Vitruve

VITRUVE

DE L'ARCHITECTURE.

LIVRE II.

Vitruve : De l'architecture.
Tome premier / trad. nouvelle par M. Ch.-L. Maufras,...
C. L. F. Panckoucke, 1847.

livre I - livre III

 

 

 

LIVRE II.

 

 





 

Marcus Vitruvius Pollio:

de Architectura, Liber II

Praefatio

1. Dinocrates (01) architectus cogitationibus et solertia fretus, quum Alexander rerum potiretur, profectus est e Macedonia ad exercitum, regiae cupidus commendationis. Is e patria a propinquis et amicis tulit ad primos ordines et purpuratos litteras, ut aditus haberet faciliores, ab eisque exceptus humane petiit, uti quam primum ad Alexandrum perduceretur. Quum polliciti essent, tardiores fuerunt, idoneum tempus expectantes. Itaque Dinocrates, ab iis se existimans ludi, ab se petiit praesidium. Fuerat enim amplissima statura, facie grata, forma dignitateque summa. His igitur naturae muneribus confisus, vestimenta posuit in hospitio, et oleo corpus perunxit, caputque coronavit populea fronde, laevum humerum pelle leonina (02) texit, dextraque clavam tenens incessit contra tribunal regis ius dicentis.

2. Novitas populum quum advertisset, conspexit eum Alexander. Admirans iussit ei locum dar,i ut accederet, interrogavitque quis esset. At ille : "Dinocrates, inquit, architectus Macedo, qui ad te cogitationes et formas affero dignas tuae claritatis : namque Athon montem (03) formavi in statuae virilis figuram, cuius manu laeva designavi civitatis moenia, dextera pateram, quae exciperet omnium fluminum, quae sunt in eo monte aquam, ut inde in mare profunderetur. "

3. Delectatus Alexander ratione formae, statim quaesivit si essent agri circa qui possent frumentaria ratione eam civitatem tueri. Quum invenisset, non posse nisi transmarinis subvectionibus : "Dinocrates, inquit, attendo egregiam formae compositionem, et ea delector; sed animadverto, si quis deduxerit eo loci coloniam, fore ut iudicium eius vituperetur. Ut enim natus infans sine nutricis lacte non potest ali, neque ad vitae crescentis gradus perduci, sic civitas sine agris et eorum fructibus in moenibus affluentibus non potest crescere, nec sine abundantia cibi frequentiam habere, populumque sine copia tueri. Itaque quemadmodum formationem puto probandam, sic iudico locum improbandum; teque volo esse mecum, quod tua opera sum usurus."

4. Ex eo Dinocrates ab rege non discessit, et in Aegyptum est eum persequutus. Ibi Alexander cum animadvertisset portum naturaliter tutum, emporium egregium, campos circa totam Aegyptum frumentarios, inmanis fluminis Nili magnas utilitates, iussit eum suo nomine civitatem Alexandriam constituere. Itaque Dinocrates a facie dignitateque corporis commendatus ad eam nobilitatem pervenit. Mihi autem, imperator, staturam non tribuit natura, faciem deformavit aetas, valetudo detraxit vires; itaque quoniam ab his praesidiis sum desertus, per auxilia scientiae scriptaque, ut spero, perveniam ad commendationem.

5. Quum autem in primo volumine de officio architecturae terminationibusque artis perscripserim, item de moenibus et intra moenia arearum divisionibus, insequaturque ordo de aedibus sacris et publicis aedificiis itemque privatis, quibus proportionibus et symmetriis debeant esse, uti explicentur, non putavi ante ponendum, nisi prius de materiae copiis, e quibus collatis aedificia structuris et materiae rationibus perficiuntur, quas habeant in usu virtutes, exposuissem, quibusque rerum naturae principiis essent temperatae, dixissem. Sed antequam naturales res incipiam explicare, de aedificiorum rationibus, unde initia  ceperint,et uti creverint eorum inventiones, anteponam, et insequar ingressus antiquitatis rerum naturae et eorum, qui initia humanitatis et inventiones perquisitas scriptorum praeceptis dedicaverunt. Itaque quemadmodum ab his sum institutus, exponam. 

LIVRE II.

1. L'ARCHITECTE Dinocrate comptant sur son expérience et son habileté, partit un jour de Macédoine pour se rendre à l’armée d'Alexandre, qui était alors maître du monde, et dont il désirait de se faire connaître. En quittant sa patrie il avait emporté des lettres de recommandation de ses parents et de ses amis pour les personnages les plus distingués de la cour, afin d'avoir un accès plus facile auprès du roi. Ayant été reçu par eux avec bienveillance, il les pria de le présenter au plus tôt à Alexandre. Promesse lui en fut faite ; mais l'exécution se faisait attendre : il fallait trouver une occasion favorable. Dinocrate pensant qu'ils se faisaient un jeu des défaites qu'ils lui donnaient, n'eut plus recours qu'à lui-même. Sa taille était haute, son visage agréable. Chez lui la beauté s'unissait à une grande dignité. Ces présents de la nature le remplissent de confiance. Il dépose ses vêtements dans son hôtellerie, se frotte le corps d'huile, se couronne d'une branche de peuplier, puis, se couvrant l'épaule gauche d'une peau de lion et armant sa main droite d'une massue, il se dirige vers le tribunal où le roi rendait la justice.

2. La nouveauté de ce spectacle attire l'attention de la foule. Alexandre aperçoit Dinocrate, et, frappé d'étonnement, ordonne qu'on le laisse approcher, et lui demande qui il est. "Je suis l'architecte Dinocrate, répondit-il ; la Macédoine est ma patrie. Les modèles et les plans que je présente à Alexandre sont dignes de sa grandeur. J'ai donné au mont Athos la forme d'un homme qui, dans la main gauche, tient l'enceinte d'une cité, et dans la droite une coupe où viennent se verser les eaux de tous les fleuves qui sortent de la montagne, pour de là se répandre dans la mer." 

3. Alexandre charmé de cette idée, lui demanda si cette ville était entourée de campagnes capables de l'approvisionner des blés nécessaires pour sa subsistance. Ayant reconnu que les approvisionnements ne pouvaient se faire que par mer, Alexandre lui dit : "Dinocrate, je conviens de la beauté de votre projet ; il me plaît ; mais je crois que qui s'aviserait d'établir une colonie dans le lieu que vous proposez, courrait risque d'être taxé d'imprévoyance : car de même qu'un enfant sans le lait d'une nourrice ne peut ni se nourrir ai se développer, de même une ville ne peut s'agrandir sans campagnes fertiles, avoir une nombreuse population sans vivres abondants, faire subsister ses habitants sans de riches récoltes. Aussi, tout en donnant mon approbation à l'originalité de votre plan, je dois vous dire que je désapprouve le lieu que vous avez choisi pour le mettre à exécution ; mais je désire que vous demeuriez auprès de moi, parce que j'aurai besoin de vos services." 

4. A partir de ce moment, Dinocrate ne quitta plus le roi et l'accompagna en Égypte. Là, Alexandre ayant découvert un bon port, naturellement bien abrité, avec un abord facile, environné de fertiles campagnes, et pour lequel le voisinage des eaux du Nil était d'une immense ressource, il ordonna à Dinocrate de fonder une ville qui de son nom s'appela Alexandrie. C'est ainsi que, grâce à la noblesse de son extérieur, Dinocrate acquit une haute réputation Pour moi, César, la nature m'a privé d'un extérieur imposant, l'âge a défiguré mon visage, les maladies ont ruiné mes forces ; mais, quoique dépouillé de ces avantages, je ne désespère pas de mériter votre protection, en y suppléant par mes connaissances et mes écrits. 

5. Après avoir traité dans mon premier livre de l'architecture en général et des qualités de l'architecte, après avoir parlé ensuite de la construction des murailles et de l'emplacement des maisons à l'intérieur, ce serait ici le lieu de m'occuper des temples et des édifices publics et particuliers, aussi bien que des proportions qu'on doit leur donner ; je n'ai cependant pas cru devoir le faire avant d'avoir parlé des matériaux qu'il faut employer, de leurs qualités, des principes que la nature a fait entrer dans leur composition. Et même, avant d'entamer ce sujet, je parlerai des différentes manières de bâtir, de leur origine, des progrès qu'on a faits dans cet art. Je suivrai les premiers pas des hommes dans la société, et rechercherai les noms de ceux qui ont réduit en préceptes les essais de cette science, et les découvertes qui ont été poursuivies avec tant de soin. Ce sera sur les principes puisés dans leurs ouvrages que je baserai mes explications.

Caput 1 : De priscorum hominum vita, et de initiis humanitatis atque lectorum et incementis eorum.

1. Homines veteri more, ut ferae (04), in silvis et speluncis et nemoribus nascebantur, ciboque agresti vescendo vitam exigebant. Interea quodam in loco ab tempestatibus et ventis densae crebritatibus arbores agitatae et inter se terentes ramos ignem excitaverunt : et eo, flamma vehementi perterriti qui circa eum locum fuerunt, sunt fugati. Post ea requieta (05), propius accedentes quum animadvertissent commoditatem esse magnam corporibus ad ignis teporem, ligna adiicientes et eum conservantes alios adducebant, et nutu monstrantes ostendebant quas haberent ex eo utilitates. In eo hominum congressu quum profundebantur aliter spiritu voces (06), quotidiana consuetudine vocabula, ut obtigerant, constituerunt; deinde significando res saepius in usu, ex eventu fari fortuito coeperunt (07), et ita sermones inter se procreaverunt.

2. Ergo quum propter ignis inventionem conventus initio apud homines et concilium et convictus esset natus, et in unum locum plures convenirent, habentes ab natura praemium (08) praeter reliqua animalia, ut non proni, sed erecti ambularent, mundique et astrorum magnificentiam aspicerent, item manibus et articulis quam vellent rem faciliter tractarent : coeperunt in eo coetu alii de fronde facere tecta, alii speluncas fodere sub montibus, nonnulli hirundinum nidos et aedificationes earum imitantes, de luto et virgulis facere loca, quae subirent. Tunc observantes aliena tecta, et adiicientes suis cogitationibus res novas, efficiebant in dies meliora genera casarum (09).

3. Quum essent autem homines imitabili docilique natura (10), quotidie inventionibus gloriantes (11), alius alii ostendebant aedificiorum effectus : et ita exercentes ingenia certationibus in dies melioribus iudiciis efficiebantur. Primumque furcis erectis (12) et virgulis interpositis, luto parietes texerunt. Alii luteas glaebas (13) arefacientes, struebant parietes, materia eos iugumentantes, vitandoque imbres et aestus, tegebant arundinibus et fronde. posteaquam per hibernas tempestates (14) tecta non potuerunt imbres sustinere, fastigia facientes luto inducto, proclinatis tectis stillicidia deducebant.

4. Haec autem ex iis, quae supra scriptae sunt, originibus instituta esse, possumus sic animadvertere, quod ad hunc diem nationibus exteris ex his rebus aedificia constituuntur, ut in Gallia, Hispania, Lusitania, Aquitania, scandulis robusteis aut stramentis. Apud nationem Colchorum (15) in Ponto propter silvarum abundantiam, arboribus perpetuis (16) planis dextra ac sinistra in terra positis, spatio inter eas relicto quanto arbusorum longitudines patiuntur, collocantur : in extremis partibus earum supra alterae transversae, quae circumcludunt medium spatium habitationis  : tunc insuper alternis trabibus ex quatuor partibus angulos iugumentantes, et ita parietes arboribus statuentes ad perpendiculum imarum educunt ad altitudinem turres, intervallaque, quae relinquuntur propter crassitudinem materiae, schidiis et luto obstruunt. item tecta, recidentes ab extremo transtra, traiciunt gradatim contrahentes, et ita ex quattuor partibus ad altitudinem educunt medio metas, quas fronde et luto tegentes efficiunt barbarico more (17) testudinata turrium tecta  (18).

5. Phryges vero, qui campestribus locis sunt habitantes, propter inopiam silvarum egentes materiae eligunt tumulos naturales (19), eosque medios fossura exinanientes, et itinera perfodientes, dilatant spatia, quantum natura loci patitur. Insuper autem stipites inter se religantes metas efficiunt, quas harundinibus et sarmentis tegentes, exaggerant supra habitationes  maximos grumos e terra : ita hiemes calidissimas, aestates frigidissimas efficiunt tectorum rationes. Nonnulli ex ulva palustri componunt tuguria tecta. Apud ceteras quoque gentes et nonnulla loca pari similique ratione, casarum perficiuntur constitutiones. Non minus etiam Massiliae animadvertere possumus sine tegulis subacta cum paleis terra tecta. Athenis Areopagi (20) antiquitatis exemplar ad hoc tempus luto tectum. Item in Capitolio commonefacere potest et significare mores vetustatis Romuli casa (21) in arce sacrorum stramentis tecta.

6. Ita his signis de antiquis inventionibus aedificiorum, sic ea fuisse ratiocinantes possumus iudicare. Quum autem quotidie faciendo tritiores manus ad aedificandum profecissent, et solertia ingenia exercendo per consuetudinem ad artes pervenissent, tum etiam industria in animos eorum adiecta perfecit, ut qui fuerunt in his studiosiores, fabros esse se profiterentur. Quum ergo haec ita fuerint primo constituta, et natura non solum sensibus ornavisset gentes, quemadmodum reliqua animalia, sed etiam cogitationibus et consiliis armavisset mentes, et subiecisset cetera animalia sub potestate, tunc vero e fabricationibus aedificiorum gradatim progressi ad ceteras artes et disciplinas, e fera agrestique vita ad mansuetam perduxerunt humanitatem.

7. Tum autem instruentes animose et prospicientes maioribus cogitationibus ex varietate artium natis, non casas, sed etiam domos fundatas et latericiis parietibus (22), aut e lapide structas, materiaque et tegula tectas perficiere coeperunt. Deinde observationibus studiorum e vagantibus iudiciis et incertis ad certas symmetriarum rationes perduxerunt. Postea quum animadvertunt profusos esse partus ab naturae ad materiam, et abundantem copiam ad aedificationes ab ea comparatam, tractando nutrvierunt, et auctam per artes ornaverunt voluptatibus elegantiam vitae. Igitur de his rebus, quae sunt in aedificiis ad usum idoneae, quibus sint qualitatibus, et quas habeant virtutes, ut potuero, dicam.

8. Sed si quis de ordine huius libri disputare voluerit, quod putaverit, eum primum institui oportuisse, ne putet me erravisse, sic reddam rationem. Quum corpus architecturae scriberem, primo volumine putavi, quibus eruditionibus et disciplinis esset ornata, exponere finireque terminationibus eius species, et e quibus rebus esset nata dicere : itaque quid oporteat esse in architecto, ibi pronuntiavi. Ergo in primo de artis officio, in hoc de naturalibus materiae rebus, quem habeant usum disputabo. Namque hic liber non profitetur, unde architectura nascatur, sed unde origines aedificiorum sint institutae, et quibus rationibus enutritae et progressae sint gradatim ad hanc finitionem.

9. Ergo ita suo ordine et loco huius erit voluminis constitutio. Nunc revertar ad propositum, et de copiis quae aptae sunt aedificiorum perfectionibus, quemadmodum videantur esse ab natura rerum procreatae, quibusque mixtionibus principiorum congressus temperentur, ne obscura, sed perspicua legentibus sint, ratiocinabor. Namque nulla materiarum genera, neque corpora, neque res sine principiorum coetu nasci, neque subiici intellectui possunt, neque aliter natura rerum praeceptis physicorum veras patitur habere explicationes, nisi causae, quae insunt in his rebus, quemadmodum et quid ita sint, subtilibus rationibus habeant demonstrationes. 

1. De la manière de vivre des premiers hommes ; des commencements de la société humaine ; des premières constructions et de leurs développements.

1. Les hommes anciennement naissaient, comme le reste des animaux, dans les forêts, dans les cavernes et dans les bois, n'ayant pour toute nourriture que des fruits sauvages. Cependant des arbres épais, violemment agités par l'orage, prirent feu par suite du frottement des branches. L’impétuosité de la flamme effraya les hommes qui se trouvèrent dans le voisinage, et leur fit prendre la fuite. Bientôt rassurés, ils s'approchèrent peu à peu et sentirent tout l'avantage qu'ils pourraient retirer pour leur corps de la douce chaleur du feu. On ajouta du bois, on entretint la flamme, on amena d'autres hommes auxquels on fit comprendre par signes toute l'utilité de cette découverte. Les hommes ainsi rassemblés articulèrent différents sons qui, répétés chaque jour, formèrent par hasard certains mots dont l'expression habituelle servit à désigner les objets ; et bientôt ils eurent un langage qui leur permit de se parier et de se comprendre.

2. Ce fut donc la découverte du feu qui amena les hommes à se réunir, à faire société entre eux, à vivre ensemble, à habiter dans un même lieu. Doués d'ailleurs de plusieurs avantages que la nature avait refusés aux autres animaux, ils purent marcher droits et la tête levée, contempler le magnifique spectacle de la terre et des cieux, et, à l'aide de leurs mains si bien articulées, faire toutes choses avec facilité : aussi commencèrent-ils les uns à construire des huttes de feuillage, les autres à creuser des cavernes au pied des montagnes ; quelques-uns, à l'imitation de l'hirondelle qu'ils voyaient se construire des nids, façonnèrent avec de l'argile et de petites branches d'arbres des retraites qui parent leur servir d'abri. Chacun examinait avec soin l'ouvrage de son voisin, et perfectionnait son propre travail par les idées qu'il y puisait, et les cabanes devenaient de jour en jour plus habitables.

3. Or, comme les hommes étaient d'une nature docile et propre à imiter, ils se glorifiaient chaque jour de leurs découvertes, et se communiquaient réciproquement les améliorations qu'ils y apportaient. C'est ainsi que, grâce à l'émulation qui tenait continuellement leur esprit en haleine, ils rectifiaient à l'envi les ouvrages qu'ils entreprenaient. Ils plantèrent d'abord des perches fourchues, qu'ils entrelacèrent de branches, et dont ils remplirent les vides avec de la terre grasse, pour en faire des murs.

4. D'autres firent sécher des mottes d'argile, en construisirent des murs, sur lesquels ils posèrent en travers des pièces de bois, et, les recouvrant de roseaux et de feuilles, ils se mirent dessous à l'abri de la pluie et du soleil. Plus tard, comme dans les mauvais temps d'hiver, ces toits ne résistaient pas aux pluies, ils firent des combles qu'ils recouvrirent de terre grasse, et, donnant de l'inclinaison aux couvertures, ils établirent des larmiers pour l'écoulement des eaux.

4. Telle lut l'origine des premières maisons. Nous pouvons nous en convaincre par celles que nous voyons encore aujourd'hui chez les nations étrangères. En Gaule, en Espagne, en Lusitanie, en Aquitaine, elles sont construites avec les mêmes matériaux et recouvertes de chaume ou de bardeaux de chêne. La Colchide, dans le royaume de Pont, est pleine de forêts. Voici de quelle manière les habitants construisent leurs habitations. Ils prennent des arbres qu'ils étendent sur terre à droite et à gauche sans les couper, en laissant entre eux autant d'espace que le permet leur longueur ; à leurs extrémités ils en placent d'autres en travers qui closent l'espace qu'on veut donner à l'habitation. Posant des quatre côtés d'autres arbres qui portent perpendiculairement les uns sur les autres aux quatre angles, et formant les murs de ces arbres mis à plomb avec ceux d'en bas, ils élèvent des tours, et remplissent de petits morceaux de bois et d'argile les intervalles qui répondent à la grosseur des arbres. Ensuite, pour le toit, raccourcissant ces arbres vers leurs extrémités, et continuant de les poser en travers les uns sur les autres, ils les rapprochent du centre par degrés, des quatre côtés, et en font des pyramides qu'ils recouvrent avec des feuilles et de l'argile. Tels sont les toits à quatre pans que ces barbares donnent à leurs tours.

5. Les Phrygiens, qui habitent dans des campagnes tout à fait dépourvues de forêts, et qui, par conséquent manquent d'arbres, choisissent des tertres naturels, les creusent au milieu, et pratiquent des chemins pour arriver à l'espace qu'ils ont élargi autant que l'a permis la nature du lieu. Au-dessus ils élèvent des cônes avec des perches liées entre elles, les couvrent de roseaux et de chaume, et entassent des monceaux de terre sur ces habitations, auxquelles ce genre de toit donne de la chaleur en hiver et de la fraîcheur en été. Quelques peuples couvrent leurs chaumières avec des herbes de murais. Chez d’autres nations et dans certaines localités, on emploie les mêmes moyens pour construire des cabanes. A Marseille nous pouvons remarquer qu'au lieu de tuiles, c'est de la terre pétrie avec de la paille qui recouvre les toits. A Athènes, l'Aréopage a été conservé jusqu'à ce jour avec son toit d'argile comme un modèle de l'antiquité, et dans le Capitole on peut regarder comme un souvenir, comme un échantillon des moeurs antiques, la chaumière de Romulus, qu'on a conservée avec sa couverture de chaume dans le lieu destiné aux choses sacrées.

6. D’après ces observations, nous pouvons juger que telle fut la manière de bâtir des anciens. Mais un travail journalier donna aux mains plus d'adresse, plus d'habileté pour bâtir, et un exercice assidu amena ces esprits subtils à travailler d'une manière plus éclairée. Il arriva alors que l'art venant à les animer, ceux qui eurent le plus de goût pour la construction des bâtiments en firent une profession particulière. Ce fut ainsi que procéda la nature ; elle ne s'était pas contentée de départir à l'homme le sentiment qu'elle avait aussi donné aux autres animaux : elle lui avait mis dans l'esprit l'arme de la prudence et de la raison, et avait assujetti à sa puissance tous les autres êtres animés. De la construction de leurs demeures les hommes arrivèrent par degrés aux autres arts et aux autres sciences, et leurs moeurs, devenues plus douces, perdirent tout ce qu'elles avaient d'agreste et de sauvage. 

7. Construisant alors avec plus de hardiesse, et donnant à leurs pensées l'élan que leur inspirait la variété des arts, ce ne furent plus des chaumières, mais bien des maisons assises sur des fondements solides, avec des murs de briques et de pierres, avec des toits couverts de bois et de tuiles, qu'ils se mirent à élever. Ensuite les observations qu'ils puisèrent dans le travail, les conduisirent du tâtonnement et de l'incertitude à la connaissance exacte des règles de ta symétrie ; et ayant remarqué avec quelle abondance la nature produisait les matériaux nécessaires pour la construction, avec quelle profusion elle les prodiguait, ils arrivèrent par la pratique, et avec le secours des autres arts, à ajouter au nécessaire tous ces ornements, toutes ces commodités qui contribuent tant aux agréments de la vie. Quant aux choses que réclame un édifice pour être commode, à leurs qualités, à leurs propriétés, je les expliquerai le mieux qu'il me sera possible.

8. Si quelqu'un venait à désapprouver l'ordre dans lequel j'ai placé ce livre, et à penser qu'il eût mieux valu que je le misse à la tête de mon ouvrage, qu'il se garde de croire que ce soit une erreur de ma part. Voici ma raison. En faisant un traité complet d'architecture, j'ai cru devoir parler dans le premier livre des connaissances, de l'instruction que cette science exige ; déterminer les parties qui la composent, et dire quelle est son origine : c'est ce que j'ai fait en proclamant les qualités qui doivent se rencontrer dans un architecte. Ainsi, après avoir parlé dans le premier livre des études qui préparent à cette science, je parlerai dans le second des matériaux que fournit la nature, et de l'usage qu'on en doit faire. Il n'y sera plus question de l'origine de l'architecture, mais bien de celle des bâtiments ; et je dirai comment on est parvenu à donner à l'art de bâtir les développements et le degré de perfection où nous le voyons aujourd'hui.

9. Ce livre se trouvera donc parfaitement à son rang, à sa place. Je vais maintenant rentrer dans mon sujet, et, afin que le lecteur ne rencontre dans mon ouvrage rien d'obscur et d'inintelligible, raisonner sur les matériaux qui conviennent à la construction des bâtiments, sur la manière dont ils me paraissent avoir été produits par la nature, et sur la réunion des principes qui entrent dans leur composition : car il n'est point de matière, point de corps, il n'est rien qui se forme sans le concours des divers principes ; et comment faire comprendre, comment en physique clairement expliquer la nature des choses, si les principes qui les composent, leur formation, leur substance, ne sont démontrés par de bonnes raisons ?

II. De principiis rerum, secundum physicorum opiniones.

1. Thales quidem primum aquam putavit omnium rerum esse principium. Heraclitus Ephesius, qui propter obscuritatem scriptorum a Graecis Σκοτεινὸς est appellatus, ignem. Democritus quique eum sequutus est Epicurus, atomos, quae nostri insecabilia corpora, nonnulli individua, vocitaverunt. Pythagoreorum vero disciplina (23) adiecit ad aquam et ignem aera et terrenum. Ergo Democritus, etsi non proprie res nominavit, sed tantum individua corpora proposuit, ideo ea ipsa dixisse videtur, quod ea, quum sint disiuncta, nec laeduntur, nec interitionem recipiunt, nec sectionibus dividuntur, sed sempiterno aevo perpetuo (24) infinitam retinent in se soliditatem.

2. Ex his ergo congruentibus quum res omnes coire (25)nascique videantur, ut eae in infinitis generibus rerum natura essent disparatae, putavi oportere de varietatibus et discriminibus usus earum, quasque haberent in aedificiis qualitates, exponere, uti, quum fuerint notae, non habeant qui aedificare cogitant, errorem (26), sed aptas ad usum copias aedificiis comparent.

2. Des principes des choses, selon l'opinion des philosophes.

1. Thalès est le premier qui ait pensé que l'eau était le principe de toutes choses. Héraclite d'Éphèse, qui, à cause de l'obscurité de ses écrits, fut appelé par, les Grecs Σκοτεινὸς, croyait que c'était le feu. Démocrite et son sectateur Épicure prétendirent que c'étaient les atomes, que chez nous on appelle corpuscules insécables et quelquefois indivisibles. L'école de Pythagore ajouta à l'eau et au feu deux autres principes, l'air et la terre. Démocrite, bien qu'il n'ait point donné de nom propre aux principes qu'il admet, et se soit contenté de les proposer comme des corps indivisibles, me semble néanmoins avoir désigné les mêmes choses, puisque ces principes, lorsqu'ils sont séparés, loin d'être susceptibles d'altération, ou d'augmentation, ou de division, conservent au contraire une solidité perpétuelle, infinie, éternelle.

2. Puisque de la réunion de ces principes naissent et sont composées toutes choses, et que ces atomes sont différents dans les corps que la nature a multipliés à l'infini, j'ai pensé qu'il était à propos de faire connaître leurs variétés, leurs différentes propriétés, et les avantages qu'on en pouvait retirer pour la construction des édifices, afin que, d'après la connaissance qu'ils en auront, ceux qui pensent à bâtir ne tombent point dans l'erreur, et ne se pourvoient que de matériaux qui conviennent à l'usage qu'ils en veulent faire.

III. De lateribus

1. Itaque primum de lateribus (27), qua de terra ducio eos oporteat, dicam. Non enim de arenoso neque calculoso, neque sabuloso luto sunt ducendi, quod ex his generibus quum sunt ducti, primum fiunt graves; deinde, quum ab imbribus in parietibus sparguntur (28), dilabuntur et dissolvuntur, paleaeque in is non cohaerescunt propter asperitatem. Faciendi autem sunt ex terra albida cretosa (29), sive de rubrica aut etiam masculo sabulone (30). Haec enim genera propter levitatem (31) habent firmitatem, et non sunt in opere ponderosa, et faciliter aggerantur.

2. Ducendi autem sunt per vernum tempus et autumnale (32), ut uno tenore (33) siccescant : qui enim per solstitium parantur, ideo vitiosi fiunt, quod summum corium sol acriter quum praecoquit, efficit ut videatur aridi,, interior autem sit non siccus,. et quum postea siccescendo se contrahit, perrumpit ea quae erant arida : ita rimosi facti efficiuntur inbecilli. Maxime autem utiliores erunt, si ante biennium fuerint ducti : namque non ante possunt penitus siccescere. Itaque quum recentes et non aridi sunt structi, tectorio inducto rigideque obsolidato permanente, subsidentes non possunt eandem altitudinem, qua est tectorium, tenere, contractioneque moti non haerent cum eo, sed ab coniunctione eius disparantur : igitur tectoria ab structura seiuncta propter tenuitatem per se stare non possunt, sed franguntur, ipsique parietes fortuito sidentes vitiantur. Ideoque etiam Uticenses latere, si sit aridus et ante quinquennium ductus, quum arbitrio magistratus fuerit ita probatus, tunc utuntur in parietum structuris (34).

3. Fiunt autem laterum genera tria (35) : unum quod graece λύδιος appellatur (36), id est quo nostri utuntur, longum pede, latum semipede (37). ceteris duobus Graecorum aedificia struuntur. Ex his unum pentadoron, alterum tetradoron dicitur. Doron autem Graeci appellant palmum, quod munerum datio graece δῶρον appellatur: id autem semper geritur per manus palmam. Ita quod est quoquoversus (38) quinque palmorum pentadoron, quod quattuor tetradoron dicitur; et quae sunt publica opera, pentadoron, quae privata, tetradoro struuntur.

4. Fiunt autem cum his lateribus semilateres, quae quum struuntur, una parte lateribus ordines, altera semilaterum ponuntur (39) : ergo ex utraque parte ad lineam quum struuntur; alternis choriis parietes alligantur; et medii lateres supra coagmenta conlocati, et firmitatem et speciem faciunt utraque parte non invenustam (40). Est autem in Hispania Ulteriore Calentum, et in Gallis Massilia, et in Asia Pitane, ubi lateres quum sunt ducti et arefacti, proiecti natant in aqua (41). Natare autem eos posse ideo videtur, quod terra est, de qua ducuntur, pumicosa; ita quum est levis, aere solidata non recipit in se, nec combibit liquorem. Igitur levi raraque quum sint proprietate, nec patiantur penetrare in corpus umidam potestatem, quocumque pondere fuerint, coguntur ab rerum natura, quemadmodum pumex, uti ab aqua sustineantur. Sic autem magnas habent utilitates, quod neque in aedificationibus sunt onerosi, et quum ducuntur, a tempestatibus non dissolvuntur.

3. Des briques.

1. Je vais premièrement parler des briques et de l'espèce de terre qui doit entrer dans leur fabrication. Ce n'est point avec une terre pleine de gravier, de cailloux ou de sable qu'elles doivent être faites, parce que d'abord elle les rend trop lourdes, et qu'ensuite, lorsque dans les murs elles viennent à être battues par la pluie, elles tombent par morceaux en se détrempant ; la paille ne se lie pas bien, non plus, avec cette terre trop grossière. On doit les faire avec une terre blanche semblable à la craie, ou avec de la terre rouge, ou même avec du sablon mile. Ces espèces de terre, à cause des parties grasses qui les composent, sont compactes, chargent moins les constructions, et se pétrissent facilement.

2. Les briques doivent se mouler au printemps et en automne, afin qu'elles puissent sécher graduellement. Celles qu'on prépare en été deviennent défectueuses, en ce que le soleil, frappant leur superficie de sa chaleur trop intense, les fait paraître entièrement sèches, tandis que l'intérieur, qui est resté humide, venant plus tard à sécher, se contracte et fait gercer la partie qui était sèche, et ces fissures rendent les briques fragiles. Les meilleures briques sont celles qui ont au moins deux années de fabrication : il leur faut tout ce temps pour bien sécher. Quand on vient à les employer nouvellement faites et sans être sèches, l'enduit dont on les recouvre et qui prend une très grande solidité, conservant le même volume, il arrive que les briques perdent de leur épaisseur en séchant, ne peuvent plus remplir la capacité de l'enveloppe que forme l'enduit, s'en détachent par le rétrécissement, n'y adhèrent plus, et cessent complètement de faire corps avec lui. Séparé de la brique, l'enduit n'ayant plus, à cause de son peu d'épaisseur, assez de solidité pour résister seul, se brise, et les murailles.s'affaissant inopinément, s'écroulent. Aussi à Utique, ce n'est qu'après qu'il a été constaté par le magistrat que la brique est parfaitement sèche et faite depuis cinq ans, qu'on l'emploie dans la construction des murailles.

3. On fait trois sortes de briques : l'une, appelée en grec λύδιος, est celle dont nous nous servons ; sa longueur est d'un pied, sa largeur d'un demi-pied. Les deux autres sont employées par les Grecs dans leurs édifices : l'une se nomme πεντάδωρον, l'autre τετράδωρον. Par le mot δῶρον,  les Grecs désignent la palme, parce qu'en grec δῶρον signifie présent, et qu'un présent se porte toujours dans la main. Ainsi les briques qui ont en tout sens cinq palmes, quatre palmes, s'appellent πεντάδωρον, τετράδωροον. Les constructions publiques se font avec le πεντάδωρον, et celles des particuliers avec le τετράδωρον.

4. Outre ces différentes espèces de briques, on fait des demi-briques, dont voici l'usage : quand on élève une muraille, d'un côté on pose une rangée de briques, de l'autre une rangée de demi-briques. Toutes ces briques qui, de chaque côté, sont alignées au cordeau, s'enchaînent les unes avec les autres dans ces assises qui alternent ; et, se rencontrant par le milieu sur chaque joint montant, elles donnent aux deux parements du mur une grande solidité jointe à une certaine symétrie qui n'est point désagréable à l'oeil. On fabrique à Calentum, dans l'Espagne Ultérieure ; à Marseille, dans la Gaule, et en Asie, à Pitane, des briques qui, une fois sèches, surnagent quand on les jette dans l'eau. Cette propriété semble leur venir de la terre spongieuse avec laquelle elles sont faites. Cette terre légère que l'air a durcie, ne prend, n'absorbe aucune humidité. Ainsi ces briques, dont la propriété est d'être légères et poreuses, et de ne se laisser pénétrer par aucun corps humide, sont forcées par les lois de la nature de rester, comme la pierre ponce, au-dessus de l'eau, quel que soit leur poids. Aussi sont-elles d'une grande utilité, en ce qu'elles ne chargent point les constructions, et qu'une fois employées, elles ne se détrempent pas par les plus grandes pluies.

IV. De Arena

1. In caementiciis (42) autem structuris primum est de arena quaerendum (43), ut ea sit idonea ad materiam miscendam, neque habeat terram commixtam. Genera autem arenae fossitiae sunt haec, nigra, cana, rubra (44), carbunculus (45). Ex his quae in manu confricata fecerit stridorem, erit optima; quae autem terrosa fuerit, non habebit asperitatem; item si in vestimentum candidum ea coniecta fuerit, postea excussa vel icta, id non inquinaverit, neque ibi terra subsiderit, erit idonea.

2. Sin autem non erunt arenaria, unde fodiatur, tum de fluminibus aut e glarea erit excernenda; non minus etiam de litore marino. Sed ea in structuris haec habet vitia, quod difficulter siccescit, neque onerari se continenter paries paritur, nisi intermissionibus requiescat; neque concamarationes recipit. Marina autem hoc amplius, quod etiam parietes, quum in his tectoria facta fuerint, remittentes salsuginem, ea dissolvunt.

3. Fossiciae vero celeriter in structuris siccescunt, et tectoria permanent, et concamarationes patiuntur, sed hae, quae sunt de arenariis recentes. Si enim exemptae diutius iaceant, ab sole et luna et pruina concoctae resolvuntur, et fiunt terrosae (46). Ita quum in structuram coiciiuntur, non possunt continere caementa, sed ea ruunt et labuntur, oneraque parietes non possunt sustinere. Recentes autem fossitiae quum in structuris tantas habeant virtutes, eae in tectoriis ideo non sunt utiles, quod pinguitudine eius calx, palea commixta, propter vehementiam non potest sine rimis inarescere; fluviatica vero, propter macritatem, uti siginum (47), liaculorum subactionibus in tectorio recipit soliditatem.

4. Du sable.

1. Dans les constructions en moellon, le point le plus important est de s'assurer si le sable est d'une qualité propre à entrer dans la confection du mortier, s'il ne renferme point de matières terreuses. Il y a quatre espèces de sable fossile : le noir, le blanc, le rouge et le carboncle. De ces espèces la meilleure sera celle qui, frottée dans la main, aura produit un bruit sonore. Celui qui est terreux, qui n'est point rude au toucher, est mauvais ; mais celui qui, ayant été lancé contre un vêtement blanc, en est ensuite secoué ou enlevé à l'aide d'une baguette, sans y faire de tache, sans y laisser trace de terre, est excellent.

2. S'il n'y avait point de sablière d'où l'on pût retirer du sable fossile, on irait prendre au fond des rivières du gravier, dont on ferait disparaître tout corps étranger au sable ; les bords de la mer pourraient encore être mis à contribution. Pourtant le sable marin a le défaut de sécher difficilement, et d'empêcher qu'on ne bâtisse sans intermittence une muraille qui ne pourrait porter une grande charge, si on ne la maçonnait à plusieurs reprises pour lui donner le temps de se consolider ; il n'entre point dans la construction des voûtes. Il y a de plus que les murs dont le crépi a été fait avec de la chaux mêlée de ce sable, se remplissent de salpêtre, sont toujours humides, et finissent par s'en dégarnir.

3. Le mortier de sable fossile sèche, au contraire, promptement ; il dure longtemps dans les crépis et est très solide dans les plafonds, surtout quand le sable est nouvellement extrait des sablières : car s'il reste longtemps dehors sans être mis en oeuvre, le soleil et la lune l'altèrent, le givre le dissout, et il devient terreux. Lorsque dans cet état il est employé dans la maçonnerie, les moellons ne peuvent tenir ; ils se détachent, ils tombent ; les murs ne sont point capables de soutenir un grand poids. Toutefois le sable fossile nouvellement extrait, bien qu'il convienne parfaitement à la maçonnerie, n'est pas aussi avantageux pour les crépis, parce qu'il est si gras et sèche si vite, que, mêlé à la chaux avec de la paille, il fait un mortier qui ne peut durcir sans se gercer. Mais le sable de rivière à cause de sa maigreur, quand il a été, comme le ciment, bien corroyé, bien battu, donne au crépi une grande solidité.

V. De calce

1. De arenae copiis cum habeatur explicatum, tum etiam de calce diligentia est adhibenda, uti de albo saxo aut silice coquatur (48); et quae erit ex spisso et duriore, erit utilis in structura; quae autem ex fistuloso, in tectoriis. Quum ea erit extincta (49), tunc materia ita misceatur, ut si erit fossitia, tres arenae (50) et una calcis confundantur; si autem fluviatica aut marina, duae arenae in unam calcis coniiciantur : ita enim erit iusta ratio mixtionis temperaturae. Etiam in fluviatica aut marina, si qui testam tunsam et succretam ex tertia parte adiecerit, efficiet materiae temperaturam ad usum meliorem.

2. Quare autem, quum recipit aquam (51) et aarenam calx, tunc confirmat structuram, haec esse causa videtur, quod e principiis, uti cetera corpora, ita et saxa sunt temperata; et quae plus habent aeris, sunt tenera; quae aquae, lenta sunt ab humore; quae terrae, dura, quae ignis, fragiliora. Itaque ex his saxa si, antequam coquantur, contusa minute mixtaque arenae in structuram coiniciantur, non solidescunt, nec eam potuerunt continere; quum vero coniecta in fornacem, ignis vehementi fervore correpta amiserint pristinae soliditatis virtutem, tunc exustis atque exhaustis eorum viribus, relinquuntur patentibus foraminibus et inanibus. Ergo liquor qui est in eius lapidis corpore, et aer quum exustus et ereptus fuerit (52), habueritque in se residuum calorem latentem, intinctus in aqua priusquam exeat ignis, vim recipit, et humore penetrante in formanminum raritates confervescit, et ita refrigeratus reiicit ex calcis corpore fervorem.

3. Ideo autem quo pondere saxa coniiciuntur in fornacem, quum eximuntur, non possunt ad id respondere; sed quum expenduntur, permanente eadem magnitudine, excocto liquore, circiter tertia parte ponderis inminuta (53) esse inveniuntur. Igitur quum patent foramina eorum et raritates, arenae mixtionem in se corripiunt, et ita cohaerescunt, siccescendoque caementis (54) coeunt et efficiunt structurarum soliditatem.

5. De la chaux.

1. Après avoir explique de quelle utilité pouvaient être les différentes espèces de sable, il faut maintenant nous occuper de la chaux, et voir si elle doit être faite avec des pierres blanches ou des cailloux. Celle qu'on fait avec une pierre dure et compacte est bonne pour la maçonnerie ; celle que fournit une pierre spongieuse vaut mieux pour les enduits. Quand la chaux sera éteinte, il faudra la mêler avec le sable : si c'est du sable fossile, dans la proportion de trois parties de sable et d'une de chaux ; si c'est du sable de rivière ou de mer, dans la proportion de deux parties de sable sur une de chaux : c'est là la juste proportion de leur mélange. Si au sable de rivière ou de mer on voulait ajouter une troisième partie de tuileaux pilés et sassés, on obtiendrait un mélange d'un usage encore meilleur.

2. Pourquoi la chaux, en se mêlant à l'eau et au sable, donne-t-elle à la maçonnerie tant de solidité ? En voici, je crois, la raison. Les pierres, comme tous les autres corps, sont composées des éléments ; celles qui contiennent ou plus d'air, ou plus d'eau, ou plus de terre, ou plus de feu, sont ou plus légères, ou plus molles, ou plus dures, ou plus fragiles. Remarquons que si des pierres, avant d'être cuites, ont été pilées et mêlées à du sable, puis employées dans une construction, elles ne prennent aucune consistance et ne peuvent en lier la maçonnerie ; mais que si, jetées dans un four, elles viennent à perdre leur première solidité par l'action violente du feu auquel elles sont soumises, alors, par suite de cette chaleur qui en consume la force, elles se remplissent d'une infinité de petits trous. Ainsi l'humidité répandue dans ces pierres ayant été absorbée, et l'air qu'elles contenaient s'étant retiré, ne renfermant plus alors que la chaleur qui y reste cachée, qu'on vienne à les plonger dans l'eau avant que cette chaleur ne soit dissipée, elles reprennent leur force : l'eau qui y pénètre de tous côtés produit une ébullition ; puis le refroidissement fait sortir de la chaux la chaleur qui s'y trouvait.

3. Voilà pourquoi le poids des pierres à chaux, au moment où on les jette dans le four, ne peut plus être le même quand on les en retire : si on les pèse après la cuisson, on les trouvera, bien qu'elles aient conservé le même volume, diminuées environ de la troisième partie de leur poids. Ainsi, grâce à tous ces trous, à tous ces pores, elles se mêlent promptement au sable, y adhèrent fortement, s'attachent en séchant aux moellons, et donnent à la maçonnerie une grande solidité.

VI. De pulvere Puteolano

1. Est etiam genus pulveris (55), quod efficit naturaliter res admirandas. Nascitur in regionibus Baianis et in agris municipiorum, quae sunt circa Vesuvium montem, quod commixtum cum calce et caemento (56) non modo ceteris aedificiis praestat firmitatem, sed etiam moles, quae construuntur in mari, sub aqua solidescunt. Hoc autem fieri hac ratione videtur, quod sub his montibus et terra, ferventes sunt et fontes crebri; qui non essent, si non in imo haberent aut de sulfure, aut alumine, aut bitumine ardentes maximos ignes. Igitur penitus ignis et flammae vapor per intervenia permanans et ardens efficit levem eam terram, et ibi qui nascitur tophus turgens est sine liquore. Ergo quum tres res (57), consimili ratione ignis vehementia formatae, in unam pervenerint mixtionem, repente recepto liquore una cohaerescunt, et celeriter umore duratae solidantur, neque eas fluctus, neque vis aquae potest dissolvere.

2. Ardores autem esse in his locis, etiam haec res potest indicare, quod in montibus Cumanorum et Baianis (58) sunt loca sudationibus excavata, in quibus vapor fervidus ab imo nascens, ignis vehementia perforat eam terram, per eamque manando in his locis oritur, et ita sudationum egregias efficit utilitates. Non minus etiam memorantur antiquitus crevisse ardores et abundavisse sub Vesuvio (59), et inde evoluisse circa agros flammam. Ideoque nunc qui spongia sive pumex Pompeianus vocatur, excoctus ex alio genere lapidis, in hanc redactus esse videtur generis qualitatem.

3. Id autem genus spongiae, quod inde eximitur, non in omnibus locis nascitur, nisi circum Aetnam et collibus Mysiae, quae a Graecis κατακεκαυμένη nominatur, et si quae eiusdem modi sunt locorum proprietates. Si ergo in his locis aquarum ferventes inveniuntur fontes, et montibus excavatis calidi vapores, ipsaque loca ab antiquis memorantur pervagantes in agris habuisse ardores, videtur esse certum, ab ignis vehementia ex topho terraque, quemadmodum in fornacibus et a calce, ita ex his ereptum esse liquorem.

4. Igitur dissimilibus et disparibus rebus correptis et in unam potestatem collatis (60), calida humoris ieiunitas, aquae repente satiata, communibus corporibus latenti calore confervescit, et vehementer efficit ea coire, celeriterque unam soliditatis percipere virtutem. Relinquetur desideratio, quoniam ita sunt in Etruria ex aqua calida crebri fontes; quid ita non etiam ibi nascitur pulvis, e quo eadem ratione sub aqua structura solidescet?  Itaque visum est, antequam desideraretur de his rebus, quemadmodum esse videantur, exponere.

5. Omnibus locis et regionibus non eadem genera terrae nec lapides nascuntur, sed nonnulla sunt terrena, alia sabulosa, itemque glareosa, aliis locis arenosa non minus materia; et omnino dissimili disparique genere in regionum varietatibus qualitates insunt in terra. Maxime autem id sic licet considerare, quod, qua mons Appenninus regiones Italiae Etruriaeque circumcingit, prope omnibus locis non desunt fossicia arenaria; trans Appenninum vero (61), quae pars est ad Adriaticum mare, nulla inveniuntur; item Achaia, Asia et omnino trans mare ne nominantur quidem. Igitur non in omnibus locis, quibus effervent aquae calidae crebri fontes, eaedem opportunitates possunt similiter concurrere, sed omnia uti natura rerum constituit, non ad voluptatem hominum sed fortuito disparata procreantur.

6. Ergo quibus locis non sunt terrosi montes, sed lapideo genere materiae qualitatem habentes, ignis vis per eius venas egrediens adurit eam, et quod molle est et tenerum exurit; quod autem asperum relinquit : itaque uti in Campania exusta terra cinis, sic in Etruria excocta materia efficitur carbunculus. Utraque autem sunt egregia in structuris; sed alia in terrenis aedificiis, alia etiam in maritimis molibus habent virtutem. Est autem materiae potestas mollior quem tophus, solidior quem terra; qua penitus ab imo vehementia vaporis adusta, nonnullis locis procreatur id genus arenae, quod dicitur carbunculus.

6. De la pouzzolane.

1. Il existe une espèce de poudre à laquelle la nature a donné une propriété admirable. Elle se trouve au pays de Baïes et dans les terres des municipes qui entourent le mont Vésuve. Mêlée avec la chaux et le moellon, non seulement elle donne de la solidité aux édifices ordinaires, mais encore les môles qu'elle sert à construire dans la mer acquièrent sous l'eau une grande consistance. Voici comment j'en explique la cause. Sous ces montagnes et dans tout ce territoire, il y a un grand nombre de fontaines bouillantes ; elles n'existeraient pas, sil ne se trouvait au fond de la terre de grands feux produits par des masses de soufre, ou d'alun, ou de bitume en incandescence. La vapeur qui s'exhale de ces profonds réservoirs de feu et de flamme, se répandant brûlante par les veines de la terre, la rend légère, et le tuf qui en est produit est aride et spongieux. Ainsi, lorsque ces trois choses que produit de la même manière la violence du feu, viennent par le moyen de l'eau à se mêler et à ne plus faire qu'un seul corps, elles se durcissent promptement ; et prennent une solidité telle, que ni les flots de la mer ni la poussée des eaux ne peuvent les désunir.

2. Une chose peut faire juger que de grands feux se trouvent dans ces localités, ce sont les grottes creusées dans les montagnes de Cumes et de Baïes pour servir d'étuves. Une vapeur chaude produite par la violence du feu, s'élevant des entrailles de la terre, qu'elle pénètre, vient se répandre dans ces lieux, et est d'une très grande utilité pour ceux dont elle provoque la sueur. On rapporte aussi qu'anciennement le Vésuve sentit croître dans ses flancs des feux excessifs, et vomit la flamme sur les campagnes d'alentour. De cet embrasement sont provenues ces pierres spongieuses qu'on appelle pierres ponces pompéianes, auxquelles, le feu, en les cuisant, a ôté leur qualité première, pour leur donner, selon toute probabilité, celle qu'elles ont aujourd'hui.

3. L'espèce de pierre ponce qu'on retire de ce lieu ne se rencontre qu'aux environs de l'Etna, dans les montagnes de Mysie, et sans doute dans quelques autres lieux dont la position est analogue : les Grecs l'appellent κεκαυμένη. Si donc on trouve dans ces endroits des fontaines d'eau bouillante ; s'il y a dans les grottes de ces montagnes des vapeurs chaudes ; si, comme nous l'apprend l'antiquité, des flammes se sont autrefois répandues sur ces contrées, tout porte à croire que la violence du feu a enlevé au tuf et à la terre, comme il le fait à la chaux dans les fours, leurs principes humides.

4. D'où il faut conclure que des matières entièrement différentes, quand elles ont été soumises à l'action du feu, et qu'elles ont acquis une même propriété, c'est-à-dire cette sécheresse chaude qui leur fait si promptement absorber l'eau dont on les mouille, s'échauffent par la force de la chaleur que contiennent tous les corps, se lient avec ténacité, et ne tardent pas à acquérir une dureté extraordinaire. Ce raisonnement trouvera sans doute des contradicteurs : car, puisqu'il existe en Étrurie un grand nombre de fontaines d'eaux chaudes, pourquoi n'y trouve-t-on pas cette poudre qui donne sous l'eau tant de solidité à la maçonnerie ? Qu'on veuille bien, avant de me condamner, entendre mon opinion à ce sujet.

5. Dans toutes les contrées, dans tous les pays, les terres, non plus que les pierres, ne sont pas de même nature : ici vous trouvez une terre franche, là un terrain où abonde le sable ou le gravier ; ailleurs du sablon. Autant de contrées, autant de terrains qui vous offrent des différences totales. C'est ce dont vous pouvez parfaitement vous convaincre en examinant cette partie de l'Italie et de l'Étrurie qu'embrasse le mont Apennin : on y trouve presque partout de la pouzzolane ; au delà, vers la mer Adriatique, il n'y en a point du tout. En Achaïe, en Asie et dans les pays d'outre-mer, on en ignore jusqu'au nom. Il peut donc arriver que tous les lieux où l'on voit jaillir de nombreuses fontaines d'eaux chaudes ne présentent pas les mêmes particularités : la nature, sans consulter la volonté de l'homme, étale partout où il lui plaît une fécondité aussi riche que variée.

6. Ainsi, aux lieux où les montagnes sont formées non de terre, mais de rochers, la violence du feu, en pénétrant au travers, les brûle et consume tout ce qu'il y a de mou, de tendre, sans avoir d'action sur les parties dures : de sorte que dans la Campanie, la terre brûlée devient cendre ; en Étrurie, les roches calcinées produisent le carboncle. Ces deux matières sont excellentes pour la maçonnerie ; mais l'une vaut mieux pour les constructions qui se font sur terre, l'autre pour celles qui se font dans la mer. Or, cette matière dont la nature est plus molle que celle du tuf, plus solide que celle de la terre, quand elle est brûlée par la force de la vapeur, forme clans quelques endroits cette espèce de sable qu'on appelle carboncle.

VII. De lapidicinis

1. De calce et arena quibus varietatibus sint, et quas habeant virtutes, dixi; sequitur ordo de lapidicinis explicare; de quibus et quadrata saxa, et caementorum ad aedificia eximuntur copiae et comparantur. Hae autem inveniuntur esse disparibus et dissimilibus virtutibus. Sunt enim aliae molles, uti sunt circa Urbem Rubrae (62), Pallenses (63), Fidenates (64), Albanae (65); aliae temperatae, uti Tiburtinae (66), Amiterninae, Soractinae, et quae sunt his generibus; nonnullae durae, uti siliceae. Sunt etiam alia genera plura, uti in Campani ruber et niger tophus (67), in Umbria, et Piceno, et in Venetia albus, qui etiam serra dentata, uti lignum, secatur.

2. Sed haec omnia, quae mollia sunt, hanc habent utilitatem, quod ex his saxa quum sunt exempta, in opere faciliter tractantur; et si sint in locis tectis, sustinent laborem; si autem in apertis et patentibus, gelicidiis et pruina contacta friantur et dissolvuntur : item secundum oram maritimam ab salsugine exesa diffluunt, neque perferunt aestus (68). Tiburtina vero, et quae eodem genere sunt omnia, sufferunt et ab oneribus et a tempestatibus iniurias, sed ab igni non possunt esse tuta (69), simulque sunt ab eo tacta, dissiliunt et dissipantur, ideo quod temperatura naturali parvo sunt humore, item quod non multum habent terreni, sed aeris plurimum et ignis. Igitur quum et humor et terrenum in his minus inest, tum etiam ignis, tactu et vi vaporis ex is aere fugato, penitus insequens, et interveniorum vacuitates occupans, fervescit et efficit ea suis ardentia corporibus similia.

3. Sunt vero item lapidicinae complures in finibus Tarquiniensium, quae dicuntur Anitianae, colore quemadmodum Albanae, quarum officinae maxime sunt circa lacum Vulsiniensem, item praefectura Statoniensi. Eae autem habent infinitas virtutes : neque enim is gelicidiorum tempestas, neque ignis tactus potest nocere, sed sunt firmae, et ad vetustatem ideo permanentes, quod parum habent e naturae mixtione aeris et ignis, humoris autem temperate, plurimumque terreni : ita spissis comparationibus solidatae neque ab tempestatibus neque ab ignis vehementia nocentur.

4. Id autem maxime iudicare licet e monumentis, quae sunt circa municipium Ferentis ex his facta lapidicinis : namque habent et statuas amplas, factas egregie, et minora sigilla, floresque et acanthos eleganter scalptos, quae quum sint vetusta, sic apparent recentia, uti si sint modo facta. Non minus etiam fabri aerarii de his lapidicinis in aeris flatura (70) formis comparatis habent ex is ad aes fundendum maximas utilitates. Quae si prope Urbem essent, dignum esset, ut ex his officinis omnia opera perficerentur.

5. Quum ergo propter propinquitatem necessitas cogat ex Rubris lapidicinis, et Pallensibus, et quae sunt Urbi proximae, copiis uti; si qui voluernit sine vitiis perficere, ita erit praeparandum. Quum aedificandum fuerit, ante biennium ea saxa non hieme, sed aestate eximantur, et iacentia permaneant in locis patentibus; quae autem eo biennio a tempestatibus tacta laesa fuerint, ea in fundamenta coniiciantur; cetera quae non erunt vitiata, ab natura rerum probata durare poterunt supra terram aedificata. Nec solum ea in quadratis lapidibus sunt observanda, sed etiam in caementiciis structuris.

7. Des carrières de pierres.

1. Je viens de parler de la chaux et du sable, de leurs différentes espèces et de leurs qualités ; l'ordre des matières veut que je parle maintenant des carrières d'où l'on extrait les pierres de taille et les moellons qui servent à la construction des bâtiments. Toutes les pierres sont loin de présenter les mêmes qualités. Il y en a de tendres, comme celles que l'on trouve aux environs de Rome, dans les carrières de Rubra, de Pallia, de Fidènes, d'Albe ; d'autres le sont moins, comme celles de Tibur, d'Amiterne, de Soracte et d'autres endroits. Quelques-unes sont dures comme des cailloux. Il y en a encore de plusieurs autres espèces, comme le tuf rouge et le tuf noir de la Campanie, le tuf blanc de l'Ombrie, du Picenum, de Venise, qui, comme le bois, se coupent avec la scie dentée.

2. Toutes ces pierres tendres ont cela d'avantageux que, débarrassées de toute matière dure, elles se taillent avec facilité, et résistent fortement, si elles sont employées dans des lieux couverts ; mais exposées à l'air, les gelées et les neiges qui s'y amassent les dissolvent et les font tomber en poussière. Sur le bord de la mer, ce sont les exhalaisons salines qui les rongent et les pulvérisent ; elles ne résistent pas non plus, à l'agitation des vagues. Les pierres de Tibur et toutes celles qui leur ressemblent résisteront bien à un poids considérable et aux injures de l'air ; mais elles ne sont pas à l'épreuve du feu, qui ne les a pas plutôt touchées qu'elles éclatent et se brisent par morceaux, parce que dans leur composition naturelle il entre peu d'eau, peu de terre avec beaucoup d'air et de feu. Aussi, comme elles contiennent moins d'eau et de terre, le feu, lorsque par la force de sa chaleur, il en fait sortir l'air, le feu y pénètre aussitôt, remplit tous les vides, se dilate et embrase les matières de même nature que la sienne.

3. On trouve encore dans le territoire de Tarquinies plusieurs carrières appelées Anitiennes, dont les pierres ont la même couleur que celles d'Albe. La plus grande partie de ces pierres se travaille auprès du lac de Vulsinies, et dans le gouvernement de Statonia. Elles ont un grand nombre de qualités : la saison des gelées, le contact du feu n'ont sur elles aucune influence ; elles restent solides et durent fort longtemps, parce que leur essence se compose d'une petite quantité d'air et de feu, d'une médiocre quantité d'eau et de beaucoup de terre : ainsi la compacité de leurs parties leur donne une dureté capable de braver la rigueur du temps et la violence du feu.

4. On peut en avoir une idée par les monuments qui ont été faits avec ces pierres auprès de la ville municipale de Férente : on y voit de grandes statues d'une rare beauté, ainsi que de petits bas-reliefs, des fleurs et des feuilles d'acanthe délicatement sculptées ; malgré leur ancienneté, ces objets paraissent aussi frais que s'ils venaient d'être faits. Elles offrent encore un très grand avantage aux ouvriers en bronze qui en font les moules dans lesquels ils fondent la matière qu'ils travaillent. Si ces carrières étaient près de Rome, les pierres qu'on en tire seraient certainement employées dans tous les ouvrages.

5. Mais la proximité des carrières de Rubra, de Pallia et de quelques autres endroits, fait qu'on est obligé de se servir de leurs produits ; toutefois, pour que de leur emploi il ne résulte aucun inconvénient, il y a des précautions à prendre : ainsi deux ans avant de mettre les pierres en oeuvre il faut les extraire de la carrière, non en hiver, mais en été, et les laisser exposées à l'air dans un lieu découvert. Celles que, pendant ces deux ans, le mauvais temps aura endommagées, seront jetées dans les fondements ; les autres, que n'aura point altérées l'épreuve à laquelle elles auront été soumises, pourront servir à la maçonnerie faite hors de terre. Cette méthode s'applique non seulement aux constructions en pierres de taille, mais encore aux constructions en moellon.

VIII. De generibus structurae

1. Structurarum genera (71) sunt haec : reticulatum (72), quo nunc omnes utuntur, et antiquum, quod incertum (73) dicitur. Ex his venustius est reticulatum, sed ad rimas faciendas ideo paratum, quod in omnes partes dissoluta habet cubilia et coagmenta. Incerta vero caementa, alia super alia sedentia, inter seque implicata, non speciosam, sed firmiorem quem reticulata praestant structuram.

2. Utraque autem ex minutissimis sunt instruenda, uti materia ex calce et arena crebriter parietes satiati diutius contineantur. Molli enim et rara potestate quum sint, exsiccant sugendo e materia sucum : quum autem superarit et abundarit copia calcis et arenae, paries plus habens humoris non cito fiet evanidus, sed ab his continetur. Simul autem humida potestas e materia per caementorum raritatem fuerit exucta, calx quoque ab arena discedat et dissolvatur, item caementa non possunt cum his cohaerere, sed in vetustatem parietes efficiunt ruinosos.

3. Id autem licet animadvertere etiam de nonnullis monumentis, quae circa Urbem facta sunt e marmore seu lapidibus quadratis intrinsecus medioque calcata farrturis : vetustate evanida facta materia, caementorumque exucta raritate, proruunt et coagmentorum ab ruina dissolutis iuncturis dissipantur.

4. Quodsi qui noluerit in id vitium incidere, medio cavo servato secundum orthostatas, intrinsecus, ex rubro saxo quadrato, aut ex texta, aut ex silicibus ordinariis (74) struat bipedales parietes, et cum ansis ferreis (75) et plumbo frontes revinctae (76) sint. Ita enim non acervatim, sed ordine structum opus poterit esse sine vitio sempiternum, quod cubilia et coagmenta eorum inter se sedentia, et iuncturis alligata non protrudent opus, neque orthostatas inter se religatos labi patiuntur.

5. Itaque non est contemnenda Graecorum structura (77) : non enim utuntur e molli caemento structura polita, sed quum discesserunt a quadrata, ponunt de silice seu de lapide duro ordinariam, et ita, uti latericia struentes, alligant eorum alternis choriis coagmenta, et sic maxime ad aeternitatem firmas perficiunt virtutes. Haec autem duobus generibus struuntur : ex his unum isodomum, alterum pseudisodomum appellatur.

6. Isodomum dicitur, quum omnia choria (78) aequa crassitudine fuerint structa : pseudisodomum, quum inpares et inaequales ordines coriorum diriguntur. Ea utraque sunt ideo firma, primum quod ipsa caementa sunt spissa et solida proprietate, neque de materia possunt exsugere liquorem, sed conservant eam in suo humore ad summam vetustatem : ipsaque eorum cubilia primum plana et librata posita non patiuntur ruere materiam, sed perpetua parietum crassitudine religata continent ad summam vetustatem.

7. Altera est, quem ἔμπλεκτον  (79) appellant, qua etiam nostri rustici utuntur : quorum frontes poliuntur, reliqua, ita uti sunt nata, cum materia conlocata alternis alligant coagmentis. Sed nostri, celeritati studentes, erecta choria locantes, frontibus serviunt, et in medio farciunt fractis separatim cum materia caementis : ita tres suscitantur in ea structura crustae, duae frontium et una media farturae. Graeci vero non ita; sed plana collocantes, et longitudines choriorum alternis coagmentis in crassitudinem instruentes, non media farciunt, sed e suis frontibus perpetuam et unam crassitudinem perpetua utraque parte frontatos, quos διατόνους appellant, qui maxime religando confirmant parietum soliditatem.

8. Itaque si qui voluerit ex his commentariis animadvertere et eligere genus structurae, perpetuitatis poterit rationem habere. Non enim quae sunt e molli caemento subtili facie venustatis,  eae possunt esse in vetustate non ruinosae (80). Itaque quum arbitri communium parietum sumuntur, non aestimant eos quanti facti fuerint, sed quum ex tabulis inveniunt eorum locationi praetia, praeteritorum annorum singulorum deducunt octogesimas, et ita ea reliqua summa pacta reddi pro his parietibus, sententiam pronuntiant, eos non posse plus quem anno octoginta durare.

9. De latericiis vero, dummodo ad perpendiculum sint stantes, nihil deducitur, sed quanti fuerint olim facti, tanti esse semper aestimantur. Itaque nonnullis civitatibus, et publica opera, et privatas domos, etiam regias, e latere structas licet videre : et primum Athenis (81) murum, qui spectat ad Hymettum montem et Pentelensem (82), item Patris, in aede Iovis (83) et Herculis latericias cellas, quum circa lapidea in aede epistylia sint et columnae : in Italia Arretii vetustum egregie factum murum; Trallibus domum regibus Attalicis factam, quae ad habitandum semper datur ei, qui civitatis gerit sacerdotium : item Lacedaemone e quibusdam parietibus etiam picturae excisae, intersectis lateribus, inclusae sunt in ligneis formis, et in comitium, ad ornatum aedilitatis Varronis et Murenae, fuerunt allatae.

10. Croesi domus, quem Sardiani civibus ad requiescendum aetatis otio, seniorum collegio Gerusiam dedicaverunt, item Halicarnasso potentissimi regis Mausoli domus (84), cum Proconnesio marmore (85) omnia haberet ornata, parietes habet latere structos, qui ad hoc tempus egregiam praestant firmitatem, ita tectoriis operibus expoliti, uti vitri perluciditatem videantur habere. Neque is rex ab inopia id fecit : infinitis enim vectigalibus erat fartus, quod imperabat Cariae (86) toti.

11. Acumen autem eius et sollertiam ad aedificia paranda sic licet considerare. Quum esset enim natus Mylasis et animadvertisset Halicarnassi locum naturaliter esse munitum emporiumque idoneum, portum utilem, ibi sibi domum constituit. Is autem locus est theatri curvaturae similis. Itaque in imo secundum portum forum est constitutum; per mediam autem altitudinis curvaturam praecinctionemque platea ampla latitudine facta, in qua media Mausoleum (87) ita egregiis operibus est factum, ut in septem spectaculis nominetur. In summa arce media Martis fanum habens statuam colossicam (88) ἀκρόλιθον  nobili manu Leocharis factam. Hanc autem statuam alii Timothei putant esse. In cornu autem summo dextro Veneris et Mercurii fanum ad ipsum Salmacidis fontem.

12. Iis autem falsa opinione putatur Venereo morbo inplicare eos, qui ex eo biberint. Sed haec opinio quare per orbem terrae falso rumore sit pervagata, non pigebit exponere. Non enim, quod dicitur molles et inpudicos ex ea aqua fieri, id potest esse; sed est eius fontis potestas perlucida saporque egregius. Quum autem Melas et Arevanias ab Argis et Troezene coloniam communem eo loci deduxerunt, barbaros Cars et Lelegas eiecerunt. Hi autem, ad montes fugati, inter se congregantes discurrebant, et ibi latrocinia facientes crudeliter eos vastabant. Postea de colonis unus ad eum fontem propter bonitatem aquae, quaestus causa, tabernam omnibus copiis instruxit, eamque exercendo eos barbaros allectabat. Ita singillatim decurrentes et ad coetus convenientes, e duro feroque more commutati, in Graecorum consuetudinem et suavitatem sua voluntate reducebantur. Ergo ea aqua non inpudici morbi vitio, sed humanitatis dulcedine mollitis animis barbarorum, eam famam est adepta.

13. Relinquitur nunc quoniam ad explicationem moenium eorum sum invectus, tota, uti sunt, definiam. Quemadmodum enim in dextra parte fanum est Veneris et fons supra scriptus, ita in sinistro cornu regia domus, quam rex Mausolus ad suam rationem collocavit. Conspicitur enim ex ea ad dextram partem forum et portus moeniumque tota finitio; sub sinistram secretus sub moenibus latens portus ita, ut nemo posset quid in eo gereretur aspicere nec scire : : ut rex ipse de sua domo remigibus et militibus sine ullo sciente quae opus essent imperaret.

14. itaque post mortem Mausoli, Artemisia uxore eius regnante, Rhodii indignantes mulierem imperare civitatibus Cariae totius, armata classe profecti sunt, ut id regnum occuparent. Tum Artemisiae quum esset id renuntiatum, in eo portu abstrusam classem,celatis remigibus et epibatis, comparatis; reliquos autem cives in muro esse iussit. Quum autem Rhodii ornatam classem in portum maiorem exposuissent, plausum iussit ab muro his dare pollicerique se oppidum tradituros : qui quum penetravissent intra murum relictis navibus inanibus, Artemisia, repente fossa facta, in pelagus eduxit classem ex portu minore, et ita invecta est in maiorem. Expositis autem militibus, classem Rhodiorum inanem abduxit in altum. Ita Rhodii non habentes quo se reciperent, in medio conclusi, in ipso foro sunt trucidati.

15. Ita Artemisia, in navibus Rhodiorum suis militibus et remigibus inpositis, Rhodum est profecta : Rhodii autem quum prospexissent suas naves laureatas venire, opinantes cives victores reverti, hostes receperunt. Tunc Artemisia, Rhodo capta, principibus occisis, tropaeum in urbe Rhodo suae victoriae constituit, aeneasque duas statuas fecit, unam Rhodiorum civitatis, alteram suae imaginis, et istam figuravit Rhodiorum religione impediti (quod nefas est tropaea dedicata removeri), circa eum locum aedificium struxerunt, et ita erecta Graia statione texerunt, ne qui posset aspicere, et id ἄβατον (89)  vocitari iusserunt.

16. Quum ergo tam magna potentia reges non contempserint latericiorum parietum structuras, quibus et vectigalibus et praeda saepius licitum fuerat non modo caementicio aut quadrato saxo, sed etiam marmoreo habere, non puto oportere improbari quae sunt e lateritia structura facta aedificia, dummodo recte sint perfecta. Sed id genus quid ita populo Romano in Urbe fieri non oporteat, exponam, quaeque sint eius rei causae et rationes non praetermittam.

17. Leges publicae (90) non patiuntur maiores crassitudines quam sesquipedales constitui loco communi; ceteri autem parietes, ne spatia angustiora fiant, eadem crassitudine conlocantur. Latericii vero, nisi diplinthii aut triplinthii fuerint (91), sesquipedali crassitudine non possunt plus quam unam sustinere contignationem. In ea autem maiestate urbis et civium infinita frequentia innumerabiles habitationes opus est explicare. Ergo quum recipere non possent area plana tantam multitudinem ad habitandum in urbe, ad auxilium altitudinis aedificiorum res ipsa coegit devenire. Itaque pilis lapideis, structuris testaceis, parietibus caementiciis altitudines exstructae et contignationibus crebris coaxatae, cenaculorum ad summas utilitates perficiunt dispertitiones. Ergo moenibus e contignationibus variis alto spatio multiplicatis, populus Romanus egregias habet sine inpeditione habitationes.

18. Quoniam ergo explicata ratio est, quid ita in Urbe propter necessitatem angustiae arearum non patiuntur esse latericios parietes, quum extra urbem opus erit his uti, sine vitiis ad vetustatem sic erit faciendum. Summis parietibus (92) structura testacea sub tegulas subiciatur altitudine circiter sesquipedali, habeatque proiecturas coronarum (93) : ita vitari poterunt quae solent in his fieri vitia. Quum enim in tecto tegulae fuerint fractae aut a ventis deiectae, qua possit ex imbribus aqua perpluere, non patietur lorica testacea laedi laterem, sed proiectura coronarum reiiciet extra perpendiculum stillas, et ea ratione servaverit integras parietum latericiorum structuras.

19. De ipsa autem testa, si sit optima seu vitiosa ad structuram, statim nemo potest iudicare, quod in tempestatibus et aetate (94), in tecto quum est collocata, tunc si est firma, probatur. Nam quae non fuerit ex creta bona aut parum erit cocta, ibi se ostendit esse vitiosam gelicidiis et pruina tacta. Ergo quae non in tectis poterit pati laborem, ea non potest in structura oneri ferendo esse firma. Quare maxime ex veteribus tegulis testa structi parietes firmitatem poterunt habere.

20. Craticii vero velim quidem ne inventi essent : quantum enim cleritate et loci laxamento prosunt, tanto maiori et communi sunt calamitati, quod ad incendia uti faces sunt parati. itaque satius esse videtur inpensa testaceorum in cumptu, quam compendio craticiorum esse in periculo. Etiam qui in tectoriis operibus rimas in iis faciunt arrectariorum et transversariorum dispositione : quum enim linuntur, recipientes humorem turgescunt, deinde siccescendo contrahuntur et ita extenuati disrumpunt tectoriorum soliditatem. Sed quoniam nonnullos celeritas aut inopia aut in pendenti loco dissaeptio cogit, sic erit faciundum. Solum substruatur alte, ut sint intacti ab rudere et pavimento. Obruti enim in his quum sunt, vetustate marcidi fiunt; deinde subsidentia proclinantur et disrumpunt speciem tectoriorum. De parietibus et apparatione generatim materiae eorum, quibus sint virtutibus et vitiis, quemadmodum potui, exposui : de contignationibus autem et copiis earum, quibus comparentur rationibus ut ad vetustatem non sint infirmae, uti natura rerum monstrat, explicabo.

8. Des différentes espèces de maçonnerie.

1. Les différentes espèces de maçonnerie sont : la maillée, qui aujourd'hui est partout en usage, et l'ancienne, qu'on appelle, irrégulière. La plus belle des deux est la maillée ; mais elle est sujette à se lézarder, parce que de tous côtés les lits et les joints se séparent. La maçonnerie irrégulière, au contraire, dont les moellons sont placés les uns sur les autres de manière à s'enchaîner entre eux, ne flatte pas autant l'oeil que la maillée, mais elle est plus solide.

2. L'une et l'autre espèce de maçonnerie demandent des pierres de très petit module, afin que les murs faits à force de mortier de chaux et de sable, puissent durer plus longtemps : car les pierres qui sont d'une substance molle et sans densité attirent et absorbent l'humidité du mortier ; mais que le mortier soit répandu avec profusion dans l'ouvrage, le mur ayant plus d'humidité, ne séchera pas aussi vite, et les matériaux seront mieux liés ; l'humidité du mortier vient-elle à être attirée par les pores des pierres, la chaux se sépare du sable et se dissipe, les moellons n'ont plus rien qui les unisse, et les murailles affaiblies tombent en ruine.

3. C'est ce qu'il est facile de remarquer dans quelque, monuments des environs de Rome Les parements des murs avaient été faits avec du marbre et des pierres de taille ; le dedans avait été rempli de blocaille : le temps, la sécheresse du moellon ont fait disparaître la force du mortier, et les joints se séparent, et tout s'écroule, tout tombe.

4. Pour éviter cet inconvénient, conservez un vide au milieu des parements de la muraille, à laquelle vous donnerez deux pieds d'épaisseur ; remplissez-le de pierres rouges carrées, ou de briques, ou de cailloux dispose comme la pierre de taille, et avec des crampons de fer et du plomb, liez les deux parements. Par ce moyen, votre ouvrage qui n'aura point été fait tout à la fois, mais par reprises, pourra sans altération durer éternellement, parce que les lits intérieurs de pierres et les joints étant parfaitement coordonnés, parfaitement liés entre eux, empêcheront que le mur ne s'affaisse, et les parements si bien attachés l'un à l'autre ne pourront être ébranlés.

5. Pour la même raison, nous ne devons point rejeter l'espèce de maçonnerie employée par les Grecs, quand ils ne se servent pas de cette pierre tendre que l'on polit pour la mettre en oeuvre. Ils se contentent, au lieu de pierres de taille, de cailloux ou de pierres dures qu'ils arrangent comme des assises de briques en les posant en liaison les unes sur les autres, ce qui donne à cette espèce de maçonnerie une solidité que rien ne peut ébranler. Elle se fait de deux casanières : l'une que l'on appelle ἰσόδομον, l'autre ψευδισόδομον.

6. L'ἰσόδομον est celle dont les assises sont toutes d'une égale hauteur ; la ψευδισόδομον, celle dont les assises présentent une épaisseur inégale. Ces deux espèces sont solides, en ce que les pierres, à cause de leur compacité et de leur dureté, loin de pouvoir absorber l'humidité du mortier, la lui conservent au contraire extrêmement longtemps, et les lits de pierres, étant parfaitement unis et dressés au niveau, empêchent que les matériaux ne s'écroulent, et cas assurent à jamais la solidité par le poids égal qui règne dans toute la longueur des murs, et qui prévient tout tassement inégal.

7. Il est une troisième manière, que l'on appelle ἔμπλεκτον, dont se servent nos villageois. Les pierres qui forment les parements sont unies. On remplit le milieu avec du mortier, dans lequel on jette pêle-mêle des pierres, sans autre liaison que celle que leur donne le hasard. Mais nos maçons, pour accélérer leur travail, font des assises composées de plusieurs pierres superposées, et n'ont égard qu'aux parements, dont ils garnissent l'intérieur avec des fragments de moellons qu'ils mêlent avec le mortier. Aussi y a-t-il dans cette espèce de maçonnerie trois couches de mortier, deux pour l'enduit des parements, et la troisième au milieu pour le blocage. Les Grecs ne font point ainsi : ils posent leurs pierres à plat, et font dans toute la longueur du mur des assises en liaison, qui ne laissent point au milieu de vide à remplir ; ces pierres qui de chaque parement vont se réunir à l'intérieur pour former l'épaisseur des murs, dans toute leur étendue, les rendent déjà fort solides ; mais ils placent encore de deux en deux des pierres à double parement, appelées διατόνοι, qui, en traversant les murs dont elles lient les deux faces, en assurent parfaitement la solidité.

8. Si quelqu'un veut faire l'application des règles posées dans cet ouvrage pour le genre de maçonnerie qu'il aura choisi, il sera à même de lui donner toutes les conditions de durée. Ce n'est pas la maçonnerie à laquelle une pierre tendre, facile à tailler, donne une apparence de beauté, qui peut durer le plus longtemps sans tomber en ruine. Aussi, lorsque des experts sont nommés pour apprécier des murs extérieurs, ils ne les estiment pas air prix de construction ; mais après avoir examiné le mémoire de l'architecte, ils déduisent du prix qu'ils ont coûté autant de quatre-vingtièmes qu'il y a d'années d'écoulées depuis l'achèvement des murs, et ne font payer que ce qui reste, de toute la somme, leur avis étant qu'ils ne peuvent durer au delà de quatre-vingts ans.

9. Quant aux murs de briques, pourvu qu'ils aient conservé leur aplomb, ils n'éprouvent aucune réduction de prix ; ce qu'ils ont coûté à faire dans le principe est ce qu'ils sont estimés valoir encore. Voilà pourquoi, dans quelques villes, les édifices tant publics que particuliers, et même les maisons royales sont, comme ou peut le voir, construites en briques : tel est à Athènes le mur qui regarde le mont Hymette et le Pentélique ; tels, à Patras, les temples de Jupiter et d'Hercule, bien que, dans ces édifices, les architraves et les colonnes soient de pierre. En Italie, à Aretium, on voit encore un ancien mur de briques parfaitement bâti ; et, à Tralles, le palais des rois Attaliques, que l'on donne toujours pour demeure à celui qui remplit les fonctions de grand prêtre de la ville. A Lacédémone il y avait, sur certaines murailles, des peintures que l'on a enlevées en sciant les briques. Enchâssées dans du bois, elles ont été apportées au lieu où se tiennent les comices, pour honorer l'édilité de Varron et de Muréna.

Le palais de Crésus est aussi construit avec les briques. Les habitants de Sardes l'ont consacré aux citoyens qui, par leur grand âge, ont acquis le privilège de vivre en repos dans un collège de vieillards appelé Gérusie. Dans la ville d'Halicarnase, celui du puissant roi Mausole, bien que les marbres de Proconnèse y brillent de tous côtés, a des murailles de briques qui, offrant encore aujourd'hui une solidité remarquable, sont recouvertes d'un enduit si poli qu'elles semblent avoir la transparence du verre. Et certes ce ne fut pas le manque de ressources qui força le roi de faire construire de si pauvres murailles, lui dans les coffres duquel venaient s'entasser d'immenses tributs, lui le naître de toute la Carie.

11. Quant à son habileté et à ses connaissances en architecture, elles nous seront prouvées par les monuments qu'il éleva. Ce roi était né à Mylasse ; mais voyant dans Halicarnasse un site que la nature elle-même avait fortifié, une place avantageuse pour le commerce, un port commode, il y établit sa demeure. Ce lieu ressemblait à un amphithéâtre. La partie basse, voisine du port, fut destinée à devenir la place publique. A la moitié de la colline, qui était de forme arrondie, il fit ouvrir une large et vaste place, au milieu de laquelle fut construit cet admirable mausolée qu'on a mis au nombre des sept merveilles du monde. La partie la plus élevée fut couronnée par le temple de Mars, où l'on voyait une statue colossale, appelée ἀκρόλιθον, ouvrage du célèbre sculpteur Télocharès, ou de Timothée, comme le pensent quelques historiens. A la pointe droite de la colline, il fit bâtir les temples de Vénus et de Mercure auprès de la fontaine Salmacis.

12. C'est à tort qu'on attribue, aux eaux de cette fontaine le pouvoir de rendre malades d'amour ceux qui en boivent. Pourquoi cette fausse opinion s'est-elle répandue dans le monde ? On ne sera peut-être pas fâché de le savoir. Ce qu'on dit de la propriété que doit avoir cette fontaine, de rendre efféminés et lascifs ceux qui y boivent, ne peut être fondé que sur ce que les eaux en sont d'une grande limpidité et d'un goût délicieux. Or, lorsque Mélas et Arevanias emmenèrent d'Argos et de Trézéne des habitants pour fonder en ce lieu une colonie commune, ils en chassèrent les barbares cariens et lélègues. Ceux-ci, s'étant réfugiés dans les montagnes, se réunissaient par bandes pour faire des incursions dans le pays, et le ravageaient par leurs cruels brigandages. Plus tard, un des colons, dans l'espoir de faire quelques profits, pourvut de tout ce qui était nécessaire une taverne qu'il bâtit auprès de cette fontaine, des eaux de laquelle il avait reconnu la bonté. Par l'exercice de son métier, il réussit à avoir ces barbares pour pratiques. S'y rendant d'abord un à un, ils finirent par se mêler aux réunions des Grecs ; puis, s'étant insensiblement dépouillés de leur naturel dur et farouche, ils s'habituèrent sans contrainte à prendre la douceur de leurs moeurs. Ce ne fut donc pas à une prétendue corruption qu'on y aurait puisée, que cette fontaine dut sa renommée, mais bien aux relations auxquelles elle donna lieu, relations qui firent pénétrer dans l'âme adoucie des barbares les charmes de la civilisation.

13. Il me reste maintenant, puisque je me suis laissé entraîner à énumérer les constructions de Mausole, à en donner une description entière et exacte. J'ai dit que du côté droit se trouvaient le temple de Vénus et la fontaine dont je viens de parler. On voit du côté gauche le palais que ce roi fit construire selon son goût. Il a vue, vers la droite, sur la place publique, sur le port et sur joute la ligne des murailles, et, vers la gauche sur un autre port caché au pied de la montagne, et disposé de manière à ce qu'on ne puisse ni voir, ni connaître ce qui s'y passe ; le roi seul, de son palais, peut, sans que personne le sache, donner aux matelots et aux soldats les ordres qu'il lui plaît.

14. Après la mort de Mausole, Artémise, son épouse, monta sur le trône. Les Rhodiens, indignés de voir une femme régner sur toutes les villes de la Carie, arment une flotte, et mettent à la voile pour aller s'emparer de ce royaume. A cette nouvelle, Artémise équipe une flotte, la cache dans ce port avec des matelots et des soldats, et ordonne au reste des citoyens de se tenir sur les remparts. Les Rhodiens ayant mis en ligne dans le grand port leur flotte tout appareillée, la reine fait donner du haut des murs un signal pour faire entendre que la ville va leur être livrée : tous sortent de leurs vaisseaux pour entrer dans la ville. Artémise fit incontinent ouvrir le petit port, d'où l'on vit son armée navale gagner la mer pour de là se porter dans le grand. Ses soldats et ses matelots paraissent, s'emparent des vaisseaux vides des Rhodiens, et les emmènent en pleine mer. Les Rhodiens, n'ayant aucun moyen de fuir, furent passés au fil de l'épée sur la place publique, où ils se trouvèrent cernés.

15. Cependant Artémise fait monter sur les vaisseaux des Rhodiens ses soldats et ses matelots, et cingle vers Rhodes. Les habitants, à la vue de leurs vaisseaux couronnés de lauriers, s'imaginant que c'étaient leurs concitoyens qui revenaient victorieux, reçurent leurs ennemis. Alors la reine, après s'être emparée de l'île, après en avoir fait mettre à mort les principaux habitants, éleva au milieu de la ville de Rhodes un trophée de sa victoire, et fit faire deux statues de bronze, l'une représentant la cité des Rhodiens, l'autre sa propre image qui imprimait au front de sa rivale les stigmates de la servitude. Dans la suite, les Rhodiens, arrêtés par leurs scrupules, parce qu'il est défendu d'enlever les trophées consacrés, construisirent autour de ce lieu un édifice, et, comme les Grecs l'entourèrent d'une barrière pour le mettre à l'abri des curieux, ils le firent appeler ἄβατον.

16. Puis donc que des rois si puissants n'ont point dédaigné de faire bâtir des murs de brique, eux que leurs revenus et les dépouilles de l'ennemi mettaient à même d'en avoir en moellon, en pierre de taille et même en marbre, je ne pense pas qu'il faille condamner l'usage de la brique dans la construction des édifices, pourvu qu'il soit bien appliqué. Je vais dire pourquoi le peuple romain n'a point voulu l'admettre dans Rome, sans oublier les raisons qui l'ont fait rejeter.

17. La loi ne permet point de donner aux murs extérieurs plus d'un pied et demi d'épaisseur, et les autres, pour qu'il y ait moins d'espace de perdu, ne doivent pas être plus épais. Or, de telles murailles ne peuvent pas supporter plus d'un étage ; autrement il importerait qu'elles eussent dans leur épaisseur deux ou trois rangs de briques. Et dans une ville aussi majestueuse et aussi peuplée, il eût fallu un développement immense d'habitations. Aussi, comme l'espace que comprend l'enceinte de la ville n'est point assez vaste pour loger une si grande multitude, force a été d'avoir recours à la hauteur des édifices. Et, grâce au mélange d'assises de pierres, de chaînes de briques, de rangées de moellon, les murs ont pu atteindre une grande élévation ; les étages se sont assis les uns sur les autres, et les avantages se sont multipliés en raison de l'augmentation du nombre des logements. Les murs ayant donc, par la superposition des étages, pris un grand développement en hauteur, le peuple romain s'est créé de belles habitations sans difficulté.

18. Après avoir expliqué comment dans Rome, le peu d'espace a fait bannir l'usage de la brique pour la construction des murs, je vais marquer pour le cas où on l'emploierait hors de la ville, le moyen de la faire durer longtemps sans réparation. Sur le haut des murs, au-dessous du toit, il faut construire avec des tuiles une bordure d'un pied et demi de hauteur, et lui donner la saillie d'une corniche : parce moyen on pourra éviter les accidents qu'ils éprouvent ordinairement. En effet, la couverture venant à perdre des tuiles, brisées ou emportées par le vent, la pluie ne manque pas de se répandre par là sur les flancs de la muraille ; mais l'entablement dont nous venons de parler empêchera qu'elle ne soit endommagée : la saillie de la corniche rejettera loin de son parement toutes les gouttes d'eau qui tomberont, et de cette manière la garantira, sans qu'elle perde rien de sa solidité.

19. A l'égard de la tuile, il est impossible de juger au premier coup d'oeil si elle est bonne ou mauvaise pour la construction ; on ne peut en apprécier la bonté que lorsqu'elle a été exposée sur un toit au mauvais temps et à la chaleur. Car, soit qu'elle n'ait point été faite avec de bonne terre, soit qu'elle n'ait point été assez cuite, on en reconnaîtra bientôt la mauvaise qualité, quand elle aura été éprouvée par la gelée et par le givre. Celles donc qui n'auront pu subir cette épreuve ne seront pas propres à soutenir le poids d'une construction. Aussi n’y aura-t-il guère que les murs construits avec les vieilles tuiles d'un toit qui pourront avoir une longue durée.

20. Quant aux murs de cloison, je voudrais qu'on n'y eût même jamais pensé : car autant ils sont commodes sous le rapport du peu de temps et de place qu'exige leur construction, autant ils sont dangereux et préjudiciables, en ce qu'ils semblent être des fagots tout prêts pour l'incendie. Aussi vaut-il mieux, à mon avis, les construire avec des tuiles, quoique cela soit plus dispendieux, qu'avec du bois, qui offre, il est vrai, plus d'économie, mais aussi plus de danger. Il y a plus, c'est que, si vous les recouvrez d'un enduit, il s'y fera des crevasses le long des montants et des traverses : car sous le crépi dont on les couvre, ces bois prennent l'humidité qui les gonfle ; puis, quand ils viennent à sécher, ils se rétrécissent, et par cet amincissement font fendre l'enduit, quelque solide qu'il soit. Mais, si quelques personnes sont forcées d'avoir recours à ces murs par le désir d'avoir plus tôt fait, ou par le manque de ressources, on par la nécessité de soutenir un plafond qui menace de se fendre, voici ce qu'elles devront faire. Que les fondements soient continués jusqu'à une certaine hauteur au-dessus du sol, afin qu'ils ne soient en contact ni avec le mortier ni avec le pavé du plancher. Car s'ils s'y trouvent engagés, ils pourrissent à la longue ; ils finissent par s'affaisser ; ils perdent leur aplomb, et les crevasses font disparaître la beauté de l'enduit. Ce que j'avais à dire sur les murailles et sur la bonne ou mauvaise qualité des matériaux généralement employés à leur construction, je l'ai dit aussi bien que j'ai pu. Il me reste maintenant, comme l'indique la nature du sujet, à parler des planchers, des matériaux propres à leur confection, et des moyens de se les procurer tels, qu'ils puissent être de longue durée.

IX. De materia

1. Materies caedenda (95) est a primo autumno ad id tempus, quod erit ante quam flare incipiat favonius (96). Vere enim omnes arbores fiunt praegnantes, et omnes suae proprietatis virtutem efferunt in frondem anniversariosque fructus (97). Quum ergo inanes et humidae temporum necessitate eorum fuerint, vanae fiunt et raritatibus imbecillae : uti etiam corpora muliebria quum conceperint, a foetu ad partum non iudicantur integra (98); neque in venalibus ea, quum sunt praegnantia, praestantur sana (99); ideo quod in corpore praeseminatio crescens ex omnibus cibi potestatibus detrahit alimentum in se, et quo firmior efficitur ad maturitatem partus, eo minus patitur esse solidum id, ex quo ipso procreatur. Itaque edito foetu, quod prius in aliud genus incrementi detrahebatur, quum ab disparatione procreationis est liberatum, inanibus et patentibus venis in se recepit, et lambendo succum etiam solidescunt, et redit in pristinam naturae firmitatem.

2. Eadem ratione autumnali tempore maturitate fructuum flaccescente fronde, ex terra recipientes per radices arbores in se sucum recuperantur et restituuntur in antiquam soliditatem. At vero aeris hiberni vis comprimit et consolidat eas per id, ut supra scriptum est, tempus. Ergo si ea ratione et eo tempore, quod est supra scriptum est, caeditur materies, erit tempestiva.

3. Caedi autem ita oportet, ut incidatur arboris crassitudo ad mediam medullam (100), et relinquatur, uti per eam exsiccescat stillando succus. Ita qui inest int his inutilis liquor effluens per torulum, non patietur emori in saniem, nec corrumpi materiae qualitatem. Tunc autem quum sicca et sine stillis erit arbor, deiiciatur, et ita erit optima in usu.

4. Hoc autem ita esse, licet animadvertere etiam de arbustis; ea enim cum suo quaeque tempore ad imum perforata castrantur (101), profundunt e medullis quem habent in se superantem et vitiosum per foramina liquorem, et ita siccescendo recipiunt in se diuturnitatem. Qui autem non habent ex arboribus exitus humores, intra concrescentes putrescunt, et efficiunt inanes eas et vitiosas. Ergo si stantes et vivae siccescendo non consenescunt (102), sine dubio quum eaedem ad materiam deiiciuntur, quum ea ratione curatae fuerint, habere poterunt magnas in aedificiis ad vetustatem utilitates.

5. Eae autem inter se discrepantes et dissimiles habent virtutes, ut robur (103), ulmus (104), populus (105), cupressus (106), abies (107) ceteraeque quae maxime in aedificiis sunt idoneae : namque non potest id robur, quod abies, nec cupressus, quod ulmus, nec ceterae easdem habent inter se natura rerum similitates; sed singula genera, principiorum proprietatibus comparata, alios alii generis (108) praestant in operibus effectus.

6. Et primum abies aeris habens plurimum et ignis, minimumque humoris et terreni, levioribus rerum naturae potestatibus comparata, non est ponderosa. Itaque rigore naturali contenta, non cito flectitur ab onere, sed directa permanet in contignatione; sed ea, quod habet in se plus caloris, procreat et alit tarmitem, ab eaque vitiatur : etiamque ideo celeriter accenditur, quod quae inest in eo corpore raritas aeris, patens accipiti ignem, et ita vehementem ex se mittit flammam.

7. Ex ea autem, antequam est excisa, quae pars est proxima terrae, per radices recipiens ex proximitate humorem, enodis et liquida efficitur; quae vero est superior, vehementia caloris eductis in aera per nodos ramis, praecisa alte circiter pedes viginti et perdolata, propter nodationis duritiem dicitur esse fusterna (109). Ima autem quum excisa quadrifluviis dispaaitur (110), eiiecto torulo (111) ex eadem arbore, ad intestina opera comparatur et ita sapinea vocatur (112).

8. Contra vero quercus (113) terrenis principiorum satietatibus abundans, parumque habens humoris et aeris et ignis, quum in terrenis operibus obruitur, infinitam habet aeternitatem, ex eo quod quum tangitur humore, non habens foraminum raritates, propter spissitatem non potest in corpus recipere liquorem, sed fugiens ab humore resistit, et torquetur, et efficit, in quibus est operibus, ea rimosa.

9. Esculus vero, quod est omnibus principiis temperata, habet in aedificiis magnas utilitates; sed ea quum in humore collocatur, recipiens penitus per foramina liquorem, eiecto aere et igni, operatione humidae potestatis vitiatur. Cerrus, suber, fagus (114), quod parvam habent mixtionem humoris et ignis et terreni, aeris plurimum, pervia raritate humores penitus recipiendo, celeriter marcescunt. Populus alba et nigra, item salix (115), tilia (116), vitex, ignis et aeris habendo satietatem, humoris temperate, parum autem terreni habentes, leviore temperatura comparatae, egregiam habere videntur in usu levitatem. Ergo quum non sint durae terreni mixtione, propter raritatem sunt candidae, et in scalpturis commodam praestant tractabilitatem.

10. Alnus autem (117), quae proxima fluminum ripis procreatur, et minime materies utilis videtur, habet in se egregias rationes : etenim aere est et igni plurimo temperata, non multum terreno, humore paulo : itaque quod minus habet in corpore humoris, in palustribus locis infra fundamenta aedificiorum palationibus crebre fixa, recipiens in se quod minus habet in corpore liquoris, permanet inmortalis ad aeternitatem, et sustinet immania pondera structurae, et sine vitiis conservat. Ita quae non potest extra terram paulum tempus durare, ea in humore obruta permanet ad diuturnitatem. Est autem maxime id considerare Ravennae, quod ibi omnia opera et publica et privata sub fundamentis eius generis habent palos.

11. Ulmus vero et fraxinus (118) maximos habent humores minimumque aeris et ignis; sed terreni temperate mixtione comparatae, sunt in operibus, quum fabricantur, lentae, et sub pondere, propter humoris abudantiam, non habent rigorem, sed celeriter pandant : simul autem vetustate sunt aridae factae, aut in agro praesectae, qui inest eis liquor stantibus, emoritur, fiuntque duriores, et in commissuris et coagmentationibus ab lentitudine firmas recipiunt catenationes.

12. Item carpinus (119), quod est minima ignis et terreni mixtione, aeris autem et umoris summa continetur temperatura, non est fragilis, sed habet utilissimam tractabilitatem. Itaque Graeci, quod ex ea materia iuga iumetis comparant, quod apud eos iuga ζυγὰ vocitantur, item ζυγίαν eam appellant. Non minus est admirandum de cupresso et pinu (120), quod eae habentes humoris abundantiam, aequarumque ceterorum mixtionem, propter humoris satietatem in operibus solent esse pandae, sed in vetustatem sine vitiis conservantur, quod is liquor, qui inest penitus in corporibus earum, habet amarum saporem, qui propter acritudinem non patitur penetrare cariem, neque eas bestiolas, quae sunt nocentes. Ideoque quae ex his generibus opera constituuntur, permanent ad aeternam diuturnitatem.

13. Item cedrus (121) et iuniperus (122) easdem habent virtutes et utilitates; sed quemadmodum ex cupressu et pinu resina, sic ex cedro oleum, quod cedrium dicitur, nascitur (123), quo reliquae res cum unctae, uti etiam libri, a tineis et carie non laeduntur (124). Arboris autem eius sunt similes cupresseae foliaturae (125), materies vena directa. Ephesi in aede simulacrum Dianae (126), et etiam lacunaria, ex ea, et ibi et in ceteris nobilibus fanis propter aeternitatem sunt facta. Nascuntur autem hae arbores maxime Cretae, et Africae, et nonnullis Syriae regionibus.

14. Larix vero, quae non est nota (127), nisi his municipalibus, qui sunt circa ripam fluminis Padi et litora maris Hadriani, non solum ab succi vehementi amaritate (128), ab carie, aut a tinea non nocetur, sed etiam flammam ex igni non recipit, nec ipsa per se potest ardere, nisi, uti saxum in fornace ad calcem coquendam, aliis lignis uratur : nec tamen tunc flammam recipit, nec carbonem remittit (129), sed longo spatio tarde comburitur, quod est minima ignis et aeris e principiis temperatura; humore autem et terreno est spisse solidata, non habens spatia foraminum, qua possit ignis penetrare, reiicitique eius vim, nec patitur ab eo sibi cito noceri : propterque pondus ab aqua non sustinetur, sed quum portatur, aut in navibus, aut supra abiegneas rates cnlocatur.

15. Ea autem materies quemadmodum sit inventa, est causam cognoscere. Divus Caesar (130) quum exercitum habuisset circa Alpes, imperavissetque municipiis praestare commeatus, ibique esset castellum munitum, quod vocabatur Larignum, tunc qui in eo fuerunt, naturali munitione confisi, noluerunt imperio parere. Itaque imperator copias iussit admoveri. Erat autem ante eius castelli portam turris ex hac materia alternis trabibus transversis, uti pyra, inter se composita alte, ut posset de summo sudibus et lapidibus accedentes repellere. Tunc vero cum animadversum est alia eos tela, praeter sudes, non habere, neque posse longius a muro propter pondus iaculari, imperatum fasciculos ex virgis alligatos, et faces ardentes ad eam munitionem accedentes mittere. Itaque celeriter milites congesserunt.

16. Postquam flamma circa illam materiam virgas comprehendisset, ad caelum sublata effecit opinionem, uti videretur iam tota moles concidisse. Quum autem ea per se extincta esset et requieta, turrisque intacta apparuisset, admirans Caesar iussit extra telorum missionem eos circumvallari. Itaque timore coacti oppidani quum se dedidissent, quaesitum unde essent ea ligna, quae ab igni non laederentur ? Tunc ei demonstraverunt eas arbores, quarum in his locis maximae sunt copiae, et ideo ut id castellum Larignum, ita materies larigna est appellata. Haec autem per Padum Ravennam deportatur, in colonia Fanestri, Pisauri, Anconae, reliquisque, quae sunt in ea regione, municipiis praebetur. Cuius materies si esset facultas adportationibus ad Urbem, maximae haberentur in aedificiis utilitates; etsi non in omnibus,, certe tabulae in subgrundis circum insulas si essent ex ea collocatae, ab traiectionis incendiorum aedificia periculo liberarentur, quod eae neque flammam nec carbonem possunt recipere nec facere per se.

17. Sunt autem eae arbores foliis similibus pini, materies earum prolixa, tractabilis ad intestinum opus, non minus quem sappinea, habetque resinam liquidam mellis Attici colore, quare etiam medetur pthisicis.

18. De signulis generibus, quibus proprietatibus e natura rerum videantur esse comparatae, quibusque procreentur rationibus, exposui : insequitur animadversio, quid ita, quae in Urbe supernas dicitur abies, deterior est; quae infernas, egregios in aedificiis ad diuturnitatem praestat usus. Et de his rebus, quemadmodum videantur e locorum proprietatibus habere vitia aut virtutes, uti sint considerantibus apertiora, exponam.

9. Des bois de construction.

1. Le bois de construction doit être coupé depuis le commencement de l'automne jusqu'au temps qui précède les premiers souffles du favonius. Au printemps, tous les arbres reçoivent leurs principes fécondants, et emploient la vertu de leur substance à produire toutes ces feuilles, tous ces fruits que nous voyons chaque année. Si les circonstances mettent dans la nécessité de les couper dans cet état de dilatation et d'humidité, leurs tissus devenant lâches et spongieux, perdent toute leur force : ils sont comme le corps de la femme pendant une grossesse ; depuis le moment de la conception jusqu'à celui de l'accouchement, il n'est point réputé eu bonne santé. Qu'on mette en vente une esclave enceinte, sa santé ne sera point garantie : en effet, le foetus, en se développant, attire à lui, pour se nourrir, les sucs nourriciers de la mère, et plus le fruit se fortifie en avançant vers la maturité, moins il laisse de force au corps qui le produit. Mais après les couches, les parties nutritives qui auparavant servaient à l'accroissement d'un corps étranger, ri étant plus employées à alimenter cette production, le corps de la femme les reçoit dans ses veines vides et ouverte, reprend de la solidité, grâce aux sucs qu'il aspire, et redevient aussi bien portant qu'auparavant.

2. Ainsi, lorsque l'automne a mûri les fruits et flétri le feuillage, les arbres retiennent eu eux tous les sucs que leurs racines puisent dans la terre, et recouvrent leur première compacité. C'est alors que le froid de l'hiver en resserre, en raffermit la substance. Voilà pourquoi le temps indiqué ci-dessus est le plus convenable à la coupe des bois de construction.

3. Cependant avant d'abattre les arbres, il faut les cerner dans leur épaisseur jusqu'à la moitié du coeur, et les laisser sécher sur pied, en ouvrant aux sucs cette voie d'écoulement. Ainsi l'humidité inutile qu'ils renferment venant à sortir à travers l'aubier, empêchera qu'ils ne pourrissent, et que leur qualité ne se détériore. Quand l'arbre sera bien sec, et qu'il n'en sortira plus d'humidité, il faudra l'abattre ; il sera très bon à mettre en oeuvre.

4. Les excellents résultats de ce procédé peuvent être remarqués jusque dans les arbustes. Si à une certaine époque on en arrête la sève, en les perçant par le bas, on les verra répandre par les trous qu'on y aura pratiqués la liqueur surabondante et vicieuse que contenait le coeur du bois, et se ranimer pour longtemps en perdant leur humidité. Or, l'humeur aqueuse qui ne trouve pas d'issue, s'épaississant dans l'intérieur des arbres, s'y putréfie et les jette dans un état de faiblesse et de langueur. Si donc on les laisse sécher sur pied, nul doute qu'étant abattus pour le service, avant qu'ils ne soient morts, et après qu'ils auront subi cette opération, ils ne renferment les conditions de durée nécessaires pour l'usage auquel ils sont destinés dans les édifices.

5. Il s'en faut beaucoup qu'on rencontre les mêmes propriétés dans le chêne, l'orme, le peuplier, le cyprès, le sapin, et dans les autres arbres qui sont principalement employés dans les édifices : car on ne peut pas faire avec le chêne ce qu'on fait avec le sapin, ni avec le cyprès ce qu'on fait avec l'orme. Les arbres n'ont point reçu de la nature les mêmes qualités ; chaque espèce, composée de principes qui lui sont propres, présente à la main d'oeuvre des effets particuliers.

6. Le sapin, qui contient beaucoup d'air et de feu, et fort peu d'eau et de terre, étant composé de principes naturellement très légers, n'est point pesant. Sa nature est d'être ferme et tendu ; il a de la peine à plier sous le faix et reste droit dans les contignations ; mais sa trop grande chaleur engendre et nourrit les tarmites qui causent son dépérissement ; et ce qui fait encore qu'il s'allume si promptement, c'est que l'air qui le remplit, laissant facilement pénétrer le feu dans les pores de son tissu, en chasse la flamme avec beaucoup de force.

7. Lorsque le sapin est encore sur pied, la partie voisine du sol, recevant immédiatement des racines l'humidité terrestre, est unie et sans noeuds ; la partie supérieure, au contraire, fortement échauffée, offre des noeuds d'où l'on voit s'élancer des branches dans les airs : coupée à la hauteur de vingt pieds, et parfaitement dolée, elle est appelée fusterna, à cause de la dureté de ses noeuds. Quant à la partie inférieure, si, après avoir été coupée, elle présente quatre séparations formées par autant de veines, on la dépouille de son aubier, et on la fait servir aux ouvrages intérieurs de menuiserie ; elle prend le nom de sapinea.

8. Le chêne est abondamment pourvu de principes terrestres ; il ne contient que peu d'eau, d'air et de leu. Employé dans la terre il dure éternellement ; la raison en est que, étant en contact avec l'humidité sans être poreux, il ne peut grâce à sa compacité, recevoir rien de liquide dans son tissu ; mais qu'il vienne à être mis en oeuvre dans un lieu sec, il se déjettera, se tourmentera, se fendra.

9. L'esculus, que tous les principes contribuent également à former, est d'une grande utilité pour les édifices ; toutefois, s'il est exposé à l'humidité, ses pores la font pénétrer jusque dans sa dernière couche ligneuse, l'air et le feu l'abandonnent, et l'action de l'humidité le décompose. Le cerrus, le liège, le hêtre, ne contenant qu'un léger mélange d'eau, de feu et de terre avec beaucoup d'air, donnant par leurs pores un libre passage à l'humidité qui les pénètre promptement, ont bientôt fait de se pourrir. Le peuplier blanc, le peuplier noir, le saule, le tilleul, l'agnus castus, avec leur grande abondance de feu et d’air, leur médiocre quantité d'eau, leur peu de terre, formant une substance très tendre, ont une légèreté qui se prête admirablement à la main d'oeuvre. Aussi, comme ils ne sont point durcis par un mélange de terre, leur porosité leur donne de la blancheur, et la sculpture y trouve une matière bien facile à travailler.

10. L'aune, qui croît sur le bord des rivières, et dont le bois paraît n'être d'aucune utilité, possède de rares qualités : car l'air et le feu entrant pour beaucoup dans son essence, la terre pour peu, l'eau pour moins encore, il en résulte que sa substance ne renferme que fort peu d'humidité. Que dans un marais on vienne à asseoir les fondements d'un édifice sur des pilotis faits de ces arbres enfoncés très près les uns des autres, ces arbres se remplissant de l'humidité qu'ils n'ont pas, soutiennent la charge des constructions les plus massives et les conservent sans s'altérer. Ainsi le bois qui n'oppose à l'air aucune résistance, employé dans l'eau, dure fort longtemps. C'est une remarque qu'il est facile de faire à Ravenne, dont tous les édifices, soit publics, soit particuliers, sont fondés sur des pilotis de cette nature.

11. L'orme et le frêne ont beaucoup d'humidité avec fort peu d'air et de feu ; mais comme, dans leur composition il n'entre que médiocrement de terre, ils offrent de la flexibilité dans les ouvrages auxquels ils servent, et' l'humidité abondante qu'ils contiennent, loin de leur permettre de résister à la charge, les fait promptement fléchir ; toutefois, lorsque le temps les a desséchés, ou que, ayant été cernés par le pied, ils ont perdu cette humidité qu'ils renfermaient lorsqu'ils étaient encore debout, non seulement ils deviennent plus durs, mais encore la fermeté de leur bois leur donne une grande solidité dans les assemblages par tenons et par mortaises.

12. Le charme, à cause du peu de feu et de terre qu'il renferme, et de la grande quantité d'air et d'eau qui entre dans sa composition, n'est point cassant et se met très utilement en oeuvre. Les Grecs ont donné à ce bois le nom de zugÛa, parce qu'il leur sert à faire pour leurs bêtes de somme des jougs qu'ils appellent dans leur langue ζυγὰ.. C'est encore une chose remarquable, que de voir le cyprès et le pin, qui contiennent une humidité abondante et les autres principes dans urne proportion égale, se courber ordinairement quand ils sont mis en oeuvre à cause de leur excessive humidité, et se conserver néanmoins fort longtemps sans altération, parce que cette humidité répandue dans tous leurs tissus, a un goût d'amertume dont la force éloigne la vermoulure et les insectes qui peuvent leur nuire, De là vient que les ouvrages que l'on fait avec leur bois ont une durée sans limites.

13. Le cèdre et le genièvre présentent les mêmes qualités et les mêmes avantages ; et de même que le cyprès et le pin produisent de la résine, de même on voit sortir du cèdre une huile qu'on appelle cedrium ; les objets qui en sont frottés, les livres, par exemple, sont entièrement à l'abri des teignes et de la piqûre des vers. Les feuilles de cet arbre ressemblent à celles du cyprès, et les fibres de son bois sont droites. Dans le temple d'Éphèse, la statue de Diane et les lambris ont été faits avec du cèdre, et sa durée l'a fait admettre dans tous les autres temples fameux. Cet arbre croît principalement eu Crète, en Afrique et dans quelques contrées de la Syrie.

14. Le larix, qui n'est connu que de ceux qui habitent les bords du Pô et les rivages de la mer Adriatique, n'a rien à craindre de la vermoulure et des teignes, grâce à la violente amertume de ses sucs. Il y a plus, il ne jette point de flamme et ne peut brûler par lui-même ; semblable, à la pierre qu'on met à cuire dans des fours pour en faire de la chaux, il a besoin du feu d'un autre bois pour brûler ; encore ne produit-il ni flamme ni charbon, mais il finit à la longue par se consumer : cela vient de ce que le feu et l'air n'entrent presque pour rien dans sa composition, tandis que l'humidité et la terre donnent à sa substance serrée une telle solidité, une telle compacité, que le feu ne peut y pénétrer ; qu'elle résiste à sa violence et ne se laisse endommager que très difficilement : son poids l'empêche de flotter sur l'eau, et pour le transporter on a recours à des bateaux ou à des radeaux de sapin.

15. La propriété de ce bois a été découverte d'une manière qu'il est bon de connaître. J. César se trouvait à la tête de son armée auprès des Alpes, et avait donné l'ordre aux municipes de fournir des vivres. Là s'élevait un château fort appelé Larignum ; ceux qui le défendaient, pleins de confiance dans une position si bien fortifiée par la nature, refusèrent d'obéir. Le générai fait aussitôt avancer ses troupes. Or, devant la porte du château était une tour faite de ce bois. C'étaient de gros arbres mis en travers les uns sur les autres, eu forme de bûcher, et élevés à une hauteur déterminée, de manière que ceux qui étaient dessus pouvaient avec de longs hâtons et des pierres en empêcher l’approche. Mais quand on se fut aperçu que l'ennemi n'avait pour toute arme que de longs bâtons dont la pesanteur ne permettait pas qu'ils fussent lancés bien loin du mur, ordre fut donné de jeter au pied de la tour des fagots formés de petites branches, et des torches enflammées ; ce qui fut à l'instant exécuter par les soldats.

16. La flamme qui enveloppa immédiatement la tour, s'élevant jusqu'au ciel, fit croire qu'on allait bientôt la voir crouler tout entière. Mais quand, faute d'aliment, la flamme se fut calmée et éteinte, et que la tour eut apparu sans avoir été endommagée, César étonné fit faire une tranchée autour de la place, hors de la portée des traits des assiégés qui, forcés par la peur, se rendirent aux Romains. On leur demanda d'où venait ce bois sur lequel le feu n'avait aucune action. Ils montrèrent ces arbres dont la contrée est couverte, et qui avaient fait appeler ce château Larignum, du nom de larix qu'ils portent eux-mêmes. On transporte par le Pô ce bois à Ravenne, dans ta colonie de Fano, à Pisaure, à Ancône et dans les autres municipes de cette contrée. Si l'on pouvait le faire venir jusqu'à Rome, il serait d'une bien grande utilité pour les bâtiments ; dût-on ne l'employer qu'en planches pour les auvents des maisons qui bornent les îles qu'elles semblent former, il empêcherait que, dans un incendie, le feu ne passât d'un groupe à l'autre, puisqu'il est à l'épreuve de la flamme et qu'il ne peut se convertir en charbon.

17. Ces arbres ont les feuilles semblables à celles du pin ; le bois a le fil long, se prête aux travaux de menuiserie aussi bien que le sapinea, et produit une résine liquide de la même couleur que le miel attique ; elle guérit les phtisiques.

18. Je viens de traiter des différentes espèces d'arbres, des propriétés qu'elles semblent avoir reçues de la nature, et des principes qui les composent ; il me reste à examiner pourquoi le, sapin qu'on appelle à Rome supernas, est d'une si mauvaise qualité, quand celui qu'on nomme infernas est, par sa durée, d'une si grande utilité pour les édifices. Et, à ce sujet, je vais expliquer comment les différentes propriétés des lieux semblent communiquer aux arbres leurs défauts ou leurs qualités, afin que ceux qui étudient la matière, la trouvent tout aplanie.

 

X. De abiete supernate et infernate com Apennini descriptione

1. montis Appennini (131) primae radices ab Tyrreno mari inter Alpes et extremas Etruriae regiones oriuntur : eius vero montis iugum se circumagens, et media curvatura prope tangens oras maris Adriatici, pertingit circumitionibus contra fretum (132). Itaque citerior eius curvatura, quae vergit ad Etruriae Campaniaeque regiones, apricis est potestatibus : namque impetus habet perpetuos ad solis cursum. Ulterior autem, quae est proclinata ad Superum mare, septentrionali regioni subiecta, continetur umbrosis et opacis perpetuitatibus. Itaque quae in ea parte nascuntur arbores, hmida potestate nutritae, non solum ipsae augentur amplissimis magnitudinibus (133); sed earum quoque venae humoris copia repletae, turgentes liquoris abundantia, saturantur. Qum autem excisae et dolatae vitalem potestatem amiserunt, venarum rigore permanente (134) siccescendo propter raritatem fiunt inanes et evanidae, ideoque in aedificiis non possunt habere diuturnitatem.

2. Quae autem ad solis cursum spectantibus locis procreantur, non habentes interveniorum raritates, siccitatibus exsuctae solidantur, quia sol non modo ex terra lambendo, sed etiam ex arboribus educit umores. Itaque quae sunt in apricis regionibus spissis venarum crebritatibus solidatae, non habentes ex umore raritatem, quum in materiem perdolantur, reddunt magnas utilitates ad vetustatem. Ideo infernates, quod ex apricis locis adportantur (135), meliores sunt, quam quae ab opacis de supernatibus advehuntur.

3. Quantum animo considerare potui, de copiis, quae sunt necessariae in aedificiorum comparationibus, et quibus temperaturis e rerum natura principiorum habere videantur mixtionem, quaeque insunt in singulis generibus virtutes et vitia, uti non sint ignota aedificantibus, exposui. Itaque qui potuerint eorum praeceptorum sequi praescriptiones, erunt prudentiores, singulorumque generum usum eligere poterunt in operibus. Ergo quoniam de apparationibus est explicatum, in ceteris voluminibus de ipsis aedificiis exponetur, et primum de deorum inmortalium aedibus sacris et de earum symmetriis et proportionibus, uti ordo postulat, insequenti perscribam.

10. Du sapin supernas et de l'infernas, avec la description de l'Apennin.

1. L'Apennin commence à la mer Tyrrhénienne, et s'étend jusqu'aux Alpes et jusqu'à l'extrémité de l'Étrurie. Les sommets de ce mont décrivant un demi-cercle, et touchant presque par le milieu de leur courbure le rivage de la mer Adriatique, s'étendent dans leur circuit jusqu'au détroit, La partie citérieure de leur courbure qui regarde l'Étrurie et la Campanie, est exposée à toute l'ardeur du soleil, qui, depuis son lever jusqu'à son coucher, y darde ses rayons brûlants. Sa partie ultérieure qui descend vers la mer Supérieure, et qui est tournée vers le septentrion, est partout couverte de bois sombres et touffus. Les arbres qui y poussent, nourris de principes humides, atteignent à une hauteur immense, et leurs veines remplies d'une humidité abondante, s'enflent et se gonflent ; mais quand, après avoir été coupés et équarris, ils ont perdu leur faculté végétative, si leurs veines sont restées dans cet état d'engorgement, et qu'en séchant elles ne se soient point resserrées, leur substance devient lâche et spongieuse, et incapable de durer longtemps dans les édifices où elle est employée.

2. Ceux, au contraire, qui naissent dans les lieux tournés vers la ligne que suit le soleil, dans sa marche, n'ayant point de vides dans leurs tissus, se raffermissent en séchant, parce que le soleil, qui pompe l'humidité de la terre, attire aussi celle des arbres. C'est pourquoi les arbres qui croissent dans les lieux découverts, présentant une substance serrée, compacte, ferme, sans humidité qui la rende spongieuse, lorsqu'ils sont débités pour être mis en oeuvre, sont d'un grand avantage par leur durée. Voilà pourquoi les sapins infernates, qui sont pris dans les lieux bien aérés, sont meilleurs que les supernates, qui viennent de lieux ombragés.

3. J'ai traité, avec tout le soin dont je suis capable, des matériaux qui sont nécessaires à la construction des édifices, des principes que la nature a fait entrer dans la composition de leurs substances, des bonnes et des mauvaises qualités attachées à chaque espèce, afin que les constructeurs ne les ignorent pas. Ceux qui pourront suivre exactement ces préceptes, seront plus à même de choisir avec discernement les matériaux qui conviendront à leurs ouvrages. Voilà donc tout ce qui tient aux préparatifs suffisamment expliqué ; les autres livres renfermeront les règles qu'il faut observer dans la construction des édifices. Je vais, comme la raison l'exige, commencer dans le livre suivant par les temples des dieux immortels, et en faire connaître les symétries et les proportions.

 


NOTES DU LIVRE DEUXIÈME.

(01). - Dinocrates. Ce fut cet architecte qui releva le temple d'Éphèse, incendié par Érostrate, et qui fut appelé en Égypte par Ptolémée Philadelphie, pour bâtir un temple consacré à la mémoire de sa femme Arsinoë. Les auteurs ne sont pas trop d'accord sur son nom : Plutarque l'appelle Stasicrate; Pline, Dinocharés; Strabon, Chinocrate; quelques autres Chiromocrate, Chersicrate, Démocrate. Eustathe, dans ses Commentaires sur l'Iliade, liv. XIV, v. 229, le nomme Dioclès. Mais les exemplaires dé Vitruve, soit manuscrits, soit imprimés, portent tous Dino­crates; c'est aussi le nom qu'emploient Valère, Solin, et même, dans d'autres endroits, Strabon et Pline. Casaubon et Saumaise conseillent de l'adopter.

(02) - Pelle leonina. C'était le costume d'Hercule, qui, après avoir étouffé le lion de Némée, s'était revêtu de sa peau. Le peuplier lui était consacré. 

(03) - Athon montem formavi in statuae virilis figuram. Sur la cime du mont Athos était la ville d'Acrothon. Celles qu'on y voyait du temps de Pline (Hist. Nat., liv. IV, ch. 17) étaient Dranopolis, Paleorium, Thysse, Cléones, Apollonie, dont les habitants portaient le surnom de Macrobiens. Strabon en comptait cinq : Dion, Olophyscus, Acroathon, Zyssus et Cléones. Il était célèbre chez les anciens, qui le croyaient un des monts les plus élevés de la terre. Il contient aujourd'hui vingt-quatre couvents; ce qui lui a valu le nom de Monte-Santo. Ces couvents sont ha­bités par environ six cents moines grecs.

Le trait que Vitruve semble s'être plu à embellir, a été diversement raconté par Strabon et par Plutarque. Voici la version de Strabon : « La construction de ce temple est, selon Artémidore, l'ouvrage de Chirocrate, le même qui bâtit la ville d'Alexandrie, et qui promit à Alexandre de faire du mont Athos une statue représentant ce prince dans l'attitude d'une personne qui, faisant des libations, verserait un fleuve d'une aiguière dans une coupe, de construire en outre deux villes, l'une à droite, l'autre à gauche de la montagne, et de faire couler ce fleuve de l'une à l'autre. »Celle de Plutarque a plus de vraisemblance : « Entre tous les architectes de ce temps-là, Alexandre désira avoir, pour exécuter son dessein, un certain Stasicrate qui, dans tous ses plans, montrait beaucoup de grandeur, de singularité et de hardiesse. Quelques années auparavant, cet architecte, s'entretenant avec Alexandre, lui avait dit que de toutes les montagnes qu'il avait vues, le mont Athos, dans la Thrace, était le plus susceptible d'être taillé en forme humaine ; que s'il le lui ordonnait, il ferait de cette montagne la statue la plus durable et la plus apparente; que dans la main gauche, elle tiendrait une ville peuplée de dix mille habitants, et verserait de la droite un grand fleuve qui aurait son embouchure dans la mer. » (Vie d'Alexandre, ch. CXXVII.) 

(04) - Homines veteri more, ut feræ. Presque toute la matière de ce chapitre semble avoir été empruntée au poème de Lucrèce (de la Nature des choses, liv. V).

Elles sont belles, sans doute, toutes les idées du poète sur les commencements de la société humaine et des arts; mais elles sont complètement arbitraires. Il serait facile de trouver des arguments pour les défendre, des raisons pour les combattre ; chose ici tout à fait inutile. Mais comme la nature a mis dans l'homme le désir de pénétrer ces mystères, les philosophes ont cherché à le satisfaire par toutes sortes d'hypothèses.

(05) - Post ea requieta. Je préfère cette version à celles que présentent différentes éditions : postea re quieta ; postea requie data. Elle est autorisée, du reste, par cette phrase du ch. 9 (ci-dessus, p. 198) du liv. II : Quum autem ea (flamma) per se exstincta esset et requieta.

(06) In eo hominum congressu quum profundebantur aliter e spiritu voces. Vitruve, comme Diodore de Sicile et d'autres phi¬losophes anciens, a pensé que les premiers hommes vécurent quelques temps à la manière des brutes, dans les cavernes et dans les forêts, ne faisant entendre, comme elles, que des sons confus et indéterminés, jusqu'à ce que réunis par leurs besoins réciproques, ils arrivèrent par degrés à articuler plus distinctement leurs sons, à les prendre, en vertu d'une convention unanime, pour signes de leurs idées ou des choses mêmes qui en étaient les objets, et enfin à se former une langue. Cicéron (de l'Orateur, liv. I, ch. 8) a une opinion contraire : « Quelle autre puissance que celle de la parole, dit-il, a réuni les hommes dispersés, leur a fait quitter leur vie sauvage et féroce pour l'état de civilisation où nous sommes? Et lorsqu'ils ont eu formé des cités, par quel autre moyen se sont établis les lois, la justice et l'ordre des jugements? » D'après Cicéron, le langage aurait précédé la réunion des hommes.

J.-J. Rousseau, dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1ère partie, a pris pour base de ses recherches l'hypothèse humiliante de l'homme né sauvage dans les premiers jours du monde. Quel parti a-t-il tiré de cette chimérique supposition, pour expliquer le fait de l'origine des langues? Il y a trouvé les difficultés les plus grandes, et il est contraint, à la fin, de les avouer insolubles. « Effrayé, dit-il, des difficultés qui se multiplient, et convaincu de l'impossibilité presque démontrée, que les langues aient pu naître et s'établir par des moyens purement humains, je laisse à qui voudra l'entreprendre, la discussion de ce difficile problème : Lequel a été le plus nécessaire, de la société déjà liée, à l'institution des langues ou des langues déjà inventées, à l'établissement de la société. »

(07) - Ex eventu fari fortuito cceperunt. Il est bien difficile qu'un homme qui raisonne puisse se persuader que les langues, les mots soient des inventions dues au hasard. Une langue est, sans contredit, la totalité des usages propres à une nation pour exprimer les pensées par la voix, et les communiquer; ainsi toute langue suppose une société préexistante qui aura fondé les usages constituant le corps de la langue. Si les hommes commencent à exister sans parler, jamais ils ne parleront. Quand on sait quelque langue, on peut aisément en inventer une autre; mais si l'on n'en sait aucune, on n'en saura jamais, à moins qu'on entende parler quelqu'un. L'organe de la parole est un instrument qui demeure inutile, s'il n'est mis en jeu par Ies impressions de l'ouïe. Personne n'ignore que c'est la surdité originelle qui tient dans l'inaction la bouche des muets de naissance.

(08) Ab natura praemium. C'est assurément à tort que Philander, approuvé par Stratico, a préféré au mot præmium le mot primum, qui est sans valeur, tandis que l'autre, qui d'ailleurs se trouve dans de bonnes éditions, indique l'avantage que nous a donné la nature sur les antres animaux. Lucrèce (liv. V, v. 5) s'est servi de præmia dans le même sens :

... Qui talia nobis
Pectore parta suo quæsitaque, præmia liquit.
« Qui nous laissa ces bleus inestimables, fruits de ses recherches, conquêtes de son intelligence.»

(09) - Meliora genera casarum. Les habitations durent être dans le principe très grossières. Plus tard encore, quand les peuples vivaient, pour ainsi dire, à l'état sauvage, l'art de bâtir n'avait pas dû faire de grands progrès. Properce, en parlant de Rome, dit (liv. IV, élég. 1) : « C'est à des dieux d'argile qu'ont succédé ces temples éblouissants d'or; alors on ne rougissait pas de s'abriter sous un toit rustique.»

(10) - Imitabili docilique natura. Τὸ μιμνεῖσθαι σύφυτον τοῖς ἀνθρώποις ἐκ παίδων ἐστι, . « L'homme a pour l'imitation un penchant qui se manifeste dès l'enfance, et une des propriétés qui le distinguent des autres animaux, c'est qu'il est le plus imitateur; c'est par l'imitation qu'il prend ses premières leçons ; enfin l'incitation lui plalt. » (Aristote, Poét., ch. IV.) Une autre propriété de l'homme, c'est cette aptitude à saisir une idée, à la perfectionner, à la développer, à en faire sortir de nouvelles. La bête peut aussi imiter; mais qu'il y a loin de cette faculté instinctive à cette immense puissance de l'homme!
Fig. 8.

(11)  - Inventionibus gloriantes.  Un autre mobile des actions de l'homme c'est l'émulation, la gloire; sentiment qui manque complétemcnt à la bête.

 


 

 

(12). - Primurnque farcis erectis. Les perches fourchues sont marquées AAA ( fig. 8) ; BBB indiquent les branches qui les entrelacent, CC les murs de terre grasse.

 


(13) - Alii luteas glebas. D'autres firent sécher des mottes de terre, en construisirent des murs CC (fig. 9) sur lesquels ils posèrent en travers des pièces de bois AA, qu'ils couvrirent de roseaux B, et de feuilles D.

 

 

 

 

(14). -- Quoniam per hibernas tempestates. Ils firent des combles BAC (fig. 10) qu'ils recouvrirent de terre grasse D, après y avoir placé préalablement des roseaux OO, et des feuillages E; ils donnèrent de l'inclinaison aux couvertures FI, GS.

 

(15). - Apud nationem Colchorum. Ils prennent des arbres AB (fig. 11) qu'ils mettent d'une seule pièce à plat sur la terre, les uns à droite, les autres à gauche, en laissant entre eux autant d'espace DE que le permet leur longueur. Sur leurs extrémités ils en placent d'autres NP en travers qui closent l'espace qu'on veut donner à l'habitation ; puis posant des quatre côtés d'autres arbres qui portentles uns sur les autres aux quatre angles dont les deux qui sont de face sont marqués CA, OB, et formant de ces arbres mis à plomb avec ceux d'en bas les mirs dont l'un est marqué CABO, ils élèvent des tours, et remplissent de petits morceaux de bois ++ et d'argile RRR les intervalles qui répondent à l'épaisseur des arbres. Ensuite, pour le toit CFGO, raccourcissant ces arbres vers leurs extrémités CO, et continuant de les poser en travers les uns sur les autres, ils les rapprochent du centre F par degrés, des quatre côtés, et en font des pyramides qu'ils recouvrent avec des feuilles et de l'argile.

(16) - Arboribus perpetuis. Ce mot perpetuis est diversement interprété par les auteurs; les uns le traduisent par durables, les autres par entiers, non équarris, les autres par rangés. Perpetuus signifie qui est tout d'une pièce, qui a une étendue continue : perpetuam basilicam, l'endroit de la basilique qui est tout droit et étendu en longueur (VITRUVE, liv. V, ch. 8) ; perpetuam lapidum crassitudinem, pierres qui vont d'un parement du mur à l'autre avec une même grosseur (id, liv. II, ch. 8) ; trabes perpetuas, poutres qui vont d'un parement à l'autre (CÉSAR, Guerre des Gaules).

(17) - Barbarico more. Les pyramides d'Égypte, les obélisques faits d'une seule pierre, Martial les appelle barbara miracula.
Les Grecs appliquaient le nom de barbare à tout ce qui s'écartait des formes adoptées, par l'art chez eux, ou chez les Romains. Platon, dans son Critias, et Strabon (liv. XVII) se servent de la même expression à propos de temples pour lesquels on n'avait pas suivi les règles établies par leurs architectes.

 

(18) - Testudinata turrium tecta. Il y a deux sortes de toits : Fig. 12. l'un appelé testudinatum (ABC, fig. 12), toit en croupe, par le moyen duquel l'eau s'écoule de quatre côtés; l'autre appelé displuviatum (FI, GS, fig. 10), lorsque le faîtage allant d'un pignon à l'autre, l'eau est jetée à droite et à gauche. Sextus Pompée l'appelle pectinatum, peut-être parce que les chevrons qui descendent du faîtage sur l'entablement ont la forme d'un peigne. Peut-être le mot pignon vient-il du pectinatum tectum des Latins, parce qu'il contient ces espèces de peignes.

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19) - Eligunt tumulos naturaies. Les Phrygiens choisissent des tertres naturels AB, les creusent au milieu O,et pratiquent des chemins N pour arriver à l'espace qu'ils ont vidé. Au-dessus ils élèvent des cônes SPCD, avec des perches PP. Quant à la couverture, elle est semblable à celle de la fig. 10.

(20). - Areopagi. L'origine de l'aréopage est incertaine:On trouve des traces de son existence an siècle de Cécrops, auquel il faut probablement en attribuer la fondation. Ce roi mourut vers l'an 1594 avant J.-C. Plutarque (Vie de Solon ch. xxiv) et Cicéron (des Devoirs, liv. I, ch. 22) en accordent cependant l'honneur à Solon, peut-être parce qu'il augmenta beaucoup le crédit el le pouvoir de cette cour.

(21) -- Romuli casa. La chaumière de Romulus était placée auprès de la curia Calabra, sur le mont Capitole, qui était le lieu le plus élevé de la ville. Vitruve l'appelle arx sacrorum, parce qu'il était défendu par de bonnes fortifications et couvert de temples. Philander y en a compté plus de vingt-sept.
Jamais les Romains, par respect pour le fondateur de Rome, ne restauraient la chaumière de Romulus avec des matériaux différents de ceux avec lesquels elle avait été primitivement construite, c'est-à-dire, des roseaux, du chaume.

(22) - Domos fundatas ex lateritiis parietibus. Pline ( Hist. Nat., liv. VIIi, ch. 51) dit que « c'est dans Athènes que furent construits, par les deux frères Euryale et Hyperbius, les premiers fours à briques et la première maison; auparavant on habitait dans des cavernes. » L'usage de la brique est très ancien, comme ou peut s'en convaincre par les livres saints; car dans le passage où il s'agit de la construction de la tour de Babel, on lit : « Dixitque alter ad proximuin suum : venite, faciamus lateres et coquamus eos igni, habueruntque lateres pro saxis et bitumen pro caemento. » (Genesis, c. XI, v 3.)

La brique entre dans la construction de la plupart des bâtiments les plus anciens, surtout de ceux que l'on trouve dans les plaines de l'Asie où l'on suppose que. se sont formées les premières sociétés. Plusieurs de ces anciennes briques sont très grosses en comparaison des nôtres, et ne paraissent point avoir été cuites au feu; elles ont été simplement cuites au soleil. Pour leur donner plus de solidité, on ajoutait à l'argile sablonneuse dont elles étaient composées, de la paille hachée, et même des fragments de jonc et d'autres plantes de marais. Telles sont les briques de l'Égypte et de l'ancienne Babylonie. On avait aussi employé dans la construction de Babylone, des briques cuites et même vernissées ou émaillées de couleurs assez vives; il paraît qu'elles étaient employées dans le revêtement des quais, et dans celui des murailles intérieures.

(23)  - Pythagoreorum vero disciplina. Pythagore, comme plusieurs autres anciens, a enseigné que c'était la terre et non le ciel qui tournait. Selon lui, le monde est un tout harmonieusement ordonné dont le soleil est le centre, et les autres corps célestes se meuvent autour de cet astre en formant une musique divine.

(24) - Sempiterno aevo perpetuo. Cicéron (ive Catilinaire, ch. 9) dit ut ignis Vestae perpetuus ac sempiternus. Sempiternum signifie une chose qui n'a point de fin; perpetuus, une chose qui n'a point d'interruption.

(25)  - Res omnes coire. Ce ne sont point les choses qui se réunissent ; elles sont le résultat de la réunion des atomes, s'il faut en croire Démocrite, Épicure, Lucrèce et autres philosophes de même trempe. La physique corpusculaire est fort ancienne. Strabon, en parlant de l'érudition des Phéniciens, dit : « S'il faut s'en rapporter à Posidonius, le dogme des atomes est ancien, et vient d'un Sidonien nommé Moschus, qui a vécu avant la guerre de Troie. » Jusqu'à Leucippe et Démocrite, qui firent de ce dogme le fondement d'un système entier de philosophie, il n'avait passé que pour une partie du système philosophique, qui servait à expliquer les phénomènes des corps. Pour se faire une idée complète de l'atomisme, il faut lire le fameux poème de Lucrèce.

D'après lui, le tout s'est fait par hasard, le tout se continue, et les espèces se perpétuent les mêmes par hasard; voilà le système. Consulter l'Anti-Lucrèce du cardinal de Polignac, pour la réfutation de tant d'absurdités qui font honte à l'esprit humain.

(26) - Non habeant qui aedificare cogitant, errorem. Du temps de Vitruve, c'était la coutume à Rome, de faire un grand étalage d'érudition, ce qui ne rendait pas un auteur aussi ridicule qu'il le serait aujourd'hui. Varron dédie son livre de l'Agriculture à sa femme Fundania, en lui conseillant de consulter plus de cinquante auteurs qui avaient écrit en langue grecque, ou latine, ou punique.
Columelle, lui, veut qu'un laboureur ne soit guère moins savant en philosophie que Démocrite et Pythagore, en astronomie que Médon et Eudoxe, etc.

(27) - De lateribus. Les Romains se servaient dè deux espèces de briques, les unes cuites, les autres crues. La différence des deux espèces est bien établie par Varron (liv. 1er, ch. 14). Vitruve lui-même dit (liv. 1er, ch. 5, p. 68) : Sive silex, sive coementum, aut coctus luter sive crudus.

(28) - Ab imbribus in parietibus sparguntur. Vitruve parle ici de briques non cuites; c'est ce qui en explique l'absence dans les anciens édifices, sans qu'il soit besoin, comme l'a fait Scamozzi, d'invoquer l'incendie de Rome par Néron, incendie qui les aurait toutes cuites. Dans ces briques, séchées seulement, on mêlait de la paille et du foin. On se sert encore aujourd'hui presque partout en France d'une composition semblable appelée torchis; on en fait des cloisonnages et des planchers. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xxxv, ch. 48.

(29) -- Cretosa. La craie dont parle ici Vitruve est une terre glaise et ductile qui se compose de particules nombreuses et hétérogènes. Lemierre jeune (Mém. de l'Acad. royale, 1707, p. 7) y a trouvé des parcelles de fer et d'autres matières métalliques.

(30) - Masculo sabulone. Quel est ce sablon mâle que Vitruve et Pline disent pouvoir être employé à faire des briques ? Les interprètes sont bien en peine de le savoir. Pline constate trois espèces de sable un blanc, un rouge, un noir; on les rencontre dans le mortier des anciens. Les agronomes latins comptent le sablon au nombre des espèces de terrains; Philander tient que c'est une terre sablonneuse et solide qu'il ne faut confondre ni avec le sable de la mer ni avec celui des rivières. Barbaro croit que c'est un sable de rivière qui est gros, et que l'on trouve par pelottes comme l'encens mâle, parce qu'il n'a point une aridité stérile comme l'autre sable. Il est assez difficile, selon Stratico, de déterminer l'espèce de craie que Vitruve désigne sous le nom de sablon mâle : ce ne serait donc que par conjecture qu'on pourrait y arriver en examinant les espèces d'argile avec lesquelles on fait la brique. La meilleure argile est celle qui, contenant une petite quantité de substance calcaire, en renferme une assez grande de sable très dur.

(31) - Propter levitatem. Le mot levitas ne signifie point ici légèreté, comme l'a traduit J. Martin; il exprime une terre douce qui n'est ni pierreuse, ni âpre. C'est dans ce sens que Pline a employé le mot levorem en parlant de la pierre parétonienne (Hist. Nat., liv. xxxv, ch. 48). Le mot levitas, qui marque une chose douce, lisse, est opposé au mot asperitas, qui désigne quelque chose de rude et de raboteux (PLINE, Hist. Nat., liv. ix, ch. 46).

(32). - Per vernum tempus et autumnale. Palladius (Econ. rur., liv. vi, ch. 12) recommande de faire la brique au mois de mai. Ortiz fait remarquer que, lorsque Vitruve emploie le mot later, sans l'adjectif testaceus, c'est de brique crue qu'il veut parler. Les Latins, en effet, désignaient la brique cuite sous les noms de later coccus, testa, later testaceus, et aussi sous celui de tegula, bien que cette dernière expression convienne mieux aux briques plus grandes, plus larges, qui servent pour les toits et pour les pavés. Les Grecs faisaient aussi une distinction entre ὠμὴν πλίθον et ὀπτήν. Πλίτον, pris absolument, désigne la brique crue; s'ils voulaient désigner la brique cuite, ils ajoutaient ὀπτήν.

(33) - Uno tenore. Des commentateurs ont préféré uno tempore, lento tempore. Ces deux versions sont condamnées par Vitruve lui-même dans la phrase suivante. Que veut Vitruve? Que les briques sèchent en entier, graduellement, et c'est ce qu'exprime uno tenore. Cette expression n'exclut point l'idée de uno, de lento, puisqu'on n'employait la brique qu'au bout de deux ans, au bout de cinq même, dans quelques endroits, comme à Utique; mais elle indique une siccion continue, une siccion qui s'opère graduellement dans toutes les parties.

(34) - In parietum structuris. Les briques dont parle Vitruve étaient crues et non cuites (Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 48). C'étaient des briques crues que les Grecs et les Romains employaient ordinairement dans la construction de leurs édifices. Les Grecs out même généralement préféré les murs de briques. Ces murs, dit Pline (ibid., ch. 49), durent éternellement, quand ils sont bien d'aplomb. Il y a là beaucoup d'exagération : car quelque bien établis que soient des murs de briques, peuvent-ils résister au passage des siècles, comme le granit et le marbre? Que reste-t-il de Babylone et de Ninive? quelques débris méconnaissables; tandis que la vieille Égypte avec ses temples, ses sphinx colossaux, ses statues, ses obélisques, ses pyramides, n'est point morte tout entière.

(35) - Laterum genera tria. Philander a remarqué à Rome et aux environs, dans des monuments anciens, que les Romains ne s'étaient pas contentés de ces trois espèces, et en avaient employé de plus grandes et de plus petites. Il en a vu qu'on avait trouvées dans une fouille, qui avaient deux pieds et un pouce et demi de longueur et de largeur, et deux pouces un tiers d'épaisseur. Elles portaient cette inscription

TEG C COSCONI
FIG ASINI. POLL.

Les fabricants renommés avaient coutume de mettre leur marque sur leurs tuiles, ce qu'il avait déjà observé au mont Palatin et ailleurs. Lorsqu'elles étaient faites par les légions, elles en portaient le numéro. Λύδιος 

(36) - Λύδιος appellatur. J'étais d'abord de l'opinion de Philander, de Perrault et de plusieurs commentateurs qui ont préféré δίδωρον à Λύδιος  adopté par Poleni, Stratico et quelques autres. La deuxième et la troisième espèce de briques, appelées πεντάδωρον, τετράδωρον, me semblaient indiquer suffisamment que Vitruve avait voulu prendre pour unité de mesure le mot δώρον. C'est une erreur que j'ai reconnue en lisant Pline (Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 49). Il n'en était pas de même de la lydienne, dont la lon­gueur était double de la largeur. Ce n'est donc point à sa mesure qu'elle devait son nom, mais bien au peuple qui l'employait dans ses constructions. 

(37) - Longum pede, latum semipede. Le δώρον, en latin palmus, palme en français, est la mesure que représentent les quatre doigts réunis de la main, c'est-à-dire le quart du pied qui contenait seize doigts. C'était là le petit palme. Il y avait aussi le grand palme. Or, le grand palme en valait trois petits, auquel cas deux grands palmes, ou six petits qui faisaient vingt-quatre doigts, donnaient le pied et demi, sesquipede, qu'assignent à la longueur de la brique lydienne Pline et quelques commentateurs de Vitruve. Mais, comme le font observer Perrault et Scamozzi, cette proportion est moins commode pour la structure que n'est celle de Vitruve, longum pede, latum semipede, qui est suivie et observée dans tous les édifices tant anciens que modernes en Europe. Aussi préfèrent-ils la leçon longum pede, latum semipede à l'autre longum sesquipede, Iatum pede. Et Cl. Ortiz rejette aussi cette dernière version, parce que les briques de cette dimension ne se rencontrent jamais dans les ruines des monuments antiques. Les briques y ont une longueur double de leur largeur, ou bien elles sont carrées. Leur forme est encore souvent triangulaire. Les Romains se sont aussi servis de briques de deux pieds de long sur un de large. Ils leur donnaient même plus de grandeur encore; mais c'était dans de grands édifices où les arcades devaient avoir une grande épaisseur, soit parce qu'elles étaient très développées, soit parce qu'une forte charge pesait dessus.

(38) - Quoquoversus. Ce serait grandement se tromper que de croire que ces briques fussent des corps cubiques qu'il eût été impossible de faire cuire. Aucun monument antique ne présente de modèle de brique cubique. Il est vrai que nulle part Vitruve ne fait mention de l'épaisseur des briques, qui, du reste, n'était jamais bien grande. comme on en peut juger par celles qui nous restent de l'antiquité. 

39. - Una parte laterum ordines, altera semilaterum ponuntur. L'explication que donne ici Vitruve n'est pas complète. Avec sa manière d'échafauder les briques et lès demi-briques, on n'obtiendrait pas le résultat qu'il annonce. Il est facile de le démontrer : soit une première assise coin-posée d'un rang de briques AAA (fig. 14), et d'une rangée de demi-briques BBB; que sur cette première assise, on en pose une seconde, mais de manière que la rangée de briques entières DDD (fig. 15) se trouve placée sur la rangée de demi-briques BBB; les briques DDD couvriront les demi-briques BBB et une moitié des briques AAA, dont l'autre moitié sera placée sous les demi-briques CCC. La tête de la muraille T (fig. 16) offrira bien cette symétrie, cet enchaînement dont parle Vitruve; les joints montants des briques G et des demi-briques O de chaque assise, se trouveront bien sous le milieu des briques G; mais dans le parement S, s'il existe encore une certaine marqueterie qui ne déplaît point à l'oeil, la solidité de la construction qui devait être le résultat de l'enchaînement des briques disparaît, puisque les joints montent tout d'un trait du bas en haut de la muraille qui pourrait facile-ment se lézarder entre chaque brique. Voici comment je complète l'explication de Vitruve: je place dans une première assise un rang de briques entières E (fig. 17); mais la rangée de demi-briques Fsera-t-elle posée comme nous la représente la fig. 16, comme l'a fait Perrault, dont la figure qu'il a ajoutée à ses notes manque d'exactitude, même géométriquement parlant? Non. Cette rangée de demi-briques sera posée de manière que le milieu de chacune d'elles se trouve en face de chaque joint horizontal des briques entières. Le vide marqué par V, qui se trouve en tête de larangée des demi-briques, représente la moitié d'une demi-brique. Il serait donc nécessaire d'avoir des quarts de brique pour remplir ces vides qui se renouvellent à chaque assise. L'opération de cette première assise se répétant en sens inverse pour la seconde, et ces deux premières assises se renouvelant dans toute la hauteur à laquelle ou veut élever le travail, on aura une murailleren fermant les deux qualités exigées par Vitruve : solidité et beauté. 

(40) - Non invenustam. Cela prouve que les anciens ne couvraient pas toujours leurs murs de briques crues avec un enduit ou des revêtements de pierres de taille et de marbre, puisqu'on avait égard à la figure que faisaient les joints; comme étant une chose belle à voir. 

(41) - Natant in aqua. Les briques surnagent. Ce phénomène est attribué par Vitruve à la nature spongieuse de la terre. Sénèque (Quest. Nat., liv. III, ch. 25) en a pénétré la cause.

(42) - In caementitiis. Les constructions qui se composent de mortier et de pierres ou de briques de forme irrégulière, prennent le nom de caementa, murs faits de moellons. C'était ce genre de construction qui était principalement eu usage chez les anciens, lorsqu'ils avaient à bâtir dans l'eau. Les modèles qui nous restent en ce genre sont assez nombreux. On voit qu'ils sont composés de cailloux dont le poids est ordinairement d'une livre à trois. Ils entrent pour le double dans le mortier qui les enveloppe: Cette maçonnerie acquiert une grande dureté.

(43) - De arena quaerendum. Les naturalistes s'accordent presque tous à dire que le sable n'est autre chose qu'un amas de petits fragments de pierres; que, de même qu'il y a des pierres de différentes espèces, il y a aussi du sable de différentes qualités, qui varie selon la couleur et la grosseur des parties qui le composent. Le sable le plus grossier se nomme gravier, le plus fin, sablon. C'est le sable fossile et celui des rivières qui conviennent le mieux dans la maçonnerie. 

(44) - Genera autem arenae fossitiae sunt haec, nigra, cana, rubra. Palladius et l'auteur du Compendium architecturae, qui avaient consulté Vitruve, ne comptent que trois espèces de sable; ils ne parlent point du carboncle. Poleni a hésité s'il ne ferait point disparaître l'espèce noire dont le caractère semble être le même que celui du carboucle. Palladius pourtant (Econ. rur., liv. II, ch. 13) établit une différence entre le sable noir et le carboucle. Columelle (Écon. rur., liv. III, ch. 11) émet absolument la même idée. Si Poleni a conservé les quatre espèces, c'est qu'elles se trouvent dans tous les anciens livres. Le sable rouge, dit Palladius (liv. 1er, ch. 10), est supérieur aux deux autres : le blanc tient le second rang; le noir, le troisième. 

(45) - Carbunculus. La meilleure définition qu'on puisse donner du carboucle est celle qu'on trouve dans Vitruve lui-même, à la fin du chapitre sixième du deuxième livre (ci-dessus, p. 163). 

(46) - Fiunt terrosae. Cette raison est difficile à accepter. Peut-on admettre que le sable dont la substance est si dure et si solide puisse se changer eu terre ? Non assurément.

(47) - Signinum. Ce mot, d'après la définition qu'en donne Pline, ne peut être traduit que par notre mot ciment. « Quid non excogitavit ars? Fractis etiam testis utendo sic, ut firmius durent tusis calce addita, quae vocatur signima. » On l'appelait signinum, parce que les meilleurs tuileaux pour le faire venaient de Signia, ville dés Volsques, où se fabriquaient les meilleures tuiles. Avant que la composition dont on formait les aires sur les terrasses, dans les cours et les appartements, fût sèche, on y incrustait de petits morceaux de marbre de couleur, ou bien on mêlait seulement à cet enduit du tuileau pilé, ce qui lui donnait l'air d'une espèce de granit rouge, et augmentait sa solidité. Cette dernière composition était aussi appelée opus signinum. Vitruve néanmoins n'a pas toujours employé le mot signinum dans la même acception; il le donne aussi (liv. VIII, ch. 7) à une espèce de mortier composé de chaux, de sable et de gros cailloux dont on faisait les citernes (Voyez PALLADIUS, liv. 1er, ch. 17 et 40). On donnait encore ce nom à une sorte de pavé. Columelle (Écon. rur., liv. 1er, ch. 6) parle d'une grange cujus solum terrenum.... velut signinum opus, pilis condensatur. Le signinum était donc employé où l'humidité pouvait être nuisible.

(48) - De calce diligentia est adhibenda, uti de albo saxo aut silice coquatur. - Voyez CATON, Écon. rur., ch. XXXVIII ; PLINE, Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 53; PALLADIUS, Écon. rur., liv. 1, ch. 10. La pierre à chaux ne doit pas rester au feu moins de soixante heures, et la pierre à plâtre plus de vingt. 

(49) - Quum ea erit exstincta. Vitruve, Pline, Palladius, l'auteur du Compendium, ne disent rien du temps qu'on doit laisser écouler entre le moment de l'extinction de la chaux, et celui de l'emploi qu'on en peut faire. Pour les ouvrages maçonnés à chaux et à ciment, l'auteur du Compendium recommande de l'employer immédiatement après qu'on l'a éteinte. S'il s'agit d'enduit, elle doit être éteinte longtemps avant d'être employée.

(50). - Tres arenae. Le texte manque bien certainement ici du mot partes. L'auteur du Compendium a dit : Ad duas partes arenae; Palladius : In duabus arenae partibus; Pline : Quarta pars calcis. Bien que l'auteur du Compendium et Palladius ne soient pas d'accord avec Vitruve, puisque l'un fait entrer dans le mortier deux parties de sable, et l'autre trois, la proportion de Vitruve confirmée par Pline semble préférable.

(51) - Quum recipit aquam. Tout ce que Vitruve dit ici de la chaux est très vrai; mais il ne cherche point à expliquer comment il se fait qu'une pierre qui a perdu sa dureté au feu, la recouvre quand elle est mêlée au sable et à l'eau. On ne peut pas dire que c'est l'exsiccation violente que le leu y a introduite qui opère cette ferme coagulation, puisque la chaux seule n'acquiert point de solidité ; puisqu'au contraire il faut qu'elle soit mêlée avec le sable et l'eau, pour qu'elle forme une masse qui se durcit, même au fond de l'eau. La concrétion et la solidité de tous les corps proviennent de leurs sels. Si la pierre perd sa solidité par la violence du feu, c'est qu'il se fait une évacuation de la plus grande partie des sels volatils et sulfurés qui étaient le vrai lien des parties terrestres de la pierre ; et dans la pierre à chaux qui, pour avoir perdu dans le feu beaucoup de ses sels, devient rare par la séparation de ses parties, il y a, grâce à sa dissolution dans l'eau, rapprochement, réunion de ces parties éloignées par la force du principe de coagulation qui se trouve dans le sel fixe qui leur est resté. C'est ce principe qui excite la chaleur dans la chaux qu'on éteint. et qui y demeure longtemps après, quoiqu'on ne la sente pas. Cette chaleur cachée la rend, comme on dit communément, capable de brûler les autres corps qu'elle touche, quoiqu'elle n'ait plus de chaleur actuelle, mais seulement une très-grande disposition à s'échauffer. Or, cette disposition, cette chaleur cachée, en agissant sur les cailloux et sur le sable, en fait sortir des sels volatils et sulfurés, de même que le feu les avait fait sortir des _pierres à chaux, et ce sont ces sels qui, se mêlant dans la chaux, et reprenant la place de ceux que le feu en avait fait sortir, lui rendent la solidité qu'elle avait perdue.

(52) - Aer quum exustus et eruptus fuerit. C'est-à-dire ces sels volatils et sulfurés qui, selon les chimistes, contribuent à unir, à lier les parties qui composent la pierre. Après cette perte que font les pierres des parties qui les unissaient, il leur demeure une chaleur cachée, calorem latentem, qui, grâce à l'eau dont .les divisions et vides laissés par ces parties sont pénétrés, pro-duit une effervescence, dilate l'air que contient l'eau, et fait éclater ces pierres calcinées en une infinité de petites parties qui deviennent une poudre extrêmement fine; mais cette poudre de chaux qui a pu résister au feu n'est autre chose qu'un sel qui peut se fondre dans l'eau. 

(53) - Excocto liquore, circiter tertia parte ponderis imminuta. Les pierres avec lesquelles on fait la chaux se nomment proprement calcaires, à cause de l'usage qu'on en fait, et ne ressemblent point à celles qui, soumises au même degré de chaleur, se vitrifient. Les pierres calcaires sont solubles par les acides, et font avec eux une, violente effervescence. C'est à ce caractère qu'on reconnaît les calcaires.

(54) - Quum patent foramina eorum et raritates, arenae mixtionem in se corripiunt, et ita cohaerescunt, siccescendoque coementis coeunt. Ces ouvertures, ces vides, ne sont pas, comme le fait entendre Vitruve, des cavités dans lesquelles les éminences du sable et des pierres puissent entrer; ils signifient seulement l'effet de l'évacuation des sels volatils et sulfurés dans la chaux, qui la rend capable de recevoir ceux qui sortent du sable et des pierres; car il arrive que le sable s'amollissant en quelque sorte par l'évacuation qu'il souffre, et la chaux s'endurcissant par la réception de ce qui s'écoule du sable, ces deux choses reçoivent des dispositions mutuelles à se lier fermement les unes aux autres.

(55) - Est etiam genus pulveris Cette substance est appelée pouzzolane, parce qu'elle se trouve dans le voisinage de Pouzzol, autrefois Putéoli, d'où le nom de pulvis Puteolanus que lui donnent Sénèque (Quest. Nat., liv. III) et Pline (Hist. Nat., liv. xxxv, ch. 13). Vitruve l'appelle Baianus et Cumanus.

(56) - Cum calce et caemento. Poleni félicite Perrault d'avoir traduit caementum par pierres; a-t-il bien raison? Et Perrault, qui reproche à J. Martin de s'être trompé dans sa traduction, en se servant du mot ciment, Perrault ne se tromperait-il point lui-même? Ceux qui bâtirent la ville de Babylone se servirent de bitume pro caemento. Et s'il y avait quelque exemple qui fit voir que du temps de Vitruve on eût ainsi appelé Ies tuileaux pilés, ne serait-on point autorisé à croire que Vitruve en a voulu parler ici, quand il fait un mélange de pouzzolane, de chaux et de caementum : car il a dit au chapitre précédent, que le mortier de chaux et de sable devient meilleur si quis testam tunsam et succretam ex tertia parte adjecerit. Et Pline ( Hist. Nat., liv. xxxv, ch. 47) dit que la pouzzolane plongée dans l'eau se convertit en une pierre que l'eau ne peut dissoudre, et qui chaque jour devient plus tenace, surtout si on l'a combinée avec Cumano caemento. La seule chose qui ferait pencher pour le mot pierres, c'est que c'est dans ce sens que Vitruve emploie le mot caemeatum (liv. I, ch. 5, p. 68) : Sive silex, sive caementum, aut coctus later sive crudus; et (liv. II, ch. 7, p. 164) : De quibus (lapidicinis) et quadrata saxa, et caementorum ad aedificia eximuntur copiae

(57) - Tres res. C'est-à-dire la pouzzolane, la chaux et le tuf.

(58) - Baianis. Il reste à Baies des ruines de toute beauté, mais dont la majeure partie est dans la mer. On voit pourtant encore les débris des bains de Néron, d'un palais de J. César, des temples de Vénus, de Diane, de Mercure, etc. 

(59) - Crevisse ardores et abundavisse sub Vesuvio. Le Vésuve a probablement vomi des laves dès les temps les plus anciens; mais la première éruption historiquement connue est celle qui eut lieu l'an 79 de J.-C., et qui détruisit Herculanum, Pompéies et Stabies.

(60) - In unam potestatem collatis. Poleni croit que les paroles de Vitruve ne fout qu'indiquer une certaine conformité, puisque la chaleur a agi et sur la chaux et sur la pouzzolane, et qu'il n'est pas nécessaire d'en tirer cette conséquence, que l'action de la chaleur a produit les mêmes effets sur les pierres à chaux et sur la pouzzolane. Perrault prétend qu'on peut parfaitement douter que la pouzzolane soit produite par lé feu, s'il faut en croire Pline, qui dirait que la pouzzolane ne diffère en rien du sable du Nil. Le passage n'est point cité. Or, il n'y a qu'un endroit dans Pline où la pouzzolane et le Nil soient nommés ensemble; c'est au liv. XXXVI, ch. 14 de son Hist. Nat. « Divus Claudius.... quo experimento palam fit, non minus aquarum huic amni esse, quam Nilo. » L'expérience prouva alors que le Tibre n'a pas moins d'eau que le Nil. Je ne vois rien là qui indique que la pouzzolane soit semblable au sable du Nil. C'est sans-doute une erreur de Perrault. 

(61) - Trans Apenninum vero. Stratico reproche aux commentateurs de Vitruve de lui prêter ici une grossière erreur en lui faisant dire que tout l'espace compris entre la mer Adriatique et l'Apennin manquait de sable fossile. Vitruve, dit-il, établit qu'il y a des endroits terrosa, d'autres sabulosa, d'autres glareosa, d'autres arenosa. Il met donc une différence entre les mots sabulum, glarea, arena. Les deux premières espèces sont amenées ou par les eaux des fleuves, ou par celles de la mer; la troisième, ou l'arma fossitia, celle qu'on extrait partout dans la campagne de Rome, n'est point charriée par les eaux ; elle est préparée par la violence du feu : c'est la pouzzolane. Ce n'est que dans ce sens qu'il est vrai de dire qu'au delà de l'Apennin, du coté qui regarde la mer Adriatique, on ne trouve point d'arena fossitia, de pouzzolane, comme du côté opposé. Dans Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 54) ces deux mots ont aussi cette signification. 

(62) - Rubrae. De Bioul traduit par les pierres rouges d'autour de Rome, et Perrault ne sait à quoi s'en tenir relativement au mot Rubrae., J. Martin a traduit par la ville de Rubra, et les traducteurs italiens se sont servis du mot le Rosse, par une lettre majuscule, ce qui indique suffisamment un nom de lieu. Et puis les autres pierres n'ont-elles pas toutes reçu leur dénomination des lieux où sont leurs carrières? Il existait d'ailleurs un village du nom de Rubra que Cellarius, dans sa Géographie ancienne, place à neuf milles de Rome Rubrae, sous-entendu petrae. Martial (liv. IV, épigr. 64) dit : Fidenas veteres, brevesque Rubras. 

(63) - Pallienses. Ces carrières étaient-elles les mêmes que celles qui plus tard furent appelées Gabienses? Strabon cite ces dernières comme se trouvant auprès de Rome, et fournissant des pierres d'une nature molle, et Vitruve n'en parle pas. 

(64) - Fidenates. La pierre de Fidènes est molle, et semble être le produit d'un amas de pierres ponces et de gravier que le temps aurait durcis.

(65) - Albanae. La pierre qu'on extrait des carrières d'Albe ne se distingue de celle de Rubra que par la couleur qui est d'un gris foncé. Elle est plus dure que le tuf et plus tendre que le travertin. On l'appelle aujourd'hui à Rome peperino, et à Naples piperno (Privernum), où on la trouve en abondance. C'est de cette pierre que sont faits les fondements du Capitole, la Cloacca massima, le plus ancien tombeau qu'on connaisse, près d'Albano, et un des plus anciens monuments romains, le conduit qui sert pour l'écoulement des eaux du lac d'Albano. Le peperino ou pierre d'Albano, servit aussi aux principaux édifices publics dans le même temps qu'on employait le marbre à Rome avec tant de profusion.

(66) - Tiburtinae. L'espèce de pierres que fournit Tibur a toujours été d'un grand usage dans les édifices. On l'extrait autour du lac qu'alimente l'Albule. Cette pierre est la plus belle qui s'emploie à Rome ; elle conserve longtemps sa blancheur, et, quoique spongieuse, elle prend un poli qui la fait ressembler à du marbre, parce que les trous qu'elle a sont petits, et que d'ailleurs les ouvriers savent les boucher avec une composition parti-culière de marbre. Elle est connue sous le nom de travertin. Avec cette pierre ont été construits un grand nombre des édifices de Rome : le théâtre de Marcellus, l'amphithéâtre de Vespasien, le tombeau de C. Publicius Bibulus, le temple de la Fortune Virile, les fondements du temple de la Concorde, de celui de Neptune; hors de Rome, cinq ponts sur le Tibre; le tombeau de C. Cécilia Metella, sur la voie Appienne, le tombeau de Plaute, à Tibur, etc. Le travertin, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXVIII, ch. 48), qui résiste si bien à tout, la chaleur le fait éclater.

(67) - Tophus. Les premières pierres dont on se servit pour les édifices publics, tant dans la. Grèce qu'à Rome, étaient une espèce de tuf; le temple de Jupiter à Élis en était bâti; un temple de Girgenti en Sicile, le temple et l'édifice de Pestum sur le bord du lac de Salerne, ainsi que les murs carrés de cette ville étaient construits avec les mêmes pierres. Tous les tufs ne sont pas d'origine volcanique, comme le tuf rouge et le tuf noir de la Campanie ; les tufs blancs de l'Ombrie, du Picenum, de la Vénétie appartiennent à une autre formation. Leur légèreté les rend surtout propres à la construction des voûtes. Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 44) dit que la Belgique fournissait une pierre blanche qui, ut lignum, et plus facilement même, se laissait entamer par la scie, et qu'on en faisait diverses sortes de tuiles.

(68) - Neque perferunt aestus. Il est ici question, non de la chaleur, comme l'ont entendu Perrault, Galiani, de Bioul, mais de la violence des vagues :

........ Aestus ab undis Aequoris, exesor moerorum litora circum.
(LUCRETIUS, de Rerum nat., lib. IV, v 220) 

(69) - Sed ab igni non possunt esse tuta. Presque toutes les espèces de pierres soumises à l'action d'un feu qu'il n'est pas nécessaire de rendre très violent, se brisent ou s'exfolient, ou bien, si on en augmente la violence, elles se convertissent en chaux ou se vitrifient. Il y en a cependant quelques espèces qui résistent au feu, au moins plus longtemps, et dont on se sert pour les cheminées et les fourneaux. 

(70) - In aeris flatura. L'art de fondre des statues était sans doute connu des anciens ; mais il ne nous reste que de petits ouvrages en ce genre : il parait qu'ils n'ont point su jeter en fonte de grands morceaux. En effet, s'il y eut un colosse de Rhodes, une statue colossale de Néron, ces pièces énormes pour la grandeur, n'étaient que de platinerie de cuivre sans être fondues.

(71) - Structurarum genera. Il est parlé dans ce chapitre de sept espèces de maçonnerie qui se rapportent à trois genres, dont voici un petit tableau qui permet de les embrasser d'un coup d'oeil :

Pierres de taille  
     - maillée, ou reticulatum  
     - irrégulière, ou incertum.
Pierres brutes     
     - Structure des Grecs Emplecton 
          - Isodomon
          - Pseudisodomon
Pierres taillées et pierres brutes
           - Revinctum.?

Voyez l'examen que fait M. de Caumont des différents genres d'appareil usités dans les constructions romaines (Cours d'antiquités monum., 2e partie, ch. 5). 

(72) - Reticulatum. Ce mot signifie maillé ou en réseau, à cause des joints dont l'arrangement est semblable aux mailles d'un réseau. Cette espèce de muraille était construite avec de petites pierres généralement faites de morceaux de tuf en forme de coin ou de diamant taillé. La surface, au parement, en était carrée. On les plaçait un angle en haut, et un autre en bas, en forme de losange. Chaque pointe de ces coins était enfoncée dans le mortier qui, avec des pierres de même espèce, formait le remplissage de l'intérieur de la muraille. Quand les anciens employaient à cette sorte d'ouvrage des pierres tendres comme le tuf, les carrés étaient tous très égaux et bien travaillés : tels sont ceux qu'on voit aux restes du mausolée d'Auguste, à Romne. S'ils étaient obligés d'en employer de plus dures, comme celles de l'amphithéâtre de Teanum, à six lieues de Capoue, les carrés n'étaient point aussi bien travaillés, et n'offraient point un coup d'oeil aussi agréable. Bien que Vitruve et même Pline (Hist. Nat., liv. XXVI, ch. 31, reticulata structura, qua frequentissime Romae struunt, rimis opportuna est) assurent que cette espèce de muraille ne soit pas solide, cependant il s'est conservé des bâtiments entiers construits uniquement de cette manière : tels sont, entre autres, la maison de campagne d'été de Mécène, à Tivoli; les ruines du temple d'Hercule, au même endroit; les restes de la maison de campagne de Lucullus, à Frascati, et de grands pans de murs de celle de Domitien, dans la villa Barbarin. On en trouve par toute l'Italie des ruines, surtout dans l'ancienne Campanie et dans beaucoup d'autres endroits du royaume de Naples. On en trouve aussi beaucoup hors de l'Italie; et malgré l'opinion de Vitruve, ceux qui se sont conservés jusqu'à nous, sont en plus grand nombre et plus intacts que ceux des autres genres; cela vient sans doute de ce que les pierres, qui sont très petites, sont mêlées à une plus grande quantité de mortier. Perrault prétend, au contraire, qu'on voit peu d'exemples de cette espèce de structure dans les anciens monuments qui nous restent. Le fronton de la grande église de Trève offre, au moyen âge, un modèle de ce travail que les Grecs appelaient δικτυόδετον, réticulé (fig. 18).

 

 

(73) - Incertum. Tous les exemplaires portent incertum. Perrault, tout en l'avouant, n'en a pas moins voulu corriger ce mot, et écrire insertum, c'est-à-dire une maçonnerie faite en liaison, dans laquelle les pierres sont posées les unes sur les autres comme des tuiles; ce que n'a pas voulu dire Vitruve : car cette espèce de maçonnerie est celle qu'il nomme plus loin isodomum et pseudisodomum. Perrault ne connaissait certainement pas cette manière que Vitruve nomme incertum, et dont il existe encore un fragment  considérable qui forme une partie des murs de la ville de Fondi, dans le royaume de Naples. Les murs de Corinthe et d'Eretria en Eubée étaient construits de cette manière. Parmi les constructions de Pompéies, les plus communes sont l'opus incertum.

(74) - Ex silicibus ordinariis. Cette structure qui consiste à faire les assises avec des pierres ayant une même épaisseur, se compose de moellons disposés comme les pierres de taille. Elle est moyenne entre celle qui se fait de pierres taillées et celle dans laquelle entrent des pierres qui sont mises sans ordre, parce que les pierres y sont posées par assises, les joints des lits formant des lignes droites et parallèles.

(75) - Cum ansis ferreis. Ces clefs étaient de métal pour le marbre, parce que le fer y cause des taches de rouille. Alberti dit avoir.aussi trouvé des clefs ou des crampons de bois dans des bâtiments anciens. M. Le Roi en a remarqué aux ruines d'un temple sur le territoire d'Athènes; on en a trouvé encore au temple de Jupiter à Girgenti.

(76) Et plumbo frontes revinctae. Cette troisième manière que Perrault appelle revinctam, à cause des crampons de fer qui tiennent les pierres dont se composent les parements (orthostatas), consiste à faire les deux faces du mur de carreaux de pierre, ?Flg zo. ou de briques en liaison, et à remplir le milieu de ciment ou de cailloux de rivière pétris avec du mortier. Ce genre de structure qui semble avoir quelque rapport avec celui qu'on appelle emplecton, en diffère cependant en ce que l'emplecton est tout composé de pierres brutes, tandis que la structure dont il s'agit est en partie de pierres de taille équarries et jointes ensemble avec du fer et du plomb, et en partie de pierres brutes jetées à l'aventure.


(77) - Non est contemnenda Graecorurn structura. Les Grecs pour construire leurs murailles, se servaient de pierres taillées et polies, ou ils employaient des pierres brutes. Dans le premier cas, il n'y avait ni remplage ni moellon : la maçonnerie était en liaison, c'est-à-dire que les joints étaient horizontaux et verticaux ; mais les parements des pierres étaient inégaux, en sorte que deux joints perpendiculaires se rencontraient au milieu d'une pierre (fig. 21).

 

Le temple d'Auguste a été bâti ainsi, comme il est facile de le voir par ce qui en reste. Dans le second cas, les murs étaient aussi bâtis en massif; mais il y avait cette différence, que les pierres n'étaient point taillées, à cause de leur dureté, que les liaisons n'étaient pas régulières, et qu'elles n'avaient point de grandeur réglée. Cette espèce se subdivisait en deux : l'une qu'on appelait isodomum (fig. 22), parce que les assises étaient d'égale hauteur; l'autre, pseudisodomum (fig. 23), parce que les assises étaient de hauteur inégale. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv, xxxvi, ch. 51.

(78) - Omnia choria. Ce mot qui veut dire ici les rangées, les assises, signifiera ailleurs les couches de mortier qu'on met, ou entre les assises, ou les unes sur les autres, aux planchers ou aux enduits.

 

(79) -  Ἔμπλεκτον. L'espèce de maçonnerie appelée emplecton était d'origine grecque. Elle se compose de pierres non taillée;. Les assises ne sont pas déterminées par l'épaisseur des pierres ; mais l'épaisseur de chaque assise est faite d'une ou de plusieurs pierres, et l'espace d'un parement à l'autre est rempli de pierres jetées pêle-mêle, sur lesquelles on verse du mortier qu'on étend uniment. Quand cette assise est achevée, on en recommence une autre par-dessus; c'est ce que les Limousins appellent des arrases, et Vitruve choria erecta (fig .24)

(80) - In vetustatem non ruinosae. Stratico dit qu'en Angleterre les maisons construites de cette manière doivent être abattues après un nombre déterminé d'années.

(81) - Athenis. On y admirait une foule de monuments, parmi lesquels il faut remarquer l'Aréopage, le Prytanée, l'Odéon, le Pécile, l'Académie, le Lycée, tous détruits; et le Parthénon, la tour octogone ou temple des Vents, le temple de Jupiter Olympien, le temple de Thésée, le temple de la Victoire, la porte d'Adrien, le théâtre de Bacchus, celui d'Hérode Atticus, l'Erechtheum, etc., dont il reste encore des ruines.

(82) - Ad Hymettum montem et Pentelensem. Le mont Hymette, près d'Athènes, était renommé par son miel et ses carrières de marbre. Le Pentélique était aussi une montagne au nord-est de l'Attique, que ses marbres rendaient célèbre.

(83) - Patris, in aede lovis. Quelques manuscrits portent parietes, d'autres paries, d'autres partes. Mais Pline, qui, au liv. xxxv, ch. 49 de son Hist. Nat., a presque copié Vitruve, a mis le mot Patris, qui était une ville d'Achaïe. Et cette version est d'autant plus facile à admettre, que Vitruve parle ici de monuments appartenant à des localités différentes qu'il désigne : l'un est à Athènes, l'autre à Patres; celui-ci à Tralles, celui-là à Sardes, un autre à Halicarnasse. Voyez le passage de Pline.

(84) -- Mausoli domus. « Je ne sais, dit Pline ( liv. xxxvi, ch. 6), si c'est aux Cariens qu'il faut attribuer l'invention de l'art de scier le marbre. Des plaques de marbre proconuésien revêtaient les murs de brique du palais de Mausole, à Halicarnasse, et c'est le plus ancien exemple que je connaisse.

(85) - Proconnesio marmore. Proconnèse, aujourd'hui Marmara, était ainsi nommée à cause du grand nombre de daims, en grec πρόξ, qu'elle nourrissait, et doit son nom moderne à l'abondance de ses marbres.

(86) - Imperabat Cariæ. Les Cariens n'avaient aucune ressemblance avec les Grecs. Ceux-ci les traitaient de barbares dès le temps d'Homère, et employaient comme synonymes les mots de Carien et d'esclave. Mais c'est à tort, dit M. Bouillet sans en donner la raison, qu'on a fait dériver cariatide du mot Carien.

(87) - Mausoleum. Vers l'année 353 avant J.-C., l'Asie Mineure vit s'élever un tombeau remarquable : ce fut celui de Mausole, construit par la reine Artémise qui lui succéda; ce monument ne fut terminé que sous le règne de son successeur. C'était une construction quadrangulaire, entourée d'une colonnade, et contenant une pyramide composée de vingt-quatre degrés, couronnée d'un quadrige. Voyez la description qu'en fait Pline ( Hist. Nat., liv. xxxvi, ch. 4).

(88) - Statuam colossicam. Les plus fameux colosses de l'antiquité sont le colosse de Rhodes et les statues des empereurs Néron et Commode. Pline donne la description de celui de Rhodes (Hist. Nat., liv. xxxiv, ch. 18). Les vicissitudes qu'il éprouva sont encore racontées par Orose (liv. IV, ch. 13), par Polybe (liv.v), par Strabon (liv. xvi).

(89) - Ἄβατον. Ce mot formé de alpha privatif et de βαίνω, marcher, indique un lieu où l'on ne peut marcher, un lieu impénétrable, inaccessible aux profanes, sacré.

(90) - Leges publicae. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xxxv, ch. 49.

(91) - Lateritii vero, nisi diplinthii aut triplinthii fuerint. Πλίνθος, en grec, signifie brique. C'étaient donc des murs dont l'épaisseur se composait de la longueur de deux ou trois briques.

(92) - Summis parietibus. - Voyez PALLADIUS, Écon. rur.., liv. I, ch. 11.

(93) - Habeatque projecturas coronarum. Il n'est point ici question de corniches, mais, comme l'a traduit Perrault, d'un massif qui déborde en manière de corniche : c'est ce que nous appelons larmier. Vitruve appelle, quelques lignes plus bas, cette saillie lorica testacea. Quinte-Curce (liv. rx, ch. 4) vient favoriser cette interprétation : Augusta muri corona erat, dit-il en parlant de la ville des Oxidraques, non pinnae, sicut alibi, fastigium ejus distinxerant, sed perpetua lorica obducta transitum sepserat.

(94) - In tempestatibus et aestate. Poleni avait envie de substituer hieme au mot aestate; car Vitruve dit plus bas se ostendet esse vitiosam gelicidiis et pruina tacta. Or, il n'y a que l'hiver qui nous donne la gelée et le givre. C'est donc en hiver et non en été qu'on peut apprécier la qualité de la tuile. Mais ni dans les anciens livres, ni dans le Compendium architecturce, il n'est question de hieme. Force donc a été de laisser le mot aestate. Peut-être aussi que les deux saisons sont nécessaires pour l'épreuve.

(95) - Materies cædenda. Constantin, ou celui qui, sous son nom, a écrit vingt livres sur l'économie rurale, et Héron, qui, avant lui, a fait un semblable travail, recommandent, au troisième livre, de couper les bois surtout aux mois de décembre et de janvier, et cela quand la lune est en décours et qu'elle est cachée sous terre. Voyez aussi PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 74; CATON, Écon, rur., ch. 17 et 31; VEGÈCE, de l'Art milit., liv. iv, ch. 35, et COLUMELLE, Écon. rur., liv. xi, ch. 2. C'est de Théophraste (liv. vi, ch 1) que ces pratiques superstitieuses semblent découler. Elles ont, du reste, trouvé des défenseurs dans les temps modernes. Tellès d'Acosta contredit l'opinion de Duhamel, qui avait fait des expériences pour s'assurer de la nullité d'action de la lune sur la qualité du bois. M. de Carlowitz croyait à cette influence de la lune, se basant sur les prétendus effets de cet astre dans l'acte de la végétation. La lune, dit-il, dans son mouvement, élève les vapeurs de la terre et la sève dans les arbres; à mesure qu'elle croît, les vapeurs s'élèvent dans la même proportion; d'où il suit que, si dans cette circonstance on coupe un arbre, il sera imprégné de fluides qui, en se corrompant, donneront lieu à la vermoulure. Mais à mesure que la lune décroît, les vapeurs s'abaissent et finissent par disparaître. En 1829, la Bibliothèque économique cite une opinion semblable de M. Sauer, directeur en chef des forêts, et semble y ajouter quelque confiance; ce qui peut paraître assez extraordinaire.

(96) - Antequam flare incipiat favonius. C'était le six des ides de février, selon Pline (Hist. Nat., liv. xv, ch. 4); le sept, suivant Columelle (Écon. Rur., liv. xi, ch. 2).

(97) - Vere enim omnes arbores fiunt praegnantes, et omnes suae proprietatis virtutem efferunt in frondes anniverrariosque fructus. Les arbres ont dès leur naissance des humeurs qui sont la principale et plus noble partie de leur substance. Ces humeurs qui ne sont point sujettes a se corrompre, et qui ne s'évaporent que difficilement, sont bien différentes de celles qu'ils reçoivent journellement de la terre et du ciel. C'est à celles-ci que doivent être attribués tous les vices des bois. Moins l'arbre en contient, meilleur est le bois. C'est donc lorsque cette humidité est comme épuisée, c'est-à-dire lorsque ce que les arbres en avaient amassé au printemps, en recevant par leurs racines les vapeurs qui s'élèvent alors de la terre avec abondance, et qui s'y introduisent avec force, a été consommé et employé en feuilles, en fruits et en sentences; c'est lorsque la terre, desséchée par les chaleurs de l'été, est moins capable de fournir cette humidité; c'est lorsque les libres des arbres resserrées par le froid sont moins disposées à la recevoir, et que les feuilles, en tombant des arbres, font voir que l'humidité qui les nourrissait commence à manquer, c'est alors qu'il faut songer à couper les bois de construction.

(98) - .A foetu ad partum non judicantur integra. Hippocrate (des Maladies des femmes, liv. i) explique la pàleur verdâtre des femmes enceintes par la direction que prend le sang le plus pur vers le foetus pour son développement. Le sang devenant plus rare, la femme pâlit nécessairement et perd de ses forces.

(99) - Neque in venalibus ea, quum sunt praegnantia, prestantur sana. Le jurisconsulte Ulpien pensait autrement (lib. xxi, de Ædilitio edicto) : Si mulier praegnans venierit, inter omnes convenit sanam esse eam. Maximum enim ac praecipuum munus fæminarum concipere ac tueri conceptum. « Si une femme enceinte vient à être vendue, la clause du marché est qu'elle se porte bien : car la plus grande, la plus importante qualité des femmes, c'est d'être en état de concevoir et de nourrir leur fruit.» C'est aussi l'opinion de Justinien (Cod., lib. vi, De indicta viduitate). Vitruve ne veut sans doute parler que de la faiblesse de la femme enceinte, qui est moins apte à remplir ses fonctions, à cause de l'aliment exigé par l'embryon. Cette comparaison des femmes enceintes semble difficile à appliquer aux arbres. Dans la femme, c'est la consomption de l'humidité qui cause l'affaiblissement, tandis que c'est l'abondance de l'humidité qui affaiblit le bois.

(100) - Caedi autem ita oportet, ut incidatur arboris crassitudo ad mediam medullam. Bien que cette pratique ne s'observe point aujourd'hui, il n'en est pas moins certain que par de nombreuses expériences Buffon a trouvé le moyen d'augmenter la force et la solidité du bois, en écorçant les arbres, et en les laissant sécher et mourir sur pied avant de les abattre. Cette opération donne la dureté du coeur de chêne à l'aubier, qui augmente considérablement de force et de densité, parce que la substance destinée à former le nouveau bois, se trouvant arrêtée, est contrainte de se fixer dans tous les vides de l'aubier et du coeur même de l'arbre. Au printemps, lorsque la sève monte en abondance, on enlève l'écorce qui se détache facilement; l'arbre est laissé debout pendant toute l'année. Le printemps suivant, tout écorcé qu'il est, il pousse quelques bourgeons, des feuilles, des fleurs et même des fruits; on lui laisse encore achever cette année sur pied; on ne le coupe que dans la saison où l'on coupe les arbres. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 64.

Le philosophe qui le premier saisit les analogies entre les plantes et les animaux, eut une idée heureuse, bien que ces analogies soient loin d'être exactes. Au reste, il est assez raisonnable de comparer, comme le fait Pline (Hist. Nat., liv. xvi, ch. 72), l'écorce à la peau, la medule végétale à la moelle des animaux, la libre ligneuse à la fibre musculaire, les vaisseaux conducteurs des fluides aux vaisseaux conducteurs du sang, etc.

Perrault, dans le tome premier de ses Essais de physique, tire un précepte assez important pour l'emploi du bois dans les bâtiments, qui est de poser les pièces qui sont debout dans une situation contraire à celle qu'elles ont naturellement étant sur pied : car, par ce moyen, on peut empêcher que l'eau qui tombe dessus ne les gâte, comme elle ferait si le bois était dans sa position naturelle. La raison en est que les conduits qui, dans les bois, sont disposés pour laisser couler l'humidité superflue par la racine, laissent aisément pénétrer l'eau qui est de même nature que cette humidité superflue; ce qui n'arrive pas aussi facilement, le bois étant renversé, parce qu'alors l'eau ne rencontre que des conduits disposés à faire couler l'humeur huileuse destinée à la nourriture de la plante, avec laquelle une substance simplement aqueuse, telle qu'est celle de la pluie, ne se mêle pas facilement.

(101) - Ad imum perforata castrantur. Pour suivre l'analogie établie par Pline entre les plantes et les animaux, cette évacuation de l'humidité aqueuse ne tient-elle pas lieu de saignée aux arbrisseaux ? Comparons cette humidité aqueuse qui descend par l'aubier, à l'autre qui monte par l'écorce : n'est-elle pas comme le sang veineux de l'arbre, de même que l'humidité huileuse est comme le sang artériel? Si la saignée est salutaire aux animaux, l'effet de cette évacuation ne l'est pas moins à la plante. Cette humidité trop abondante, descendant dans la racine pour y être cuite et perfectionnée, ne trouvant pas des forces proportionnées à sa quantité, et capables d'opérer la coction de toute cette humeur, il est souvent très utile de la diminuer, de même qu'il est important pour le coeur et les parties qui travaillent à faire le sang et à le rectifier, d'en ôter une notable partie. Voyez PALLADIUS, Écon. rur., liv. xii, ch. 15.

(102) - Ergo si stantes et vivae siccescendo consenescunt. Ce sentiment est appuyé par l'autorité de Pline (Histt Nat., liv. xvi, ch. 79).

(103). - Robur. Le rouvre se maintient très bien en terre ; il se gâte à la mer. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 15, 79 et 81.

(104) - Ulmus. L'orme, constamment tenace et ferme, est recherché, dit Pline (Hist. Nat., liv. xvi, ch. 78 et 79), pour les tenons et les membrures des portes, parce qu'il ne se déjette pas; mais il faut l'employer de manière que la partie inférieure de l'arbre forme le haut des tenons, et la partie supérieure, le bas. li est propre à la marine, à la charpente, à la menuiserie, au charronnage et à l'ébénisterie. Sous ces deux derniers rapports, il est infiniment précieux.

(105) - Populus. La tige parfaitement droite du peuplier a l'avantage précieux de pouvoir être employée peu de temps après qu'elle a été débitée : elle fait peu de retrait, ne se tourmente pas, est facile à travailler, se varlope très bien et prend un beau poli. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 84.

(106) - Cupressus. Le bois de cyprès prend un fort beau poli dont la couleur est agréable à l'oeil. II est excellent pour couvrir les habitations, à cause de sa légèreté et de la finesse de son grain. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 79.

(107) - Abies. Le sapin, même lorsqu'il est posé en travers, peut soutenir des charges énormes. On le débite en planches que l'on emploie aux constructions navales et pour tous les arts qui s'exercent sur le bois. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 14, 81 et 82.

(108) - Alios alii generis. On trouve encore alii generis au liv. viii, ch. 3. On lit aussi dans Varron (Écon. rur., liv. 1, ch. 2) : Ad alii dei aram; dans Caton (cité par Priscien) : Tum uti eos mutent, et alii generis sim. Cicéron a dit (de la Divin., liv. Il, ch. 13) : Aliae pecudis jecur; et Tite-Live (liv. xxii, ch. 27) Aliae partis hominibus.

(109) -- Propter nodationis duritiem dicitur esse fusterna. C'est une observation qui n'a point échappé à Pline (Hist. Nat., liv. xvi, ch. 76). Ce mot fusterna se trouve dans tous les livres de Vitruve, soit manuscrits, soit imprimés. Selon la plus commune opinion, il serait primitif; Baldi et Saumaise croient néanmoins qu'il est dérivé de fustis, qui signifie bâton noueux.

(110) - Ima autem, quum excisa quadrifluviis disparatur. Les troncs des sapins étant coupés de travers présentent deux cercles de différentes fibres; lorsque l'arbre est fendu par le milieu et selon le fil, il laisse voir quatre séparations d'ondes différentes, ce qui fait appeler les troncs ainsi coupés quadrifluviati par Pline (Hist. Nat., liv. xvi, ch. 76).

(111) - Ejecto torulo. Le coeur de l'arbre, appelé par Théophraste φυτῶν μήτρα, est entouré de l'aubier que les architectes recommandent d'enlever, afin qu'il ne reste plus que la partie la plus compacte et la plus polie, τοῦ ξύλου πυκνότατον καὶ μαλακότατον, car, dit-il, παντὸς ξύλου σηληροστάτη καὶ μανοτάτη ἡ μήτρα, le coeur est la partie de tout arbre la plus dure et la plus dense. Pour exprimer ejicere torulum, Pline se sert du mot decorticare, qui ici a la même signification.

(112) - Sapinea vocatur. Poleni voudrait faire précéder ces deux mots de intima fusterna, parce qu'il les a trouvés dans un manuscrit et dans une édition de Vitruve. Je ne vois pas la nécessité de cette addition, que je trouverais même maladroite. La partie inférieure du sapin, celle qui n'a point de noeuds, s'élève jusqu'à sept mètres de terre ; elle s'appelle sapinea, par opposition à la partie supérieure nommée fusterna, à cause des noeuds qui la distinguent de l'autre. A quel propos appliquerait-on à cette partie inférieure les mots intimam fusternam? Pline, si souvent invoqué par le commentateur, ne les a point employés :

« Abietis quae pars a terra fuit, enodis est : hæc, qua diximus ratione, fluviata decorticatur, atque ita sapinus vocatur. » Disons en passant qu'une erreur assez grave est échappée au nouveau traducteur de Pline, M. Ajasson de Grandsagne, qui a traduit fluviata par après l'avoir fait flotter sur l'eau. Fluviata ne fait qu'indiquer ces ondulations produites par les veines qu'on remarque dans le sapin : d'où les expressions quadrifluviatus, quadrifluvium.

(113) - Contra vero quercus. Si le chêne se tourmente, c'est moins parce qu'il contient peu d'humidité, que parce qu'il est composé de parties inégales, les unes sèches, dures, fibreuses qui demeurent fermes; les autres humides, qui se déjettent lorsque leur humidité s'évapore après que le bois est mis en oeuvre. Voyez PLINE, Hist..Nat., liv. xvi, ch. 8.

(114) -- Fagus. Le bois de hêtre ne souffre point dans l'eau. Il sert à divers ouvrages de menuiserie et de charronnage ; le tourneur en fait l'arc régulateur de son tour; le marin lui demande ses avirons; le laboureur, ses instruments de culture, les colliers de ses bêtes de somme, etc. ; le meunier, tous les bois qui doivent rester dans l'eau; l'habitant des montagnes, sa chaussure; le constructeur, les éléments nécessaires pour construire les vais-seaux ; l'architecte, d'excellentes poutres et solives, quand l'arbre a subi les préparations convenables, sans lesquelles il se fend très aisément et est attaqué par les vers. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 14.

(115) - Salix. Le coeur du saule est recherché pour les cabestans et autres objets qui demandent de la légèreté. Le bois en est dur, plein, susceptible de recevoir un beau poli. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 68.

(116) - Tilia. Le bois du tilleul est tendre, mais point léger, comme l'assurent quelques auteurs. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 45.

(117) -. Alnus autem. Les tourneurs et les ébénistes travaillent souvent l'aune, parce qu'il prend très bien le noir, et qu'il donne des nodosités précieuses pour la marqueterie. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 79 et 81 .

(118) - Fraxinus. Le bois du frêne est dur, uni, blanc, liant ; il est très propre au charronnage et donne d'excellents manches d'outils; Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 79 et 83.

(119) - Carpinus. Le bois de charme est dur, compacte et blanc; il prend bien le poli, et est recherché pour les manches d'outils, pour les ouvrages du tourneur, du charpentier, du menuisier ; on s'en sert pour vis de pressoir, maillets, roues de moulin.

(120) - Et pinu. Le pin convient à la mâture, aux constructions; il est bon pour meubles, traîneaux, pilotis, canaux, baignoires, corps de pompes, etc. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 87.

(121) - Item cedrrus. Son bois résineux est réellement incorruptible. Le fameux temple de Jérusalem était en bois de cèdre, ainsi que le palais des rois persans à Persépolis, qui périt dans l'incendie commandé par Alexandre au milieu d'une débauche. Les architectes modernes en font peut-être trop peu de cas.

(122) - Juniperus. Avec le bois de genèvrier, qui est rougeâtre, agréablement veiné, susceptible de prendre un beau poli, et dont le grain est très fin, on fait de bons ouvrages de tour et de marqueterie. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 79.

(123) - Ex cedro oleum, quod cedrium dicitur, nascitur. Le grand cèdre auquel, selon Pline (Hist. Nat., liv. xiil et xxiv, ch. II), on donne le nom de cédrélate, produit une résine très estimée que Dioscoride nomme κέδρια, Galien κεδρέα, Paul Éginète κεδραία, Pline cedria, Vitruve cedrium. Le bois de cèdre dure éternellement : aussi jadis en faisait-on les statues des dieux. Les Égyptiens préparaient une liqueur appelée cedria pour l'embaumement de leurs momies de seconde classe. Elle avait la propriété de dissoudre les viscères. On l'introduisait dans le ventre, et lorsqu'elle avait produit l'effet voulu, on la laissait écouler; on couvrait ensuite le corps de natrum, et, après soixante-dix jours, on le remettait aux parents.

(124) -- Quo reliquae res unctae, uti etiam libri, a tineis et a carie non laeduntur. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 76; liv. xii, ch. 27; liv. xxiv, ch. 11.

(125) - Arboris autem ejus sunt similes cupresseae foliaturae. Tous les botanistes conviennent que le cèdre et le genévrier se ressemblent au point de ne pouvoir être distingués que par la différence du fruit. C'est plutôt au feuillage du genévrier qu'à celui du cyprès que ressemble le feuillage du cèdre.

(126) - Ephesi in aede simulacrum Dianæ. On doute de quel bois est la statue de la déesse. La plupart disent qu'elle est en ébène ; Mucien prétend qu'elle est en bois de vigne. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 79.

(127) - Larix vero quae non est nota. De tous les arbres que produit l'Italie, le larix donne le meilleur bois de charpente. Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch, 79 et 81.

(128) - Ab sui vehementi amaritate. Les botanistes savent qu'il n'y a pas de principe amer dans l'écorce du larix, d'où s'exhale seulement une odeur résineuse et agréable. Le mot amaritate ne tiendrait-il point la place de quelqu'autre mot?

(129) - Nec flammam recipit, nec carbonem rernittit. Pline et Palladius ont si souvent puisé dans Vitruve, qu'il ne faut pas s'étonner de les entendre émettre si souvent la même opinion. (Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvi, ch. 19, et PALLADIUS, Écon. rur., liv. XII, ch. 15). Cet arbre ne peut être celui qu'on nomme aujourd'hui mélèze. La principale qualité du larix de ces trois auteurs, qui est de ne pouvoir brûler, manque à notre mélèze, qui brûle fort bien et fait d'excellent charbon. On ne brûle même point d'autre bois dans tout le pays d'alentour, dit P. A. Mathiole. Cette propriété d'être incombustible doit passer pour fabuleuse, non seulement dans le larix, mais dans toute espèce d'arbre résineux et odorant.

(130) - Divus Caesar. Aucun historien de l'antiquité ne fait mention de ce château de Larignum, excepté Vitruve, qui probablement a été témoin du fait qu'il raconte.

(131) - Montis Apennini. La mer Tyrrhénienne est appelée Inférieure, et la mer Adriatique Supérieure. Voilà pourquoi les sapins fournis par la partie des Apennins qui s'étend vers la mer Tyrrhénienne s'appellent infernates, et .supernates ceux qui viennent de la partie qui est tournée vers la mer Adriatique.

(132) - Contra fretum. Le détroit qui sépare l'Italie de la Sicile.

(133) - Augentur amplissimis magnitudinibus. - Voyez PALLADIUS, Écon. rur., liv. xii, ch. 15.

(134) - Venarum rigore permanente. Cette version, adoptée par Perrault et Poleni, vaut en effet mieux que venarum rigorem permutantes, ou que venarurn rigore permanentes; elle signifie que les fibres des arbres dont les intervalles sont remplis de beaucoup d'humidité, étant éloignées les unes des autres lorsque le bois est vert, le rendent spongieux et lâche quand il vient à sécher, à cause du grand vide que cette humidité y laisse après qu'elle est absorbée : ce qui n'arriverait pas si, par la sécheresse, les fibres changeaient de place en se rapprochant et en se joignant les unes aux autres.

(135) - Ideo infernates, quae ex apricis locis apportantur. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. xvI, ch. 76.