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table des matières de JULIUS OBSEQUENS

 

JULIUS OBSEQUENS.

 

OEUVRE COMPLÈTE

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

 

JULIUS OBSEQUENS.

NOTICE SUR JULIUS OBSEQUENS.

On ne sait rien de la vie de Julius Obsequens. L’époque même en est si incertaine, que quelques auteurs le croient du commencement du premier siècle, tandis que d’autres le font vivre au quatrième. Son nom le place dans la famille Julia, et le fait conséquemment Romain. On ignore d’où lui venait le surnom d’Obsequens.

On ne connaît de cet écrivain que son livre des Prodiges, recueil des faits miraculeux qu’avaient rendus si communs la politique et la religion de Rome, et qui tiennent tant de place dans ses historiens. Mais, crédules ou non, ces historiens ne pouvaient les omettre. Les prodiges, ou ce que l’on appelait de ce nom, avaient souvent l’importance des plus grands faits, et on les consignait à part dans les Annales de Rome, comme le prouvent quelques fragments retrouvés des actes du sénat. Ces contes sont donc entrés dans l'histoire, et ont pu ainsi occuper les esprits les plus graves et les plus éclairés de l’antiquité grecque et latine: Tite-Live, dans sa grande composition; Cicéron, dans son Traité de la Divination; Pline l’Ancien; Sénèque, dans ses Questions naturelles; Plutarque, Dion Cassius, et beaucoup d’autres.

La partie de l’ouvrage d’Obsequens qui comprenait les premiers siècles de Rome a péri. Ce qui nous reste s’étend depuis le consulat de L. Scipion et de C. Lelius jusqu’à celui de P. Fabius et de Q. Elius, c’est-à-dire depuis l’an 562 jusqu’à l’an 741 de Rome. Encore y a-t-il çà et là des lacunes dans cette dernière partie. Les patientes recherches de l’Allemand Lycosthènes ont réparé toutes ces pertes (1552), et refait un corps de cette œuvre mutilée.

Ce petit livre, fort estimé des savants, est généralement écrit dans un style simple et pur, que l’on a jugé digne du siècle d’Auguste. La narration est vive, rapide, dégagée de développements et de réflexions. On a eu raison d’appeler indispensable cet ouvrage, si incomplet qu’il soit aujourd’hui. Au récit des prodiges l’auteur mêle souvent, mais d’une manière toujours concise, des faits historiques, dont plusieurs seraient ignorés sans lui. Il nous fait connaître aussi quelques usages dont aucun autre écrivain n’a parlé.

Les éditions de Julius Obsequens, antérieures à celles que l’on doit à Lycosthènes, sont au nombre de vingt, dont la première (celle des Aldes), imprimée à Venise(1508), est aussi la seule qui ait été faite sur un manuscrit. Les éditions postérieures sont au nombre de sept. Les savants commentaires et les leçons ingénieuses de J. Scheffer (1720) et de Fr. Oudendorp (1772) ont, dans beaucoup d’endroits, éclairci et amélioré le texte.

Lycosthènes est le premier qui, après avoir rempli les lacunes de J. Obsequens, en ait donné une édition séparée. Jusque-là, cet auteur n’avait été publié qu’avec la vie des hommes illustres d’Aurélius Victor, ouvrage alors attribué à Pline, ou avec les lettres de ce dernier, ou à la suite des grammairiens et rhéteurs célèbres de Suétone, ou enfin avec Eutrope et Messala Corvinus.

La place de Julius Obsequens était marquée à la suite de Valère Maxime, qui a consacré presque un livre de son ouvrage au récit des prodiges. C’est ainsi qu’il a été classé dans l’édition Lemaire, où le savant M. Base en a donné (1823) une édition qui restera la meilleure jusqu’à la découverte de nouveaux manuscrits. Nous reproduisons ici cette édition, moins les suppléments de Lycosthènes, extraits en grande partie de Tite-Live, et qui feraient inutilement répétition.

Ce court travail eût comporté des notes presque à chaque phrase; le lecteur s’en apercevra. Il a fallu traduire d’après un texte souvent controversé, parfois obscur, et, dans certains passages, inintelligible, de l’aveu même des meilleurs interprètes: c’est dire assez qu’il a fallu quelquefois deviner. L’orthographe des noms propres n’est pas toujours exacte. Les erreurs géographiques et historiques ne sont pas rares. La distribution des années est loin de s’accorder partout avec les fastes consulaires. De là, que de notes pour expliquer, éclaircir, rectifier, qui eussent peut-être achevé de tout embrouiller ! On nous pardonnera donc, ou plutôt on nous saura gré de n’en avoir pas écrasé ce petit livre.

Nota. Les chapitres ou articles dont se compose l’ouvrage de Julius Obsequens sont précédés de deux numéros d’ordre: les chiffres romains en indiquent l’ordre primitif, et en font voir les nombreuses lacunes; les chiffres arabes marquent la série de ceux qui ont été conservés.


 

DES PRODIGES.

(LIVRE INCOMPLET.)

LV. (1.) Consulat de L. Scipion et de C. Lelius. (An de R. 562.)

La foudre tomba sur le temple de Junon Lucine, et endommagea le faîte et les portes. Dans des contrées voisines, plusieurs édifices furent aussi frappés par le feu du ciel. A Nursie, par un temps serein, il éclata une tempête qui tua deux hommes. A Tusculum, il plut de la terre. A Réate, une mule mit bas. Des supplications furent adressées aux dieux par dix jeunes garçons et autant de jeunes filles, ayant tous leur père et leur mère.

LVI. (2.) Consulat de M. Messala et de C. Livius. (An de R. 64.)

Entre la troisième et la quatrième heure du jour, Rome fut tout à coup plongée dans les ténèbres. Il tomba sur l’Aventin une pluie de pierres, pour laquelle on fit le sacrifice novendial.[1] On combattit avec succès en Espagne. Le sacrifice novendial fut ordonné, pour une pluie de pierres tombée dans le Picenum. On vit dans beaucoup d’endroits des feux célestes, dont la flamme légère brûla les vêtements de plusieurs personnes. Le temple de Jupiter, au Capitole, fut frappé de la foudre. Un hermaphrodite d’environ douze ans, né en Ombrie, fut mis à mort par l’ordre des aruspices. Les Gaulois, qui avaient passé les Alpes et s’étaient avancés en Italie sans combattre, en furent chassés.

LIX. (3.) Consulat de M. Claudius et de Q. Fabius Labéon. (An de R. 569.)

Sur la place de Vulcain et sur celle de la Concorde, il plut du sang pendant deux jours. Près de la Sicile, une île nouvelle surgit de la mer. Annibal périt en Bithynie par le poison. Soumission des Celtibères.

LX. (4.) Consulat de L. Emilius Paulus et de Cn. Bebius Pamphilus. (An de R. 570.)

Un ouragan furieux fit de grands ravages dans Rome: il abattit des statues d’airain au Capitole; il en renversa d’autres, avec leurs piédestaux, dans le grand Cirque; il arracha la toiture de quelques temples et en dispersa au loin les débris. Il naquit, à Béate, un mulet à trois pieds. La foudre tomba sur le temple d’Apollon, à Calète. Il plut du sang sur les places de Vulcain et de la Concorde. Les lances de Mars s’agitèrent. A Lanuvium, la statue de Junon Sospita versa des larmes. Il survint une peste si violente que l’on ne put suffire aux inhumations. Sur l’avis des livres sibyllins, on fit des prières aux dieux, parce qu’il n’était pas tombé d’eau pendant six mois. Les Ligures furent vaincus dans une bataille et exterminés.

LXI. (5.) Consulat de Q. Fulvius et de Cn. Manlius. (An de R. 573.)

Des tempêtes continuelles jetèrent à bas quelques statues au Capitole. La foudre frappa plusieurs monuments à Rome et dans les environs. Pendant le banquet sacré de Jupiter, il y eut un tremblement de terre qui fit retourner les têtes des dieux. Le manteau de laine et les vêtements qui couvraient la statue de ce dieu tombèrent. Des rats vinrent ronger les olives sur la table du festin.

LXII. (6.) Consulat de M. Junius et de Cn. Manlius. (An de R. 574.)

Un incendie endommagea plusieurs édifices autour du forum; mais le temple de Vénus fut consumé sans laisser de traces. Le feu entretenu dans le sanctuaire de Vesta s’éteignit. La vierge qui en avait la garde fut condamnée par le grand pontife M. Emilius au supplice du fouet; elle promit qu’il ne s’éteindrait plus. On ordonna des supplications, et la guerre qu’on faisait en Espagne et dans l’Istrie fut conduite heureusement.

LXIV. (7.) Consulat de C. Claudius et de L. Petellius. (An de R. 576.)

Les victimes que les consuls immolèrent donnèrent un foie qui se pourrit de suite. Cornélius revint du mont Albain[2] paralysé de tous ses membres, et mourut aux eaux de Cumes. Petellius fut tué dans un combat contre les Ligures.

LXV. (8.) Consulat de M. Lépidus et de Q. Muclus. (An de R. 677.)

Une effroyable épidémie, qui frappa les hommes et les bœufs, rendit insuffisant le nombre des Libitinaires; beaucoup de cadavres restèrent sans sépulture, et on ne vit aucun vautour. Les Celtibères furent détruits.

LXX. (9.) Consulat de Q. Emilius Petus et de M. Julius (An de R. 585.)

A Rome, la foudre tomba sur plusieurs édifices tant sacrés que profanes. A Anagnie, il plut de la terre; à Lavinium, on vit dans le ciel une torche ardente; à Calatie, dans un champ de l’Etat, il jaillit du sang de la terre pendant trois jours et deux nuits. Défaite du roi d’Illyrie Gentius et de Persée, roi de Macédoine.

LXXI. (10.) Consulat de M. Marcellus et de P. Sulpitius (An de R. 586.)

Dans plusieurs endroits de la Campanie, il plut de la terre. Il tomba une pluie de sang sur le territoire de Préneste; sur celui de Véies, on vit de la laine pousser aux arbres. A Terracine, dans le temple de Minerve, trois femmes qui, après avoir sacrifié, se tenaient assises, furent tuées par la foudre. Dans le temple de la déesse Libitine, une statue équestre d’airain lança de l’eau par la bouche et par un pied. En Gaule, les Ligures furent massacrés. Pendant que d’ardentes ambitions s’agitaient dans les comices et que le sénat s’était réuni, à ce sujet, au Capitole, un milan, prenant son vol, vint jeter au milieu des sénateurs une belette, qu’il avait enlevée dans la chapelle de Jupiter. Environ à la même époque, le temple de la déesse Salus fut frappé par la foudre. Sur le mont Quirinal, on vit jaillir du sang de la terre. A Lanuvium, on aperçut dans le ciel, pendant la nuit, une torche ardente. La foudre endommagea plusieurs édifices. A Cassinum, on vit le soleil pendant plusieurs heures de la nuit. A Téanum de Sidicium, il naquit un enfant avec quatre mains et autant de pieds. On fit des lustrations dans Rome; la paix régna au dedans et au dehors.

LXXII. (11.) Consulat de Cn. Octavius et T. Manlius. (An de R. 587.)

La peste et la famine causèrent de tels maux, que, d’après les livres sibyllins, le peuple dut se tenir dans les places publiques, auprès des chapelles, toujours prêt à sacrifier. Dans le temple des dieux Pénates, des portes s’ouvrirent d’elles-mêmes pendant la nuit: sur le mont Esquilin et sur le Quirinal, on aperçut en plein midi des loups, qui furent poursuivis et chassés. On fit des lustrations dans la ville, et il n’arriva rien de fâcheux.

LXXIII. (12.) Consulat de T. Gracchus et de M. Juventius. (An de R. 589.)

Le soleil se montra pendant la nuit à Capoue. Sur le territoire de Stellate, la foudre tua en partie un troupeau de moutons. A Terracine, il naquit trois jumeaux attachés ensemble; à Formies, on vit pendant le jour deux soleils; le ciel parut en feu; à Concium, un homme qui regardait dans un miroir fut consumé par la réverbération des rayons solaires. A Gabies, il tomba une pluie de lait; la foudre fit de grands ravages sur le mont Palatin. Un cygne, qui était venu s’abattre sur le temple de la Victoire, s’échappa des mains de ceux qui le prirent. Il naquit, à Priverne, une fille sans mains. A Céphalénie, on aperçut dans le ciel une troupe de musiciens qui chantaient; il plut de la terre. Une violente tempête renversa des maisons et fit de grands ravages dans la campagne. La foudre ne cessa de tomber. On vit pendant la nuit, à Pisaure, briller comme un soleil. A Céré, il naquit un porc ayant des mains et des pieds d’homme; des enfants vinrent au monde avec quatre pieds et quatre mains. Près de la place d’Esium, un bœuf jeta par la gueule des flammes qui ne lui firent aucun mal.

LXXIV. (13.) Consulat de P. Scipion Nasica et de Cn. Manlius. (An de R. 590.)

A Anagnie, le ciel parut en feu, au milieu de la nuit; la foudre causa beaucoup de dégâts. A Frusinone, un bœuf parla. Il naquit, à Réate, un mulet n’ayant que trois pieds. Cn. Octavius, ambassadeur en Syrie, fut tué dans un gymnase, par l’ordre de Lysias, tuteur du jeune Antiochus.

LXXV. (14.) Consulat de L. Lentulus et de Q. Martius. (An de R. 596.)

Une furieuse tempête fit de grands ravages au Capitole, dans le temple de Jupiter et aux alentours. La toiture du grand pont fut jetée dans le Tibre, avec les colonnes qui la soutenaient. Dans le cirque de Flaminius, la galerie construite entre le temple de Junon la Reine et celui de la Fortune fut endommagée par la foudre, et plusieurs édifices environnants furent détruits: un taureau que l’on menait au sacrifice fut tué sous ces ruines. On vainquit les Dalmates Scordisques.

LXXVI. (15.) Consulat de L. Opimius et Q. Postumius. (An de R. 598.)

Comme le consul Postumius, avant de partir pour son gouvernement, faisait un sacrifice, on ne trouva point la partie supérieure du foie dans plusieurs victimes. Il se mit en route, et, sept jours après, fut rapporté malade à Rome, où il mourut. A Consa, l’on vit des armes voler dans le ciel; la foudre détruisit plusieurs choses. Les Gaulois et les Lusitaniens firent essuyer aux Romains de sanglantes défaites.

LXXVII. (16.) Consulat de M. Cla. Marcellus et de L. Valerius Flaccus. (An de R. 600.)

Un violent tourbillon renversa, dans le Champ de Mars, devant le temple de Jupiter, une colonne avec une statue dorée. Les aruspices ayant déclaré que cet événement présageait la mort des magistrats et des prêtres, tous les magistrats résignèrent aussitôt leurs fonctions. Comme il avait plu des pierres à Aride, on ordonna des supplications; il en fut fait aussi, parce qu’à Rome on vit, en beaucoup d’endroits, comme des toges, qui disparaissaient aux yeux de ceux qui s’approchaient. On fit la guerre en Lusitanie avec des chances diverses, en Gaule avec succès.

LXXVIII. (17.) Consulat de Spurius Postumius et de L. Pison (An de R. 604.)

Il éclata dans Rome un immense incendie, qui consuma jusqu’au palais des rois. La chapelle et l’un des deux lauriers qu’on y voyait demeurèrent intacts au milieu des flammes. Défaite de Pseudo-Philippe.

LXXIX. (18.) Consulat de P. Africanus et de Lelius. (An de R. 605.)

Il naquit, à Amiterne, un enfant avec trois pieds et une seule main. A Rome et aux environs, la foudre tomba sur plusieurs édifices. A Géré, on vit couler des ruisseaux de sang, dont la source était dans la terre; et, pendant la nuit, le ciel et la terre parurent enflammés. A Frusinone, des rats rongèrent de l’or consacré aux dieux. A Lanuvium, entre la troisième et la cinquième heure,[3] on vit deux cercles, différents de couleur, entourer le soleil, l’un d’une ligne rouge, l’autre d’une blanche. Une étoile brilla durant trente-deux jours. Pendant le siège de Carthage, Asdrubal exerça contre les prisonniers romains d’épouvantables cruautés. Cette ville ne tarda pas à être détruite par l’Emilien.

LXXX. (19.) Consulat d’Appius Claudius et de P. Métellus. (An de R. 609.)

A Amiterne, naissance d’un enfant à trois pieds; à Caures, des ruisseaux de sang coulèrent, fournis par la terre. Les Salasses ayant fait essuyer une défaite aux Romains, les décemvirs déclarèrent avoir lu dans les livres sibyllins que, lorsqu’on voudrait faire la guerre aux Gaulois, on devait commencer par sacrifier sur leurs frontières,

LXXXI. (20.) Consulat de L. Métellus et de Q. Fabius Maximus. (An de R. 610.)

Pour conjurer les maux de la famine et de la peste, les décemvirs eurent recours à la cérémonie des supplications. A Luna, il naquit un androgyne, qui, sur l’ordre des aruspices, fut précipité dans la mer. La peste exerça de tels ravages dans cette ville, que les cadavres restèrent gisants çà et là sur la voie publique, parce qu’on ne pouvait suffire aux funérailles. L’armée romaine éprouva des revers en Macédoine: on combattit avec peu de succès contre Viriat.

LXXXII. (21.) Consulat de Cn. Cépion et de C. Lelius. (An de R. 612.)

A Préneste et dans l’île de Céphalénie, on vit tomber du ciel des drapeaux. Le mont Etna jeta des flammes abondantes; prodige qui fut expié par le sacrifice de quarante grandes victimes. Le reste de l’année fut tranquille; Viriat fut vaincu.

LXXXIII. (22.) Consulat de M. Emilius et de C. Hostilius Mancinus. (An de R. 615.)

Comme on prenait les auspices à Lanuvium, les poulets sacrés, sortis de leur cage, s’envolèrent dans la forêt Laurentine, et on ne put les retrouver. A Préneste, on vit dans le ciel une torche ardente; il tonna, le ciel étant sans nuages; à Terracine, le préteur M. Claudius fut consumé dans un vaisseau par la foudre. Le lac Fucin inonda tout, à cinq mille pas aux environs. Dans le Grécostase[4] et dans la place des Comices, il coula des ruisseaux de sang. Sur le mont Esquilin, un poulain vint au monde avec cinq pieds. La foudre fit de grands ravages. Au moment où le consul Hostilius Mancinus, qui s’était rendu au port d’Hercule, mettait le pied dans le vaisseau pour faire voile vers Numance, il entendit une voix soudaine lui dire: Reste, Mancinus ! Il rebroussa chemin et gagna Gênes; mais, quand il voulut s’y embarquer, on trouva dans le vaisseau un serpent, que l’on ne put saisir. Le consul fut vaincu, et devint bientôt prisonnier des Numantins.

LXXXIV. (23.) Consulat de L. Furius et d’Atilius Serranus. (An de R. 616.)

La ville de Rhégium fut presque entièrement consumée par un incendie, sans que l’on pût savoir si ce désastre était le résultat de la méchanceté ou de la négligence. Un enfant naquit d’une servante avec quatre pieds, quatre mains, quatre yeux, quatre oreilles et un double membre viril. A Pouzzol, dans l’endroit appelé les Eaux Chaudes, on vit couler des ruisseaux de sang. La foudre fit de grands dégâts. L’enfant dont il vient d’être parlé fut brûlé par l’ordre des aruspices, et l’on jeta ses cendres dans la mer. L’armée romaine fut taillée en pièces par les Achéens.

LXXXV. (24.) Consulat de Servius Flaccus et de Q. Calpurnius. (An de R. 617.)

Le mont Etna vomit plus de flammes qu’à l’ordinaire. Il naquit, à Rome, un enfant dont la partie postérieure était sans ouverture. A Bologne, il poussa des épis sur les arbres. On entendit au Capitole, et ensuite aux environs de la ville, la voix d’un chat-huant. Cet oiseau, pour lequel on promit une récompense, fut pris par un chasseur de pipée: on le brûla, et ses cendres furent jetées dans le Tibre. Un bœuf parla. On essuya des pertes devant Numance: l’armée romaine fut vaincue.

 LXXXVI. (25.) Consulat de P. Africanus et de C. Fulvius. (An de R. 618.)

A Amiterne, on vit, durant la nuit, le soleil répandre pendant quelques instants une vive clarté. Un bœuf, qui avait parlé, fut nourri aux frais de l’Etat. Il plut du sang. A Anagnie, la tunique d’un esclave prit feu, et la flamme s’éteignit d’elle-même, sans laisser la moindre trace. Au Capitole, un oiseau fit entendre, la nuit, des gémissements semblables à ceux d’un homme. Dans le temple de Junon la Reine, un bouclier pris aux Ligures fut frappé de la foudre. Commencement de la guerre des esclaves fugitifs, en Sicile. Succès obtenus en Italie par les esclaves conjurés. Mort de Tibérien Gracchus, auteur de lois nouvelles. L’histoire raconte que le jour où il périt, il avait méprisé de sinistres avertissements qui lui avaient été donnés chez lui et pendant qu’il sacrifiait au Capitole: en sortant de sa maison, il se heurta le pied gauche contre le seuil de la porte et se démit le pouce; des corbeaux firent tomber devant lui un morceau de tuile arraché d’un toit. Des ruisseaux de lait sillonnèrent le lac Romain; à Luna, la terre s’entrouvrit de l’étendue de sept arpents, et l’abîme devint bientôt un lac. A Ardée, il plut de la terre. A Minturnes, un loup mit en pièces une sentinelle, et se sauva pendant le tumulte qui s’ensuivit. On vit à Rome un chat-huant et un autre oiseau inconnu. Dans le temple de Junon la Reine, les portes étant fermées, on entendit pendant deux jours la voix d’un enfant. Des boucliers furent couverts d’un sang tout frais. Naissance d’une petite fille ayant quatre pieds. Sur le territoire Férentin, il naquit un androgyne, qui fut jeté dans le fleuve. Trois chœurs de neuf jeunes filles purifièrent Rome en chantant des hymnes. En Italie, plusieurs milliers d’esclaves, qui s’étalent ligués, furent pris avec beaucoup de peine et punis du dernier supplice. En Sicile, les esclaves fugitifs massacrèrent les armées romaines. Destruction de Numance.

LXXXVII. (26.) Consulat d’Appius Claudius et de M. Perpenna. (An de R. 622.)

Il naquit, à Béate, un mulet à cinq pieds. Pluie de lait à Rome, dans le champ Cortase. A Ostie, un chien et un loup qui se battaient furent tués par la foudre. Dans l’Apulie, un troupeau de moutons et un préteur du peuple romain périrent du même coup de foudre. A Terracine, malgré la sérénité du ciel, la voile d’un vaisseau fut détachée par la foudre et jetée dans les flots, et le feu consuma toutes les marchandises qui s’y trouvaient. Publius Crassus fut tué dans une bataille contre Aristonicus. La statue d’Apollon pleura durant quatre jours. Les devins en présagèrent la ruine de la Grèce, d’où cette statue avait été apportée. Les Romains offrirent alors des sacrifices, et des présents furent déposés dans le temple du dieu. Soumission de la Phrygie. L’Asie fut léguée aux Romains par le testament d’Attale. Comme Antiochus, roi de Syrie, était prêt à combattre à la tête d’une immense armée, des hirondelles firent leur nid dans sa tente. Il ne tint compte de ce prodige, livra bataille, et fut tué par les Parthes. Pendant la publication, vivement combattue, des lois du triumvir M. Fulvius Flaccus,[5] deux serpents noirs se glissèrent dans la chapelle de Minerve, présageant ainsi les horreurs de la guerre civile.

LXXXIX. (27.) Consulat de M. Emilius et de Lucius Aurélius. (An de R. 626.)

Une tempête nocturne détruisit plusieurs temples au Capitole. A Rome et aux environs, la foudre fit de grands ravages. Le mont Etna, pendant un tremblement de terre, lança au loin, par dessus son sommet, des torrents de feu: près de Lipari, la mer bouillonna; quelques navires furent consumés, et la vapeur étouffa la plupart des matelots; une grande quantité de poissons morts fut jetée par les flots sur le rivage. Les habitants de Lipari, en ayant fait avidement leur nourriture, furent enlevés par une soudaine putréfaction d’entrailles, d’où une nouvelle peste, qui ravagea les îles circonvoisines. Ce prodige, d’après la réponse des aruspices, annonçait la sédition qu’on vit éclater quelque temps après.

XC. (28.) Consulat de P. Plautius et de M. Fulvius. (An de R. 627.)

Des arbres produisirent du blé. Il plut de l’huile et du lait dans la campagne de Véies. Un chat-huant fut vu au Capitole. A Arpé, une pluie de pierres dura trois jours. L’Afrique fut infestée par d’innombrables armées de sauterelles, qui, jetées par le vent dans la mer, rejetées ensuite par les flots, exhalèrent une intolérable odeur, des miasmes mortels, et engendrèrent à Cyrène, une horrible épidémie d’animaux: l’on rapporte qu’il mourut de consomption huit cent mille hommes. Frégelles, qui avait pris parti contre les Romains, fut détruite; les Ligures Sallyens furent massacrés.

XCI. (29.) Consulat de C. Cassis Longinus et de C. Sextilius. (An de R. 628.)

Dans le Grécostase, il plut du lait. A Crotone, un troupeau de moutons périt foudroyé, avec un chien et trois bergers. A Satura, il naquit un veau à deux têtes. Sédition à Rome, à l’occasion des lois portées par Gracchus (Caïus).

XCII. (30.) Consulat de Cn. Domitius et de C. Fannius. (An de R. 630.)

Dans le forum de Vesse, il naquit un androgyne, qu’on alla jeter dans la mer. En Gaule, on vit trois soleils et trois lunes; naissance d’un veau à deux têtes; on aperçut un chat-huant sur le Capitole; une charrue de fer fut fondue dans un incendie. Défaite des Sallyens et des Allobroges.

XCIII. (31.) Consulat de L. Opimius et de Q. Fabius Maximus. (An de R. 631.)

Une bande de loups dispersa les bornes qui servaient à marquer la division des terres établie par C. Gracchus, lequel fut tué sur l’Aventin.

XCIV. (32.) Consulat de L. Aurélius et de L. Cecilius. (An de R. 633.)

Un androgyne, âgé de huit ans et trouvé sur le territoire de Rome, fut jeté dans la mer; trois chœurs de neuf jeunes filles chantèrent des hymnes par la ville.

XCV. (33.) Consulat de M. Caton et de Q. Martius. (An de R. 634.)

Le consul Caton faisant un sacrifice vit les entrailles de la victime se corrompre aussitôt: on ne trouva point la partie supérieure du foie. Il plut du lait. La terre trembla et fit entendre un mugissement. Un essaim d’abeilles vint se poser dans le forum. On sacrifia, d’après l’avis des livres sibyllins.

XCVI. (34.) Consulat de L. Cecilius et de L. Aurelius. (An de R. 635.)

La foudre endommagea beaucoup d’édifices à Rome et dans les environs. Pluie de lait à Préneste; les lances de Mars s’agitèrent dans le palais des rois. Près de Priverne, la terre s’entrouvrit dans une étendue de sept arpents. On découvrit à Saturnia un androgyne âgé de dix ans, et il fut noyé dans la mer: vingt-sept jeunes filles allèrent chantant par la ville, pour la purifier. Le reste de l’année s’écoula tranquillement.

XCVII. (33.) Consulat de M. Acilius et de C. Portius. (An de R. 638.)

Comme Pompeius Elvius, chevalier romain, qui était venu voir les jeux à Rome, s’en retournait dans l’Apulie, et traversait le territoire de Stellate, sa fille, qui l’accompagnait à cheval, fut frappée par la foudre et tuée. Quand on lui ôta ses vêtements, on s’aperçut que sa langue sortait par les parties naturelles, comme si le feu, entré par la bouche, eût pris son issue par en bas. Les devins déclarèrent que c'était le présage d’un grand déshonneur qui pèserait sur les jeunes filles, aussi bien que sur l’ordre équestre, parce que tous les ornements du cheval avaient été dispersés. Trois vestales des plus nobles familles et quelques chevaliers romains furent bientôt punis à la fois pour crime d’inceste: un temple fut construit et dédié à Vénus Verticordia.[6]

XCVIII. (36.) Consulat de C. Cecilius et de Cneus Papirius. (An de R. 630.)

Le mont Albain parut en feu pendant la nuit; un petit temple et une statue furent frappés de la foudre; l’autel de la déesse Salus se fendit; dans la Lucanie et non loin de Priverne, la terre s’ouvrit en un vaste gouffre; en Gaule, le ciel parut embrasé. Les Cimbres et les Teutons ayant franchi les Alpes, firent un affreux carnage des Romains et de leurs alliés.

XCIX. (37.) Consulat de P. Scipion et de L. Calpurnius. (An de R. 641.)

Rome fut en grande partie consumée, avec le temple de la Mère des dieux. Il plut du lait pendant trois jours, et il fut fait un sacrifice expiatoire de grandes victimes. Commencement de la guerre de Jugurtha.

C. (38.) Consulat de Sergius Galba et de M. Scaurus. (An de R. 644.)

On vit à Rome l’oiseau incendiaire et un chat-huant; dans les Lautumies,[7] un homme fut dévoré par un autre homme. D’après les livres sibyllins, on fit, dans l’île de Cimolie, des sacrifices par le ministère de trente jeunes garçons et d’autant de jeunes filles de condition libre, et ayant tous leur père et leur mère. Plusieurs milliers d’hommes périrent dans un débordement du Pô et de l’étang Arrétin, il plut deux fois du lait. A Nursie, une femme de condition libre mit au jour deux jumeaux: une fille parfaitement conformée et un garçon qui avait par devant l’issue naturelle du ventre: on voyait à nu le gros intestin; par derrière, point d’ouverture. A peine né, il jeta un cri et mourut. On combattit avec succès contre Jugurtha.

CI. (39.) Consulat de Q. Servilius Cépion et d’Atilius Serranus. (An de R. 640).

A Amiterne, l’enfant d’une servante dit en naissant: Salut.

(40.) Sur le territoire de Pérouse et dans quelques endroits de Rome, il plut du lait. Entre beaucoup de choses qui furent frappées de la foudre dans la ville d’Atelles, quatre doigts d’un homme furent coupés net, comme par un fer tranchant. De l’argent monnayé se fondit au passage de la foudre. Sur le territoire de Trébule, une femme mariée à un citoyen romain fut frappée par le feu du ciel, sans en mourir. On entendit dans le ciel un frémissement, et l’on en vit tomber des Javelots. Il plut du sang. A Rome, on vit, en plein jour, une torche ardente voler dans les airs. Dans le temple des dieux Lares, une flamme courut de l’entablement jusqu’au sommet, sans causer aucun dommage. Le consul Cépion partagea entre les sénateurs et les chevaliers les fonctions judiciaires. Tout fut d’ailleurs en paix.

CII. (41.) Consulat de P. Atilius et de Corn. Manilius. (An de R. 647).

A Trébula Mutusca, avant l’ouverture des Jeux, et pendant que le joueur de flûte y préludait, deux serpents noirs entourèrent l’autel de l’amphithéâtre; et quand le musicien cessa de se faire entendre, ils disparurent. Etant revenus le jour suivant, ils furent tués à coups de pierres par le peuple. Quand on ouvrit les portes du temple de Mars, on en trouva la statue, qui était de bois, debout sur la tête. Défaite de l’armée romaine par les Lusitaniens.

CIII. (42.) Consulat de C. Marius et de C. Flaccus. (An de R. 648.)

On vit, hors de Rome, un chat-huant; un bœuf parla; dans un temple de Trébula Mutusca, une statue, qui avait la tête couverte, fut trouvée la tête nue; à Nucérie, un orme, renversé par le vent, se redressa de lui-même sur ses racines et devint plus beau que jamais; dans la Lucanie il plut du lait, et à Luna du sang; à Ariminium, un chien parla; on aperçut dans le ciel des armes qui, nuit et jour, s’entrechoquaient du côté de l’orient et du côté de l’occident; et celles de l’occident furent vaincues. Sur la réponse des aruspices, le peuple offrit le stips[8] à Cérès et à Proserpine: vingt-sept jeunes filles portèrent des présents sur l’autel de ces déesses, en chantant des prières; la lune se montra pendant le jour, avec une étoile, depuis la troisième heure jusqu’à la septième. Tout le pays des Thuriniens fut saccagé par les esclaves fugitifs et par les déserteurs; les Cimbres, qui avaient déjà franchi les Alpes, traversèrent l’Espagne, la ravagèrent, et se joignirent aux Teutons. Un loup entra dans Rome; des vautours furent tués sur une tour par la foudre; sur les trois heures du jour, une éclipse de soleil changea la lumière en ténèbres; un essaim d’abeilles vint se placer devant le temple de la déesse Salus; il plut du lait sur la place des Comices; dans le Picenum, on vit trois soleils; près de Vulsinium, il jaillit de terre une flamme qui alla toucher le ciel; dans la Lucanie, naquirent deux agneaux avec des pieds de cheval, et la tête de l’un d’eux ressemblait à celle d’un singe; non loin de Tarquinium, coulèrent des ruisseaux de lait, qui avaient leur source dans la terre sur la réponse des aruspices, on fit deux statues d’olivier, avec des armes à la main, et l’on ordonna des supplications. Défaite des Thraces, en Macédoine.

CIV. (43.) Consulat de C. Marius et de Q. Luctatius. (An de R. 650.)

On fit le sacrifice novendial, à cause d’une pluie de pierres tombée en Toscane; les aruspices ordonnèrent des lustrations dans Rome; la cendre des victimes fut jetée dans la mer par les décemvirs, et pendant neuf jours les magistrats conduisirent, autour de tous les temples et des municipes, la marche solennelle qui convient aux supplications; les lances de Mars s’agitèrent d’elles-mêmes dans le palais des rois; il plut du sang aux environs de la rivière d’Anio; dans le marché aux bœufs, un essaim d’abeilles s’arrêta sur une chapelle; en Gaule, dans le camp des Romains, le jour brilla tout à coup au milieu de la nuit; à Aride, un enfant de condition libre fut soudain entouré de flammes, sans être brûlé; le temple de Jupiter, alors fermé, fut frappé de la foudre; l’aruspice Emilius Potensis, qui avait indiqué le premier l’expiation qu’exigeait ce prodige, en fut justement récompensé; les autres l’avaient tenue cachée, parce qu’elle devait entraîner leur perte et celle de leurs enfants. Les pirates furent défaits en Sicile par les Romains; les Teutons, exterminés par Marius. Les boucliers sacrés s’agitèrent d’eux-mêmes, avec un grand bruit; un esclave de Servilius Cépion s’étant mutilé en l’honneur de la Mère des dieux, fut exporté au delà des mers, pour qu’il ne put jamais rentrer dans Rome. On purifia la ville, et on promena par les rues une chèvre aux cornes embrasées;[9] on la fit ensuite sortir par la porte Névie, et on la laissa aller. Pluie de boue sur l’Aventin. Défaite des Lusitaniens; pacification de l’Espagne ultérieure; destruction des Cimbres.

CV. (44.) Consulat de C. Marius et de L. Valerius. (An de R. 652.)

On vit, à Tarquinium, une torche ardente sillonner l’étendue et tomber soudain; au couche du soleil, un corps sphérique, semblable à un bouclier, fut aperçu se dirigeant de l’occident vers l’orient; dans le Picenum, des maisons furent jetées à bas par un tremblement de terre; quelques-unes, soulevées hors des fondements, demeurèrent inclinées; un bruit d’armes se fit entendre des entrailles de la terre; on vit de la sueur couler des pieds des quatre chevaux dorés placés dans le forum. Les esclaves fugitifs furent massacrés en Sicile, dans plusieurs combats.

CVI. (45.) Consulat de M. Antonius et d’A. Postumius. (An de R. 653.)

Un chat-huant s’étant montré dans Rome, on y fit des lustrations. Ravages causés par des tempêtes et des ouragans; malheurs occasionnés par la foudre. A Lanuvium, dans le temple de Junon Sospita et dans le sanctuaire même de la déesse, on vit des gouttes de sang; à Nursie, un édifice consacré par la religion fut renversé dans un tremblement de terre. Soumission des Lusitaniens révoltés. Au moment où le tribun Sextius présentait, malgré la vive opposition de ses collègues, des lois sur le partage des terres au peuple, deux corbeaux, qui volaient dans l’espace, se livrèrent au-dessus de l’assemblée un combat acharné, et ils se déchirèrent à coups de bec et d’ongles. Les aruspices déclarèrent qu’on devait faire des sacrifices à Apollon et ajourner la loi proposée. Un bruit souterrain, qui sembla monter jusqu’au ciel, présagea la cherté des vivres et la famine; le peuple offrit le stips, les femmes romaines leur trésor particulier, les jeunes filles les dons accoutumés à Cérès et à Proserpine. Vingt sept vierges allèrent chantant des hymnes sacrés. Deux statues de cyprès furent érigées à Junon la Reine. Succès des armes romaines en Lusitanie.

CVII. (46.) Consulat de Q. Metellus et de Tullius Didius. (An de R. 654.)

Comme on faisait un sacrifice expiatoire parce qu’on avait vu un chat-huant au Capitole, sur les statues des dieux, la victime, qui était un taureau, tomba morte devant l’autel. La foudre fit de grands dégâts. Les lances de Mars s’agitèrent dans le palais des rois. Pendant les jeux, il tomba dans le théâtre une pluie de craie blanche, présage de fertilité et de temps favorables. Il tonna, le ciel étant sans nuages. Les décemvirs sacrifiant dans le temple d’Apollon, on ne trouva point dans la victime la partie supérieure du foie, et pendant le sacrifice même on aperçut près de l’autel un serpent. Un androgyne fut noyé dans la mer. On vit, dans le grand Cirque, une flamme voltiger entre les piques des soldats. Les Espagnols furent vaincus dans plusieurs batailles.

CVIII. (47.) Consulat de Cn. Cornelius Lentulus et de P. Licinius. (An de R. 655.)

Des supplications eurent lieu dans Rome, parce qu’on y avait trouvé un androgyne, que l’on alla submerger dans la mer. On entendit, à Pisaure, un grand bruit souterrain. Les créneaux des murs tombèrent à la fois, sans qu’il y eût alors de tremblement de terre; ce qui était un présage de discordes civiles. A Nursie, la statue de Jupiter se tourna du côté gauche. Des statues de cyprès, érigées à Junon la Reine, furent placées dans son temple par vingt-sept jeunes filles, qui purifièrent la ville. Soumission des Celtibères, des Mèdes et des Dardaniens.

CIX. (48.) Consulat de Cneus Domitius et de Caïus Cassius. (An de R. 656.)

Un loup, qui était entré dans Rome, fut tué dans une maison particulière. On tua un chat-huant au Capitole. La foudre fit de grands ravages. Des statues dorées de Jupiter furent renversées, avec les ornements suspendus sur leur tête et avec leur piédestal. A Fésules, il jaillit du sang de la terre. A Arrétium, il poussa des épis de blé dans le nez d’une femme: la même femme vomit des grains de blé; on fit des lustrations dans Rome. Ptolémée, roi d’Egypte, mourut à Cyrènes, laissant pour héritiers le sénat et le peuple romain.

CX. (49.) Consulat de P. Crassus et de Q. Scévola. (An de R. 657.)

Il plut du lait à Céré. A Lébadie, Eutychides[10] étant entré dans le temple de Jupiter Trophonius, en emporta une table d’airain, sur laquelle étaient écrits des événements relatifs à l’histoire romaine. La foudre tua plusieurs animaux. A Vénaire, la terre s’ouvrit en un vaste gouffre. Des vautours, qui se disputaient un chien mort, furent tués et dévorés par d’autres vautours. Il naquit un agneau à deux têtes et un enfant ayant trois mains et autant de pieds; les lances de Mars s’agitèrent dans le palais des rois. Un androgyne, né à Urbinum, fut noyé dans la mer. Paix au dedans et au dehors.

CXI. (50.) Consulat de C. Lelius et de L. Domitius. (An de R. 658.)

Il fut fait un sacrifice novendial, parce qu’il avait plu des pierres dans le pays des Volsques. A Vulsinium, la lune, alors nouvelle, se perdit dans l’espace, et elle ne reparut que le jour suivant, sur les trois heures. Une fille ayant deux têtes, quatre pieds, quatre mains et deux parties sexuelles, naquit morte. L’oiseau incendiaire fut aperçu et tué. Dans une maison de campagne du pays des Vestins, il plut des pierres. Une torche ardente apparut dans les airs, et tout le ciel sembla en feu. Il sortit de terre des ruisseaux de sang qui se congelèrent. On vit en plusieurs endroits dés chiens ronger des pierres et des tuiles. A Fésules, un nombre infini de spectres aux vêtements de deuil et au pâle visage furent vus, en plein jour, se promenant par groupes, au milieu des tombeaux. Nasica punit du dernier supplice des chefs espagnols qui s’étaient révoltés, et il détruisit leurs villes.

CXII. (51.) Consulat de C. Valerius et de M. Herennius. (An dell. 659.)

A Rome et aux environs, la foudre fit de grands dégâts. Une servante mit au monde un enfant n’ayant qu’une main. A Frégelles, le temple de Neptune s’ouvrit pendant la nuit. En retirant les entrailles d’un veau mâle qu’on venait d’éventrer, on y trouva deux petits veaux. A Arrétium, on vit suer une statue d’airain représentant Mercure. Dans la Lucanie, des flammes voltigèrent autour d’un troupeau de moutons qui paissait, et renveloppèrent encore pendant la nuit, dans l’étable, sans rien brûler. A Carséoli, un torrent de sang coula. Des loups entrèrent dans la ville. A Préneste, on vit voltiger de la laine. Dans l’Apulie, une mule mit bas. On prit un milan dans le temple d’Apollon, à Rome. Dans deux sacrifices faits par le consul Herennius, la partie supérieure du foie de la victime ne se trouva point. Pendant le sacrifice novendial, les mets placés sur la table de la déesse furent mangés par un chien, avant que personne y eût touché. A Vulsintum, on vit, au point du jour, une flamme jaillir d’un point du ciel, se resserrer peu à peu, et prendre la forme d’une bouche de feu d’un rouge foncé. Le ciel parut descendre, et laissa voir, par une vaste ouverture, des flammes qui avaient l’aspect d’un tourbillon. Ces prodiges furent heureusement expiés par des lustrations: car tout le reste de l’année s’écoula tranquillement au dedans et au dehors.

CXIII. (52.) Consulat de C. Claudius et de M. Perpenna. (An de R. 660.)

Un chat-huant, surpris dans le temple de la Fortune Equestre, mourut entre les mains de ceux qui le saisirent. On entendit à Fésulles un grand bruit souterrain. D’une servante naquit un enfant à qui manquait l’orifice par où la nature fait sortir les eaux du corps. Une femme fut trouvée qui avait de doubles parties génitales. On aperçut dans le ciel une torche ardente; un bœuf parla; un essaim d’abeilles alla se poser sur le sommet d’une maison particulière. A Volaterre, on vit couler un ruisseau de sang; à Rome, il plut du lait. A Arrétium, on trouva deux androgynes. Il naquit un poulet ayant quatre pieds. Plusieurs édifices furent frappés de la foudre. Des supplications furent adressées aux dieux. Le peuple porta le stips à Cérès et à Proserpine. Vingt-sept jeunes filles purifièrent la ville en chantant des hymnes. Les Mèdes firent d’épouvantables ravages dans la province de Macédoine.

CXIV. (53.) Consulat de L. Martius et de Sextus Julius. (An de R. 661.)

A l’époque où Libius Troson et P. Tarquinius présentèrent des lois nouvelles, et où commença la guerre Italique, un grand nombre de prodiges arrivèrent à Rome. Au lever du soleil, il s’avança du septentrion un globe de feu, avec un bruit effroyable dans le ciel. A Arrétium, des personnes, en rompant des pains, en virent couler du sang. Sur le territoire des Vestins, il plut, durant sept jours, des pierres et des tuiles. A Enarie, la terre s’étant ouverte, il en sortit une flamme qui monta jusqu’au ciel. Il y eut, aux environs de Rhégium, un tremblement de terre qui détruisit une partie de la ville et du mur d’enceinte. Près de Spolète, un globe de feu de couleur d’or tomba, en tournoyant, sur la terre; ayant ensuite augmenté de volume, il s’éleva dans les airs, et, porté vers l’orient, il couvrit l’étendue du soleil. A Cumes, dans la citadelle, on vit suer la statue d’Apollon. Dans le cirque de Flaminius, le temple de la Piété, alors fermé, fut frappé de la foudre. A Asculum, des Romains furent tués pendant les jeux. Comme les Latins amenaient de la campagne dans Rome des troupeaux de bœufs et de vaches, ces animaux, après avoir tué çà et là plusieurs hommes, furent saisis d’une telle rage, qu’ils finirent par se déchirer les uns les autres, et offrirent l’image d’une guerre où des ennemis s’entretuent; les pleurs versés alors au milieu de l’épouvante générale présagèrent les calamités qui devaient suivre.

CXV (54.) Consulat de L Jules César et de P Rutilius (An de R 681)

Metella Cecilla déclara que, dans un songe, elle avait eu beaucoup de peine et employé bien des prières à retenir Junon Sospita, qui voulait quitter Rome, à cause des infamies qui avaient souillé ses temples, où une foule de Romaines s’étaient livrées à une odieuse et dégoûtante prostitution, et parce qu’une chienne avait mis bas dans sa couche et au pied de sa statue. Elle purifia ces temples, fit à la déesse des supplications solennelles, et ramena l’ancienne splendeur de son culte. Des Romains subirent chez les Picentins des supplices dignes des Barbares: dans tout le Latium, il se commit d’horribles meurtres. Lucilius Lupus, qui n’avait pas trouvé dans une victime la partie supérieure du foie, et qui négligea cet avertissement de la religion, perdit son armée et fut tué en combattant.

CXVI. (55.) Consulat de L. Sylla et de Q. Pompeius. (Ans de R. 664-667.)

Pompeius Sylo ayant fait une entrée triomphale dans la ville de Bovie, qu’il avait prise, donna ainsi aux ennemis un présage évident de victoire, parce que le triomphe doit avoir pour témoin la ville victorieuse et non la ville vaincue. A la première bataille qui fut livrée, il perdit son armée et fut tué. Mithridate, au milieu de ses préparatifs de guerre contre les alliés de Rome, fut témoin de plusieurs prodiges. Dans la partie du camp où le sénat a coutume de s’assembler, des corbeaux tuèrent à coups de bec un vautour. Un grand astre tomba du ciel dans le même endroit. On vit l’image d’Isis lancer la foudre. Mithridate ayant mis le feu au bois des Furies, un grand éclat de rire se fit entendre, sans que personne en fût l’auteur. Comme, d’après l’ordre des aruspices, il immolait aux Furies une jeune vierge, il sortit du gosier de la victime un éclat de rire qui troubla le sacrifice. La flotte de Mithridate fut détruite par les Romains, dans une bataille livrée en Thessalie. Pendant que Cinna et Marius, à la faveur des guerres civiles, exerçaient à Rome d’épouvantables cruautés, dans le camp de Cneus Pompée on crut voir le ciel tomber; les armes et les drapeaux furent frappés de la foudre et des soldats furent tués. Pompée lui-même périt d’un coup de foudre. Le peuple mit en pièces son lit funèbre et traîna son corps avec des crocs, parce que, pendant les discordes civiles, il s’était refusé à venir au secours de la patrie en danger, quoiqu’il fût revêtu du plus grand pouvoir et à la tête de puissantes armées. Pendant que Sylla assiégeait le Pirée, un de ses soldats, qui portait des matériaux de retranchements, fut tué par la foudre. Comme la tête du mort était tournée du côté de la ville, l’aruspice déclara que les Romains y entreraient vainqueurs, après un long siège. Peu de temps après, Sylla prit Athènes et le Pirée. C. Fimbria ayant mis le feu à la ville d’Ilium, et l’incendie ayant consumé le temple même de Minerve, l’antique statue de la déesse fut retrouvée intacte au milieu des ruines; prodige qui donna aux habitants l’espérance de voir leur ville se relever.

CXVIII. (56.) Consulat de L. Scipion et de C. Norbanus (Ans de R. 669 et 671)

Du temps de Sylla, on entendit, entre Capoue et Vulturne, un grand bruit de clairons et d’armes, accompagné d’horribles cris, comme les deux armées se précipitaient l’une sur l’autre et ce bruit dura plusieurs jours. Ceux qui voulurent pénétrer le sens de ce prodige aperçurent des traces de chevaux et d’hommes, virent de l’herbe récemment foulée, des arbustes renversés; présages d’une grande et effroyable guerre. L’Etrurie, dans la ville de Clusium, une mère de famille donna le jour à un serpent, qui, jeté dans un fleuve par l’ordre des aruspices, nagea contre le courant. Lucius Sylla, rentré vainqueur Italie, après cinq ans d’absence, devint l’épouvante et la terreur de ses ennemis. Le feu prit une nuit, au Capitale, par la faute de celui qui en avait la garde. La cruauté de Sylla fit une horrible proscription des premiers citoyens de Rome. Cent mille hommes périrent, dit-on, dans la guerre Italique et dans la guerre Civile.

CXIX. (57.) Consulat de M. Emilius et de D. Brutus. (An de R. 675.)

Didius Lelius, lieutenant de Pompée, déjà témoin, à Rome, d’un prodige qui le concernait (car il avait vu dans le lit de sa femme deux serpents, qui s’étaient sauvés chacun de son côté), vit aussi un épervier venir se poser sur sa tête, tandis qu’il était assis près de Pompée, dans le camp de ce général; aussi fut-il tué, en Espagne, parmi les fourrageurs, dans la guerre contre Sertorius.

CXX. (58.) Consulat de Cneus Octavius et de C. Scribonius. (An de R. 676.)

Un tremblement de terre ébranla tous les temples de la ville de Réate et des campagnes environnantes. Les pierres dont la place publique était pavée furent lancées de côté et d’autre. Les ponts se rompirent, et les rives du fleuve qui coulait dessous tombèrent écroulées dans l’eau. On entendit des bruits souterrains; et, peu de jours après, tout ce qui avait été qu’ébranlé s’en alla en ruine. Une grosse pierre, qui roulait du haut d’un rocher, s’arrêta tout à coup, immobile sur la pente même. Les armées romaines furent taillées en pièces en Espagne par Sertorius. On combattit contre les Mèdes avec des chances diverses.

CXXI. (59.) Consulat de L Aurelius et de L. Octavius. (Ans de R. 676 et 678.)

Tandis que Sertorius marchait à la tête de son armée, le prodige suivant frappa ses yeux. Les boucliers des cavaliers parurent tout sanglants en dehors, ainsi que leurs javelines et le poitrail de leurs chevaux; en que Sertorius interpréta comme un présage heureux pour lui, parce que c’est toujours de sang ennemi que les boucliers sont couverts à l’extérieur. Les combats qu’il livra ne furent qu’une suite de succès. Pendant que Mithridate faisait le siège de Cyzique, Proserpine apparut en songe à Aristagoras, premier magistrat de cette ville, et lui dit qu’elle avait trouvé un joueur de flûte capable de lutter contre tous les autres ensemble. Le lendemain, le vent renversa les tours des ennemis. Un bœuf, destiné au sacrifice, descendit des montagnes sans être conduit par personne, traversa à la nage la flotte ennemie, et vint se présenter devant l’autel pour être immolé.

CXXII. (60.) Consulat de M. Cicéron et de Caïus Antoine. (An de R. 689.)

Plusieurs édifices furent endommagés par la foudre. Malgré la sérénité du ciel, Vargunteius Pompeius fut tué par le feu céleste on vit une poutre ardente étendue sur le ciel du côté de l’occident. Toute la ville de Spolète fut ébranlée par un tremblement de terre, et quelques édifices s’écroulèrent. On rapporte, entre autres choses, que, deux ans auparavant, la louve de Rémus et de Romulus avait été foudroyée au Capitole, et la statue de Jupiter renversée avec son piédestal. D’après la réponse des aruspices, on replaça cette statue dans le forum. Les lettres des tables d’airain, sur lesquelles étaient gravées les lois, avaient été fondues par la foudre. Ces prodiges précédèrent de bien peu l’horrible conspiration de Catilina.

CXXIII. (61.) Consulat de Quintus Metellus et de L. Afranius. (An de R. 692.)

Le jour ayant commencé par être beau, vers la onzième heure, la nuit étendit subitement ses ombres; la lumière reparut ensuite. Un violent tourbillon arracha plusieurs toits un pont s’écroula, et quelques hommes tombèrent dans le Tibre. Dans les campagnes, un grand nombre d’arbres furent déracinés et renversés. Défaite des Lusitaniens et des Gallices.

(62.) Consulat de M. Cicéron et de Caïus Antoine. (An de R. 689).

Antoine, après avoir vaincu Catilina près de Pistore, porta dans son gouvernement ses faisceaux ornés de lauriers: il y fut accablé par les Dardaniens, perdit son armée et fut réduit à fuir. Il était évident qu’il avait donné lui-même aux ennemis un présage de victoire, en marchant vers eux avec le laurier des vainqueurs, qu’il aurait dû venir déposer au Capitole. On vit des loups dans Rome; des chiens firent entendre pendant la nuit des hurlements plaintifs; la statue de Mars se couvrit de sueur; la foudre, ayant parcouru toute la ville, renversa un grand nombre de statues consacrées aux dieux et tua quelques hommes. Rome fut purifiée. Une violente sédition éclata dans Rome, à cause de la dictature de Pompée.

CXXIV. (63.) Consulat de Cn. Domitius et d’Appius Claudius. (An de R. 698.)

M. Crassus était parti pour faire la guerre aux Parthes: en traversant l’Euphrate, il fut témoin de beaucoup de prodiges qu’il méprisa. Il s’éleva une tempête qui, arrachant une enseigne des mains de celui qui la portait, la précipita dans le fleuve; et un épais brouillard, accompagné d’une pluie impétueuse, semblait lui défendre d’aller plus avant. Il n’en poursuivit pas moins son entreprise, et périt avec son fils et son armée.

CXXV. (64.) Consulat de L. Paullus et de C. Marcellus. (An de R. 702.)

Une mule en mettant bas présagea des discordes civiles, la mort des gens de bien, le changement des lois, des enfantements honteux parmi les Romaines. Un incendie, qui détruisit la plus grande partie de la ville, fut mis au rang des prodiges. Commencement de la guerre civile entre César et Pompée. Comme Pompée levait en Macédoine une armée contre César et réclamait le concours de ses amis et de plusieurs peuples, la foudre se montra contraire à ceux qui venaient de Dyrrachium; un essaim d’abeilles se posa sur les enseignes, présage sinistre. Des épouvantes nocturnes agitèrent l’armée. Pompée lui-même, la veille de la bataille, rêva qu’on le recevait sur son théâtre avec de grands applaudissements; bientôt vaincu, il fut tué en Egypte. Ce jour-là même, ses statues, dans beaucoup d’endroits, se retournèrent d’elles-mêmes. On entendit à Antioche, et par deux fois, untel cri et untel bruit d’armes, que l’on courut se mettre en défense sur les remparts; on entendit aussi de là le son des tambours de Pergame. A Tralles, dans le temple de la Victoire, et sous la statue de César, il poussa tout à coup, entre les dalles, un palmier verdoyant, de grandeur naturelle. Le même jour, à Patavie, l’augure C. Cornélius, voyant que les oiseaux donnaient des signes favorables, s’écria que la bataille se livrait et que César était vainqueur.

CXXVI. (65.) Consulat de C. César et de M. Lépide. (An de R. 706.)

Il sembla au fils de Cn. Pompée que les aigles de la dixième légion, après avoir laissé tomber les foudres qu’elles tenaient,[11] s’envolaient au haut des airs. Ce jeune homme fut vaincu et tué en fuyant.

CXXVII. (66.) Consulat de C. César et de M. Antoine. (An de R. 708.)

Le dictateur César, en sacrifiant, ne trouva point de cœur dans les entrailles de la victime. Calpurnie rêva qu’elle voyait s’écrouler le faîte nouvellement ajouté à sa maison. Pendant la nuit, les portes de sa chambre, qui étaient fermées, s’ouvrirent d’elles-mêmes; et la lune, en y pénétrant, la réveilla. César lui-même fut frappé de vingt-trois coups de poignard par des conjurés, dans la salle Pompéienne.

 CXXVIII (67.)Consulat de M. Antoine et de P. Dolabella. (An de R. 708).

A Brindes, C. Octavius, d’après le testament de César son père, se fit déclarer membre de la famille Julia; et comme, vers la troisième heure du jour, il faisait son entrée dans Rome, au milieu d'une foule immense, le soleil, d’abord en anneau, dans un ciel pur et serein, se trouva environné d’un cercle semblable, durant la pluie. Pendant les jeux célébrés en l'honneur de Vénus Mère, une étoile chevelue parut, à la 11ème  heure, dans la constellation du Chariot, et attira tous les regards. Comme cet astre s'était montré pendant les jeux de Vénus, on s'empressa de le consacrer au divin Jules, et comme un ornement de son diadème. César, lui, eut beaucoup à souffrir de la méchanceté du consul Antoine, il déploya dans la résistance une généreuse fermeté. Il y eut de fréquents tremblements de terre. Beaucoup de vaisseaux furent foudroyés. Un violent coup de vent renversa la statue que Cicéron, en vertu d’un plébiscite, avait placée devant la chapelle, la veille de son départ pour l’exil, elle était la face tournée contre terre, tous les membres dispersés, les épaules, les bras, la tête brisés, ce qui présageait à Cicéron de grands malheurs. Les tables d’airain du temple de la Bonne-Foi en furent arrachées par un tourbillon. Les portes du temple d’Ops furent rompues. Des arbres furent déracinés et plusieurs maisons renversées. On vit dans le ciel une torche ardente, qui se portait vers l’occident. Une grande étoile brilla pendant sept jours. Trois soleils resplendirent à la fois, et le plus bas des trois parut entouré d’une couronne d’épis, qui jeta la plus vive clarté: le soleil, ayant ensuite repris la forme d’un seul disque, ne donna, pendant plusieurs mois, qu’une lumière pâle et languissante. Dans le temple de Castor, quelques lettres des noms d’Antoine et de Dolabella, alors consuls, furent violemment arrachées; ce qui fut pour chacun d’eux le présage d’un long séjour loin de la patrie. Ou entendit, pendant la nuit, devant la maison du grand pontife Lépide, des hurlements de chiens; le plus grand de tous ayant été déchiré par les autres, ce fut pour Lépide l’annonce d’un grand déshonneur. A Ostie, le reflux de la mer laissa sur le rivage un grand nombre de poissons. Le Pô se déborda, et, en rentrant dans son lit, déposa sur les parties inondées une immense quantité de vipères. Commencement de la guerre civile entre César et Antoine.

CXXIX. (88.) Consulat de Caius Pansa et d’Hircius. (An de R. 709.)

Les plus grands honneurs avaient été décernés à César, ainsi que le commandement des armées levées contre Antoine: comme il sacrifiait, on trouva dans la victime un double foie. Tout réussit ensuite au gré de ses désirs. La statue équestre du consul C. Pansa, qui était dans la maison d’Antoine, se renversa. Un cheval tout harnaché vint en galopant tomber devant lui. A son départ, un homme du peuple, couvert du sang des victimes, lui présenta sa main ensanglantée. Ces événements étaient autant de prodiges qui lui devinrent funestes. Bientôt après, il fut blessé à mort en combattant contre Antoine. On vit comme des armes et des javelots s’élever de terre avec un grand bruit, et se diriger vers le ciel. Les enseignes de la légion laissée par Pansa pour la garde de Rome se trouvèrent couvertes d’araignées, comme si elles n’avaient pas servi depuis longtemps. La foudre fit de grands dégâts. Dans le camp de César, un aigle vint, au point du jour, se poser sur la toile et au sommet de la tente prétorienne: chassé de là par une multitude de petits oiseaux, il s’envola, et on le perdit de vue. L’oracle d’Apollon prononça ces mots: La rage aux loups l’hiver, point de récolte de blé en été. Les vétérans exigeant le consulat pour César, il s’ensuivit un horrible tumulte dans Rome. Comme César conduisait l’armée au Champ de Mars, six vautours se montrèrent. Il fut ensuite créé consul, et, au moment où il montait à la tribune aux harangues, six autres vautours vinrent s’offrir à sa vue, comme pour lui annoncer qu’à l’exemple de Romulus et sous les mêmes auspices, il allait fonder une nouvelle Rome. La réconciliation de César, d’Antoine et de Lépide fut suivie d’une horrible proscription des principaux citoyens de l’État.

CXXX. (69.) Consulat de M. Lépide et de Munatius Plancus. (An de R. 710.)

A Rome, une mule mit bas près de l’endroit appelé les Douze-Portes. Une chienne morte, qui avait appartenu au gardien d’un temple, fut enlevée par un chien.[12] Une si vive lumière brilla pendant la nuit, que l’on se leva pour travailler, dans la persuasion que le jour était déjà commencée. Sur le territoire de Modène, la statue de la Victoire, consacrée par Marius, et qui regardait le midi, se tourna d’elle-même vers le nord, sur les quatre heures. Comme, en raison de ces prodiges, l’on faisait des sacrifices expiatoires, il parut, vers la troisième heure du jour, trois soleils, qui, se réunissant bientôt, n’offrirent plus qu’un seul disque. Pendant un sacrifice offert sur le mont Albain, à l’occasion des fêtes latines, il jaillit du sang de l’épaule et du pouce de Jupiter. Cassius et Brutus firent dans les provinces une guerre dont les alliés de Rome eurent beaucoup à souffrir. On consigna parmi les prodiges ce fait, que le préteur P. Titius, qui avait destitué un de ses collègues, à cause de quelques dissensions, mourut avant la fin de l’année. Il est certain qu’aucun de ceux qui dépouillèrent ainsi un magistrat, leur collègue, ne vécut plus d’une année après. Or, voici ceux qui usèrent de cette violence : le consul Lucius Junius Brutus, envers Tarquinius Collatinus; Tib. Gracchus, envers M. Octavius Cecinna; P. Tarquinius, envers P. Marullus; Tullius, envers Brutus et Cassius, qui faisaient alors des préparatifs de guerre contre César et Antoine. Un essaim d’abeilles vint s’abattre dans le camp de Cassius. Ce lieu fut clos par l’ordre des aruspices, et l’on ouvrit tout autour une tranchée intérieure. On vit accourir vers l’armée une troupe innombrable de vautours, et d’autres oiseaux qui font leur pâture de la chair des cadavres. Un enfant que l’on portait solennellement, dans le costume de la Victoire, tomba du brancard. Pendant la cérémonie des lustrations, un licteur mit une couronne de lauriers sur les faisceaux renversés. Au moment où les Brutiens sortaient de leur ville pour aller combattre, un Ethiopien se présenta devant la porte, et fut tué par les soldats. Mort de Cassius et de Brutus.

CXXXI. (70.) Consulat de Caïus Furnius et de Caïus Syllanus. (Ans de R. 735 et 736.)

Au pied de l’Apennin, dans une maison de campagne de Livie, épouse de César, il y eut de violentes secousses de tremblement de terre. Une torche ardente, tirant du midi vers le nord, donna, pendant la nuit, une lumière semblable à celle du jour. La tour des jardins de César, près de la porte Colline, fut frappée de la foudre. Les Germains, surpris dans des embuscades qu’avaient dressées les Romains, furent écrasés par le lieutenant M. Lollius.

CXXXII. (71.) Consulat de Paulus Fabius et de Quintus Ellus. (An de R. 741).

En Germanie, dans le camp de Drusus, un essaim d’abeilles vint s’abattre sur la tente d’Hostilius Rutilius, préposé à la garde du camp; elles couvrirent une des cordes qui tendaient la toile, et une lance fixée en avant du pavillon. Un grand nombre de Romains furent accablés dans une embuscade.

NOTES SUR JULIUS OBSEQUENS.

LV. Junonis Lucinae ...  totidemque virgines habita. On trouve dans Tite-Live, livre xxxvii, ch. 3, le récit de ces différents prodiges.

Mula Reate peperit. Ce prodige fut toujours regardé comme un mauvais présage. Voy. Pline, viii, 44; Varron, de R. R. xi, i; Suétone, Galba, 4.

LVI. Luce... tenebrae ortae; in Aventino.... expiatae. T.-Liv. xxxviii, 36.— Quelques traducteurs de Tite-Live ont entendu par les mots tenebre ortae une éclipse de soleil.

Novemdiali. Voyez, sur ces cérémonies, Tite-Live, i, 31.

In Piceno lapidibus pluit .... aruspicumque jussu necatus. Tous ces prodiges sont rapportés par Tite-Live, xxxix, 22.

Ignes caelestes. Par ces mots, les uns entendent la foudre; les autres, des feux follets.

Aedes Jovis. Tite-Live (ibid.) dit: oedes Opis.

LIX. In area Vulcani... sanguinem pluit. Tit.-Liv. xxxix, 46.

In area Concordie... sanguinem pluit; in Sicilia insula nova maritima. T.-Liv. xxxix, 56. — Voyer, sur ces apparitions d’îles nouvelles, le savant commentaire de M. Le Bas, sur Tite-Live, p. 851, 852, du Tite-Live de cette collection, 2e vol.

LX. Procellosa tempestate Caietae fulmine ictae. Tit.-Liv. xl, 2. — On n’explique ici le mot ictae au pluriel, qu’en supposant l’omission des mots et Formiis; car Tite-Live nomme Calète et Formies.

In area Vulcani Libitina … non suffecit. T.-Liv. xl, 19.

Quum sex mensibus non pluisset. T.-Liv. xl, 29.

Hastae motae. Justin. xliii, 3; A.-Gell. iv, 6.

LXI. Nimbis continuis ... plurima decussa. T.-Liv. xl, 45.

In lectisternio.... mures prœroserunt. T.-Liv. xl, 59.

LXII. Incendio circa forum.... flagro coesa. T.-Liv. xli, 2.

LXIV. Cornelius... mortuus. T.-Liv. xli, xvi-20. —Les consuls étaient alors, selon Tite-Live, Cn. Cornélius et Q. Petilius. Aussi est-ce Cornelius qui, comme le dit J. Obsequens lui-même, sacrifia sur le mont Albain.

LXV. Gravi pestilentia... vulturius non apparuit. T.-Liv. xii, xxi-26

LXX. Romae aliquot loca.... sanguis manavit. T.-Liv. xiv, 16.

LXXI1I. Pueri trigemini. La naissance de trois jumeaux n’étant pas regardée à Rome comme un prodige effrayant, à cause des Horaces, des Curiaces, etc. (Voy. Pline, vii, 3), on a supposé que ce passage était altéré, et on a voulu le rectifier ainsi: Tres gemina natura nati. Sans adopter cette correction, la traduction, pour faire de la naissance de ces trois jumeaux un prodige, puisqu’il en faut un ici, à toute force, a ajouté les mots: attachés ensemble.

Homo... combustus. Voy. Pline, xi,107.

Turba.... cantare. En conservant turba, Scheffer s proposé de lire, constare. Avec cantare, Burmann propose tuba, et s’appuie d’un vers d’Ovide, Métam., xv, 784.

LXCV. Pontis maximi. On ne sait trop ce que c’était que ce grand pont sur le Tibre, qui n’est point nommé par Publius Victor. Quelques commentateurs entendent par columnis les piles mêmes de ce pont.

LXXVI. Caput in jocinore non invenit. C’était un mauvais présage que de ne pas trouver dans les victimes la partie supérieure du foie. Voy. Val. Maxime et Plutarque; Brisson, i, Formular. (p. 20, éd. Conrad.), et notre auteur lui-même, c. 95, 107, 112, 115.

LXXIX. Aurum sacrum. Voyez sur cette coutume de déposer de l’or et de l’argent dans les temples, Lactance, ii, 4.—Tite-Live, xxvii, 23, et Plutarque (Vie de Sylla), rapportent la même chose que J. Obsequens.

Stella. Quelques auteurs voient dans cette étoile une comète.

LXXXI. Androgynus. La naissance d’un androgyne était regardée comme un prodige de mauvais augure. Voyez Pline, vii, 3; A.-Gell. ix, 4; Cicer. de Divin. T. 43; T.-Liv. xxvii, 37; Eutrop. iv, 15.— Voy. aussi Gasp. Bauhin., de Hermaphrod., i, 37.

In mare deportatus. On noyait les androgynes, soit parce que l’eau, principalement celle de la mer, était regardée comme la source de toute purification, soit parce que les poètes avaient fait de l’océan le séjour des monstres, soit enfin pour qu’il ne restât rien sur la terre habitée de ces êtres dont la naissance passait pour une calamité publique.

LXXXII. Signa. Des commentateurs entendent par ce mot des statues; d’autres, des trompettes; et ils changent cecidisse en cecinisse.

LXXXIII. Pulli... evolarunt. Val. Maxim. i, 6, 7.

LXXXW. Puer... quatuor pedibus. Oros. v, 6.

LXXXV. Bubonis vox. Plin. x, 12.

LXXXVI. Virgines ter novenae canentes. Voy. sur l’institution de cet usage, Tite-Live, xxvii, 37.

Apollinis simulacrum. Il s’agit de l’Apollon de Cumes. Voy. S. August., de C. D. iii, 11.

XC. Locustarum Ingentia agmina. Voy. sur ces nuées de sauterelles, Plin. viii, 29; Oros. v, 11. August. de C. D. iii, 31; T.-Liv. lx.

XCII. Tres lunae. Pline, ii, 32.

Catena. On ne sait, d’après ce texte, de quelle chaîne il est question. Aussi a-t-on proposé de lire ici Catina, ville de Sicile, qui fut, en effet, consumée, cette année par les feux de l’Etna, comme on le voit dans saint Augustin, de C. D. iii, 31.

XCIII. Grex luporum. Voy. aussi Plutarque (Vie des Gracques).

XCV. Examen apum. La présence des abeilles était toujours regardée comme un mauvais présage. I xxiv, 10; xxvii, 23.

XCVI. Terra.... in caverna desedit. Cic. De Divi., I, 35 , 43; T.-Liv. xxx, 38.

XCVII. Pompeius Elvius. Oros., v, 15.

Ut ignis ad os emicuerit. Bien que nous ayons religieusement conservé dans le texte la leçon ad os, de l’édition princeps, nous avons traduit d’après la correction ab ore, proposée par Scheffer, et qui donne, au mot un sens à la phrase.

C. Avis incendiaria. Pline, qui parle aussi de cet oiseau, avoue qu’on ne sait pas précisément ce que c’est.

In Laotomis. Les commentateurs s’accordent pour proposer ici Lautumiis. Voyez sur ces carrières ou ces prisons de Rome, Tit.-Liv. xxvi, 27; xxxii, 26; xxxviii, xxxix, 44; Cicer. Verr. i, v, 27; Plaut. Capt. iii 85; Poen. iv, 2, 5. Paul Diac. au mot latumia.

CL Argentum signatum... diffluxit. Plin. ii, Senec. Quaest. nat. ii, 31.

Nec exanimata. Plin. ii, 54.

CIII. Arma caelestia. Plin. ii, 57.

CXIV. Aenariœ terra. Oros. v, 18.

CXV. Metellia Caecilia. Cicer. de Divin. i, 44.

CXVI. Lectum ejus. Vell. Paterc. xi, 21.

CXVIII. Aeditui Capitolium. Nous avons adopté, pour la traduction de cette phrase inintelligible, la leçon Aeditui culpa Capitolium, proposée par Scheffer.

CXXVIII. Sol puri ac sereni coeli. Suet. August.

Ludis Veneris Genetricis. Plin. xi, 25.

Soles tres fulserunt. Plin. xi, 31.

CXXIX. Sex vultures. Suet. Aug. xcv.

 

 


 

[1] Sacrifice expiatoire après neuf jours de prières.

[2] C’est là que les consuls faisaient les sacrifices.

[3] Il faut se rappeler que les Romains comptaient les heures du jour à partir de six heures du matin.

[4] Quartier de Rome où logeaient les ambassadeurs grecs.

[5] Les lois agraires présentées par ce Flaccus, C. Gracchus et C. Carbon, contre l’avis des consuls et du sénat.

[6] Voy. Val. Maxime, viii, 13. 19.

[7] Prisons construites dans les carrières.

[8] Petite monnaie consacrée en partie à l’usage dont il est question ici.

[9] C’était un usage pratiqué dans ces cérémonies: on attachait au cornes de l’animal des sarments de vigne, et on y mettait le feu.

[10] Statuaire célèbre.

[11] Plusieurs des aigles romaines tenaient des foudres dans leurs serres, comme l’attestent d’anciennes médailles.

[12] Dion ajoute que ce chien alla ensevelir la chienne morte.