Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Recueillis par M. Reinaud.
Journal Asiatique, 1844
EXTRAIT DE L'OUVRAGE D'AL-BIRUNI SUR L'INDE.
Qu'on se représente la partie habitée du monde comme étant située dans l'hémisphère septentrional, et comme occupant la moitié de cet hémisphère : la portion de la terre qui est habitée forme alors un des quatre quarts de la terre.
Cette portion est entourée par une mer qui, à ses deux extrémités occidentale et orientale, a reçu le nom de mer Environnante. Les Grecs ont donné le nom d'Océan à la partie qui est située du côté de l'occident et qui touche à leur pays.
La mer sépare la partie de la terre qui est habitée, des terres qui se trouvent peut-être de l'un et de l'autre côté, au-delà de la mer, que ces terres, qui sont entourées d'eaux, soient habitées ou ne le soient pas. On ne navigue pas sur cette mer à cause de l'obscurité de l'air, de l'épaisseur de l'eau, de la confusion des routes, et à cause des nombreuses chances qui existent de s'égarer, sans compter le peu d'avantages qu'on retirerait d'un voyage aussi lointain. Voilà pourquoi les anciens érigèrent dans cette mer et sur ses côtes des signes qui avertissaient de ne pas s'y aventurer.[2]
Du côté du nord, la terre est inhabitable à cause du froid, excepté en quelques endroits où s'introduisent les navires, et qui sont disposés en forme de golfe.
Quant au côté du midi, la portion habitée du monde se termine aux bords de la mer qui touche aux deux côtés de la mer Environnante. Cette mer est traversée par les navires, et les parties de la terre qui la bornent sont habitées. Cette mer est entièrement couverte d'îles grandes et petites. La mer et le continent se disputent respectivement la place, et empiètent l'un sur l'autre. Du côté de l'occident, le continent s'avance dans la mer, et ses côtes se prolongent au midi. C'est dans ces régions, qui s'étendent en plaines, que se trouvent les peuples noirs de l'ouest qui nous fournissent des eunuques, ainsi que les montagnes de Comr, où sont les sources du Nil. Les côtes et les îles-voisines sont occupées par les peuples de race Zendj ; la mer forme, du même côté, des golfes qui s'avancent dans les terres : tels sont le canal de Barbora, le canal de Colzoum (la mer Rouge), et le canal de Farès (golfe Persique). Le continent s'étend plus ou moins vers la mer, dans l'espace qui sépare ces canaux. Dans la partie orientale de la mer du Midi (c'est la mer qui s'avance dans les terres, dans la direction du nord, de la même manière qu'auparavant la terre s'avançait dans la mer, du côté du midi), la mer forme en plusieurs endroits des golfes et des baies.[3]
La mer du Midi reçoit différentes dénominations ; le plus souvent ces dénominations sont empruntées aux îles que la mer baigne ou aux terres qui se trouvent en face. Pour nous, nous n'avons à parler que de la partie de la mer du Midi qui borne la terre de l'Inde, et qui, en conséquence, a été appelée mer des Indiens.
Maintenant, il faut admettre, dans la partie du monde qui est habitée, des montagnes escarpées et contiguës les unes aux autres, de manière à former, pour ainsi dire, les vertèbres de la terre. Ces montagnes s'étendent au milieu de la terre, dans le sens de sa longueur, et de l'est à l'ouest. Elles traversent successivement la Chine, le Tibet, le pays des Turks, le Kaboul, le Badakhschan, le Thokharestan, le Bamyan, le Gour, le Khorassan, le Djebal, l'Aderbaydjan, l'Arménie, le pays de Roum, le pays des Francs et celui des Galiciens.[4] Ces montagnes offrent, dans leur prolongement, des faces variées, des intervalles libres et des déviations qui renferment des plaines. Une partie est habitée. De l'un et de l'autre côté de cette chaîne, coulent des rivières.
L'Inde est une de ces plaines, terminée du côté du midi par la mer appelée mer des Indiens ; de hautes montagnes la bornent de tous les autres côtés. C'est par cette plaine que se déchargent les eaux venant des montagnes. Il y a plus ; si tu examines de tes yeux ce pays, et si tu fais attention aux pierres rondes et polies qu'on trouve dans le sol à quelque profondeur qu'on creuse, pierres qui sont grandes près des montagnes, où le cours des eaux des rivières est impétueux ; petites, loin des montagnes, où le cours des eaux se ralentit ; et qui se changent en sables, où les eaux dorment, près des endroits où l'eau s'absorbe, et dans le voisinage de la mer, tu seras tenté de penser que ce pays n'a pas été jadis autre chose qu'une mer qui a été comblée par les alluvions des torrents.[5]
Le centre de l'Inde est la contrée située aux environs de Canoge, contrée que les Indiens nomment Madhyadésa, c'est-à-dire (en sanscrit) Pays du milieu.
En effet, quant à la position géographique, cette région se trouve entre la mer et les montagnes, entre les pays chauds et les pays froids, à égale distance des extrémités orientale et occidentale. Sous le rapport politique, Canoge a été autrefois la demeure des monarques suprêmes de l'Inde et de ses Pharaons.[6]
Le Sind occupe une partie de l'extrémité occidentale de l'Inde. On arrive de chez nous[7] au Sind par le pays du Nymrouz (en persan, Pays du midi), je veux dire le Sedjestan ; et on arrive dans l'Inde par le Kaboul. Ce n'est pas à dire que ce soit la seule route qui y conduise ; car on peut y arriver par tous les côtés, lorsque les routes sont libres.
Les montagnes qui entourent l'Inde sont occupées par des peuples de race indienne ou d'une race proche. Ces peuples mènent une vie indépendante jusqu'à la limite où la race change.
La ville de Canoge est située sur la rive occidentale du Gange. Elle occupe un espace très considérable ; mais à présent la plus grande partie tombe en ruines et est inhabitée, parce que le siège du gouvernement a été transféré dans la ville de Bâdy, à l'orient du Gange, à une distance de trois ou quatre journées.[8]
De même que Canoge est célèbre pour avoir donné le jour aux enfants de Pandou, [9] de même la ville de Mahoura (Mathoura) est célèbre pour avoir vu naître Vasoudêva.[10] Mahoura se trouve sur la rive orientale du fleuve Djoun (la Djomna). Entre ces deux villes il y a une distance de 28 parasanges.
La ville de Taneser est située entre le Gange et la Djomna, au nord de ces deux villes, à environ 80 parasanges de Canoge, et à près de 50 parasanges de Mahoura.[11]
Le Gange descend des montagnes déjà mentionnées ; sa source est nommée Gangdouara (la porte du Gange). C'est aussi de ces montagnes que descendent la plupart des rivières de l'Inde, comme nous l'avons dit ailleurs.[12]
Quant aux différentes provinces de l'Inde et à leurs distances respectives, on en est réduit, quand on n'a pas été dans le cas de les explorer soi-même, à ce que disent les autres. Ptolémée a eu constamment à se plaindre de ceux qui lui fournissaient ces distances, et de leur propension à exagérer. J'ai trouvé un autre moyen de réduire les récits mensongers des Indiens à leur juste valeur. Souvent les Indiens fixent la charge du bœuf à deux ou trois mille mannas, [13] ce qui oblige les caravanes, pour qu'un bœuf porte sa charge entière, à refaire plusieurs fois le voyage d'un relai à l'autre : or, en pareil cas, les Indiens estiment la distance d'après le nombre de voyages et, par conséquent, de journées qu'a faites la caravane. Ce n'est qu'à force de recherches et d'efforts qu'il est possible de vérifier les récits des voyageurs ; il serait cependant honteux de renoncer à ce qu'on sait, en considération de ce qu'on ne sait pas. Nous avons donc quelque droit à l'indulgence, s'il nous échappe quelque erreur.
Si l'on part de Canoge en se dirigeant vers le midi, entre les cours de la Djomna et du Gange, on passe successivement par plusieurs villes considérables, à savoir : Haddjamava, à la distance de 12 parasanges : chacune de ces parasanges équivaut à quatre milles, et j'entends par mille un korouh, [14] Aphapoury, à la distance de 8 parasanges ; Karhah, à la distance de 8 parasanges ; Barhamschal, à la distance de 8 parasanges ; enfin, l'arbre de Prayaga, à la distance de 12 parasanges. Cette ville se trouve au confluent de la Djomna et du Gange ; auprès d'elle les Indiens se mutilent de différentes manières, ainsi qu'il est dit dans les livres de relation.[15] On compte de cet endroit à l'embouchure du Gange, dans la mer, 12 parasanges.[16]
A cet arbre, dans la direction du midi, commence une autre vallée qui se dirige vers le rivage de la mer. Depuis l'arbre jusqu'à Arek Tyrat[17] on compte 12 parasanges ; de là au royaume d'Oubarhar, 40 parasanges ; de là à Ourdabyschau, sur les bords de la mer, 50 parasanges. A partir de là, on marche pendant 40 parasanges, en suivant les bords de la mer et en se dirigeant vers l'Orient, à travers les provinces auxquelles confinent maintenant les états du roi Djour ; la première de ces provinces est Dravida.[18] De là jusqu'à Cantchi on compte 30 parasanges ; de là à Malyah, 40 parasanges ; de là à Kounaka, 30 parasanges. Cet endroit est le dernier de tous.[19]
Si tu pars de Bary, [20] en suivant le Gange, le long de sa rive orientale, tu compteras de là à Ayodhya (Aoude), 25 parasanges ; de là à Bénarès, ville très révérée des Indiens, 20 parasanges. Là on quitte la direction du midi pour se tourner vers l'orient, et on compte, pour arriver à Scharouar, 35 parasanges ; de là à Patalypotra, [21] 20 parasanges ; de là à Monkyry, [22] 15 parasanges ; de là à Djanbah, 30 parasanges ; de là à Doukampour, 50 parasanges ; de là à Ganga-Sâyara (le confluent du Gange), lieu de l'embouchure du Gange dans la mer, 30 parasanges.
En partant de Canoge, dans la direction de l'orient, on compte, jusqu'à Bary, 10 parasanges ; de là à Doukam, 45 parasanges ; de là au royaume de Silhet, 10 parasanges ; et de là au pays de Bhot (Bhotan), 12 parasanges. Le pays à droite est appelé Tilout (Tirhout), et ses habitants sont…. et extrêmement noirs, avec le nez camus, à la manière des Turks. Ce peuple s'étend jusqu'aux montagnes de Camrou, [23] qui se prolongent jusqu'à la mer. Quant aux pays situés à gauche, c'est le royaume de Népal. Un homme qui a parcouru ces vallées m'a dit qu'il avait tourné à gauche, par rapport à la direction du lever du soleil, en marchant………….. Il fit 20 parasanges pour se rendre dans le Népal, la plupart du temps en montant. De Sal il arriva à Yhoutyscher en trente journées, ce qui fait près de 80 parasanges, sur lesquelles il y avait plus de montées que de descentes. Là est une rivière qu'on passe plusieurs fois sur des ponts faits avec des planches ; ces planches sont fixées à l'aide de cordes sur deux bambous qu'on a tendus entre deux colonnes élevées dans la vallée. C'est sur ces ponts qu'on passe avec les fardeaux sur les épaules ; l'eau coule au-dessous à une profondeur de cent coudées ; son écume est blanche comme de la neige, et elle menace d'enlever les montagnes (situées à droite et à gauche). Les fardeaux sont portés, après cela, sur le dos de chèvres. Cet homme prétendait avoir vu dans ce pays un chevreuil qui avait quatre yeux, et cela par une qualité propre à l'espèce, et non par l'effet d'un accident naturel. Yhoutyscher est le premier lieu du côté du Tibet ; là changent la langue, le costume et la figure des hommes. De là au sommet du col le plus élevé, on compte 20 parasanges. On aperçoit, du haut, l'Inde à travers les nuages, sous l'image d'une terre noirâtre ; les montagnes qui se trouvent au-dessous du col sont comme de petites collines ; pour le sol du Tibet et de la Chine, il est rouge : on y descend en moins d'une parasange.
De Canoge, en se dirigeant vers le sud-est et en suivant la rive occidentale du Gange, on compte 30 parasanges jusqu'au royaume de Djadjahouty, qui a pour capitale Kadjourâhah. Là se trouvent les deux forteresses de Gualior et de Kalindjer, qui sont au nombre des places les plus fortes. On arrive aussi à Dhâl, dont la capitale est Bitoura.[24] Le prince de ce pays est maintenant Kankyou. On compte de là au royaume de Kannakara, 10 parasanges. Vient ensuite Oupsour, puis Banaouâs, qui se trouve sur les bords de la mer.
De Canoge, en prenant la direction du sud-ouest, on compte jusqu'à Asy, [25] 18 parasanges, de là jusqu'à Sahaynâ, 17 parasanges ; de là jusqu'à Djandara, 18 parasanges ; de là jusqu'à Râdjaury, 15 parasanges[26] ; de là jusqu'à Bazânah, capitale du Guzarate, 20 parasanges. Cette dernière ville est celle que nos compatriotes appellent Narayana ; [27] comme elle a été détruite, les habitants se sont transportés dans un lieu plus reculé.
La distance entre chacune des villes de Mahoura et Canoge, ou de Mahoura et Bazânah, est la même, c'est-à-dire 28 parasanges. Celui qui de Mahoura se rend à Odjeïn, trouve sur sa route des bourgs rapprochés les uns des autres, et qui ne sont pas éloignés de plus de 5 parasanges, qui le sont même moins. A une distance de 35 parasanges, il rencontre une grande ville nommée Doudahy ; ensuite il arrive à Bamhour, à une distance de 7 parasanges ; ensuite à Bhaylesan, à la distance de 5 parasanges. Cette dernière ville est très considérée des Indiens ; le nom qu'elle porte est celui de l'idole qu'on y adore. Vient ensuite Ardyn, à la distance de 9 parasanges : le nom de l'idole qu'on y adore est Mahakâla[28] ; puis vient Dhar, à la distance de 7 parasanges.
De Bazânah, en se dirigeant vers le midi, jusqu'à Mycar, on compte 25 parasanges. Mycar est le nom d'un royaume où se trouve la forteresse de Djatraour ; de cette forteresse à Malva et à sa capitale Dhar, on compte 20 parasanges. Oudjeyn se trouve à l'orient par rapport à Dhar, à une distance de 9 parasanges ; [29] de Oudjeyn à Bhaylesan, qui fait partie du Malva, l'on compte 10 parasanges ; de Dhar, en se dirigeant vers le midi, jusqu'à Mahouamahrah, on compte 20 parasanges ; de là à Kondouhou, 20 parasanges ; de là à Namâvar, sur les bords de la Nerbuda, [30] 10 parasanges ; de là à Albospour, 20 parasanges ; et de là à Matdakar, sur les bords du Godavery, 60 parasanges.
De Dhar, en se dirigeant vers le midi, jusqu'à la rivière de Nymyyah, on compte 7 parasanges ; de là à Mahrat-dessa (le pays des Mahrates), 18 parasanges ; et de là à la province du Konkan, qui a pour capitale Tâlah, sur les bords de la mer, 25 parasanges.
On dit que les plaines du Konkan, désignées sous le nom de Danaka, nourrissent une bête nommée scharau, qui marche sur quatre jambes, et qui de plus a sur le dos quatre jambes s'élevant dans les airs.[31] Cet animal est armé d'une petite trompe et de deux grosses cornes avec lesquelles il frappe l'éléphant et le coupe en deux morceaux. Il a la forme du buffle, et il est plus grand que le kanda. On prétend que quelquefois il s'attaque au premier animal qui se présente, et, le soulevant en tout ou en partie sur son dos, il le jette au milieu de ses jambes supérieures. Là cette bête tombe en putréfaction et devient la proie des vers ; les vers s'attachent à la peau de l'animal, qui ne cesse pas de se frotter contre les arbres, jusqu'à ce qu'il meure. On dit aussi que quelquefois cet animal, entendant le bruit du tonnerre, s'imagine que c'est le cri d'un autre animal. Là-dessus il se dirige vers l'endroit d'où arrive le bruit, gravit les montagnes et saute en l'air ; mais il tombe en bas et se met en pièces.
Quant au kanda, [32] il est très nombreux dans l'Inde, principalement aux environs du Gange. Il a la forme du buffle ; sa peau est noire et écailleuse ; des morceaux de chair lui pendent du menton. Il a trois ongles aux pieds : à chaque pied est un grand ongle qui s'avance par-devant ; les deux autres sont sur les côtés. Sa queue n'est pas longue ; ses deux yeux descendent de l'endroit ordinaire jusque vers la joue. A l'extrémité de son nez est une corne qui se recourbe au-dessus. Les brahmes ont le privilège de manger de sa chair.[33] J'ai vu un jeune individu de cette espèce frapper un éléphant qui était sur son chemin. Il lui blessa avec la corne le bras et le frappa de plusieurs coups. J'avais d'abord cru que c'était le kerkedann (rhinocéros) ; mais un homme qui venait de Sofala (en Afrique), dans le pays des Zendjs, me dit que le kerk, dont la corne est employée dans le pays à faire des manches de couteau, est seulement voisin de l'animal indien. Les Zendjs appellent le kerk anpylah. Ses couleurs sont variées. Sur sa tête est une corne de forme conique, qui s'élargit par le bas et qui ne s'élève pas haut ; la tige est noire dans l'intérieur et blanche au dehors. Sur le front de l'animal est une autre corne de la même forme que la première, mais plus longue. Cette corne se dresse lorsque l'animal est excité et qu'il veut frapper quelque coup. Il l'aiguise sur les pierres, et la rend propre à couper et à percer. Il a des ongles aux pieds ; sa queue ressemble à la queue de l'âne, et est très velue.[34]
Les fleuves de l'Inde nourrissent le crocodile aussi bien que le Nil ; c'est ce qui a fait croire à Aldjahedh, dans la simplicité de son cœur, et à cause de son peu de connaissance du cours des rivières et de la configuration des mers, que le fleuve Mehran (l'Indus) était un bras du Nil[35]…………..
Mais revenons au sujet que nous avions entrepris. De Bazânah, dans la direction du sud-ouest, jusqu'à la ville de Anhalouarah, on compte soixante parasanges ; et de là à Soumenat, sur les bords de la mer, cinquante parasanges.[36] De Anhalouarah, vers le midi, jusqu'au Lardessa, [37] qui a pour capitales Bahroudj et Rahannour, on compte quarante-deux parasanges. Ces deux villes sont sur les bords de la mer, à l'orient de Tana.[38]
De Bazana, dans la direction de l'ouest, jusqu'au Moultan, il y a cinquante parasanges ; et de là à Bhâty, [39] quinze parasanges. De Bhâty, dans la direction du sud-ouest, jusqu'à Arour, l'on compte quinze parasanges ; cette ville est située entre les deux bras de l'Indus. D'Arour jusqu'à Bahmanoua, autrement appelé Almansoura, [40] on compte vingt parasanges ; de là à Louherâny, à l'embouchure du fleuve, trente parasanges.
Si de Canoge on se dirige vers le nord, en se détournant un peu vers l'ouest, on compte, jusqu'à Schirscharhah, cinquante parasanges ; et de là jusqu'à Pindjaur, dix-huit parasanges. Pindjaur se trouve sur la montagne ; en face, dans la plaine, est la ville de Taneser.
De là jusqu'à Dahmâlah, capitale du Djâlandhar, au pied de la montagne, [41] il y a dix-huit parasanges, et de là à Balâdara, il y a dix parasanges. De là, en se dirigeant vers l'ouest, jusqu'à Liddah, il y a treize parasanges ; de là jusqu'au château de Radjakiry, huit parasanges.[42] De là, en se dirigeant vers le nord, jusqu'au Cachemire, il y a vingt cinq parasanges.
De Canoge, en se dirigeant vers l'ouest, jusqu'à Dyâmou, il y a dix parasanges ; de là à Gaty, dix parasanges ; de là à Ahâr, dix parasanges ; de là à Myrat, dix parasanges ; [43] et de là à Paniput, dix parasanges. Ces deux villes sont séparées par le cours de la Djomna. De là à Koutayl, on compte dix parasanges, et de là à Sanam, dix parasanges.
Si de là on se porte vers le nord-ouest, on rencontre Adathaur, à la distance de neuf parasanges ; ensuite Hadjannyr, à la distance de six parasanges ; puis Maydahoukour, capitale du Lauhâour (Lahor), sur la rive orientale du Irâdha (le Ravi), à la distance de huit parasanges ; puis la rivière de Djandrâhah (Chenab), à la distance de douze parasanges ; puis le Djylum, qui coule à l'occident de la rivière du Beyut (Veyut), à la distance de huit parasanges[44] ; de là à Ouayhend, capitale du Candahar, à l'occident du cours de l'Indus, vingt parasanges ; de là à Borschaver (Peyschaver), quatorze parasanges ; de là à Dinbour, [45] quinze parasanges ; de là à Kaboul, douze parasanges, et de là à Ghazna, dix-sept parasanges.
Quant au Cachemire, sa situation est dans une plaine entourée de montagnes élevées et d'un accès difficile. La partie située au midi et à l'orient appartient aux Indiens, et la partie qui se trouve à l'occident dépend de plusieurs rois, dont le plus proche est Belours-chah (le roi du Belour).Viennent ensuite Schaknan-schah, Doukhan-schah, [46] jusqu'aux frontières du Badakhschan. Quant au côté septentrional et à une partie du côté oriental, ils appartiennent aux Turks, devenus maîtres du Khoten et du Tibet.
Du col de Yhoutischer jusqu'au Cachemire, à travers le sol du Tibet, on compte environ trois cents parasanges. Les habitants du Cachemire marchent à pied, et ne font pas usage de bêtes de somme ni d'éléphants. Les grands du pays se placent sur des kotout, nom qu'on donne aux sièges, et ils se font porter sur les épaules des hommes. Ils mettent leur espérance dans la force naturelle de la contrée ; voilà pourquoi ils veillent constamment à la garde des entrées du pays et des défilés ; il est devenu, à cause de cela, très difficile de se mettre en rapport avec eux. Autrefois, on laissait passer une ou deux personnes d'entre les étrangers, particulièrement d'entre les juifs. Maintenant, on ne laisse pas approcher un Indien qui n'est pas connu des habitants, encore moins les autres.
La principale entrée du pays est le village de Beberhan, à égale distance entre l'Indus et le Djylum. De ce village au pont qui a été construit au confluent du Kosâry et du Nahry, deux rivières qui descendent des montagnes de Schemylan et qui se jettent dans le Djylum, il y a huit parasanges.
Une autre entrée est le défilé par lequel sortent les eaux du Djylum, [47] sur une étendue de cinq journées. A l'extrémité de ce défilé est la ville de Douar Almorsad, sur les deux côtés de la rivière. Au sortir de là, le Djylum se répand dans les campagnes et atteint, en deux jours, Addaschtan, capitale du Cachemire, traversant sur ces entrefaites plusieurs villes l'une après l'autre, notamment Ouschkar, qui est la ville de Barâmoula, bâtie sur les deux côtés de la rivière. La ville de Cachemire a quatre parasanges d'étendue ; elle est bâtie en long sur les deux rives du Djylum, qu'on traverse sur plusieurs ponts et sur des barques. Le Djylum prend sa source aux montagnes de Hazmakout, d'où descend aussi le Gange. Ces montagnes sont froides et non frayées ; la neige qui les couvre ne fond jamais et ne se dissipe pas. Au-delà est le Maha-Tchin, c'est-à-dire, la Grande Chine. Après que le Djylum a quitté les montagnes, et qu'il a coulé l'espace de deux journées, il traverse Addeschtan. A quatre parasanges de là, il entre dans un étang qui a une parasange de long sur une parasange de large. C'est sur ses bords que les habitants font les semailles et que croissent les moissons. Après cela, la rivière sort de l'étang pour traverser la ville de Ouschkar ; enfin, elle atteint le défilé.[48]
L'Indus prend naissance aux montagnes de Onannak, sur les limites du pays des Turks.[49] Quand tu as franchi le défilé qui forme l'entrée, et que tu as pénétré dans la campagne, [50] tu as à ta gauche les montagnes de Belour et de Schemylan ; à deux journées de distance sont les Turks nommés Bhatâouaryan, dont le roi prend le titre de Bhatschah. Les pays que ces Turks occupent portent le nom de Ghilghit, Asourah et Schaltas. Leur langue est le turc. Les habitants de Cachemire ont beaucoup à souffrir de leurs incursions. Si on se détourne du côté gauche, on rencontre beaucoup d'habitations jusqu'à la capitale (de la vallée). Celui qui prend à droite trouve, au midi de la capitale, des villages qui se touchent, et il arrive à la montagne de Kelardjek, qui a la forme d'une coupole, à peu près comme la montagne de Demavend.[51] La neige ne quitte pas cette montagne, et elle est constamment visible du territoire de Tâkyscher et de Louhaour. La distance de cette montagne à la vallée de Cachemire est de deux parasanges. Cette montagne a au midi le château de Radjakiry, et à l'occident celui de Lahour. Je n'ai pas vu de places plus fortes que ces deux châteaux. A la distance de trois parasanges est la ville de Râdjâdy ; nos marchands vont y faire le commerce, mais ils ne peuvent avancer au-delà. C'est la limite de la terre de l'Inde, du côté du nord.[52] Dans les montagnes situées du côté de l'occident sont différentes populations de race afghane, qui viennent s'éteindre près de la terre du Sind.
Quant au côté du midi, il est borné par la mer. La côte de cette mer commence à Tyz, capitale du Mekran, et s'avance vers le sud-est, du côté du territoire de Aldaybal (Daybal), sur une étendue de quarante parasanges. Entre ces deux villes est le golfe de Touran. Un golfe (gobb) est comme une encoignure et un détour que fait la mer en pénétrant dans le continent ; les navires n'y sont pas sans péril, particulièrement à l'égard du flux et reflux. La baie (khour) a beaucoup de rapport avec le golfe ; mais elle n'est pas l'effet d'un empiétement de la mer ; elle provient uniquement d'un amas d'eaux courantes, qui communiquent avec la mer sans se ressentir de son mouvement. Dans la baie, les navires courent aussi des dangers, mais c'est à cause que l'eau en est douce ; en effet, l'eau douce ne supporte pas les fardeaux comme l'eau salée.[53]
Après le golfe de Touran viennent la petite et la grande Monh.[54] Viennent ensuite les Beouaridj, qui vivent de rapines. Les Beouaridj sont établis à Kudj et à Soumenat ; on les appelle ainsi parce qu'ils se livrent à la piraterie, dans des barques nommées beyrah.[55]
De Daybal à Touallyscher, on compte cinquante parasanges ; de là à Louherany, douze parasanges ; de là à Bakah, douze autres parasanges ; de là à Kudj, patrie du Mocl, [56] et à Baraoua, [57] six parasanges ; de la à Soumenat, quatorze parasanges ; de là à Canbaye, trente parasanges ; de là à Asaoul, deux journées[58] ; de là à Bahroudj, trente parasanges ; de là à Sindan, cinquante parasanges ; de là à Soubarah, six parasanges ; et de là à Tanah, cinq parasanges. On entre ensuite dans le pays de Lâran, et on y remarque Djymour, [59] ensuite Malyah, ensuite Kandjy, ensuite le Dravira. Il y a de ce côté un grand golfe où se trouve l'île de Senkeldyb, [60] autrement dite Serendyb. A l'entour est la ville de Paridjyaour (Tandjaour). Comme elle a été détruite, Djour, roi du pays, a bâti à la place, sur les bords de la mer, du côté de l'occident, un lieu de plaisance[61] qu'il a nommé Pandnar. Viennent ensuite Oumalnara, puis Rameswara, [62] en face de l'île de Sérendib.
La distance entre Rameswara et l'île, sur l'eau, est de douze parasanges. De Pandjyaour à Rameswara, on compte quarante parasanges, et de Rameswara à Setou-Bandha, c'est-à-dire « pont sur la mer, » deux parasanges. Setou-Bandha est la chaussée qui fut construite par Rama, fils de Dasaratha, [63] pour se frayer un passage au château de Lanka. Maintenant, cette chaussée est une suite de rochers séparés par la mer.[64]
A seize parasanges de là, du côté de l'orient, sont les montagnes de Kihkanda (Kichkindya), autrement appelées Montagnes des singes. Chaque jour le roi des singes sort avec quelques bandes de ses sujets. Les singes ont des lieux de rendez-vous. Les habitants ont soin de préparer pour eux du riz bouilli qu'ils apportent sur des feuilles d'arbre. Quand les singes ont mangé, ils s'en retournent dans leurs bois. Si on négligeait de leur préparer à manger, cette négligence serait la ruine du pays, tant ils sont nombreux et méchants. Les habitants croient que ces singes formaient jadis un peuple d'hommes, à présent métamorphosés, et qu'ils prêtèrent un secours actif à Rama, dans sa guerre contre les démons (les Rakchasa). Ils prétendent que ces villages furent donnés, par Rama, en ouacf aux singes. A les en croire, lorsqu'un homme va dans ce pays, s'il se met à réciter les vers composés par Rama à l'intention des singes, et qu'il emploie ses incantations, ils prêtent l'oreille à ces vers, ils font silence pour les entendre, ils enseignent le chemin au voyageur égaré, ils lui donnent à manger et à boire. S'il y a quelque chose de vrai dans ce récit, il faut croire que c'est l'effet de l'harmonie des paroles, comme on l'a vu pour la gazelle.[65]
Les îles de la partie de la mer de l'Inde qui est tournée vers l'orient, et qui se rapproche de la Chine, sont les îles du Zabadj (Alzabadj). Les Indiens les nomment Sourendyb, c'est-à-dire Iles d'or.[66]
Les îles situées du côté de l'occident sont les îles des Zendjs (Madagascar, etc.).
Les îles placées au centre sont les îles de Ram (Alram) et les îles Dybadjat (Aldybadjat).[67] On peut aussi ranger parmi ces îles les îles de Comayr. On donne le nom particulier de Dyvah aux îles qui naissent dans la mer, et qui apparaissent au-dessus de l'eau sous la forme de monceaux de sables : ces sables ne cessent pas de grossir, de s'étendre et de faire corps ensemble, jusqu'à ce qu'ils présentent un aspect solide. Il y a en même temps de ces îles qui, avec le temps, s'ébranlent, se décomposent, se fondent, puis s'enfoncent dans la mer et disparaissent. Quand les habitants de ces îles s'aperçoivent de cela, ils se retirent dans quelque île nouvelle et en voie de s'accroître. Ils transportent en ce lieu leurs cocotiers, leurs palmiers, leurs grains et leurs ustensiles, et finissent par y établir leur demeure. Ces îles se divisent en deux classes, suivant la nature de leur principal produit. Les unes sont nommées Dyvah-kouzah, c'est-à-dire îles des Cauris, à cause des cauris qu'on ramasse sur les branches des cocotiers plantés dans la mer. Les autres portent le nom de Dyvah-kanbar, du mot kanbar, qui désigne le fil que l'on tresse avec les fibres du cocotier et avec lequel on coud les navires.[68]
Au nombre des îles Comayr est l'île de Ouacouac, qui n'a pas été, comme le croit le vulgaire, ainsi appelée à cause d'un arbre dont le fruit aurait la forme d'une tête humaine poussant un cri.[69] Comayr est le nom d'un peuple dont la couleur tire vers le blanc, qui est petit de taille, qui ressemble, pour la figure, aux Turks, qui professe la religion des Indiens et qui a les oreilles percées.[70] Parmi les habitants de l'île Ouacouac, il y en a qui ont le teint noir ; les hommes y sont plus recherchés que les femmes. On exporte de chez eux l'ébène noir, mot qui sert à désigner la moelle d'un arbre dont on a ôté l'enveloppe. Quant au molamma, au schau kheth et au sandal jaune, ces substances viennent du pays des Zendjs.
Il y avait autrefois, dans le golfe de Serendyb, une pêcherie de perles qui s'est épuisée de notre temps. D'un autre côté, il s'est formé une pêcherie à Sofala, dans le pays des Zendjs, là où il n'en existait pas auparavant ; on dit que c'est la pêcherie de Serendyb qui s'est transportée à Sofala.
L'Inde reçoit, l'été, les pluies qui accompagnent ordinairement les grandes chaleurs. Cette époque de l'année porte le nom de barschakâla[71] (temps de la pluie). Plus la plaine s'avance vers le nord[72] sans être interceptée par aucune montagne, plus la pluie y est abondante. La saison pluvieuse y dure plus longtemps, et elle donne plus d'eau. J'entendais dire aux habitants du Moultan que, chez eux, le barschakâla n'existe pas ; mais il est très sensible dans les contrées voisines, à mesure qu'on s'avance vers le nord et qu'on se rapproche des montagne ? Dans le Bhatel[73] et le Antarvédi, le barschakâla dure depuis le mois de asarh[74] ; l'eau tombe pendant quatre mois de suite, comme si on la versait d'une outre.
Dans les contrées qui sont situées au-delà, autour des montagnes du Cachemire, jusqu'au col de Djoudery, situé entre Dinpour et Peyschaver, la pluie tombe en abondance pendant deux mois et demi, à partir du mois de sravan[75] ; mais, au-delà du col, il ne pleut plus. Ce phénomène vient de ce que les nuages sont alors chargés d'eau et se trouvent à une faible hauteur au-dessus de la surface de la terre. Quand ils ont atteint les montagnes, ils se pressent contre elles, et il s'établit une espèce de lutte. Voilà pourquoi les nuages se répandent en eau, mais voilà aussi pourquoi le barschakâla ne dépasse pas les montagnes. Ainsi, la vallée de Cachemire ne connaît pas le barschakâla. Ordinairement, la neige y tombe pendant deux mois et demi de suite, à partir du mois de magh.[76] Quand on a passé le milieu du mois de chaïtra, [77] les pluies se succèdent pendant quelques jours et font fondre les neiges ; la terre commence alors à paraître. Il est bien rare que les choses se passent autrement. Quant aux exceptions de détail, chaque vallée est soumise à quelques cas particuliers.[78]
Les ères servent à fixer, dans l'ordre des temps, les moments dont on a à parler. Les Indiens, bien qu'ils n'éprouvent pas de difficulté à calculer de grands nombres, et que même ils y excellent, sont obligés, dans l'usage ordinaire, de les réduire.
L'une des ères indiennes est la naissance de Brahma. Une autre ère est le commencement du jour de Brahma, qui, de, plus, sert de commencement au calpa.[79] Une troisième ère est le commencement du septième manwantara, dans lequel nous nous trouvons maintenant.[80] Une quatrième ère est le commencement du vingt-huitième satya-yog (mahayoug), dans lequel nous nous trouvons également.[81] Une cinquième ère est le commencement du quatrième yoga, appelé kalikâla, c'est-à-dire époque de Kali. Cet âge a été appelé du nom de Kali, bien que Kali ne doive venir qu'à la fin, et les Indiens ont désigné par là le commencement du Kaliyoga.[82] Une sixième ère est le pandou-kâla, qui commence au temps des guerres décrites dans le Mahabharata et des batailles qui se livrèrent à cette occasion. Toutes ces ères remontent à une antiquité reculée, et leurs années dépassent les nombres cent mille et au-delà. Ces nombres ont embarrassé les astronomes dans leurs calculs, et, à plus forte raison, le commun des hommes. Nous allons donner une idée exacte de ces ères, et nous rapporterons nos calculs à l'année des Indiens, dont la plus grande partie correspond à l'an 400 de l'ère de Yezderdjed. Cette époque s'exprime par un nombre rond et n'est embarrassée ni de dizaines ni d'unités. Cet avantage lui est particulier et la distingue de toutes les autres années. De plus, elle a été rendue à jamais célèbre par la chute du plus fort boulevard de l'islamisme et la mort de l'illustre sulthan Mahmoud, lion du monde et le phénomène du temps : Dieu lui fasse miséricorde ! En effet, Mahmoud expira moins d'un an avant cette époque.[83] Le sandhi[84] des Indiens précède le nourouz (premier jour de l'année) des Perses de douze jours, et il fut postérieur de dix mois persans complets à la nouvelle de la mort du sulthan.[85]
Les Indiens ont de plus une ère qu'ils nomment Kâla hamana, et sur laquelle je n'ai pas pu avoir de notions certaines. Je sais seulement que, d'après les Indiens, Hamana vivait à la fin des révolutions de l'âge le plus rapproché ; il se rendit maître de l'Inde et altéra les doctrines religieuses du pays.[86]
Toutes ces ères présentent des nombres considérables et remontent à une époque reculée ; voilà pourquoi on a renoncé à en faire usage. On emploie ordinairement les ères de Sri-Harscha, de Vikramaditya, de Saca, de Ballaba et des Gouptas.
Les Indiens croient que Sri-Harscha faisait fouiller la terre et cherchait ce qui pouvait se trouver dans le sol, en fait d'anciens trésors et de richesses enfouies ; il faisait enlever ces richesses et pouvait, par ce moyen, s'abstenir de fouler ses sujets. Son ère est mise en usage à Mahourah et dans la province de Canoge. J'ai entendu dire à un homme du pays que, de cette ère à celle de Vikramaditya, [87] on comptait quatre cents ans ; mais j'ai vu, dans l'almanach de Cachemire, cette ère reculée après celle de Vikramaditya de 664 ans. Il m'est donc venu des doutes que je n'ai pas trouvé moyen de résoudre. L'ère de Vikramaditya est employée dans les provinces méridionales et occidentales de l'Inde. On pose 342, qu'on multiplie par 3, ce qui fait 1026 ; on ajoute au produit ce qui s'est écoulé du schadabda, mot par lequel on désigne le samvatsara sexagésimal.[88] Voilà ce qu'on entend par l'ère de Vikramaditya. J'ai vu le mot schadabda cité dans le livre du Soroudou, composé par Mahadeva Djandaryna. Le procédé qu'on emploie d'abord est incommode. Si on commençait par poser le nombre 1026, au lieu de marquer sans aucun motif 3Ui, l'opération serait plus simple : car admettons le résultat, maintenant qu'on en est au premier samvatsara, comment fera-t-on lorsque les samvatsara se multiplieront[89] ?
L'ère de Saca, nommée par les Indiens Sacakâla, est postérieure à celle de Vikramaditya de 135 ans.[90] Saca est le nom d'un prince qui a régné sur les contrées situées entre l'Indus et la mer (le golfe du Bengale). Sa résidence était placée au centre de l'empire, dans la contrée nommée Aryavartha. Les Indiens le font naître dans une classe autre que celle des……[91] ; quelques-uns prétendent qu'il était Soudra et originaire de la ville de Mansoura. Il y en a même qui disent qu'il n'était pas de race indienne, et qu'il tirait son origine des régions occidentales. Les peuples eurent beaucoup à souffrir de son despotisme, jusqu'à ce qu'il leur vînt du secours de l'Orient. Vicramaditya marcha contre lui, mit son armée en déroute et le tua sur le territoire de Korour, situé entre Moultan[92] et le château de Louny. Cette époque devint célèbre, à cause de la joie que les peuples ressentirent de la mort de Saca, et on la choisit pour ère, principalement chez les astronomes. D'un autre côté, Vicramaditya reçut le titre de sri (grand), à cause de l'honneur qu'il s'était acquis. Du reste, l'intervalle qui s'est écoulé entre l'ère de Vicramaditya et la mort de Saca, prouve que le vainqueur n'était pas le célèbre Vicramaditya, mais un autre prince du même nom.
Ballaba, qui a donné aussi son nom à une ère, était prince de la ville de Ballabha, au midi de Anhalouara, à environ trente yodjanas de distance. L'ère de Ballaba est postérieure à celle de Saca de 241 ans.[93] Pour s'en servir, on pose l'ère de Saca et l'on en ôte à la fois le cube de 6 (216) et le carré de 5 (25). Ce qui reste est l'ère de Ballaba. Il sera question de cette ère en son lieu.
Quant au Goupta kâla (ère des Gouptas), on entend par le mot goupta des gens qui, dit-on, étaient méchants et puissants ; et l'ère qui porte leur nom est l'époque de leur extermination. Apparemment, Ballaba suivit immédiatement les Gouptas ; car l'ère des Gouptas commence aussi l'an 241 de l'ère de Saca.[94]
L'ère des astronomes commence l'an 587 de l'ère de Saca.[95] C'est à cette ère qu'ont été rapportées les tables Kanda khâtaca, de Brahmagupta. Cet ouvrage porte chez nous le titre de Arcand.
D'après cela, en s'en tenant à l'an 400 de l'ère de Yezderdjed, on se trouve sous l'année 1488 de l'ère de Sri-Harscha, l'an 1088 de l'ère de Vicramaditya, l'an 953 de l'ère de Saca, l'an 712 de l'ère de Ballaba et de celle des Gouptas. D'un autre côté, les tables Kandakhâtaca comptent 366 ans, le Pantcha Siddhantika de Varahamihira 526 ans, le Karana Sâra 132 ans, et le Carana Tilaka 19 ans.[96] Les années que j'assigne aux tables astronomiques sont les années adoptées par les indigènes eux-mêmes, afin de donner plus d'exactitude à leurs calculs.
Il est possible que quelque divergence existe à cet égard. Le vulgaire, dans l'Inde, compte par siècles, et les siècles se placent l'un après l'autre. On appelle cela le Samvatsara du cent. Quand un cent est écoulé, on le laisse et l'on en commence un autre. On appelle cela Loka-kâla, c'est-à-dire comput du peuple. Mais les écrivains diffèrent sur ce point, sans qu'il m'ait été possible de savoir au juste d'après quel principe ils procèdent. De même qu'on a varié à cet égard, on a varié pour le commencement de l'année et pour le point initial. Je vais exposer ici ce que j'ai entendu dire, tel qu'on me l'a dit, en attendant que j'aie trouvé une règle pour soumettre ces divers usages à un calcul rigoureux.
Les personnes qui se servent de l'ère de Saca, et ce sont les astronomes, commencent l'année au mois de chaitra.[97] On dit que les habitants de plusieurs des contrées qui sont voisines du Cachemire, font commencer l'année au mois de bhâdravada, [98] et qu'ils comptent en ce moment 84 ans. Ceux qui habitent entre…… et Mâry, la font tous commencer au mois de kârtika, [99] et ils comptent maintenant 110 années. On prétend que les peuples du Cachemire se trouvent à présent dans la sixième année de leur cycle.[100] Les habitants de Nyrhar, au-delà de Mâry, jusqu'aux limites de Takyscher et de Louhaour, [101] commencent tous leur année au mois de mankher, [102] et sont maintenant arrivés à leur 188e année ; ils sont imités en cela par les habitants de Lanyk, je veux dire Lamgan.[103] J'ai entendu dire aux habitants du Moultan que tel était aussi l'usage des habitants du Sind et de Canoge, et que, dans ces pays, on avait coutume de commencer l'année à la conjonction du mois de mankher[104] ; pour les peuples du Moultan, ils ont renoncé, il y a un petit nombre d'années, à cet usage, et ils ont adopté la méthode suivie en Cachemire, c'est-à-dire qu'à l'exemple des Cachemiriens, ils commencent l'année à la conjonction du mois de chaitra.
Déjà je me suis excusé sur l'imperfection de ce qui est dit ici, et j'ai averti que les résultats que je présente offraient quelque incertitude, vu les nombres qui excèdent celui de cent. Je ferai remarquer de plus que j'ai vu les Indiens, lorsqu'ils veulent marquer l'année de la prise de Soumenat (par Mahmoud le Ghaznévide), événement qui eut lieu l'an 416 de l'hégire[105] (janvier 1026 de J. C.), et l'an 947 de l'ère de Saca, je les ai vus écrire 242, puis au-dessous 606, puis encore au-dessous 99, enfin additionner le tout ensemble ; ce qui donne l'ère de Saca. On peut induire de là que le nombre 242 indique les années qui précèdent l'époque où les Indiens commencèrent à se servir d'un cycle de cent, et que cet usage commença avec l'ère des Gouptas. D'après cela, le nombre 606 indiquerait les samvatsaras de cent complets, ce qui porterait chaque samvatsara à 101. Quant au nombre 99, ce seraient les années qui se sont écoulées du samvatsara non encore révolu. C'est ce qui est en effet. J'ai trouvé la confirmation et l'éclaircissement de cela dans les tables astronomiques de Durlab le moultanien ; on y lit : « Ecris 848 et ajoute le Loka-kâla, c'est-à-dire le comput du vulgaire ; le produit marquera l'année de l'ère de Saca. » En effet, si nous écrivons l'année de l'ère de Saca qui correspond à l'année actuelle, et qui est l'année 953[106] et que nous retranchions de ce nombre la quantité 848, il restera 105 pour le Loka-kâla, et l'année de la ruine de Soumenat tombera sur le nombre 98. Durlab ajoute que l'année commence au mois de mankher, mais que les astronomes du Moullan commencent l'année au mois de chaitra.[107]
Le Kaboul était autrefois gouverné par des princes de race turque ; on dit qu'ils étaient originaires du Tibet. Le premier d'entre eux, qui se nommait Barhatekyn, [108] s'établit, à son arrivée à Kaboul, dans une grotte où l'on ne pouvait s'introduire que couché et en rampant. La grotte renfermait une source, et il se pourvut de nourriture pour quelques jours. Cette grotte est encore à présent bien connue ; on la nomme bacar. Les personnes qui veulent profiter de la bénédiction attachée au souvenir de Barhatekyn y entrent, et ces personnes, en sortant, emportent un peu de cette eau avec effort. Des troupes de paysans travaillaient à.la porte de la grotte. Une chose semblable ne peut se faire et ne se pratique que lorsqu'on se met de connivence avec quelqu'un. Les personnes qui étaient d'intelligence avec Barhatekyn engageaient les paysans à travailler sans relâche, la nuit et le jour, en se relevant les uns les autres ; c'était afin que ce lieu fût constamment entouré de monde. Au bout de quelque temps, Barhatekyn sortit tout à coup de la grotte, et les hommes qui se trouvaient auprès de l'entrée, le virent apparaître comme quelqu'un qui sort du sein de sa mère, revêtu du costume des Turks et couvert de la tunique, du bonnet, des bottines, et armé de pied en cap. On le regarda comme un homme extraordinaire, comme un homme né pour l'empire, et il se rendit maître du royaume de Kaboul. Le trône resta au pouvoir de ses enfants pendant à peu près soixante générations. Les Indiens attachent peu d'importance à l'ordre des faits ; ils négligent de rédiger la chronique des règnes de leurs rois. Quand ils sont embarrassés, ils parlent au hasard ; sans cela je reproduirais ici ce que j'ai entendu dire à quelques personnes du pays. Il est vrai que, d'après ce qui me fut raconté, l'ordre de ces règnes était écrit sur une étoffe de soie qui fut trouvée dans la forteresse de Nagarkout.[109] J'aurais vivement désiré pouvoir lire cet écrit ; mais différentes circonstances m'en empêchèrent.
Au nombre de ces rois fut Kank ; c'est celui qui a fondé le vihara de Peychaver, et dont le vihara porte le nom.
[110] On prétend que le ray[111] de Canoge offrit, entre autres présents, à ce prince une étoffe brillante et d'un genre nouveau, et que celui-ci voulut s'en faire faire un habillement. Mais le tailleur refusa de prêter son ministère, disant : « Je vois sur l'étoffe la figure d'un pied humain ; et, de quelque manière que je m'y prenne, le pied se trouvera entre les deux épaules. » A cela se rapporte ce que nous avons dit dans la légende de Bah.[112]Kank comprit que le souverain de Canoge avait voulu l'humilier et montrer le peu de cas qu'il faisait de lui. Il se mit aussitôt en marche avec son armée, se dirigeant vers Canoge. A cette nouvelle le ray se trouva fort embarrassé ; car il n'était pas en état de se mesurer avec le prince de Kaboul. Il consulta son vizir qui lui dit : « Tu as mis en mouvement un homme qui se tenait tranquille ; il y a eu là une grande imprudence. Maintenant coupe-moi le nez et les lèvres, et mutile-moi ; je tâcherai d'imaginer quelque ruse ; pour la force ouverte, il ne faut pas y songer. »
Le ray fit ce que le vizir avait proposé, et le vizir, laissé en liberté, se rendit sur les frontières de l'empire. L'armée de Kaboul l'ayant rencontré sur son passage, il se fit connaître, et on le conduisit auprès de Kank. Celui-ci lui ayant demandé comment il avait été mis dans cet état, il répondit : « Je dissuadais le ray de se mettre en hostilité avec toi, et je lui conseillais de faire acte de soumission ; en un mot, je lui donnais des avis pour son bien. Mais il a mal interprété mes paroles, et il m'a mutilé. Maintenant si, pour le joindre, tu suis la route ordinaire, il te faudra beaucoup de temps. Tu arriveras plus facilement à ton but en traversant le désert qui est en face, pourvu que tu portes de l'eau avec toi pour un tel nombre de jours. » Kank adopta cet avis ; il prit avec lui une provision d'eau, et se fit guider par le vizir à travers les solitudes. Mais le vizir, marchant en tête, le conduisit dans un désert sans limites. Cependant, le terme avait expiré et le roi ne savait pas où il se trouvait. Il consulta le vizir qui répondit : « On ne peut pas m'en vouloir de ce que j'ai cherché à sauver mon maître et à faire périr son ennemi. Le chemin le plus court pour sortir de ce désert serait celui par lequel tu y es entré. Fais de moi ce que tu voudras ; il n'y a plus de salut pour aucun de vous. »
A ces mots, Kank monta à cheval et se rendit dans un lieu bas. Il planta sa lance au centre, et l'eau sortit en assez grande quantité pour désaltérer l'armée entière, et pour lui permettre de s'approvisionner. Le vizir dit alors au roi : « En employant cet artifice, je n'avais pas l'intention de m'attaquer aux anges tout-puissants ; je n'avais en vue que les pauvres humains. Les choses en étant venues à ce point, agrée mon intercession et pardonne au souverain mon bienfaiteur. » Kank répondit : « Je vais m'en retourner sur mes pas ; je t'accorde ta demande ; ton maître a été traité comme il le méritait. » Là-dessus le roi reprit le chemin de ses états, et le vizir revint auprès du ray. Mais, à son retour, le vizir vit que le ray avait été prive de l'usage de ses pieds et de ses mains, le jour même que Kank avait planté sa lance dans la terre.
Le dernier roi de cette dynastie fut Laktouzeman. Ce prince avait pour vizir un brahmane nommé Kallar. Ce vizir était favorisé par la fortune, et il trouva dans la terre des trésors qui lui donnèrent de la force et accrurent sa puissance. D'un autre côté, la fortune tourna le dos à son maître. En effet, il y avait bien longtemps que cette famille était maîtresse du pouvoir. Laktouzeman prit une direction mauvaise ; il se livra à une conduite honteuse ; et, comme les plaintes arrivaient de tout côté au vizir, celui-ci fit charger le prince de chaînes et l'enferma pour le corriger. Ensuite le vizir se laissa aller à la tentation d'être le maître unique : il avait des richesses suffisantes pour lever tous les obstacles. Il s'empara donc du trône.et eut pour successeur le brahme Sâmanda.
[113] Celui-ci fut remplacé par Kamalavâ ; puis vinrent successivement Bhima, Djayapâla, [114] Anandapâla et Nardadjanpâla.[115] Celui-ci monta, dit-on, sur le trône l'an 412 de l'hégire (1021 de J. C). Son fils Bhimapâla lui succéda au bout de cinq ans. La souveraineté indienne s'éteignit dans la personne de ce dernier, et il ne resta plus d'individu de cette famille pour souffler le feu.[116] Ces princes, malgré l'étendue de leurs états, étaient pleins de belles qualités et accueillaient bien tout le monde.[117] Je trouve admirable la lettre qu'Anandapâla écrivit à l'émir Mahmoud, dans un moment où ses rapports avec ce prince étaient d'une aigreur extrême : « J'ai appris que les Turks ont fait une invasion dans tes états et qu'ils se sont répandus dans le Khorassan[118] ; si tu le veux, j'irai te trouver avec cinq mille cavaliers et le double de fantassins, ainsi que cent éléphants. Si tu l'aimes mieux, je t'enverrai mon fils avec le double de cela. En te faisant cette proposition, je ne cherche pas à capter ta bienveillance. Tu m'as vaincu, et je ne veux pas qu'un autre que moi ait raison de toi. » Ce prince fut un ennemi acharné des musulmans, à partir du moment où son fils fut fait prisonnier (par Mahmoud). Mais son fils Nardadjanpâla fut le contraire de cela.[119]Le sandhi, d'après le sens primitif du mot, est le moment qui se trouve placé entre le jour et la nuit. Le matin, c'est l'aurore. Les Indiens le nomment Sandhyaroudou, [121] c'est-à-dire ce qui appartient au lever du jour. Le soir, c'est le crépuscule ; il est nommé Sandhyastamana, c'est-à-dire, ce qui appartient au coucher du jour. Ces deux moments sont d'autant plus importants à connaître pour les brahmes, qu'ils sont obligés de faire alors leurs ablutions. On trouve dans les Pouranas un récit relatif au roi Hiranyacasipou, de la race des Detyas. Ce roi s'était livré à un exercice religieux extrêmement prolongé, et il avait mérité d'obtenir de Dieu tout ce qu'il lui plairait de demander. Or il demanda de vivre éternellement ; et comme cette faveur était réservée au Créateur, il se borna à solliciter de ne mourir ni de la main d'un homme, ni de la main d'un ange, ni de la main d'un génie ; il désira également que sa mort n'eût lieu ni sur la terre, ni dans le ciel, ni le jour, ni la nuit. Tout cela était un calcul par lequel il espérait échapper à la mort, à laquelle nous sommes tous sujets. Sa demande lui fut accordée.
Hiranyacasipou avait un fils nommé Prahrâda. Quand il fut devenu grand, son père le mit entre les mains d'un précepteur. Un jour, le père fit venir son fds pour savoir ce qu'on lu ; enseignait ; le fds récita quelques vers dont le sens était qu'il n'y a que Vichnou dans le monde, et que tout le reste n'est rien. Mais Hiranyacasipou n'aimait pas Vichnou, et il essaya de donner une autre direction aux idées de son fils ; comme ses efforts étaient inutiles, il fit avaler du poison à son fils ; mais le fils invoqua le nom de Dieu ; il tourna sa pensée vers Vichnou, et le poison n'eut pas de prise sur lui. Le père, étonné, demanda à son fils s'il était magicien ; le fils répondit : « Il n'y a pas là de magie ; j'ai eu recours à celui qui t'a créé et qui t'a comblé de biens. » Alors la colère du père n'eut plus de bornes, et il fit jeter son fils dans un feu ardent. Mais Prahrâda ne ressentit pas les atteintes du feu. Pendant qu'il était au milieu des flammes, il tenait tête à son père et cherchait à lui prouver la puissance de Dieu : il dit, entre autres choses, que Vichnou était présent partout. Là-dessus le père dit à son fils, en lui montrant une colonne d'un des portiques du palais : « Crois-tu que Vichnou soit là-dedans ? » « Oui, » s'écria le fils. A ces mots, le père, entrant en fureur, se jeta sur la colonne et la frappa. Tout à coup il en sortit Narasinha, [122] ayant une tête de lion sur un corps d'homme. Hiranyacasipou et ses gens se défendirent les armes à la main. Comme il faisait alors jour, Narasinha n'était pas libre de faire ce qu'il voulait ; mais, au moment où le jour cessait, il saisit Hiranyacasipou, l'enleva dans les airs et le mit à mort. Le fils de Hiranyacasipou fut établi à sa place.[123]
Parmi les astrologues, il y en a qui ont égard à ces deux instants et qui placent en ce moment l'influence des signes du zodiaque. Chacun de ces moments a pour eux la durée d'un mouhourtta, [124] équivalant à deux gharis, [125] c'est-à-dire aux quatre cinquièmes d'une de nos heures. Pour Varaha-mihira, par l'effet de sa grande habileté dans son art, il ne reconnaît que deux temps, le jour et la nuit. Il définit le sandhi d'après ce qu'il est réellement, c'est-à-dire le moment où le centre du globe du soleil se montre à l'horizon. C'est dans ce moment, suivant lui, que s'exerce l'influence des signes du zodiaque.
Certaines personnes ont appliqué la dénomination de sandhi à toute autre chose. Elles ont rattaché aux deux ayana, c'est-à-dire aux deux semestres dans l'un desquels le soleil s'élève et dans l'autre s'abaisse, un sandhi, qui se compose de sept jours, et qui précède le moment où commence le ayana.[126] Par une idée analogue, on a établi des sandhis entre deux yogs, deux manouantaras, etc. Mais tout cela ce ne sont que des hypothèses.
[1] Fonds Ducaurroy, n° 22; chap. xviii, fol. 46 et suiv. (Voyez aussi l’exemplaire du Traité d'Edrisi, manuscrit de la Bibliothèque royale, à la fin.)
[2] Il s'agit ici des statues placées aux extrémités occidentales et orientales du monde, et qui faisaient signe de ne pas s'avancer au delà. Je parle de ces prétendues statues dans la préface de ma traduction de la Géographie d'Aboulféda.
[3] Pour bien entendre ce passage, il faut savoir qu'Al-Biruni, à l'exemple de Strabon, regardait l'Afrique comme une vaste presqu'île, bornée du côté du midi par une mer étroite, qui communiquait à la fois avec l'océan Atlantique et avec la mer des Indes. Aboulféda emprunta cette opinion à Al-Biruni, non pas d'après le présent volume, qu'il ne connut pas, mais sans doute d'après le Canoun du même auteur, qui malheureusement ne nous est point parvenu, et qui est souvent cité par Aboulféda. (Voy. le Traité de géographie de ce dernier, p. 11 et suiv. du texte, et p. 13 et suiv. de ma traduction.)
[4] La même idée se retrouve dans la Topographie chrétienne de Cosmas, écrivain grec de la première moitié du VIe siècle de notre ère, lequel dit que telle était l'opinion des philosophes de l'Inde. (Voyez le recueil de Montfaucon intitulé Collectio nova patrum, t. II, p. 137.)
[5] La même idée est exprimée par Strabon et par Arrien, qui, dans ses livres sur les expéditions d'Alexandre, met souvent Strabon à contribution sans le citer.
[6] Au fol. 40, Al-Biruni nomme la contrée Aryavartha, ou séjour des hommes honorables. (Voyez sur cette expression le Code de Manou, liv. II, nos 21 et suiv. traduction de Loiseleur-Deslongchamps; voyez aussi l’Ayyn-Akberi, t. II, p. 346.)
[7] Les pays musulmans de la Perse et de la Transoxiane. Au moment où Al-Biruni écrivait, les musulmans avaient achevé de soumettre le Sind, et avaient passé l'Indus quelques années seulement auparavant.
[8] Sur la prise de Canoge par Mahmoud le Ghaznévide et sur les dévastations qui y furent commises, voyez le témoignage de Mirkhond, dans le chapitre de son histoire qui traite des Ghaznévides, édition de M. Wilken, Berlin, 1832, p. 70 du texte, et p. 196 et suiv. de la version latine. A l'égard de la ville où fut transféré le siège du gouvernement, son nom est écrit ci-après, p. 246, Bâry. On sait que les Indiens confondent souvent la lettre r et le d cérébral. Al-Biruni, fol. 63, place Bady ou Bary au confluent des trois rivières.
[9] Suivant M. Wilson (Asiatic Researches, t. XV, p. 11), les Pandava seraient originaires du Cachemire. (Sur les Pandava et les Corava, voyez ci-devant.)
[10] Vasoudêva, est le père du dieu Crichna ; mais Al-Biruni, à l'exemple de plusieurs écrivains indiens, s'est servi ici et ailleurs de ce nom pour désigner Crichna lui-même. (Voyez aux fol. 101 v. 130 v. et 141 v. voyez aussi la préface placée par M. Burnouf en tête de sa belle édition du Bhagavata pourana, p. clvii et suiv.) Al-Biruni fait aussi mention d'un lieu situé aux environs de Madhoura, de l'autre côté de la Djomna, et où Crichna passa son enfance. Il nomme ce lieu Nandacoula, c'est-à-dire étable de Nanda, du nom d'un bouvier qui éleva Crichna. Crichna appartenait à la famille des Pandava et des Corava. Dans la guerre qui s'éleva entre les deux branches, il se signala par son courage, et ce fut lui qui, en se déclarant pour les Pandava, fit pencher la victoire. Al-Biruni donne un petit aperçu de cette guerre, d'après le Mahabharata, qu'il cite ailleurs avec le nom de son auteur, Vyasa, fils de Parasara. Une grande partie des Indiens adressent maintenant un culte à Crichna, qu'ils regardent comme une incarnation de Vichnou, un des membres de la triade indienne; mais ce culte, comme l'a remarqué Colebrooke, n'est pas ancien, et il ne me paraît pas antérieur au ve siècle de notre ère.
[11] La plainte de Taneser porte le nom de Kouroukchetr ou Kouroukter, ce qui signifie champ de Kourou. Ce fut là que se livrèrent les grandes batailles entre les Corava et les Pandava, dont il a été parlé. Ce lieu, où les Indiens vont encore en pèlerinage, a été visité récemment par M. Saint-Hubert Théroulde. (Voyez la relation de son voyage dans l'Inde, p. 112.) Al-Biruni a parlé des mêmes lieux, fol. 141. Lorsque les musulmans, conduits par Mahmoud le Ghaznévide, prirent Taneser, ils trouvèrent dans cette ville une statue qui, dans l'opinion des habitants, datait du temps des guerres des Corava et des Pandava, et qui était même un monument destiné à perpétuer le souvenir de ces combats terribles. Al-Biruni raconte, folio 27, que cette statue était à peu près de la grandeur d'un homme, et qu'après la conquête de la ville elle fut transportée, avec le sommet de la pierre de Soumenat, dans le meydan de Ghazna. Suivant Al-Biruni, la statue portait le nom de Tchacra-souami ou maître du tchacra. Le tchacra est un instrument en forme de disque ou de roue. Le bord en est aiguisé et tranchant; on lance cette arme au milieu des bataillons, et on la ramène avec une courroie. Le tchacra est un des attributs de Vichnou. Ce dieu est représenté avec quatre bras, tenant le tchacra dans une de ses mains. (Voy. le Harivansa, trad.de M. Langlois, t. I, p. 52.) Au lieu de tchacra souami, on dit dans un sens analogue tchacra-dhara, ou tenant le tchacra. (Voy. l'Histoire de Cachemire, liv. I, sloca 261 et 262. Sur la prise de Taneser par les musulmans, voyez l'histoire de Ferichtah, traduction de M. Briggs, tom. I, p. 50 et suiv. Le nom de la statue de Taneser a été altéré par Ferichtah.)
[12] Voy. fol. 62 et suiv.
[13] Le manna est un poids particulier à l'Orient, qui a varié depuis deux de nos livres jusqu'à onze. (Voyez une note de M. Briggs, History of the rise of the Mahomedan power in India, d'après Ferichtah, t. I, p. 48, et les Useful tables de Prinsep, part. I, p. 76.) Dans tous les cas, il serait impossible au bœuf de porter en une fois deux mille mannas. En rapprochant un passage d'Al-Biruni, fol. 38, de ce que dit Edrisi, t. I, p. 168, je conclus que la charge du bœuf était de 333 mannas, équivalant à un bhâra, ou à 2000 palas.
[14] Le korouh est appelé vulgairement cos : c'est une mesure indienne. D'un autre côté, la parasange dont se sert Al-Biruni répond au yodjana des Indiens. (Voyez l’Ayyn-Akhery, t. II, p. 186.)
[15] L'emplacement de Prayaga correspond à la ville musulmane d'Allahabad. Les Indiens vont encore en pèlerinage en cet endroit, et se précipitent, par piété, dans le fleuve. Le mot prayaga, en sanscrit, est synonyme de lieu de sacrifice, et cette dénomination a servi à désigner plusieurs lieux différents. Al-Biruni est entré dans quelques détails sur l'arbre de Prayaga. Voici ce qu'il dit, fol. 145 v. « Au confluent de la Djomna et du Gange est un grand arbre nommé prayaga. Cet arbre a cela de particulier, qu'il sort de son tronc deux genres de branches, l'un qui, ainsi que pour les autres arbres, s'élève dans les airs, et l'autre qui s'enfonce dans la terre, sans porter de feuilles. Les dernières branches servent, pour ainsi dire, de colonne aux premières, qui s'étendent sur un espace immense. Les Indiens montent sur l'arbre pour se précipiter dans le Gange. » L'arbre dont il s'agit ici est probablement le figuier d'Inde.
[16] Il y a ici une erreur qui probablement est l'effet d'une inadvertance, ou plutôt d'une faute de copiste.
[17] Il faut peut-être prononcer Araka-Poutra.
[18] La côte du Coromandel. M. Burnouf a publié un mémoire spécial sur le Dravida {Journal Asiatique d'octobre 1828, p. 241 et suivantes).
[19] Du côté oriental du cap Comorin.
[20] Voy. ci-devant.
[21] L'antique Palibotra.
[22] Peut-être la ville actuelle de Monguir.
[23] Ce sont les montagnes du pays d'Assem, appelées Kâmaroupa par les Indiens, et Kia-mo-liu-po par les Chinois.
[24] Ou Vithora.
[25] C'est sans doute la ville dont le nom s'écrit ordinairement Hasi.
[26] Une des deux copies porte 17 parasanges.
[27] Narayana est un des noms que les Indiens donnent à Vichnou. (Voyez ce que dit Al-Biruni au fol. 99 v.) Cette ville fut prise et dévastée par Mahmoud. (Voyez l'Histoire des Ghaznévides de Mirkhond, p. 171.) Au lieu de Bazânah, le manuscrit porte en quelques endroits Narana.
[28] Mahakâla est un des noms de Siva. On trouve quelques détails sur cette statue dans le dernier chapitre du Traité des religions et des sectes, par Schahrestâny.
[29] Al-Biruni dit, au fol. 45, que le prince qui régnait de son temps sur Dhar se nommait Bhodja-Deva. C'est le prince qui s'est rendu célèbre chez les Indiens par son amour pour les sciences et par le grand nombre de savants et de littérateurs qu'il attira à sa cour. Il existe chez les Indiens plusieurs ouvrages attribués à ce prince, sans doute parce qu'ils furent composés par son ordre et sous sa direction. Au nombre de ces ouvrages sont un traité d'astronomie, un traité de géographie, etc. Comparez sur ce prince la préface que Colebrooke a placée en tête de son édition du Traité d'arithmétique et de géométrie de Brahmagupta, préface qui a été réimprimée dans les Miscellaneous Essays, Londres, 1837, t. II, p. 462 ; et la table que M. Langlois a mise à la suite de sa traduction française des Chefs-d'œuvre du théâtre indou. Un recueil de contes qui circule dans l'Inde en sanscrit, en persan et en hindoustani, et qui est intitulé Singhasan-Battisi, ou le Trésor enchanté, est supposé avoir été composé sous un radja nommé Bhodja, lequel régnait sur le Malva, dans la ville de Radhanagari l'an 542 de l'ère de Vikramaditya, 485 de J. C. (Comparez le Trône enchanté, traduit du persan, par Lescallier, tom. I, p. 55; tom. II, p. 213 et suiv. et le Journal Asiatique de mai 1844, p. 354.)
[30] Al-Biruni a écrit Narmada, qui est la forme sanscrite.
[31] Cet animal est nommé en sanscrit sarabha. (Voy. le Harivansa, trad. de M. Langlois, t. II, p. 171.)
[32] En sanscrit, ganda.
[33] Al-Biruni a parlé plus au long des animaux qu'il était permis de son temps aux Indiens de manger, et de ceux dont la chair leur était défendue. (Voy. fol. iii v. et suiv.) — Maintenant les brahmanes sont plus scrupuleux. (Voy. le Code de Manou, XI, 156 et suiv.)
[34] Consultez, sur cet animal, la Relation des voyages faits par les Arabes dans l'Inde et à la Chine, texte arabe, p. 30 et suiv. On fera bien de lire aussi ce que dit Cosmas sur le même sujet, recueil déjà cité, p. 334 et suiv.
[35] On sait qu'Alexandre le Grand eut la même idée, lorsqu'il vit des crocodiles dans l'Indus. (Sur cette opinion, qui fut partagée par quelques géographes grecs, voyez un mémoire de M. Letronne, Journal des Savants de l'année 1831, p. 476 et suiv.)
[36] Al-Biruni, dans un chapitre spécial sur le flux et reflux de la mer, considéré d'après les opinions indiennes, fol. 129 v. et suiv. entre dans quelques détails sur la ville de Soumenat et sur le culte qu'on y rendait à Siva, un des membres de la triade indienne. Siva portait, entre autres titres, ceux de Soumenat, Mahadeva, etc. « Soumenat, dit Al-Biruni, se compose des mots soum ou lune, et nat ou maître, ce qui équivaut à maître de la lune. Les Indiens avaient élevé, sur la partie la plus avancée de la côte de Soumenat, à un peu moins de trois milles à l'ouest de l'embouchure du Sarasvati et à l'orient du château de Baraoua (dont il sera parlé ci-dessous), une pierre en forme de cône qui représentait les parties naturelles de Siva, et qu'on nommait en conséquence le linga de Mahadeva. Voilà ce qu'on entend par pierre de Soumenat. La partie supérieure était garnie d'or et de pierres précieuses. Deux fois chaque jour, au lever et au coucher de la lune, et d'une manière beaucoup plus marquée, deux fois chaque mois, lorsque la lune croît ou décroît, l'eau de la mer venait baigner la pierre sous forme d'hommage. Telle est l'origine du titre de Soumenat donné à Siva. Le culte de Siva, continue Al-Biruni, était très répandu dans les contrées situées au midi et à l'ouest de l'Indus, et l'on voyait dans beaucoup de temples le linga exposé à la vénération du peuple. Mais le linga de Soumenat jouissait d'un crédit beaucoup plus grand : tous les jours on lui offrait de l'eau du Gange et des fleurs de Cachemire. Cette figure, dans l'opinion des Indiens, guérissait les maladies chroniques et les autres maux pour lesquels il n'existe pas de remède naturel. Une circonstance qui augmenta l'affluence des étrangers, ce fut la position de Soumenat. Cette ville servait de point de relâche aux navires qui se rendaient de Sofala, sur les côtes d'Afrique, dans la Chine. Lorsque Mahmoud le Gaznévide prit Soumenat, la pierre fut mise en pièces; Mahmoud fit enlever la partie supérieure, et l'emporta à Ghazna, sa capitale. On en fit deux morceaux; un morceau fut placé dans le maydan de Ghazna, avec l'idole apportée de Taneser, et l'autre morceau servit de marchepied à l'entrée de la grande mosquée. (Sur l'idole de Taneser, voyez ci-devant.) Colebrooke pensait, que le culte de Siva, de même que celui de Crichna, ne remonte pas à une haute antiquité.
[37] Le pays de Lar, la Larice des anciens.
[38] Voy. la Géographie d'Aboulféda, texte arabe, page 358.
[39] Voy. l'Histoire des Ghaznévides, de Mirkhond, page 158.
[40] Voy. ci-devant, p. 171. Al-Biruni dit, au fol. 80, que Bahmanoua s'appelle aussi Brahman-abad ou la ville des brahmanes; ce qui rappelle une dénomination dont parlent les historiens grecs des conquêtes d'Alexandre le Grand.
[41] Sur Djalindhar, en sanscrit Djalandharam, voy. l'Histoire de Cachemire, notes de M. Troyer, tom. I, p. 501.
[42] Radjakiry est probablement une dénomination sanscrite signifiant montagne du Radja.
[43] Sur la prise de Myrat par Mahmoud, voyez l'Histoire des Ghaznévides, de Mirkhond, p. 194.
[44] Al-Biruni fait mention, au folio 63, de la rivière Setledj, qu'il nomme Schetleder. On trouve la même dénomination dans l'Histoire de Mahmoud le Ghaznévide, par Otby. (Voy. les manuscr. arabes de la Biblioth. roy. fonds Ducaurroy, n° 23, folio 225 v.) C'est par erreur que la version persane d'Olby porte Eskander. (Voy. la notice que M. de Sacy a donnée de cette version, Recueil des notices et extraits, tom. IV, p. 400.) Al-Biruni dit de plus, au folio 63, que le lieu où ces quatre rivières se jettent dans l'Indus est connu sous le nom de Pantchanada, ou le confluent des cinq rivières. Schetleder se prononce en sanscrit Satadrou.
[45] Ce nom est écrit de diverses manières dans le Traité : en lit Donbour, Donbous, Donyour, Dynouz. Al-Biruni cite, fol. 80, cette ville parmi celles dont il avait relevé la latitude, et il semble la placer entre Kaboul et Peyschaver. (Voy. ci-après.) La véritable leçon est probablement Dinpour, et alors il faudrait voir ici la ville de Odynah-pour, ou ville de Oudyanah, laquelle, suivant l'auteur du Ayyn-akberi (exemplaire manuscrit de la Bibliothèque royale, fol. 324), était située aux environs de la ville actuelle de Jelal-abad et occupait le rang de capitale de la province, avant que Jelal-abad la supplantât. Il paraît qu'Oudyanah fut jadis une ville très importante. On peut voir la description qu'en fait Fa-hian, voyageur bouddhiste du ive siècle de notre ère, Foe-koue-ki, publié par M. Abel Rémusat, p. 46 et suiv.
[46] Peut-être l'auteur a voulu dire Schaknan-schah et Vakhan-schah. (Sur le pays de Vakhan, voy. Edrisi, trad. franc. I, 479, 483, 490.)
[47] Il manque peut-être ici quelques mots.
[48] Al-Biruni fait mention de quelques localités du Cachemire, folio 27 v, et 148 verso, mais en général son récit est confus, vu qu'il n'avait pu entrer dans la vallée, et que le nombre infini de rivières et de ruisseaux rend la description du pays fort difficile. En ce qui concerne Addaschtan, nom que je n'ai pas rencontré ailleurs, M. Troyer pense que c'est le terme sanscrit adhichthanam, qui signifie ville et capitale.
[49] Il s'agit peut-être ici de la montagne appelée Nanga-Parva ou montagne de Nanga, par les Cachemiriens, et Diarmal, par les Tibétains, près de la ville d'Astor. (Voy. l'ouvrage de M. Vigne, intitulé Travels in Kashmir, Ladak, Iskardo, etc. Londres, 1842, tom. II, p. 204.)
[50] Probablement la vallée du Cachemire.
[51] Sur cette montagne, située en Perse, voyez ma traduction de la Géographie d'Aboulféda, t. I, page 93.
[52] Wilken, dans sa traduction de l'Histoire des Ghaznévides, de Mirkhond, page 194, suppose que Mahmoud subjugua la vallée de Cachemire. Il s'est trompé; le témoignage d'Al-Biruni est positif, et le récit de Mirkhond, qui est appuyé sur celui de Otby, s'accorde avec le témoignage d'Al-Biruni. Mirkhond, dans ce qu'il dit sur les conquêtes de Mahmoud en Cachemire, a voulu seulement parler du versant méridional des montagnes qui bornent la vallée du côté de l'Inde. Les mots de la traduction de Wilken: Quo in itinere quum sallanas in Kaschmirum pervenisset, hujus regionis princeps se subjecit, et in primo exercitus agmine exploratoris munere fungens profectus est, doivent être rendus ainsi: Lorsque le sulthan fut arrivé sur les terres de Cachemire, le gouverneur de la province vint lui faire sa cour, etc. Otby, fol. 225 verso, nomme ce gouverneur Djanky, fils de sammahy, gardien du passage de Cachemire.
[53] Comparez ce passage avec ce qui est dit dans la Relation des voyages des Arabes dans l'Inde et à la Chine, texte arabe, p. ia3. Le golfe de Touran paraît répondre au golfe actuel de Sonmiani.
[54] Littéralement, la grande et la petite bouche; mouh est la forme hindoustani du mot sanscrit moukha, qui signifie bouche. Il s'agit ici des deux principales bouches de l'Indus; l'une, suivant Al-Biruni, fol. 63, se trouvait prés de la ville de Louherany; l'autre était située à l'orient, sur les limites du Kutj ; la contrée portait le nom de Sindhou Sagara, ou mer du Sind.
[55] Ce mot est encore employé avec cette signification, en hindoustani... Quant aux pirates qui, depuis la plus haute antiquité ont infesté ces parages, et qui n'ont cédé que devant la toute-puissance anglaise, voyez le Moroudj-aldzeheb, de Massoudi, t. I.fol. 173.
[56] Voy. sur cet arbre la Chrestomathie arabe de M. de Sacy, t. III, p. 478.
[57] Baraoua semble répondre à peu près à Douaraka, et l'on sait que Douaraka est le nom d'une île mystérieuse que Dieu, suivant les Indiens, fit sortir du sein des eaux, pour offrir un asile à Crichna, quand ce héros, pressé par ses ennemis, fut obligé de quitter Madhoura sa patrie. A la mort de Crichna, cette île rentra au fond de la nier, si elle ne fut pas détruite par un tremblement de terre. Douaraka se rattache au sanscrit douar ou porte. Cette île fut ainsi appelée à cause des arcs de triomphe qui y servaient d'entrées. On l'a nommée dans le même sens Douaravati. Le nom de Douaraka désigne maintenant une île située à l'entrée du golfe de Kutj, du côté du midi. Les Indiens vont encore tous les ans en pèlerinage dans les environs. (V. l'Histoire de Cachemire, publiée par M. Troyer, t. I, p. 491 et suiv.) Al-Biruni a parlé de la situation critique ou se trouva Crichna, et de sa retraite sur les côtes de la mer du Guzarate. Mais il fait venir le dieu au château de Baraoua, dont il a été parlé, et qui se trouvait à une portée de flèche seulement de Soumenat. C'est là, suivant lui, que Crichna passa la dernière partie de sa vie ; c'est là qu'il fut tué avec toute sa famille, et brûlé sur un bûcher. Suivant Al-Biruni, Baraoua se trouvait près de l'embouchure du Sarasvati ou Sarsouty, à l'orient de Soumenat. Ce château était d'une origine récente, et il n'avait pas plus de cent ans. Al-Biruni ajoute qu'on le nommait le Baraoua d'or, soit par caprice, soit qu'il y eût réellement une mine d'or. (Voyez aux fol. 63, 101 et 130 verso.) Mirkhond et Ferichtah, en parlant de la prise de Soumenat par Mahmoud, s'accordent à dire qu'il y avait alors aux environs de la ville des mines d'or. (Voy. l'Histoire des Ghaznévides, édition de Wilken, p. 219.) En ce qui concerne la rivière près de laquelle était situé le château, Al-Biruni veut parler d'une petite rivière qui arrosait le territoire de Soumenat. La ville actuelle du même nom est bâtie au confluent des trois rivières, le Haran ou Harna, le Kapula et la Sarasvati.
[58] Asaoul répond à la ville actuelle de Ahmed-abad. (Voy. la Chronique de Ferichtah, trad. de M. Briggs, tom. IV, p. 14.)
[59] C'est la ville nommée par Massoudi et Ibn-Haukal Seymour. (Voyez, sur cette ville, mon mémoire sur l'Inde.)
[60] Il faut prononcer singhala douipa.
[61] Je traduis ce mot au hasard. S'agirait-il ici d'un lath ou colonne à inscription, comme il en existe dans l'Inde septentrionale ?
[62] Rameswara est la pointe que forme le continent.
[63] Le texte porte Daraschata.
[64] Sur le Setou-Bandha, voy. la table que M. Langlois a mise à la fin de sa traduction des Chefs-d'œuvre du théâtre indien. »
[65] Voy. au fol. 46. Quant au récit qu'on vient de lire, on peut consulter la table de M. Langlois déjà citée, au mot Hanouman. Du reste, l'espèce de culte que les idolâtres rendent aux singes existe encore dans le midi de l'Inde. (Voy. l'ouvrage de M. l'abbé Dubois, intitulé Mœurs de l'Inde, t. II, p. 430.)
[66] Il faut prononcer Souvarna douipa. Evidemment il s'agit ici des îles de Java et Sumatra. (Sur ces îles, voyez mon discours préliminaire sur la Relation des voyages des Arabes dans l'Inde et à la Chine.)
[67] Ceylan, les Maldives et les Laquedives. Voy. ibid.
[68] Al-Biruni revient sur le même sujet, fol. 56 verso et 130 verso.
[69] Ce cri est ouacouac.
[70] C'est-à-dire qui porte un anneau à l'oreille.
[71] Pétis de Lacroix a écrit Pechecal. (Voyez l'Histoire de Timur Bec, t. III, p. 59 et 164.) En sanscrit, c'est Varchakâla.
[72] Il s'agit probablement du Bengale et de la province d'Agra.
[73] L'auteur, au fol. 63, a placé les montagnes de Bhatel auprès de la ville de Nagarkot, là où prend naissance le Ketch, qui va se jeter dans le Ravi.
[74] Juin-juillet. L'auteur a donné, au fol. 51 verso, un tableau des douze mois indiens qui diffère, pour quelques-uns, du tableau inséré dans l’Ayyn-akbery, tom. I de la version anglaise, p. 298, et fol. 158 du texte persan, exemplaire de la Bibliothèque royale. (Voy. aussi les Useful tables, de Prinsep, part, n, p. 18.)
[75] Au lieu de sravan, le tableau de l’Ayyn-ukbery porte sanoun. C'est notre mois de juillet-août.
[76] Janvier-février.
[77] Mars-avril.
[78] On pourra comparer ce passage avec ce que dit Mountstuart Elphinstone, Account of the kingdom of Caubul, p. 126 et suiv.
[79] Voy. le mémoire composé par Davis, à l'aide du traité sanscrit intitulé Sourya-Siddhanta, Recherches asiatiques, par la Société de Calcutta, trad. franc, t. II, p. 271 et suiv. Ce mémoire a, sur plusieurs mémoires composés plus tard, l'avantage d'avoir été rédigé en dehors de tout esprit de système.
[80] Manwantara signifie en sanscrit période d’un manou. On compte quatorze de ces périodes, et nous sommes à présent dans la septième. (Voy. le code de Manou, traduction de Loiseleur-Deslongchamps, liv. I, n° 61 et suiv. Voyez aussi le Haricansa, traduction de M. Langlois, t. I, p. 37 et suiv.) Al-Biruni a déjà parlé des Manwantara, fol. 96 verso.
[81] Voy. les ouvrages déjà cités, notamment le mémoire de Davis, p. 274. Al-Biruni s'est déjà étendu sur le Satyah-yog, fol. 92. Son chapitre xli commence ainsi : « L'année Deva, qui est l'année des êtres célestes, est de trois cent soixante années humaines (voy. fol. 90 verso). Douze mille années deva forment un satyah-yog; mille satyah-yog forment un calpa. Le calpa est la période au commencement et à la fin de laquelle les sept planètes se rencontrent avec leurs absides et leurs nœuds, dans le premier degré du signe du bélier. Ses jours sont nommés calpa ahargana, c'est-à-dire somme des jours du calpa ; en effet ah signifie jours, et argana signifie somme. Comme ils sont ortifs, on les nomme aussi jours de la terre, comme si leur commencement avait lieu à l'horizon, qui est une des choses inhérentes à la terre. On applique le même nom aux jours du calpa qui se sont écoulés jusqu'à un temps donné. Pour nos compatriotes, ils appellent ces jours du nom de jours du sindhind et de jours du monde. » Al-Biruni confirme ailleurs ce qui avait déjà été dit par conjecture par Colebrooke ; c'est que le mot Sindhind n'est que l'altération du sanscrit Siddhanta. Au lieu de Satyah-yog, le manuscrit semble porter partout satrayog.
[82] Sur les quatre yoga, voy. le Harivansa, traduction de M. Langlois, t. II, p. ai)2.
[83] L'ère de Yezderdjed commença le 16 juin 632 de J. C. Mahmoud le Ghaznévide mourut le 23 de rebi second de l’année 421 de l'hégire (30 avril 1030 de J. C). Par conséquent, le moment que l'auteur a ici en vue correspond à peu près au 1er mars 1031 de notre ère.
[84] Sandhya est un mot sanscrit signifiant le temps intermédiaire entre le jour et la nuit, entre une époque et une autre époque. Al-Biruni a consacré son chapitre xl à faire connaître les différents sandhya. Comme l'extrait que j'en ai fait est un peu long, je le renvoie à la fin.
[85] Ici l'auteur donne quelques dates, d'après les yog des Indiens, notamment l'année où Rama tua Ravana; dans cette même année, Lakcbmana, frère de Rama, tua Coumbbakarna, frère de Ravana, et tous les Rakchasas furent domptés; événements, ajoute l'auteur, qui, suivant les Indiens, fuient racontés dans le temps même par le riebi Valmiki, dans un livre intitulé Ramayana. L'auteur ajoute que les Indiens connaissaient, en dehors de leurs dates fabuleuses, l'époque précise de la vie de Rama et de la composition du Ramayana, mais qu'il lui avait été impossible de se faire donner communication de cette date, qui serait si importante pour nous.
[86] Il s'agit peut-être ici de Bouddha, nommé aussi Schakiamouni.
[87] L'ère de Vikramaditya commence l'an 57 avant J. C. La plupart des Indianistes l'ont fait commencer l'an 56; mais cette question a été discutée et semble avoir été résolue par Prinsep, Useful tables, partie deuxième, comprenant la chronologie, p. 84 et suiv. D'après cela, suivant la première version, Sri-Harcha aurait régné 457 ans avant J. C. et, suivant la seconde, 607 ans après J. C. Quoi qu'il en soit, on voit que ce personnage était déjà ancien lorsqu'Al-Biruni se trouvait dans l'Inde. Néanmoins M. Wilson, dans son beau recueil des Chefs-d'œuvre du théâtre indou, a fait vivre ce prince dans le xiie siècle, cent ans après Al-Biruni. Prinsep, dans ses tables, page 103, le place en 1062.
[88] Samvatsara se dit en sanscrit d'une année révolue; schadabda, ou plutôt schachty-abda, a le sens de soixante ans : par conséquent Schadabda et samvatsara sexagésimal sont synonymes. Il s'agit ici du cycle formé par la révolution de la planète Jupiter, dans l'espace de soixante ans. Cette planète se nomme en sanscrit Vrihaspati; voilà pourquoi les Indiens ont donné le nom de Vrihaspati au cycle même. Dans ce cycle, chacune des soixante années porte un nom particulier, afin de se distinguer plus facilement. (Voy. les tables de Prinsep, p. 27 et suiv.) Al-Biruni a consacré, folio 135, un chapitre spécial au cycle sexagésimal. Ce chapitre est intitulé Du samvatsara sexagésimal, appelé aussi schadabda. Voici le commencement du chapitre '. « Le mot samvatsara signifie année-, c'est comme si on disait révolutions annuelles. Ce samvatsara est fondé sur la marche de Jupiter et du soleil, a partir du moment où Jupiter commence à poindre au milieu des rayons du soleil. Sa révolution est de soixante ans; voilà pourquoi on l'a nommé schadabda, d'un mot qui signifie soixante ans. »
[89] Il me semble résulter de l'ensemble du passage, que le cycle sexagésimal, non seulement était propre à une certaine partie de l'Inde, mais qu'il était d'une institution récente. Le calcul présenté par Al-Biruni me fait croire qu'il commença seulement l'an 959 de notre ère. C'est en Chine que ce cycle a pris naissance; il y est d'un usage immémorial. Csoma de Körös, se trouvant dans le Thibet, lut dans les livres du pays que le cycle sexagésimal y avait été introduit vers l'an 1025, au moment où Al-Biruni se livrait à ses recherches dans l'Inde. Ces livres ajoutaient que le cycle sexagésimal fut mis en usage dans l'Inde en 965. (Voy. les tables de Prinsep, p. 29 et 40.)
[90] Elle commence donc l'an 78 de l'ère chrétienne.
[91] Je ne suis pas sûr de la manière dont il faut lire le mot arabe. L'auteur veut probablement parler de la race noble des Kchatrias. Al-Biruni a parlé d'une manière spéciale des castes, fol. 23 verso, et suiv.
[92] La ville de Moultan était en grande vénération chez les Indiens, à cause d'une idole qui y était l'objet d'un culte particulier, et dont on faisait remonter l'origine à une très-baute antiquité. Cette ville tomba au pouvoir des musulmans, des le commencement du viiie siècle de notre ère, et j'ai tracé, dans mon mémoire sur l'Inde, d'après le témoignage de Massoudi et d'Ibn-Haukal, témoins oculaires, le tableau de l'éclat que l'islamisme jetait dans la contrée, pendant la première moitié du Xe siècle de notre ère. Mai» les sectaires musulmans, appelés du nom de Carmathes, ne tardèrent pas à s'emparer du pays, et, moins de cent ans après, ils furent renversés à leur tour par Mahmoud le Ghaznévide. Voici un passage précieux du traité d'Al-Biruni, folio 27 : «L'idole de Moultan, une de celles qui ont été les plus célèbres, était appelée Aditya, à cause qu'elle était consacrée au soleil. Cette idole était en bois, mais enveloppée d'une peau d'antilope de couleur rouge. Ses deux yeux consistaient dans deux rubis. Les Indiens faisaient remonter son origine jusqu'au Krita yoga, c'est-à-dire à 216, 435 années. Lorsque Mohammed, fils de Cassem, fils de Mouabbah, fît pour la première fois la conquête de Moultan, il reconnut que la présence de cette idole et l’affluence des pèlerins qu'elle attirait étaient une source de prospérité pour le pays; il laissa donc l'idole debout; seulement, pour montrer son mépris pour la superstition des Indiens, il fit attacher au cou du dieu un morceau de viande de vache. En même temps, il fit élever une mosquée dans la ville. Les Carmathes étant devenus les maîtres de Moultan, Djelem, fils de Schayban, leur chef, fit mettre l'idole en pièces, massacra les ministres de cette idole; et le temple, qui consistait dans un palais bâti en briques, sur un lieu élevé, devint la grande mosquée, à la place de celle qui existait auparavant. Celle-ci fut fermée, en haine des khalifes Omeyades sous lesquels elle avait été construite. Le sulthan Mahmoud, lorsqu'il eut abattu tes Carmathes, fit rouvrir l'ancienne mosquée. La nouvelle fut abandonnée, et maintenant c'est comme un champ destiné à des usages vulgaires. » Al-Biruni, qui ne pouvait pas admettre l'antiquité attribuée à l'idole de Moultan, fait observer, en finissant, qu'aucun bois n'aurait pu se conserver si longtemps, dans un pays où l'atmosphère et le sol sont également humides.
[93] Elle commença donc l'an 319 de J. C. Le major Tod, auteur d'un grand ouvrage sur le Radjastan, parla le premier de cette ère, d'après des monuments qui existaient dans le pays, et il en faisait remonter le commencement à l'an 318. A l'égard du prince même, Al-Biruni en a parlé, folio 45 verso. Voici un extrait de ce qu'il dit: «Un marchand de légumes avait trouvé un trésor et s'était mis à acheter toutes les propriétés du pays qui étaient à vendre. Ballaba voulut s'emparer de ses richesses et lui demanda une somme d'argent. Le marchand s'y refusa; puis, craignant le ressentiment du roi, il se réfugia auprès du prince de la ville de Mansoura. (Voy, ci-devant, p. 171.) Il offrit au prince des sommes considérables et lui demanda une flotte. Sa demande lui ayant été accordée, il attaqua Ballaba pendant la nuit et le tua. Il maltraita aussi les habitants et détruisit la ville. Encore à présent on découvre, dit-on, dans les ruines de la ville les objets qui se trouvent dans les cités frappées par un désastre subit. » Ce qui est dit ici se concilie difficilement avec ce qu'on lit dans l'ouvrage sur les antiquités de l'Afghanistan, publié récemment par M. Wilson, sous le litre d'Ariana antiqua, p. 407 et suiv. On a découvert il n'y a pas longtemps les ruines de la ville de Ballabha, existant encore sous le nom de Balbih, au nord-ouest de Bhaonagar, dans le Guzarate.
[94] On a également de la peine à concilier ce qui est dit ici avec ce que M. Wilson a dit dans l'ouvrage cité, p. 21, 406 et 416.
[95] C'est-à-dire, l'an 665 de J. C.
[96] Il résulte de ce passage, qui est bien important, que le Kandakhataka fut composé l’an 664 de J. C., le Pantcha Siddhantika, l'an 504; le Karana Sarâ, l'an 899, et le Karana Tilaka, l'an 1012 de notre ère. On a déjà vu, p. 250, que Bhodja-Dêva, de qui un traité astronomique porte le nom, régnait vers l'an 1030. Maintenant, que l'on relise une note communiquée par le docteur Hunter à l'illustre Colebrooke, d'après des renseignements fournis par le corps des pandits de Odjein, et l'on verra que, pour les mêmes articles, les nombres s'accordent. (Œuvres mêlées de Colebrooke, tom. II, p. 461.) Déjà le célèbre William Jones avait fixé l'âge de Varaha-Mihira, auteur du Pantcha Siddhantika, à l'an 499 de J. C. (Recherches asiatiques, trad. franc, t. II, p. 433.) Dans le manuscrit arabe, on a écrit 926 au lieu de 526; mais c'est une erreur de copiste : car, au fol. 126, il est dit en toutes lettres que Varaha-Mihira avait écrit cinq cent vingt-six ans auparavant. J'avais déjà fait la correction par induction, avant d'être arrivé au second passage. Combien Anquetil-Duperron et Bentley se sont trompés, quand ils ont dit que les astronomes indiens avaient tout emprunté aux Arabes !
[97] Mars-avril.
[98] Août-septembre.
[99] Octobre-novembre.
[100] Le cycle de Cachemire était de 100 ans, et la 6e année tombe l'an 1031 de J. C. (Voy. l'Histoire de Cachemire, tom. I, p. 531, et t. II, p. 367.)
[101] Probablement il s'agit de la partie septentrionale du Pendjab.
[102] Novembre-décembre. Ce nom s'écrit ordinairement Margasirsha.
[103] Entre Kaboul et Peyschaver. Les mêmes noms de lieu se retrouvent au fol. 63.
[104] L'année dont il est question ici est luni-solaire, et commence au moment où le soleil et la lune sont en conjonction. (Voy. les tables de Prinsep, p. 22.)
[105] Mirkhond, dans son Histoire des Ghaznévides, place cet événement au mois de doulcada. (Voy. l'édition de Wilken, p. 214.)
[106] Ceci prouve qu'au moment où Al-Biruni rédigeait ce chapitre, on était dans l'année 1031 de notre ère.
[107] Rien, dans ce qui précède, ne se rapporte au cycle de soixante ans dont il a été parlé p. 281. On a vu en effet que le cycle de soixante n'était employé que dans le midi de l'Inde et à l'occident.
[108] La terminaison de ce mot est en effet turque. Sans doute il s'agit ici des rois de la Bactriane, dits Indo-Scythes. Ces rois professaient le bouddhisme.
[109] Sur la prise de Nagarkout par les musulmans, voy. l'Histoire des Ghaznévides, de Mirkhond, p. 169 et suiv.
[110] On entend par vihara une espèce de collège ou de séminaire, accompagné d'une bibliothèque, d'un temple, etc. (Voy. l'Histoire de Cachemire, notes de M. Troyer, tom. I, p. 349.) Le vihara est un édifice particulier aux bouddhistes ; en effet, à l'époque dont il est parlé ici, le royaume de Kaboul suivait les doctrines de Bouddha.
[111] Ray était le titre que portait le monarque suprême de l'Inde. Ce titre fut longtemps l'apanage des princes de Canoge. (Voy. ci-devant p. 241.)
[112] Il a été parlé d'un fait analogue ci-devant. Pour celui-ci, voy. l'Histoire de Cachemire, par M. Troyer, t. II, p. 150 et 191. A l'égard de Bali, c'est le nom d'un petit-fils de Prahrada et par conséquent d'un arrière-petit-fils de Hiranya-Casipou, qui fut traité si cruellement par Vichnou. Al-Biruni s'occupant, fol. 99 verso, des diverses incarnations de Vichnou, considéré dans son rôle de Narayana, s'exprime ainsi : « Narayana se manifesta encore une fois sur la fin du sixième Manouantara, pour abattre le roi Bali, fils de Virotchana, lequel avait pour ministre la planète Vénus, et régnait sur le monde. Bali, voulant arriver au même degré de gloire que ses aïeux, se mit à mener une vie pure et à faire de bonnes œuvres. Il entreprit de s'acquitter du sacrifice, qui, répété cent fois, rend maître du paradis et du monde. (C'est le sacrifice du cheval, nommé Aswamedha.) Au moment où il avait atteint le quatre-vingt-dix-neuvième sacrifice, les êtres spirituels craignirent d'être dépossédés de leur rang. Ils allèrent trouver Narayana, et implorèrent son assistance. Narayana descendit sur la terre sous la figure d'un nain (Vâmana). Tandis que Bali offrait les sacrifices, assisté des Brahmes, qui faisaient cercle autour du feu, Vâmana se présenta, et joignant sa voix sonore à celle des Brahmes qui chantaient la partie du Vêda appelée maintenant Sama-Vêda, il fit impression sur le cœur du roi. Bali, dans un mouvement de générosité, offrit à Vâmana de lui donner tout ce qu'il demanderait. En vain Vénus avertit le roi que le nain n'était pas autre que Narayana, et que celui-ci était venu pour le dépouiller de l'empire ; Bali persista dans ses dispositions et demanda au nain ce qu'il désirait. Le nain répondit : «Je demande quatre pas de tes états, où je tâcherai de vivre à l'aise. » Bali fit apporter de l'eau pour la verser sur la main du nain; c'est chez les Indiens une manière de ratifier une promesse. En vain Vénus s'introduisit dans le vase et essaya d'empêcher l'eau de couler; Vâmana déboucha le goulot en crevant un œil à Vénus. L'eau s'étant mise à couler, Vâmana fit un pas et atteignit l'extrémité de l'Orient; il fit un deuxième pas, et il atteignit l'Occident; au troisième mouvement, il s'éleva dans les airs jusqu'au Sefer-loka (Swarga) ; il ne resta plus assez d'espace sur la terre pour qu'il fît un quatrième pas. Alors Narayana traita Bali comme son esclave, et lui marqua son pied entre les épaules, en signe de dépendance; puis il le relégua dans le Patala (JLïU, le lieu le plus bas de l'univers. Le monde fut retiré à Bal i et confié à la conduite de Pourandara, (Indra). » (Sur cette légende, comparez le Harivansa, trad. de M. Langlois, t. I, p. 190; t. II, p. 106 et suiv. et l'ouvrage de Ward, intitulé a View of the history, etc. tom. II, p. 77.) A l'égard du Sefer-loca, Al-Biruni nous apprend, fol. 14 verso, que c'est la partie du ciel où les gens de bien reçoivent la récompense due à leurs actions vertueuses. D'un autre côté, on trouve au folio 30 une notice sur les Vêdas.
[113] La nouvelle dynastie me paraît avoir remplacé le bouddhisme par le brahmanisme, et j'attribue à ces princes la série de médailles que M. Wilson a cru d'origine Rajepout. (Voy. l’Ariana, p. 428.)
[114] Le texte porte Haypâla; mais au folio 3i v. on lit le mot pâla, qui signifie, en sanscrit, protecteur, gardien,
[115] Au lieu de Nardadjanpâla, le manuscrit porte peut-être Tardadjanpâla ou Tarvadjanpâla ; on peut encore lire Narvadjanpâla. Mirkhond a écrit Tiroudjayapâla ou Tirddjayapâla.
[116] Expression arabe signifiant qu'il ne reste plus personne dans une maison.
[117] Ces princes, du moins dans les derniers temps, régnaient à la fois sur les deux rives de l'Indus, à Kaboul et à Lahore. (Voy. l'Histoire des Ghaznévides, de Mirkhond, p. 147).
[118] Voyez l'histoire des Ghaznévides, de Mirkhond, p. 161 et suiv.
[119] Ce qui est dit ici sur les derniers princes de Kaboul ne s'accorde pas tout à fait avec ce que disent Mirkhond et Ferichtah. La chronique contemporaine de Otby ne s'avance pas au-delà de l'an 410 de l'hégire, et, pour ce qui suit, on manque de détails tout à fait authentiques. Il me semble donc que le témoignage d'Al-Biruni doit être pris en considération. Malheureusement Al-Biruni s'est borné, comme on voit, à de simples indications. Djaya-pâla signifie en sanscrit gardien de la victoire; ananda-pâla, gardien da bonheur; bhima-pâla, gardien terrible.
[120] Fol. 91 verso du manuscrit. (Voy. sur ce chapitre, une note ci-devant.)
[121] Il faut peut-être lire Sandhyâroûtha.
[122] Narasinha est un des prénoms de Vichnou. Ce mot signifie homme-lion.
[123] Pour cette légende, voy. le Harivansa, traduction de M. Langlois, t. I, p. 188, t. II, p. 386 et suiv. ainsi que l'Exposé de la théogonie des Brahmes, par M. l'abbé Dubois, p. 136; voy. aussi le the Vishnu-Purana, publié par M. Wilson, p. 127 et suiv. L'événement qui a fait le sujet de cette légende est rattaché, par les habitants de M oui tan, au temple dont il a été parlé p. 283, et sur lequel on peut consulter les Voyages de Thevenot, Amsterdam, 1727, t. V, p. 167. Hiranyacasipou est nommé par les habitants Harnakas; Prahrâda est appelé Païlad, et le temple porte le nom de Païladpouri. (Alexandre Burnes, Voyages de l'embouchure de l’Indus à Bokhara, trad. franc, t. I, p. 112.)
[124] Le mouhourtta équivaut à la trentième partie d'un jour de vingt-quatre heures, ou, ce qui revient au même, à quarante-huit minutes.
[125] Le ghari est la soixantième partie d'un jour de vingt quatre heures, c'est-à-dire vingt-quatre minutes.
[126] C'est-à-dire le moment où le soleil atteint l'un des deux tropiques.