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Palladius

 L'économie rurale de Palladius Rutilius Taurus Aemilianus 
trad. nouvelle par M. Cabaret-Dupaty,...
C. L. F. Panckoucke, 1843. 
Bibliothèque latine-française. Seconde série


 L'économie rurale

DE L'ÉCONOMIE RURALE

LIVRE VII.

JUIN.

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

De l'aire.

I. Au mois de juin, préparez l'aire pour battre le grain, et nettoyez-en d'abord le sol. Ensuite remuez-le légèrement en y mêlant de la paille et du marc d'huile sans sel, et aplanissez-le: cette précaution garantit les grains des mulots et des fourmis. Puis durcissez le sol avec une pierre cylindrique ou un tronçon de colonne que vous roulerez dessus pour le raffermir, et laissez-le sécher au soleil. Quelques-uns arrosent les aires après les avoir nettoyées, et les font longtemps fouler par des troupeaux de menu bétail qui s'y promènent; quand le sol a été passé sous leurs pieds, ils attendent qu'il soit entièrement sec.

Des moissons.

II. On commence à présent la récolte de l'orge; mais il faut l’achever avant que le grain ne s'échappe des épis desséchés, parce qu'il n'est point enfermé dans une capsule comme le froment. Un bon moissonneur peut, en un jour, récolter cinq boisseaux dans un champ bien fourni; un moissonneur ordinaire trois, et le plus inhabile, moins encore. Laissez quelque temps le chaume de l'orge couché par lent: c'est, dit-on, un moyen de la faire grandir. C'est également à la fin de ce mois qu'on scie le froment dans· les pays voisins de la mer, chauds et secs. On reconnaît qu'il est mûr lorsqu'il présente une forêt d'épis uniformément dorés.

Les habitants des pays plats de la Gaule emploient pour moissonner une méthode économique; outre qu'elle épargne la main-d'œuvre, elle termine une récolte entière avec la journée d'un bœuf. lis ont un chariot monté sur deux petites roues; la surface carrée est garnie de planches renversées en dehors qui en évasent la partie supérieure et qui ont moins d'élévation par devant le char. Là sont rangées, à de légères distances et à la portée des épis, plusieurs dents recourbées par le haut. Derrière le char figurent deux timons très courts, comme les bras des litières à l'usage des femmes. On y atèle à un joug avec des courroies, la tête tournée vers le char, un bœuf paisible et docile aux mouvements qu'on lui imprime. Dès qu'il pousse la machine à travers les blés, tous les épis saisis par les dents s'y entassent, sans que la paille rompue puisse y entrer, tandis que le bouvier élève ou abaisse le char qu'il dirige par derrière. Ainsi, en quelques heures, moyennant un petit nombre d'allées et de venues, il expédie toute la moisson. Cette méthode est bonne pour les plaines ou les lieux unis, et pour les pays où la paille n'est point regardée comme un objet nécessaire.

Du labourage des champs et de la vigne, de la récolte de la vesce, du fenugrec, des lentilles, des fèves et des lupins.

III. Faites à présent, dans les climats très froids, ce que vous avez négligé de faire au mois de mai. Labourez les parties couvertes d'herbes, ainsi que celles qui sont ombragées; hersez les vignobles; récoltez la vesce; coupez le fenugrec pour avoir du fourrage. C'est maintenant qu'il faut achever la récolte des légumes dans les pays froids. Conservez celle de lentilles, soit dans la cendre, soit dans des jarres à huile ou à salaisons, que vous boucherez aussitôt avec du plâtre. Cueillez aussi les fèves avant le jour, au déclin de la lune, et serrez-les écossées et rafraîchies, avant son premier quartier, pour les garantir des charançons. On récolte les lupins ce mois-ci. On peut, si l'on veut, les semer au sortir de l'aire; sinon on doit les renfermer dans des greniers à l'abri de toute humidité. On les conserve ainsi très longtemps, surtout si la fumée donne constamment sur les greniers.

Des jardins.

IV. Semez les choux, ce mois-ci, vers le solstice, pour les transplanter, vers les premiers jours du mois d'août, dans un lieu entrecoupé d'eaux vives ou humecté par les pluies qui commencent. Il est également à propos de semer l'ache, la poirée, les raiforts, les laitues et la coriandre, en n'oubliant pas de les arroser.

Des arbres fruitiers et de la greffe en écusson.

v. On peut encore, ce mois-ci, comme je l'ai dit plus haut, renfermer une branche de grenadier dans un vase d'argile, afin qu'il porte des fruits assez gros pour remplir le vase. Dégagez à présent les rameaux surchargés des poiriers ou des pommiers, en enlevant les fruits gâtés, afin que la sève, qu'ils pourraient absorber en pure perte, se reporte sur les bons. Plantez également, à cette époque, le jujubier dans les pays froids. Faites à présent la caprification des figuiers, suivant la méthode que j'ai exposée en parlant de leur culture. Quelques-uns les greffent aussi maintenant. On écussonne le pêcher dans les pays froids. On fouit le pied des palmiers.

C'est dans ce mois ou dans celui de juillet qu'on écussonne les arbres fruitiers; mais cette sorte de greffe ne convient qu'aux arbres dont l'écorce est grasse, comme aux figuiers, aux oliviers, à d'autres semblables, et même au pêcher, suivant Martialis. Voici comment elle se pratique. Choisissez, sur de jeunes branches lisses et fécondes, un bourgeon qui promette évidemment une belle venue, et cernez-le à la distance de deux. doigts en carré, de manière qu'il se trouve au milieu du cerne; puis enlevez légèrement l'écorce avec un instrument bien affilé, sans blesser le bourgeon, et après avoir aussi enlevé sur l'arbre que l'on veut greffer, et d'une place lisse et féconde, un écusson garni de son bourgeon, on l'y attache convenablement, sans que le germe en souffre, et on le fixe autour du bourgeon, de manière que celui de l'écusson substitué remplace le précédent; ensuite on l'enduit de boue, et on laisse le bourgeon libre. On coupe les branches supérieures de l'arbre, ainsi que ses souches, et, en ôtant les ligatures au bout de vingt et un jours, on s'aperçoit que ce bourgeon s'est merveilleusement incorporé à l'arbre étranger,

De la castration des veaux, de la confection du fromage et de la tonte des brebis,

VI. Il est encore à propos, comme je l'ai dit précédemment, de châtrer les veaux ce mois-ci, de faire le fromage, et de tondre les brebis dans les pays froids.

Des abeilles.

VII. On châtre les ruches ce mois-ci. Des signes nombreux vous indiqueront l'époque précise où il faut récolter le miel. D'abord, quand les ruches sont pleines, les abeilles ne font entendre qu'un léger murmure. Quand, au contraire, la place des rayons est vide, le bruit retentit davantage, comme dans tout bâtiment caverneux. Lors donc que le bourdonnement est fort et considérable, c'est une preuve que les gâteaux de cire ne sont pas en état d'être récoltés. De même, lorsque les abeilles réunissent tous leurs efforts pour chasser de leur domicile les gros hourdons, elles annoncent qu'il est temps de recueillir le miel. On châtre les ruches dans la matinée, quand les abeilles engourdies ne sont pas encore irritées par la chaleur. On y introduit de la fumée de galbanum et de bouse sèche, qu'on excite sur des charbons mis dans un fourneau qui renvoie la fumée par une ouverture étroite et semblable à celle d'un entonnoir renversé. Tandis que cette fumée éloigne les abeilles, on détache les rayons, et on en laisse la cinquième partie pour nourrir l'essaim; on enlève ceux qui sont gâtés et en mauvais état.

On obtient le miel, à cette époque, en enveloppant plusieurs rayons dans une serviette propre, et en les pressant avec soin. Mais auparavant, on en retranche les parties gâtées et celles qui contiennent des larves, parce qu'elles donnent un mauvais goût au miel vous laisserez pendant quelques jours le miel nouveau dans des vases ouverts, et vous l'écumerez jusqu'à ce qu'il soit refroidi et cesse de fermenter comme du moût. Le meilleur miel est celui qui, avant d'être exprimé une seconde fois, coule, pour ainsi dire, naturellement.

On prépare également la cire ce mois-ci pour l'amollir, on jette dans un vase d'airain plein d'eau bouillante les restes des rayons concassés, puis on verse la cire fondue dans d'autres vases sans eau, pour lui donner une forme. Si les nouveaux essaims sortent, en ce temps-ci, à la fin du mois, on mettra un gardien attentif pour les surveiller, parce que les jeunes abeilles, que leur âge emporte çà et là, s'enfuient, si on ne les garde à vue. Comme elles restent un ou deux jours à l'entrée de leurs demeures, lorsqu'elles veulent en sortir, on se hâtera de les recevoir dans de nouvelles ruches. Le gardien les observera donc assidûment jusqu'à la huitième ou la neuvième heure du jour, parce qu'il est assez rare qu'elles s'échappent ou qu'elles émigrent plus tard: cependant quelques-unes ne craignent pas de s'évader dès qu'elles sont dehors.

On reconnaît que les abeilles sont prêtes à s'enfuir quand, deux ou trois jours auparavant, elles s'agitent et bourdonnent plus qu'à l'ordinaire. Ainsi, dès que le gardien en aura fait la remarque en approchant souvent son oreille de la ruche, il redoublera de précautions pour éviter tout accident. Ces symptômes indiquent également qu'elles se préparent au combat. On les apaise avec un peu de poussière ou en jetant sur elles une pluie d'hydromel, élixir souverain pour calmer le peuple qui le produit. Mais lorsque les bataillons ainsi pacifiés se suspendent en un seul groupe à une branche d'arbre ou à tout autre endroit, c'est une preuve que l'essaim entier n'a qu'un roi, ou que les abeilles sont réconciliées et que l'union règne entre elles. Si, au contraire, elles forment deux ou plusieurs groupes suspendus, c'est un signe de discorde: elles ont autant de rois que vous voyez de ces espèces de mamelons. Vous chercherez ces rois dans les groupes les plus nombreux, après avoir frotté votre main d'ache ou de mélisse, Ils sont un peu plus gros et plus longs que les autres abeilles; ils ont les pattes plus droites, les ailes courtes, la couleur belle et brillante, le corps lisse et sans poil, à l'exception d'une espèce de cheveu qui sort du ventre des plus gros, et dont ils ne se servent pas néanmoins pour blesser. Il y en a d'autres qui sont noirs et velus: tuez-les, sauf le plus beau que vous conserverez. S'il vague souvent avec les essaims, coupez-lui les ailes pour le fixer; alors aucune abeille ne s'écartera. S'il ne naît aucun essaim d'une ruche, vous pourrez réunir ceux de deux ou trois ruches. Vous aurez soin d'arroser les abeilles d'hydromel, et de les tenir l'enfermées pendant trois jours, un les nourrissant de miel, et en ne les laissant respirer que par de petites ouvertures.

Quand vous voudrez repeupler une ruche dévastée par quelque maladie contagieuse, en y introduisant de nouvelles abeilles, vous examinerez dans d'autres ruches bien fournies la cire des rayons et les extrémités qui l'enferment les larves. Dès que vous aurez découvert le signe d'un roi futur, vous détacherez le rayon avec la postérité qu'il renferme, et vous le déposerez dans la ruche. Voici à quel signe on connaît qu'il doit naître un roi. Parmi les alvéoles qui contiennent les larves, s'en élève un comme un mamelon, plus grand et plus long que les autres. Mais il ne faut transporter les rayons que lorsque les larves, prêtes à éclore, s'efforcent, après avoir rongé leur coque, de dégager leurs têtes: transférées trop tôt, elles périraient.

Si un essaim s'élève subitement en l'air, effrayez-le en frappant sur un vase d'airain ou de terre : il regagnera la ruche ou se suspendra aux feuillages voisins. Dans ce dernier cas, vous l'attirerez avec la main ou avec une cuiller pour le mettre dans une nouvelle ruche frottée avec les herbes convenables et du miel. Quand il y sera tranquille, le soit, vous placerez la ruche parmi les autres.

Des carreaux à paver et des briques.

VIII. Faites également, ce mois-ci, en plein air, des carreaux à paver et des briques, suivant la méthode que j'ai indiquée.

De quelques expériences faites sur les semences des fruits.

IX. Les Egyptiens, selon les Grecs, s'assurent ainsi de la bonne réussite de toute semence. Ils cultivent, à cette époque, un coin de terre dans un champ laboure et humide, et y sèment toutes les espèces de blés et de légumes sur des planches séparées. Ensuite, au lever de la canicule, que les Romains placent au quatorzième jour des calendes d'août, ils examinent les semences qu'elle brûle et celles qu'elle épargne. Ils négligent les premières et cultivent les secondes, parce que la constellation dévorante, en étouffant les unes et en ménageant les autres, a présagé le bon ou le mauvais succès qui les attend l'année suivante.

De l'huile de camomille.

X. Quand la camomille est en fleur, arrachez-en la corolle blanche pour n'en conserver que les étamines d'or, et faites-en infuser une once par litre d'huile; puis laissez cette infusion exposée au soleil pendant quarante Jours.

De la fleur de la vigne sauvage.

XI. Cueillez les raisins sauvages lorsqu'ils sont en fleur et quand la rosée a disparu; étendez-les au soleil pour que toute leur humidité s'évapore, et que la fleur desséchée se détache plus aisément. Ensuite passez-les par un petit crible à trous assez serrés pour arrêter les graines, et ne laissez tomber que la fleur. Vous conserverez cette fleur infusée dans du miel, et, lorsqu'elle y aura été confite pendant trente jours, vous la préparerez de la même manière et avec les mêmes ingrédients que le vin rosat.

De l'orge grillée.

XII. Bottelez de l'orge à demi mûre qui n'ait pas entièrement perdu sa couleur verte, et faites-la griller dans un four pour qu'on puisse aisément la moudre. Pendant qu'on la moudra, vous mêlerez par boisseau une certaine quantité de sel, et vous la conserverez pour l'usage.

Des heures.

XIII. Les mois de juin et de juillet se ressemblent pour la durée des heures.

 

Ie

et

XIe

heures

XXII

pieds

IIe

et

Xe

heures

XII

pieds

IIIe

et

IXe

heures

VIII

pieds

IVe

et

VIIIe

heures

V

pieds

Ve·

et

VIIe

heures

III

pieds

VIe

 

 

heure

II

pieds.