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LE TRAITÉ DE

MANUEL MOSCHOPOULOS[1]

SUR

LES CARRÉS MAGIQUES

Παράδοσις εἰς τὴν εῦρεσιν τῶν τετραγώνων ἀριθμῶν

 

TEXTE GREC ET TRADUCTION

par M. Paul Tannery

 

Extrait de l’Annuaire de l’Association pour l’encouragement des études grecques en France, 1886

 

 

 

Le petit traité de Manuel Moschopoulos sur les carrés magiques est connu depuis l'analyse qu'en a donnée le mathématicien français La Hire,[2] qui le trouva accidentellement dans le manuscrit 2428 de la Bibliothèque nationale. Il paraît en avoir fait une traduction latine, mais elle n'a pas vu le jour.

Le texte grec a été publié pour la première fois par Siegmund Günther dans les Vermischte Untersuchungen zur Geschichte der Mathematischen Wissenschaften,[3] d'après un manuscrit de Munich malheureusement trop incorrect pour qu'une nouvelle édition ne soit pas désirable.

Il m'a paru intéressant de joindre à cette édition une traduction française de cet opuscule, qui met à la portée de tous des règles très simples pour un amusement arithmétique dont la théorie complète est passablement savante, mais dont la pratique, telle que Moschopoulos l'enseigne, est aussi élémentaire que possible.

Pourtant mon objet est moins de proposer aux hellénistes une distraction encore en vogue chez les lettrés orientaux, que d'appeler leur attention sur l'obscurité qui voile l'origine des carrés magiques.

Le traité adressé par Moschopoulos à Nicolas Artavasde de Smyrne, dit le Rhabdas, doit, comme je l'ai démontré ailleurs,[4] avoir été écrit dans les premières années du xive siècle. C'est le plus ancien document connu de la tradition grecque sur les carrés magiques, tandis qu'on les trouve d'une part dans l'Inde, où ils remontent à une époque que l'on ne peut préciser, de l'autre chez les Arabes, où ils apparaissent dès le xe siècle (Ibn Khaldoun et les « Vrais Frères »). Est-ce des pays mahométans que les Byzantins les ont reçus, ou bien ces derniers ont-ils conservé une antique tradition qui, des Grecs d'Orient, serait passée aux sectateurs de l'Islam?

La question est ouverte; et, si peu importante qu'elle paraisse, elle se rattache à une autre plus générale et plus grave. Quelle a été en réalité l'originalité des Arabes dans les sciences? Ne leur attribuons-nous pas nombre de connaissances ou d'idées qui en fait sont foncièrement grecques?

Plus les détails conservés sont insignifiants en apparence, plus on est en droit de rabaisser l'originalité, trop souvent exaltée, des héritiers orientaux de la science antique. J'en veux donner un exemple : la figure célèbre dont se sert Euclide pour démontrer le théorème dit de Pythagore sur le carré de l'hypoténuse d'un triangle rectangle, est appelée par les Arabes « figure de la fiancée ». Or ils ont simplement traduit, et peut-être avec un contresens,[5] une expression grecque : τὸ τῆς νύμφης θεώρημα, qui se trouve dans l'ouvrage inédit de George Pachymère sur les quatre sciences.

En tout cas, la lettre de Moschopoulos ne décèle aucune influence arabe, et il est notamment à remarquer qu'il paraît ignorer absolument toute signification magique ou talismanique des carrés qu'il enseigne à former. On peut donc conserver l'espérance de découvrir dans un auteur grec plus ancien, soit une allusion plus pu moins obscure à ces carrés, soit même un carré formé d'après des principes analogues. Si une pareille découverte pouvait établir les droits des Grecs à l'invention dont il s'agit, elle offrirait incontestablement un intérêt tout particulier.[6]

J'ai pris, comme base de mon édition de l'opuscule de Moschopoulos, le manuscrit de la Bibliothèque nationale :

A = Supplément grec n° 652, in-8, sur papier, du xve siècle, pages 161-164, dont le texte est particulièrement correct.

J'ai indiqué en outre les variantes de :

B = Fonds grec n° 2428, in-4° sur papier, du xve siècle, pages 181-185, qui, pour sa partie mathématique, provient certainement du même prototype que A.

M = le texte donné par S. Günther d'après le manuscrit de Munich n° 100.

G = les leçons propres à S. Günther, lorsqu'il y a lieu de les opposer à celles de son manuscrit.

Je n'ai donné les figures des carrés qu'avec les chiffres modernes, leur reproduction avec les lettres numérales grecques n'offrant aucun intérêt. Les carrés du manuscrit A ne présentent d'ailleurs aucune faute, tandis que ceux donnés par M. Gunther sont loin d'en être exempts.

Je dois cependant faire une remarque : la fig. 13 de M. Günther porte en dehors du carré des inscriptions inintelligibles; on doit y voir simplement le nombre 34, somme constante des lignes horizontales et des colonnes verticales, répété en regard de chaque ligne et de chaque colonne, c'est-à-dire huit fois. Seulement ce nombre est écrit avec trois sortes de caractère différents, à savoir :

a : deux fois avec les chiffres de Maxime Planude (lus μερ par S. Günther).

b : trois fois avec des chiffres (lus ζθ par S. Günther) d'une forme fréquemment employée en Occident au xiie siècle.

c : trois fois avec des chiffres (lus ξν par S. Günther) d'une forme également propre à l'Occident, mais plus voisine de celle des apices de Boèce, tandis que la précédente se rapproche davantage des chiffres arabes.

Les séries complètes des chiffres b et c sont d'ailleurs données dans les manuscrits A et B en marge du texte du Grand calcul hindou de Planude révisé par Rhabdas, la première sous la rubrique : ἰνδικά, la seconde sous celle : λατινικά.

On remarquera que j'ai adopté ici l'usage de Hoche en ne marquant d'aucun signe les lettres numérales grecques ; dans les manuscrits AB, elles sont surmontées d'une barre horizontale dans le texte, non dans les figures.

Du très savant et très bienheureux Maître Manouel Moschopoulos, instruction pour invention des nombres carrés, qu'il fit forcé par Nicolaos de Smyrne Artabasdos, arithméticien et géomètre, le Rhabdas.

 

 

Des nombres les uns sont impairs, les autres pairs, et d'autre part, des pairs, les uns sont pairement pairs, lorsqu'ils se partagent en deux parties égales jusqu'à l'unité, les autres sont pairs-impairs, lorsqu'ils ne peuvent pas se partager en deux parties égales jusqu'à l'unité·. '

Tout nombre multiplié par lui-même donne un carré à côtés égaux; ainsi 3 multiplié par lui-même fait 9, et 9 est un carré à côtés égaux. Le côté en est 3 ; car, pour tout carré à côtés égaux, le côté est le nombre qui multiplié par lui-même donne ce carré. Ce côté est toujours égal dans tous les sens et aussi suivant les diagonales. Pour rendre ceci plus clair par une figure, traçons ce carré à côtés égaux et circonscrivons-y par des lignes les cases du nombre carré comme ci-contre (Fig. 1). Mettons maintenant une unité dans chacune des cases; il est absolument clair que la somme pour chaque côté (rangée) est de 3 dans tous les sens, comme aussi suivant les diagonales.

Cela est facile à comprendre ; mais si l'on trace un carré et que l'on y circonscrive les cases du nombre carré, puis qu'au lieu de mettre des unités dans les cases, on y inscrive l'unité et les nombres consécutifs à partir de l'unité, la rangée ne donnera plus une somme égale dans tous les sens, si les nombres consécutifs sont mis dans les cases suivant leur ordre ; et si l'on cherche une disposition qui permette de rendre les rangées de somme égale dans tous les sens, et aussi suivant les diagonales, il ne sera pas très facile de la trouver; si l'on y parvient à grand-peine pour un carré, on ne peut espérer pour cela de le faire sur un autre carré. Il y a cependant une méthode dont l'emploi permet d'obtenir facilement cette disposition pour le carré que l'on voudra ; à la vérité cette méthode n'est pas simplement une, mais il y en a une pour les carrés de nombres impairs, une pour ceux de pairement pairs et encore une autre pour les pairs-impairs;[7] c'est là l'objet dont je me propose de parler maintenant.

Il faut tout d'abord parler de la valeur de la rangée pour les nombres à partir de l'unité jusqu'au carré proposé; voici comment nous la trouvons; nous faisons la somme des nombres à partir de l'unité jusqu'au carré ; puis nous divisons la quotité de cette somme par le nombre qui multiplié par lui-même donne le carré, et c'est ce qui revient à chaque unité de ce nombre que nous prenons comme rangée pour les nombres à partir de l'unité jusqu'au carré proposé.

Ainsi soit à chercher la rangée pour les nombres à partir de l'unité jusqu'à 9. Nous ajouterons à l'unité 2, il vient 3 ; puis à 3, 3, il vient 6 ; puis à 6, 4, il vient 10 ; puis à 10, 5, il vient 15; et ainsi de suite jusqu'à 9. Il vient pour la quotité totale 45 que nous divisons par 3; car c'est ce nombre qui multiplié par lui-même donne 9. Il revient à chaque unité de 3, 15, qui sera la rangée pour les nombres à partir de l'unité jusqu'à 9. De même pour les autres carrés.

Pour éviter, lorsqu'on arrive à des nombres élevés, la fatigue d'ajouter tous les nombres à partir de l'unité, nous avons cherché et trouvé une méthode pour obtenir facilement la quotité de la somme des nombres à partir de l'unité jusqu'à tel que l'on voudra; voici cette méthode :

Nous prenons le nombre jusqu'où va l'addition, et nous le multiplions par lui-même ; puis nous partageons en deux parties égales la quotité provenant de cette multiplication; à l'une des parties nous ajoutons la moitié du nombre qui a été multiplié par lui-même ; il arrive nécessairement que la quotité de la somme de la moitié de la quotité provenant de la multiplication et de la moitié du nombre qu'on multiplie par lui-même est identique à la quotité de la somme des nombres à partir de l'unité jusqu'à celui qu'on a multiplié par lui-même.

Ceci peut être rendu plus clair sur des nombres déterminés, comme suit :

Prenons encore 9, comme le nombre jusqu'auquel on cherche la somme des nombres à partir de l'unité. Nous le multiplions par lui-même; il vient 81 que nous divisons en deux parties égales; il revient à chacune des deux parties 40 ½ ; maintenant nous divisons aussi 9 en deux parties égales ; il revient à chacune des deux parties 4 ½ que nous ajoutons à la moitié de la quotité provenant de la multiplication, c'est-à-dire à 40 ½. Il vient comme somme 45. Or la quotité de la somme de tous les nombres à partir de l'unité jusqu'à 9 était également de 45, et cela arrive également pour tous les autres nombres.

Ceci posé, il convient maintenant d'aborder la disposition. Nous commencerons par le premier nombre qui en est susceptible; ce premier nombre qui puisse être ainsi disposé en carré est celui formé de 3 (Fig. 2), dont nous allons donc parler en premier lieu; mais la méthode qui va être exposée pour ce nombre pourra s'appliquer à tous ceux de même espèce (les impairs). Or on peut obtenir la disposition qui donne l'égalité dans tous les sens soit par 2 et 3, soit par 3 et 5.

[Méthode pour les carrés de nombres impairs.]

Voici d'abord le procédé par 2 et 3. Nous mettons d'abord l'unité dans la case au milieu des trois du bas et nous comptons deux cases, l'une celle qui a cette unité, l'autre nous la cherchons en dessous de la première en ligne directe, car il faut toujours aller de haut en bas; comme nous n'en trouvons pas, nous remontons tout en haut, toujours en ligne directe, comme en revenant en cercle (ἀνακυκμοῦντης), et nous comptons cette seconde case ; puis nous plaçons 2 dans la case adroite de celle-ci en ligne directe, et nous comptons de nouveau deux cases, l'une celle qui a 2, la seconde au-dessous, et nous cherchons une case à droite en ligne directe pour y mettre 3; ne la trouvant pas, nous nous reportons à gauche en ligne directe ; car, lorsqu'une rangée de cases est terminée, il faut toujours revenir à son commencement. Nous plaçons donc 3 sur la case qui est la dernière pour notre marche en sens inverse, mais la première dans la marche vers la droite, c'est-à-dire celle que nous devons suivre dès le principe en comptant les cases comme en cercle. Etant ainsi arrivés à 3 qui multiplié par lui-même donne le carré, c'est-à-dire qui est le côté de 9, nous ne comptons plus deux cases pour placer ensuite 4 à droite; mais nous comptons trois, comme suit : une, celle qui a 3, deux, celle au-dessous, trois, nous cherchons en dessous, mais ne trouvant plus de case, nous remontons tout en haut en ligne directe ; nous y comptons la case comme troisième et nous y plaçons 4 sans nous écarter de la ligne directe: puis repartant de là comme d'un nouveau commencement, nous comptons par 2 et nous plaçons le nombre suivant à droite suivant la marche indiquée ; nous continuons ainsi jusqu'à ce que nous retombions sur le côté de 9, c'est-à-dire sur 6, double de 3. Arrivés à ce nombre, nous recommençons à compter par trois et à placer le nombre suivant sur la troisième case sans nous écarter de la ligne directe ; puis nous comptons par deux et mettons à droite, et ainsi de suite jusqu'à la fin, en comptant encore toujours par deux, pour tous les nombres, sauf quand nous venons de passer d'un côté à un autre côté (d'un multiple de la racine au multiple suivant), alors nous comptons par trois.

Nous faisons de même pour tous les nombres de même espèce, en comptant suivant la règle énoncée ; par deux, jusqu'au côté (racine) du nombre des cases du carré proposé; puis par trois, pour le nombre consécutif; et ainsi de suite jusqu'à la fin, en reprenant circulairement les cases comme dans l'exemple ; en somme, nous observerons exactement les mêmes règles, sauf pour la position de l'unité ; car celle-ci ne doit pas être toujours placée sur la même case, mais elle change de position à chaque carré. Pour le premier carré formé d'un nombre impair, on le place au milieu des cases inférieures ; pour le second carré, au milieu de la rangée immédiatement supérieure ; pour le troisième, au milieu de la rangée immédiatement supérieure à la précédente; en règle générale, à chaque passage à un nombre supérieur, elle monte elle-même d'une case, en sorte qu'elle se trouve toujours placée sur la case située immédiatement et directement au-dessous de celle qui est précisément au milieu de toutes les cases du carré proposé de cette espèce : on verra tout cela plus clairement sur les figures (Fig. 3, 4, 5).

[Autre méthode.]

Voici maintenant le procédé par 3 et 5 ; nous traçons le carré et nous y circonscrivons les cases du nombre carré; puis nous mettons l'unité toujours dans la case du milieu du rang le plus en haut; nous comptons ensuite trois cases, une, celle qui porte l'unité, les deux autres consécutivement en descendant, et nous mettons 2 directement à droite de la troisième case; ensuite nous repartons en comptant de même trois cases pour mettre 3 à droite ; si nous ne trouvons pas de case à droite, nous reprenons sur la gauche en ligne droite, comme dans le premier procédé, et nous prenons la case qui est la dernière dans le sens rétrograde, mais la première pour le mouvement vers la droite ; nous continuons de la même façon jusqu'à ce que nous arrivions au côté du carré proposé ; arrivés à ce nombre, nous comptons cinq cases, une celle qui porte le carré, les quatre autres consécutivement en descendant, et sur la cinquième, sans nous en écarter, nous mettons le nombre suivant le côté. Nous recommençons ensuite à compter par trois, en reprenant circulairement les cases comme dans le premier procédé, et nous continuons ainsi jusqu'à la lin; cette méthode est en tout analogue à la première, sauf que dans celle-ci l'unité se place dans des cases différentes, tandis qu'avec ce nouveau procédé, elle est toujours au milieu du rang supérieur; d'autre part, dans la première, on comptait par deux et trois, dans la seconde on compte par trois et cinq ; on peut voir tout cela sur les figures (Fig. 6, 7, 8).

[Méthode pour les carrés pairement pairs.]

Tels sont les procédés pour les carrés de nombres impairs; pour ceux des nombres pairement pairs, on a aussi trouvé deux méthodes, dont voici la première. Nous traçons les cases d'un carré de cette espèce, puis nous y mettons des points (*) comme suit : Pour le premier carré de l'espèce (Fig. 9), sur les cases des diagonales seulement, comme ci-contre ; pour les carrés suivants (Fig. 10, 11), d'abord sur les diagonales, puis comme suit : nous comptons quatre cases de suite vers la droite, à partir de la première case du rang supérieur, une pour cette première case, puis trois autres ; sur la quatrième, nous mettons un point, ainsi que sur celle qui la suit directement à droite; à partir de cette dernière, nous comptons de nouveau quatre cases, et nous mettons un point sur la quatrième et un autre point sur celle qui la suit Immédiatement à droite ; nous continuons de la sorte tant que cela se peut, et nous poursuivons ensuite sur les autres côtés du carré en cercle. Puis nous menons une ligne oblique de points de la quatrième case du haut, comptée de gauche à droite, à la quatrième case du côté gauche, comptée de haut en bas, de façon à réunir les points extrêmes et à former un triangle isocèle sur l'angle du carré ; nous joignons de même la cinquième case (du haut) à la cinquième du côté droit comptée de bas en haut; nous allons ensuite de la quatrième du rang supérieur, comptée à partir de la cinquième comme première, en obliquant à gauche, puis de la cinquième en obliquant à droite ; et ainsi de suite jusqu'à la fin des cases du rang supérieur ; ensuite nous retournons le carré pour prendre le rang d'en bas comme rang supérieur, et en mener de même des lignes de points, comme on peut le voir sur la figure.

Après avoir ainsi placé les points, nous comptons en même temps les nombres consécutifs à partir de l'unité, et les cases du carré proposé à partir de la première du rang supérieur de gauche à droite, et là où se trouvent des points nous mettons les nombres correspondants ; là où il n'y a pas de points, nous passons les cases et les nombres correspondants; nous continuons ainsi jusqu'à la dernière case de tout le carré; puis nous recommençons à compter les nombres consécutifs à partir de l'unité et les cases à partir de la première du rang inférieur de droite à gauche, et là où les cases sont vides, nous mettons les nombres correspondants ; celles qui contiennent déjà des nombres, nous les passons avec les nombres correspondants, et nous continuons ainsi en remontant jusqu'à la première case du haut d'où nous sommes partis en descendant.

Pour rendre ceci plus clair, traitons un des carrés de l'espèce; soit le premier, c'est-à-dire celui qui a 4 pour côté; nous le traçons et nous mettons des points sur les cases des diagonales comme ci-contre (Fig. 9, 12) : nous commençons ensuite par la- première case du haut et par l'unité, et nous mettons tout d'abord l'unité sur cette première case, puisqu'elle porte un point; nous passons la seconde case où il n'y a pas de point, et en même temps le nombre 2 qui lui correspond ; nous passons de même la troisième case et le nombre 3 ; sur la quatrième case, qui porte un point, nous mettons 4 ; nous passons la cinquième case et le nombre 5 ; sur la sixième case, nous mettons 6 et sur la septième 7. Nous passons la huitième et 8, la neuvième et 9; sur la dixième nous mettons 10 et sur la onzième 11; nous passons la douzième et 12, sur la treizième nous mettons 13 ; nous passons la quatorzième et 14, la quinzième et 15; sur la seizième nous mettons 16. Nous recommençons maintenant par l'unité et par la première case du carré au rang du bas en allant vers la gauche ; noua passons cette première case qui contient un nombre, et en même temps nous passons l'unité qui lui correspond ; sur la deuxième case où il n'y a pas de nombre, nous mettons 2; sur la troisième 3; nous passons la quatrième et 4 ; sur la cinquième nous mettons 5 ; nous passons la sixième et 6, la septième et 7, nous mettons 8 sur la huitième, 9 sur la neuvième ; nous passons la dixième et 10, la onzième et 11, nous mettons 12 sur la douzième; nous passons la treizième et 13, nous mettons 14 sur la quatorzième, 15 sur la quinzième; nous passons enfin la seizième et 16. On peut suivre clairement l'opération sur la figure. Nous agirons suivant le même procédé pour les carres de même nature.

[Autre méthode.]

Voilà donc la première méthode ; la seconde procède comme suit : je décris les cases du premier nombre qui puisse être ainsi carré, c'est-à-dire de celui qui a 4 pour côté ; je remplis ces cases de nombres comme ci-contre (Fig. 13) : puis je me sers de ce carré comme archétype et comme modèle pour les carrés suivants de même espèce; car tous les carrés suivants l'admettent comme partie d'eux-mêmes ; tout d'abord celui qui vient immédiatement après lui a son côté double du sien ; or tout carré d'un côté double sera quadruple de celui du côté dont le sien est double ; donc le carré qui suit le premier se divise en quatre égaux au premier ; le suivant a son côté double du côté du précédent, quadruple de celui du premier; il sera donc de quatre fois le précédent et de seize fois le premier ; il se divise donc en seize carrés égaux au premier. Nous trouvons donc facilement le rapport de multiplicité des carrés d'après leurs côtés; nous examinons combien de fois le côté est multiple du côté, et nous prenons le nombre suivant lequel il est multiple ; nous multiplions ce nombre par lui-même, le produit de cette multiplication sera le rapport des deux carrés. Ainsi le côté est quadruple du côté; je prends 4 et je le multiplie par lui-même, il vient 16; je dis donc que le rapport de multiplicité du carré au carré est 16; et de même pour les autres.

Il faut maintenant passer à la position des nombres qui se fera comme suit; après le premier nombre qui se carre ainsi et que nous avons déjà donné, nous décrivons les cases d'un autre carré de l'espèce, et nous les divisons par des marques en autant de carrés égaux au premier que cela peut se faire; puis nous remplissons la moitié des cases des carrés en commençant par le haut et en suivant ; pour cela nous regardons sur le premier carré et nous plaçons les nombres suivant la place qu'ils y occupent; ensuite recommençant par le bas, nous remontons jusqu'en haut, en remplissant l'autre moitié des cases qui a été laissée sur chaque carré.

[Exemple.]

Pour plus de clarté, décrivons un carré de l'espèce et montrons la position sur ce carré : soit celui qui vient immédiatement après le premier (Fig. 14) ; nous le traçons comme ci-contre et nous le divisons par des marques en autant de carrés égaux au premier que cela se peut; il se divise en quatre. Nous remplissons la moitié des cases comme ci-contre, en commençant par la première en haut et en descendant jusqu'à la dernière en bas; puis recommençant par la dernière en bas, nous remontons jusqu'à celle d'où nous sommes partis, la première en haut, en remplissant les cases vides, suivant la position sur le premier carré ; et nous avons ainsi le tout rempli ayant les côtés donnant des sommes égales dans tous les sens. Le procédé est le même pour les autres.

Il faut savoir que, dans cette position, en prenant quatre cases quelconques en carré, on aura le côté du premier carré, ce qui n'avait pas lieu pour la première disposition. D'autre part, si l'on divise les côtés en deux parties égales, chacune d'elles donnera la même somme; cela a lieu dans tous les carrés, sauf pour le premier. Cette disposition jouit encore d'autres propriétés remarquables et intéressantes que ne présente pas la précédente.

[Fin]


 

Fig. 1.

1

1

1

1

1

1

1

1

1

 

Fig. 2. (total 15)

4

9

2

3

5

7

8

1

6

 

Fig. 3. (total 65)

11

24

7

20

3

4

12

25

8

16

17

5

13

21

9

10

18

1

14

22

23

6

19

2

15

 

Fig. 4. (total 175)

22

47

16

41

10

35

4

5

23

48

17

42

11

29

30

6

24

49

18

38

12

13

31

7

25

43

19

37

38

14

32

1

26

44

20

21

39

8

33

2

27

45

46

15

40

9

34

3

28

 

Fig. 5. (total 369)

37

78

29

70

21

62

13

54

5

6

38

79

30

71

22

63

14

46

47

7

39

80

31

72

23

55

15

16

48

8

40

81

32

64

24

56

57

17

49

9

41

73

33

65

25

26

58

18

50

1

42

74

34

66

67

27

59

10

51

2

43

75

35

36

68

19

60

11

52

3

44

76

77

28

69

20

61

12

53

4

45

 

Fig. 6. (total 15)

8

1

6

3

5

7

4

9

2

 

Fig. 7. (total 65)

10

18

1

14

22

4

12

25

8

16

23

6

19

2

15

17

5

13

21

9

11

24

7

20

3

 

Fig. 8. (total 175)

38

14

32

1

26

44

20

5

23

48

17

42

11

29

21

39

8

33

2

27

45

30

6

24

49

18

36

12

46

15

40

9

34

3

28

13

31

7

25

43

19

37

22

47

16

41

10

35

4

 

Fig 9.

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Fig. 10.

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Fig. 11.

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Fig. 12. (total 34)

1

15

14

4

12

6

7

9

8

10

11

5

13

3

2

16

 

Fig. 13. (total 34)

1

14

11

8

12

7

2

13

6

9

16

3

15

4

5

10

 


 

 

1

 

 

8

9

 

 

16

 

7

2

 

 

15

10

 

6

 

 

3

14

 

 

11

 

4

5

 

 

12

13

 

17

 

 

24

25

 

 

32

 

23

18

 

 

31

26

 

22

 

 

19

30

 

 

27

 

20

21

 

 

28

29

 

Fig. 14 (total 260)

1

62

59

8

9

54

51

16

60

7

2

61

52

15

10

53

6

57

64

3

14

49

56

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63

4

5

58

55

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13

50

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19

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40

27

47

20

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42

39

28

29

34

 

 


 

[1] Manuel Moschopoulos (~1265-1316), élève et ami de Maxime Planude, c’est l’un des plus grands philologues du début de l’époque du règne des Paléologues à Constantinople. Ses écrits sont très variés : grammaire, poésies, correspondance, énigmes…

[2] Nouvelles constructions et considérations sur les quarrés magiques avec les démonstrations, dans les Mém. de Math, et de Phys. de l'Acad. Royale des Sciences, Année 1705, p. 162.

[3] Leipzig, Teubner, 1876, pp. 195-203 ; les variantes sont p. 267-268.

[4] Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques, t, VIII, septembre 1884.

[5] Νύμφη peut en effet signifier « insecte ailé », ce qui expliquerait, par une assimilation de forme facile à saisir, l'origine de la désignation grecque ; je laisse à de plus compétents a décider si une pareille assimilation doit être cherchée avec un costume traditionnel de la νύμφη, « fiancée ou nouvelle mariée ».

[6] Je me borne à rappeler que la lettre attribuée à Pythagore et écrite à Télaugès « de laterculis magicis », lettre signalée dans les catalogues de diverses bibliothèques, se rapporte à un tout autre sujet.

[7] Moschopoulos ne donnera aucune méthode pour les nombres pairs-impairs.