Anatolius

DAMIANUS

OPTIQUE.

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 


 

DAMIANUS

 

OPTIQUE

 

 

Fragment d’une compilation concernant l'optique, et emprunté à Damien, sauf la première phrase.

Ce fragment comprend : 1° une phrase détachée, dont la source est inconnue; 2° le chapitre xiv tout entier du premier livre de l'ouvrage qui nous reste sous le titre d'Optique de Damien, disciple d'Héliodore de Larisse, et qui n'est qu'un abrégé de l'Optique de cet auteur. Nous avons dit aussi qu'un extrait de cet abrégé, extrait dont on a donné trois éditions, ne comprend que les treize premiers chapitres du premier livre.

 

TRADUCTION.

 

 

Les portiques dont les côtés, perpendiculaires sur la largeur, fuient devant les yeux, paraissent former au loin un triangle tronqué a son sommet; les tours carrées paraissent rondes et affaissées, quand on les voit de loin; et les lambris égaux paraissent inégaux en ce qui concerne leur position et leur longueur.

L'optique suppose que les rayons visuels qui sortent de l'œil vont en ligne droite, et que, l'œil venant à se tourner suivant une autre direction, la direction des rayons visuels tourne en même temps, et qu'à l'instant même où l'œil s'ouvre, les rayons visuels arrivent à l'objet visible. D'un autre côté, elle suppose que les objets vus à travers l'éther ou à travers l'air sont vus en ligne droite, attendu que toute lumière va en ligne droite. Mais les objets vus pas transparence à travers le verre, les pellicules, ou l'eau, sont vus suivant des angles de réfraction, et les objets qui apparaissent sur des surfaces réfléchissantes sont vus suivant des angles de réflexion.

L'optique ne sonde point la nature des choses : elle ne cherche point si certaines émanations, certains rayons émis par les yeux, vont toucher les surfaces des corps, ou bien si des images émises par les objets sensibles vont en ligne droite pénétrer dans les yeux, ou bien si le souffle lumineux de la vue produit une tension et un tourbillonnement de l'air situé entre l'œil et l'objet. Elle examine seulement si chacune de ces hypothèses maintient la direction rectiligne du mouvement ou de la tension, et si, lorsqu'il s'agit d'expliquer les différences des grandeurs apparentes des objets, chacune de ces hypothèses respecte le principe d'après lequel la convergence a lieu suivant «in angle. Elle examine principalement comment la vision s'opère par tous les points de la pupille et de l'objet, et non par un seul point déterminé, et comment elle s'opère, soit suivant un angle dont le sommet est vers l'œil, soit suivant un angle dont l'ouverture est vers l'œil et le sommet en dehors, soit suivant des lignes parallèles.

On pourrait distinguer dans l'optique un plus grand nombre de parties, suivant la différence des objets qu'elles traitent; mais les plus générales sont au nombre de trois, savoir : l'optique proprement dite, qui porte le même nom que cette science entière, la catoptrique et la scénographique. On nomme catoptrique principalement la théorie des réflexions produites par les surfaces polies, et non seulement par un seul miroir, mais encore quelquefois par plusieurs, et, de plus, la théorie des couleurs qui paraissent dans l'air à travers les vapeurs, par exemple, des couleurs de l'arc-en-ciel. Mais on applique aussi ce même nom de catoptrique à un autre objet, savoir, à la théorie de ce qui arrive aux rayons du soleil dans le brisement, dans l'illumination elle-même et dans les ombres; par exemple, à la question de savoir quelle est la ligne qui limite l'ombre dans chaque circonstance, ou bien à ce qu'on nomme la théorie des instruments comburants, c'est-à-dire la théorie des rayons qui concourent par réflexion, et qui, par la convergence d'un faisceau de lumière réfléchie en vertu de la disposition spéciale du miroir et se concentrant en un point, soit suivant une ligne droite, soit circulairement, embrasent un certain espace. Ces théories, reposant sur les mêmes hypothèses que celle qui concerne les rayons de la vue, observent la même méthode. Car, de même que les rayons de la vue vont frapper les objets, de même s'opère l'illumination des objets par les rayons solaires, et tantôt suivant des lignes droites non brisées, tantôt suivant des lignes plongeantes, comme il arrive dans les vases de verre, où les rayons, réfractés et convergeant en un point, enflamment les objets qui se trouvent à l'entour, tantôt aussi suivant des lignes de réflexion, et c'est ainsi qu'on voit paraître sur les lambris ces lumières mobiles auxquelles on donne le nom d'achilles : et, de même que la vision s'opère par tous les rayons de la vue, de même l'illumination s'opère par les rayons émis de toutes les parties du soleil.

La partie de l'optique qui examine ce qui a lieu quand des rayons pénètrent à travers les eaux ou à travers des membranes transparentes n'offre pas une théorie aussi étendue : elle cherche à expliquer ce qui se passe dans les eaux, les membranes et le verre, quand, vus à travers ces corps, des objets qui se tiennent paraissent séparés, des objets simples paraissent composés, des objets droits paraissent brisés, et des objets immobiles semblent se mouvoir.

 

QU'EST-CE QUE LA SCENOGRAPHIQUE ?

 

La scénographique, partie de l'optique, cherche comment il faut tracer les figures des édifices. En effet, comme les objets ne paraissent pas tels qu'ils sont, on n'opère pas de manière à montrer les proportions réelles des objets, mais on arrange ces proportions telles qu'elles doivent paraître. Le but de l'architecte est de produire une œuvre bien proportionnée suivant l'apparence, et, autant que possible, d'inventer des remèdes contre les tromperies de la vue, en se proposant la symétrie et la proportion, non en réalité, mais au jugement des yeux.

C'est pourquoi, puisqu'une colonne bien cylindrique devrait paraître amincie et rétrécie vers le milieu au jugement des yeux, l'architecte la fait plus grosse vers le milieu. Pour représenter un cercle, quelquefois ce n'est pas un cercle qu'il trace, mais une section d'un cône acutangle; pour représenter un carré, il fait un rectangle oblong; et pour représenter des colonnes nombreuses et de diverses grandeurs, il leur donne des proportions différentes quant au nombre et quant aux dimensions. C’est encore le même raisonnement qui donne au constructeur de colosses les proportions apparentes que son œuvre devra présenter aux regards pour produire un effet convenable, au lieu d'avoir en réalité dans sa structure des proportions inutilement exactes. Car les objets ne paraissent pas tels qu'ils sont, quand on les voit à une grande hauteur.