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Columelle
De l'agriculture
 L'économie rurale

livre VI

livre V - livre VII

Tome deuxième de Columelle ; trad. nouvelle par M. Louis Du Bois
 C. L. F. Panckoucke, 1846. Bibliothèque latine-française. Seconde série

 



 

 

 
 

DE L'ÉCONOMIE RURALE

LIVRE VI.

AVANT-PROPOS.

Je sais, Publius Silvinus, que quelques agriculteurs expérimentés ont blâmé l'entretien des bestiaux , ainsi que des gens préposés à leur garde, et qu'ils ont constamment refusé de s'en occuper comme d'une science contraire à l'agronomie. J'avoue qu'ils ont quelques motifs de penser ainsi, puisque l'objet du pâtre est différent de celui du cultivateur : celui-ci, en effet, ne recherche que les terrains bien travaillés et bien nettoyés; celui-là, que les champs incultes et couverts d'herbes ; l'un fonde son espoir sur le produit de ses terres, l'autre le fonde sur ses troupeaux : de sorte que l'abondance des herbes qui cause le désespoir du laboureur, est pour le pâtre l'objet des plus ardents désirs. Il y a toutefois, dans ces vœux si différents, une certaine union et un certain rapport, puisqu'on a l'habitude de livrer les pâtures d'un fonds, plutôt aux bestiaux de la ferme qu'à ceux d'autrui, et que les biens de la terre deviennent plus abondants par les amples fumures que donnent les troupeaux. Il n'y a non plus aucun pays, s'il produit des céréales, qui puisse se passer du concours des bestiaux, pas plus que de celui des hommes. C'est d'ailleurs de l'aide qu'ils nous procurent que nous avons tiré leur nom parce qu'ils nous secondent dans nos travaux, soit en portant des fardeaux, soit en labourant. Aussi, de même que les anciens Romains font prescrit, je pense que l'on ne doit pas être plus étranger aux soins que réclament les bestiaux, qu'à ceux que demandent les champs : car l'entretien des troupeaux était pour les anciens agriculteurs la source la plus féconde de richesses. C'est pourquoi les noms de pecunia et de peculium paraissent venir de pecus; car les anciens ne possédèrent que ce bien, et, encore aujourd'hui, certaines nations n'ont pas d'autre espèce de fortune. Maintenant même nos colons ont-ils d'autres objets d'un produit plus avantageux? M. Caton était aussi de cet avis, quand il répondit à quelqu'un qui lui demandait quelle était la partie de l'économie rurale à laquelle il fallait s'adonner pour s'enrichir promptement : A l'éducation bien entendue des bestiaux. — Et que faut-il faire pour obtenir des profits honnêtes? reprit le questionneur. — Entretenir des bestiaux médiocrement bien. Quant à la dernière réponse que Caton, si l'on en croit quelques auteurs, aurait faite à ce même homme qui lui demandait ce qui après ces deux choses était le plus lucratif: Que c'était encore les bestiaux, fussent-ils mal soignés; je rougirais de l'attribuer à un homme si savant : car un pâtre ignorant et paresseux cause plus de dommage, que ne rapporte te bénéfice celui qui est habile et diligent. Pour la seconde réponse, il n'est pas douteux que les bénéfices qu'on obtient d'un troupeau ne soient encore considérables quand la négligence du maître n'est pas trop grande.

C'est pourquoi, Silvinus, nous avons, en suivant les préceptes le nos aïeux, transmis à la postérité, autant que nos connaissances nous le permettent , cette partir de l'économie rurale. En conséquence, puisque nous avons deux classes de quadrupèdes, dont l'une est acquise par nous pour être associée à nos travaux, comme le bœuf, la mule, le cheval et l'âne; et l'autre pour nos plaisirs, notre profit et notre garde, telle que la brebis, la chèvre, le porc et le chien : nous parlerons d'abord de cette classe dont l'emploi est de partager notre travail. Il n'est pas douteux que, comme l'a dit Varron , le bœuf ne doive être honorablement placé avant tous les autres animaux, surtout en Italie, qui semble avoir tiré son nom de ce quadrupède, car les Grecs autrefois appelaient les taureaux ἰταλοί; à Rome même, pour le tracé des murs de laquelle on employa , comme attelage, le bœuf et la vache; à Athènes aussi, où le bœuf fut le ministre de Cérès et de Triptolème ; dans les cieux encore, où il tient sa place parmi les astres les plus brillants; et dans la culture de nos champs, où l'homme n'a pas de compagnon aussi laborieux. Aussi inspira-t-il tant de vénération aux anciens, que tuer un bœuf, chez eux, était un aussi grand crime que d'avoir tué un citoyen.

C'est donc par le bœuf que nous commençons le travail que nous avons promis.

De l'acquisition des bœufs, et de leurs formes.

I. Dire ce qu'il faut observer et ce qu'il faut éviter dans l'achat des bœufs n'est point chose facile; car, selon l'état de la température et du sol où ils sont nés, leur corps diffère de taille; leur intelligence, de caractère; leur pelage, de couleur. Autres sont les formes des bœufs d'Asie, autres celles des bœufs des Gaules, autres aussi celles des bœufs de l'Epire : cette différence ne se fait pas seulement remarquer de province à province; on la trouve aussi dans les diverses contrées de l'Italie. En général, la Campanie produit des bœufs blancs et petits, qui n'en sont pas moins propres au travail et à la culture du sol sur lequel ils sont nés; l'Ombrie les donne grands et blancs, rouges quelquefois, et non moins remarquables par le courage que par la corpulence ; ceux de l'Etrurie et du Latium sont trapus et vigoureux pour le travail; ceux de l'Apennin sont très-durs à la fatigue et triomphent de tout obstacle; mais ils η ont pas une belle apparence.

Parmi tants de variétés et de différences, le laboureur doit pourtant suivre quelques règles communes et certaines dans l'achat qu'il fait de jeunes bœufs. Le Carthaginois Magon les a fixées ainsi que nous allons les rappeler. Il est à propos d'acheter des bœufs jeunes, carrés, bien membrus, qui aient les cornes bien développées, noirâtres et fortes, le front large et creux, les oreilles velues, les yeux et les lèvres noirs, les naseaux retroussés et larges, le cou long et musculeux, le fanon ample et tombant presque jusqu'aux genoux, le poitrail large, les épaules vastes, le ventre gros et semblable à celui d'une vache pleine, les flancs étendus, les reins larges, !e dos droit et plat ou même un peu rentré, les fêles arrondies, les jambes fermes et droites, mais plutôt courtes que longues; les genoux irréprochables, la corne des pieds grande, la queue très-longue, bien garnie de poil et terminée par beaucoup de soies, le corps épais et court, la couleur rousse ou fauve, et la peau douce au toucher.

Des bœufs à dompter

II. Il faut accoutumer les veaux ainsi conformés, et pendant qu'ils sont encore jeunes, à se laisser manier et attacher aux mangeoires, afin qu'on éprouve par la suite moins de peine et de danger à les dompter : ce dont, au reste, il ne faudra pas s'occuper avant leur troisième année, ni après la cinquième, parce qu'avant trois ans les bouvillons sont encore trop délicats, et qu'après cinq leur force les rend difficiles à maîtriser. Quant à ceux qu'on a pris dans un troupeau sauvage, voici comment on les dompte : d'abord on dispose une étable spacieuse, où celui qui en prendra soin puisse tourner facilement, et d'où il puisse sortir sans danger. Les abords de l'étable devront être libres, donner sur la campagne ou sur un, chemin bien large, afin que les bouvillons, à leur sortie, trouvent un libre parcours et ne soient pas exposés, s'ils venaient à s'effrayer, à s'embarrasser dans les arbres ou dans tout autre obstacle, et à s'y blesser. L'étable doit être pourvue de vastes mangeoires au-dessus desquelles seront fixées horizontalement des solives en forme de jougs, élevées de sept pieds au-dessus du sol, afin qu'on y puisse attacher les bouvillons. Ensuite, quand vous voudrez les dompter, choisissez une belle matinée d'un jour non férié, et liez leurs cornes avec une corde de chanvre. Quant aux courroies avec lesquelles on les conduit, elles doivent être recouvertes de peaux de mouton avec leur laine, pour ne pas les blesser à cette partie délicate qui est à la base des cornes. Ces jeunes bœufs étant pris, conduisez-les à l'étable, attachez-les à des poteaux de manière qu'ils aient un peu de liberté, et qu'une certaine distance les sépare assez pour que, dans la lutte qui va avoir lieu , ils ne puissent pas blesser leurs voisins. S'ils sont trop farouches, laissez-les épuiser leur fureur pendant un jour et une nuit, et, quand elle sera calmée, vous les conduirez à la main, en prenant la précaution de faire marcher quelqu'un devant eux , et plusieurs par derrière qui les retiendront avec des cordes, vous vous ferez accompagner en outre d'un individu armé d'un bâton de saule pour les en frapper sans brutalité lorsqu'il deviendra nécessaire de réprimer leur violence. Si, au contraire, vos jeunes bœufs sont doux et tranquilles, vous pourrez, le jour même où vous les aurez attachés, les faire sortir dans la soirée, et les dresser à parcourir d'un pas régulier, et sans s'effrayer, la distance de mille pas. Reconduits à l'étable, vous les lierez à des poteaux d'assez près pour qu'ils ne puissent remuer la tête. Approchez-vous deux alors, non pas par derrière ni de coté, mais en face, doucement, en leur parlant d'une voix caressante , afin qu'ils s'accoutument à voir celui qui les aborde. Frottez-leur ensuite les narines, pour qu'ils apprennent à reconnaître l'homme à l'odorat. Vous n'oublierez pas, non plus, pour les rendre plus familiers avec le bouvier, de leur tâter tout le dos, puis de les asperger de vin, et de leur passer la main sous les cuisses, afin que par la suite, quand on les y touchera, ils ne prennent pas l'épouvante, et qu'on puisse les débarrasser des tiques qui, le plus souvent, s'attachent à cet endroit. Dans ces opérations, le dompteur se tiendra de coté, pour ne pas recevoir de coups de pied. Ensuite, ouvrez-leur la bouche, attirez leur langue, frottez-leur de sel tout le palais, faites-leur avaler, à l'aide d'une spatule, des boules de pâte, du poids d'une livre, trempées dans de la graisse fondue très-salée; puis, au moyen d'une corne, versez-leur dans la gorge, à chacun , un setier de vin. Ces bons traitements, continués trois jours, les rendent à peu près dociles, et le quatrième jour, ils souffrent le joug, auquel on fixe, pour tenir lieu de timon , une branche d'arbre qu'on surchargera même de temps en temps d'un corps pesant, afin de mettre leur docilité à l'épreuve par le surcroît d'efforts qu'on exige d'eux. Après ces essais, on les attelle à une charrette vide, et peu à peu on augmente le trajet et la charge. Ainsi domptés, on ne tarde pas à les mettre à la charrue, mais dans un champ ameubli, pour qu'ils ne se rebutent pas d'abord par la difficulté du travail, et ne meurtrissent pas leurs cous, encore tendres, par un labourage trop pénible. J'ai enseigné dans mon premier volume comment le bouvier doit conduire ses bœufs lorsqu'il laboure. Pendant que l'on dompte le bouvillon, il faut prendre garde qu'il ne frappe quelqu'un de son pied ou de sa corne ; car, si on ne prenait cette précaution , on ne pourrait jamais, même après l'avoir dompté , le corriger de ces défauts.

Au surplus, on ne suivra ces préceptes que dans le cas où l'on n'en aurait pas de dressés au travail; si l'on en est pourvu , la méthode la plus prompte et le plus sûre sera celle que nous employons dans nos campagnes. Là , quand on veut dresser un animal, soit pour la voiture, soit pour la charrue, on prend parmi les bœufs domptés le plus vigoureux et le plus tranquille, pour l'atteler avec un bouvillon indompté , qu'il retient quand il s'emporte, et entraîne quand il refuse de marcher. Si on prend la peine de faire un joug à trois bœufs, on obtiendra de cette machine l'avantage de faire exécuter les plus rudes travaux par les bœufs, même les plus récalcitrants : en effet, quand un jeune bœuf paresseux est placé entre deux anciens, et qu'il est forcé d'ouvrir la terre avec la charrue à laquelle il est attaché, il n'a aucun moyen de refuser d'obéir, puisque, s'il saute et s'emporte, il est contenu au gré de ses deux voisins; s'il s'arrête, il est entraîné par les deux qui marchent, et s'il tente de se coucher, il est soulevé et emmené par leur force supérieure à la sienne. Par ce moyen, il est obligé, dans tous ces cas, de renoncer à son opiniâtreté, et il ne faut que très-peu de coups pour l'amener à supporter le travail.

Quoique domptés, certains bœufs d'un tempérament mou se couchent sur le sillon; je pense qu'il ne faut pas, pour les corriger, user de moyens violents, mais recourir à un procédé mieux réfléchi : en effet, ceux qui préfèrent, pour combattre ce défaut, employer l'aiguillon , le feu et d'autres tortures, ne connaissent pas le véritable remède : car la cruauté qui s'opiniâtre excède ordinairement l'animal qu'elle rend furieux. C'est pourquoi il est plus utile, au lieu d'user de mauvais traitements , de corriger le bœuf qui se couche, en lui faisant souffrir la faim et la soif : car les coups ont moins d'empire sur lui que les besoins naturels. Quand donc un bœuf se couchera, il sera très à propos alors de lui lier tellement les pieds qu'il ne puisse se tenir debout, ni marcher, ni paître : pressé par la faim et la soif, il renoncera bientôt à sa paresse qui, du reste, est très-rare dans les bœufs du pays, lesquels sont de beaucoup préférables aux étrangers : en effet, les premiers sont habitués à l'eau du lieu, à sa pâture, à son climat; la nature du sol ne les contrarie pas; tandis qu'il n'en est pas de même du bœuf qui est amené d'un pays plat et champêtre dans des lieux montueux et escarpés, ou de ceux-ci dans les plaines. C'est pourquoi, quand nous sommes obligés de faire venir nos bœufs d'une contrée éloignée, il faut avoir soin de les tirer de lieux semblables à ceux où on les conduit. Il est à propos aussi de ne pas accoupler avec un animal vigoureux un autre qui lui soit inférieur en corpulence, en stature et en forces : car ces disproportions ne tardent pas à devenir préjudiciables au plus faible.

On regarde comme ayant les meilleures qualités ceux de ces bestiaux qui sont plutôt tranquilles qu'emportés, mais non paresseux; ceux qui sont sensibles aux coups et à la voix du bouvier, et qui, confiants dans leurs forces, ne s'effrayent ni de ce qu'ils entendent ni de ce qu'ils voient, et qui ne redoutent pas d'entrer dans les rivières ou de passer sur les ponts. Ils doivent prendre beaucoup de nourriture, et ruminer lentement : car alors ils digèrent mieux; aussi ceux qui mâchent à leur aise conservent-ils mieux leur vigueur et leur embonpoint, que ceux qui expédient à la hâte leur rumination. Au surplus, on n'a pas moins de tort de rendre ses bœufs gras que de les laisser devenir maigres : le corps des bêtes de travail est dans un état convenable quand elles sont alertes, nerveuses, bien musclées et non surchargées de graisse, afin de n'avoir à souffrir ni du poids de leur masse , ni de la fatigue du travail.

Ainsi, après avoir donné les préceptes à suivre pour acheter et: dompter les bœufs, nous allons traiter des soins qu'ils exigent.

Du soin à donner aux bœufs, et de leur nourriture.

III. Il faut tenir les bœufs dehors lorsqu'il fait chaud, et pendant le froid les mettre à couvert. En conséquence, on préparera, pour le séjour qu'ils feront à l'étable pendant l'hiver, de la paille qui, coupée à l'époque de la moisson, sera trente jours après, dans le mois d'août, entassée en meule. La coupe de cette paille n'est pas moins avantageuse aux bestiaux qu'aux champs : elle débarrasse les sillons des plantes parasites qui, abattues dans l'été, au lever de la canicule, périssent ordinairement avec leurs racines, et, données en litières, procurent beaucoup de fumier. Ces précautions prises, on préparera toutes les espèces de fourrages , et on veillera à ce que la disette ne fasse pas dépérir les animaux. Or, il y a plusieurs méthodes pour bien nourrir les bœufs : car si la fertilité de la contrée produit du fourrage vert, personne ne doute que ce genre de nourriture ne soit préférable à tout autre; mais c'est ce qui n'arrive que dans les terres arrosées ou naturellement humides. Aussi ces lieux sont-ils fort avantageux, puisqu'une journée d'un seul homme suffit pour deux attelages, qui, dans le même jour, labourent et paissent alternativement Dans les terrains secs, on nourrit les bœufs à la crèche et on subordonne leur alimentation aux fourrages que produit le pays; et personne ne doute que les meilleurs se composent de vesce en bottes, de cicérole, et de foin de pré. Il y a moins d'avantage à entretenir des bestiaux avec de la paille, que l'on peut se procurer partout, et qui est même la seule ressource de certains cantons : la plus estimée toutefois est celle du millet, puis celle de l'orge, et ensuite celle de froment. Outre la paille, il faut donner de Forge en grain aux animaux qui travaillent. Au surplus, on règle la quantité du fourrage d'après les divers temps de l'année. Au mois de janvier, il convient de livrer à chaque animal quatre setiers d'ers moulu, macéré dans l'eau et mêlé de paille, ou bien un modius de lupins macérés, ou un demi-modius de cicérole aussi macérée, et en outre une large provision de paille. Si l'on manque de ces grains, on mêlera à la paille du marc de raisins séché après l'extraction de la piquette ; il est hors de doute qu'il serait préférable de le donner avec la pellicule des raisins et avant de l'avoir lavé : car alors, plus substantiel, et conservant un peu de la force du vin, il procurerait aux bœufs un poil lisse, de la gaîté et de l'embonpoint. Si on ne leur donne pas de grain, il suffira de distribuer une corbeille fourragère de vingt modius de feuilles sèches, ou trente livres de foin, sinon un modius de feuilles vertes de laurier et d'yeuse. Lorsque les ressources du pays le permettent, on y ajoute du gland, quoiqu'il produise la gale quand on leur en donne à satiété. On peut encore, si la récolte permet de le faire, leur donner un demi-modius de fèves moulues. Ordinairement la même ration suffît au mois de février. En mars et en avril on ajoute à la quantité du foin, parce que le labourage a lieu à cette époque : toutefois, quarante livres de ce fourrage suffisent pour chaque bœuf; mais depuis les ides du mois d'avril jusqu'aux ides de juin, il sera bon de couper du fourrage vert, et on pourra même, dans les contrées froides, en donner jusqu'aux calendes de juillet. De cette époque aux calendes de novembre, pendant tout l'été et ensuite dans l'automne, on nourrit les bestiaux avec des feuilles, qui pourtant ne sont vraiment bonnes que lorsqu'elles ont mûri sous les pluies ou sous de continuelles rosées. On estime surtout les feuilles de l'orme, puis celles du frêne, et ensuite celles du peuplier; les moins bonnes proviennent de l'yeuse, du chêne et du laurier : mais quand l'été est passé, à défaut d'autres, elles deviennent nécessaires. On peut aussi employer les feuilles de figuier, si l'on en a en abondance, ou s'il est devenu nécessaire d'émonder ces arbres. La feuille de l'yeuse est préférable à celle du chêne, pourvu qu'elle provienne d'une espèce qui n'ait pas de piquants; car, comme le genièvre, elle est rebutée par les animaux à cause de ces aiguillons. Aux mois de novembre et de décembre, pendant les semailles, il faut fournir au bœuf autant de nourriture qu'il en désire : toutefois il suffit ordinairement de leur donner un modius de gland, avec de la paille à discrétion, ou bien un modius de lupins macérés, ou sept setiers d'ers arrosé d'eau et mêlé avec de la paille, ou douze setiers de cicérole également arrosée et mélangée de paille, ou un modius de marc de raisins, pourvu que, comme je l'ai dit ci-dessus, on y joigne beaucoup de paille; ou enfin, si on n'a récolté aucun de ces fourrages, quarante livres de foin.

Des maladies des bœufs, et des remèdes à y apporter.

IV. Ce n'est rien de pourvoir à la nourriture des bœufs, si on ne fait pas tout ce qui dépend de soi pour leur conserver la santé et entretenir leurs forces ; on parviendra à ce double but en leur administrant, trois jours de suite, une forte médecine composée de lupins broyés et de feuilles de cyprès, à poids égal et infusés dans de Feau toute une nuit en plein air. On renouvelle ce remède quatre fois par an, à la fin du printemps, de l'été, de l'automne et de l'hiver. Souvent aussi on guérit leur langueur et leur dégoût en leur introduisant à jeun dans le gosier un œuf de poule entier et cru , et en leur versant , le lendemain , dans les naseaux du vin dans lequel on a broyé des têtes d'ulpique ou des gousses d'ail. Ces remèdes toutefois ne suffisent pas pour les tenir en bonne santé : beaucoup de cultivateurs mêlent encore une assez grande quantité de sel aux fourrages ; quelques-uns leur donnent du marrube avec de l'huile et du vin; d'autres des feuilles de poireaux ; ceux-ci quelques grains d'encens ; ceux-là de la sabine et de la rue détrempées dans du vin, et font boire ces préparations à leurs bœufs. Un grand nombre de personnes traitent ces animaux avec de la coulevrée blanche et des gousses d'ers; quelques autres mêlent avec du vin une peau de serpent réduite en poudre. Le serpolet broyé dans du vin doux, et la seule écrasée, macérée dans l'eau, sont encore des remèdes en usage. Toutes ces potions, administrées à la dose de trois hémines pendant trois jours consécutifs, leur purgent le ventre, et les délivrent du mal en rétablissant leurs forces. Au surplus , on regarde surtout comme efficace la lie d'huile mélangée avec une égale quantité d'eau, quand on parvient à accoutumer les bœufs à ce breuvage, qu'on ne peut leur donner tout d'abord, mais dont on commence par arroser le fourrage; puis on verse une petite quantité de la lie d'huile dans leur eau, et bientôt après on l'y mêle par parties égales pour leur en donner à discrétion.

Quels remèdes on doit donner aux troupeaux, quand une épizootie les attaque.

V. En aucun temps, et surtout en été, il ne faut exciter les bœufs à courir : car cette fatigue leur occasionne la diarrhée ou la fièvre. Il faut aussi veiller à ce que ni porc ni poule n'approche des mangeoires : car leurs déjections , mêlées au fourrage, font périr les bestiaux. Les excréments de porc malade peuvent occasionner une maladie pestilentielle dans le troupeau. Pour remédier à ce fléau, il faut sans tarder le faire changer d'air, et, le divisant en plusieurs bandes, gagner une contrée éloignée. On séparera, bien entendu, les animaux sains de ceux qui sont malades, de manière que parmi les premiers il n'en pénètre pas qui infectent de la contagion ceux qu'elle n'a pas encore frappés. En conséquence, lorsqu'on aura dû éloigner le troupeau, on le conduira dans des lieux où nul autre bétail n'aille paître, de peur qu'il ne communique à ce dernier le mal dont il est atteint.

Au reste, on peut guérir les maladies même pestilentielles, et en triompher par des remèdes bien appropriés. A cet effet, on mêle avec de la graine de fenouil des racines de panax et d'éryngium; on y joint du vin cuit et de la farine de froment ; on trempe le tout d'eau bouillante, et au moyen de cette préparation on excite la salivation du troupeau malade. On peut aussi composer un médicament avec de la cannelle, de la myrrhe, de l'encens, et du sang de tortue marine, à poids égaux et mêlés avec trois setiers de vin vieux qu'on injecte dans les naseaux des bêtes malades; mais il suffira d'administrer avec du vin, pendant trois jours, ce médicament divisé par portions égales de six onces. Nous avons reconnu aussi, comme un bon remède, les petites racines de la plante que les bergers appellent consiligo : elle naît en abondance dans les montagnes des Marses et est très-salutaire à tous les bestiaux. On doit l'arracher de la main gauche avant le lever du soleil : car on croit qu'ainsi cueillie, elle a une plus grande vertu. Voici, suivant la tradition, la manière dont on doit en faire usage : avec une alêne de cuivre, on pique circulairement la partie la plus large de l'oreille de l'animal, de telle sorte qu'en coulant le sang forme un petit cercle semblable à la lettre O. Quand cette opération est terminée intérieurement et à la surface supérieure de l'oreille, on transperce avec la même alêne le centre du cercle décrit, et l'on introduit dans le trou pratiqué la racine dont il s'agit. La plaie, étant récente, contient assez cette racine pour qu elle ne puisse pas s'échapper, et dès lors toute la violence du mal et le virus pestilentiel se portent à cette plaie, jusqu'à ce que la partie circonscrite par l'alêne tombe morte , et la tête se trouve ainsi préservée au prix d'une faible partie d'elle-même. Cornélius Celse prescrit d'injecter dans les naseaux des bœufs du vin dans lequel on aura broyé des feuilles de gui.

Voilà ce qu'il convient de faire si tout un troupeau est malade; occupons-nous maintenant des affections qui ne frappent que quelques bêtes en particulier.

Quels remèdes il faut administrer au bœuf souffrant d'indigestion.

VI. Les symptômes de l'indigestion sont des éructations fréquentes, des borborygmes, le dégoût pour les aliments, la tension des nerfs, le trouble de la vue. Il en résulte que le bœuf ne rumine plus et cesse de se lécher. Pour remède, on lui donnera deux congés d'eau chaude, et, aussitôt après, trente feuilles de chou médiocrement cuites et assaisonnées de vinaigre. Le malade devra, un jour entier, être privé de toute autre nourriture. Quelques personnes le retiennent enfermé pour qu'il ne puisse pas paître ; après quoi elles prennent quatre livres de sommités de lentisque et d'olivier sauvage, qu'elles broient avec une livre de miel et mêlent avec un congé d'eau; elles laissent le tout macérer une nuit en plein air, et le versent dans le gosier de l'animal. Une heure après, elles lui donnent quatre livres d'ers macéré, et le privent de toute autre boisson. On doit continuer ce traitement pendant trois jours, jusqu'à ce que la cause de la maladie ait disparu : car, si on négligeait une indigestion, l'enflure du ventre surviendrait, ainsi que des coliques violentes qui s'opposeraient à ce que l'animal puisse prendre des aliments; il pousserait des gémissements, ne saurait rester à la même place, se coucherait souvent, agiterait la tête et ne cesserait de remuer la queue. Un remède excellent consiste à lui serrer fortement la queue à sa base avec un lien , à lui faire avaler un setier de vin avec une hémine d'huile, et à le faire courir ensuite un espace de quinze cents pas. Si la douleur persiste, on incisera circulaire, ment la corne du pied; puis, avec la main introduite dans l'anus et frottée d'huile, on extraira les excréments, et l'on fera de nouveau courir l'animal malade. Dans le cas où ce moyen n'a pas non plus de succès, on écrase du figuier sauvage sec qu'on lui administre dans neuf onces d'eau chaude. Lorsque ce remède ne produit pas l'effet désiré, on cueille deux livres de feuilles de myrte sauvage ; on les mêle avec deux setiers d'eau chaude, et, au moyen d'un vase de bois, on verse cette préparation dans la bouche du bœuf souffrant; puis on le saigne sous la queue; et quand le sang a suffisamment coulé, on l'arrête avec une ligature de papyrus. Alors on fait courir la bête jusqu'à ce qu'elle soit essoufflée. Voici encore quelques remèdes dont ou peut faire usage avant d'en venir à la saignée : on mêle trois onces d'ail pilé avec trois hémines de vin ; on les fait avaler, puis on fait courir l'animal; ou bien, on broie ensemble deux onces de sel et dix oignons, on ajoute du miel bouilli, et on introduit ce uniment dans le rectum après quoi on excite aussi le bœuf à une course rapide.

Avec quel remède on apaise la douleur du ventre et les coliques des bœufs.

VII La vue des oiseaux nageurs, et surtout du canard, peut aussi calmer la douleur du ventre et des intestins : en effet , si un canard se présente devant un bœuf souffrant de coliques, aussitôt le mal se dissipe. Cette sorte de remède toutefois est encore plus efficace pour les mulets et l'espèce chevaline. Quelquefois pourtant aucun moyen curatif n'a de succès, et la dysenterie survient en s'annonçant par des déjections sanguinolentes et muqueuses : alors on combat la maladie au moyen de quinze cônes de cyprès, autant de noix de galle, et de très-vieux fromage en poids égal aux deux premiers ingrédients ; on triture le tout ensemble, puis on y verse quatre setiers de vin dur. Ce remède doit être divisé en quatre doses égales et administré en quatre jours. On n'oubliera pas de donner en même temps aux animaux malades des sommités vertes de lentisque, de myrte et d'olivier sauvage.

Le flux de ventre, en abattant le corps et les forces du bœuf le rend impropre au travail. Alors on lui interdit, pendant trois jours, toute boisson, et même toute nourriture pendant la première de ces journées. Passé ce temps, on lui donne des sommités d'olivier sauvage et de roseau, avec des fruits de lentisque et de myrte ; mais on ne le laissera boire qu'avec beaucoup de réserve. 11 y en a qui font avaler une livre de pousses tendres de laurier avec autant d'aurone macérée , le tout dans deux setiers d'eau chaude, en donnant les fourrages que nous avons spécifiés ci-dessus. D'autres personnes torréfient deux livres de marc de raisin , le pulvérisent et administrent ce médicament dans deux setiers de vin dur; tout en interdisant d'autre liquide aux bœufs, ils leur offrent néanmoins les jeunes pousses d'arbres dont nous venons de parler.

Si la diarrhée persiste ainsi que la douleur des intestins et du ventre; si l'animal refuse la nourriture; si sa tête est pesante ; si les larmes tombent de ses yeux plus fréquemment qu'à l'ordinaire, et que des mucosités coulent de ses naseaux, on lui brûlera jusqu'à l'os le milieu du front, et on lui fendra les oreilles avec le fer. Pendant que les blessures faites par le feu se cicatriseront, il convient de les fomenter avec de l'urine de bœuf; quant à celles qui ont été faites par le fer, on les traites plus efficacement avec de la poix et de l'huile.

Des excroissances morbifiques de la langue.

VIII. Les excroissances morbifiques de la langue, que les vétérinaires appellent grenouillettes, occasionnent aussi le dégoût. On les enlève avec le fer, puis on frotte la plaie avec du sel et de l'ail piles ensemble, jusqu'à ce que la pituite provoquée prenne son cours. Alors on lave la bouche avec du vin, et, au bout d'une heure, on donne des herbes vertes ou des feuilles, jusqu'à parfaite guérison de la plaie. S'il n'existe point de grenouillette, si le ventre n'est pas dérangé, et que cependant le bœuf éprouve du dégoût pour sa nourriture, il sera bon de lui injecter dans les naseaux de l'huile dans laquelle on aura broyé de l'ail, de lui frotter l'intérieur du gosier avec du sel ou de la sarriette, ou encore avec un uniment composé d'ail écrasé et de saumure. Au surplus, cette médication n'a du succès que dans le cas de simple dégoût.

De la fièvre des bœufs.

IX. Lorsqu'un bœuf a la fièvre, il faut le mettre à la diète pendant un jour, lui tirer à jeun , le lendemain, un peu de sang sous la queue, et, une heure après cette incision, lui faire avaler, afin de provoquer la salivation, trente feuilles de chou de moyenne grandeur cuites dans de l'huile avec du garum : on devra lui donner à jeun cette nourriture pendant cinq jours. En outre , on lui présentera des sommités de lentisque ou d'olivier, ou quelques feuillages très-tendres, ou des pampres de vigne; on lui nettoiera les lèvres avec une éponge , et, trois fois par jour, on lui donnera à boire de l'eau froide. Ce traitement doit se faire à l'étable, et le bœuf ne doit sortir qu'après parfaite guérison. Les symptômes de la fièvre sont le larmoiement, la pesanteur de la tête, la contraction des paupières, l'écoulement de la salive, la respiration longue et difficile, accompagnée parfois de gémissements.

De la toux des bœufs.

X. La toux récente se guérit parfaitement avec un salivât de farine d'orge. Parfois on réussit mieux avec de l'herbe hachée à laquelle on mêle des fèves moulues. Des lentilles écossées et réduites en poudre très-menue, délayées dans deux setiers d'eau chaude , sont aussi données en potion et ingérées au moyen d'une corne. Deux livres d'hysope, macérée dans trois setiers d'eau, guérissent la toux invétérée : cette plante médicinale doit être 'broyée et administrée, en manière de salivât, avec quatre setiers "de lentilles moulues menu, comme je viens de le dire, et c'est après cette opération qu'on verse, avec une corne, l'eau d'hysope dans le gosier du bœuf. Le suc du poireau, mélangé avec de l'huile, ou bien ses fibres broyées avec de la farine d'orge, est encore un bon remède. Ses bulbes, lavés soigneusement pitiés avec la fleur de farine de froment, donnés à jeun, dissipent la toux la plus invétérée. Le même effet est produit par de ï^rs écossé moulu avec de l'orge torréfiée, à doses égales, et introduit dans la gorge en manière de salivât.

Traitement des abcès.

XI. Les abcès se guérissent mieux par le bistouri que par les médicaments. Après l'ouverture, on presse le foyer du mal ; on lave avec de l'urine de bœuf que l'on a fait chauffer, puis on bande la plaie avec une compresse imbibée de poix liquide et d'huile. Si l'emplacement de l'abcès ne permet pas d'assujettir le bandage, on fera couler sur cette plaie, avec une lame rougie au feu , du suif de chèvre ou de bœuf. Quelques praticiens, après avoir cautérisé la partie malade, la lavent avec de vieille urine, et la frottent de térébenthine incorporée avec du vieux oing, employés à poids égaux.

Quel remède il faut employer pour guérir la claudication du bœuf.

XIL Le sang, quand il se porte aux pieds du bœuf, peut déterminer la claudication. Lorsque cela arrive, il faut sans tarder visiter la corne du pied, et s'assurer par le toucher s'il y a de la chaleur; le bœuf, d'ailleurs, ne souffre pas qu'on presse fortement la partie blessée. Si le sang n'est pas encore descendu des jambes dans la corne du pied , on le dissipe par quelques frictions continuées sans interruption, et, si ce traitement ne produit rien d'efficace, on a recours à la scarification. Si, au contraire, le sang est déjà descendu, on fait avec un scalpel une légère incision entre les deux ergots; on y applique une compresse imbibée de' sel et de vinaigre; on établit le pied dans une bottine de sparte, et l'on veille surtout à ce que l'animal ne mette pas son pied dans l'eau, mais à ce qu'il se tienne dans l'étable à l'abri de l'humidité. Si on ne donne issue à ce sang, il produira du pus, et la suppuration retardera la guérison. D'abord il faudra inciser tout le contour du dépôt à l'aide d'un bistouri , puis le nettoyer : alors on l'amènera à guérison en y introduisant de la charpie imbibée de vinaigre, de sel fondu et d'huile, et en appliquant un emplâtre de vieux oing et de suif de bœuf bouillis ensemble à poids égaux. Si le sang a envahi la sole du pied , l'extrémité de l'ergot doit être coupée jusqu'au vif : l'écoulement s'opère alors, et le pied, enveloppé de compresses, est maintenu dans une bottine de sparte. Il ne convient pas d'inciser par le milieu le dessous du sabot, à moins que la suppuration ne s'y soit déjà établie.

Quand la claudication provient d'une douleur des nerfs, on frottera , jusqu'à guérison , avec du sel fondu et de l'huile , le genou . le jarret et la jambe. S'il est survenu une tumeur au genou , on le bassinera avec du vinaigre chaud et on y appliquera de la graine de lin et du millet arrosés d'eau miellée. On fait aussi avec avantage l'application d'une éponge imbibée d'eau chaude, puis pressée dans la main et enduite de miel ; on la contient sur le genou malade au moyen de bandelettes. Lorsqu'il subsiste quelque humeur sous l'enflure, on met dessus du levain, ou de la farine d'orge cuite dans du vin de raisins secs ou dans de l'eau miellée ; puis, quand l'abcès sera mûr, on ouvrira la tumeur avec le scalpel, et, après avoir donné issue à la suppuration , on pansera avec de la charpie, comme nous l'avons dit ci-dessus. On peut aussi, d'après la prescription de Cornélius Celse, guérir la plaie produite par le fer avec des bulbes de lis, avec de la scille et du sel, ou bien avec la renouée, que les Grecs appellent polygonon, ou avec du marrube. Au surplus , toute douleur du corps qui ne provient pas d'une blessure se dissipe mieux par des fomentations; si elle est ancienne, on y met le feu, et sur la brûlure on fait couler du beurre, ou de la graisse de chèvre.

Remèdes contre la gale, contre la morsure des chiens enragés ou celle des loups, et contre le coriage.

XIII. On fait disparaître la gale par des frictions d'ail broyé : ce remède est assez efficace contre les morsures des chiens enragés ou celles des loups; il en est de même de la vieille saumure mise sur la blessure. Quant à la gale , il est un remède plus certain : on broie ensemble de l'origan sauvage et du soufre que l'on fait bouillir dans de la lie d'huile, de l'eau , du vinaigre et de l'huile ; avant que cette préparation soit refroidie, on la saupoudre d'alun de plume réduit en poudre. On obtient d'heureux résultats de ce médicament employé en frictions à l'ardeur du soleil. On guérit les ulcères avec de la noix de galle broyée, et aussi bien avec du marrube et de la suie mélangés.

Les troupeaux de bœufs sont sujets à une grave maladie à laquelle les paysans donnent le nom de coriage : la peau de ces animaux adhère alors tellement à leur dos, que la main ne saurait la détacher de ses côtes. Cet accident n'arrive que lorsque le bœuf est devenu maigre à la suite de quelque maladie, ou qu'il s'est refroidi après avoir sué dans le travail, on qu'il a été trempé par la pluie au moment où il était chargé. Ces cas étant pernicieux, il faut avoir soin, lorsque les bœufs reviennent de leur ouvrage , couverts de sueur et essoufflés, de les frotter avec du vin et de leur introduire dans le gosier des boulettes de graisse. Si l'accident dont nous avons parlé a eu lieu, il sera utile de faire une décoction de feuilles de laurier, et, tandis qu'elle sera chaude, d'en bassiner leur dos, d'y verser aussitôt après beaucoup d'huile et de vin, puis de les manier partout et de tirer à soi la peau : c'est en plein air, à l'ardeur du soleil, que doit se faire cette opération pour qu 'elle soit le plus efficace. Quelques personnes font un mélange de marc d'olives, de vin et de graisse, et emploient cette préparation après les fomentations que je viens d'indiquer.

Contre les ulcérations du poumon et du palais, et contre les tumeurs du cou.

XIV. L'ulcération du poumon est encore un accident des plus pernicieux : elle produit la toux , l'amaigrissement, et enfin la phtisie. Pour que le cas ne devienne pas mortel, il faut, comme nous l'avons enseigné ci-dessus, placer dans l'oreille percée de l'animal malade une racine de pommelée, et plusieurs jours de suite lui faire prendre une potion composée d'une hémine de jus de poireau, d'une égale mesure d'huile, er d'un setier de vin.

Le bœuf quelquefois refuse la nourriture à cause d'une tumeur survenue à son palais; il gémit fréquemment, et présente cette particularité, qu'on le croit près de tomber sur le coté. Il faut alors lui inciser le palais pour en faire couler du sang, et ne lui donner, jusqu'à guérison, que de l'ers écossé et macéré, des feuilles vertes ou tout autre fourrage tendre. Si dans le travail il s'est excorié le cou, le remède le plus efficace est une saignée à l'oreille, ou, si on a négligé de la pratiquer, une application de l'herbe qu'on appelle avia, pilée avec du sel.

Si le cou est déjeté à la suite d'une forte secousse, on examinera de quel côté il penche, et on tirera du sang de l'oreille opposée ; mais, auparavant, on frappera avec un sarment la veine la plus saillante de cette oreille, et quand elle se sera gonflée sous les coups, on l'ouvrira avec une flammette; puis le lendemain on l'ouvrira de nouveau, et pendant deux jours on laissera reposer l'animal; le troisième jour, on le fera peu travailler, et ce n'est que peu à peu qu'on le ramènera à ses habitudes. Quand le cou, sans pencher d'aucun côté, est enflé au milieu, on tire du sang des deux oreilles. Si, après l'accident, on laissait passer deux jours sans recourir à la saignée, le cou se tuméfierait, les nerfs se contracteraient, et il en résulterait une tumeur dure qui empêcherait le bœuf de supporter son joug. Dans une telle circonstance, nous avons découvert que la poix liquide, la moelle de bœuf, le suif de bouc , et la vieille huile, à doses égales, et bouillis ensemble, sont un excellent remède. On l'emploie ainsi qu'il suit : quand le bœuf est dételé. on baigne la tumeur de son cou dans la piscine qui lui sert d'abreuvoir, et, lorsqu'elle est presque sèche., on l'oint et on la frictionne avec la préparation indiquée. Dans le cas où, à cause de sa tumeur, l'animal refuserait de se soumettre au joug , on le dispenserait de travail pendant quelques jours, et alors on bassinerait le mal avec de l'eau froide, et on l'oindrait avec de l'écume d'argent. Pour ces tumeurs, Celse prescrit de piler et d'appliquer comme topique l'herbe qu'on nomme ανία, et dont j'ai parlé plus haut.

Les écorchures dont le cou du bœuf est quelquefois le siège, sont moins fâcheuses; car, sans qu'il cesse de travailler, on les guérit facilement en laissant tomber dessus quelques gouttes de l'huile de la lampe. Toutefois il vaut mieux prévenir leur formation, et empêcher que le cou des bœufs perde son poil, ce qui n'a lieu que lorsque, durant le travail, cette partie du corps a été baignée de sueur ou de pluie. Cependant, si cela arrivait, on frotterait une tuile contre une autre tuile vieille, et de la poudre qui en proviendrait, il faudrait, avant de dételer, saupoudrer le cou des bœufs; puis, quand elle se serait desséchée, baigner le mal avec de l'huile.

Remèdes pour les blessures du talon ou de la corne du pied.

XV. Si le soc de la charrue a offensé le talon ou Îa corne du pied d'un bœuf, cautérisez la plaie avec un fer rouge et faites couler dessus de la poix dure et de la graisse enveloppées avec du soufre dans de la laine en suint. Ce même remède pourra être avantageusement employé lorsqu'un bœuf aura marché sur une esquille de bois, pourvu qu'on Fait d'abord arrachée , ou qu'il aura brisé la corne d'un de ses pieds contre un têt pointu ou une pierre; toutefois, si la blessure est profonde, il faudra largement la dégager tout autour avec un instrument approprié , et y appliquer le feu, comme je l'ai déjà prescrit; puis on fera pendant trois jours des lotions de vinaigre, et on chaussera d'une bottine de sparte le pied de l'animal. Si c'est la jambe qui a été blessée par le soc, on mettra dessus , en y mêlant du sel, de la laitue marine, que les Grecs appellent tithymalon. On lave avec de l'urine de bœuf, que l'on a fait chauffer, les foulures des pieds; puis, après avoir réduit des sarments en cendres, on force l'animal, pendant qu'elles sont encore chaudes, de s'arrêter dessus, et l'on frotte sa corne avec de la poix liquide mêlée avec de l'huile ou de la graisse. Au reste, les bœufs seront moins exposés à boiter si, après les avoir dételés, on leur lave les pieds en pleine eau froide, et qu'ensuite on frotte de vieux oing les jarrets, la couronne du pied et la bifurcation du sabot.

Pour la luxation des épaules et la fracture des cornes.

XVI. Souvent un bœuf se luxe les épaules par suite d'un long effort, ou en labourant, ou par l'effet d'un terrain trop dur, ou bien à cause de la résistance que lui oppose une racine. Quand cet accident est arrivé. on doit tirer du sang des jambes de devant, à gauche si le mal est à droite, à droite s'il est à gauche; et si l'animal s'est grièvement blessé les deux épaules, on ouvrira alors les veines des jambes de derrière.

Pour la fracture des cornes, on applique une compresse imbibée de sel, de vinaigre et d'huile , qu'on entretient pendant trois jours humectée de ce liquide ; puis, le quatrième jour, on met sur le mal de la graisse mêlée à poids égaux avec de la poix fondue et avec de l'écorce de pin pulvérisée ; et enfin , lorsque la cicatrice s'est formée , on la frotte de suie.

On voit souvent les ulcères négligés se couvrir d'une multitude de vers : en y versant le matin de l'eau froide, on les fait tomber crispés par le froid. Si ce moyen ne suffit pas pour les chasser, on applique sur l'ulcère du marrube ou du poireau pilé avec du sel : cette application ne tarde pas à faire périr ces insectes. Quand les ulcères ont été nettoyés , on applique dessus de la charpie enduite de poix, d'huile et de graisse, ingrédients avec lesquels on frottera aussi les bords de la plaie, de peur que les mouches, en s'y arrêtant, ne donnent naissance à des vers.

Contre la morsure du serpent et des animaux nuisibles.

XVII. La morsure du serpent est mortelle pour les bœufs ; le venin de quelques animaux plus petits encore leur est aussi nuisible. Souvent il arrive que, lorsque le bœuf s'est par mégarde couché dans le pâturage, sur une vipère ou sur un orvet, ces reptiles, fatigués de son poids, le mordent. La musaraigne, que les Grecs désignent sous le nom de mygalé, est aussi très-dangereuse, quoiqu'elle n'ait que de petites dents.

On détruit l'effet du venin de la vipère en appliquant sur la plaie, qu'on a scarifiée avec le scalpel, la plante dite personata pilée avec du sel ; sa racine écrasée est encore plus efficace, ainsi que le trèfle simonien, qu'on trouve dans les lieux pierreux , et dont la vertu est incontestable; son odeur est forte et a quelque rapport avec celle du bitume, aussi les Grecs le nomment asphalte; nous l'appelons nous trèfle pointu, à cause de sa conformation : en effet, il pousse des feuilles allongées et velues, et sa tige est plus robuste que celle du trèfle des prés, On fait avaler le suc de cette plante mêlé avec du vin, et l'on applique sur le point scarifié ses feuilles broyées avec du sel en manière de fomentation résolutive. Si la saison s'oppose à ce qu'on puisse trouver cette plante encore verte, on administre en potion ses semences broyées et infusées dans le vin, et on applique sur la partie scarifiée ses racines pilées avec la tige, et mêlées avec de la farine et du sel délavés dans de l'eau miellée. On regarde aussi comme un puissant remède une potion composée de cinq livres de très-jeu nés pousses de frêne pilées dans cinq setiers de vin et deux setiers d'huile : on fait avaler aux bœufs le jus résultant de cette trituration, et on applique sur la partie blessée les cimes du même arbre broyées avec du sel.

La morsure de l'orvet occasionne de l'enflure et de la suppuration ; il en est de même de celle de la musaraigne. La première se guérit au moyen d'une alêne de cuivre, dont on perce la tumeur, que l'on frotte ensuite d'argile du mont Cimole détrempée dans du vinaigre. La musaraigne paye de son corps le mal qu'elle a fait : on la fait mourir en l'asphyxiant dans l'huile; quand elle est macérée , on l'écrase et on s'en sert pour frotter sa morsure. Si on ne pouvait se procurer cet animal au moment où la suppuration indique l'effet pernicieux des dents, on broierait du cumin auquel on joindrait une petite quantité de poix liquide et de saindoux, pour en former un emplâtre visqueux qui, appliqué sur la plaie, écarte bientôt tout danger. Si, avant d'être ouverte, la tumeur tourne à la suppuration, il est très-bon d'en attaquer le foyer avec un fer rouge, de brûler tout ce qui est vicié, et d'étendre sur le mal un uniment de poix fondue avec de l'huile. On est aussi dans l'usage d'envelopper d'argile à potier la musaraigne toute vivante, et, quand elle est desséchée, de la suspendre au cou des bœufs : avec elle, le bétail n'a plus à craindre sa morsure.

La plupart des maux d'yeux cèdent à l'emploi du miel : en effet, s'ils sont gonflés, on applique dessus de la farine de froment délayée dans de l'eau miellée ; s'il y existe une taie blanche , on la combat soit avec du sel gemme, soit avec du sel d'Espagne, du sel ammoniac , et même du sel de Cappadoce , égrugé très-fin et incorporé avec du miel. On obtient le même effet de l'os de la sèche bien broyé et insufflé dans l'œil, à l'aide d'un chalumeau, trois fois par jour. On se trouve bien aussi de la racine nommée par les Grecs silphion, et par nous vulgairement laserpitium) : on ajoute à une quantité quelconque dix fois autant de sel ammoniac; on pile le tout, et on l'introduit dans l'œil, par le procédé que nous venons d'indiquer; la racine de cette plante, pilée et saturée d'huile de lentisque, est encore un remède efficace. L'épiphora cède à une application, sur les sourcils et les joues, de polente humectée d'eau miellée. Les semences de panais sauvage et le suc de raifort, unis au miel, donnent un collyre propre à calmer la douleur des yeux. Toutes les fois que l'on emploie du miel ou tout autre suc dans ces remèdes, il faut frotter l'œil tout autour avec de la poix fondue dans de l'huile, pour que les mouches ne l'incommodent point : elles ne sont pas, du reste, les seuls insectes qui soient attirés par la douceur du miel et de quelques autres médicaments, puisque les abeilles sont dans le même cas.

Remèdes à employer quand les bœufs ont avalé une sangsue.

XVIII. Une sangsue avalée à l'abreuvoir peut être funeste. Elle s'attache dans l'intérieur de la gorge des bœufs, dont elle suce le sang, et, se gonflant ainsi, elle obstrue l'œsophage. Si elle est placée dans un endroit dont l'accès est trop difficile pour que l'on puisse la détacher avec la main, introduisez un chalumeau ou un roseau au moyen duquel vous ferez couler de l'huile chaude : la sangsue qui en sera touchée se détachera aussitôt. On peut aussi par le moyen du chalumeau faire parvenir l'odeur de la punaise brûlée : dès que, mise sur le feu, elle exhalera de la fumée, le tube en portera la vapeur jusqu'à la sangsue, et cette vapeur lui fera lâcher prise. Mais si elle s'est attachée à l'estomac ou à un intestin, ou la fait périr en faisant avaler au bœuf du vinaigre chaud, au moyen d'une corne.

Quoique nous ayons prescrit l'usage de ces médicaments pour l'espèce bovine, il n'est pas douteux cependant que la plupart conviennent à toute espèce de gros bétail.

De la construction d'une machine propre à contenir les animaux pendant qu'on les opère.

XIX. Il est nécessaire de construire une machine pour contenir les bœufs et les autres bestiaux, afin qu'on puisse les approcher de plus près pour les soigner, et afin d'éviter que, par leur résistance, ils ne s'opposent aux opérations nécessaires à leur guérison. Voici la forme à donner à cette machine.

On assemble sur le sol de fortes planches de chêne sur une longueur de neuf pieds , et dont la largeur sur l'avant soit de deux pieds et demi, et de quatre sur l'arrière. Dans ce sol, on enfonce de chaque coté quatre poteaux droits, de sept pieds de hauteur, de telle sorte qu'il y en ait un qui occupe chacun des quatre angles et qu'ils soient tous assujettis entre eux, comme des barrières, par six traverses, ainsi disposées que l'animal puisse être introduit par l'arrière, qui est le bout le plus large, dans cette sorte de cage, d'où il ne peut pas sortir par l'autre bout où il est arrêté par les palissades qu'il y rencontre. Aux deux poteaux antérieurs, on fixe un joug solide où l'on attache les bêtes de somme par le cou, ou les bœufs par les cornes. On peut aussi y pratiquer des carcans dans lesquels on introduit leur tête, que l'on assujettit au moyen de bâtons qui s'engagent, en glissant de haut en bas , dans des trous ; et le reste de leur corps est enlacé de cordes qui le retiennent aux traverses, de telle sorte que l'animal reste, au gré de l'opérateur, dans une immobilité parfaite. Cette machine servira pour tous les grands quadrupèdes.

Des formes du taureau.

XX. Après nous être suffisamment étendus sur les bœufs, il convient de parler des taureaux et des vaches. Je regarde comme les meilleurs taureaux ceux qui ont des membres largement développés , un caractère doux, et qui sont d'un âge moyen. Nous observerons pour leurs autres qualités qu'elles sont presque toutes les mêmes que celles qu'on recherche dans les bœufs : en effet, un beau taureau ne diffère de celui qui est châtré que par son air farouche, son aspect plus vigoureux , ses cornes plus courtes, son cou charnu et assez gros pour faire la partie la plus considérable de son corps, et son ventre un peu rentré, afin que l'animal en se dressant soit plus propre à couvrir sa femelle.

Des formes de la vache.

XXI. Les meilleures vaches sont celles qui sont les plus hautes et les plus allongées, qui ont le ventre développé, le front très-large, les yeux noirs et bien fendus, les cornes bien faites, unies et noirâtres, les oreilles velues, les mâchoires comprimées, le fanon et la queue très-amples, la corne des pieds et les jambes de moyenne grandeur. Pour les autres qualités, on les désire presque toutes semblables chez les mâles et les femelles. Il faut que les vaches soient jeunes, parce que, passé dix ans, elles ne donnent plus de veaux ; il ne faut pas non plus les faire couvrir avant deux ans. Toutefois, si elles ont conçu avant cet âge, il est bon de les séparer de leur veau, de leur presser les mamelles les trois premiers jours, de peur qu'elles ne soient incommodées de leur lait, et ensuite de cesser de les traire.

Au bout de combien d'années on doit faire le triage des bestiaux.

XXII. On doit avoir soin tous les ans de faire un triage des bœufs comme de tous les autres bestiaux. On écarte les animaux épuisés et vieillis, devenus impropres à la propagation , et surtout les jeunes vaches stériles, qui tiennent la place de bêtes fécondes, à moins qu'on ne les dresse pour la charrue : car, en raison de leur stérilité, elles ne conviennent, pas moins que les bouvillons au travail et à la fatigue.

Le bétail de cette espèce se plaît l'hiver dans les pâturages maritimes et exposés au soleil j l'été, dans les forêts touffues et sur les montagnes élevées, plutôt que dans les plaines. La corne de leurs pieds s'endurcit mieux aussi dans les bois qui produisent de l'herbe, dans les taillis et dans les lieux remplis de glaïeuls, que dans les terrains pierreux. Les jeunes vaches ne recherchent pas autant les rivières et les ruisseaux que les marcs, parce que l'eau des courants, qui est en général plus froide, les fait avorter, et que les eaux pluviales leur paraissent plus agréables. La vache, au surplus, supporte mieux que le cheval tout froid extérieur, et c'est pour ce motif qu'on peut facilement lui laisser passer l'hiver en plein air.

De la construction des enclos et des étables.

XXIII. On doit donner aux enclos une grande étendue, pour que les vaches, trop resserrées dans un petit espace , ne se fassent pas avorter en se heurtant les unes contre les autres, et pour que les plus faibles puissent éviter les coups des plus fortes. Les meilleures étables sont celles dont le sol est pavé ou recouvert de gravier ; le sable peut aussi être employé sans inconvénients: la première méthode a pour but de repousser les eaux pluviales; les autres, de la boire promptement et d'en débarrasser le sol; mais toutes doivent être en pente, afin que l'humidité s'en écoule, et tournées au midi pour qu'elles sèchent aisément et qu'elles n'aient pas à souffrir des vents froids.

Il y a peu de soins à prendre des pacages; en effet, pour que l'herbe y croisse en abondance, il suffit d'y mettre le feu sur la fin de l'été : cette opération rajeunit les pâturages, qui en sont plus tendres, outre que la combustion des broussailles arrête l'essor des arbustes parasites qui monteraient trop haut.

Il est avantageux pour la conservation de la santé du bétail de répandre du sel sur les pierres et les auges placées auprès des enclos : il y accourt volontiers, rassasié de pâture, quand le cornet des pasteurs sonne, pour ainsi dire, la retraite. C'est ce qui doit se pratiquer toujours au crépuscule, afin qu'au son du cornet le troupeau, dont quelques bêtes ont pu rester dans les bois, prenne l'habitude de regagner son gîte. Par ce moyen il est possible d'en passer la revue, d'en faire le recensement, quand , soumis en quelque sorte à la discipline militaire, il est rentré dans le camp du chef des étables. On n'exerce pas le même empire sur les taureaux, qui, se confiant dans leur force, errent dans les bois, sortent et rentrent librement, et ne sont rappelés que pour la saillie des vaches.

Quel âge convient pour la saillie.

XXIV. On interdit la saillie aux taureaux qui ont moins de quatre ans ou plus de douze : ceux-là, parce que leur grande jeunesse les rend peu propres à la propagation des bestiaux; ceux-ci. parce qu'ils sont épuisés par la vieillesse. C'est ordinairement au mois de juillet qu'on conduit les vaches aux mâles, afin qu'elles mettent bas au printemps suivant, quand l'herbe est déjà poussée : car elles portent dix mois, et ce n'est pas à l'ordre du maître, mais bien à leur gré, qu'elles souffrent l'approche du taureau. C'est presque toujours à l'époque que je viens de fixer que leur surviennent des désirs naturels, parce que les bestiaux, égayés par la surabondance du fourrage que fournit le printemps, entrent dans ce moment en rut. Si la femelle refuse le mâle, ou si le taureau ne recherche pas la femelle, on provoque leur ardeur, tomme nous allons bientôt le prescrire pour les chevaux qui éprouvent la même répugnance, en leur faisant respirer l'odeur des parties génitales. Au surplus, vers le temps de la saillie, on diminue la nourriture des femelles pour que l'obésité ne les rende pas stériles; et on l'augmente aux taureaux, afin qu'ils aient plus de vigueur pour la monte. Un taureau suffît pour le service de quinze vaches. Lorsqu'il consomme l'acte sur la génisse, on peut, à de certains signes, connaître quel sera le sexe du veau à naître : eu effet, il est indubitable qu'il sera mâle s'il s'est retiré par le côté droit, et femelle si c'est par le côté gauche. Toutefois, il paraît que ce pronostic n'est certain que lorsque la vache, après un seul accouplement, n'a pas reçu de nouveau le taureau, ce qui arrive rarement : car, quoique pleine, elle n'est pas rassasiée de plaisir, tant, chez les animaux mêmes, les doux attraits de la volupté sont puissants encore au delà des limites de la nature. Au reste, il n'est pas douteux que tous les ans on puisse obtenir un veau d'une mère-vache venue dans les endroits où les pâturages sont abondants; dans le cas contraire, on ne devra faire saillir ta vache que tous les deux ans : ce qui convient surtout pour celle qui travaille, afin que son veau puisse téter pendant une année, et qu elle-même ne soit pas excédée à la fois par l'ouvrage et par la gestation.

Quand la vache a mis bas, si on ne la soutient par la nourriture« quelque bonne nourrice qu'elle soit, elle ne pourra sustenter son enfant, fatiguée qu'elle est d'ailleurs par le travail. C'est pourquoi on lui donnera, après qu'elle aura vêlé, du cytise vert, de l'orge torréfiée, et de l'ers macéré dans l'eau, ou bien on lui tiendra la bouche fraîche en lui faisant manger des herbages potagers mêlés avec du millet torréfié, moulu et macéré une nuit dans du lait.

Pour l'allaitement, on estime, avant toute autre espèce, les vaches d'Altinum, que les gens de ce pays appellent cèves : elles sont de petite taille et bonnes laitières; aussi leur retire-t-on leur veau, pour confier à leurs mamelles un veau de race supérieure. Quand on est privé de cette ressource, on nourrit les veaux avec des fèves pilées, et on y joint avantageusement un peu de vin : ce qui est principalement nécessaire dans les grands troupeaux.

Remède contre les vers des veaux.

XXV. Les vers, qui se produisent à la suite des indigestions, incommodent souvent les veaux. On doit donc modérer leurs aliments pour qu'ils les digèrent bien. S'ils souffrent déjà de cette maladie, on écrase des lupins à demi crus, et on leur en fait avaler des boulettes, qui entretiennent leur salivation. On peut aussi broyer de la santoline avec une figue sèche et de l'ers, et leur en faire prendre une boulette pour le même objet. Une partie de saindoux mêlée à trois parties d'hysope produit le même effet. Le suc de marrube et celui de poireau sont efficaces aussi pour faire mourir ces sortes d'insectes.

De la castration des veaux.

XXVI. Magon est d'avis qu'on doit châtrer les veaux pendant qu'ils sont encore jeunes, et qu'il ne faut pas se servir de fer, mais comprimer les testicules au moyen d'une branche fendue de férule, et les écraser peu à peu. Il regarde comme excellent ce mode de castration que l'on emploie sans faire de blessure et pendant que l'animal est jeune encore. Si on l'a laissé avancer en âge, il y a plus d'avantage à le châtrer à deux ans qu'à un an. L'auteur carthaginois prescrit de faire cette opération soit au printemps, soit en automne, quand la lune est dans son déclin, et de lier le veau à un travail; ensuite, avant d'employer le fer, on saisit entre deux lattes, comme dans des tenailles, les cordons des testicules, que les Grecs nomment crémastères, parce qu'ils tiennent suspendus ces organes de la génération. Après les avoir contenus, et fait sortir du scrotum avec le bistouri, en coupe les testicules de manière à laisser subsister l'extrémité de la partie adhérente aux cordons : au moyen de ce procédé, le bouvillon n'a pas à redouter une hémorragie, et il n'est pas aussi efféminé que s'il était privé de la totalité des organes générateurs. Tout en conservant quelque apparence masculine, il est privé de la faculté d'engendrer, qu'il n'a pourtant pas perdue immédiatement : car si, dès qu'il est guéri, vous lui laissez couvrir une vache, il est constant qu'il pourra la féconder; c'est, au reste, ce qu'il ne faut pas permettre, de peur qu'une hémorragie ne le fasse périr.

On guérit la plaie occasionnée par la castration , en la frottant avec des cendres de sarments mêlées avec de la litharge, en privant d'eau l'animal le jour de l'opération, et en ne lui donnant que peu d'aliments. Pendant les trois jours suivants, on stimulera l'appétit du malade en lui offrant de jeunes pousses d'arbres et du fourrage vert haché , mais il faudra l'empêcher de beaucoup boire. Il convient aussi ? après trois jours, d'oindre la plaie de térébenthine avec de la cendre et un peu d'huile, afin de la faire cicatriser plus promptement, et pour empêcher les mouches de s'y porter.

En voilà assez pour ce qui concerne les bêtes à cornes.

Des chevaux.

XXVII. Ceux qui ont à cœur l'éducation de l'espèce chevaline, doivent avant tout s'assurer d'un agent intelligent et d'une forte provision de fourrage; choses qui sont de médiocre importance pour les autres animaux de la ferme. Le cheval demande beaucoup de soins et une copieuse nourriture. Il y a trois espèces de chevaux : la première, qui est la plus généreuse, en fournit pour le cirque et les combats sacrés; la seconde, dont on tire des mules et qui, en raison des bénéfices qu'elle produit, n'est pas inférieure à la première; la troisième est l'espèce vulgaire, qui ne dorme que des mules et des femelles de médiocre qualité. On réserve les meilleures prairies pour les meilleures races. Pour les troupeaux de chevaux, on choisit des pâturages vastes, marécageux, non montagneux, arrosés, jamais secs, plutôt libres qu'embarrassés d'arbres, et plus abondants en herbes tendres qu'en plantes élevées. Ou laisse paître ensemble les chevaux et les juments d'espèce commune, et l'on ne fixe pas d époque particulière pour leur accouplement. Quant aux chevaux généreux, on fait saillir les étalons vers l'équinoxe du printemps, afin qu'au bout d'un an, au temps correspondant à celui où la cavale a conçu, elle puisse sans peine nourrir son poulain dans des terrains féconds et couverts d'herbes : car elle met bas dans le douzième mois. Il faut surtout veiller à ce qu'à cette époque de l'année les cavales, ainsi que les étalons, aient la liberté de se rapprocher lorsqu'ils le désirent, parce que, si ces animaux ne peuvent pas satisfaire leur passion, ils sont aiguillonnés par la fureur de l'amour : c'est pourquoi on a donné le nom d'hippomane au philtre qui allume, dans l'espèce humaine, une flamme aussi vive que celle de la race chevaline. Il est certain que, dans quelques contrées, les femelles sont embrasées d'une telle chaleur de rut, que, même en l'absence d'un mâle, se figurant, dans la continuelle effervescence de leurs désirs excessifs, éprouver les plaisirs de l'amour, elles conçoivent par l'opération du vent, comme les oiseaux de basse-cour. C'est, au surplus, ce que le poète exprime ainsi en toute liberté :

« La fureur amoureuse des cavales se distingue avant toute autre. Vénus elle-même enflamma leurs sens, lorsque, attelées aux quadriges de Potnies, elles broyèrent dans leurs mâchoires les membres de Glaucus. L'amour les emporte au delà du Gargare, au delà du bruyant Ascanius; elles franchissent les montagnes, elles traversent les fleuves. Continuellement recelant la flamme jusqu'en leurs os avides, au printemps surtout, car c'est au printemps que la chaleur revient nous embraser, tournant toutes leur bouche vers le Zéphyr, elles s'arrêtent sur le sommet des rochers; elles y aspirent ce vent qui les soulage, et souvent, sans autre union , fécondées par lui, grâce à un prodige, elles prennent leur course fugitive à travers les rochers, les écueils, les profonds ravins. Ce n'est pas vers le point de l'Eurus ni vers l'orient qu'elles courent; c'est du côté de Borée et de Cau-rus, ou vers l'Autan, qui s'élève entouré des nuages les plus noirs, et contriste le ciel de ses pluies glaciales. »

Il est notoire qu'en Espagne, sur le mont Sacré, qui s'avance à l'occident jusqu'à l'océan, des cavales ont conçu fréquemment sans l'approche de l'étalon, et ont élevé leur poulain, production toutefois inutile, puisque avant son accroissement parfait ce poulain mourait dans l'espace de trois ans. C'est pourquoi , comme je l'ai dit, nous veillerons à ce que les juments, vers l'équinoxe du printemps, ne soient pas tourmentées de désirs naturels Le reste du temps, il faut séparer des femelles les chevaux de prix, pour qu'ils ne les couvrent pas, lorsqu'elles le demanderaient, ou pour que, dans le cas d'obstacles, leurs désirs provoqués ne les fassent pas souffrir. Pour éviter cet inconvénient, on doit reléguer l'étalon dans un pâturage écarté, ou le retenir dans une écurie. Dans le temps où les juments le réclament, on le fortifie par une large nourriture; à l'approche du printemps, on l'engraisse avec de l'orge et de l'ers, afin qu'il puisse suffire aux saillies : plus il sera vigoureux alors, plus il sera en état, dans l'accouplement, d'engendrer de forts rejetons. Quelques auteurs prescrivent d'engraisser l'étalon comme on le fait pour les mulets, afin que son bon état le dispose bien à suffire à plusieurs femelles. Toutefois on ne doit pas donner à un seul moins de quinze ni plus de vingt cavales; on peut l'employer à la monte dès l'âge de trois ans, et il continue ordinairement d'y être propre jusqu'à celui de vingt. Si l'étalon manque d'ardeur, on frotte avec une éponge les parties sexuelles des femelles, et on la met sous le nez de l'étalon pour lui en faire respirer l'odeur. Si la cavale, de son côté, ne veut pas souffrir le mâle, on lui frotte la vulve avec de la scille, qui allume en elle les désirs de l'amour. Quelquefois on se sert d'un étalon ignoble et sans valeur pour la disposer à l'accouplement, et, dès que par ses approches il l'a rendue soumise, on la retire, et, profitant de sa patience, on la fait couvrir par un cheval de plus belle espèce.

Quand les cavales ont conçu, il faut leur donner plus de soins et les fortifier par une nourriture plus abondante. Si la rigueur de l'hiver a détruit l'herbe, on les renfermera à l'écurie; on ne les fera plus ni travailler ni courir; on ne les exposera pas au froid, et on ne les tiendra pas à l'étroit, ni dans un lieu obscur, car elles pourraient se faire avorter en se heurtant les unes contre les autres : on aurait également à craindre la perte du poulain, si l'on négligeait les autres précautions. Quoi qu'il en soit, en cas de part laborieux ou d'avortement, on fera prendre à la jument, au moyen d'une corne, du polypode pilé dans de l'eau. Si, au contraire, la mise bas a bien réussi, il faudra se garder de toucher le poulain : car la main la plus légère peut le blesser. On aura soin seulement de le laisser avec sa mère dans un lieu vaste et chaud, pour que le froid ne soit pas préjudiciable à sa faiblesse, et que la mère trop à l'étroit ne l'écrase pas. Ensuite on le fera sortir de temps en temps, et on prendra garde que le fumier n'altère la corne de ses pieds. Quand il aura pris de la force, on le lâchera dans le même pâturage que sa mère, de peur qu'elle ne se chagrine de son absence : car ces animaux sont plus affligés que tous les autres de la privation de leurs petits. Les cavales communes poulinent ordinairement tous les ans, et celles de noble race seulement de deux années l'une, afin que le poulain, plus longtemps fortifié par le lait maternel, soit mieux préparé/à supporter les fatigues de la guerre.

De l'âge de l'étalon; moyen pour obtenir un poulain d'un sexe donné.

XXVIII. On est d'avis que le cheval n'est pas avant trois ans propre à la saillie , et qu'il peut jusqu'à vingt ans féconder des juments; que celles-ci peuvent concevoir à deux ans et donner à trois un bon poulain, mais qu'elles ne servent plus à la propagation après la dixième année, parce que les poulains provenant d'une mère âgée sont lents et paresseux. Suivant Démocrite, on peut à volonté faire produire aux cavales une femelle ou un mâle : à cet effet, il prescrit, quand on veut obtenir le dernier, de presser le testicule gauche de l'étalon avec une ficelle de lin ou un lien quelconque, et d'en faire autant au testicule droit, si on désire avoir une femelle. Il pense qu'on obtiendrait le même résultat avec presque tous les autres bestiaux.

Du caractère et des formes du cheval.

XXIX. Dès que le poulain est né, on peut apprécier ses qualités : s'il est gai, s'il n'est pas accessible à la peur, s'il ne s'effraye pas en voyant ou en entendant une chose qui ne lui est pas familière, s'il court en avant des bestiaux ; si, luttant de vivacité, de gaîté et de vitesse avec ses camarades, il les surpasse; s'il franchit les fossés sans hésitation et traverse les ponts et les rivières, ce seront les indices d'un naturel distingué. Quant aux formes du corps, il doit avoir la tête petite, les yeux noirs, les naseaux ouverts, les oreilles courtes et droites, l'encolure arrondie, épaisse et peu allongée, la crinière touffue et tombant à droite, le poitrail ample et pourvu de muscles nombreux bien développés , les épaules grandes et droites, les flancs arrondis, l'échiné double, le ventre déprimé, les testicules égaux et petits, les reins larges et inclinés, la queue longue, bien fournie et crépue, les jambes égales, longues et droites, le genou rond, petit et non tourné en dedans, les fesses bien rondes, les cuisses musculeuses et charnues, le sabot dur, haut, concave, rond, et surmonté de couronnes moyennes : ainsi, l'ensemble du corps devra être grand, droit, élevé, annoncer l'agilité, et, vu de profil, paraître aussi arrondi que le permet la position de l'animal. On estime beaucoup aussi le caractère des chevaux qui passent du calme à la vivacité, et de l'ardeur à une douceur parfaite: ce sont, en effet, ceux qu'on trouve les plus dociles au commandement et les plus propres aux exigences des combats.

 

11 faut dresser à l'âge de deux ans les chevaux destines au service domestique, et seulement à trois ans accomplis ceux qu'on réserve pour les combats, dont ils ne doivent toutefois supporter les fatigues qu'après leur quatrième année révolue. Les signes auxquels on reconnaît l'âge du cheval changent à mesure que le corps prend des années : car à deux ans et demi, ses dents incisives supérieures et inférieures tombent; dans sa quatrième année, celles que l'on appelle canines sont, après leur chute , remplacées par d'autres; vers l'arrivée de la sixième année, il perd ses molaires supérieures, et, quand elle est accomplie, les remplaçantes se mettent de niveau; à sept ans, elles rasent toutes également; puis, à partir de cette époque, elles se creusent, et désormais on ne peut reconnaître avec certitude quel est l'âge de l'animal. Pourtant à sa dixième année les tempes commencent à se creuser, les sourcils quelquefois blanchissent, et les dents deviennent proéminentes.

Je crois en avoir assez dit sur le naturel, le caractère, les formes et l'âge des chevaux. Il me reste à parler des soins qu'ils réclament tant en santé qu'en maladie.

Des soins à donner aux chevaux , et de leur traitement quand ils sont malades.

XXX. Si dans l'état de santé le cheval vient à maigrir, on peut lui rendre son embonpoint plus promptement avec du blé torréfié qu'avec de l'orge; mais il faut lui faire boire du vin, et ensuite peu à peu substituer cette alimentation à du son mêlé avec l'orge, jusqu'à ce qu'il ait pris l'habitude de se nourrir de fèves et d'orge pur. il faut que le corps des animaux soit nettoyé tous les jours avec autant de soin que celui de l'homme , et il est souvent plus utile de leur manier le dos fréquemment que de leur donner une copieuse nourriture. Il est très-important de ménager la force du corps et la solidité des pieds : on parvient à ce double but en conduisant en temps convenable les chevaux à l'écurie, à l'abreuvoir, à l'exercice, et en les plaçant dans un lieu sec pour que l'humidité n'amollisse point la corne de leurs pieds; inconvénient qu'on peut d'ailleurs éviter en planchéiant les écuries en bois de chêne, ou en nettoyant avec soin le sol, qu'on couvre ensuite de litière.

Le plus souvent ces animaux contractent des maladies par l'effet de la fatigue, de la chaleur, quelquefois du froid, et pour n'avoir pu lâcher leurs urines au moment où ils en éprouvaient le besoin; soit aussi pour avoir bu lorsqu'ils étaient en sueur et aussitôt après un exercice violent; soit encore quand , après un long repos, ils sont tout à coup poussés à la course. Le repos est le remède à la lassitude, mais il est toutefois utile de leur faire avaler de l'huile et de la graisse mêlées avec du vin. Pour le refroidissement, on emploie les fomentations, et on leur frotte la tête et l'épine dorsale avec du vin et de la graisse tièdes. S'il y a rétention d'urine, ce sont à peu près les mêmes remèdes qu'il faut administrer : car on leur verse sur les flancs et les reins de l'huile mêlée avec du vin; si ce remède n'opère pas suffisamment, on introduit dans le méat urinaire une légère décoction de miel et de sel , ou bien dans les parties naturelles une mouche vivante, ou un grain d'encens, ou du bitume en onguent. On emploie ces mêmes remèdes lorsque l'urine leur brûle les parties génitales. Le larmoiement, les oreilles tombantes, le cou et la tête bas et inclinés vers la terre, sont des symptômes de mal de tête. Dans ce cas, on leur ouvre la veine sous l'œil, on leur fomente la bouche avec de l'eau chaude, et le premier jour on les soumet à la diète. Le lendemain, on leur donne à jeun de l'eau tiède et de l'herbe verte, on leur fait une litière de vieux foin ou de paille moelleuse, et le soir on leur administre encore de Peau avec un peu d'orge et deux livres et demie de vesce; puis on les ramène par de petites rations à leur régime habituel. Lorsque le cheval souffre des mâchoires, on les fomente avec du vinaigre chaud, et on les frotte avec du vieux oing; si elles étaient enflées, on userait du même remède. Lorsqu'un cheval s'est blessé les épaules ou que le sang s'y est porté, on pratique une saignée vers le milieu de chaque jambe, et avec le sang qui en provient et que l'on mêle avec de la poudre d'encens, on frictionne la partie malade, et, pour ne pas trop l'affaiblir, on applique sur la veine ouverte du crottin de l'animal même, qu'on maintient au moyen de bandelettes. Le lendemain, on rouvre la veine, on suit le même traitement que la veille, on retranche l'orge et on ne donne qu'un peu de foin. Le surlendemain et jusqu'au sixième jour, on lui fait avaler, avec une corne, environ trois cyathes de jus de poireau mêlé avec une hémine d'huile. Au bout de six jours, on force le malade à marcher un peu, et après l'avoir promené, il convient de le conduire à la piscine et de l'y faire nager; puis , par degrés, fortifié par de plus fortes rations d'aliments, on le ramène à son régime habituel. Lorsqu'il est incommodé par la bile, son ventre se tend, et il ne rend pas de vents; on lui introduit alors la main graissée dans le rectum; on débarrasse les issues naturelles qui sont obstruées, et, après avoir retiré les excréments, on mêle ensemble de l'origan sauvage, de la staphysaigre et du sel broyés et bouillis avec du miel; on en fait un onguent qui, introduit dans le ventre, le lâche et fait écouler toute la bile. Quelques personnes font avaler au malade trois onces de myrrhe en poudre dans une hémine de vin, et lui frottent l'anus avec de la térébenthine. D'autres lavent le rectum avec de l'eau de mer, d'autres avec de la saumure fraîche. Il arrive souvent que des vers semblables aux lombrics attaquent les intestins du cheval : l'animal alors manifeste ses douleurs en se roulant à terre, en tournant sa tête vers son ventre et en agitant sans cesse la queue. Le remède le plus efficace contre cette affection est, comme nous l'avons prescrit ci-dessus, d'introduire la main dans le rectum, d'en extraire le crottin ; puis de le laver avec de l'eau de mer ou de la saumure forte; enfin de faire avaler des racines de câprier broyées dans un setier de vinaigre. On parvient ainsi a faire périr les vers.

On doit étendre une épaisse litière sous tout cheval malade, afin qu'il soit plus mollement couché.

Contre la toux.

XXXI. La toux récente se guérit promptement avec des lentilles pilées après avoir été préalablement écossées. Quand elles ont été réduites en farine très-fine, on en mêle un setier dans une égale quantité d'eau chaude, et on fait avaler cette potion. On continue ce breuvage durant trois jours, et l'on excite l'appétit du malade en lui donnant de l'herbe verte et de jeunes pousses d'arbres. Quant à la toux invétérée, on y remédie par une potion composée de trois cyathes de jus de poireau mêlé avec une hémine d'huile, et en donnant la nourriture prescrite ci-dessus.

Les dartres et toutes les parties envahies par la gale doivent être frottées avec du vinaigre et de l'alun. Quelquefois, si le mal persiste, on le frotte de nitre, d'alun de plume et de vinaigre mêlés à poids égaux. On gratte avec une étrille les boutons à l'ardeur du soleil, jusqu'à ce que le sang en jaillisse; puis on mélange en quantités égales des racines de chiendent , du soufre et de la térébenthine avec de l'alun, et on panse le mal avec ce médicament.

Contre l'intertrigo et la gale.

XXXII. Il faut laver deux fois par jour, avec de l'eau chaude, l'intertrigo; puis la frictionner avec du sel égrugé et bouilli dans de la graisse, jusqu'à ce que le pus soit écoulé.

La gale est une maladie mortelle pour les chevaux, si on n'y remédie promptement. Quand elle est légère, on la frotte dès son apparition, à l'ardeur du soleil, avec de la résine de cèdre, ou avec de l'huile de lentisque , ou avec de la graine d'ortie écrasée dans l'huile, ou avec du spermaceti, ou avec le jus que le thon mariné laisse couler dans les plats. La graisse de veau marin est surtout efficace contre cette maladie. Mais si la gale est invétérée, il faut avoir recours à des remèdes plus énergiques. Ainsi on fait bouillir ensemble du bitume, du soufre, de l'ellébore blanc, de la poix et du vieux oing, employés à poids égaux ; on frotte le mal avec ce mélange , après l'avoir gratté avec un instrument de fer et lavé avec de Γ urine. Souvent même il est utile de tailler et de couper les boutons jusqu'au vif avec le scalpel, et d'appliquer, sur les plaies qu'on a faites un mélange de térébenthine et d'huile, médicament qui, en déterminant les pustules, remplissent leurs cavités. Ensuite, pour que la cicatrice ne tarde pas à se former et le poil à repousser, il sera très à propos d'étendre sur la partie lésée de la suie qui s'attache aux vases d'airain.

Contre les mouches et les douleurs des yeux.

XXXIII, On doit prendre soin aussi d'écarter des plaies les mouches qui les assiègent, et on y parvient en les recouvrant d'un mélange de poix et d'huile ou de graisse : la farine d'ers en complète la guérison.

On fait disparaître les taies de l'œil, en les frottant avec du sel fondu dans la salive d'un homme h jeun, ou en employant du sel gemme écrasé avec de l'os de sèche, ou encore de la graine broyée de panais sauvage dont on fait couler le jus sur les yeux à travers un linge. Toute douleur de cet organe se soulage très-vite avec un collyre de jus de plantain et de miel qu'on a recueilli sans enfumer la ruche, ou, à son défaut, de miel de thym.

Quelquefois une hémorragie nasale met les chevaux en danger : on l'arrête en injectant dans les naseaux du suc de coriandre verte.

Remèdes contre le dégoût des aliments et la maladie pestilentielle.

XXXIV. Il arrive parfois que le dégoût des aliments fait maigrir les chevaux. On les guérit avec cette espèce de semence qu'on appelle git ; deux cyathes de cette graine broyés dans trois cyathes d'huile et un setier de vin, leur seront administrés en potion. On les délivre aussi des nausées en leur faisant avaler fréquemment une gousse d'ail écrasée dans une hémine de vin.

Il vaut mieux ouvrir les tumeurs purulentes avec une lame rougie au feu qu'avec un instrument froid; après en avoir fait sortir la matière, on les panse avec de la charpie.

Il y a encore une maladie pestilentielle qui, en peu de jours, fait maigrir les juments et les fait succomber. Quand le mal s'est déclaré, il est utile de verser dans les naseaux de chaque bête qui en est atteinte, quatre setiers de garum , si elle est de petite taille, et jusqu'à plusieurs congés, si elle est de forte stature. Ce remède fait écouler l'humeur par les naseaux et purge l'animal.

De la rage des juments.

XXXV. Quoique les exemples en soient rares , la rage des juments est une maladie bien connue : elle provient de ce que, ayant vu leur image dans l'eau, elles s'éprennent d'une vainc passion, qui leur fait oublier toute nourriture et les fait périr de consomption. On reconnaît quelles sont sous l'influence de ce délire, quand elles courent à travers les pâturages, comme si elles étaient excitées, et quand, jetant les regards de tous côtés, elles paraissent chercher et désirer quelque chose. On dissipe cet écart de leur imagination en les conduisant à l'eau : là, à l'aspect de leur difformité, elles perdent le souvenir de l'image dont elles étaient frappées.

Nous avons suffisamment parlé des cavales en général · nous allons donner des préceptes spéciaux pour les cul ' tivateurs qui veulent se livrer à l'éducation des troupeaux de mules.

Des mules.

XXXVl. Il faut, avant tout, pour obtenir une boni,,, race de mules, chercher et examiner avec soin les auteurs de la race nouvelle, tant la femelle que le mâle · car, si l'un d'eux n'a pas les qualités convenables, le sujet qui en proviendra sera de mauvaise nature. La cavale doit avoir environ dix ans, époque de son plus grand développement et de la beauté la plus parfaite de ses formes : elle doit avoir les membres forts, supporter parfaitement le travail, afin qu'elle puisse sans peine recevoir et porter dans son sein un fruit de nature étrangère, et lui communiquer non-seulement les avantages de son corps, mais encore les qualités de son caractère : car la semence trouvant de la difficulté à s'animer dans les organes générateurs, le produit de la conception met plus de temps à se développer et à parvenir à la maturité nécessaire pour être mis au jour, puisqu'il ne naît qu'après une année révolue et dans le cours du treizième mois, et que sa nature tient plus de la lenteur du père que de la vigueur de la mère. Mais si les cavales propres à cet accouplement se trouvent assez facilement, le choix du mâle est plus difficile, puisque souvent, mis à l'épreuve, il ne justifie pas la bonne opinion qu'on avait de lui. Beaucoup d'étalons de belle apparence produisent des races détestables sous le rapport des formes ou du sexe, et donnent peu de bénéfices au père de famille, soit parce qu'ils n'engendrent que des femelles chétives, soit parce que, s'ils en procréent de belles , ils en donnent moins que de mâles. Au contraire, des étalons, méprisables au premier coup d'œil, donnent grand nombre des produits précieux.

Il y en a quelquefois qui transmettent à leurs enfants les qualités qu'ils tiennent de leur noblesse ; mais , émoussés par le plaisir, ils sont très-rarement disposés à l'accouplement. De cette sorte d'étalons, le propriétaire doit approcher peu à peu une femelle de son espèce, parce que la nature a mis plus d'intimité entre des êtres semblables. La présence de celle-ci fait naître chez le mâle le désir delà saillir; alors, enflammé et comme aveuglé par sa passion, il n'hésite pas , dès que l'ânesse est retirée , à s'accoupler avec la jument pour laquelle il avait de la répugnance.

Pour calmer la fougue de l'étalon que la passion rend furieux.

XXXVII. Il est un autre genre d'étalons : ce sont ceux que la passion rend furieux, et qui causent du dommage dans le troupeau si on n'use pas de ruse à leur égard. Souvent, après avoir rompu ses liens, ranimai tourmente les femelles qui sont pleines , et, quand il parvient à les couvrir, il imprime ses dents sur leur cou et leur dos. Pour l'en empêcher, on l'attache quelques moments à la meule : ce travail tempère la violence de sa passion , et alors, plus modéré dans son ardeur? il peut être employé à la monte. 11 ne faut pourtant pas prendre pour étalon un âne peu ardent : il est fort important d'animer et d'exciter par un exercice modéré les esprits naturellement endormis de cet animal, et de ne l'approcher de la jument que lorsque sa vigueur est manifeste, afin que, par une certaine puissance occulte, la semence se pénètre de principes plus vifs.

La mule n'est pas seulement engendrée par une jument et un âne, mais aussi par une ânesse et un cheval, et encore par l'âne sauvage et la cavale. Quelques auteurs même dont on doit faire connaître les noms, tels que Mardis Varron, et avant lui Denys et Magon, ont avancé que la portée des mules n'était pas chose prodigieuse dans les contrées de l'Afrique, puisque les habitants sont habitués aies voir mettre bas aussi fréquemment que le font chez nous les juments. Au surplus, dans cette espèce d'animaux, il n'y a rien de supérieur pour le caractère et les formes à la mule qui a pour père un âne. Pourtant on pourrait lui comparer celle qui a été engendrée par l'âne sauvage, si elle n'était pas difficile à dompter; si, comme les bêtes sauvages en général, elle n'était pas rebelle à la servitude, et si elle n'avait pas les proportions grêles de son père. C'est pourquoi un étalon de cette sorte conviendra mieux pour ses petits-fils que pour ses enfants. Si l'on fait couvrir la jument par le fils d'une ânesse et d'un âne qui n'est pas domestique, leur produit, privé du naturel sauvage, qui, par degrés, s'est affaibli, réunira la forme et la douceur de son père à la force et à la vitesse de son aïeul. Les mulets issus d'un cheval et d'une ânesse ressemblent en tout plus à leur mère qu'à leur père , quoiqu'ils tirent de lui leur nom, puisqu'on les appelle hinnl. Il est donc très-avantageux , comme je l'ai dit, de n'employer à la propagation des mulets que des ânes qu'on sait par expérience provenir de belle espèce; et encore ne faut-il les admettre que s'ils ont le corps ample, l'encolure forte, les lianes robustes et développés, le poitrail musculeux et large, les cuisses nerveuses, les jambes bien proportionnées et la robe noire ou mouchetée. De même que le gris de souris est une couleur vulgaire chez les ânes, elle n'est pas chez les mâles un indice favorable.

Au reste, il ne faut pas nous laisser séduire par les apparences dans ces quadrupèdes, quoique nous ayons reconnu en eux les qualités requises : car, connue les taches qui sont sur la langue et au palais des béliers se trouvent ordinairement dans la toison de leurs agneaux, de même, si l'âne porte aux paupières ou aux oreilles des poils d'une couleur différente de celle de son corps, il donne fréquemment aussi des enfants dont la robe diffère de la sienne : ce qui trompe souvent le propriétaire, quoiqu'il ait mis le plus grand soin à choisir son étalon; quelquefois même, sans avoir les signes dont je viens de parler, il produit des mules qui ne lui ressemblent pas. Je pense que ceci n'arrive que pat-ce que la couleur du grand-père revient, par le mélange de la primitive semence, à ses petits-enfants.

Dès que l'ânon, tel que je l'ai décrit, est venu au inonde, on doit l'enlever à sa mère et le placer sous une jument sans qu'elle s'en aperçoive. C'est pendant la nuit qu'on la trompe le mieux : en effet, si dans l'obscurité on lui a retiré son poulain , elle nourrira Fanon substitué comme s'il était né d'elle-même. Ensuite, quand elle en aura eu pris l'habitude durant une dizaine de [ours, elle donnera par la suite ses mamelles à son élève toutes les fois qu'il les recherchera. Ainsi élevé, l'étalon apprend à aimer les juments. Quelquefois aussi, quoique nourri du lait maternel, il peut se familiariser avec les juments, si, dès sa jeunesse, on le fait vivre avec elles. On ne le laissera pas les saillir avant qu'il ait trois ans; et lorsqu'on l'emploiera, il sera convenable que ce soit au printemps , quand on peut lui donner du fourrage vert haché, auquel on ajoutera de fortes rations d'orge pour augmenter ses forces, et parfois même on le fera saliver. Quoi qu'il en soit, on ne lui livrera pas une femelle trop jeune : car, si la cavale n'avait pas encore reçu de maie, elle repousserait à coups de pieds l'étalon qui voudrait la saillir, et, rebuté par cet accueil, celui-ci concevrait de la haine pour les autres juments. Pour éviter cet accident, on amènera près d'elle un âne vulgaire et sans valeur, qui sollicitera sa complaisance , mais auquel on ne permettra pas la consommation de la saillie; quand la jument sera bien disposée , on retirera le mauvais âne, et on la fera couvrir par un âne de prix.

Les paysans appellent machine une construction propre à cet usage : deux murs parallèles sont bâtis le long d'une petite éminence, distants entre eux d'un léger intervalle, dans lequel la jument ne peut se débattre ni se retourner au moment ou l'étalon la monte. Il s'y trouve une issue à chaque bout, mais celle de la partie la plus basse est garnie de barreaux, auxquels on attache la cavale par le licou : elle se trouve ainsi placée au bas de l'éminence, de manière qu'inclinée en avant, elle puisse mieux recevoir la semence, et que l'approche de l'âne, qui est moins grand qu'elle, mais qui se trouve sur un point plus élevé, soit rendue plus facile.

Quand la jument a mis bas le produit de l'âne, elle le nourrira pendant toute l'année suivante sans qu'on la laisse couvrir : ce qui vaut mieux que de la faire saillir par un cheval dans cette même année, comme le pratiquent quelques personnes. A l'âge d'un an accompli, la jeune mule peut, sans inconvénient, être éloignée de sa mère : après cette séparation, on la conduit dans des lieux montueux et sauvages, pour que son sabot s'y durcisse et qu'elle devienne propre par la suite à faire de longs voyages. Le mulet supporte mieux le bât que la mule, qui, de son côté, l'emporte sur lui par la légèreté : l'un et l'autre, toutefois, marchent bien et conviennent parfaitement au labourage, à moins que les cultivateurs ne puissent pas faire la dépense de leur achat en raison de leur prix élevé, ou que le sol trop dur réclame la force des bœufs.

Du traitement des mulets malades.

XXXVIII. J'ai déjà, en m'occupant d'autres bestiaux, prescrit la plupart des remèdes qui conviennent aux mulets : toutefois je ne passerai pas sous silence quelques maladies qui leur sont particulières et dont je vais indiquer le traitement. Quand la mule a la fièvre, on lui donne des choux crus; lorsqu'elle est poussive, on la saigne et on lui fait avaler du suc de marrube â la dose d'une hémine, mêlé avec un setier de vin et une demi-once d'huile d'encens. Si on lui trouve des éparvins, on y applique de la farine d'orge; puis, ouvrant l'apostume avec le scalpel, on panse la plaie avec de la charpie, ou bien on lui injecte dans le naseau gauche un setier d'excellent garum avec une livre d'huile, et l'on joint à cette préparation les blancs de trois ou quatre œufs dont les jaunes ont été ôtés. On est aussi dans l'usage de leur pratiquer des incisions aux cuisses, et même quelquefois d'y appliquer le feu. Comme, pour les chevaux , si le sang leur tombe dans les pieds, on a recours à la saignée; ou bien . si on a de l'herbe que les paysans appellent veratrum, on leur en donne à manger. La graine de jusquiame broyée avec du vin est aussi un remède efficace pour cette maladie. Le plus souvent on fait disparaître la maigreur et la langueur au moyen d'une potion qui se compose d'une demi-once de soufre broyé, d'un œuf cru et d'un denier pesant de myrrhe écrasée. Ces trois substances devront être mêlées avec du vin, et dans cet état être administrées en breuvage. Ce remède convient également à la toux el aux tranchées. Pour la maigreur, il n'est rien de comparable à la luzerne : cette plante, donnée en vert ou du moins peu de temps après sa coupe, supplée au foin et engraisse bien les bêtes de travail; mais il faut en donner modérément, de peur que l'animal ne soit suffoqué par l'excès du sang qu'elle produit. Quand les mules sont fatiguées et écumantes de sueur, on leur verse de la graisse fondue dans la gorge et on leur fait avaler du vin pur. Pour les autres maladies des mules, on les traitera comme nous l'avons prescrit dans les premières parties de ce livre, en parlant des soins à donner aux bœufs et aux chevaux.