproduite.

[186] Voyez Zanetti, Græca divi Marci bibliotheca (Venise, 1740, in-f°), p. 134.

[187] Bandini, Catalog. codd. græcorum biblioth. Laurentianæ, t. III, col. 227.

[188] Cet ouvrage forme avec le précédent un menbranaceus in-4° de 205 feuillets.

[189] Henri Omont, Catalogue des mss. grecs des bibliothèques des Pays-Bas, avec quelques noies sur les mss. grecs de Leyde (Leipzig, 1887, in-8°), p. 9.

[190] Aujourd'hui le Laurentianus 42 du pluteus 28. C'est un chartaceus in 4° de 147 feuillets.

[191] Elles se trouvent toutes deux dans le Laurentianus n° 9 du pluteus 53. Cf. Bandini, Catalog. cocld. græcorum biblioth. Laurentianæ, t. II, col. 287.

[192] Anecdota græca, t. V, p. 402 et suivantes.

[193] Voyez le Cenlralblatt für Bibliothekswesen, tome I (Leipzig, 1884, in-8°), p. 401.

[194] Sgouropoulos a aussi copié un Galion (Voyez Nuova Raccolla d'opuscoli, t. XX, p. 198) et Morelli le qualifie (Bibliotheca manuscripta, t. I, p. 013) de librarius elegans quidem at non salis accuratus.

[195] Cf. l'épigramme de Lascaris en l'honneur de Jean Argyropoulos, dans notre Bibliographie hellénique, t. I, p. 197

[196] Traduction abrégée.

[197] Traduction abrégée.

[198] Jean Chadel de Lyon.

[199] Müntz et Fabre, la bibliothèque du Vatican au xve siècle (Paris, 1887, in-8°), p. 281.

[200] Müntz et Fabre, Op. laud.

[201] Argyropolus patria Constantinopolitanus Florentia; diu professus plurimos docuit... deinde Romæ publico salario, ubi paulo post obiit, RELICTO FILIO ISACIO NOBILI MUSICO (Raphaël Volaterranus, Commentar. Urban., Bâle 1530, in-f°, livre XXXI, f. 246 recto).

[202] Johannis Burchardi Diarium sive rerum urbanarum commentarii, t. II, p. 26 et t. III, pp. 308, 323, 346, 382, 394, éd. de L. Thuasne (Paris, 1883, 1884, 1885, 3 vol. in-8°). — Ajoutons que ce même Diarium affirme (t. II, pp. 65 et 521) que l'évangile fut lu en grec le 7 avril 1493, jour de Pâques, et le 31 mars 1499, jour de Pâques également, par JEAN Argyropoulos. Mais il est très probable qu'il y a là quelque faute de copiste et qu'il faut lire Isaacius au lieu de Ioannes. On peut supposer que l'original autographe porte l'initiale seule du nom et que ce nom aura été complété d'une façon erronée par le copiste. M. Thuasne semble admettre cette hypothèse, puisque, dans l'Index alphabétique qui termine le tome III, ces deux mentions sont au nom d'Isaac Argyropoulos, tandis que le nom de Jean Argyropoulos n'y figure aucunement. D'ailleurs, ce dernier (s'il s'agit du père d'Isaac) devait être mort à cette date, ou du moins dans une vieillesse trop avancée pour lire l'évangile dans une messe solennelle célébrée par le pape.

[203] Traduction abrégée.

[204] André Paléologue.

[205] Cf. l’épigramme grecque d'Ange Politien à Chalcondyle, qui commence par ce vers 'Εξ οὔ δὴ Θεόδωρος οὐρανόνδε, et est datée de 1475, dans Prose volgari inédite e poesie latine e greche di Angelo Ambrosini Poliziano raccolte e illustrate da Isidoro del Lungo (Florence, 1867, in-8°), p. 190.

[206] Voir la lettre suivante.

[207] Voir sur lui Vespasiano da Bisticci, Vite di uomini illustri del secolo XV (Florence, 1859, in-8°), pp. 332-351.

[208] Voir la lettre précédente.

[209] Bien que, dans le ms. original, la présente lettre figure parmi celles de l'année 1476, je n'ai pas cru devoir en changer le millésime. La lettre qui la précède est du 7 des calendes d'août, celle qui la suit du 6 des calendes du même mois ; ce n'est certes pas le lieu que devrait occuper une lettre du 6 des ides de février. Il est donc plus que probable qu'il n'y a eu là, de la part du copiste, qu'une simple erreur topographique.

[210] Voir sur lui : Apostolo Zeno, Dissertazioni Vossiane (Venise, 1753, in-4°), t. II, pp. 348-403 ; Tiraboschi, Storia della letteratura italiana (Milan, 1824, in-8°), t. VI, pp. 1209-1213.

[211] Traduction abrégée.

[212] Jeu de mots sur le nom de Chalcondyle ou Chalcocondyle, Χαλκοκονδύλης de χαλκὸς, bronze et κόνδυλος, poing.

[213] Laurent de Médicis.

[214] Démétrius Damilas. Voir sur lui notre Bibliographie hellénique des xve et xvie siècles, t. I, pp. 1 à 6, 9, 10, 11 et G3; et II. Noiret, Huit lettres inédites de Démétrius Chalcondyle [Extrait des Mélanges d'archéologie et d'histoire publiés par l'École française de Rome, t. VII] (Rome, 1887, in-8°), p. 20. Dans sa lettre à Jean Lorenzi, datée de Florence le 4 janvier 1488 (sans doute 1489, en tenant compte de la différence du calendrier florentin), Chalcondyle recommande Antoine Damilas, le calligraphe bien connu, qui désire avoir à Candie la charge de protopsalte, et il dit qu'il est le frère de Démétrius : ce qui confirme l'hypothèse émise par nous dans notre Bibliographie hellénique, t. I, p. 1.