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Palladius

 L'économie rurale de Palladius Rutilius Taurus Aemilianus 
trad. nouvelle par M. Cabaret-Dupaty,...
C. L. F. Panckoucke, 1843. 
Bibliothèque latine-française. Seconde série


 L'économie rurale

 

NOTICE SUR PALLADIUS.

 

L'AGRICULTURE a exercé non seulement les plus grands héros, mais encore les plus grands écrivains de l'antiquité. Parmi les Grecs, Hésiode, qui vivait un siècle après la guerre de Troie, a écrit un poème sur l'agriculture ; Démocrite, Xénophon, Aristote, Théophraste, en ont traité en prose. Parmi les Romains, Caton, le fameux censeur, a composé un ouvrage sur l'économie rurale, et a été imité par le savant Varron. Caton écrit comme un vieux cultivateur plein d'expérience : ses ouvrages abondent en maximes ; il entremêle, comme Hésiode, aux leçons d'agriculture des préceptes de morale. Varron montre dans ses écrits plus de théorie que de pratique. Il se livre à des recherches sur l'antiquité, remonte à l'étymologie des mots, et nous lui devons un catalogue des auteurs qui ont écrit avant lui sur la culture des champs. Les Géorgiques de Virgile tiennent, sans contredit, le premier rang, même indépendamment des beautés de la diction. L'ouvrage de Columelle est le plus considérable que les anciens nous aient laissé sur l'agronomie. Il se distingue par l'élégance et la pureté du style. Si on peut lui faire un reproche, c'est d'être trop recherché pour la matière qu'il traite.

Palladius Rutilius Taurus Aemilianus est le dernier parmi les écrivains latins qui se sont occupés de l'agriculture. Son ouvrage, intitulé De Re rustica, renferme des extraits d'auteurs anciens, surtout de Columelle, qui s'y trouve quelquefois littéralement reproduit. Cependant, à l'exception de l'olivier, Palladius traite d'une manière plus exacte que son modèle la partie des arbres fruitiers et des jardins potagers qu'il a puisée dans les oeuvres de Gargilius Martialis. Les méthodes qu'il donne pour conserver les fruits et le vin sont tirées des Géoponiques grecs, dont il avait un exemplaire beaucoup plus étendu que l'abrégé que nous possédons.

L'Économie rurale de Palladius est divisée en quatorze livres. Le premier renferme une introduction générale; chacun des douze suivants porte le nom d'un des mois de l'année, et enseigne les travaux propres à chaque saison. Ainsi que Columelle avait, dans son dixième livre, chanté en vers hexamètres l'art de cultiver les jardins, Palladius a fait de son quatorzième livre un poème didactique, en vers élégiaques, sur la Greffe des arbres.

Dès le début de son traité, l'auteur paraît vouloir blâmer Columelle d'avoir enrichi son ouvrage de descriptions agréables, et de l'avoir orné d'une diction élégante et fleurie. Mais il n'a pas su toujours se dérober lui-même â ce reproche flatteur. Habituellement sévère et concis, il n'est pas à l'abri de la recherche et de l'affectation. Il semble se plier difficilement à l'exactitude austère et aride des préceptes ; son imagination se trahit et se révèle quelquefois à son insu, malgré les efforts qu'il fait pour la contenir. C'est que Palladius est réellement né poète : son petit poème sur la Greffe en est une preuve. Il est impossible de pousser plus loin le travail ingénieux de l'expression, et de relever les plus petites choses par un coloris plus vif et plus varié. On s'étonne que, dans un sujet aussi constamment uniforme, il ait déployé tant de souplesse pour mettre en vers une opération qui se pratique à peu près de même sur chaque espèce d'arbres. Il est vrai de dire aussi que, pour paraître neuf et original, il entasse trop d'images et de métaphores, et qu'à force d'esprit il devient souvent obscur et maniéré.

Les érudits ne s'accordent point sur le temps où Palladius a vécu. Les uns le placent au commencement du second siècle, les autres à la fin du quatrième. Quelques-uns croient que c'est le parent dont le poète Rutilius parle dans son Itinéraire ; d'autres ont remarqué que ce dernier était un jeune Gaulois envoyé par son père dans la capitale de l'empire, pour y étudier le droit, tandis que l'agronome avait des possessions en Italie et en Sardaigne. Ils ajoutent qu'on ne trouve pas le nom de ce Palladius parmi ceux des préfets et des autres magistrats suprêmes de la première moitié du cinquième siècle, tandis que le titre de vir illustris que porte notre agronome dans les manuscrits, indique qu'il a été revêtu de quelque haute dignité.

Wernsdorff a tenté une autre voie pour trouver le siècle de Palladius. Le quatorzième livre de son ouvrage étant dédié à un certain Pasiphile, il s'agit de découvrir l'époque où a vécu celui-ci qu'il appelle un homme savant, et dont il loue la fidélité, ornatus fidei. Ammien Marcellin, en parlant de la conspiration contre Valens, qui fut découverte en 371, raconte que le proconsul Eutrope, qui était parmi les accusés, fut sauvé par le courage du philosophe Pasiphile, auquel les tortures ne purent arracher une dénonciation.

Ces circonstances motivent l'épithète que Palladius donne à son ami ; et si celui-ci est le même Pasiphile qui, en 395, fut gouverneur d'une province, comme on le voit par une loi du code Théodosien, on peut supposer que le quatorzième livre de Palladius, où il n'est pas fait allusion à cette dignité, a été écrit entre les années 371 et 395. Il est vrai que, parmi les magistrats de cette époque, on ne trouve pas d'autre Palladius que celui qui, en 381, fut maître des offices, magister officiorum. Mais celui-ci habitait Constantinople, et non l'Italie. A cette observation on peut répondre en disant qu'il n'est pas bien sûr que le nom de famille de notre agronome fût Palladius ; que Cassiodore et Isidore de Séville l'appellent Aemilianus, et qu'il faudrait peut-être le chercher parmi les personnages de ce nom, ou même parmi les Taurus. Ainsi, malgré les recherches des savants, le siècle où a fleuri Palladius reste, comme sa vie, enveloppé d'un voile qui vraisemblablement ne sera jamais levé.

CABARET-DUPATY.