EPISTOLA B. PAULINI AD PERPETUUM
EPISCOPUM.
Domino sancto ac
beatissimo patrono Perpetuo episcopo Paulinus.
Iterato asinae ora
reserastis qui mihi loquendi fiduciam
praestitistis, cum objecta ore in eo loco verecundius silentio conticescerem
quam imperita verbositate garrirem. Sed quaerit de suffragii assidui
suggestione: votum loquendo prodidere, domine sancte ac beatissime, specialis
apud Dominum patrono conversationis angelicae et apostolicae dignitatis. Ego
conscientia perurgente credideram etiam hoc fuisse nimium quod potueras notare
temerarium, ut ad illam virtutum tam perspicuam claritatem quasi illuminandus
accederem, lucemque tam claram tenebrarum mearum nube restringerem. Sed benigne
de his quae scripseram sentiendo duplicatis audaciam jussione, ut etiamnum illi
parietes consecrati versuum
meorum
ferant lituras, qui ad remedium imbecillitatis imbuimur. Versus per dominissimum
meum diaconum sicut praecepistis, emisi, quos pagina in pariete reserata
susciperet, etiam illis de visitatione Nepotuli mei memor tanti favoris
adjectis, quem charta inscripta virtutibus, et manu beatitudinis vestrae
subscripta sanaverat. Vestra praestabit oratio ut credulitas crescat auxiliis,
et quae adipisci cupimus, scribere quia permittimur, adeamus. |
A SON
SEIGNEUR SAINT, A SON BIENHEUREUX PATRON,
A PERPETUUS, ÉVÊQUE,
Vous
avez ouvert de nouveau la bouche de l'ânesse, car vous m'avez
inspiré le courage de parler, alors que, content de prêter l'oreille
en ce lieu, je gardais par retenue un profond silence plutôt que de
m'abandonner à l'intempérance grossière d'un indiscret bavardage.
Mais vos suffrages continuels m'ont suggéré le désir de reprendre la
parole, et je vais le satisfaire, ô seigneur saint et bienheureux,
mon patron spécial auprès du Seigneur, image des anges sur la terre
et digne successeur des apôtres. Les scrupules de ma conscience
m'avaient persuadé que j'avais été trop hardi, et tu avais pu
toi-même m'accuser de témérité, quand j'osai, comme pour en attirer
sur moi les reflets lumineux, m'approcher des splendeurs éclatantes
de tant d'œuvres miraculeuses, et envelopper du nuage de mes
ténèbres ces clartés éblouissantes. Mais vous avez avec
bienveillance approuvé mes écrits, et vous doublez aujourd'hui mon
audace, en me demandant encore un nouveau brouillon, pour charger
les parois sacrées de mes vers, qui se graveront dans nos cœurs pour
remédier à notre faiblesse. Je vous envoie donc, d'après vos
recommandations, par le diacre Dominissimus, mon ami, ces vers
auxquels vous ouvrez, sur le mur du temple, une page qui s'apprête à
les recevoir. J'y ajoute ceux que j'ai composés sur la Visitation de
mon petit-fils, en mémoire de l'incomparable faveur et de la
guérison qu'il obtint, grâce au recueil des miracles du saint, signé
de la main même de votre béatitude. Vos prières nous viendront en
aide pour que notre foi grandisse et se fortifie, et que nous osions
dans nos écrits, puisque vous le permettez, marquer le but que nous
brûlons d'atteindre.
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De visitatione nepotuli sui
INCIPIT VERSUS PAULINI DE VISITATIONE NEPOTULI SUI.
Quam modicam stillam
quanto torrente rependis,
Sancte Deus, licet
ipsa hujus vel guttula roris
A te tam sterili
data sit vel praestita cordi.
Non his obsequiis
tam largum flumen egebat,
Et tenuis levibus
foliis qui decidit humor
Tam profluo augmento
faceret dum labitur amni
Cum magis ad ramos
de rupi surgeret humor,
Dum virens fundit
nebularum stamina gurges,
Contiguumque rapit
sitiens vicinia frigus
Inque haec gutta
meas tetigit tam prodiga fauces,
Tangeris ut marmor
solidi crystalla fluenti.
Quantum haec sola
mihi ferret patientia donum
Ut nullam incideret
felix audacia culpam.
Nunc vero his etiam
duplicaret gratia signis
Ut nullo te fine
canam, venerande sacerdos,
Non finitur opus quo
susciter, addita crescunt,
Quae meminisse jubet
virtus, dum proditur astat,
Tune meas visus
lacrymas, tu fletibus illis
Fers miseratus opem,
te vitae altissimus auctor
Exorante gravis
cohibet lamenta senectae.
Ipsa salus vitam
revehit: dejecerat aegrum
Et pene exanimem
morbi vis tanta nepotem,
Conjunctamque eidem
nubendi lege puellam,
Ut vix jam tenui
spirarent corpora flatu,
Nec posset solers
tactus deprendere venas
Subtracti pulsus
filo languente latentes.
Me quoque submotum
pietas arcebat ab omni
Officio: exosam
vitabant lumina lucem,
Dum poena est
quodcunque vident. Spes una paventis
Cor tetigit juvenis,
causam mandare patrono,
Indulti et toties
proprii meminisse favoris.
Nuper contigerat
perlectam evolvere chartam
Quae tanti ad nosmet
meriti pervenerat, index
Innumera ut miris
fulgeret gratia signis,
Queis Dominus veri
meritum testatus amici,
Ornabat sanctum per
dona immensa sepulcrum.
Haec signa antistes
dextra signaverat alma
PERPETUUS, tanti
gavisus laude magistri.
Hanc igitur chartam
vix linguae murmure parvo,
Incunctante fide
spes non incerta poposcit.
Exanimi juveni vires
fiducia fandi
Praestitit, et
fessam laxavit gratia linguam.
Ergo inter medios
quos febris moverat ignes
Virtutum palmas
stomacho conjunxit anhelo,
Et rapuit recolendo
fidem quae scripsit in ipsis
Condita visceribus
quidquid conclusa tegebat
Pagina, et ad votum
velox medicina cucurrit.
Exiluit jussus tanta
ad miracula sudor,
Crevit et ad numerum
tanti quoque muneris ordo
Ut scribendo fidem
faciem quam scripta retentant:
Non tam pernici
suspendunt succina saltu
Festucam feni vicini
glute vaporis,
Quam citus ad
chartam madefacti corporis humor
Mandato celebrante
redit, saepe vita revertens
Affectu quaesivit
avum, quasi nuntia tanti
Muneris, et reliquis
jussit me jungere signis
Quam praesentit
opem, tali mandanda patrono est
Causa rei, assistit
propior clementia sanctis
Et culpae offensam
relevat tutela favoris.
Nec mora commoditas
numerum praegressa dierum
Qua saepe ignaros
spes dinumerata fefellit
Auxiliis orantis
adest, nec clauditur ullis
Gratia vera locis,
nec vires terminus arctat
Quas Deus accumulat,
propter curatio tangit
Qua Salvator adest:
tam longe abjuncta sepulcro
Cellula suscepit
quod mens attenta poposcit,
Atque ipsa est
ingressa locum, quo credita puncto.
Ille aeger,
lethumque pavens uxoris amatae,
Fit medicus,
suadetque fidem mittendo salutem,
Poscit et illa toris
quidquid persenserat iste.
Est certamen opem
retinere, et quaerere partam,
Hic possessa timet
dimittere, illa probatis
Se quoque salvari
festinat credula signis,
Se quoque salvari
festinat credula signis,
Sique dure inque
vices ambo orant, ambo retentant ( sic ),
Atque haerens uni
pietas succurrit utrique.
Grates, sancte, tibi
dum spiritus hos reget artus
Mens et lingua
canet, nunc respice caetera clemens
Membra domus,
celeris revehens fomenta salutis
Et tibi commissam
propior solare senectam,
Optata indulgens
propere, vel praestita servans.
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SUR
LA VISITATION DE SON PETIT-FILS.
Quel
torrent
tu nous dispenses, Dieu saint, pour prix d'une goutte légère! et
encore cette gouttelette de rosée, c'est toi qui l’as donnée, qui
l’as fournie à ce cœur stérile ! Un fleuve si riche n'avait pas
besoin de notre humble tribut; la pauvre larme qui découle du léger
feuillage ne pourrait accroître, en tombant dans le fleuve, le
trésor de ses ondes, car c'est plutôt l'arbre qui profite, au
contraire, de l'humidité qui monte du rivage vers ses rameaux, quand
du sein de l'abîme s'élève un limpide réseau de vapeurs
transparentes, et que le voisinage altéré vient au bord des eaux
aspirer la fraîcheur. Cette goutte de ta rosée a si abondamment
coulé dans mon gosier, qu'elle a pénétré d'un doux murmure le
cristal de ma veine glacée. Quelle faveur pour moi si je pouvais
être absous, même par tolérance, si mon heureuse audace ne
m'attirait aucun reproche ! Aujourd'hui encore ta grâce se signale
envers moi par un double bienfait, ô vénérable évêque ! tu veux que
je te chante sans cesse ; tu ne mets point de terme à tes prodiges,
afin d'exciter ma verve ; tu les prodigues, tu les multiplies, pour
me forcer à en conserver le souvenir, et ta puissance m'assiste à
l'instant même où ma voix la révèle. N'est-ce pas toi, en effet, qui
me visites dans ma douleur, qui as pitié de mes larmes et soulages
ma peine ? Vaincu par tes prières, l'auteur suprême de nos jours
allège les chagrins et le fardeau de ma vieillesse.
C'est le
salut de l'âme qui rend la vie au corps. Abattus par une maladie
cruelle, mon petit-fils et la jeune compagne que les lois du mariage
devaient unir à lui, allaient mourir. Telle était la violence du
mal, que leur poitrine exhalait à peine encore un faible souffle, et
qu'une main habile ne pouvait retrouver le fil caché de leurs veines
défaillantes, dont les battements avaient cessé. Je n'avais pas le
courage de les approcher ; c'était pour ma tendresse un devoir trop
pénible : mes yeux fuyaient le jour, je maudissais la lumière ; car
tout ce que je voyais faisait mon supplice. Un dernier espoir
rassura le cœur tremblant du jeune homme : il voulut confier sa
cause au patron sacré ; il se rappela les faveurs que sa
grâce avait tant de fois accordées près de nous. Il avait eu,
quelques jours auparavant, le bonheur de dérouler et de lire un
papier que nous avions reçu et qui renfermait la preuve des mérites
de Martin : c'était la relation de ces miracles brillants et sans
nombre accomplis par le Seigneur, qui, pour attester la puissance de
son véritable ami, embellissait le tombeau du saint de ses dons
incomparables. Ce recueil était signé de la vénérable main de
l'évêque Perpetuus, heureux de constater la gloire de son illustre
maître. Le malade demande ce papier : sa langue ne peut qu'avec
peine murmurer quelques mots, mais sa foi n'est pas douteuse et son
espoir est certain. Cette sainte assurance donne au jeune mourant la
force de parler, et la grâce détend sa langue fatiguée. Aussitôt, au
milieu des feux allumés par la fièvre, il applique ces palmes des
miracles sur sa poitrine haletante ; et repassant en sa mémoire
chacun des actes retracés par la foi et gravés par elle en son cœur,
il attire à lui tout ce que ces pages renfermaient de vertu secrète,
et la guérison s'empresse d'accourir au gré de ses vœux. La sueur
jaillit sous l'influence de ces grandes merveilles : ce nouveau
bienfait, par sa grandeur et son mérite, s'éleva au niveau des
autres, pour que le récit qu'on en ferait confirmât la vérité du
récit de ces premiers prodiges. Le brin de paille qui s'élance d'un
mouvement rapide vers le succin, dont la chaleur attractive l'enlève
et le suspend dans l'air, monte avec moins de vitesse que cette
moiteur salutaire qu'une invincible volonté provoque et ramène vers
ces pages, d'où elle se répand sur tous les membres. L'espoir du
malade se réalise : il revient à la vie ; dans sa tendresse il
appelle son aïeul, il veut lui annoncer ce merveilleux bienfait : il
me force ainsi d'ajouter au nombre des anciens prodiges la guérison
qu'il a su pressentir. « Voilà, lui dis-je, à quel défenseur un
coupable doit confier le soin de sa cause ; la clémence du saint
l'assiste de plus près, et sa faveur tutélaire atténue la gravité du
péché. » Bientôt en effet, devançant le nombre de jours qui déjoua
si souvent l'espoir et les calculs d'un malade ignorant, la santé
reparaît secondée par la prière. La grâce efficace ne saurait
s'enfermer dans d'étroites limites ; il n'est point de bornes
capables d'arrêter le développement des forces que Dieu déploie : le
remède approche et opère là où paraît le sauveur. Bien que séparée
du sacré tombeau par une longue distance, une pauvre chambre reçoit
la guérison qu'un cœur fervent implore, et la santé entre au logis à
l'heure même où le croyant l'appelle. Ce malade, qui tremblait de
mourir, devient le médecin de la femme qu'il aime ; il lui conseille
la foi pour lui envoyer le salut. Elle demande à son fiancé le
secours dont il a lui-même ressenti les effets. Lutte touchante !
l'un voudrait garder le bien qui lui est acquis, l'autre voudrait
l'obtenir à son tour ; le mari craint de se dessaisir de son trésor,
mais la femme, non moins confiante en ces saintes pages, est
impatiente d'éprouver aussi leur salutaire influence que des signes
certains lui révèlent. Et pendant qu'ils passent ainsi l'un et
l'autre du refus à la prière et de la prière au refus, le livre
pieux, appliqué sur un seul, leur profite à tous deux.
Grâces
te soient rendues, ô saint évêque! tant qu'un souffle de vie animera
ce corps, mon cœur et ma langue chanteront tes louanges. Et
maintenant jette un regard de bonté sur les autres membres de cette
famille ; apporte-leur au plus tôt les remèdes vivifiants du salut,
veille de plus près au soulagement de cette vieillesse vouée à ton
culte, dispense-lui sans retard les biens qu'elle désire,
conserve-lui les dons qu'elle a reçus.
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