Apocryphes coptes

LES ÉVANGILES APOCRYPHES

HISTOIRE DE LA NATIVITÉ DE MARIE ET DE L'ENFANCE DU SAUVEUR.

 

Traduction française : GUSTAVE BRUMET

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

 

HISTOIRE DE LA NATIVITÉ DE MARIE ET DE L'ENFANCE DU SAUVEUR.

 

Cette légende, œuvre dans laquelle se reconnaît la main de quelque gnostique, fut attribuée par des copistes ignorants à saint Mathieu ; elle n'a point été inconnue à divers critiques, tels que Sixte de Sienne et Cotelier (Remarques sur les Constitutions apostoliques, vi, 17); les récits étranges qu'elle renferme détournèrent d'elle les érudits, et ce fut Thilo qui la publia le premier.

Le savant professeur de Halle pense qu'elle doit s'accorder, quant au fond du récit, avec un opuscule trois fois mis sous presse au quinzième siècle sous le titre d’Infantia Salvatoris, éditions d'une insigne rareté, sorties des presses de quelques typographes allemands, et qu'il n'a pu consulter ; elles ont échappé à toutes ses investigations.

Le texte, mis au jour en 1832, est tel que le donne un manuscrit sur vélin du quatorzième siècle, conservé à la bibliothèque du roi, à Paris (n° 5559 A). Thilo transcrivit aussi une légende des miracles de l'enfance du Seigneur Jésus-Christ (manuscrit sur vélin du quinzième siècle, n° 4313), attribuée également à Jacques, fils de Joseph ; mais il n'a pas cru devoir la publier, car elle se borne en grande partie à répéter le récit du n° 5559 A, en y ajoutant quelques détails ridicules ou absurdes, et elle offre un texte tellement défiguré, qu'il est souvent fort difficile d'y découvrir un sens tant soit peu raisonnable. Nous croyons toutefois devoir rapporter les intitulés des quarante-huit chapitres qui forment cette relation des Miracles de l'enfance. Le lecteur se fera une idée assez juste des fables qu'accueillait une piété peu éclairée, et comme ces chapitres ont du moins le mérite d'être fort courts, nous en traduirons deux.

Chap. I. Du père et de la mère de la Sainte-Vierge Marie;

Chap. II. De la séparation de Joachim d'avec Anne.

Chap. III. Du retour de Joachim auprès d'Anne.

Chap. IV. De la naissance de la bienheureuse Marie.

Chap. V. De l'action de grâces d'Aune.

Chap. VI. De la recommandation de la bienheureuse Marie.

Chap. VII. Du vœu de virginité de la bienheureuse Marie.

Chap. VIII. Comment la bienheureuse Marie fut remise à Joseph.

Chap. IX. De l'annonciation du Seigneur.

Chap. X. Du trouble de Joseph quand il s'aperçut de la grossesse de Marie.

Chap. XL De la consolation qu'un ange apporta à Joseph.

Chap. XII. Des calomnies répandues par les Juifs contre Joseph et la bienheureuse Marie.

Chap. XIII. Du temps de la naissance du Christ et des deux Sages-femmes, des pasteurs et de l'étoile.

Chap. XIV. De la sortie de la bienheureuse Marie hors de la caverne, et de sa venue à la crèche.

Chap. XV. De la circoncision en Seigneur et de la tenue des Mages à Jérusalem.

Chap. XVI. De l'épiphanie du Seigneur.

Chap. XVII. Du massacre des enfants et de la fuite de Joseph en Egypte.

Chap. XVIII. Comment Jésus dompta les dragons.

Chap. XIX. Comment les lions et les léopards suivirent Jésus.

Chap. XX. Du palmier qui s'inclina à la voix de Jésus.

Chap. XXI. De la bénédiction du palmier et de la translation de son rameau.

Chap. XXII. Du chemin que raccourcit Jésus.

Chap. XXIII. Comment, à l'arrivée de Jésus en Egypte, les idoles tombèrent

Chap. XXIV. De l'honneur qu'Afrosidisius rendit à Jésus.

Chap. XXV. Du poisson desséché rendu à la vie.

Chap. XXVI. Du rire de Jésus à cause des passereaux qui se battaient entre eux.

Chap. XXVII. De la sortie de Marie et de Jésus hors de l'Egypte.

Chap. XXVIII. De l'eau de pluie clarifiée, et des dix oiseaux faits avec de la boue un jour de sabbat.

Chap. XXIX Du Pharisien mort à la voix de Jésus.

Chap. XXX. De l'enfant qui frappa Jésus livré à la mort, et de quelques personnes punies d'aveuglement.

Chap. XXXI. Comment Jésus avertit Joseph de ne pas le toucher dans un moment de colère.

Chap. XXXII. De Zacchée, maître de Jésus et de ses paroles.

Chap. XXXIII. Comment Jésus ressuscita un enfant qui jouait avec lui.

Chap. XXXIV. Comment, d'une seule parole, Jésus guérit le pied d'un homme qui l'invoquait avec confiance.

Chap. XXXV. Comment Jésus porta à la bienheureuse Marie de l'eau dans son manteau.

Chap. XXXVI. Du froment multiplié par Jésus.

Chap. XXXVII. Du bois étendu par Jésus.

Chap. XXXVIII. D'un certain maître de Jésus privé de la vie.

Chap. XXXIX. D'un autre maître de Jésus dont la charité fut cause que Jésus ressuscita le maître qui était mort.

Chap. XL. Comment Jésus guérit Joseph du venin d'une vipère.

Chap. XLI. Des sept lacs et des douze oiseaux, et des douze enfants que Jésus frappa de mort

Chap. XLII. Du fils d'une certaine femme rendu à la vie par Jésus.

Chap. XLIII. Comment Jésus entra dans la caverne de la lionne.

Chap. XLIV. Comment l'eau du Jourdain s'ouvrit devant eux.

Chap. XLV. Comment un mort fut ressuscité par le suaire de Joseph.

Chap. XLVI. Comment Zacchée pria Joseph et Marie de confier Jésus à un maître nommé Lévi.

Chap. XLVII. Comment Jésus sanctifiait et bénissait les convives.

Chap. XLVIII. Glorification de Jésus et de Marie sa mère.

Voici maintenant les deux chapitres que nous avons promis; ce sont les XXVe et XXVIe.

« Et Jésus accomplit sa troisième année. Et comme il vit des enfants qui jouaient, il se mit à jouer avec eux ; et ayant pris un poisson desséché qui était imprégné de sel, il le posa dans un bassin plein d'eau, et il lui ordonna de palpiter, et le poisson commença à palpiter. Et Jésus, adressant derechef la parole au poisson, lui dit : Rejette le sel que tu as en toi, et remue-toi dans l'eau. Et cela se fit ainsi. Les voisins, voyant ce qui se passait, l'annoncèrent à la veuve dans la maison de laquelle habitait Marie, Et quand elle apprit ces choses, elle les renvoya avec précipitation de chez elle.

« Et Jésus, passant avec Marie sa mère dans la place de la ville, vit un maître qui enseignait ses élèves. Et voici que sept passereaux, se battant entre eux, tombèrent du haut d'un mur dans le sein du maître qui instruisait les enfants. Quand Jésus vit cela, il se mit à rire. Le maître, s'en apercevant, fut rempli de colère, et il dit à ses disciples : Allez, et amenez-le-moi. Lorsqu'ils le lui eurent conduit, il le saisit par son manteau, et il lui dit : Qu'as-tu vu qui ait provoqué ton rire? Et Jésus dit : Maître, voici ta main pleine de froment ; les passereaux se disputaient pour le partage de ce froment. »

Donnons aussi le dernier chapitre ; une inspiration plus noble s'y fait sentir.

« Les Scribes et les Pharisiens dirent à la bienheureuse Marie : Es-tu la mère de cet enfant? Et elle répondit : Vraiment je le suis. Et ils lui dirent : Tu es bénie entre toutes les femmes, car Dieu a béni le fruit de ton Ventre en te donnant un enfant si plein de gloire. Nous n'avons jamais vu ni entendu dans un autre une sagesse égalé à la sienne. Mais Marie conservait dans son cœur le souvenir de tout ce que faisait Jésus parmi le peuple des Juifs, car il opérait de grands miracles, guérissant les malades, ressuscitant les morts, et faisant beaucoup d'œuvres merveilleuses. Et Jésus croissait en taille et en don de sagesse. Tous ceux qui le connaissaient glorifiaient donc Dieu le père tout-puissant, qui est béni dans les siècles des siècles. Amen. »

Un autre manuscrit de la bibliothèque du roi, n° 5560, contient à peu de chose près les mêmes récits; celui-ci s'annonce comme étant l'œuvre d'Onésime et de Jean l'Évangéliste.

Nous pourrions indiquer encore une copie moderne que possède la bibliothèque publique de Cambridge (F. f. 6, 54), et qui renferme une légende également partagée en quarante huit chapitres, et presque identiquement la même que celle que nous venons d’analyser; nous pourrions mentionner divers autres manuscrits que renferment des bibliothèques d'Angleterre ou d'Italie; mais ces détails minutieux offriraient fort peu d'intérêt, Nous nous bornerons à dire deux mots d'un manuscrit du quinzième siècle que possède la bibliothèque médicéenne à Florence, et que Baudini a décrit (Catal. Cod. lat. Bibl. Medic., I, 523). Il renferme divers opuscules de saint Jérôme, et l'on y trouve, page 248-255, une épître de saint Jérôme ùu préface au livre de l'Enfance du Sauveur. Cet opuscule, dont la supposition est évidente, commence en ces termes : « Un jour l’ange du Seigneur avertit en songe Joseph, » et il finit ainsi : « Que Jésus, qui le guérit nous guérisse de nos péchés, et qu'il soit béni dans tous les siècles des siècles. » Comme ce fragment ne se trouve ni dans les éditions de saint Jérôme, ni dans le Codex de Fabricius, ni dans le volume de Thilo, nous avons jugé à propos d'en signaler l'existence.

Nous conviendrons que l'Histoire de la Nativité de Marie et de l'Enfance du Sauveur, telle que nous la faisons passer pour la première fois en un langage moderne, est une composition parfois puérile dont nous n'exagérons pas la valeur. Des deux parties dont elle se compose, et qui ne paraissent pas venir de la même source, la seconde, consacrée au récit des premières années de Jésus-Christ, est un tissu de contes que ne rachètent pas toujours quelques traits touchants, quelques passages naïfs; il y a bien plus de simplicité, bien plus de grâce dans la première partie consacrée à l'histoire de la Sainte-Vierge, et qui comprend les chapitres 1 à 17, en suivant, pour les traits principaux, le Protévangile de saint Jacques.

L'ouvrage se termine brusquement, et paraît dépourvu de conclusion; il est à croire que ce que nous possédons ne forme qu'un fragment emprunté à une composition plus étendue.


 

PROLOGUE.

Moi, Jacques (01), fils de Joseph, marchant dans la crainte de Dieu, j'ai écrit tout ce que j'avais vu de mes yeux survenir dans le temps de la nativité de la bienheureuse Marie et du Sauveur, rendant grâces à Dieu qui m'a donné la connaissance des histoires de son avènement, et montrant l'accomplissement des prophéties aux douze tribus d'Israël.

CHAPITRE Ier.

Il y avait en Israël un homme nommé Joachim, de la tribu de Juda, et il gardait ses brebis, craignant Dieu dans la simplicité et la droiture de son cœur, et il n'avait nul souci, si ce n'est celui de ses troupeaux, dont il employait les produits à nourrir ceux qui craignaient Dieu, présentant de doubles offrandes dans la crainte du Seigneur, et secourant les indigents. Il faisait trois parts de ses agneaux, de ses biens et de toutes les choses qui étaient en sa possession ; il donnait une de ces parts aux veuves, aux orphelins, aux étrangers et aux pauvres; une autre à ceux qui étaient voués au service de Dieu, et il réservait la troisième pour lui et pour toute sa maison. Dieu multiplia son troupeau au point qu'il n'y en avait aucun qui lui fût semblable dans tout le pays d'Israël. Il commença à faire ces choses dès la quinzième année de son âge. Lorsqu'il eut l'âge de vingt ans, il prit pour femme Anne, fille d'Achar (02), qui était de la même tribu que lui, de la tribu de Juda, de la race de David; et après qu'il eut demeuré vingt ans avec elle, il n'en avait pas eu d'enfants (03).

chapitre II.

Il arriva qu'aux jours de fête, parmi ceux qui apportaient des offrandes au Seigneur, Joachim vint, offrant ses dons en présence du Seigneur. Et un scribe du Temple, nommé Ruben, approchant de lui, lui dit : « Il ne t'appartient pas de te mêler aux sacrifices que l’on offre à Dieu, car Dieu ne t'a pas béni, puisqu'il ne t'a pas accordé de rejeton en Israël. » Couvert de honte en présence du peuple, Joachim se retira du Temple en pleurant, et ne retourna pas à sa maison ; mais il s'en alla vers ses troupeaux, et il conduisit avec lui les pasteurs dans les montagnes, dans un pays éloigné ; et pendant cinq mois, Anne, sa femme, n'en eut aucune nouvelle. Elle pleurait dans ses prières, et elle disait : « Seigneur tout-puissant, Dieu d'Israël, pourquoi ne m'avez-vous pas donné d'enfants, et pourquoi m'avez-vous ôté mon mari ; j'ignore s'il est mort, et je ne sais comment faire pour lui donner la sépulture. » Et pleurant amèrement, elle se retira dans l'intérieur de sa maison, et se prosterna pour prier, adressant ses supplications au Seigneur. Et se levant ensuite, élevant les yeux à Dieu, elle vit un nid de passereaux sur une branche de laurier, et elle éleva la voix vers Dieu en gémissant, et elle dit : « Seigneur Dieu tout-puissant, toi qui as donné de la postérité à toutes les créatures, aux bêtes, et aux serpents, et aux poissons, et aux oiseaux, et qui fais qu'elles se réjouissent de leurs petits, je te rends grâces, puisque tu as ordonné que moi seule je fusse exclue des faveurs de ta bonté ; car tu connais, Seigneur, le secret de mon cœur, et j'avais fait vœu, dès le commencement de mon voyage, que si tu m'avais donné un fils ou une fille, je te l'aurais consacré dans ton saint temple. » Et quand elle eut dit cela, soudain l'ange du Seigneur apparut devant sa face, lui disant : « Ne crains point, Anne, car ton rejeton est dans le conseil de Dieu, et ce qui naîtra de toi sera en admiration à tous les siècles, jusqu'à leur consommation. » Et lorsqu'il eut dit cela, il disparut de devant ses yeux. Elle, tremblante et épouvantée de ce qu'elle avait vu une pareille vision, et de ce qu'elle avait entendu un semblable discours, entra dans sa chambre, et se jeta sur son lit comme morte, et durant tout le jour et toute la nuit, elle demeura en prières et dans une grande frayeur. Ensuite elle appela à elle sa servante, et lui dit : « Tu m'as vue frappée de viduité et placée dans la douleur, et tu n'as pas voulu venir vers moi. » Et la servante répondit en murmurant : « Si Dieu t'a frappée de stérilité, et s'il a éloigné de toi ton mari, qu'est-ce que je dois faire pour toi? » Et, en entendant cela, Anne élevait la voix, et elle pleurait avec clameur.

CHAPITRE III.

Dans ce temps, un jeune homme apparut parmi les montagnes où Joachim faisait paître son troupeau, et lui dit : « Pourquoi ne retournes-tu pas auprès de ton épouse? » Et Joachim dit : « Je l'ai eue durant vingt ans; mais maintenant, comme Dieu n'a pas voulu que j'eusse d'elle des fils, j'ai été chassé du Temple avec ignominie : pourquoi retournerai-je auprès d'elle? Mais je distribuerai par les mains de mes serviteurs aux pauvres, aux veuves, aux orphelins et aux ministres de Dieu les biens qui lui reviennent. » Et, lorsqu'il eut dit cela, le jeune homme lui répondit : « Je suis l'ange de Dieu, et j'ai apparu à ton épouse qui pleurait et qui priait, et je l'ai consolée ; car tu l'as abandonnée accablée d'une tristesse extrême. Sache au sujet de ta femme, qu'elle concevra une fille qui sera dans le temple de Dieu, et l'Esprit saint reposera en elle, et sa bénédiction sera sur toutes les femmes saintes; de sorte que nul ne pourra dire qu'il y eut auparavant une autre comme elle, et qu'il n'y aura dans la suite des siècles nulle autre semblable à elle, et son rejeton sera béni, et elle-même sera bénie, et elle sera établie la mère de la bénédiction éternelle. Descends donc de la montagne, et retourne à ton épouse, et rendez grâces tous deux au Dieu tout-puissant. » Et Joachim l'adorant, dit : « Si j'ai trouvé grâce devant toi, repose-toi un peu dans mon tabernacle, bénis-moi, moi qui suis ton serviteur. » Et l'ange lui dit : « Ne dis-pas que je suis ton serviteur, mais que je suis ton compagnon ; nous sommes les serviteurs d'un seul Seigneur ; car ma nourriture est invisible, et ma boisson ne peut être vue par les hommes mortels. Ainsi, tu ne dois pas me demander que j'entre dans ton tabernacle ; mais, ce que tu voulais me donner, offre-le en holocauste à Dieu. » Alors Joachim prit un agneau sans tache, et dit à l'ange : « Je n'aurais pas osé offrir un holocauste si ton ordre ne me donnait le droit d'exercer le saint ministère. » Et l'ange lui dit : « Je se t'aurais pas invité à sacrifier, si je n'avais pas connu la volonté de Dieu. » Il se fit que lorsque Joachim offrit à Dieu le sacrifice, l'ange du Seigneur remonta aux cieux avec l'odeur et la fumée du sacrifice. Alors Joachim tomba sur sa face, et il y resta depuis la sixième heure jusqu'au soir. Ses serviteurs et les gens à ses gages, venant et ne sachant quelle était la cause de ce qu'ils voyaient, s'effrayèrent, et croyant qu'il voulait se laisser mourir, ils s'approchèrent de lui, et le relevèrent de terre avec peine. Lorsqu'il leur eut raconté ce qu'il avait vu, ils furent saisis d'une extrême stupeur et d'admiration, et ils l'exhortèrent à accomplir sans différer ce que l'ange lui avait prescrit, et à retourner promptement auprès de sa femme. Et lorsque Joachim discutait dans son esprit s'il devait revenir ou non, il se fit qu'il fut surpris par le sommeil. Et voici que l'ange du Seigneur, qui lui avait apparu durant la veille, lui apparut pendant qu'il dormait, disant : « Je suis l'ange que Dieu t'a donné pour gardien; descends sans crainte, et retourne auprès d'Anne, car les œuvres de miséricorde que tu as accomplies, ainsi que ta femme, ont été portées en présence du très Haut, et il vous a été donné un rejeton, tel que jamais, ni les prophètes, ni les saints, n'en ont eu depuis le commencement, et tel qu'ils n'en auront jamais. » Et lorsque Joachim se fut éveillé de son sommeil, il appela à lui les gardiens de ses troupeaux, et il leur raconta son songe. Et ils adorèrent le Seigneur, et ils lui dirent : « Vois à ne pas résister davantage à l'ange de Dieu, mais lève-toi, partons, et allons d'une marche lente en faisant paître les troupeaux. » Lorsqu'ils eurent cheminé trente jours, l'ange du Seigneur apparut à Anne qui était en oraison, et lui dit : « Va à la porte que l'on appelle dorée, et rends-toi au-devant de ton mari, car il viendra à toi aujourd'hui. » Elle, se levant promptement, se mit en chemin avec ses servantes, et elle se tint près de cette porte en pleurant ; et lorsqu'elle eut attendu longtemps, et qu'elle était près de tomber en défaillance de cette longue attente, en élevant les yeux, elle vit Joachim qui venait avec ses troupeaux. Anne courut et se jeta à son cou, rendant grâces à Dieu, et disant : « J'étais veuve, et voici que je ne serai plus stérile, et voici que je concevrai. » Et il y eut grande joie parmi tous les parents et ceux qui les connaissaient, et la terre entière d'Israël fut dans l'allégresse de cette nouvelle.

CHAPITRE IV.

Ensuite, Anne conçut (04), et neuf mois étant accomplis, elle enfanta une fille et elle lui donna le nom de Marie. Lorsqu'elle l'eut sevrée la troisième année (05), ils allèrent ensemble, Joachim et sa femme Anne, au temple du Seigneur, et, présentant des offrandes, ils remirent leur fille Marie, afin qu'elle fût admise parmi les vierges qui demeuraient le jour et la nuit dans la louange du Seigneur. Et lorsqu'elle fut placée devant le Temple du Seigneur, elle monta en courant les quinze degrés, sans regarder en arrière et sans demander ses parents, ainsi que les enfants le font d'ordinaire. Et tous furent remplis de surprise à cette vue, et les prêtres du Temple étaient saisis d'étonnement

chapitre V.

Alors Anne, remplie de l'Esprit saint, dit en présence de tous : « Le Seigneur, le Dieu des armées, s'est souvenu de sa parole, et il a visité son peuple dans sa visite sainte, afin qu'il humilie les nations qui s'élevaient contre nous, et qu'il convertisse leurs cœurs à lui. Il a ouvert ses oreilles à nos prières, et il a éloigné de nous les insultes de nos ennemis. La femme stérile est devenue mère, et elle a engendré pour la joie et l'allégresse d'Israël. Voici que je pourrai présenter mes offrandes au Seigneur, et mes ennemis voulaient m'en empêcher. Le Seigneur les a abattus de devant moi, et il m'a donné une joie éternelle. »

CHAPITRE VI.

Marie était un objet d'admiration pour tout le peuple, car, lorsqu'elle avait trois ans, elle marchait avec gravité, et elle s'adonnait si parfaitement à la louange du Seigneur, que tous étaient saisis d'admiration et de surprise; elle ne semblait pas une enfant, mais elle paraissait déjà grande et pleine d'années, tant elle vaquait à la prière avec application et persévérance. Sa figure resplendissait comme la neige, de sorte que l'on pouvait à peine contempler son visage. Elle s'appliquait au travail des ouvrages en laine, et tout ce que des femmes âgées ne pouvaient faire, elle l'expliquait, étant encore dans un âge aussi tendra Elle s'était fixé pour règle de s'appliquer à l'oraison depuis le matin jusqu'à la troisième heure et de se livrer au travail manuel depuis la troisième heure jusqu'à la neuvième. Et depuis la neuvième heure, elle ne discontinuait pas de prier jusqu'à ce que l'Ange du Seigneur lui eût apparu, et elle recevait sa nourriture de sa main, afin de profiter de mieux en mieux dans l'amour de Dieu. De toutes les autres vierges plus âgées qu'elle et avec lesquelles elle était instruite dans la louange de Dieu, il ne s'en trouvait point qui fût plus exacte aux veilles, plus instruite dans la sagesse de la loi de Dieu, plus remplie d'humilité, plus habile à chanter les cantiques de David, plus gracieuse de charité, plus pure de chasteté, plus parfaite en toute vertu. Car elle était constante, immuable, persévérante, et, chaque jour, elle profitait en dons de toute espèce. Nul ne l'entendit jamais dire du mal, nul ne la vit jamais se mettre en colère. Tous ses discours étaient pleins de grâce et la vérité se manifestait dans sa bouche. Elle était toujours occupée à prier ou à méditer la loi de Dieu. Et elle étendait sa sollicitude sur ses compagnes, craignant que quelqu'une d'elles ne péchât en paroles, ou n'élevât sa voix en riant, ou ne fût gonflée d'orgueil, ou n'eût de mauvais procédés à l'égard de son père et de sa mère. Elle bénissait Dieu sans relâche, et pour que ceux qui la saluaient ne pussent la détourner de la louange de Dieu, elle répondait à ceux qui la saluaient : « Grâces soient rendues à Dieu! » Et c'est d'elle que vint l'usage adopté par les hommes pieux de répondre à ceux qui les saluent : « Grâces soient rendues à Dieu! » Elle prenait chaque jour pour se sustenter la nourriture qu'elle recevait de la main de l'Ange (06), et elle distribuait aux pauvres les aliments que lui remettaient les prêtres du Temple. On voyait très souvent les Anges s'entretenir avec elle, et ils lui obéissaient avec la plus grande déférence. Et si une personne atteinte de quelque infirmité la touchait, elle s'en retournait aussitôt guérie.

chapitre VII.

Alors le prêtre Abiathar offrit des cadeaux considérables aux pontifes, afin que Marie fût donnée en mariage à son fils. Marie s'y opposait, disant : « Il ne peut pas être que je connaisse un homme ou qu'un homme me connaisse. » Les prêtres et tous ses parents lui disaient : « Dieu est honoré par les enfants comme il a toujours été dans le peuple d'Israël. » Marie répondit : « Dieu est d'abord honoré par la chasteté. Car, avant Abel, il n'y eut aucun juste parmi les hommes, et il fut agréable à Dieu pour son offrande, et il fut tué méchamment par celui qui avait déplu à Dieu. Il reçut toutefois deux couronnes, celle du sacrifice et celle.de la virginité, car sa chair demeura exempte de souillure. Et, par la suite, Élie, lorsqu'il était en ce monde, fut enlevé, car il avait conservé sa chair dans la virginité. J'ai appris dans le temple du Seigneur depuis mon enfance qu'une vierge peut être agréable à Dieu. Et j'ai donc pris dans mon cœur la résolution de ne point connaître d'homme. »

CHAPITRE VIII.

Il arriva que Marie atteignit la quatorzième année de son âge, et ce fut l'occasion que les Pharisiens dirent que, selon l'usage, une femme ne pouvait plus rester à prier dans le Temple. Et l'on se résolut à envoyer un héraut à toutes les tribus d'Israël, afin que tous se réunissent le troisième jour. Lorsque tout le peuple fut réuni, Abiathar, le grand-prêtre, se leva, et il monta sur les degrés les plus élevés, afin qu'il pût être vu et entendu du peuple entier. Et, un grand silence s'étant établi, il dit : « Écoutez-moi, enfants d'Israël, et que vos oreilles reçoivent mes paroles. Depuis que ce Temple a été élevé par Salomon, il a contenu un grand nombre de vierges admirables, filles de rois, de prophètes et de pontifes ; enfin, arrivant à l'âge convenable, elles ont pris des maris, et elles ont plu à Dieu en suivant la coutume de celles qui les avaient précédées. Mais, maintenant, il s'est introduit, avec Marie, une nouvelle manière de plaire au Seigneur, car elle a fait à Dieu la promesse de persévérer dans la virginité, et il me paraît que, d'après nos demandes et les réponses de Dieu, nous pourrons connaître à qui elle doit être confiée à garder. » Ce discours plut à la synagogue, et les prêtres tirèrent au sort les noms des douze tribus d'Israël, et le sort tomba sur la tribu de Judas, et le grand-prêtre dit le lendemain : « Que quiconque est sans épouse vienne et qu'il porte une baguette dans sa main. » Et il se fit que Joseph vint avec les jeunes gens et qu'il apporta sa baguette. Et lorsqu'ils eurent tous remis au grand-prêtre les baguettes dont ils s'étaient munis, ii offrit un sacrifice à Dieu, et il interrogea le Seigneur, et le Seigneur lui dit : « Apportez toutes les baguettes dans le Saint des Saints, et qu'elles y demeurent, et ordonne à tous ceux qui les auront apportées de revenir les chercher le lendemain matin, afin que tu les leur rendes. Et il sortira de l'extrémité d'une de ces baguettes une colombe qui s'envolera vers le ciel (07), et c'est à celui dont ce signe distinguera la baguette que Marie devra être remise à garder. » Le lendemain, ils vinrent tous, et le grand-prêtre, ayant fait l'offrande de l'encens, entra dans le Saint des Saints et apporta les baguettes. Et lorsqu'il les eut distribuées toutes, au nombre de trois mille, et que d'aucune d'elles il n'était sorti de colombe, le grand-prêtre Abiathar se revêtit de l'habit sacerdotal et des douze clochettes, et, entrant dans le Saint des Saints, il offrit le sacrifice. Et, tandis qu'il était en prières, l'Ange lui apparut, disant : « Voici cette baguette très petite que tu as regardée comme néant; lorsque tu l'auras prise et donnée, c'est en elle que se manifestera le signe que je t'ai indiqué. » Cette baguette était celle de Joseph, et il était vieux et d'un aspect misérable, et il n'avait pas voulu réclamer sa baguette, dans la crainte d'être obligé à prendre Marie. Et tandis qu'il se tenait humblement le dernier de tous, le grand-prêtre Abiathar lui cria d'une voix haute : « Viens, et reçois ta baguette, car tu es attendu. » Et Joseph s'approcha épouvanté, car le grand-prêtre l'avait appelé en élevant beaucoup la voix. Et lorsqu'il étendit la main pour recevoir sa baguette, il sortit aussitôt de l'extrémité de cette baguette une colombe plus blanche que la neige et d'une beauté extraordinaire, et, après avoir longtemps volé sous les voûtes du Temple, elle se dirigea vers les cieux. Alors tout le peuple félicita le vieillard, en disant : « Tu es devenu heureux dans ton grand âge, et Dieu t'a choisi et désigné pour que Marie te fût confiée. » Et les prêtres lui dirent : « Reçois-la, car c'est sur toi que le choix de Dieu s'est manifesté. » Joseph, leur témoignant le plus grand respect, leur dit avec confusion : « Je suis vieux (08) et j'ai des fils (09) ; pourquoi m'avez-vous remis cette jeune fille? » Alors le grand-prêtre Abiathar lui dit : « Souviens-toi, Joseph, comment ont péri Dathan et Abiron, parce qu'ils avaient méprisé la volonté de Dieu ; il t'en arrivera de même si tu te révoltes contre ce que Dieu te prescrit. » Joseph répondit : « Je ne résiste pas à la volonté de Dieu, je voudrais savoir lequel de mes fils doit l'avoir pour épouse. Qu'on lui donne quelques-unes des vierges, ses compagnes, avec lesquelles elle demeure en attendant. » Le grand-prêtre Abiathar dit alors : « On lui accordera la compagnie de quelques vierges pour lui servir de consolation, jusqu'à ce qu'arrive le jour marqué pour que tu la reçoives (10). Car elle ne pourra pas être unie en mariage à un autre. » Alors Joseph prit Marie avec cinq autres vierges, afin qu'elles fussent dans sa maison avec Marie. Ces vierges se nommaient Rebecca, Saphora, Suzanne, Abigée et Zabel, et les prêtres leur donnèrent de la soie, et du lin, et de la pourpre. Elles tirèrent entre elles au sort quelle serait la besogne réservée à chacune d'elles. Et il arriva que le sort désigna Marie pour tisser la pourpre, afin de faire le voile du Temple du Seigneur, et les autres vierges lui dirent : « Comment, puisque tu es plus jeune que les autres, as-tu mérité de recevoir la pourpre? » Et disant cela, elles se mirent, comme par ironie, à l'appeler la reine des vierges. Et lorsqu'elles parlaient ainsi entre elles, l'Ange du Seigneur apparut au milieu d'elles et dit : « Ce que vous dites ne sera pas une dérision, mais se vérifiera très exactement. » Elles furent épouvantées de la présence de l'Ange et de ses paroles, et elles se mirent à supplier Marie de leur pardonner et de prier pour elles.

chapitre IX.

Un autre jour, comme Marie était debout auprès d'une fontaine (11), l'Ange du Seigneur lui apparut, disant : « Tu es bien heureuse, Marie, car le Seigneur s'est préparé une demeure en ton esprit. Voici que la lumière viendra du ciel pour qu'elle habite en toi et pour que, par toi, elle resplendisse dans le monde entier. » Et le troisième jour qu'elle tissait la pourpre de ses doigts, il vint à elle un jeune homme dont la beauté ne peut se décrire. En le voyant, Marie fut saisie d'effroi et se mit à trembler, et il lui dit : « Ne crains rien, Marie ; tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras et que tu enfanteras un Roi dont l'empire s'étendra non seulement sur toute la terre, mais aussi dans les cieux, et qui régnera dans les siècles des siècles. Amen. »

CHAPITRE X.

Pendant que cela se passait, Joseph était à Capharnaüm, occupé de travaux de son métier, car il était charpentier, et il y demeura neuf mois. Revenu dans sa maison, il trouva que Marie était enceinte, et il trembla de tous ses membres, et, rempli d'inquiétude, il s'écria et il dit : « Seigneur, Seigneur, reçois mon esprit, car il est mieux pour moi de mourir que de vivre. » Et les vierges qui étaient avec Marie lui dirent : « Nous savons que nul homme ne l’a touchée, nous savons qu'elle est demeurée sans tache dans la pureté et dans la virginité, car elle a été gardée de Dieu et elle est toujours restée dans l'oraison. L'Ange du Seigneur s'entretient chaque jour avec elle, chaque jour elle reçoit sa nourriture de l'Ange du Seigneur. Comment se pourrait-il faire qu'il y eût en elle quelque péché? Car si tu veux que nous te révélions notre soupçon, nul ne l'a rendue enceinte, si ce n'est l'Ange du Seigneur. » Joseph dit : « Pourquoi voulez-vous me tromper et me faire croire que l'Ange du Seigneur l'ait rendue enceinte? Il se peut que quelqu'un ait feint qu'il était l'Ange du Seigneur, dans le but de la tromper. » Et, disant cela, il pleurait et disait : «, De quel front irai-je au temple de Dieu? comment oserai-je regarder les prêtres de Dieu? qu'est-ce que je ferai? » Et il songeait à se cacher et à renvoyer Marie.

CHAPITRE XI.

Et lorsqu'il avait résolu de s'enfuir durant la nuit, afin d'aller se cacher dans des lieux écartés, voici que cette même nuit, l'Ange du Seigneur lui apparut durant son sommeil et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains point de prendre Marie pour ton épouse, car ce qu'elle porte dans son sein est l'œuvre de l'Esprit saint. Elle enfantera un fils qui sera nommé Jésus, il sauvera son peuple et il rachètera ses péchés. » Joseph, se levant, rendit grâces à Dieu, et il parla à Marie et aux vierges qui étaient avec elle, et il raconta sa vision, et il mit sa consolation en Marie, disant : « j'ai péché, car j'avais entretenu quelque soupçon contre toi. »

CHAPITRE XII.

Il advint ensuite que le bruit se répandit que Marie était enceinte. Et Joseph fut saisi par les ministres du Temple et conduit au grand-prêtre, qui commença, avec les prêtres, à le charger de reproches, disant : « Pourquoi as-tu fraudé les noces d'une Vierge si admirable que les Anges de Dieu avaient nourrie comme une colombe dans le temple de Dieu, qui n'a jamais voulu voir un homme et qui était si merveilleusement instruite dans la loi de Dieu? Si tu ne lui avais pas fait violence, elle serait demeurée vierge jusqu'à présent. » Et Joseph faisait serment qu'il ne l'avait jamais touchée. Le grand-prêtre Abiathar lui dit : « Vive le Seigneur! nous allons te faire boire l'eau de l'épreuve du Seigneur (12), et ton péché se manifestera aussitôt. » Alors tout le peuple d'Israël se réunit, et sa multitude était innombrable. Et Marie fut conduite au Temple du Seigneur. Les prêtres et ses proches et ses parents pleuraient et disaient : « Confesse aux prêtres ton péché, toi qui étais comme une colombe dans le temple de Dieu et qui recevais ta nourriture de la main des Anges. » Joseph fut appelé pour monter auprès de l'autel, et on lui donna à boire l'eau de l'épreuve du Seigneur ; lorsqu'un homme coupable l'avait bue, après qu'il avait fait sept fois le tour de l'autel du Seigneur, il se manifestait quelque signe sur sa face. Lorsque Joseph eut bu avec sécurité et qu'il eut fait le tour de l'autel, aucune trace de péché n'apparut sur son visage. Alors tous les prêtres et les ministres du Temple et tous les assistants le justifièrent, disant : « Tu es heureux, car tu n'as point été trouvé coupable. » Et, appelant Marie, ils lui dirent : « Toi, quelle excuse peux-tu donner ou quel signe plus grand peut-il apparaître en toi, puisque la conception de ton ventre a révélé ta faute? Puisque Joseph est purifié, nous te demandons que tu avoues quel est celui qui t'a trompée. Car il vaut mieux que ta confession t'assure la vie que si la colère de Dieu se manifestait par quelque signe sur ton visage et rendait ta honte notoire. » Alors Marie répondit sans s'effrayer : « S'il y a eu en moi quelque souillure ou s'il y a eu en moi quelque concupiscence d'impudicité, que Dieu me punisse en présence de tout le peuple, afin que je serve d'exemple de châtiment du mensonge. » Et elle approcha avec confiance de l'autel du Seigneur, et elle but l’eau d'épreuve, et elle fit sept fois le tour de l'autel, et il ne se trouva en elle aucune tache. Et comme tout le peuple était frappé de stupeur et de surprise en voyant sa grossesse et qu'aucun signe ne se manifestait sur son visage, divers discours commencèrent à se répandre parmi le peuple. Les uns vantaient sa sainteté, d'autres l'accusaient et se montraient mal disposés pour elle. Alors Marie, voyant que les soupçons du peuple n'étaient pas entièrement dissipés, dit à voix haute et que tous entendirent : « Vive le Seigneur Dieu des armées, en présence duquel je me tiens! je l'atteste que je n'ai jamais connu ni ne dois connaître d'homme, car, dès mon enfance, j'ai pris dans mon âme la ferme résolution, et j'ai fait à mon Dieu le vœu de consacrer ma virginité à celui qui m'a créée, et je mets en lui ma confiance pour ne vivre que pour lui et pour qu'il me préserve de toute souillure, tant que je vivrai. » Alors tous l'embrassèrent, en la priant de leur pardonner leurs mauvais soupçons. Et tout le peuple, et les prêtres et les vierges la reconduisirent chez elle, en se livrant à l'allégresse et en poussant des cris, et en lui disant : « Que le nom du Seigneur soit béni, car il a manifesté ta sainteté à tout le peuple d'Israël. »

CHAPITRE XIII.

Il arriva, peu de temps après, qu'il y eut un édit de César-Auguste, enjoignant à chacun de retourner dans sa patrie. Et ce fut le préfet de la Syrie, Cyrinus, qui publia le premier cet édit. Il fut donc nécessaire que Joseph avec Marie se rendît à Bethléem, car ils en étaient originaires, et Marie était de la tribu de Judas et de la maison et de la patrie de David. Et lorsque Joseph et Marie étaient sur le chemin qui mène à Bethléem, Marie dit à Joseph : « Je vois deux peuples devant moi, l'un qui pleure et l'autre qui se livre à la joie. » Et Joseph lui répondit : « Reste assise et tiens-toi sur ta monture et ne profère pas des paroles superflues. » Alors un bel enfant, couvert de vêtements magnifiques, apparut devant eux et dit à Joseph : « Pourquoi as-tu traité de paroles superflues ce que Marie te disait de ces deux peuples? Car elle a vu le peuple juif qui pleurait, parce qu'il s'est éloigné de son Pieu, et le peuple des Gentils qui se réjouissait, parce qu'il s'est approché du Seigneur, suivant ce qui a été promis à nos pères, Abraham, Isaac et Jacob. Car le temps est arrivé pour que la bénédiction dans la race d'Abraham s'étende à toutes les nations. » Et lorsque l'Ange eut dit cela, il ordonna à Joseph d'arrêter la bête de somme sur laquelle était montée Marie, car le temps de l'enfantement était venu. Et il dit à Marie de descendre de sa monture et d'entrer dans une caverne souterraine où la lumière n'avait jamais pénétré et où il n'y avait jamais eu de jour, car les ténèbres y avaient constamment demeuré. A l'entrée de Marie, toute la caverne resplendit d'une splendeur aussi brillante que si le soleil y était, et c'était la sixième heure du jour, et tant que Marie resta dans cette caverne, elle fut, la nuit comme le jour et sans interruption, éclairée de cette lumière divine. Et Marie mit au monde un fils que les Anges entourèrent dès sa naissance et qu'ils adorèrent, disant : « Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté! » Joseph était allé pour chercher une sage-femme et lorsqu'il revint à la caverne, Marie avait déjà été délivrée de son enfant. Et Joseph dit à Marie ; « Je t'ai amené deux sages-femmes, Zélémi et Salomé, qui attendent à l'entrée de la caverne et qui ne peuvent entrer à cause de cette lumière trop vive. » Marie, entendant cela, sourit Et Joseph lui dit : « Ne souris pas, mais sois sur tes gardes, de crainte que tu n'aies besoin de quelques remèdes. » Et il donna l'ordre à l'une des sages-femmes d'entrer. Et lorsque Zélémi se fut approchée de Marie, elle lui dit : « Souffre que je touche. » Et lorsque Marie le lui eut permis, la sage-femme s'écria à voix haute : « Seigneur, Seigneur, aie pitié de moi, je n'avais jamais soupçonné ni entendu chose semblable; ses mamelles sont pleines de lait et elle a un enfant mâle, quoiqu'elle soit vierge. Nulle souillure n'a existé à la naissance et nulle douleur lors de l'enfantement. Vierge elle a conçu, vierge elle a enfanté, et vierge elle demeure. » L'autre sage-femme nommée Salomé, entendant les paroles de Zélémi, dit : « Ce que j'entends, je ne le croirai point, si je ne m'en assure. » Et Salomé, s'approchait de Marie, lui dit : « Permets-moi de te toucher et d'éprouver si Zélémi a dit vrai. » Et Marie lui ayant permis, Salomé la toucha, et aussitôt sa main se dessécha. Et, ressentant une grande douleur, elle se mit à pleurer très amèrement et à crier, et à dire : « Seigneur, tu sais que je t'ai toujours craint, et que j'ai toujours soigné les pauvres, sans acception de rétribution ; je n'ai rien reçu de la veuve et de l'orphelin, et je n'ai jamais renvoyé loin de moi l'indigent sans le secourir. Et voici que je suis devenue misérable à cause de mon incrédulité, parce que j'ai osé douter de ta vierge. » Lorsqu'elle parlait ainsi, un jeune homme d'une grande beauté apparut près d'elle et lui dit : « Approche de l'enfant, et adore-le, et touche-le de ta main, et il te guérira, car il est le Sauveur du monde et de tous ceux qui espèrent en lui. » Et aussitôt Salomé s'approcha de l'enfant, et l'adorant, elle toucha le bord des langes dans lesquels il était enveloppé, et aussitôt sa main fut guérie. Et, sortant dehors, elle se mit à crier et à raconter les merveilles qu'elle avait vues et ce qu'elle avait souffert, et comment elle avait été guérie ; et beaucoup crurent à sa prédication (13), car les pasteurs des brebis affirmaient qu'au milieu de la nuit ils avaient vu des anges qui chantaient un hymne : « Louez le Dieu du ciel et bénissez-le, parce que le Sauveur de tous est né, le Christ qui rétablira le royaume d'Israël. » Et une grande étoile brilla sur la caverne depuis le soir jusqu'au matin, et jamais on n'en avait vu de pareille grandeur depuis l'origine du monde. Et les prophètes, qui étaient en Jérusalem, disaient que cette étoile indiquait la nativité du Christ qui devait accomplir le salut promis, non seulement à Israël, mais encore à toutes les nations.

CHAPITRE XIV.

Le troisième jour de la naissance du Seigneur, la bienheureuse Marie sortit de la caverne (14), et elle entra dans une étable, et elle mit l'enfant dans la crèche, et le bœuf et l'âne l'adoraient (15). Alors fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : « Le bœuf connaît son maître, et l'âne la crèche de son Seigneur. » Ces deux animaux, l'ayant au milieu d'eux l'adoraient sans cesse. Alors fut accompli également ce qu'avait dit le prophète Kabame : « Tu seras connu au milieu de deux animaux. » Et Joseph et Marie demeurèrent trois jours dans cet endroit avec l'enfant

CHAPITRE XV.

Le sixième jour, la bienheureuse Marie entra à Bethléem avec Joseph, et trente-trois jours étant accomplis, elle apporta l'enfant au Temple du Seigneur, et ils offrirent pour lui une paire de tourtereaux et deux petits de colombes. Et il y avait dans le Temple un homme juste et parfait, nommé Siméon, et il était âgé de cent treize ans. (16) Il avait eu du Seigneur la promesse qu'il ne goûterait pas la mort (17) jusqu'à ce qu'il eût vu le Christ, fils de Dieu, revêtu de chair. Lorsqu'il eut vu l'enfant, il s'écria à haute voix, disant : « Dieu a visité son peuple, et le Seigneur a accompli sa promesse. » Et il s'empressa de vivre, et il adora l'enfant, et, le prenant dans son manteau, il l'adora de nouveau, et il baisait les plantes de ses pieds, disant : « Seigneur : renvoie maintenant ton serviteur en paix, suivant ta parole, car mes yeux ont vu le Sauveur que tu as préparé dans la présence de tons les peuples, la lumière pour la révélation aux nations, et la gloire de ton peuple d'Israël. » Il y avait aussi dans le Temple du Seigneur une femme, nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Asser, qui avait vécu sept ans avec son mari, et qui était veuve depuis quatre-vingt quatre années ; et elle ne s'était jamais écartée du Temple de Dieu, s'adonnant sans relâche au jeûne et à l'oraison. Et s'approchant, elle adorait l'enfant, disant : « C'est en lui qu'est la rédemption du siècle, »

chapitre XVI.

Deux jours s'étant passés, des mages vinrent de l'Orienta Jérusalem (18), apportant de grandes offrandes, et ils interrogeaient avec empressement les Juifs, demandant : « Où est le roi qui nous est né? car nous avons vu son étoile dans l'Orient, et nous sommes venus pour l'adorer. » Cette nouvelle effraya tout le peuple, et Hérode envoya consulter les Scribes, les Pharisiens et les docteurs pour s'informer d'eux où le prophète avait annoncé que le Christ devait naître. Et ils répondirent : « A Bethléem, car il a été écrit : Et toi, Bethléem, terre de Judas, tu n'es pas la moindre dans les principautés de Juifs, car c'est de toi que sortira le chef qui gouvernera mon peuple d'Israël. » Alors le roi Hérode appela les mages, et s'informa d'eux quand l'étoile leur avait apparu, et il les envoya à Bethléem, disant : « Allez, et informez-vous avec soin de cet enfant, et, lorsque vous l'aurez trouvé, venez me le dire, afin que j'aille l'adorer. » Les mages étant en chemin, l'étoile leur apparut, et, comme leur servant de guide, elle les précéda jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à l'endroit où était l'enfant. Les mages, voyant l'étoile, furent remplis d'une grande joie. Et, entrant dans la maison, ils trouvèrent l'enfant Jésus couché dans les bras de Marie. Alors ils ouvrirent leurs trésors, et ils offrirent de riches présents à Marie et à Joseph. Et chacun d'eux présenta à l'enfant des offrandes particulières. L'un offrit de l'or, l'autre de l'encens, et l'autre de la myrrhe. Lorsqu'ils voulaient retourner auprès du roi Hérode, ils furent avertis en songe de ne pas revenu-vers lui. Et ils adorèrent l'enfant avec une joie extrême, et ils revinrent dans leur pays par un autre chemin.

CHAPITRE XVII.

Lorsque le roi Hérode vit que les mages l'avaient trompé, son cœur s'enflamma de colère, et il envoya sur tous les chemins ; voulant les prendre et les faire périr, et comme il ne put les rencontrer, il envoya à Bethléem, et il fit tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous, suivant le temps dont il s'était informé auprès des mages. Et un jour avant que cela n'arrivât, Joseph fut averti par l'Ange du Seigneur, qui lui dit : « Prends Marie et l'enfant et mets-toi en route à travers le désert et va en Egypte. » Et Joseph fit ce que l'Ange lui prescrivait.

CHAPITRE XVIII.

Lorsqu'ils furent arrivés auprès d'une caverne et qu'ils voulurent s'y reposer, Marie descendit de dessus sa monture et elle portait Jésus dans ses bras. Et il y avait avec Joseph trois jeunes garçons, avec Marie une jeune fille qui suivaient le même chemin. Et voici que subitement il sortit de la caverne un grand nombre de dragons, et, en les voyant, les jeunes garçons poussèrent de grands cris. Alors Jésus, descendant des bras de sa mère, se tint debout devant les dragons; ils l'adorèrent, et quand ils l'eurent adoré, ils se retirèrent. Et ce que le prophète avait dit fut accompli : « Louez le Seigneur, vous qui êtes sur la terre, dragons. » Et l'enfant marchait devant eux; et il leur commanda de ne faire aucun mal aux hommes. Mais Marie et Joseph étaient dans une grande frayeur, redoutant que les dragons ne fissent du mal à l'enfant. Et Jésus leur dit : « Ne me regardez pas comme n'étant qu'un enfant, je suis un homme parfait, et il est nécessaire que toutes les bêtes des forêts s'apprivoisent devant moi. »

CHAPITRE XIX.

De même les lions et les léopards l'adoraient, et il en était accompagné dans le désert. Partout où Marie et Joseph allaient, ils les précédaient, leur montrant le chemin, et, baissant leurs têtes, ils adoraient Jésus. (19) La première fois que Marie vit les lions et les bêtes sauvages qui venaient à elle, elle eut grand peur, et Jésus la regardant d'un air joyeux, lui dit : « Ne crains rien, ma mère, car ce n'est pas pour t'effrayer, mais pour te rendre hommage qu'ils viennent vers toi. » Et disant cela, il dissipa toute crainte de leur cœur. Les lions marchaient avec eux et avec les bœufs, les ânes et les bêtes de somme qui leur étaient nécessaires, et ils ne faisaient aucun mal, et ils restaient également, pleins de douceur, au milieu des brebis et des béliers que Joseph et Marie avaient amenés avec eux de la Judée. Ils marchaient au milieu des loups, et ils ne ressentaient nulle frayeur, et nul n'éprouvait aucun mal. Alors fut accompli ce qu'avait dit le prophète : « Les loups seront dans les mêmes pâturages que les agneaux, le lion et le bœuf partageront le même repas. » Et ils avaient deux bœufs et un chariot dans lequel les objets nécessaires étaient portés.

CHAPITRE XX.

Il arriva que le troisième jour de la route, Marie fut fatiguée dans le désert parla trop grande ardeur du soleil. Et, voyant un arbre, elle dit à Joseph : « Reposons-nous un peu sous son ombre. » Joseph s'empressa de la conduire auprès de l'arbre, et il la fit descendre de sa monture. Et Marie s'étant assise, jeta les yeux sur la cime du palmier, et la voyant couverte de fruits, elle dit à Joseph : « Mon désir serait, si cela était possible, d'avoir un de ces fruits. » Et Joseph lui dit : « Je m'étonne que tu parles ainsi, lorsque tu vois combien sont élevés les rameaux de ce palmier. Moi, je suis fort inquiet à cause de l'eau, car il n'y en a plus dans nos outres, et nous n'avons pas les moyens de les remplir de nouveau et de nous désaltérer. » Alors l'enfant Jésus qui était dans les bras de la vierge Marie, sa mère, dit au palmier : « Arbre, incline tes rameaux et nourris ma mère de tes fruits. » Aussitôt, à sa voix, le palmier inclina sa cime jusqu'aux pieds de Marie (20), et, recueillant les fruits qu'il portait, tous s'en nourrirent. Et le palmier restait incliné, attendant, pour se relever, l'ordre de celui à la voix duquel il s'était abaissé. Alors Jésus lui dit : « Relève-toi, palmier, et sois le compagnon de mes arbres qui sont dans le paradis de mon père. Et que de tes racines il surgisse une source qui est cachée en terre et qu'elle nous fournisse l'eau pour étancher notre soif. » Et aussitôt le palmier se releva, et il commença à surgir d'entre ses racines des sources d'eau très limpide et très fraîche et d'une douceur extrême (21). Et tous voyant ces sources furent remplis de joie, et ils se désaltérèrent en rendant grâces à Dieu, et les bêtes apaisèrent aussi leur soit

chapitre XXI.

Le lendemain, ils partirent, et au moment où ils se remirent en route, Jésus se tourna vers le palmier, dit : « Je te dis, palmier, et j'ordonne qu'une de tes branches soit transportée par mes Anges et soit plantée dans le paradis de mon père. Et je t'accorde en signe de bénédiction qu'il sera dit à tous ceux qui auront vaincu dans le combat pour la foi : Vous avez atteint la palme de la victoire. » Comme il parlait ainsi, voici que l'Ange du Seigneur apparut, se tenant sur le palmier, et il prit une des branches, et il s'envola par le milieu du ciel, tenant cette branche à la main. Et les assistants, ayant vu cela, restèrent comme morts. Alors Jésus leur parla, disant : « Pourquoi votre cœur s'abandonne-t-il à la crainte? Ne savez-vous pas que cette palme que j'ai fait transporter dans le paradis, sera pour tous les saints dans un lieu de délices, comme celui qui vous a été préparé dans ce désert? »

CHAPITRE XXII.

Et, comme ils cheminaient, Joseph lui dit : « Seigneur, nous avons à souffrir d'une extrême chaleur ; s'il te plaît, nous prendrons la route de la mer afin de pouvoir nous reposer en traversant les villes qui sont sur la côte. » Et Jésus lui dit : « Ne crains rien, Joseph ; j'abrégerai le chemin, de sorte que ce qu'il faudrait trente jours pour l'accomplir, vous l'achèverez en un jour. » Et tandis qu'il parlait encore, ils aperçurent les montagnes et les villes de l'Egypte, et, remplis de joie, ils entrèrent dans une ville qui s'appelait Sotine. Et comme ils n'y connaissaient personne, auprès de qui ils pussent réclamer l'hospitalité, ils entrèrent dans un Temple que les habitants de cette ville appelaient le Capitole, et où, chaque jour, il était offert des sacrifices en l'honneur des idoles.

CHAPITRE XXIII.

Et il advint que lorsque la bienheureuse Marie avec son enfant entra dans le Temple, toutes les idoles tombèrent par terre sur leur face, et elles restèrent détruites et brisées (22). Ainsi fut accompli ce qu'avait dit le prophète Isaïe : « Voici que le Seigneur vient sur une nuée, et tous les ouvrages de la main des Égyptiens trembleront à son aspect. »

chapitre XXIV.

Et lorsque le gouverneur de cette ville, Afrodisius apprit cela, il vint au temple avec toutes ses troupes et tous ses officiers. Lorsque les prêtres du Temple virent Afrodisius s’approchant avec toutes ses troupes, ils pensèrent qu'il venait exercer sa vengeance contre eux, parce que les images des dieux s'étaient renversées. Et lorsqu'il entra dans le Temple et qu'il vit toutes les statues renversées sur leur face et brisées, il s'approcha de Marie et il adora l'enfant qu'elle portait dans ses bras. Et quand il l'eut adoré, il adressa la parole à tous ses soldats et à ses compagnons, et il dit : « Si cet enfant n'était pas un dieu, nos dieux ne seraient pas tombés sur leur face à son aspect, et ils ne se seraient pas prosternés en sa présence ; ils le reconnaissent ainsi pour leur Seigneur. Et si nous ne faisons ce que nous avons va faire à nos dieux, nous courrons le risque d'encourir son indignation et sa colère, et nous tomberons tous en péril de mort, comme il arriva au roi Pharaon qui méprisa les avertissements du Seigneur. » Peu de temps après, l'ange dit à Joseph : « Retourne dans le pays de Judas, car ceux qui cherchaient l'enfant pour le faire périr sont morts. »


 

NOTES.

 

(01) C'est l'apôtre saint Jacques le Mineur, auquel l’on a également attribué le Protévangile. Il fut évêque de Jérusalem; les Juifs le mirent à mort Tan 61 de notre ère. Voyez Tillemont, t. I, p. 45 ; Ceillier, t. I, p. 422, etc.

(02) Ce n'est qu'ici que le père de sainte Anne est nommé Achar. D'après un passage d'un écrivain nommé Hippolythe et que l'on croit Hippolythe de Thèbes, écrivain du dixième siècle, passage que rapporte Nicéphore dans son Histoire ecclésiastique (l. II, c 3), les parents d'Anne se nommaient Mathan et Marie. Quelques autres auteurs grecs confirment cette assertion ; elle n'en a pas moins été révoquée en doute par de savants critiques. Les Musulmans disent qu'Anne était fille de Nahor. La vie de cette sainte se trouve dans l'immense recueil des Bollandistes, tom. VI de juillet. Le moyen-âge broda sur ce fond si simple une foule d'incidents merveilleux. Une légende d'une Bible du treizième siècle qu'a citée M. Leroux de Lincy (Livre des Légendes, p. 27), raconte que sainte Anne, étant enfant, recevait sa nourriture d'un cerf. L'empereur Fanouel étant à la chasse, aperçut cet animal et se lança à sa poursuite. Le cerf alla se réfugier à côté de la jeune fille, et Fanouel la reconnut pour son enfant. — On a prétendu que le corps de sainte Anne fut apporté de la Palestine à Jérusalem en 710. — Le nom d'Anne, en hébreu Channah, signifie gracieuse. Saint Épiphane est le premier écrivain dans lequel ce nom se rencontre.

(03) Christophe de Vega, dans sa Théologie de Marie, établit de singulières coïncidences entre le début de la Genèse et l'histoire de ces deux époux ; on nous permettra de citer le commencement de ce passage : « In principio creavit Deus cœlum et terrain (id est : Joachim et Annam, Maris parentes) Terra autem erat inanis et vacua (Anna sterilis et infœcunda) et tenebrae (adflictio et confusio) erant super faciem abyssi (super faciem Annae) et spiritus Domini ferebatur super aquas (super aquas lachrymarum Annae ad consolandum eam). Dixit vero Deus : fiat lux (h. e. Maria, virgo benedicta), etc.

(04) En 1677, le pape Innocent XI condamna l'opinion d’un docteur napolitain, nommé Imperiati, lequel maintenait que sainte Anne était restée vierge, après avoir enfanté Marie. Voyez Tillemont, Hist. ecclés., t. I, p. 169, édit. de Bruxelles et le Dictionnaire de Bayle, aux mots Borri et Joachim. Selon le jésuite J. Xavier, auteur d'une Historia Christi en persan qu'un théologien calviniste, Louis de Dieu, prit la peine de traduire et qui, imprimée chez les Elzevirs en 1639, forme un in-4° de 636 pages, ce fut le 11 du mois de Siaheriarna, c'est-à-dire un vendredi, 11 septembre, que sainte Anne accoucha de Marie.

(05) Les circonstances de la présentation de Marie au temple, lorsqu'elle eut trois ans, et de l'éducation qu'elle y reçut, se retrouvent dans une foule d'auteurs grecs, tels que George de Nicomédie, André de Crète, l'empereur Léon, Cedrène, Nicéphore et maint autre historien ou prédicateur. Le jésuite Théophile Raynaud, écrivain satirique et singulier, mais dont les œuvres trop complètes, en vingt volumes in-folio, trouvent aujourd'hui bien peu de lecteurs, a traité en détail tout ce qui se rapporte à la présentation de la Vierge, à ses épousailles et à son enfantement dans ses Dypticha Mariana. (Voir le tome VII de ses œuvres. Lyon, 1657.)

(06) Cedrène, George de Nicomédie, l'auteur du Christus patiens, attribué à tort à saint Grégoire de Nazianze, et divers écrivains grecs, rapportent aussi que Marie recevait ses aliments de la main des Anges.

(07) La colombe était chez les Hébreux un symbole de virginité et de pureté; dans l'un des traités de la Mischna, de ce vaste recueil de traditions juives, cet oiseau est dépeint comme protégeant Israël (Patrona Israelis) ; il jouait un rôle dans le culte des Samaritains. (Voyez J.-C. Friederich, de Columba dea Samaritanorum (Lipsiae, 1821, 8°); Aldovrande, dans le livre XV de son Ornithologia (Bononiœ, 1637, t. II, p. 353), a épuisé toutes les fables et tous les détails relatifs à la colombe.

(08) Il est peu de traditions plus anciennes et plus répandues que celle qui attribue un âge avancé à Joseph lorsque Marie lui fut remise. Accipit Mariam viduus, œtatem agent circa 80 annorum et amptius, dit saint Épiphane, et il ajoute que Joseph avait quatre-vingt-quatre ans lorsqu'il revint de l'Egypte, et qu'il mourut huit ans plus tard. Il était parvenu à cent onze ans lors de son décès, suivant son historien arabe.

(09) Origène est le premier écrivain ecclésiastique qui ait parlé des enfants que saint Joseph avait eus d'une première femme. Saint Épiphane lui en donne six ; quatre garçons (Jacques, Joseph, Simon, Jude) et deux filles (Salomé et Marie). Hippolythe de Thèbes conserve aux quatre fils ces mêmes noms, mais il appelle les filles Esther et Thamar. Sophronius en nomme trois, et l’une d'elles s'appelle Salomé, tout comme sa mère; d'autres écrivains désignent sous le nom d'Escha la femme de saint Joseph. Helvidius donnait à Joseph quatre fils et des filles innombrables, c'est-à-dire dont il était impossible de préciser le nombre, les livres saints étant muets à cet égard. On consultera une note de l'édition de Thilo, p. 362-365, pour d'autres détails que leur longueur exclut de notre travail.

(10) On montrait à Pérouse l'anneau des épousailles de Joseph et de Marie. C'était une de ces trop nombreuses reliques qu'avait multipliées une piété crédule.

(11) Cette circonstance que Marie se trouvait auprès d'une fontaine, lorsque l'Ange lui apparut, se rencontre aussi chez plusieurs écrivains de l'Église grecque.

(12) Combefis, dans ses notes sur George de Nicomédie (Auctuar. nov., t. I, col. 1224 et seq.), discute la solidité de la tradition qui soumet Joseph et Marie à l'épreuve des eaux amères, épreuve dont nous dirons quelques mots plus loin.

(13) Ces récits relatifs aux sages-femmes qui assistèrent Marie se retrouvent dans un sermon de saint Zénon, évêque de Vérone, mort en 380; un moine grec du douzième siècle, Épiphane, les reproduit dans son livre de la Vie de Marie, dont Mingarelli a donné le texte grec jusqu'alors inédit, dans les Anecdota litteraria d'Amadacci, t. III, p. 29. Saint Jérôme et divers écrivains du moyen-âge traitent tous ces détails de fables; leur antiquité se démontre toutefois par des passages de Clément d'Alexandrie (Stromates, lib. VIII) et de Suidas. Il existe une dissertation de G. H. Goez, imprimée à Lubeck, en 1707 : Num Maria, Filium Dei pariens, obstetricis ope fuerit usa? Le décret du pape Gélase mentionne, parmi les divers ouvrages qu'il frappe de réprobation, un Livre de sainte Marie et de la Sage-femme.

(14) On retrouve dans une foule d'écrits la trace de la croyance que Marie enfanta dans une caverne. Saint Justin et Origène en ont parlé; Eusèbe, Théodoret, saint Épiphane, saint Jérôme et bien d'autres auteurs ecclésiastiques en ont fait mention. Socrate et Sozomène racontent dans leurs Histoires ecclésiastiques que la mère de Constantin, Hélène, fit ériger un temple auprès de cette caverne. Au moyen-âge et à des époques plus rapprochées de nous, cette même caverne et l'église qui la touche ont été visitées par un grand nombre de voyageurs. Adamannus, qui vivait à la fin du septième siècle, en parle dans son livre sur la Terre-Sainte ; Bède, Brocard (qui parcourut la Palestine en 1232), Radzivil (en 1583), Roger, d'Arvieux, Thévenot et une foule d'écrivains plus modernes les ont décrites.

(15) La présence du bœuf et de l'âne a été regardée comme on fait par divers écrivains de l'antiquité, entre autres par saint Jérôme; Baronius a essayé de l'établir sur des arguments que Casaubon s'est efforcé de détruire. Dès longtemps les artistes se sont conformés à la tradition vulgaire (voir le savant ouvrage de S. R. Münter : Die Sinnbilder und Kunstvorstellungen der alten Christen ; Part II, p. 77), tradition qui se rattache à un passage du prophète Isaïe (ch. I, v. 3) : « Le bœuf connaît son acquéreur et l’âne la crèche de son maître. » Les sarcophages chrétiens des catacombes offrent divers exemples de pareilles représentations (voir Arringhi, Roma subterranea, t. I, p. 185, 347, 349). On peut consulter encore Molanus (Historia imaginum sacrarum, Liège, 1771, 4° p. 396), Trombelli (de Cultu Sanctorum, t. II, pars II, c. 37), Prudence (édition d'Arevalo, p. 211). Parmi de nombreux ouvrages italiens d'une mysticité peu éclairée, nous en indiquerons un du P.-L. Novarini : Paradiso di Betelemme, civè la vita di Gesu nel presepio (Verona, 1642, in-12).

 (16) Eutychius, patriarche d'Alexandrie, mort en 740; et dont il reste, sous le titre de Rang de Pierres précieuses, une Histoire universelle, célèbre en Orient, Eutychius, disons-nous, compte Siméon parmi les Septante interprètes, il le confond avec Simon le Juste dont parle Joseph (Antiq. jud., l. XII, c. 2), et il dit qu'il vécut trois cent cinquante ans. On représente toujours Siméon revêtu d'habits sacerdotaux ; il est toutefois fort douteux qu'il ait été prêtre ; Léon Allatius, dans sa Diatriba de Simeontibus, a traité cette question avec une étendue que son importance ne réclamait pas.

(17) Cette expression vive et énergique se rencontre souvent chez les écrivains orientaux ; c'est ainsi que nous lisons dans un passage de l'historien persan Ferischta, traduit par M. J. Mohl (Journal des Savants, 1840, p. 394) : « Le sultan Alaëd-din Schah Bahmanni choisit la table des morts de préférence à son trône. »

(18) Les détails si peu circonstanciés que donnent les Evangélistes au sujet des Mages ne pouvaient suffire à l'imagination du vulgaire; la tradition rapporta sur leur compte diverses particularités ; elle en fixa le nombre à trois pour personnifier en eux les habitants des trois parties de l'ancien monde; elle interpréta leurs offrandes dans un sens figuré; des écrivains du quatrième et du cinquième siècle leur donnent le titre pompeux de rois, et Tertullien le leur avait déjà octroyé. Toutefois, cette croyance ne s'accrédita pas fort vite, car les anciens sarcophages persistent à les représenter coiffés du bonnet phrygien et ne leur posent point de couronnes sur la tête. On prétendit ensuite que l'un d'eux était jeune, le second venu à l'âge viril et que le troisième était d'une vieillesse avancée. Pierre de Natalibus, écrivain du moyen-âge, va jusqu'à préciser l'âge de chacun d'eux ; vingt, quarante et soixante ans. Raphaël, obéissant à la tradition, a peint au Vatican l'un de ces souverains sous les traits d'un nègre. Il serait difficile d'indiquer à quelle époque on leur assigna les noms de Gaspard, de Balthazar et Melchior, mais ces dénominations se trouvent déjà sur une peinture du onzième siècle publiée dans le vaste recueil de Seroux d'Agincourt (Histoire de l'Art par les Monuments, 1811-23, 6 vol. gr. in-fol.) On leur a donné pour royaumes Tarse, la Nubie et Saba ; selon des légendaires sans autorité, ils subirent le martyre dans l'Inde, après avoir reçu le baptême des maint de saint Thomas. Cologne se vante de posséder leurs reliques. » G. H. Goez a écrit une dissertation spéciale : de Reliquiis Magorum ad Christum conversorum (Lubeck, 1714). D'après une autre tradition beaucoup moins répandue, les Mages avaient été au nombre de douze.

(19) Les légendes des saints rapportent un grand nombre d'exemples d'animaux obéissant à la voix de pieux personnages ; la vie de saint François offre en ce genre les traits les plus singuliers. Auguste, au rapport de Suétone, ordonna un jour de se taire à des grenouilles qui l'incommodaient de leur bruit, et depuis, elles ont gardé un silence complet.

(20) Martin le Polonais, dans sa Chronique, l. III, p. 104 (je me sers de l'édition d'Anvers, 1574), rapporte toutes ces circonstances fabuleuses de la fuite en Egypte ; il dit que les dragons qui sortirent de la caverne étaient au nombre de deux; il raconte qu'un lion, perdant toute sa férocité, accompagna les fugitifs jusqu'au sein des cités égyptiennes ; il n'oublie pas le miracle de l'arbre incliné. Sozomène le narre aussi en ces termes au Ve livre de son Histoire ecclésiastique : « De arbore quadam Perside dicta et apud Hermopolim Thebaidae constituta, ferunt quod multorum morbos pellet si vel fruclus illius, vel folium, vel modica corticis portio aegrotis applicetur. Et enim de Aegyptiis dicitur quod Joseph, cum Herodem fugeret, sumptis ad se Christo et Maria sancta deipara, Hermopolim venerit et mox atque ingrederetur juxta portam, haec arbor Christi adventu attonita, cum maxima esset ad tellurem usque sese demiserit et adoraverit. » Selon une légende qui avait cours en Espagne, le démon s'était emparé de l'arbre pour recevoir les adorations des peuples ; Jésus-Christ s'en étant approché, l'esprit impur fut chassé et précipité dans l'abîme; l'arbre s'inclina alors pour rendre grâces au Seigneur. Rapportons ici une légende septentrionale que nous trouvons dans les Lettres si pleines d'intérêt de M. X. Marmier sur l’Islande : « Un jour le Christ, environné des nuages de sa gloire, passait par les forêts sacrées des anciens Germains, tous les arbres s'inclinaient devant lui pour rendre hommage à sa Divinité. Le peuplier seul, dans son superbe orgueil, resta debout, et le Christ lui dit : Puisque tu n'as pas voulu te courber devant mol, tu te courberas à tout jamais au vent du matin et à la brise du soir! »

(21) Dans la Vie de Iesuchrist avec sa mort et passion (4e gothique), ouvrage que nous aurons l'occasion de citer plus loin, on retrouve un récit tout semblable, et nous le transcrirons dans son vieux style naïf qui prête du charme à ces légendes : « Et quant ils eurent fort cheminé, la Vierge Marie fut lasse et auoit grand chault pour le soleil et, en passant par ung grand désert, nostre dame veit un arbre de palme beau et grand dessoubz lequel se voulut reposer en l'ombre et, quant ils y furent, Joseph la descendit de dessus l'asne ; quant elle fut descendue, elle regarda en haut et veit l'arbre tout plein de pommes et dist : Ioseph, ie vouldroye bien avoir du fruict de cet arbre car ien mangeroye volontiers, et Ioseph lui dist : Marie, le mesmerveille comment vous auez désir de manger de ce fruict. Adonc Iesuchrist que se sevit au giron de sa mère, dist à l'arbre de palme qu'il s'inclinast et qu'il laissast manger à sa mère de son fruict à son plaisir. Et tout incontinent que Iesuchrist eust ce dist, le palme s'inclina vers la Vierge Marie, et elle prit des pommes ce qu'il lui pleut et demoura cette palme encore inclinée vers elle et quant Iesuchrist veit qu'il ne se dressoit pas, il dist : dresse toi, palme, et l'arbre se dressa. »

(22) La chute des idoles de l'Egypte n'est point une circonstance que l'on rencontre seulement dans les Évangiles apocryphes ; elle est consignée dans divers auteurs anciens, tels que Sozomène, Eusèbe, saint Athanase ; Tillemont et le père Barral, dans son Historia Evangelica, ont réuni force citations à ce sujet