PROLOGUS.
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PROLOGUE
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Evax rex Arabum legitur scripsisse
Neroni,
Qui post Augustum regnavit in Urbe secundus,
Quot species lapidum, quae nomina, quive colores,
Quaeve sit his regio, vel quanta potentia cuique.
Hoc opus excipiens dignum, componere duxi
Aptum gestanti forma breviore libellum,
Qui mihi praecipue, paucisque pateret amicis;
Nam majestatem minuit qui mystica vulgat,
Nec secreta manent, quorum fit conscia turba.
Hunc tribus, ut multum, dandum sancimus amicis.
Qui numerus sacer est , et nos sacra pandimus illis.
Qui secreta Dei servando decenter honorant,
Quos gravitas morum, vitae commendat honestas.
Occultas etenim lapidum cognoscere vires,
Quarum causa latens effectus dat manifestos,
Egregium quoddam volumus rarumque videri;
Scilicet hinc solers medicorum cura juvatur.
Auxilio lapidum morbos expellere docta:
Nec minus inde dari certarum commoda rerum
Auctores perhibent, quibus haec perspecta feruntur.
Nec dubium cuiquam debet falsumve videri,
Quin sua sit gemmis divinitus insita virtus.
Ingens est herbis virtus data, maxima gemmis. |
Evax, roi d'Arabie, avait écrit,
dit-on,
Un livre curieux pour l'empereur Néron :
Des gemmes il disait le nom, la provenance,
La forme, la couleur, l'espèce, la puissance.
Ce sujet me séduit à mon tour, et je veux
En faire un traité clair et peu volumineux.
Ce livre est réservé pour mes amis d'élite.
Ce que sait le vulgaire a perdu son mérite :
N'allons point profaner les mystères trahis!
Mon trésor n'est ouvert que pour trois seuls amis,
Gens craignant Dieu, discrets, graves, de mœurs austères;
Trois ! ce nombre sacré convient bien aux mystères.
Pénétrer jusqu'au fond de ces pierres, savoir
Leurs secrètes vertus, leur occulte pouvoir;
De merveilleux effets approfondir la cause,
Certes, c'est, à mon sens, une bien rare chose !
A ces divins cristaux le médecin savant,
Contre la maladie a recours très souvent.
Je montrerai, d'après les écrits des vieux sages,
Que l'on en peut tirer bien d'autres avantages.
Et pour quelle raison douter ou s'étonner
Du pouvoir que le ciel a voulu leur donner?
Le grand Dieu qui prêta des vertus au brin d'herbe
Devait-il moins doter le diamant superbe? |
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I. DE ADAMANTE.
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I. — LE DIAMANT.
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Ultima praecipuum genus India fert
adamantis,
De crystallorum natum sumptumque metallis.
Hunc ita fulgentem crystallina reddit origo ,
Ut ferruginei non desinat esse coloris:
Cujus durities solidissima cedere nescit,
Ferrum contemnens, nulloque domabilis igne.
Quae tamen hircino calefacta cruore fatiscit.
Incudis damno, percussorumque labore,
Hujus fragmentis gemmae sculpuntur acutis.
Hic sed avellana major nuce non reperitur.
Alterius generis producit Arabs adamantem,
Non sic invictum: nam frangitur absque cruore.
Nec par huic nitor est, pretiique minoris habetur,
Pondere sit quamvis, et enormi corpore major.
Tertius est adamas quem dat maris insula Cyprus.
Quartum producit ferraria vena Philippis.
Omnibus aequa tamen vis est adducere ferrum;
Quod facit et magnes absente potens adamante:
Nam praesens adamas magneti, quod rapit, aufert.
Ad magicas artes idem lapis aptus habetur,
Indomitumque facit mira virtute gerentem;
Et noctis lemures, et somnia vana repellit.
Atra venena fugat, rixas et jurgia mutat.
Insanos curat, durosque reverberat hostes.
Clausus in argento lapis hic, aurove feratur,
Cingat et hinc laevum fulgens armilla lacertum. |
L'Inde extrême produit le plus beau
diamant.
Des mines de cristal on l'extrait seulement.
Comme pour rappeler le lieu de sa naissance,
Il brille, et de l'acier conserve la nuance.
II est de tous les corps réputés le plus dur.
Il émousse le fer; je tiens même pour sûr
Que le feu n'y peut rien; et pour que l'on parvienne
A l'entailler, il faut que d'abord on le tienne
Quelques instants plongé dans le sang d'un chevreau.
Chaque fragment que fait éclater le marteau,
Des autres gemmes sert à tailler les facettes.
Les blocs n'en sont jamais plus gros que des noisettes.
Dans l'Arabie on trouve un autre diamant
Beaucoup plus grand, plus lourd, mais bien moins résistant,
Moins éclatant, et moins prisé par cela même.
Dans la mer, près de Cypre, on en pêche un troisième;
Des mines de la Grèce un autre est retiré.
Par tous les diamants le fer est attiré
Car ils ont de l'aimant la vertu magnétique.
Ils peuvent mieux encore, et leur force est unique :
Si vous mettez la gemme en face de l'aimant,
Bientôt l'aimant dompté suivra le diamant.
Cette pierre est utile en l'art de la magie;
Elle remplit le cœur de force et d'énergie;
Elle peut dissiper les rêves fatigants,
Fantômes de la nuit, larves et revenants;
Détruire des poisons la funeste influence,
Apaiser les conflits et guérir la démence :
Elle sait nous venger de tous nos ennemis.
Montez en bracelet ces gemmes de grand prix,
Que dans l'or ou l'argent l'orfèvre les enchâsse;
Que ce bijou toujours à sénestre se place. |
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II. DE ACHATE.
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II. — L'AGATHE.
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Ut perhibent primum, lapis est
inventus achates
In ripis fluvii, qui nomine dictus eodem.
Hic pretio dives, Siculas perlabitur oras.
Sic licet ipse niger , zonis tamen obsitus albis.
Hic lapis ingenitas memoratur habere figuras;
Cujus nativis facies interlita venis,
Nunc regum formas, nunc dat simulacra deorum.
Rex Pyrrhus digito gessisse refertur achatem,
Cujus plana novem signabat pagina musas.
Et stans in medio citharam tangebat Apollo;
Naturae, non artis opus, mirabile dictu.
Hunc quoque corallo similem gerit insula Creta;
Cujus planities criseis est illisa venis.
Iste nempe virus fugat, et quod vipera fundit.
Reddentem varias facies dat et Indus achatem;
Nunc nemorum frondes, nunc dantem signa ferarum.
Hic sedare sitim, visumque fovere putatur,
Est et qui myrrhae succensus spirat odorem.
Sanguineas maculas est qui perhibetur habere.
Cerea cui facies, quia creber, vilis habetur.
Portantem munit , viresque ministrat achates,
Facundumque facit, gratumque, bonique coloris,
Et persuasorem, mundoque, Deoque placentem.
Hoc Anchisiades comitante pericula vicit. |
La rive d'un ruisseau portant le môme
nom
En Sicile, fournit ce caillou de renom.
Il est noir, traversé partout de blanches lignes,
Qui s'enchevêtrant, font des ligures insignes;
Et la nature y peint d'un crayon merveilleux
Ou le portrait des rois ou le portrait des dieux.
Pyrrhus avait pour bague une agathe admirable,
Sur laquelle on voyait (chose à peine croyable)
Des neuf muses le chœur et le blond Apollon,
Assis au beau milieu, jouant du violon.
Or, l'art n'était pour rien dans cette portraiture,
Et c'était de tout point l'œuvre de la nature.
L'agathe de la Crète est semblable au corail,
Un rose vif et clair nuance son émail,
Qui chasse les serpents et guérit leurs morsures.
Dans l'agathe de l'Inde on voit mille figures :
Des immenses forêts, c'est le feuillage ombreux;
Du tigre ou du lion, c'est le profil affreux.
Cette espèce, dit-on, trompe la soif qui tue,
Et de plus, on la croit favorable à la vue.
Une autre de la myrrhe exhale au loin l'odeur;
D'une tache de sang, une autre a la couleur;
Semblable à de la cire, enfin il en est une
Que l'on prise assez peu, parce qu'elle est commune.
L'agathe défend l'homme et le rend vigoureux,
Éloquent, séduisant : donne un teint gracieux,
Fait qu'à Dieu comme au monde on parait agréable.
Enée avait toujours une pierre semblable,
C'est grâce à son secours qu'il put tant voyager,
Chaque jour échappant à-quelque affreux danger. |
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III. DE
ALLECTORIO.
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III. — L'ALLECTOIRE.
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Ventriculo galli, qui testibus est viduatus ,
Cum tribus, ut minimum, factus spado, vixerit annis,
Nascitur ille lapis, cujus non ultima laus est,
Et per bis binos capit incrementa sequentes,
Mensuramque fabae crescens excedere nescit.
Crystallo similis, vel aquae, cum limpida paret.
Huic allectorio nomen posuere priores.
Invictum reddit lapis hic quemcunque gerentem,
Exstinguitque sitim patientis in ore receptus.
Nam Milo Crotonias pugiles hoc praeside vicit.
Hoc etiam multi superarunt praelia reges.
Hoc expulsorum promptus solet esse reductor,
Acquiritque novos, veteresque reformat honores
Hic oratorem verbis facit esse disertum,
Constantem reddens, cunctisque per omnia gratum
Hic circa Veneris facit incentiva vigentes.
Commodus uxori quae vult fore grata marito.
Ut bona tot praestet clausus portatur in ore. |
Cette pierre, qu'on vante avec tant de
raison,
Provient, qui le croirait, du ventre d'un chapon.
Elle y naît seulement dans la troisième année,
Après qu'au célibat la bête est condamnée.
Il faut quatre ans entiers pour qu'elle ait sa grosseur,
Mais, au plus, d'une fève elle atteint la grandeur.
Claire comme un cristal ou l'eau qu'on y va boire,
Les anciens l'ont connue et nommée allectoire.
Jamais on ne vaincra son heureux possesseur;
Elle met dans la bouche un foyer de fraîcheur.
C'est par elle qu'on vit l'athlète de Crotone,
Du pugilat gagner tant de fois la couronne.
Combien, parmi les rois, lui doivent leurs succès!
Du pays aux bannis elle rouvre l'accès,
Leurs honneurs et leurs biens leur sont rendus par elle;
Souvent elle leur donne une faveur plus belle.
Par elle, un orateur est fécond, entraînant;
Un jouvenceau par elle est constant et charmant.
Elle donne aux amants une ferveur nouvelle,
A l'épouse elle rend l'époux toujours fidèle.
Pour avoir tous les biens que je viens de noter,
On la doit constamment dans la bouche porter. |
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IV. DE JASPIDE.
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IV. — LE JASPE.
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Jaspidis esse decem species septemque
feruntur.
Hic et multorum cognoscitur esse colorum,
Et multis nasci perhibetur partibus orbis.
Optimus in viridi translucentique colore,
Et qui plus soleat virtutis habere probatur.
Caste gestatus fugat et febres, et hydropem ,
Appositusque juvat mulierem parturientem,
Et tutamentum portanti creditur esse;
Nam consecratus gratum facit atque potentem,
Et sicut perhibent, phantasmata noxia pellit.
Hujus in argento vis fortior esse putatur. |
Des jaspes on connaît dix-sept
variétés.
On le trouve partout, divers de qualités.
La principale espèce est verte et transparente;
Par ses vertus surtout, c'est la plus importante.
Ce jaspe est un trésor, lors d'un accouchement,
Si celle qui le porte a vécu chastement;
Pour la fièvre il n'est pas de meilleur spécifique,
Dans la même hypothèse; il guérit l'hydropique.
Pour servir aux prélats, l'Église le bénit.
On dit qu'il fait enfuir les fantômes de nuit,
Qu'il est dans le péril une sûre défense,
Et qu'il donne à la fois la grâce et la puissance.
Pour sentir à coup sûr son effet bienfaisant,
De préférence il faut l'enchâsser dans l'argent. |
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V. DE SAPPHIRO.
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V. — LE SAPHIR.
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Sapphiri species digitis aptissima
regum,
Egregium fulgens, puroque simillima coelo,
Vilior est nullo virtutibus atque decore.
Hic et syrlites lapis a plerisque vocatur,
Quod circa syrtes Lybicis permistus arenis,
Fluctibus expulsis, fervente freto reperitur.
Ille sed optimus est, quem tellus medica gignit.
Qui tantum asseritur nunquam transmittere visum;
Quem natura potens tanto ditavit honore,
Ut sacer et merito gemmarum gemma vocetur:
Nam corpus vegetat, conservat et integra membra.
Et qui portat eum, nequit ulla fraude noceri.
Invidiam superat, nullo terrore movetur.
Hic lapis, ut perhibent, educit carcere vinctos,
Obstructasque fores, et vincula tacta resolvit,
Placatumque Deum reddit, precibusque faventem.
Fertur et ad pacem bonus esse reconciliandam;
Et plusquam reliquas amat hanc hydromantia gemmam,
Ut divina queat per eam responsa mereri
Scilicet ardorem refrigerat interiorem,
Sudorem stringit nimio torrente fluentem,
Contritus lacti superillitus ulcera sanat,
Tollit et ex oculis sordes, ex fronte dolorem.
Et vitiis linguae simili ratione medetur.
Sed qui gestat eum, castissimus esse jubetur. |
Rien, mieux que le saphir, n'orne une
main royale.
Bleu comme le ciel pur, nulle pierre n'égale
Sa beauté, son éclat et surtout sa vertu.
Sous le nom de syrtide il est aussi connu,
Parce qu'il est cueilli quand la mer africaine
Retire et laisse à sec la syrte libyenne.
Un autre genre vient de Médie, excellent,
Bien qu'on dise qu'il n'est jamais très transparent.
Le ciel lui départit tant de vertus suprêmes,
Qu'on la nomme à bon droit la gemme entre les gemmes :
Elle sait de la vie assouplir les ressorts,
Garder les membres sains et rajeunir le corps.
Elle met au-dessus de l'erreur, de l'envie,
Elle rassure l'âme à la crainte asservie;
Elle peut, des captifs, entrouvrant la prison,
Rompre et briser les fers; du moins l'affirme-t-on.
Elle apaise le ciel, et, calmant ses colères,
Elle rend le Seigneur propice à nos prières.
Entre les ennemis elle amène la paix.
Le nécromancien l'emploie avec succès,
Pour obtenir d'en haut la réponse voulue.
Cette pierre sans prix, mise en poudre et moulue,
Du mal intérieur rafraîchit les ardeurs,
Dessèche et ralentit sur le corps.les sueurs;
D'un sein tuméfié cicatrise l'ulcère;
Purge l'œil chassieux et sèche la paupière;
Guérit les maux de tête et de bouche. Un cœur pur
Tire seul ces profits de la pierre d'azur. |
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VI. DE CHALCEDONIO.
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VI. — LA CHALCÉDOINE.
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Chalcedon lapis est hebeti pallore
refulgens,
Chalcedon lapis est hebeti pallore refulgens,
Inter jacinthum medioximus atque beryllum;
Qui si pertusus digito colloque geratur,
Is qui portat eum perhibetur vincere causam.
Haec species lapidis tantum tricolor reperitur. |
Elle a
de doux reflets dans sa teinte effacée.
Qu'en bague, qu'en collier on la porte percée,
Elle assure le gain des dangereux procès;
Elle est en toute chose un gage de succès.
Elle tient du béryl et de la hyacinthe:
Unique en son espèce, elle est triple en sa teinte. |
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VII. DE SMARAGDO.
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VII. — L'ÉMERAUDE.
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Omne virens superat forma viridante
smaragdus;
Cujus bis quinae species, binaeque feruntur.
Sunt etenim Scythici, Bactani , Niliacique.
Sunt et qui venis nasci perhibentur in aeris,
Quos maculis vitiosa notat natura metalli.
Sunt Chalcedonii, residos piget enumerare.
Praecipuus Scythicis honor est et gratia major.
Grissibus eripiunt servantibus hos Arimaspi.
Quos visus penetrat, famae potioris habentur;
Quorum luce virens vicinus tingitur aer;
Quos neque sol mutat, nec clara lucerna, nec umbrae.
Strata superficies quibus est, vel concava forma,
More jacentis aquae, vultum spectantis adumbrat.
His usum speculis testatur fama Neronem,
Cum gladiatorum pugnas spectare liberet.
Optimus his situs est quorum sunt corpora plana.
Commodus iste lapis scrutantibus abdita fertur
Cum praescire volunt ac divinare futura.
Auget opes lapis hic sese reverenter habentis,
Omnibus in causis dans persuasoria verba,
Tanquam facundi sit vis sermonis in illa.
Collo suspensus durum fugat erutriceum ,
Et sanare potest ipsa ratione caducos.
Emundat fessos viridi mulcedine visus,
Et tempestates avertere posse putatur.
Fertur lascivos etiam compescere motus.
Perficit in viridem magis exactumque colorem ,
Ablutus vino viridique perunctus olivo. |
L'admirable émeraude, en ses tons
chauds et verts,
Surpasse tout ce qui verdit dans l'univers.
Sous douze noms divers cette pierre est décrite -.
On connaît, en effet, l'émeraude du Scythe,
Et celle du Persan, celle des bords du Nil;
Encore celle qui se l'orme, paraît-il,
Dans les veines du cuivre, et qui porte la trace
De ce métal, et qui... Les autres, je les passe.
A celle de Scythie est dû le premier rang.
Mais le griffon la garde, amoureux vigilant,
Et, pour s'en emparer, il faut que le Sarmate
Tienne tête à l'oiseau terrible et le combatte.
On estime surtout un bloc bien transparent
Qui de ses reflets verts teint l'air environnant,
Qui brille également au grand soleil, à l'ombre,
Aux lueurs des flambeaux éclairant la nuit sombre.
Si sa face est concave, ou plane seulement,
C'est contre le soleil un miroir excellent,
Dont Néron se servait pour suivre dans l'arène
Les amusants détails d'une hécatombe humaine.
Il est commode encor pour l'habile devin
Qui plonge un œil hardi dans l'avenir divin.
L'émeraude enrichit jusques à l'opulence
Celui-qui pour elle a respect et révérence.
Elle rend l'avocat logique, convainquant,
On dirait qu'à coup sûr elle fait éloquent.
Pour la suspendre au col, d'ordinaire on la perce;
Elle dissipe ainsi la fièvre double tierce.
Elle rend la raison aux pauvres insensés.
Son verdâtre reflet convient aux yeux lassés.
Elle apaise les mers par l'orage agitées,
Et par les passions les âmes tourmentées.
En la trempant dans l'huile et le vin, on s'en sert
Pour fabriquer sans peine une encre d'un beau vert. |
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VIII. DE
SARDONICE.
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VIII. — LA SARDOINE.
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Sardonicem faciunt duo nomina, sardus
et onyx.
Tres capit ex binis unus lapis iste colores.
Albus in his nigro, rubeus supereminet albo.
Ipsum distribuunt species in quinque magistri.
Sed qui tres puros impermistosque colores
Sic in se retinent, ut distent limite certo.
His honor amplior est, et eorum forma probatur.
Densior et clarus plus fertur habere decoris,
Hic solus lapidum ceram convellere nescit.
Hic humilem castumque decet, vultuque pudentem.
Cujus virtutes alias reperire nequivi.
Partibus hunc nostris Arabes, sed et India mittit.
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A deux pierres, ses sœurs, elle
emprunte son nom,
La sardine et l'onyx : des deux elle a le ton;
Car elle est à la fois et rouge, et blanche, et noire.
De cinq variétés les maîtres font mémoire.
Lorsqu'une ligne nette, en espaces égaux,
Répartit la couleur de chacun des émaux,
De façon que les tons n'offrent aucun mélange,
La pierre est sans reproche et digne de louange;
Si le grain en est dense, et si vif le reflet,
On possède un bijou de tous les points parfait.
Seule, elle ne laisse pas d'empreinte sur la cire.
La sardoine convient à l'homme qui n'aspire
Qu'à garder son cœur chaste et son humilité.
Elle a sans doute encor quelque autre qualité,
Mais je n'en ai rien pu trouver dans aucun livre.
C'est l'Arabie ou bien l'Inde qui nous la livre. |
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IX. DE ONYCE.
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IX. — L'ONYX.
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At collo suspensus onyx, digitove
ligatus,
In somno lemures et tristia cuncta figurat.
Multiplicat lites, et commovet undique rixas.
Dicitur et pueris nimias augere salivas.
Hunc quoque dant nobis Arabes, dat et India gemmam.
Haec etiam quinas species perhibetur habere.
Sanlius at praesens si sit tibi non nocet onyx.
Nomen ab ungue trahens Graeci sermonis in usu.
Nam quos nos ungues nostro sermone vocamus,
Hos υχος patrio solet ille vocare.
Sardius at praesens si sit tibi, non nocet Onyx. |
Qu'on le porte en collier, qu'on le
porte en anneau,
L'onyx attriste l'âme et remplit le cerveau
De sombres visions, de larves, de fantômes.
L'onyx sème partout la haine entre les hommes,
Éveille la chicane et les combats sanglants,
Et fait avec excès saliver les enfants.
C'est l'Arabie et l'Inde encor qui le produisent.
En cinq variétés les auteurs le divisent,
Et lès Grecs autrefois lui donnèrent son nom
D'un mot qui veut dire ongle en leur langue, croit-on.
Portée en même temps, la sardine conjure
Et guérit tous les maux que l'onyx nous procure. |
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X. DE SARDIO.
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X. — LA SARDINE.
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Sardius a Sardis est, a quibus ante
repertus ,
Sortitus nomen. Rubei solet esse coloris.
Hic inter gemmas utilissimus esse probatur,
Praeter fulgorem cum nil ferat utilitatis;
Excepto quod onyx nequit hoc praesente nocere.
Huic quoque dat quinas species studiosa vetustas.
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Cette gemme est trouvée à Sardes, en
Lydie,
Et de là vient son nom. Elle est rouge et jolie,
Et n'aurait d'autre prix pour nous que sa beauté,
Si Dieu n'avait voulu, pour notre utilité,
Qu'elle fut de l'onyx l'antidote efficace.
En cinq variétés l'antiquité la classe. |
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XI. DE
CHRYSOLITHO.
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XI. — LA CHRYSOLITHE.
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Auro Chrysolithus micat, et scintillat
ut ignis.
Iste mari similis, quoddamque viroris adumbrans.
Esse philacterium fixus perhibetur in auro.
Contra nocturnos fortis tutela timores.
Pertusus setis si transjiciatur aselli,
Daemones exterret, et eos agitare putatur.
Trajectum laevo decet hunc portare lacerto.
Aethiopes legimus nobis hanc mittere gemmam. |
Dans ses reflets dorés, elle a l'éclat
du feu ;
Elle a de l'Océan le ton verdâtre et bleu.
Dans l'or pur enchâssée, elle sert d'amulette,
Et chasse les terreurs d'une nuit inquiète.
Simplement enfilée avec un crin d'ânon
Et portée au bras gauche, elle donne au démon
Un épouvantement, qui le trouble,' l'agite;
Et, ce qui vaut bien mieux, le met soudain en fuite.
Cette gemme, qui vaut à l'homme un si grand bien,
Est un produit heureux du sol éthiopien. |
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XII. DE BERYLLO.
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XII. — LE BÉRYL.
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Conspicuos reddit sexangula forma
beryllos.
Qui nisi fiat hebes, his pallor inesse videtur.
Eximios oleo similes lymphaeve marinae
Esse volunt, et eos probat horum gnara vetustas.
Hic lapis ad nostras partes descendit ab Indis.
Hic est conjugii gestare refertur amorem,
Et se portantem perhibetur magnificare.
Dicitur et sese stringentis adurere dextram.
Infirmis oculis in qua jacet unda medetur,
Potaque ructatus simul et suspiria tollit.
Hepatis et cunctos fertur curare dolores.
Istius esse novem species voluere magistri. |
Le béryl, qu'embellit la forme
hexagonale,
Est presque sans couleur dans sa nuance pâle.
Les anciens estimaient celui dont le ton-clair
Rappelle l'huile pure ou bien l'eau de la mer.
Il inspire aux époux une égale tendresse,
Il endurcit la main qui le tient et le presse.
On se sert pour les yeux de l'eau qui l'a trempé,
Et quiconque en boira, sentira dissipé
Ce flot de gaz qu'en rots l'estomac nous envoie.
Cette eau guérit aussi de tous les maux du foie.
On classe les béryls en neuf variétés,
Et tous nous sont de l'Inde en Europe apportés. |
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XIII. DE TOPAZIO.
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XIII. — LA TOPAZE.
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Nominis ejusdem topazion insula
gignit,
Qui quanto rarus , tanto magis est pretiosus.
Hic species tantum binas perhibetur habere.
Alterius puro color est vicinior auro.
Clarior alterius tenuisque magis reperitur.
Fertur emoroicis idem lapis auxiliari;
Quodque magis mirum, lunam sentire putatur.
Ferventes etiam compescere dicitur undas.
Gignit et hunc Arabum gemmis ditissima tellus. |
Une île de ce nom l'aurait jadis
produite;
Sa grande rareté décuple son mérite.
Les maîtres ont connu deux sortes seulement :
La jaune, qui ressemble à l'or absolument;
L'autre, plus transparente, à teintes plus livides.
La topaze, dit-on, pour les hémorroïdes,
Est un soulagement facile et précieux.
Elle a d'autres effets beaucoup plus curieux :
Avec la seule lime on la taille, on la ronge;
Si dans un vase plein d'eau bouillante on la plonge,
On voit cesser soudain tous les bouillonnements.
L'Arabie en produit, terre des diamants. |
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XIV. DE HYACINTHO.
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XIV. — LA HYACINTHE.
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Jacinti species docti tres esse
loquuntur;
Nam sunt granati, sunt citrini, venetique.
Confortativae cuncti virtutis habentur,
Tristitiamque fugant et vanas suspiciones.
Granatos praefert gemmarum quisque peritus.
His rufus color est, et rarius inveniuntur.
Caeruleus Veneto, qui protinus aera sentit,
Nubilus obscuro, rutilans clarusque sereno.
Optimus huic tenor est, quem non aut densior equo
Obscurat succus, aut rarus perspicuum dat.
Sed flos purpureus mistum componit utroque.
Hic et in os missus plus frigidus esse putatur.
Duritie solida caedi sculpique recusat,
Fragmentisque tamen superabilis est adamantis
Pallida citrinos facies probat inferiores
Sed quodcunque genus collo suspendere possis,
Vel digito portes, terras securus adibis,
Nec tibi pestiferae regionis causa nocebit.
Sed magis hospitibus censebere dignus honore;
Justaque si qua petes, nullam patiere repulsam.
Aethiopes nobis transmittunt hanc quoque gemmam,
Cum multis aliis vitae communis in usum. |
Sous trois genres distincts, classés
par les couleurs,
Cette gemme est décrite en tous les vieux docteurs :
Grenat, citron, azur, l'une ou l'autre nuance
A pour fortifier une égale influence.
Toutes trois chasseront les soupçons faux et vains,
Et la noire tristesse et les sombres chagrins.
La rouge est la-plus rare, et, partant, la plus chère;
A tons les changements que subit l'atmosphère
L'azurée est soumise : éclatante au soleil,
Sombre quand le brouillard voile le ciel vermeil.
Aux lèvres rien n'apporte autant de fraîcheur qu'elle.
On craint également, quand on la veut très belle,
Ou trop de transparence ou trop de densité.
Il faut que de la fleur elle ait le velouté.
On ne peut la sculpter : pour polir cette pierre,
Il faut du diamant employer la poussière.
La jaune, de beaucoup, est jugée au-dessous
De ses sœurs. Cependant, si vous portez sur vous
L'une ou l'autre des trois, courez en paix la terre ;
Des' pays empestés le séjour délétère
Est sans danger pour vous. En tous lieux bien venu,
Partout on vous rendra l'honneur qui vous est dû :
On vous accordera votre juste requête,
Et de vous héberger chacun se fera fête.
Avec d'autres trésors, créés pour notre bien,
Cette pierre nous vient du sol éthiopien. |
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XV. DE CHRYSOPRASSO.
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XV. — LA CHRYSOPRASE.
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At chrysoprassum lapidum domus India
mittit.
Hic porri succum referens, mistusque colore,
Aureolis guttis quasi purpura tincta renidet.
Quas habeat vires potui cognoscere nondum;
Sed tamen esse reor, nec fas est omnia nosse. |
On dirait un porreau semé de gouttes
d'or;
On la tire de l'Inde, insondable trésor,
Véritable palais des pierres précieuses.
Je n'ai point découvert les vertus curieuses
De cette chrysoprase, et connu son pouvoir.
Sans doute elle en a : mais je ne puis tout savoir. |
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XVI. DE AMETHYSTO.
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XVI. — L'AMÉTHYSTE.
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Purpureus color ac violaceus est
amethysto,
Vel quasi gutta meri solet aut rosa munda videri.
Quidam marcidior velut evanescit in album,
Ut corruptus aqua vini rubor inesse putetur.
India mittit eum gemmarum maxima nutrix.
Hic facilis sculpi, contrarius ebrietati
Carus haberetur merito, si rarior esset,
At nunc negligitur, quoniam communis habetur.
Huic quoque dat species veterum solertia quinque.
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D'un vieux vin généreux une goutte
versée,
De l'améthyste peint la teinte violacée.
D'autrefois, on la voit pourpre comme la fleur
Du rosier. Il en est d'autres, dont la couleur
Pâlissante s'éteint comme lorsqu'on mêle
De l'eau dans notre vin. Cette pierre si belle,
Qui de l'ébriété garde nos sens surpris,
Qui se taille aisément, serait vraiment sans prix ;
Mais sa grande abondance amoindrit son mérite.
L'Inde nous en fournit cinq espèces qu'on cite. |
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XVII. DE CHELIDONIO.
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XVII. — LA CHELIDOINE.
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At Chelidonius lapis est quem gignit
hirundo,
Ventre gerens pretium quo digna sit ipsa necari.
Nec de fulgentum numero lapis iste putetur.
Parvus et informis, sed nulli viribus impar,
Praeclaros quosdam lapides praeit utilitate.
Hujus sunt binae species, geminique colores;
Nam niger et rufus caeso de ventre trahuntur.
Cedit gestato lunatica passio rufo.
Curat et insanos, et languores diuturnos.
Facundos facit et gratos, multisque placentes.
Ex lino facto decet hunc involvere panno,
Et sic in chela clausum portare sinistra.
At niger in panno, pacto gestatus eodem,
Ad finem dignum suscepta negotia ducit,
Obsistique minis, et regum mitigat iras;
Et dilutus aqua languentia lumina sanat,
In panno croceo lini sub tegmine texto.
Ipse lapis positus febres exstinguere fertur,
Et simul humores compescere quosque nocivos. |
Elle naît dans le sein de la pauvre
hirondelle,
Gardant à son insu ce trésor qui, pour elle, vu
Sera l'occasion d'un funeste trépas.
J'ai parlé de trésor : pourtant ne rêvez, pas
Perles et diamants. Cette pierre est petite
Et laide : sa vertu fait seule son mérite;
Mais pour les qualités elle est au premier rang.
Éventrant l'hirondelle, on l'arrache à son liane,
Rouge ou noire. La rouge apporte au lunatique
Le repos; elle calme aussi le frénétique,
Et guérit le malade accablé de langueurs.
Elle rend éloquent, assure les faveurs
Du peuple. A votre gauche ayez la suspendue,
Dans un petit sachet de fil de lin cousue.
Si vous portez la noire en de pareils sachets,
Vous verrez à bon port aboutir vos projets;
Vous redouterez peu du prince la colère.
L'«au qui l'aura trempée affermit la paupière ;
Encor, si vous teignez le sachet en safran,
Elle chasse la fièvre et les humeurs du sang. |
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XVIII. DE GAGATE.
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XVIII. — LE JAIS.
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Nascitur in Lycia lapis prope gemma
gagates;
Sed genus eximium longinqua Britannia nutrit.
Lucidus et niger est levis, et levissimus idem.
Vicinas paleas trahit attritu calefactus.
Ardet aqua lotus, restinguitur unctus olivo.
Prodest gestatus tumidis intercute lympha,
Et dilutus aqua dentes firmat labefactos.
Per suffumigium mulieri menstrua reddit.
Accensus prodit , fumi nidore caducos,
Effugat immites simili ratione chelidros.
Idem daemonibus contrarius esse putatur.
Eversos ventres juvat, et praecordia tensa.
Vincit praestigia, et carmina dira resolvit,
Et solet (ut perhibent) deprehendere virginitatem.
Praegnans potet aquam triduo qua mersus habetur,
Quo vexabatur partum cito libera fundit. |
Le jais brillant n'est pas une gemme à
vrai dire,
On en trouve en Lycie et le meilleur se tire,
De la Bretagne. Il est très léger et très noir;
Frottez-le quelque temps, il aura le pouvoir
D'attirer les fétus et les barbes de plume.
L'huile le refroidit, l'eau l'échauffé et l'allume;
Il guérit les tumeurs qui soulèvent la peau;
Pour raffermir les dents, on peut employer l'eau
Qui l'a trempé. D'aucuns le conseillent aux femmes
En fumigation. Jetez-le dans les flammes
Pour soulager quelqu'un qui tombe du haut mal.
Il est, ainsi brûlé, pour les serpents fatal,
Et, sans doute, à ce titre, il met le diable en fuite.
Il guérit les douleurs d'entrailles et leur suite;
Il saura déjouer un sort sur vous jeté :
Il est, dit-on, garant de la virginité.
Femme, en peine d'enfant, buvez l'eau saturée
De jais, durant trois jours, vous serez délivrée. |
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XIX. DE MAGNETE.
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XIX. — L'AIMANT.
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Magnetes lapis est inventus apud
Troglodytas ,
Quem lapidum genitrix nihilominus India mittit.
Hic ferruginei cognoscitur esse coloris.
Et vi naturae vicinum tollere ferrum.
Deendor magus hoc primum dicitur usus,
Conscius in magica nihil esse potentius arte.
Post illum fertur famosa venefica Circe
Hoc in praestigiis magicis specialiter usa.
Hinc et apud Medos, cum res venisset in usum
Detexit lapidis magis experientia vires.
Nam qui scire cupit sua num sit adultera conjux,
Suppositum capiti lapidem stertentis adaptet;
Mox quae casta manet petit amplexa maritum,
Non tantum evigilans. Cadit omnis adultera lecto,
Tanquam pulsa manu, subito fetore coacta.
Quem lapis emittit celati criminis index.
Si fur claustra domus spoliis gazisque refertae,
Ingrediens, prunas ardentes per loca ponat,
Et superaspergat magnetis fragmina prunis;
Mox in ea quicunque domo mansere fugantur,
Ut per tetragonum fumi vapor alta vaporet.
Mentibus eversis, velut impendente ruina,
Diffugient omnes in ea quicunque manebant,
Et fur securus rapiet quaecunque libebit.
Conciliare potest uxoribus ipsa maritos,
Et vice versa nuptas revocare maritis.
Gratia praestatur simul, et sua dela per ipsum,
Sermonisque decor, disceptandique facultas.
Cum mulso datus, hydropem purganda resolvit,
Et combusturas super aspersus medicatur. |
L'homme a trouvé l'aimant dans les
terres extrêmes
D'Afrique, et dans ton sein, Inde, mère des gemmes.
L'aimant garde, on le sait, l'aspect et la couleur
De ce fer qu'il attire à.lui, comme un vainqueur.
Celui qui, le. premier, en essaya l'usage,
Devinant son pouvoir, fut Déendor, le mage.
Après lui vint Circé, ce monstre dont le nom
Veut dire également et magie et poison.
Elle employa l'aimant en mainte expérience
De cabale, et transmit aux Mèdes sa science.
Chez ceux-ci, ce métal, chaque jour mieux connu,
Chaque jour révéla quelque étrange vertu.
Ainsi, si d'un époux la tendresse jalouse,
De méfaits conjugaux soupçonne son épouse,
Quand celle-ci commence en paix à sommeiller,
Qu'il glisse un bloc d'aimant sous le mol oreiller :
S'il est l'heureux mari de sage et prude dame,
Tout à l'heure il verra sa vertueuse femme
Qui, sans se réveiller, tendra vers lui les bras.
Mais si, par aventure, elle est tout autre, hélas!
L'adultère bondit, hors de son lit poussée
Par un bras invisible : ou bien plutôt chassée
Par un parfum fatal, l'infecte puanteur
Que répand à l'instant l'aimant accusateur,
Ainsi, quand un voleur couronnant ses prouesses,
Veut piller un palais encombré de richesses :
Qu'aux quatre coins d'abord il place adroitement
Des charbons saupoudrés de poussière d'aimant.
Une blanche vapeur s'élève : consternée,
A demi-morte, on voit s'enfuir la maisonnée ;
Il semble que les murs ivres vont s'écrouler,
Et le voleur achève à l'aise de voler.
L'aimant sait allumer ces mutuelles flammes
Qui confondent les cœurs des maris et des femmes.
L'aimant donne la grâce et la force au discours,
Et de la controverse enseigne les détours.
Dissous dans du vin doux, il purge l'hydropique;
Pour les membres brûlés sa poudre est un topique. |
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XX. DE CORALLO.
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XX. — LE CORAIL.
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Corallus lapis est, dum vivit in
aequore, vimen.
Retibus avulsus, vel caesus acumine ferri,
Aere conctactus fit durior et lapidescit;
Cuique color viridis fuerat, modo puniceus fit.
Hic velut arbusti ramusculus esse videtur.
Circa semipedem vix longior inveniendus:
Ex quo finguntur gestamina commoda multis;
Quippe salutaris gestantibus esse probatur.
Ipsius est, ut ait Zoroastes, mira potestas;
Et sicut scribit Metrodorus optimus auctor,
Fulmina, typhonas, tempestatesque repellit
A rate vel tecto, vel agro, quocunque feratur.
Ast in vinetis aspersus, et inter olivas,
Aut a ruricolis cum semine jactus in agros ,
Grandinis avertit calamis contraria tela,
Multiplicans fructus, ut fertilitate redundent.
Umbras daemonicas, et Thessala monstra repellit.
Introitus praestat faciles, finesque secundos |
Au fond de l'Océan, quand le corail se
cache,
C'est une plante. Mais, aussitôt qu'on l'arrache,
Il se durcit à l'air et devient minéral,
Tout en gardant l'aspect branchu du végétal.
Vivant, il était vert; mort, il est écarlate.
Il n'a qu'un demi-pied, mais sa puissance éclate
En toute occasion. Zoroastre le dit;
Dans ses savants traités, Métrodore l'écrit.
Il chasse la tempête et la foudre, et préserve *
La nef et la maison où l'homme le conserve.
Parsemez-en la vigne ou le plant d'olivier;
Au froment qu'aux sillons vous allez confier,
Mêlez-en : vos guérets ne craindront pas la grêle,
Vous aurez la moisson aussi bonne que belle.
Le corail fera fuir les monstres des enfers
Et ceux, moins dangereux, des bois et des déserts.
Il vous préparera des grands l'accès facile,
Et par lui votre effort ne sera point stérile. |
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XXI. DE
ALABANDINA.
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XXI. — L'ALABANDINE.
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Est Asiae regio, quae nomen habens
Alabanda,
Fert alabandinam, cujus lux aemula Sardi,
Judicis ambiguum de nomine fallit acumen. |
En Asie, un pays qu'on nomme Alabanda
Fournit l'alabandine, et bien fin qui saura
Ne la confondre point avecque la sardine,
Dont l'éclat purpurin la pare et l'illumine. |
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XXII. DE CORNEOLO.
|
XXII. — LA CORNALINE.
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Sed neque corneolos lapides memorare
pigebit,
Qui licet obscurum videantur habere colorem
Non spernenda tamen his creditur insita virtus:
Nam lapis hic digito, collove gerentis adhaerens,
In disceptando surgentes mitigat iras.
Quique lavaturae carnis par esse videtur,
Sanguinis ex membro sistit quocunque fluorem,
Praecipue talem patitur si femina fluxum. |
Je ne manquerai pas de parler, à coup
sûr,
De ces pierres au teint sombre, à l'aspect obscur,
Les cornalines, dont les vertus sont vantées.
En bagues, en colliers, au doigt, au col, portées,
De la discussion elles calment l'ardeur.
Celle qui de la chair lavée a la couleur,
Arrête un flux de sang, le tarit en sa source.
Pour les femmes elle est d'une utile ressource. |
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XXIII. DE
CARBUNCULO.
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XXIII. — L'ESCARBOUCLE.
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Ardentes gemmas superat carbunculus
omnes,
Nam velut ignitus radios jacit undique carbo,
Nominis unde sui causam traxisse videtur.
Sed graeca lingua lapis idem dicitur anthrax
Hujus nec tenebrae possunt exstinguere lucem,
Quin flammas vibrans, oculis micet aspicientum.
Nascitur in Lybia Tragoditarum regione,
Et species ejus ter ternae, tresque feruntur. |
Rien ne peut s'égaler à son
rayonnement;
On dirait l'étincelle ou le charbon ardent,
D'où son nom d'escarboucle. On l'appelle anthracite,
Du grec, anthrax. Elle est du pays Troglodyte.
Les ténèbres, la nuit, n'éteignent pas ses feux.
Ses rayons enflammés éblouissent les yeux ;
On en compte trois fois trois espèces notées,
Et trois autres encor doivent être ajoutées. |
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XXIV. DE LIGURIO.
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XXIV. — LA LIGURIENNE.
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Vertitur in lapidem quod stillat ab
inguine lyncis.
Ligurium vocitant, et salculus est pretiosus ,
Nam credunt ipsas hoc persentiscere lynces,
Quae mox egestum certant operire liquorem,
Dum super accumulant congestae pondus arenae,
Scilicet invidia, ne nostros cedat in usus.
Electro similem Theophrastus habere colorem
Hunc ait, et simili paleas adducere pacto,
Aestimans ipsum stomachi placare dolorem,
Ictericis etiam priscum reparare colorem,
Et perturbati compescere reumata ventris. |
C'est l'urine du lynx, en tombant, qui
se fige
Et produit ce caillou, qu'avec soin l'on collige.
Le sauvage animal semblerait se douter
Du prix de son calcul. On le voit s'agiter
Pour couvrir sa laissée, ou de sable, ou de terre :
Il espère, sans doute, à l'homme la soustraire.
On lit dans Théophraste, un excellent auteur,
Que la pierre du lynx de l'ambre a la couleur,
Qu'elle attire de même un léger brin de paille,
Qu'il n'est, pour l'estomac, remède qui la vaille,
Qu'à la pâle hystérique elle rend ses couleurs,
Et que du ventre, enfin, elle endort les douleurs. |
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XXV. DE ETHITE.
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XXV. — L'ECHITE.
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Inter praecipuos lapides numeratur
ethites ,
Quem petit extremis orbis Jovis ales ab oris,
Custodem nidi defensoremque futurum,
Quo valeat pullis dubios avertere casus.
Continet hic alium praegnantis more lapillum.
Creditur ergo potens praegnantibus auxiliari,
Ne vel abortivum faciant, partuve laborent;
Appensus laevo solito de more lacerto.
Confert praeterea gestanti sobrietatem.
Auget divitias, et amari cogit habentem,
Victoremque facit, populique favoribus ornat.
Incolumes pueros dat vivere, sive puellas,
Atque caducorum fertur cohibere ruinas.
Si quis suspectus tibi sit de fraude veneni,
Tuque probare velis sua num sit iniqua voluntas,
Participem mensae, quem formidas, adhibeto;
Pulmento posito, cui si submissus ethites,
Si fraus corde subest, tentans glutire, nequibit;
Sustuleris lapidem, cupide gustata vorabit.
Puniceum lapis hic memoratur habere colorem,
Oceanique latens in littoribus reperitur,
Aut aquilae nidis, aut Persarum regione,
Quem gemini Pollux Castorque tulisse feruntur. |
Il faut nommer l'échite entre les
nobles gemmes ;
L'aigle va la chercher aux limites extrêmes
Du monde. De son nid, talisman sans égal,
Elle préservera ses aiglons de tout mal.
Comme la mère en soi porte un autre soi-même,
Cette pierre en son sein renferme une autre gemme:
Ce qui fait qu'on l'emploie en un accouchement
Comme un préservatif contre l'avortement.
On la pend au bras gauche, à la mode ordinaire :
Elle enrichit celui qui la porte, et confère
Avec l'utile don de la sobriété,
Le succès, la faveur, la popularité.
Elle est le vrai trésor des mères de famille,
Assurant la santé des garçons et des filles.
C'est un remède aussi contre ce mal fatal
Que le vulgaire nomme, à bon droit, le haut mal.
Si vous craignez un jour qu'on ne vous empoisonne,
Pour éprouver celui que votre peur soupçonne,
Vous lui ferez-servir un mets bien délicat;
Vous glisserez d'abord l'échite sous le plat :
Si vos soupçons sont vrais, en efforts inutiles
Du traître s'useront les mâchoires stériles;
Il ne pourra pas même avaler un morceau.
Puis, retirez la pierre : artifice nouveau !
Le convive affamé, mange sans résistance.
On dit que cette gemme est rouge de nuance.
On la trouve cachée aux bords de l'Océan,
Dans l'aire des aiglons, dans le pays Persan;
Et Castor et Pollux autrefois la portèrent,
Et leurs exploits jumeaux pour jamais l'illustrèrent. |
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XXVI. DE SILENITE.
|
XXVI. — LA SILÉNITE.
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Nec silenitem fas est omnino taceri,
Quae velut herba virens, et jaspidis aemula gemma,
Lunares motus et menstrua tempora servat:
Crescit enim luna crescente, minorque minuta
Efficitur, tanquam coelestibus anxia damnis.
Idcirco sanctus lapis a plerisque vocatur.
Dicitur esse potens ad amorem conciliandum.
Languentes etiam tisicosque juvare putatur.
Toto gestatus crescentis tempore lunae,
Nec minus et toto per detrimenta fluentis,
Effectus miros, et commoda plurima praestat.
Hanc autem gemmam memorant in Perside nasci. |
Je ne passerai point tout à fait sous
silence
Cette pierre persane en qui vit la nuance
D'un frais gazon de mai, la sœur du jaspe vert.
Un spectacle changeant nous est par elle offert
Si la lune décroît, la pierre diminue,
Si l'astre croit, la gemme à grandir s'évertue.
Variable selon les saisons et les mois,
Ainsi du ciel lui-même elle observe les lois.
Et plusieurs, en ce sens, la nomment pierre sainte.
De langueur, de phtisie une poitrine atteinte,
Ne la portera pas sans grand soulagement.
Or, elle n'agit pas au croissant seulement :
Au décours, sa vertu n'est pas moins admirable,
Elle inspire l'amour en nous rendant aimable. |
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XXVII. DE
GAGATROMEO.
|
XXVII. — LA GAGATROMÉE.
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Ast diversicolor, quem dicunt
Gagatromaeum,
Pelli capreoli similis lapis esse refertur.
Quem qui gestarit dux pugnaturus in hostem,
Hostem depulsum terra marique fugabit.
Istius Alcides ope multa pericula vicit:
Succubuit quoties lapidem non sustulit istum. |
De diverses couleurs cette pierre est
marbrée,
D'un tout jeune chevreuil on dirait la livrée.
L'habile général qui saura s'en armer,
Vaincra ses ennemis et sur terre et sur mer.
C'était, affirme-t-on, le talisman d'Hercule,
Et s'il s'en séparait, sa puissance était nulle. |
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XXVIII. DE
CERAUNIO.
|
XXVIII. — LA CÉRAUNIE.
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Ventorum rabie cum turbidus aestuat
aer,
Cum tonat horrendum, cum fulgurat igneus aether,
Nubibus illisis , coelo cadit iste lapillus,
Cujus apud Graecos exstat de fulmine nomen.
Illis quippe locis quos constat fulmine tactos,
Iste lapis tantum reperiri posse putatur,
Unde ceraunius est Graeco sermone vocatus:
Nam quod nos fulmen, Graeci dixere ceraunon.
Qui caste gerit hunc, a fulmine non ferietur,
Nec domus, aut villae, quibus assuerit lapis ille.
Sed neque navigio per flumen vel mare vectus,
Turbine mergetur, vel fulmine percutietur.
Ad causas etiam vincendaque praelia prodest,
Et dulces somnos, et dulcia somnia praestat.
Huic binae dantur species, totidemque colores.
Crystallo similem Germania mittere fertur,
Caeruleo tamen infectum, rutiloque colore.
Mittit et Hispanus, regione manens Lusitana,
Flammas spernentem, similemque colore pyropo. |
Quand le ciel en fureur déchaîne la
tempête,
Quand, sans trêve, la foudre éclate sur nos tètes,
Quand on voit l'horizon sillonné par l'éclair;
Il tombe quelquefois, d'un nuage entr'ouvert,
Un gravier que les Grecs ont nommé céraunie.
Du céleste caillou l'influence bénie,
Si le portant sur nous, chastement nous vivons,
Garde du feu du ciel, nos fermes, nos, maisons ;
Sur le fleuve ou la mer, quand notre nef voyage,
Nous n'aurons jamais rien à craindre de l'orage.
Dans les combats sanglants, comme dans les procès,
Cette gemme est toujours un gage de succès.
Elle emplit le sommeil de visions charmantes.
Deux genres sont connus, de couleurs différentes :
L'un vient de Germanie et ressemble au cristal,
L'autre est une pyrite et vient de Portugal.
De reflets bleus ou bruns les Germaines sont teintes,
L'Espagnole du feu ne craint pas les atteintes. |
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XXIX. DE ELIOTROPIA.
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XXIX. — L'HÉLIOTROPE.
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Ex re nomen habens est eliotropia
gemma,
Quae solis radiis in aqua subjecta vacillo ,
Sanguineum reddit mutato lumine solem,
Eclipsimque novam terris effundere cogit.
Denique post modicum vas ebullire videbis,
Aspergique foras subitae scaturiginis imbrem,
Ut fit cum nimbis distillat turbidus aer.
Imbres de coelo vocat, astringitque serenum:
Se quoque gestanti dat plurima vaticinari,
Atque futurarum quasdam cognoscere rerum.
Hosque bonae famae, quibus est data, laudibus ornat,
Servat et incolumes, producens tempora vitae.
Sanguinis adstringit fluxum, pellitque venena:
Nec falli poterit lapidem qui gesserit istum.
Tot bona divino data sunt huic munere gemmae,
Cui tamen amplior hic esse potentia fertur,
Nam si jungatur ejusdem nominis herba,
Carmine legitimo, verbo sacrata potenti,
Subtrahit humanis oculis quemcunque gerentem.
Hanc nunc Aethiopes, nunc Cyprus et Africa mittit
Sanguinis aspersam guttis, similemque smaragdo. |
Son nom vient du pouvoir qu'elle a sur
le soleil.
Exposée aux rayons de cet astre vermeil,
Dans un bol d'eau plongée, elle est assez puissante,
Pour le voiler soudain d'une vapeur sanglante,
D'une éclipse donnant le spectacle nouveau.
Dans le vase bientôt on voit bouillonner l'eau ;
Du liquide épandu la terre est inondée,
Comme, en temps orageux, par une forte ondée :
Elle appelle la pluie au milieu d'un ciel pur.
Elle a de même accès dans le monde futur :
Qui la porte sur soi devient un peu prophète.
Elle est un gage sûr de renommée honnête
Et de bonne santé. C'est ainsi de nos jours
Qu'elle orne, tout ensemble, et prolonge le cours.
Elle étanche le sang bien mieux que le dictame,
Elle garde nos sens des poisons, et notre âme
De l'erreur. Ajoutez un plus merveilleux don :
Si je la réunis à la fleur de son nom,
Prononçant sur les deux la formule voulue,
Je puis, nouveau Gigès, me soustraire à la vue :
Quelqu'un raconte au moins ce fait comme certain.
L'Ethiopie, ou Cypre, ou le sol africain
La donnent. On dirait l'émeraude mouillée
De gouttes de sang frais, et par ce sang souillée. |
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XXX. DE GERACHITE.
|
XXX. — LA GÉRACHITE.
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At Gerachiten vetus experientia
laudat.
Iste colore niger superat virtute colorem;
Quem prius abluto si quis gustaverit ore,
Dicere mox poterit quid de se cogitet alter :
Cujus sic virtus perhibetur posse probari.
Muscis expositum corpus nudato gerentis,
Lactis commisto mellisque liquore perunctum,
Intactum cupido miraberis agmine linqui.
Si lapidem tuleris, facto grege, spicula figent,
Imbutamque cutem sugent per vulnera mille. |
L'antiquité vantait la noire
gérachite,
Non point pour sa couleur, mais pour son grand mérite.
Dans la bouche ayez-la, la voulant éprouver
(Mais après avoir pris bien soin de vous laver
Le palais et les dents), vous saurez par la gemme
Ce que votre voisin pensera de vous-même.
Il est une autre épreuve encore qu'on en fait :
Après vous être oint de miel mêlé de lait,
Quand le soleil répand ses effluves vermeilles,
Mettez-vous, nu, tout près d'une ruche d'abeilles :
Si vous avez sur vous la pierre dont est cas,
L'essaim inoffensif ne vous piquera pas.
Renoncez un instant à cette sauvegarde :
Le bataillon ailé sur vous s'abat et darde
Mille traits acérés plein d'un âcre venin,
Et vos bonds douloureux le secoueront en vain. |
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XXXI. DE EPISTITE.
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XXXI. — L'ÉPISTITE.
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Nascitur in bimari pretiosior aere
Corintho
Dictus epistites , rutilans lapis et rubicundus,
Qui si ferventi fuerit conjectus aheno,
Ignibus exsultans prius, illico sistitur unda,
Frigida post modicum lapidis virtute futura.
Fructibus a terrae volucres arcere locustas,
Et nebulas steriles et grandinis improba fertur.
Verbera, nec turbo (quos protegit iste) nocebit.
Ad solem positus radios emittit ut ignem,
Mirantes oculos perstringens luce corusca.
Accensas idem compescit seditiones,
Et tutum servat dubia sub sorte gerentem:
Pectore sed memori fixum teneamus oportet,
Qua cor parte jacet lapides hos esse gerendos |
Plus précieuse encor que l'airain de
Corinthe,
Elle naît dans cet isthme. Elle est rouge de teinte,
Brillante. Jetez-la dans un bassin ardent,
Elle en calme soudain tout le bouillonnement;
Bientôt toute chaleur en est si bien chassée,
Que l'eau se refroidit et redevient glacée.
La trombe et l’ouragan passent sans ravager
La vigne et les moissons qu'elle sait protéger.
Elle éloigne des champs l'avide sauterelle,
Et le brouillard stérile, et la perfide grêle.
Elle a même pouvoir sur un orage humain,
Et la sédition se calmera soudain,
Si l'on fait rayonner sur la foule qui beugle
Ce caillou, dont l'éclat l'éblouit et l'aveugle.
Ainsi, dans le danger, c'est un sûr protecteur;
Mais il faut constamment la porter sur le cœur. |
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XXXII. DE
EMATHITE.
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XXXII. — L'HÉMATITE.
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Sumpsit emathites Graecum de sanguine
nomen,
Naturae lapis humanae servire creatus,
Typica cui virtus per multa probatur inesse;
Nam palpebrarum superillitus asperitatem,
Et visus hebetes pulsa caligine sanat.
Ejus rasurae si glarea mista sit ovi,
Succo dilutus, quem punica mala remittunt,
In medicinali velut ad collyria cote,
Vel resolutus aqua, juvat hos qui sanguinis ore
Spumas emittunt, et quae sunt ulcera curat.
Potatus stringit patitur quem femina fluxum,
Carnes crescentes in vulnere, pulveris hujus
Vis premit, et ventrem retinet sine mora fluentem,
Vino dilutus veteri bibitusque frequenter.
Serpentis morsum, vel quod fit ab aspide vulnus
Egregie curat , resolutus aquis et inunctus.
Mistus melle potest oculos sanare dolentes.
Vesicae lapidem bibitus dissolvere fertur.
Hic ferrugineo rufove colore notatur.
Africa mittit eum, sed et Aethiopes, Arabesque. |
S'il est bien une pierre utile en
médecine,
C'est celle que l'on nomme hématite ou sanguine.
En frottant la paupière, on calme le mal d'yeux,
Et ce simple contact purge un œil chassieux.
Mêlée à du blanc d'œuf, dans du jus de grenade,
Et broyée au mortier, à l'état de pommade,
Puis, dissoute dans l'eau, contre le crachement
Ou le flux de sang, c'est un breuvage excellent.
En poudre, elle détruit ces bourgeons parasites
Qui croissent dans l'ulcère. Elle a d'autres mérites : Buvez-en
fréquemment, mêlée à du vieux vin,
En cas de diarrhée; et contre le venin
Des serpents, usez-en en friction humide.
Pétrie avec le miel, baume à demi-solide,
Elle guérit encor les différents maux d'yeux ;
Elle est pour la gravelle un fondant précieux.
Elle est ou rouge ou grise. Elle vient d'Arabie,
De l'Afrique brûlante et de l'Ethiopie. |
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XXXIII. DE ABESTO.
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XXXIII. — L'ABESTE.
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Arcadiae tellus lapidem producit
abeston ,
Ferreus huic color est; naturae mira potestas:
Nam semel accensus conceptos detinet ignes,
Extinguique nequit, collucens perpete flamma.
[Hinc et apud Graecos abeston dicitur inde,
Quod semel accensum jam non exstinguere posses.] |
L'abeste arcadienne a la couleur du
fer ;
Une fois enflammée elle est, comme l'enfer,
Ardente, inextinguible et jamais consumée.
De là lui vient le nom dont les Grecs l'ont nommée. |
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XXXIV. DE PEANITA.
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XXXIV. — LA PÉANITE.
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Gignitur in Machedum regione lapis
peanitas
Feminei sexus reserens imitando labores.
Nam quibus ex causis dubium sed tempore certo
Concipit et parit, et parientibus auxiliatur
Ultima quos urget dubii discriminis hora. |
C'est de l'Afrique encor que nous
vient une pierre,
Qui de l'enfantement reproduit le mystère.
Par une cause occulte elle conçoit, grossit,
Et, le temps révolu, met au monde son fruit;
Sensible à des douleurs qu'elle éprouve elle-même,
Elle secourt la femme en cet instant suprême. |
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XXXV. DE SADA.
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XXXV. — LA SADE.
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Difficile gemmas super omnes sada
repertur.
Nunquam sciretur nisi se daret inveniendam,
In medio siquidem natus lapis iste profundo,
Naves vi quadam petit e regione meantes
Et praelabentis tabulis haerendo carinae
Ad portum vehitur merx ignaris data nautis.
Est autem morsu tabulae sic fixa tenaci
Quod nequit abrasa ligni sine parte revelli.
Praxinus huic color est ; regio Chaldaica tellus.
|
Personne ne pourrait jamais la
découvrir,
Si ce n'est qu'elle vient d'elle-même s'offrir.
Elle nait dans le fond de la mer chaldéenne;
Quand un navire passe, elle atteint sa carène,
S'y colle, et le marin gagne joyeux le port,
Sans savoir qu'il emporte avec soi ce trésor.
Or, elle tient si bien à la nef qui l'attire,
Qu'il faut, pour l'arracher, retirer du navire
La planche dont elle a pénétré l'épaisseur.
De la prasine elle a la verdâtre couleur. |
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XXXVI. DE MEDO.
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XXXVI. — LA MÈDE.
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Ast in Medorum regione lapis reperitur
Quem Medum vocitant, mortis dator atque salutis;
Namque super cotem, mulieris lacte solutus
Quae semel atque marem peperit, persanat inunctus
Visu fraudatos, multo jam tempore caecos.
Cos medicinalis viridis solet esse coloris
Lacte solutus ovis, semel atque marem parientis.
Expellit veterem simili ratione podagram,
Et fessas reficit sub anhelo pectore fibras;
Hoc et nephrelici sanescunt unguine renes.
Debet in argento mistus vitrove reponi,
Jejunoque dari; sic utile fit medicamen.
At resolutus aquis cotis sibi fragmine misto,
Et porrectus ei tibi quem decreveris hostem
Ut lavet inde suam quasi pro medicamine frontem,
Obducet miseros, exstincto lumine, vultus.
Si potum dederis, vomito pulmone peribit.
Hic totus niger est, sed non et tota potestas.
Candida dum prodest, dum laedit nigra vocetur. |
Cette pierre, qu'on trouve au royaume
du Mède,
Est tantôt un poison et tantôt un remède.
Dissoute dans le lait virginal qu'a donné
Une femme allaitant son garçon premier-né,
Aux rayons du soleil elle ouvre la paupière
De l'aveugle longtemps privé de la lumière.
Dissoute dans le lait que donne, au renouveau,
Une jeune brebis à son premier agneau,
Elle chasse à l'instant la goutte même ancienne.
Contre la néphrétique il faut en oindre l'aine;
Elle rend la vigueur à nos seins épuisés
Et le souffle vital à des poumons usés.
On devra conserver ce baume salutaire
Dans des vases bien nets, ou d'argent, ou de verre,
Et s'en servir à jeun. Mais à votre ennemi
Vantez ce bon remède, et persuadez-lui
D'en frotter, pour son bien, son front et son visage.
Ses yeux vont se couvrir d'un éternel nuage.
Faites qu'il se décide à le prendre en boisson :
Vous le verrez périr, vomissant son poumon.
Cette pierre, dont vient tant d'aise ou de déboire,
Tant de biens, tant de maux, de sa couleur est noire. |
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XXXVII. DE GELACIA.
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XXXVII. — LA GELACE.
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At quae candorem fert grandinis atque
figuram
Ictibus innumeris invicta Gelacia gemma,
Cujus naturae vis tanta probatur ut omni
Tempore frigida sit, nulloque calescat ab igne. |
La
gelace a la forme et l'aspect de la grêle.
On ne peut la tailler : elle reste rebelle
Au marteau comme au feu, car un brasier ardent
La respecte et ne peut l'échauffer seulement. |
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XXXVIII. DE
EXACONTALITO.
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XXXVIII. — L'HEXACONTALITE.
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Exacontalites lapis ex re nomen
adeptus,
Qui sexaginta modico gerit orbe colores,
Corporis exigui numero dispendia supplet,
Dum tot gemmarum fert gemmula sola colores.
In Lybia lapis hic reperitur apud Trogloditas. |
Ce nom grec dépeint bien cette pierre
charmante.
En comptant ses couleurs, on en trouve soixante,
Dont son orbe brillant paraît aux yeux chargé.
Des autres diamants, c'est comme un abrégé,
Car cette pierre rare est toujours fort petite.
On, la trouve en Lybie au pays Troglodyte. |
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XXXIX. DE
CHELONITE.
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XXXIX. — LA CHELONITE.
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Indica testudo lapidem mittit
chelonitem
Gratum purpureo, varioque colore nitentem,
Quem si sub lingua loto quis gesserit ore
Posse magi credunt hunc divinare futura,
Orto mane die sextam duntaxat ad horam.
Tempore quo lunae succrescere cernitur orbis,
Sed luna prima lapidis praedicta potestas
Totius fertur spatio durare diei,
Quintae post decimam concordant tempora primae
At detrimenti lunaris tempore toto
Ante diem tantum lapidi manet illa potestas.
Est etiam nulli lapis hic obnoxius igni. |
C'est un calcul venant de certaine
tortue.
Ses tons, pourpre ou vairé, réjouissent la vue.
Les mages disent que, pour savoir, l'avenir,
Dans sa bouche bien nette, il la faudrait tenir.
La pierre parlerait, si ce n'est point un leurre,
Depuis le point du jour jusqu'à la sixième heure,
Tant que l'astre des nuits dans le ciel va croissant.
Quand la lune est au plein', le don prophétisant
Durerait tout le jour. Au décours, au contraire,
C'est dans la nuit, dit.-on, que notre gemme éclaire
L'anxieux scrutateur des problèmes futurs.
La flamme ne peut rien sur des cailloux si durs. |
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XL. DE PRAXO.
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XL. — LA PRASE.
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Conspicuus praxus gemmis solet
annumerari,
Sed non est carus; contentus quippe decore,
Utile nil affert, nisi quod viret et decet aurum.
Altera sanguineis species est illita guttis.
Tertia candidulis tribus est inscripta figuris. |
La prasine pour l'homme est sans
utilité,
Et n'a d'autre valeur que sa grande beauté.
Mais rien, dans ses tons verts, comme elle n'étincelle ;
Rien dans un anneau d'or ne s'enchâsse comme elle.
Une seconde espèce a des taches de sang,
Une autre porte un triple hiéroglyphe blanc. |
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XLI. DE CRYSTALLO.
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XLI. — LE CRISTAL.
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Crystallus glacies multos durata per
annos,
Ut placuit doctis, qui sic scripsere, quibusdam,
Germinis antiqui frigus tenet atque colorem.
Pars negat, et multis perhibent in partibus orbis
Crystallum nasci quod non vis frigoris ulla,
Nec glacialis hiems unquam violasse probatur;
Sed certum cunctis, nec stat dubitabile cuiquam,
Quod lapis hic soli subjectus concipit ignem,
Admotosque sibi solet hinc accendere fungos;
Hunc etiam quidam tritum cum melle propinant
Matribus infantes quibus assignantur alendi,
Quo potu credunt replerier ubera lacte. |
Le cristal ne serait autre qu'un bloc
de glace,
Dont les siècles auraient endurci la surface,
Selon quelques savants, notant avec raison,
Qu'il a bien tout l'éclat et le froid d'un glaçon.
D'autres n'adoptent point cette simple hypothèse,
Et leur grand argument pour soutenir leur thèse,
C'est que notre cristal est surtout rencontré
Aux pays où l'hiver n'a jamais pénétré.
Mais il a ce pouvoir, qu'aucun ne lui dénie :
Au soleil dérobant sa chaleur infinie,
Qu'il enfante la flamme, et pourrait embraser
L'objet qu'à ses rayons on voudrait exposer.
En poudre, dans du miel, prends-le, bonne nourrice,
De la douce liqueur pour que ton sein s'emplisse. |
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XLII. DE GALACTIDA.
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XLII. — LA GALACTIDE.
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Nec minus et cineri similem galactida
dicunt
Cum mulso tritum lac multiplicare bibenti.
Si tamen ante cibos fuerit post balnea sumptus
Aut ovis ex gravidae lanis traducere filum
Pertuso lapidi decet, et circumdare collo,
Sic se portantis fecundet ut ubera lacte;
Dat facilem partum simili ratione ligatus
Ad femur illius quae parturiendo laborat.
At si mundato circumspergatur ovili
Cum sale mistus aquae solis redeuntis in ortu,
Lacte replentur oves, scabies fugatur ab illis.
Praeterea tantis veteres hunc laudibus ornant,
Ut bona cuncta putent solum praestare gerenti
Quae simul a reliquis juncta virtute darentur.
Sed turbat mentem si clausus in ore liquescat.
Hunc mittit Nilus, producit et hunc Achelous.
Lactis dat succum tritus, lactisque saporem. |
Or, ce don d'augmenter le lait dans
les mamelles,
Précieux talisman des amours maternelles,
La galactide l'a. Dissoute dans du vin,
Il faut la prendre à jeun, sitôt après le bain,
Ou la porter au col, suspendue à la laine
Que l'on vient d'arracher à quelque brebis pleine.
On peut s'en bien aider lors d'un accouchement,
Mais c'est contre la cuisse, alors, qu'on la suspend.
Pour rendre vos brebis laitières admirables,
Et pour que le farcin épargne vos étables,
Mêlée avec du sel, dissolvez-la dans l'eau,
Et, lorsqu'à' l'horizon monte un soleil nouveau,
Dans le bercail purgé par vos soins de sa fange,
Circulant en tous sens, répandez ce mélange.
Cette pierre, d'ailleurs, si l'on croit les anciens,
Donnerait, elle seule, à l'homme tous les biens.
Mais dans la bouche il faut éviter de la fondre :
Vous sentiriez soudain vos pensées se confondre.
On la tire du Nil et de l'Achéloüs;
Elle a le goût du lait, qu'on doit à ses vertus. |
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XLIII. DE ORITE.
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XLII. — L'ORITE.
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Lethiferos morsus niger atque rotundus
orites
Quos fera vel cornu, vel saevo dente peregit,
Cum roseo mistus perfecte curat olivo.
Per vastas eremos interque feras gradientes
Illaesos fervat, morbos abigendo ferarum.
Hic viret, et maculas habet albas, alter orites.
Casibus adversis portatus ubique resistit.
Tertius asseritur famae gravioris orites;
Altera pars cujus crebris nimis aspera clavis,
Altera laevior est corpus quasi lamina ferri.
Hic facit appensus ne fiat femina praegnans,
Aut vel si praegnans fuerit, fundet abortum. |
L'orite est noire et ronde. A l'huile
rose et pure
Mêlée, elle guérit toute grave blessure
Qu'un féroce animal, en frappant ou mordant,
Peut faire avec ses pieds, ou sa corne, ou sa dent.
Si vous l'avez sur vous, marchez sans défiance
Des lions et des ours, par le désert immense.
Une autre espèce est verte avec quelques points blancs,
Qui nous doit préserver de tous cas malfaisants.
Une troisième sorte est de beaucoup plus rare,
Par ses tristes vertus, par sa forme bizarre;
Car elle est tout à fait diverse en sas deux bouts,
Dont l'un semble un tampon tout hérissé de clous,
Et l'autre s'amoindrit et se termine en lame.
Or, de faire avorter elle a le don infâme. |
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XLIV. DE HYAENA.
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XLIV. — L'HYÈNE.
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Tollitur ex oculis lapis extollendus
Hyaene,
Dictus Hyaena quam veteres (si credere dignum)
Fatidicum numen memorant inferre gerenti,
Quo queat imbutus praedicere quaeque futura
Sub lingua toto si contineatur in ore. |
Ce précieux caillou vient des yeux de
l'hyène.
Il était fort prisé de la cabale ancienne.
Pour pouvoir faire lire en l'obscur avenir,
Dans sa bouche bien pure, il le fallait tenir. |
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XLV. DE LIPAREA.
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XLV. — LA LIPARÉE.
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Partibus in Scythicis lapis est
liparea vocatus
Ad quem sponte sua properat genus omne ferarum
Quas venatorum suevit labor exagitare.
Non eget ergo canum cursu curave sagaci
Saltus perlustrans lapidem qui gesserit istum;
Sternendae satis est venabula tollere praedae. |
On la trouve en Scythie. Auprès
d'elle attirés,
Accourent du plus loin les gibiers préférés.
Heureux, trois fois heureux le chasseur qui la porte :
Il n'a besoin pour lui d'engins d'aucune sorte,
Ni de limiers ardents. Il suffit que son bras
A tuer et tuer ne se fatigue pas. |
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XLVI. DE ENHYDRO.
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XLVI. — L'ENHYDRE.
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Perpetui fletus lacrymis distillat
enhydros
Quae velut e pleni fontis scaturigine manant,
Cujus naturae grave sit deprehendere causam;
Nam si decurrit lapidis substantia, quare
Non minor efficitur, vel non omnino liquescit?
Si ros exterior descendit ad interiora
Ut semper refluat, cur se non impedit ipsum
Scilicet ingrediens contrarius egredienti? |
On en voit égoutter une eau claire et
limpide,
Comme, si le trop plein d'une source se vide,
La naïade apparaît humide de ses pleurs,
J'ai vainement cherché dans les savants auteurs
Une solution de ce grave problème.
Si toute' cette eau vient de la pierre elle-même,
Qui l'empêche d'user, de fondre entièrement?
Et si toute cette eau vient du dehors, comment
Chaque goutte entre-telle au dedans, repoussée
Par la goutte qui sort, incessamment chassée? |
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XLVII. DE IRI.
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XLVII. — L'IRIS.
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Irim dant Arabes, sed gignit eam mare
Rubrum,
Crystallo similem cujus sexangula forma
Clara luce micans fert causam nominis hujus.
Nam si sub tecto radio sit subdita solis
Proximus inficitur paries varioque colore
Arcus coelestis depingit utriusque figuram. |
Cristal de la mer Rouge et de forme
hexagone,
Marquant ses qualités par le nom qu'on lui donne;
Car, lorsque le soleil vient à le traverser,
Des tons de l'arc-en-ciel on le voit s'iriser. |
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XLVIII. DE
ANDRODRAGMA.
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XLVIII. — L'ANDRODRAGME.
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Androdragma lapis formae quasi tessera
quadrae,
Dicitur argenti repraesentare nitorem.
Cujus durities quasi durities adamantis
Ipse maris Rubri mistus reperitur arenis,
Quem magus affirmat tantae virtutis haberi
Ut possit praesens amicos sedare calentes. |
On dirait, à la voir, un dé carré
d'argent;
Elle a la dureté du plus dur diamant.
La mer Rouge en ses flots la roule avec le sable.
Selon le Mage, elle a le secret admirable
De pouvoir, à l'instant, apaiser et calmer
La colère, qu'en nous nous sentons s'allumer. |
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XLIX. DE OPTALLIO.
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XLIX. — L'OPHTALMITE.
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Avertens oculis morbos optallius omnes
Asseritur furum tutissimus esse patronus;
Nam se gestanti visus conservat acutos,
At circumstantes obducta nube retundit
Ut spoliare domos possint impune latrones. |
C'est un préservatif contre tous les
maux d'yeux ;
C'est pour les malfaiteurs un secours précieux.
Tandis que du larron elle éclaircit la vue,
Elle produit une ombre à l'entour répandue;
Et celui qui la porte, à ses voisins voilé,
Avant d'être aperçu, tout à l'aise a volé. |
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L. DE MARGARITIS.
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L. — LES PERLES.
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Tollitur a conchis species memoranda
marinis
Unio dictus ob hoc, quod ab una tollitur unus,
Non duo vel plures unquam simul inveniuntur.
Cujus ad ornatum laudatur candida forma
Cum deceat vestes, deceat nihilominus aurum.
Conchae, temporibus certis, referuntur hiantes
In coelum, patulae rores haurire supernos
Ex quibus orbiculi candentes concipiuntur.
De matutino fit clarior unio rore,
Ros vespertinus fetus solet edere fuscos;
At juvenes conchae dant baccas candidiores.
Obscurat fetus concharum grandior aetas:
Quanto rorantis fuerit plus aeris haustum,
Tanto majorem gignit roratio baccam.
Ultra semuncem sed crescere nulla putatur.
Quod si celsa miscent tonitru convexa corusco,
Conchae diffugiunt subita formidine clausae.
Sic intercepto conceptio deperit hausta,
Et fit abortivum quod coeperat inde creari,
Insignes baccas praedam maris India gignit,
Gignit et insignes antiqua Brachmania baccas. |
La perle prend naissance en certain
coquillage
Que l'on nomme unie dans ce roman langage.
Ce nom vient de ce que l'on ne trouve à la fois
Dans l'huître qu'une perle, et jamais deux ou trois.
Perle, charme des yeux, que l'artiste t'emploie
A broder richement le velours et la soie,
Qu'il t'enchâsse dans l'or, qu'il t'enfile en collier,
De tous les ornements tu seras le premier.
A certaines saisons, sur le sable posée,
L'huitre bâille au soleil et reçoit la rosée.
Chaque goutte s'unit aux autres, et bientôt
Se forme et s'arrondit le précieux dépôt.
La perle blanche naît des larmes de l'aurore;
La brume de la nuit de tons bruns la colore.
Plus l'huître est jeune, et plus son produit est parfait;
Les vieilles ont un fruit terne, obscur et peu net.
Plus le ciel est chargé de rosée abondante,
Plus l'huître en boit, et plus la perle s'en augmente
Sans que jamais elle ait un poids supérieur
A la moitié d'une once. Or, voici par malheur
Que dans le ciel en feux éclate le tonnerre :
L'huitre, qui s'entrouvrait, à l'instant se resserre;
De la conception le mystère, arrêté
Par la peur, n'a laissé qu'un produit avorté.
L'océan indien abondamment nous donne
Les perles que voit naître aussi la mer bretonne. |
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LI. DE PANTHERO.
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LI. — LA PANTHÈRE.
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Pantheron multos testantur habere
colores;
Tam niger et rubeus, viridis pallensque videtur
Purpureus, roseusque simul, sparsimque colores
Hos habet, et vario distinctos schemate vernat.
Expedit hunc orto quam primum sole videri
Ut victor possis omnes exire per actus,
Ipso namque die poterit te vincere nemo.
Pantheram patet esse feram diversicolorem
India quam gignit cujus pavefacta leonum
Voce fugit rabies, quam bestia contremit omnis
Hujus ad exemplar, sic est lapis iste vocatus. |
La panthère est partout marbrée. En
chaque tache,
Chaque ton tour-à-tour se fond ou se détache,
Se montrant, à la fois ou par dessins divers,
Noir, rouge, ou vert, ou jaune, ou pourpre, ou rose, ou pers.
Heureux qui l'aperçoit d'abord que l'aube est née!
Il sera triomphant de toute la journée.
Chacun de ses desseins au mieux réussira,
Et parmi ses rivaux aucun ne le vaincra.
On nomme aussi panthère un animal sauvage,
Dont les mêmes couleurs teignent l'ardent pelage.
Quand son rugissement remplit la profondeur
Du désert indien, tout sèche de frayeur;
Nul fauve n'oserait affronter sa présence,
Le lion même sent chanceler sa puissance. |
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LII. DE ABSICTO.
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LII. — L'ABSICTE.
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Absictos nigri non ultima gemma
coloris
Ad gratam speciem rubeis interlita venis
Pondere majoris mensuram corporis aequat,
Hanc simul admoto suscepit ab igne calorem,
Testantur calidam septem durare diebus. |
Il faut vanter l'abside entre les
pierres noires
Qu'ornent, en les marbrant, de rougeâtres grimoires.
Son poids à son volume est très supérieur;
Chauffée, elle tiendra sept grands jours sa chaleur. |
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LIII. DE
CHALCOFANO.
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LIII. — LA CHALCOPHONE.
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Chalcofanos pulsata refert tinnitibus
aera,
Quam si tractetur reverenter corpore casto
Vocis dulce melos aiunt conferre gerenti;
Et ne raucescant liquidas defendere fauces
Hic etiam nigrum perhibetur habere colorem. |
La chalcophone tinte ainsi qu'une
sonnette.
Si, la portant sur vous, vous avez l'âme nette
Et le corps pur, bien mieux que les autres chanteurs
Votre voix trouvera des accents enchanteurs,
Dont l'enrouement jamais ne voilera la gloire.
Comme l'absicte aussi, la chalcophone est noire. |
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LIV. DE MELOCHITA.
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LIV. — LA MÉLOCHITE.
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Infantum curas virtute sua melochites
Protegit, et casus abigit quoscunque sinistros,
Ne teneros artus pars possit iniqua nocere.
Dat lapidi pretium virtus cumulata decore
Praxum quippe virens similis solet esse smaragdo.
Hunc Arabum gentes prius invenisse feruntur. |
Cette pierre sans prix préserve les
enfants
Des chutes, des faux pas, de tous les accidents.
Outre qu'elle est utile, elle est encore belle :
L'émeraude n'est pas plus verdoyante qu'elle. |
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LV. DE GEGOLITO.
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LV. — LA GÉGOLITE.
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Gegolitus , nucleo similis perhibetur
olivae
Aspectus vilis, naturae vi pretiosus;
Namque solutus aquis, et ab his quibus expedit haustus
Dicitur esse potens lapidosos solvere renes
Vesicaeque simul purgare dolentis arenas. |
Autre est la gégolite, et rien ne
l'enjolive :
On dirait, à la voir, le noyau d'une olive.
Dissoute et bue, elle a des effets souverains,
Pour purger du calcul la vessie et les reins. |
|
LVI. DE PYRITE.
|
LVI. — LA PYRITE.
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Cui fulvus color est cui nomen ab igne
Pyrites
Se vetat astringi, pertractarique recusat.
Tangi vult leviter, pavidaque manu retineri,
Nam pressus nimium digitos stringentis adurit. |
Elle a du feu le nom et la fauve
couleur ;
Elle en conserve aussi la perfide chaleur.
Il faut, d'un doigt léger, la prendre avec adresse;
Elle brûle la main qui lourdement la presse. |
|
LVII. DE DIACODO.
|
LVII. — LA DIACODE.
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Diadochos per aquam responsa
petentibus aptus
Daemonis effigies varias ostendere fertur.
Nec lapis est alius qui fortius evocet umbras;
Sed si defuncto quis forsitan applicet illum
Protinus asseritur solitas amittere vires.
Namque sacer lapis est, et quem mors sternit abhorret.
Hunc autem perhibent similem fulgore beryllo. |
Dans une eau fatidique, ainsi qu'en un
miroir,
La diacode, dit-on, saura vous faire voir,
Si vous interrogez les mondes invisibles,
Les ombres, les démons, sous des formes terribles.
Nulle autre pierre n'a ce pouvoir sans égal,
Pour évoquer les morts. Mais si, par cas fatal,
Elle vient à toucher un corps privé de vie,
Sa force, sa vertu pour jamais est ravie :
Car, étant sainte, elle a les corps morts en horreur.
Elle offre du béryl la forme et la couleur. |
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LVIII. DE DIONYSIA.
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LVIII. — LA DENYSE.
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Nigra micat rubeis Dionysia consita
guttis.
Hanc in aqua tritam vinum flagrare loquuntur,
Et tamen ebrietas ipsius odore fugatur;
In quo naturae solito nil ordine currit
Dum lapis e lympha vini producit odorem
Quamque creare solet vinum, fugat ebrietatem. |
Elle est noire, de points rouges toute
semée.
Dissolvez-la dans l'eau : l'eau devient parfumée
Et prend le fin bouquet des vins du plus haut prix.
Or, cette eau rend à soi le buveur qu'a surpris
L'ivresse. D'où l'on voit ce prodige bizarre,
Et tout surnaturel : notre pierre répare
Les désordres causés par le vin, et pourtant
Elle donne à l'eau pure un parfum enivrant. |
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LIX. DE CRISELECTRO.
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LIX. — LA CHRYSELECTRE.
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Esse Criselectrus similis describitur
auro
Cujus ad electrum color inclinare videtur.
Hic matutinis visu jucundior horis,
Dissimilem speciem post aspicientibus offert;
Cujus materies rapidissima dicitur ignis,
Nam cito vicino correptus flagrat in igne. |
Elle est, pour la couleur, à
l'électrum semblable.
Le matin, pour la voir, est l'heure favorable,
Car sitôt que le jour incline vers la nuit,
Le charme disparaît, l'éclat s'évanouit.
S'embrasant aussitôt qu'à la flamme on l'applique,
Aucun corps n'est au feu comme elle sympathique. |
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LX. DE CRISOPACIO.
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LX. — LA CHRISOPACE.
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Aethiopum tellus lapidem Crisopacion
edit,
Quem tenebrae produnt , occultant tempora lucis,
Noctibus igne micans, vanescit luce diurna,
Absque nitore jacens auri pallore sepultus.
Hic quoque naturae mutatus cernitur ordo,
Nam quae nox celat solito lux more revelat. |
Le sol éthiopien l'engendre et la
produit.
C'est véritablement la pierre de la nuit.
Lorsque sur l'horizon, le soir étend son voile,
Son disque étincelant brille comme une étoile.
Tandis que le soleil lui tire tout éclat,
Et qu'elle semble, au jour, un lingot brut d'or mat,
Ainsi, par un miracle à tout ordre contraire,
Le jour clair l'assombrit, la nuit sombre l'éclairé. |
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DE ANNULO ET GEMMA.
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ÉPILOGUE.
L'ANNEAU.
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Annulus ut gemmam digitis aptandus
haberet
Dicitur in primis fecisse Prometheus usum
Caucaseae rupis quem fragmina lucida ferro
Inclusisse ferunt, digitoque recepta tulisse.
Aetas posterior vinxit pretiosa metalla,
Et lapides caros adjecit et insuper artem
Insuetamque manum triplici vestivit honore
Sed fraus intactum quia nil humana relinqui
(Invida naturam dum scilicet ars imitatur)
Veras a falsis labor est discernere gemmas,
Callida quas didicit vitro simulare doloso,
Dum veram speciem mentitur adultera forma.
Inde fit ut virtus gemmarum nulla putatur
Ignaros quoties tentala probatio fallit,
Si verae species (fuerint si rite sacratae)
Effectus miri procul ambiguo comitantur.
Gemmis a gummi nomen posuere priores
Quod translucerent gummi splendentis ad instar,
Quae non tranlucent caecas voluere vocari.
Nomine sed lapidis species signantur utraeque,
Propter quod Lapidum titulo liber iste notatur.
Haec ex innumeris excepta vocabula gemmis
Sufficiat nostro collecta labore teneri
Quae decies senis distincta patent capitellis. |
Dans un cercle de fer, forgé par
Prométhée,
Une pierre, dit-on, fut d'abord adaptée :
Simple caillou brillant, sur le Caucase né,
Simple morceau de fer pour le doigt contourné,
C'est le premier anneau, la bague primitive.
Mais de l'âge qui suit, l'habile audace arrive
A dompter, à ployer les métaux précieux.
Les pierres, dont l'éclat éblouira les yeux,
Remplacent le caillou. Puis vient l'art, qui décore
La pierre et le métal, les enrichit encore.
Ainsi trois fois plus cher, et triplement nouveau,
L'or, et la gemme, et l'art, font le moderne anneau.
Mais sur terre il n'est rien dont la fraude n'abuse,
Pour singer la nature on a plus d'une ruse.
Qui saura discerne? ici la vérité?
Le diamant en verre est si bien imité !
Que, déçu trop souvent par cette- ressemblance,
Des gemmes on en vient à nier la puissance.
Erreur! la gemme a bien les pouvoirs que j'ai dits,
Mais vraie et consacrée aux termes des vieux rits.
Si les gemmes ont pris ce nom dont on les nomme,
C'est que leur transparence est celle de la gomme;
Mais il en est plusieurs, opaques, aux tons mats,
Auxquelles, par le fait, ce nom ne convient pas.
Aussi, pour n'employer aucun terme contraire,
Au sujet dont j'écris, j'appelle Lapidaire
Ce livre, par mes soins aux pierres consacré.
Mais mon sujet est vaste autant qu'il est sacré;
J'ai dû choisir parmi ces gemmes que l'on vante,
Et je m'arrête enfin au chapitre soixante. |
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