RETOUR À L'ENTRÉE DU SITE

ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE HÉRON D'ALEXANDRIE

HERON DE BYZANCE

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 


 

 

HÉRON D’ALEXANDRIE

FRAGMENTS INÉDITS DE LA PREMIÈRE PARTIE, INCOMPLÈTEMENT PUBLIÉS ET SEULS APPARTENANT A HÉRON L'ANCIEN, DE LA COMPILATION INTITULÉE

Ηρωνος Οροι τῶν γεωμετρίας ὀνομάτων.

Préface inédite des Οροι τῶν γεωμετρίας ὀνομάτων, publiée d'après les trois manuscrits de la Bibliothèque impériale de Paris.

 

*******************************

 

Maintenant, très illustre Denys, voulant esquisser pour toi et mettre sous tes yeux, le plus brièvement possible, les préliminaires didactiques des éléments de géométrie, dès le commencement et d'un bout à l'autre de ce traité je me conformerai aux enseignements géométriques d'Euclide, auteur des Eléments; car je pense qu'en procédant ainsi, je te mettrai à même de saisir facilement l'ensemble et la liaison, non seulement des ouvrages de cet auteur, mais de la plupart des ouvrages qui traitent de géométrie. Je commencerai donc par le point.

Chapitre xxx. Qu'est-ce que l’ἀψίς ?

On nomme ἀψίς la figure moindre que le demi-cercle, comprise par une droite moindre que le diamètre et par le moindre des deux arcs.

Chapitre lxxii. Quelles sont celles des figures planes (régulières) qui remplissent le lieu de la surface plane?

Parmi les figures planes équilatérales, les seules qui remplissent le lieu de la surface plane, sont le triangle, le carré et l'hexagone, savoir : le triangle, en s'associant cinq autres triangles à son sommet, remplit le lieu de la surface plane en ne laissant au milieu aucune place vide; de même le carré en s'associant trois autres carrés, et l'hexagone [en s'associant deux autres hexagones].

Scolie. Voici ce que l'auteur veut dire : il (le carré avec trois autres carrés) occupe tout l'espace de quatre angles droits, suivant lequel les lignes droites se coupent pareillement; car les quatre angles valent quatre angles droits.

Autre scolie. Il faut savoir que l'espace autour d'un point se divise en angles égaux à quatre droits, et il n'y a que trois polygones (réguliers) qui puissent remplir tout l'espace autour d'un point, savoir : le triangle équilatéral, le carré et l'hexagone équilatéral el équiangle. Il faut pour cela que le triangle équilatéral soit pris six fois; car six fois deux tiers d'angle droit feront les quatre droits. Il faut prendre l'hexagone trois fois ; car chaque angle de l'hexagone vaut un angle droit et un tiers. Il faut prendre le carré quatre fois; car chaque angle du carré est droit. Par conséquent, six triangles équilatéraux [ou quatre carrés, ou trois hexagones], se rapprochant suivant leurs angles, remplissent les quatre angles droits. Mais les autres polygones (réguliers) donnent plus ou moins de quatre angles droits. Ces trois polygones seuls donnent juste ce qu'il faut, d'après les nombres cités.

Chapitre cix. Qu'est-ce qu'un cube?

Le cube est une espèce de parallélépipède rectangle déjà définie plus haut.

Chapitre cxxvi. Sur les grandeurs commensurables et incommensurables.

Quels nombres sont irrationnels et incommensurables, et quels nombres sont rationnels et commensurables, c'est ce qui a été dit dans les Préliminaires des Éléments arithmétiques. Mais maintenait, marchant sur les traces d'Euclide, auteur des Éléments, et parlant des grandeurs (quelconques), nous dirons qu'on nomme grandeurs commensurables celles qui sont mesurées par les mêmes unités de mesure, et incommensurables celles qui rie peuvent avoir aucune mesure commune.

Chapitre cxxvii. Sur les droites commensurables et incommensurables.

Des lignes sont commensurables à leur seconde puissance, quand les carrés faits sur ces lignes sont mesurés par une même unité superficielle, et elles sont incommensurables (à leur seconde puissance) quand aucune unité de surface ne peut servir de commune mesure à leurs carrés. Cela posé, on démontre que certaines lignes irrationnelles en nombre indéfini peuvent être commensurables (à la seconde puissance) avec une ligne proposée. Que la ligne proposée soit donc appelée rationnelle; que les lignes commensurables avec elle soient aussi appelées rationnelles; que le carré de la droite proposée soit appelé rationnel, et que les carrés des droites commensurables avec la droite proposée et les carrés commensurables avec les carrés de ces droites soient appelés rationnels.

 

FRAGMENT DE LA SECONDE PARTIE, INÉDITE ET APOCRYPHE, DE LA COMPILATION INTITULEE

Ηρωνος Οροι τῶν γεωμετρίας ὀνομάτων.

 

…… ce fragment comprend : 1° une phrase détachée, dont la source est inconnue; 2° le chapitre xiv tout entier du premier livre de l'ouvrage qui nous reste sous le titre d'Optique de Damien, disciple d'Héliodore de Larisse, et qui n'est qu'un abrégé de l’Optique de cet auteur. Nous avons dit aussi qu'un extrait de cet abrégé, extrait dont on a donné trois éditions, ne comprend que les treize premiers chapitres du premier livre.

Le chapitre xiv du premier livre n'a été publié que par Bartholin, d'une manière extrêmement défectueuse, et avec une traduction latine pleine de contre-sens. Avec l'aide des trois manuscrite que la Bibliothèque impériale de Paris possède de la compilation attribuée à Héron, nous allons restituer le texte de ce chapitre, et en donner une traduction fidèle.

Voici le morceau identique au chapitre xiv du premier livre de l’Optique de Damien.

 

*******************************

 

Les portiques dont les côtés, perpendiculaires sur la largeur, fuient devant les yeux, paraissent former au loin un triangle tronqué à son sommet; les tours carrées paraissent rondes et affaissées, quand on les voit de loin; et les lambris égaux paraissent inégaux en ce qui concerne leur position et leur longueur.

L'optique suppose que les rayons visuels qui sortent de l'œil vont en ligne droite, et que, l'œil venant à se tourner suivant une autre direction, la direction des rayons visuels tourne en même temps, et qu'à l'instant même où l'œil s'ouvre, les rayons visuels arrivent à l'objet visible. D'un autre côté, elle suppose que les objets vu» à travers l'éther ou à travers l'air sont vus en ligne droite, attendu que toute lumière va en ligne droite. Mais les objets vus pas transparence à travers le verre, les pellicules, ou l'eau, sont vus suivant des angles de réfraction, et les objets qui apparaissent sur des surfaces réfléchissantes sont vus suivant des angles de réflexion.

L'optique ne sonde point la nature des choses : elle ne cherche point si certaines émanations, certains rayons émis par les yeux, vont toucher les surfaces des corps, ou bien si des images émises par les objets sensibles vont en ligne droite pénétrer dans les yeux, ou bien si le souffle lumineux de la vue produit une tension et un tourbillonnement de l'air situé entre l'œil et l'objet. Elle examine seulement si chacune de ces hypothèses maintient la direction rectiligne du mouvement ou de la tension, et si, lorsqu'il s'agit d'expliquer les différences des grandeurs apparentes des objets, chacune de ces hypothèses respecte le principe d'après lequel la convergence a lieu suivant un angle. Elle examine principalement comment la vision s'opère par tous les points de la pupille et de l'objet, et non par un seul point déterminé, et comment elle s'opère, soit suivant un angle dont le sommet est vers l'œil, soit suivant un angle dont l'ouverture est vers l'œil et le sommet en dehors, soit suivant des lignes parallèles.

On pourrait distinguer dans l'optique un plus grand nombre de parties, suivant la différence des objets qu'elles traitent ; mais les plus générales sont au nombre de trois, savoir : l'optique proprement dite, qui porte le même nom que cette science entière, la catoptrique et la scénographique. On nomme catoptrique principalement la théorie des réflexions produites par les surfaces polies, et non seulement par un seul miroir, mais encore quelquefois par plusieurs, et, de plus, la théorie des couleurs qui paraissent dans l'air à travers les vapeurs, par exemple·, des couleurs de l'arc-en-ciel. Mais on applique aussi ce même nom de catoptrique à un autre objet, savoir, à la théorie de ce qui arrive aux rayons du soleil dans le brisement, dans l'illumination elle-même et dans les ombres; par exemple, à la question de savoir quelle est la ligne qui limite l'ombre dans chaque circonstance, ou bien à ce qu'on nomme la théorie des instruments comburants, c'est-à-dire la théorie des rayons qui concourent par réflexion, et qui, par la convergence d'un faisceau de lumière réfléchie en vertu de la disposition spéciale du miroir et se concentrant en un point, soit suivant une ligne droite, soit circulairement, embrasent un certain espace. Ces théories, reposant sur les mêmes hypothèses que celle qui concerne les rayons de la vue, observent la même méthode. Car, de même que les rayons de la vue vont frapper les objets, de même s'opère l'illumination des objets par les rayons solaires, et tantôt suivant des lignes droites non brisées, tantôt suivant des lignes plongeantes, comme il arrive dans les vases de verre, où les rayons, réfractés et convergeant en un point, enflamment les objets qui se trouvent à l'entour, tantôt aussi suivant des lignes de réflexion, et c'est ainsi qu'on voit paraître sur les lambris ces lumières mobiles auxquelles on donne le nom d'achilles . et, de même que la vision s'opère par tous les rayons de la vue, de même l'illumination s'opère par les rayons émis de toutes les parties du soleil.

La partie de l'optique qui examine ce qui a lieu quand des rayons pénètrent à travers les eaux ou à travers des membranes transparentes n'offre pas une théorie aussi étendue : elle cherche à expliquer ce qui se passe dans les eaux, les membranes et le verre, quand, vus a travers ces corps, des objets qui se tiennent paraissent séparés, des objets simples paraissent composés, des objets droits paraissent brisés, et des objets immobiles semblent se mouvoir.

QU'EST-CE QUE LA SCÉNOGRAPHIQUE ?

La scénographique, partie de l'optique, cherche comment il faut tracer les figures des édifices. En effet, comme les objets ne paraissent pas tels qu'ils sont, on n'opère pas de manière à montrer les proportions réelles des objets, mais on arrange ces proportions telles qu'elles doivent paraître. Le but de l'architecte est de produire une œuvre bien proportionnée suivant l'apparence, et, autant que possible, d'inventer des remèdes contre les tromperies de la vue, en se proposant la symétrie et la proportion, non en réalité, mais au jugement des yeux.

C'est pourquoi, puisqu'une colonne bien cylindrique devrait paraître amincie et rétrécie vers le milieu au jugement des yeux, l'architecte la fait plus grosse vers le milieu. Pour représenter un cercle, quelquefois ce n'est pas un cercle qu'il trace, mais une section d'un cône acutangle; pour représenter un carré, il fait un rectangle oblong; et pour représenter des colonnes nombreuses et de diverses grandeurs, il leur donne des proportions différentes quant au nombre et quant aux dimensions. C'est encore le même raisonnement qui donne au constructeur de colosses les proportions apparentes que son œuvre devra présenter aux regards pour produire un effet convenable, au lieu d'avoir en réalité dans sa structure des proportions inutilement exactes. Car les objets ne paraissent pas tels qu'ils sont, quand on les voit à une grande hauteur.

 

*********************************************

 

Fragments de la même compilation, qui nous ont paru tirés, soit de l'ouvrage perdu de Géminus Sur l’ordre des sciences mathématiques, soit de l’Αριθμιτικὴ σύνταξις d'Anatolius, qui lui-même aurait fait des emprunts à Géminus.

Nous publions ces fragments d'après les trois manuscrits de le Bibliothèque impériale de Paris.

 

SUR LA LOGISTIQUE.

La logistique est une théorie qui a pour objet les choses qui se nombrent, et non pas les nombres eux-mêmes. Elle ne s'applique pas aux nombres absolus, mais elle prend l'on au lieu de Vanité, et la chose nombrée au lieu du nombre : par exemple, elle prend trois pour la triade, dix pour la décade, et elle applique à ces objets les théorèmes de l'arithmétique. Elle examine le problème nommé par Archimède problème des bœufs; elle considère des nombres de moutons et des nombres de capacité, ceux-ci lorsqu'il s'agit d'un vase, ceux-là lorsqu'il s'agit d'un troupeau, et de même pour ce qui concerne les nombres des autres corps sensibles, comme il est superflu de le démontrer.

QUELLE EST LA MATIÈRE DE LA LOGISTIQUE?

Il a déjà été dit que ce sont tous les objets nombrés, et puisque la plus petite des quantités dans la matière est comme l'unité dans l'arithmétique, la logistique emploie l'an comme la plus petite des quantités semblables comprises dans une même collection. Elle pose donc un homme comme indivisible au milieu de la collection des hommes, et elle le pose plusieurs fois; de même, elle pose une drachme comme indivisible parmi les drachmes, bien qu'elle soit divisible en tant que monnaie.

DEFINITION DE LA GEOMETRIE.

La géométrie est la science des .grandeurs et des figures, ainsi que des lignes et des surfaces qui les limitent et les terminent, de leurs modifications, de leurs manières d'être et de leurs propriétés en ce qui concerne, soit les formes, soit les caractères du mouvement. On nomme modifications tout ce qui est relatif aux divisions, et manières d'être les rapports mutuels des grandeurs et leurs positions, soit que nous considérions ces grandeurs chacune à part, ou que nous les comparions entre elles.

QUE LES GRANDEURS DES CORPS SONT CONTINUES.

Les quantités continues sont celles dont toutes les parties sont semblables et dont la division peut se continuer à l'infini : tels sont les corps, le lieu, le temps, le mouvement, les surfaces, les lignes. Car toute partie d'un corps est corps, et c'est pourquoi il n'y a point de corps qui soit le plus petit de tous : en effet, tout corps a trois dimensions, longueur, largeur, profondeur; et, où est une partie d'un corps, ou bien d'où elle est sortie, c'est là un lieu. Il n'y a pas non plus de lieu qui soit le plus petit de tous; car tout lieu a des dimensions corporelles. Semblablement toute partie du temps est temps. Il y a encore d'autres quantités continues, qui sont : la ligne, puisqu'il est possible de prendre une limite commune où les parties de la ligne se joignent, c'est-à-dire un point ; et la surface, puisque les parties d'un plan se joignent suivant une limite commune, qui est une ligne; et il en est de même du corps.

QUE LA GÉOMÉTRIE A CERTAINS PRINCIPES.

Quelques-uns disent que la géométrie a pour principes les dimensions des corps mathématiques. Elles sont au nombre de trois, la longueur, la largeur et la profondeur. On dit que la première dimension se produit d'avant en arrière, et que c'est la longueur; la deuxième de droite à gauche, et que c'est la largeur, et la troisième de haut en bas et de bas en haut, et que c'est la profondeur. Ainsi, de ces trois dimensions, il s'en forme six, deux pour chacune, et c'est ce qu'on nomme mouvements locaux.

QUEL EST LE BUT DE LA GEOMETRIE ?

Le but de la géométrie ressemble beaucoup à celui de l'arithmétique, avec cette différence, que la première cherche à concevoir les accidents, non pas d'une substance discontinue, maie d'une substance continue.

DÉFINITION DE LA GEODESIE.

La géodésie est la science des grandeurs et des formes des corps sensibles, grandeurs et formes qu'elle divise et qu'elle réunit.

DE QUELLE ESPÈCE EST LA MATIÈRE DE LA GEODESIE?

Elle prend pour objets des-formes qui ne sont ni parfaites ni exactes, parce qu'elle s'applique à une matière corporelle, de même que la logistique. Elle mesure donc un monceau comme un cône, des puits circulaires comme des figures cylindriques, des μείουρα comme des cônes tronqués. Comme la géométrie use de l'arithmétique, de même la géodésie use de la logistique. Elle emploie divers instruments pour prendre des alignements sur le terrain, par exemple les dioptres, les règles, les cordeaux, les gnomons, et d'autres instruments semblables, servant à mesurer les distances et les hauteurs, soit par l'ombre, soit par des visées. Quelquefois même, pour résoudre des problèmes, elle a recours à la réflexion de la lumière. De même que souvent le géomètre emploie des lignes idéales, de même celui qui pratique la géodésie appelle en aide des lignes sensibles. Les plus exactes de ces lignes sont données par les rayons du soleil, soit qu'on trouve ces lignes à l'aide de la dioptre, ou à l'aide d'objets qui arrêtent les rayons.

D'autres lignes plus corporelles sont prises à l'aide de la chaîne d'arpenteur, que l’on traîne, ou du cordeau, que l'on tend. Car, à l’aide de ces instruments, celui qui pratique la géodésie mesure de loin des lieux inaccessibles, des hauteurs de montagnes ou de murailles, des largeurs ou des profondeurs de fleuves, et autres choses semblables. En outre, la géodésie établit des divisions, non seulement en parties égales, mais en parties qui ont certains rapports entre elles, en parties proportionnelles, et même quelquefois en parties plus ou moins grandes suivant la qualité des terres.

*********************************************

Fragment d'Anatolius, déjà publié, mais très incorrectement, par Fabricius, et dont la majeure partie se trouve, sous le nom d'Anatolius, à la fin des Ηρωνος Οροι τῶν γεωμετρίας ὀνομάτων, dans les trois manuscrits de Paris.

Fabricius avait publié ce morceau d'après une copie prise par Lucas Holstenius sur un manuscrit de Peiresc. Harles a reproduit l'édition de Fabricius sans corrections. Ce morceau entier se trouve dans le manuscrit de Munich 165 du Catalogne de Hardt. Les trois premiers quarts seulement de ce morceau se trouvent en grec dans le ms. 2385, fol. 76 r°, l. 14-fol. 77 r°, dans le ms. 3675, fol. 51 r°-53 v° et dans le ms. 387 du supplément, fol. 94 v°-95 v° à la Bibliothèque impériale de Paris, et en latin dans la traduction imprimée de Rauchfuss (Dasypodius), fol. 30r°-31r°. Le dernier huitième de ce morceau n’est autre chose que le chapitre xi de l’Astronomie de Théon de Smyrne, publiée par moi d’après le ms. 1821 de la Bibliothèque impériale de Paris. Pour l’avant-dernier, huitième, je n’ai eu que les textes de Fabricius et de Harles, Je donne ici le texte du morceau entier, corrigé en partie d’après les mss. 2385, 2475, 387 suppl. et 1821, et avec le secours de la traduction latine de Rauchfuss, faite sur d’autres manuscrits, en partie par conjecture.

 

EXTRAITS D'ANATOLIUS.

Qu'est-ce que les mathématiques?

Aristote, pensant que la philosophie prise dans son ensemble embrasse la théorie et la pratique, et divisant la pratique en morale et en politique, et la théorie en théologie, en physique et «n mathématiques, montre bien clairement et doctement que les mathématiques font partie de la philosophie.

Les Chaldéens ont inventé l'astronomie, les Égyptiens la géométrie et l'arithmétique.

D'où les mathématiques ont-elles tiré leur nom?

Les Péripatéticiens, déclarant qu'on peut comprendre la rhétorique, la poétique et toute la musique vulgaire, sans en avoir pris des leçons, mais qu'on ne peut acquérir la connaissance d'aucun des objets nommés proprement μαθήματα, sans avoir pris d'abord des leçons sur ces objets, pensaient que pour cette raison la théorie de ces mêmes objets avait reçu le nom de mathématiques. Mais on dit que ce nom fut donné spécialement à la géométrie et à l'arithmétique seules par les disciples de Pythagore. Car anciennement chacune de ces deux sciences était nommée à part, et elles n'avaient point de nom commun. Or ils les nommèrent ainsi, parce qu'ils y trouvèrent le caractère scientifique et l'aptitude à être enseignées ; car ils voyaient qu'elles roulaient sur des objets éternels, immuables et purs de tout mélange, et ils pensaient que c'étaient là les seuls objets où la science pût se rencontrer. Mais, à une époque plus récente, on a donné à ce mot une plus grande extension, parce qu'on a pensé que le mathématicien devait s'occuper, non seulement de la matière incorporelle et idéale, mais encore de ce qui touche à la matière corporelle et sensible. En effet, il doit être habile dans la théorie du mouvement des astres, de leurs vitesses, de leurs grandeurs, de leurs figures et de leurs distances. Il doit, en outre, savoir considérer les diverses modifications de la vue : il doit savoir scruter les causes pour lesquelles les objets ne paraissent pas à toute distance ce qu'us sont, ni tels qu'ils sont en réalité, gardant, il est vrai, leurs rapports mutuels, mais produisant de fausses apparences en ce qui concerne leurs positions et leur ordre, soit dans le ciel et dans l'air, soit dans les miroirs et dans toutes les surfaces polies, soit enfin dans ceux des objets visibles qui sont transparents et dans tous les corps de cette nature. On pensait, de plus, que le mathématicien devait être mécanicien et habile dans la géodésie (géométrie pratique) et dans la logistique (arithmétique pratique), et qu'il devait aussi s'occuper des causes de l'union mélodieuse des sons et de leur combinaison dans la mélodie. Or ces objets sont corporels, ou du moins sont au dernier rang parmi ceux qui s'élèvent au-dessus de la matière sensible.

Qu'est-ce que les mathématiques?

Les mathématiques sont la science qui s'applique a la théorie des objets perceptibles à la fois par l'intellect et par la sensation, de manière à pouvoir transmettre les notions relatives a ces objets. El quelqu'un a remarqué, avec non moins d'esprit que de justesse, que c'est de la science mathématique qu'il convient de dire : « petite d'abord, elle s'élance, et bientôt elle « a dressé sa tète dans le ciel, tandis que ses pieds foulent le sol. » En effet, les mathématiques partent du point et de la ligne, mais elles embrassent l'étude du ciel, de la terre et de l'univers entier.

Combien y a-t-il de parties des mathématiques?

La branche la plus relevée et la première des mathématiques se divise en deux parties principales : l'arithmétique et la géométrie. Celle qui s'occupe des choses sensibles se divise en six parties : la logistique (art du calcul arithmétique), la géodésie (géométrie pratique), l'optique, la canonique (science du canon musical, qui est le type des valeurs numériques des sons), la mécanique et l'astronomie. Mais, ni ce qu'on nomme la tactique, ni l'art de l'architecte, ni la musique vulgaire, ni l'étude des apparences visibles, ni la mécanique (pratique) qui porte le même nom que la mécanique par excellence, ne sont, comme quelques-uns le croient, des parties des mathématiques : c'est ce que nous montrerons clairement et avec méthode dans la suite de cet ouvrage.

Le cercle a huit solides, six plans et quatre angles.[1]

Quelles sont les parties des mathématiques les plus rapprochées les unes des autres?

Ce qui se rapproche le plus de l'arithmétique (théorique), ce sont la logistique (art du calcul) et la canonique (calcul de la valeur numérique des sons musicaux); car l'arithmétique, ayant pris pour unité une certaine quantité, procède suivant les rapports, les nombres et les proportions. Ce qui se rapproche le plus de la géométrie, ce sont l'optique et la géodésie. La mécanique et l'astronomie se rapprochent beaucoup de l'arithmétique et de la géométrie à la fois.

Les mathématiques tirent leurs principes de l'hypothèse et roulent sur l'hypothèse. Le mot hypothèse a trois significations ou plus encore. Par exemple, on nomme hypothèse la péripétie dramatique, et c'est ainsi qu'on dit les hypothèses (ou sujets) des drames d'Euripide. D'après une autre signification, on nomme hypothèse la recherche des cas particuliers dans la rhétorique, et c'est ainsi que les sophistes disent : il faut poser une hypothèse (un fait particulier auquel la thèse générale s'applique). Par une troisième variété de signification, on nomme hypothèse le principe de la démonstration consistant en un postulatum d'où l'on tire une conséquence : c'est ainsi qu'on dit que Démocrite prenait pour hypothèse les atomes et le vide, et Asclépiade les masses et les pores. La science mathématique roule sur le troisième genre d'hypothèse.

Ce n'était pas Pythagore seul qui honorait l'arithmétique ; ses familiers aussi l'honoraient, en disant : « Tout est fait à l'image du nombre ».

L'arithmétique a pour but et pour résultat principalement la théorie scientifique, but le plus grand et le plus beau de tous, et, comme conséquence de ce premier résultat, elle fait connaître collectivement les nombres des accidents de la substance finie.

A qui est due chaque invention en mathématiques?

Suivant ce qu'Eudème raconte dans son ouvrage sur l'astronomie, Œnopide le premier découvrit la ceinture du zodiaque et la période de la grande année (c'est-à-dire du cycle luni-solaire). Thalès le premier sut en quoi consiste l'éclipse du soleil, et que la période qui ramène le soleil aux points solsticiaux n'est pas toujours égale. Anaximandre le premier découvrit que la terre est suspendue en l'air vers le centre du monde, et qu'elle s'agite dans le voisinage de ce point (de manière à produire les tremblements de terre, γῆς κινήσεις), Anaximène découvrit que la lune tire sa lumière du soleil, et comment elle s'éclipse. A ces découvertes, d'autres ajoutèrent les découvertes suivantes: que les astres fixes exécutent leur révolution (diurne) autour de l'axe immobile qui passe par les pôles (de l'équateur), mais que les planètes exécutent leurs révolutions (propres) autour de l’axe perpendiculaire au plan du zodiaque (c'est-à-dire de l’écliptique), et que l'axe des astres fixes et l’axe des planètes sont éloignés l'un de l'autre d'un côté du polygone (régulier) de quinze côtés (inscrit au cercle), c'est-à-dire de vingt-quatre degrés.

 

FRAGMENTS DES ABRÉGÉS INTERPOLÉS DE L'OUVRAGE DΉÉRON L'ANCIEN INTITULÉ

Ηρωνος Εἰσαγωγα τῶν γεωμετρουμένων

ABRÉGÉS dont il reste des manuscrits inÉdits.

Morceau sur l'origine de la géométrie, rédaction différente et un peu plus abrégée du morceau intitulé Ηρωνος Εἰσαγωγα et publié par Montfaucon.

COMMENCEMENT DES Γεωμετρούμενα DE ΗÉRON,

ou bien,

COMMENT ON EST VENU A L'INVENTION DU MESURAGE.

 

Comme l'antique tradition nous l'enseigne, la plupart (des géomètres) s'appliquaient au mesurage et au partage des terres, et c'est de là que la géométrie a pris son nom. L'invention de ce mesurage a été faite chez les Égyptiens. Car, à cause de la crue du Nil, beaucoup de terrains, habituellement à découvert, disparaissaient par le débordement du fleuve, et il y avait beaucoup de propriétés privées qu'il était impossible à chaque propriétaire de reconnaître après la retraite des eaux. C'est pourquoi les Égyptiens imaginèrent ce mesurage, qui s'exécute tantôt avec ce qu'on nomme le σχοινίον, tantôt avec un roseau, tantôt avec d'autres instruments. Le mesurage étant donc nécessaire, l'usage s'en propagea chez tous les hommes désireux de s'instruire.

 


 

[1] Les huit solides engendrés par le cercle sont sans doute le cône, le cône tronqué, le cylindre à bases perpendiculaires sur l'axe, le cylindre à bases obliques à l'aie, la sphère, l'onglet sphérique, le segment sphérique et le secteur sphérique. Les six plana engendrés par le cercle sont sans doute le cercle, le demi-cercle, le segment déterminé par une seule corde et plus grand que le demi-cercle, le segment déterminé par une seule corde et plus petit que le demi-cercle, le segment compris entre deux cordes et le secteur compris entre deux rayons. Les quatre angles à considérer dans le cercle sont sans doute l'angle au centre, l'angle à la circonférence, l'angle dont un des cotés est on diamètre et dont le sommet est en deçà du centre, l'angle dont un des côtés est un diamètre et dont le sommet est au delà du centre.