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Palladius

 L'économie rurale de Palladius Rutilius Taurus Aemilianus 
trad. nouvelle par M. Cabaret-Dupaty,...
C. L. F. Panckoucke, 1843. 
Bibliothèque latine-française. Seconde série

 L'économie rurale

DE L'ÉCONOMIE RURALE

LIVRE II.

JANVIER.

 

Du déchaussement des vignes.

I. Au mois de janvier on déchausse les vignes dans les climats tempérés : c'est ce que les Latins appellent excodicare. Cette opération consiste à creuser avec soin la terre, à l'aide de la houe, autour de la souche, et à y pratiquer des espèces de fosses bien nettes, afin que la chaleur dit soleil et la pluie excitent la sève.

Du soin qu'exigent les prairies.

II. Dans les lieux exposés au soleil, maigres ou arides, nettoyez déjà les prairies, et garantissez-les des troupeaux.

Du labourage.

III. Les terres grasses et sèches peuvent déjà recevoir le premier labour et les premiers apprêts. Attelez plutôt les boeufs par le cou que par la tête. Lorsqu'ils achèveront un sillon, le laboureur les retiendra et poussera le joug en avant pour soulager leurs cous. Les sillons ne doivent pas avoir plus de cent vingt pieds de long. Ayez soin de ne pas laisser entre eux de terre intacte. Vous briserez toutes les mottes avec la houe. Pour reconnaître si la terre a été également remuée partout, étendez sur les sillons une perche transversale : cette épreuve souvent répétée préviendra la négligence des bouviers.

Gardez-vous de labourer un champ bourbeux, ou, ce qui arrive souvent, un champ humecté d'une pluie légère après de longues sécheresses ; car une terre bourbeuse, remuée au commencement de ce mois, ne peut plus, dit-on, être travaillée de toute l'année ; et l'on assure qu'un terrain, légèrement imbibé à la surface et sec à l'intérieur, ne produit rien de trois ans, si on le laboure à cette époque. Labourez donc une terre modérément humectée, qui ne soit ni bourbeuse ni aride. Si vous cultivez une colline, les sillons couperont horizontalement le terrain, et ils devront être ainsi disposés lorsque vous leur confierez la semence.

De l'orge de Galatie.

IV. Si l'hiver a été doux, semez, dans les climats tempérés, vers les ides de janvier, de l'orge de Galatie. C'est un grain blanc et lourd. Il en faut huit boisseaux pour un arpent.

De la gesse.

V. Semez, dans ce mois, de la gesse dans un terrain gras, sous un ciel humide. Il en faut trois boisseaux pour un arpent. Mais cette semence réussit rarement, parce que le vent du sud ou la sécheresse lui est presque toujours funeste à l'époque de la floraison.

De la vesce.

VI. On sème, à la fin de ce mois, la vesce qu'on ne veut pas couper en fourrage, mais récolter en graine. Six boisseaux couvrent un arpent. On la sèmera dans une terre labourée, après la seconde ou troisième heure du jour, quand la rosée, qui lui est essentiellement nuisible, aura disparu ; mais il faudra la couvrir avant la nuit. Si elle restait. découverte, l'humidité de la nuit la pourrirait. Vous prendrez barde de ne pas la semer avant le vingt-cinquième jour de la lune, car alors les limaçons lui font la guerre.

Du fenugrec.

VII. Nous semons en Italie le fenugrec pour le récolter en graine, à la fin du mois de janvier, vers les calendes de février. Six boisseaux suffisent pour un arpent. Les sillons doivent être plus larges que profonds ; car, s'ils ont plus de quatre doigts de profondeur, le fenugrec vient difficilement. Aussi quelques-uns ne le sèment qu'après avoir labouré avec les plus petites charrues, et le couvrent aussitôt avec des sarcloirs.

De l'ers.

VIII. On peut aussi semer l'ers, à la fin de ce mois, dans un terrain sec et maigre. Il faut cinq boisseaux de semence par arpent.

Du sarclage des blés et des légumes.

IX. Profitez, pendant ce mois, des jours secs et sereins où il n'y a point de gelée blanche, pour sarcler les blés. La plupart des auteurs prétendent que c'est une opération dont il faut s'abstenir, parce qu'elle découvre ou coupe les racines des blés, et qu'ils périssent aux premiers froids ; pour moi, il me semble qu'on ne doit l'appliquer duaux terrains couverts de mauvaises herbes. On sarcle le blé et le froment quand ils ont quatre feuilles ; l'orge, quand elle en a cinq ; les fèves et les légumes, lorsqu'ils s'élèvent de quatre doigts au-dessus du sol. Le lupin, qui n'a qu'une racine, périt si on le sarcle ; au reste, il n'exige pas ce soin, parce qu'il fait mourir les herbes sans le secours du cultivateur. Sarclée deux fois, la fève profite et donne en abondance des fruits d'une grosseur telle, que, lorsqu'ils sont concassés, il n'en faut guère plus pour remplir un boisseau que lorsqu'ils sont entiers.  En sarclant les céréales, l'orge surtout, quand elles sont sèches, on les préserve un peu de la rouille.

Des diverses façons à donner aux terres.

X. C'est à présent l'époque où l'on façonne la terre. On s'y prend de trois manières différentes : ou l'on remue le sol entier, ou on le sillonne de tranchées, ou l'on y creuse des fosses. Si le terrain est en friche, remuez-le tout entier, afin de le débarrasser des troncs d'arbres sauvages et des racines de fougère, ou des mauvaises herbes ; s'il est libre, façonnez-le à l'aide de fosses ou de tranchées : préférez pourtant les tranchées, parce qu'elles transmettent l'humidité à tout le terrain remué. Elles auront la longueur que vous donnerez aux planches, deux pieds et demi ou trois pieds de largeur. Deux journaliers y travailleront parallèlement avec des hoyaux, en se réglant sur un cordeau, et les creuseront à la profondeur de trois pieds ou de deux pieds et demi. Si le vignoble est cultivé à main d'homme, on laisse intact un espace égal à celui qu'on laboure, et l'on fait une autre tranchée ; mais s'il est sillonné par la charrue, on laisse entre chaque tranchée un intervalle de cinq ou six pieds sans le remuer.

Si vous aimez mieux pratiquer des fosses, elles devront avoir trois pieds de profondeur, deux pieds et demi de largeur, et trois pieds de longueur. Que les vignobles soient cultivés à main d'homme ou avec des bœufs, observez entre les fosses la même distance que nous avons prescrite pour les tranchées. Mais afin que les ceps ne souffrent point du froid, ne donnez pas aux fosses plus de trois pieds de profondeur. Les côtés en seront égaux, parce (que si la souche croissait obliquement, l'ouvrier pourrait la blesser en poussant ses outils trop avant dans la terre.

Le sol que vous remuerez en entier, sera partout creusé à la profondeur de trois pieds ou de deux pieds et demi.  

Vous prendrez garde que l'ouvrier n'en dérobe à vos yeux, par une fraude secrète, une partie non cultivée. En conséquence un surveillant sondera de temps en temps le terrain avec une baguette où sera marquée la profondeur prescrite. Il fera reporter à la surface toutes les racines, tous les détritus, particulièrement des ronces et des fougères. Ces soins regardent toutes les expositions et tous les climats.

Des planches de vignes.

XI. Quant aux planches, le propriétaire consultera son goût ou la nature du terrain. Elles auront un arpent entier, ou un demi-arpent, ou seront quartaines, c'est-à-dire que leur carré fera un quart d'arpent.

De la mesure des terres façonnées.

XII. Voici la mesure de terre façonnée que contiendra la planche carrée d'un arpent entier. Chacun de ses côtés aura cent quatre-vingts pieds de longueur, qui, multipliés l'un par l'autre, donneront une superficie de trois cent vingt-quatre perches carrées de dix pieds chacune. Vous estimerez, d'après ce calcul, tous les terrains que vous voudrez façonner, puisque dix-huit perches de dix pieds chacune, multipliées par dix-huit, en donneront trois cent vingt-quatre. Cet exemple vous apprendra à mesurer une surface plus ou moins grande.

De la nature du sol qu'on doit planter en vignes.

XIII. Un terrain destiné aux vignes doit être plutôt léger que compacte, et plutôt gras que maigre; il ne sera ni plat, ni escarpé, ni sec, ni marécageux ; ce sera plutôt une plaine, élevée et un peu humide ; il n'aura ni sel ni amertume, ce qui pourrait donner au vin un goût désagréable. Il lui faut une température moyenne, plus chaude cependant que froide, et plutôt sèche que pluvieuse. La vigne redoute avant tout les vents et les orages.
Choisissez, pour le façonner, un terrain inculte ou hérissé de broussailles. Le pire de tous est celui d'un vieux vignoble. Si vous êtes réduit à cultiver un sol de cette espèce, travaillez-le d'abord par de nombreux labours, afin d'extirper les racines des vieilles souches, et d'enlever les détritus et les débris qu'elles y auront déposés vous pourrez alors, avec plus de sûreté, y planter de jeunes ceps. Ramollis par la gelée et par le soleil, le tuf et les autres parties dures produisent de très-belles vignes, parce qu'en été ils en rafraîchissent les racines et retiennent l'humidité. Un terrain sablonneux, rocailleux ou pierreux (pourvu qu'il soit entremêlé de mottes grasses, pu bien un terrain siliceux, toujours frais et toujours humide, garantit en été les racines de la sécheresse. J'en dirai autant des lieux oit la terre s'éboule des hauteurs voisines, ou des vallées engraissées par les dépôts des rivières, pourvu toutefois qu'ils ne puissent être endommagés ni par la gelée ni par les brouillards.

La terre argileuse convient à la vigne, mais l'argile pure lui est très nuisible, ainsi que les autres choses que j'ai indiquées dans les préceptes généraux. Il y est dit que les terrains qui produisent de misérables ceps sont les terrains marécageux, salés, amers, desséchés et arides.

Le sable noir et le sable rouge sont bons, pourvu qu'ils soient mêlés de terre forte. Le carboncle, à moins d'être fumé  rend les vignes maigres. Elles prennent plus difficilement dans la terre rouge, quoique, par la suite, elles y trouvent des aliments; mais ce sol n'aime pas qu'on le travaille, parce que la moindre humidité le ramollit, ou qu'il se durcit au soleil. Le meilleur terrain est celui qui tient un juste milieu entre tous les excès, et qui est plutôt léger que compacte. 

Dans les pays froids, exposez vos vignes au midi ; dans les pays chauds, au nord ; dans les pays tempérés, au levant, pourvu que le canton ne soit point battu par les vents d'est ou du sud ; car, dans ce dernier cas, il vaut mieux les exposer au nord ou à l'ouest.

Dégagez d'abord de tout embarras, de tout débris d'arbres, le terrain que vous voulez façonner, de peur qu'après le labour il ne se raffermisse par de fréquentes allées et venues. S'il est plat, vous le remuerez à la profondeur de deux pieds et demi ; s'il est en pente, à trois pieds ; si c'est une colline escarpée, à quatre pieds, pour prévenir les éboulements subits ; si c'est un vallon, deux pieds suffiront. Un sol marécageux, tel que celui de Ravenne, d'où l'eau jaillit si on le creuse à une trop grande profondeur, ne demande qu'un pied et demi de défoncement. Une longue expérience m'a appris que la vigne a réussit mieux lorsqu'on la plante immédiatement après le labour, ou peu de temps avant que la terre ait repris son niveau et sa dureté. J'ai fait la même remarque à l'égard des tranchées et des fosses, surtout dans les terrains médiocres.

De la laitue, du cresson, de la roquette, des choux et de l'ail.

XIV. Semez la laitue au mois de janvier ou de décembre, pour la transplanter au mois de février. On la sème aussi en février, afin de pouvoir la transplanter en avril. Il est certain qu'on peut très bien la semer dans tout le cours de l'année, si le terrain est gras, fumé et entrecoupé d'eaux vives. Avant de la planter, coupez-en les racines également, et enduisez-les de fumier liquide. Quant à celle qui est déjà plantée, mettez les racines à nu pour les couvrir de fumier. Cette plante aime un terrain bêché, gras, humide et fumé. Arrachez avec la main, et non avec le sarcloir, les herbes qui croissent entre les laitues. Ces dernières acquièrent plus de volume lorsqu'on les espace suffisamment, ou qu'après en avoir rasé la tige, dès qu'elles commencent à s'élever, on les charge d'une motte ou d'une tuile. On les fait blanchir, dit-on, en jetant souvent dans leur cœur du sable de rivière ou de mer, et en liant leurs feuilles. Si, par un vice du sol, de la température ou de la graine, les laitues durcissent promptement, transplantez-les, et elles deviendront tendres.

La laitue vient au milieu de plusieurs semences. Percez légèrement avec une alène une crotte de chèvre ; mettez-y de la graine de laitue, de cresson, de basilic, de roquette et de raifort ; enveloppez cette crotte de fumier, et déposez-la, au fond d'un trou, dans un terrain bien cultivé. Le raifort se portera vers la racine ; les autres sentences s'élanceront en haut, et la laitue, suivant la direction du raifort, conservera le goût de chacune d'elles. D'autres arrivent au même résultat de la manière suivante : ils arrachent une laitue, enlèvent les feuilles adhérentes à ses racines, puis la piquent avec un scion à l'endroit que les feuilles occupaient, y déposent les graines désignées, excepté celle du raifort, et les enduisent de fumier. Ils replantent alors la laitue, et les tiges que produisent les graines l'enveloppent de toutes parts. [La laitue est ainsi appelée parce qu'elle contient une grande quantité de lait.]

On sème le cresson dans ce mois comme en tout autre temps, n'importe en quel endroit et dans quel climat. Il n'a pas besoin de fumier ; quoiqu'il aime l'eau, il peut s'en passer. Semé avec la laitue, il vient, dit-on, parfaitement. Maintenant, comme en tout autre mois et en quelque lieu que ce soit, n'oubliez pas de semer la roquette. Vous pouvez aussi semer les choux dans ce mois et pendant toute l'année ; mais il vaut mieux le faire dans les mois que nous avons désignés. On sème également bien, ce mois-ci, l'ail ordinaire et l'ail d'Afrique ; mais l'ail ordinaire réussit mieux dans une terre blanche. 

Des arbres fruitiers.

XV. On sème très bien les cormes aux mois de janvier, de février et de mars dans les pays froids, et aux mois d'octobre et de novembre dans les pays chauds ; elles viennent si heureusement, que les fruits mûrissent d'eux-mêmes dans la pépinière. Je me suis assuré qu'un grand nombre d'arbres, sans avoir été plantés par la main de l'homme, sont devenus très gros et ont produit beaucoup de fruits. On peut planter les cormiers en pied dans les pays chauds au mois de novembre, dans les pays tempérés au mois de janvier ou de février, et dans les pays froids vers la fin de mars. Ils aiment un sol montagneux, très gras, humide et presque froid. Le terrain sera infailliblement bon s'ils y naissent en foule. Transportez-les en pied quand ils sont forts. Ils veulent des fosses profondes, et doivent être séparés par de larges intervalles, pour grandir au souffle réitéré des vents, qui leur sont très favorables.

Le cormier est-il infesté par des vermisseaux roux et velus qui en veulent ordinairement à la moelle, enlevez-en quelques-uns de l'arbre sans l'endommager, et faites-les brûler dans le voisinage : cette opération, dit-on, les chasse ou les tue. Commence-t-il à devenir stérile, enfoncez dans ses racines un coin de sapin, ou creusez à l'entour une fosse que vous comblerez de cendres. C'est au mois d'avril qu'on le greffe sur le tronc ou entre l'écorce, sur lui-même, sur le cognassier et sur l'aubépine.

Voici la manière de conserver les cormes. On les cueille dures, et on les serre ; quand elles commencent à mûrir, on en remplit des cruchons d'argile que l'on coiffe de plâtre ; on les enfouit, l'orifice en bas, dans une fosse de deux pieds, en un lieu sec et exposé au soleil, et l'on presse fortement la terre par-dessus. On les fait également sécher au soleil, coupées par quartiers, et on les conserve dans des bocaux pour l'hiver. Lorsqu'on veut les manger, on les attendrit dans l'eau bouillante, où elles reprennent leur fraîcheur et leur goût agréable. Quelques-uns les cueillent vertes avec leurs queues, et les suspendent à l'ombre dans un lieu sec. On obtient aussi, dit-on, du vin et du vinaigre des cormes mûres, comme des poires. D'autres assurent que l'on peut conserver longtemps des cormes dans du sapa.

L'amande se sème aux mois de janvier et de février, et, dans les pays chauds, aux mois d'octobre et de novembre, tant en nature qu'en rejetons pris à la racine d'un grand amandier ; mais le mieux, pour cette espèce d'arbre, est d'en faire des pépinières. On creuse donc le sol d'un pied et demi, et l'on y dépose des amandes, en les couvrant tout au plus de quatre doigts de terre ; elles devront avoir la pointe en bas, et être séparées de deux pieds l'une de l'autre. Les amandiers aiment un terrain dur, sec, pierreux, et un climat très chaud, parce qu'ils fleurissent de bonne heure. Ils doivent être placés de manière à regarder le midi. Lorsqu'ils auront crû dans la pépinière, on y laissera le nombre de pieds suffisant pour le terrain, et on transplantera les autres au mois de février. On choisira, pour les mettre en terre, des amandes nouvelles et d'une belle grosseur ; avant de les y déposer, on les fera tremper, la veille, dans un léger hydromel, de peur que l'âcreté causée par la trop grande quantité de miel ne tue le germe. D'autres les attendrissent dans du fumier liquide pendant trois jours ; ensuite ils les laissent un jour et une nuit dans de l'eau tant soit peu miellée.

Quand vous aurez disposé des amandes dans une pépinière, s'il survient une sécheresse, arrosez-les trois fois par mois, et débarrassez-les souvent des herbes qui poussent en creusant à l'entour. La terre de la pépinière doit être mêlée de fumier. Il suffira de laisser vingt ou vingt-cinq pieds entre les arbres. On les taille au mois de novembre pour les débarrasser des branches superflues, sèches et drues. Garantissez-les des troupeaux ; leurs morsures rendent les fruits amers. Ne les bêchez point quand ils fleurissent ; vous en feriez tomber la fleur. Vieux, ils rapportent davantage. S'ils ne sont pas fertiles, percez la racine, et plantez-y un coin de sapin, ou enfoncez-y un caillou que l'écorce puisse recouvrir.
Voici, suivant Martialis, la manière de les préserver des gelées blanches dans les pays froids. On en découvre les racines avant la floraison ; on entasse à l'entour de très petites pierres blanches, mêlées de sable, que l'on déterre vers l'époque de la germination. Suivant cet auteur, l'amandier donnera des fruits tendres, si l'on en déchausse les racines avant la floraison, pour les arroser d'eau chaude pendant quelques jours. On rend douces les amandes amères, soit en bêchant au pied de l'arbre, et en pratiquant à la racine une ouverture de trois doigts par laquelle filtreront les humeurs nuisibles, soit en perçant le milieu du tronc, et en y enfonçant un coin de bois enduit de miel, soit en répandant de la fiente de porc autour des racines.

Les amandes avertissent du moment où il faut les cueillir ; c'est lorsqu'elles s'écalent. Elles se conservent longtemps sans aucun soin. Si leur écale se détache difficilement, elle se relâchera aussitôt dans la paille. Quand elles sont écalées, si on les lave dans de l'eau de mer ou dans de l'eau salée, elles blanchissent et se conservent très longtemps.

On greffe les amandiers vers le mois de décembre ou les ides de janvier, et, dans les pays froids, même au mois de février, pourvu qu'ils soient entés avant la germination. Les meilleurs scions se prennent à la cime. On les greffe et sous l'écorce et sur le tronc, tant sur l'arbre même que sur les pêchers. Suivant les Grecs, pour avoir des amandes qui portent des caractères, on ouvre la coquille, on enlève l'amande intacte, et l'on écrit dessus ce qu'on veut ; puis on la remet à sa place, enduite de boue et de fiente de porc.
On sème les noix à la fin de janvier ou en février. Les noyers aiment les pays montagneux, humides, froids et surtout pierreux ; on peut néanmoins, avec le secours de l'eau, en élever aussi dans les climats tempérés . La noix se sème comme l'amande, et dans les mêmes mois. Mais, quand on veut la semer en novembre, on la fait sécher quelque temps au soleil, pour la délivrer de l'humidité qui lui nuirait. On trempera, la veille, dans de l'eau pure celles qu'on devra semer en janvier ou en février. On les placera en travers, de sorte que leur flanc, c'est-à-dire l'arête, soit engagée dans la terre, et l'on dirigera la pointe vers le nord. On mettra dessous une pierre ou une tuile, afin que la racine, au lieu d'être simple, s'épanouisse en se repliant.

Transplanté souvent, le noyer devient plus beau. Dans les pays froids, on le transplante à l'âge de deux ans, et, dans les pays chauds, à l'âge de trois ans. On ne doit pas couper les racines des rejetons comme on le fait aux autres arbres. Il est bon de frotter le pied de bouse ; mais il vaut mieux répandre des cendres dans les fosses pour empêcher la chaleur du fumier de le brûler, parce que les cendres attendrissent, dit-ou, l'écorce du noyer, et lui font donner plus de fruits. Cet arbre se plaît dans les fosses profondes à cause de sa hauteur, et doit être planté à de grandes distances, parce que l'eau qui dégoutte de ses feuilles nuit à ceux qui l'avoisinent, même à ceux de son espèce. Il faut de temps en temps remuer la terre autour du tronc pour qu'il ne se creuse pas en vieillissant. S'il vient à se pourrir, vous pratiquerez, du haut du tronc jusqu'en bas, une longue gouttière : le soleil et le vent durciront ainsi les parties qui commençaient à se carier. Un noyer est-il dur ou noueux, pour détourner l'humeur vicieuse, coupez-en l'écorce tout autour. Quelques-uns rasent l'extrémité des racines ; d'autres percent la racine et y enfoncent, soit une cheville de buis, soit un clou de cuivre ou de fer.

Voulez-vous faire des noyers de Tarente, n'enterrez dans votre pépinière que la chair de la noix, enveloppée de laine à cause des fourmis. Pour changer en un arbre de cette espèce un noyer qui porte déjà des fruits, arrosez-le toute une année, trois fois par mois, avec de l'eau de lessive.

Quand le brou se détache, c'est une preuve que la noix est mûre et bonne à être semée. On conserve les noix dans la paille, dans le sable, dans des feuilles sèches de noyer, dans une caisse de bois provenant du même arbre, ou en les mêlant avec des oignons, que par compensation elles dépouillent de leur âcreté. Martialis assure et prétend avoir éprouvé lui-même que, si l'on plonge dans le miel des noix vertes sans écales, elles sont encore vertes au bout d'un an, et que ce miel acquiert des vertus médicinales, au point que, pris en potion, il guérit les affections des artères et de la gorge. Suivant un grand nombre d'auteurs, le noyer se greffe au mois de février sur l'arbousier ; mais, selon d'autres, on réussit mieux lorsqu'on le greffe sur lui-même ou sur le prunier, et qu'on opère sur le tronc.

C'est dans ce mois qu'on greffe le jujubier sur le cognassier. C'est maintenant aussi qu'on sème les noyaux de pêches dans les climats tempérés. Le pêcher se greffe sur lui-même, sur l'amandier et sur le prunier. Le prunier reçoit la greffe de l'abricotier et des autres arbres précoces. C'est de même à présent qu'il faut greffer le prunier, avant qu'il jette sa gomme, sur lui-même ou sur le pêcher. Il est également à propos de greffer le cerisier sauvage. 

De quelques usages.

XVI. C'est dans ce mois, comme le dit Columelle, qu'il convient de marquer les agneaux assez forts, ainsi que tous les bestiaux, grands et petits, de saler les hérissons, de confire les raves, de faire le lard et les jambons.

De l'huile de myrte.

XVII. Vous ferez ce mois-ci de l'huile avec des baies de myrte de la manière suivante. Mettez, par livre d'huile, une once de feuilles de myrte, et, par dix onces de ces dernières, une hémine de vieux vin astringent. Faites bouillir les feuilles avec l'huile, en ayant soin de les arroser de vin pour qu'elles ne brillent pas avant d'être cuits.

Du vin de myrte

XVIII. Vous ferez encore de la manière suivante, du vin de myrte avec les mêmes baies. Mettez sur dix setiers de vin vieux (mesure de ville) trois setiers de graine de myrte concassée (même mesure), et laissez-les infuser pendant dix-neuf jours. Ensuite passez cette graine en l'exprimant, et jetez dans le vin un demi-scrupule de safran avec un scrupule de feuilles de cette plante ; puis adoucissez le tout avec dix livres d'excellent miel.

De l'huile de laurier.

XIX. Vous obtiendrez également de l'huile avec des baies de laurier de la manière suivante. Faites bouillir dans l'eau une grande quantité de baies de laurier bien mûres ; et, quand elles auront bouilli longtemps, vous transvaserez légèrement avec des plumes la couche d'huile qui surnagera.

De l'huile de lentisque.

XX. C'est aussi le temps de faire de l'huile de lentisque ; voici comment. Ramassez une grande quantité de graines de lentisques mûres, et laissez-les entassées pendant un joui, et une nuit; ensuite posez sur un vase quelconque une corbeille remplie de cette graine, et, après y avoir répandu de l'eau chaude, pressez-la ; puis recueillez l'huile de lentisque qui surnagera, comme on le fait pour l'huile de laurier. Souvenez-vous de verser fréquemment de l'eau chaude pour que l'huile ne se fige pas.

De la ponte des poules.

XXI. Les poules reprennent leur fécondité ce mois-ci, après s'être reposées pendant l'hiver, et l'on commence à leur faire couver des oeufs pour avoir des poussins à élever.

De la coupe des bois.

XXII. Coupez encore dans ce mois-ci le bois de construction, au déclin de la lune, et faites des échalas ou des pieux.

Des heures.

XXIII. Ce mois s'accorde avec le mois de décembre pour la durée des heures. Voici le tableau de leurs mesures.

Ie et XIe heures XXIX pieds
IIe et Xe heures XIX pieds
IIIe et IXe heures XV pieds
IVe et VIIIe heures XII pieds
Ve et VIIe heures X pieds
VIe Heure IX pieds.