Apocryphes coptes

APOCRYPHES COPTES

ACTA PILATI...

 

Traduction française : E. Revillout

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

AVERTISSEMENT

 

 

 

AVERTISSEMENT

 

La publication de nos apocryphes coptes du Nouveau Testament s'est trouvée assez longtemps interrompue. La cause en est due à la nécessité de se procurer un nouveau caractère copte, plus en rapport avec les besoins de la Patrologie orientale. Mgr Graffin a bien voulu se charger de faire faire cette nouvelle fonte, dont il a dessiné les types sous notre direction, d'après un manuscrit de l’Institut catholique de Paris.[1] Nous pouvons donc nous remettre à l'œuvre.

Nous ferons paraître nos textes soit avec les accents, quand nous pourrons les vérifier sur les originaux ou sur les photographies, soit sans accents, comme ceux du fascicule précédent, dans le cas contraire, ou quand, bien entendu, les originaux n'en portent pas. Pour hâter l'apparition des fascicules, nous n'attendrons pas, pour donner les pages qui sont dans notre main, l'arrivée d'autres pages que nous comptons recevoir et qui sont d'autres provenances. On ne s'étonnera donc pas si certains documents, parvenus en fragments détachés, ne sont pas aussi complets qu'ils pourraient l'être. Les fascicules suivants permettront, sous les mêmes lettres, de combler certaines lacunes et de comparer les leçons divergentes. A la fin de l'ouvrage, un index général viendra, du reste, tout remettre en place pour le savant et l'étudiant.

Généralement nous nous abstenons en ce moment des préfaces ou introductions critiques un peu détaillées. Tout cela se trouvera ailleurs, c'est-à-dire dans un ouvrage spécial que nous préparons et où nous tiendrons compte des observations faites déjà, soit pour les admettre, soit pour les réfuter. Sauf quelques exceptions indispensables, nous nous bornerons donc ici à des indications sur les manuscrits et sur les publications antérieures des documents, quand il y aura lieu. Pour les textes coptes, leur traduction et les renvois des marges, nous procéderons comme pour le fascicule précédent dont le numérotage sera continué d'un des côtés de la page. Nous ferons seulement une innovation en ceci que, toutes les fois que la chose est possible d'après les copies existantes, nous indiquerons non seulement les pages recto et verso, mais les colonnes de chaque page, et même les lignes de ces colonnes, à l'aide de traits perpendiculaires.

Selon la règle que nous avons suivie dans nos apocryphes publiés en 1876, nous suivrons les manuscrits dans leur accentuation et leur ponctuation, sans y rien changer. Nous les suivrons même pour l'indication de la παραγράφη grecque souvent négligée par les éditeurs du copte qui ne la reconnaissaient pas peut-être parce qu'elle se fait de plusieurs façons différentes.[2]

 

E. Revillout.


 

PRÉFACE

 

La publication des Acta Pilati est surtout exécutée ici d'après la copie que j'en avais faite à Turin en 1872. Le papyrus était encore chez M. Bernardino Peyron qui l'avait reçu dans l'héritage d'Amédée Peyron. Ce savant l'avait sans doute emprunté lors de la traduction de cet apocryphe copte qu'il fit pour Tischendorf et que celui-ci a depuis publiée dans les notes de la version grecque (Evangelia Apocrypha, p. 210 et suivantes). Je n'eus pas de peine à montrer à Bernardino Peyron, d'après la préface du dictionnaire copte de son oncle, qu'il s'agissait du « papyrus secundus » appartenant au Musée de Turin. J'avais l'intention de publier cet apocryphe immédiatement et j'aurais ainsi devancé Tischendorf lui-même dont l'édition est de 1876, c'est-à-dire de l'année même où parut le premier fascicule de la première édition de mes apocryphes coptes.[3] Des circonstances indépendantes de ma volonté retardèrent la suite de cette édition, que je remplace aujourd'hui par une autre, et dans l'intervalle, en 1884, François Rossi fit paraître, dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Turin,[4] le texte copte dont Peyron avait donné à Tischendorf la traduction. A la Bibliothèque Nationale, j'avais copié, il y a quelques années, deux autres fragments attribuables au même document. J'en ai parlé, pp. 14 et 80 du premier fascicule de mes Apocryphes du Nouveau Testament, en annonçant la publication actuelle des Acta. Depuis, M, Lacau les a donnés en tête de ses fragments d'apocryphes coptes, édition qu'il a gracieusement interrompue à cause de la mienne.

Il est temps d'accomplir ma promesse.

Mais avant de commencer l'édition du document copte de Turin, il m'est impossible de ne pas dire quelques mots de la version des Acta qu'il renferme.

Depuis la publication de Tischendorf, on ne peut ignorer que le document de Turin est, avec un palimpseste très fragmentaire de Vienne, la base fondamentale sur laquelle s'est appuyée la critique pour établir que ce qu'on est convenu d'appeler l'Evangile de Nicodème comprend deux documents distincts : 1° les Acta Pilati cités par S. Justin au deuxième siècle et par Tertullien au troisième, etc.; 2° Un autre livre surajouté que Tischendorf appelle seconde partie de l'évangile de Nicodème ou descente du Christ aux enfers. La première partie, la plus antique, s'arrêtait à la fin du chapitre xvi des éditions grecques et latines.

Une autre question se pose maintenant. La première partie est-elle aussi toute de l'auteur primitif? Oui, si l'on se réfère un peu rapidement à l'apologétique de Tertullien qui semble poursuivre son analyse très sommaire du livre à peu près jusqu'à la fin, avec renvois très formels. Non, si l'on compare[5] l'esprit, le style et la composition des Acta, tant qu'ils restent tels, c'est-à-dire jusqu'au témoignage relatif à la résurrection du Christ, avec ceux du roman oriental qui a été surajouté dans les deux derniers chapitres.

Dans le nouveau texte grec du dernier qui a été édité par Tischendorf comme dans le texte copte de Turin, assez parallèle et en cela différent en certaines parties des textes latins, on sent d'ailleurs très nettement une influence gnostique.

Je citerai cette phrase du copte : « Les prêtres et les lévites se dirent mutuellement : « Jusqu'à Soum et celui qu'on nomme Jobel, son nom durera; « si cela (ce qui a été raconté) est, vous saurez que son nom durera jusqu'à « jamais et qu'il laissera pour lui un peuple nouveau », cf. infra.

Les noms de Sun et de Jobel n'appartiennent pas à une tradition biblique, mais à l'ensemble de ces noms et phrases bizarres adoptés par les gnostiques. On ne trouve rien d'analogue dans le reste du Livre, — du moins dans la version, malheureusement très retouchée, de Turin; — mais seulement dans le récit, peut-être grossi après coup, du chapitre de la passion qui nous a été transmis par un manuscrit de la Bibliothèque Nationale. J'avais cru devoir rapprocher d'abord ce fragment de l'évangile de S. Barthélemi, tout en voyant nettement son origine dans les Acta, mais le problème se complique par la comparaison indiquée plus haut qui fait supposer une édition gnostique superposée à l'ancienne.

Ce qui paraît bien certain, c'est que la seconde partie de l'évangile de Nicodème, dont la rédaction est certainement bien postérieure encore à celle des deux derniers chapitres de la première, appartient pleinement par la série des idées au même courant que l'évangile de S. Barthélemi, cité pour la première fois par S. Jérôme, c'est-à-dire postérieurement au papyrus de Turin, et dont nous avons publié une portion.

Pour en revenir à nos deux derniers chapitres des Acta, leur rédaction copte mérite une étude attentive. Elle diffère entièrement, comme tendance, de la version latine publiée par Tischendorf. Celle-ci convertit tous les Juifs à la fin. Dans le copte, au contraire, après l'instruction faite par Anne, Caïphe, les prêtres,[6] etc., on constate en secret la vérité de la résurrection du Christ, mais on résout de cacher la chose, autant que possible, au peuple. On renouvelle la malédiction contre celui qui a été suspendu au bois, en s'appuyant aussi sur ce passage : « les dieux qui n'ont pas créé le ciel et la terre mourront ». Pour éviter la formation prévue d'un peuple nouveau, suivant Jésus, on anathématise celui qui adore une créature de préférence au Créateur. Le peuple dit « Amen », en proclamant que Dieu ne peut se détourner de son peuple d'Israël et qu'il faut en rester à ce qu'a dit Moïse.

Le texte grec de Tischendorf est à peu près dans le même sens.[7]

Nous reviendrons, d'ailleurs, avec plus de détails sur toutes ces questions dans une étude critique spéciale sur les Acta Pilati. Nous en avons dit assez pour le moment et nous nous bornerons à ajouter en finissant que, dans cette publication, nous donnerons d'abord séparément le papyrus de Turin, puis les fragments de la Bibliothèque Nationale qui soulèvent d'ailleurs, nous l'avons dit, un point de vue critique spécial.

Au papyrus de Turin nous donnerons la lettre Cl. Au manuscrit 129/17, fol. 50, la lettre C2. Au manuscrit 129/18, fol. 140, la lettre C 3.

 


 

LES MYSTÈRES DES ACTA D[U SAUVEUR].

 

LES ACTA DU SAUVEUR QUI ONT ETE FAITS SOUS PONCE-PILATE LE PRAESES.

 

 

Préface d'Aenéas.[8] — Moi, Aenéas, le garde du corps (protector), j'étais hébreu d'abord et parmi ceux qui connaissaient la loi. La grâce du Sauveur me saisit ainsi que son don abondant. Je connus le Christ Jésus dans l'Écriture sainte et je pris mon élan vers lui pour croire en lui afin de devenir digne du saint baptême. J'ai tout d'abord cherché les Acta qui ont été faits dans ces temps-là sur Notre-Seigneur Jésus-Christ, (Acta) que les Juifs ont publiés sous Ponce-Pilate et que j'ai trouvés dans des écrits qu'ils ont laissés en hébreu par la volonté de leur Seigneur Jésus-Christ. Moi donc je les ai traduits dans la langue des Grecs sous le règne de nos Seigneurs Théodose, l'an 17 de son consulat, et l'an 5 de Valentinien, en la 9e indiction.

Que quiconque lira ce livre et le transcrira sur un autre livre prie pour moi, moi Aenéas le tout petit, afin que Dieu me fasse miséricorde pour mes péchés que j'ai commis envers lui. La paix soit à ceux qui liront ces choses et à leur maison tout entière à jamais. Amen.

Date de la Passion. — Dans la neuvième année[9] de Tibère (Tebelios) César, l'empereur des Romains, et tandis qu'Hérode était roi de Galilée, au commencement de sa dix-neuvième année, le 25 de Paremhot[10] du Consulat de Ruphus (Rauphos) et de Rubellion, l'an IV de la 202e des (périodes) qu'on nomme olympiades, sous Joseph qui est aussi Caïphe, le grand prêtre des Juifs, toutes les choses qui se passèrent après la crucifixion et celles qui arrivèrent à Notre-Seigneur Jésus-Christ,

I. — Nicodème le prince des Juifs les rechercha, les choses que le grand prêtre et le reste des Juifs firent contre le Sauveur. Nicodème les écrivit toutes, telles qu'on en gardait le souvenir, dans des écrits hébraïques.

Accusation de Jésus devant Pilate. — Ceux dont voici les noms : Anne, Caïphe, Summis, Dothaim, Gamaliel, Judas, Lévi (Libis), Nephtalim, Alexandre et Jaïre (Hiérios), et le reste des Juifs, ceux-ci tous allèrent vers Pilate accusant Notre-Seigneur Jésus-Christ, disant : « Nous connaissons Jésus, fils de Joseph, le charpentier, que Marie a enfanté, et il dit sur lui-même : Je suis Fils de Dieu et je suis roi. De plus il souille les sabbats de la loi de nos Pères et il veut détruire notre loi. »

Les Juifs lui dirent (encore) : « Notre loi ordonne de ne guérir personne le jour du sabbat.[11] Or lui, Jésus, les boiteux, les lépreux, quiconque est malade et est démoniaque et les sourds et les muets, il les guérit pendant le sabbat par Béelzébub (Béelzéboul) le prince des démons. »

Pilate leur dit : « Mais quelles sont donc ses œuvres mauvaises? »

Les Juifs dirent : « C'est par Béelzébub, le prince des démons, qu'il fait cela,[12] et toutes choses lui sont soumises. »

Pilate leur dit : « Jamais un esprit impur ne jette dehors un démon mais on chasse le démon au nom de Dieu. »

Les Juifs dirent à Pilate : « Nous prions ta Grandeur de le faire comparaître à ton tribunal pour que tu l'écoutés publiquement. »

Pilate leur dit : « Dites-moi comment? — Il n'est pas convenable à un praeses de convoquer en justice un roi. »

Ils lui dirent : « Nous ne disons pas que c'est un roi. »

Convocation de Jésus. Incident du Cursor et des Aigles.

Pilate donc appela un cursor. Il lui dit : « Amène-moi à l'intérieur Jésus pacifiquement. »

 [13]Le cursor sortit et lorsqu'il eut reconnu Jésus, il l'adora. Il ôta son vêtement de tête (φαχεόλιον), l'étendit sur ses mains, le plaça à terre sous les pieds de Jésus et lui dit : « Seigneur, marche sur ce lieu et entre, car le praeses t'appelle. » Lorsque les Juifs virent donc ce qu'avait fait ce cursor, ils poussèrent de grands cris vers Pilate en disant : « Pourquoi ne l'as-tu pas fait entrer par l'intermédiaire d'un praeco, mais au contraire l'as-tu honoré d'un cursor? Car lorsque le cursor l'a vu, [il l'a adoré] : il a enlevé son vêtement de tête, il l'a saisi dans ses mains, il l'a étendu, il l'a déposé sur la terre. Il lui a dit (à Jésus) : Marche dessus. »

Pilate donc appela le cursor. Il lui dit : « Pourquoi as-tu agi ainsi? »

Le cursor dit : « Le jour où tu m'as envoyé à Jérusalem près d'Alexandre, je l'ai vu assis sur un trône.[14] Les fils des Hébreux criaient et, tenant des rameaux dans leurs mains, lui rendaient gloire. D'autres étendaient leurs vêtements sous ses pieds, disant : Sauve-nous, ô toi qui es dans les hauteurs!, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.[15] »

Les Juifs regardèrent et crièrent contre le cursor : « Les enfants des Hébreux parlaient en langue hébraïque. Comment as-tu su, toi, ce qu'ils disaient dans la langue des Grecs?»

Le cursor leur dit : « J'ai interrogé un des Juifs à savoir : Qu'est-ce que disent ceux-ci dans cette langue en hébreu? Et celui-là me l'expliqua. »

Pilate leur dit : « Que criaient-ils en hébreu?»

Ils lui répondirent : « Ils disaient Osanna. »

Pilate leur dit : « Quel est l'explication d'Osanna? »

Ils lui dirent : « Osanna, c'est : sauve-nous. »

Pilate leur dit : « Si vous-mêmes vous témoignez pour les mots des étrangers qu'ils ont dits, quel est le péché qu'a commis le cursor? »

Eux, ils se turent.

Le Praeses dit au cursor : « Sors, et de la manière que tu voudras amène Jésus à l'intérieur. »

Et lorsque le cursor fut sorti, il fit encore comme au commencement, et il dit à Jésus : « Mon Seigneur, viens à l'intérieur; le Praeses t'appelle. » Et lorsque Jésus entra, les faces antérieures des signa s'inclinèrent d'elles-mêmes et adorèrent Jésus.

Lorsque les Juifs virent la manière dont les signa avaient agi et comment leurs faces antérieures[16] avaient adoré Jésus, ils poussèrent des cris au sujet des hommes qui les tenaient en disant qu'ils les avaient inclinés.

Le Praeses dit : « Vous n'admirez pas la manière dont les faces antérieures des signa se sont inclinées d'elles-mêmes et ont adoré Jésus et vous poussez des cris en accusant les porteurs en disant que ce sont eux qui les ont inclinées jusqu'à les faire adorer Jésus. »

Les Juifs dirent à Pilate : « Nous savons de quelle manière les signophores ont incliné les signa jusqu'à leur faire adorer Jésus. »

Le Praeses appela les signophores ; il leur dit : « C'est là la manière dont vous avez agi? » Ils dirent à Pilate :

« Nous, nous sommes des Gentils (Hellènes) et les serviteurs des temples.

Comment l'adorerions-nous! En effet, tandis que nous tenions les signa, leurs faces antérieures se sont d'elles-mêmes penchées pour l'adorer. »

Pilate dit aux chefs de la synagogue et aux anciens du peuple : « Vous, choisissez-vous des hommes sortis du peuple, forts et robustes : qu'ils saisissent les signa afin que nous voyions si les faces antérieures s'inclineront d'elles-mêmes afin de l'adorer. »

Les anciens des Juifs prirent douze hommes robustes. Ils firent que six saisirent un des signa et six aussi l'autre des signa devant le tribunal du Praeses.

Pilate dit au cursor : « Conduis Jésus dehors, ensuite ramène-le à l'intérieur de la manière que tu voudras. » Jésus sortit du prétoire avec le cursor. Le Praeses appela ceux qui d'abord avaient tenu les signa et leur dit à savoir : « J'en jure par le salut de César! Si, cette fois, les signa ne s'inclinent pas quand Jésus entrera et s'ils ne l'adorent pas, je prendrai votre tête. »

Et le Praeses ordonna de faire entrer Jésus une seconde fois. Le cursor fit comme la première fois et il pria Jésus de marcher sur son vêtement de tête. Jésus entra.

Quand il entra, les signa s'inclinèrent et adorèrent Jésus.

II. Incident de la femme de Pilate. Jésus est-il un sorcier? Est-il un bâtard?

Lorsque Pilate vit cela, il eut peur et il chercha à se lever de son tribunal.

Tandis qu'il y songeait, sa femme envoya lui dire : « Eloigne-toi de cet homme juste; j'ai beaucoup souffert cette nuit en songe à cause de lui.[17] »

Pilate appela donc tous les Juifs, il leur dit : « Vous savez que ma femme est une personne aimant Dieu et qu'elle incline du côté des Juifs avec vous. »

Ils dirent : « Oui, nous savons. »

Pilate dit : « Voici que ma femme a envoyé vers moi, en disant : « Eloigne-toi de cet homme juste. J'ai beaucoup souffert à cause de lui cette nuit, en rêve. »

Les Juifs répondirent, ils dirent à Pilate : « Est-ce que nous ne t'avons pas dit que c'est un magicien : voici qu'il a envoyé un rêve à ta femme. » Pilate appela donc Jésus et lui dit : « Pourquoi ceux-ci t'accusent-ils sans que tu dises une parole?»

Jésus dit : « Si la puissance ne leur en avait été donnée, ils ne pourraient parler. Chacun est le maître de sa propre bouche pour proférer le bien ou proférer le mal. Ceux-ci savent ce qu'ils font. ».

Les prêtres des Juifs répondirent; ils dirent à Jésus : « Que savons-nous bien? D'abord nous savons que tu as été enfanté dans le libertinage. Secondement, nous savons que ta naissance a eu lieu à Bethléem et qu'à ton occasion on a tué cette grande multitude d'enfants. Troisièmement, nous savons que ton père est Joseph et Marie ta mère. Vous êtes allés en Egypte parce que vous n'aviez pas d'assurance (ou de confiance) devant le peuple. »

Quelques-uns de ceux qui étaient présents et qui étaient des Justes parmi les Juifs dirent : « Nous, nous ne disons pas cela sur lui; car il n'a pas été engendré dans le libertinage, mais nous savons que Joseph a épousé (a reçu la main de) Marie. Ils ne l'ont donc pas engendré dans le libertinage. »

Pilate dit aux Juifs qui avaient prétendu qu'il était sorti du libertinage : « Vous, cette parole est vôtre. Mais elle n'est pas la vérité, ainsi que vos compatriotes le disent maintenant, (en attestant) qu'elle a été épousée par son mari. »

Anne dit : « O Pilate! notre multitude entière crie qu'il vient de l'impudicité et tu ne nous crois pas. Ceux-là sont des prosélytes et ses disciples. » Pilate leur répondit : « Qu'est-ce qu'un prosélyte? » Les Juifs dirent : « C'est celui qui a été enfanté parmi les Grecs et qui est devenu juif dans ces jours. »

 Et ils répondirent, ceux-là qui avaient dit qu'il n'a pas été enfanté dans le libertinage, c'est-à-dire Rezar,[18] Astérios, Antonios, Jacob, Ambiais,[19] et Seras,[20] Samuel, Isaac, Phinées, Pkispos,[21] Agrippas, Amys[22] et Judas; tous ceux-là répondirent d'une seule voix en disant : « Nous ne sommes pas des Grecs, mais nous sommes dés enfants des Juifs et nous disons la vérité. En effet, nous sommes allés, nous aussi, au mariage de Joseph et de Marie. » Pilate appela les hommes qui avaient dit : « Ce n'est point quelqu'un (né) du libertinage » ; il les adjura par le salut de César, en disant : « C'est bien la vérité que vous avez dite, à savoir qu'il n'est pas né du libertinage? »

Les Juifs dirent à Pilate : « Nous avons une loi qui nous interdit de jurer, parce que c'est un péché. Qu'ils jurent, ceux-là, par le salut de César, que ce n'est pas là vérité que nous avons dite, et nous nous soumettons à la mort. ».

Pilate dit à Anne et à Caïphe : « Vous ne dites la vérité en rien et vous ne répondez pas aux paroles que ceux-ci profèrent. »

Ils dirent à Pilate : « Ce sont donc ces douze hommes qui sont dignes de foi, ceux qui disent qu'il n'est pas sorti du libertinage, et nous — toute notre multitude — qui disons qu'il en est sorti, que c'est un magicien et qu'il dit : Je suis un roi,[23] on ne nous croit pas. »

Pilate ordonna de faire s'en aller toute la multitude, excepté ces douze qui avaient rendu témoignage en disant : « Il n'est pas sorti du libertinage. »

Il ordonna de faire écarter Jésus et il leur dit (à ces douze) : « Pour quelle cause veulent-ils le faire mourir? »

Ils répondirent à Pilate : « Ils lui en veulent parce qu'il guérit le jour du sabbat. ».

Pilate dit : « C'est donc pour cette chose bonne qu'ils veulent le faire mourir! »

III. — Pilate s'indigna. Il sortit du prétoire. Il leur dit : « Le soleil m'est témoin que je ne trouve pas un seul motif d'accusation contre cet homme.[24] »

Les Juifs répondirent et dirent au Praeses ; « Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne le livrerions pas.[25] »

Pilate leur dit : « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le suivant votre loi.[26] »

Les Juifs dirent à Pilate : « Il ne nous est pas permis à nous de juger les hommes. » Pilate dit aux Juifs : « Dieu vous a dit : Ne tuez pas. Mais moi... » Pilate entra dans le prétoire. Il appela Jésus à part, il lui dit : « Tu es le roi des Juifs? »

Jésus répondit à Pilate : « Dis-tu cela de toi-même ou si d'autres l'ont dit sur moi?» Pilate dit à Jésus : « Est-ce que je suis Juif? Ta nation et les grands prêtres t'ont livré à moi. »

Jésus répondit : « Mon royaume à moi n'est pas de ce monde ; s'il était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour qu'on ne me livrât pas aux Juifs; maintenant donc mon royaume n'est pas de ce monde. » Pilate dit à Jésus : « Tu es donc roi? »

Jésus répondit à Pilate : « Tu l’as dit : Car j'ai été engendré pour cette chose et je suis venu à cause de cela, afin que quiconque est de la vérité écoute ma voix !»

Pilate dit : « Qu'est la vérité?[27] »

Jésus dit : « La vérité vient du ciel. »

Pilate dit : « Il n'y a pas de vérité sur la terre?»

Jésus dit à Pilate : « Tu vois comment ceux qui possèdent la vérité sont jugés par ceux qui possèdent la puissance sur la terre. ».

IV. — Accusation de blasphème et de lèse-majesté.

Après ces choses, Pilate laissa Jésus à l'intérieur du prétoire. Il sortit avec les Juifs et il leur dit : « Moi je ne trouve aucun motif d'accusation contre lui.[28] »

Les Juifs lui dirent : « Ceci qu'il a dit : J'ai puissance de détruire ce temple et de le faire se relever le troisième jour.[29] »

Pilate leur dit : « Quel temple?»

Les Juifs dirent : « Celui que Salomon a bâti en quarante-six ans, celui-ci a dit : Je le détruirai et je le reconstruirai en trois jours.[30] » Pilate leur dit : « Je suis innocent du sang de cet homme. A vous de voir. »

Les Juifs lui dirent : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants.[31] »

Pilate appela les anciens, les prêtres et les lévites. Il leur dit en secret : « N'agissez pas ainsi; car il n'y a pas d'accusation capitale qui soit vôtre au sujet des guérisons et des violations de la loi. » Les lévites dirent à Pilate : « Quand quelqu'un blasphème contre César, est-il digne de mort ou non?»

Pilate dit : « Il est digne de mort. »

Les juifs dirent à Pilate : « Si celui qui blasphème contre César est digne de mort, celui-ci a blasphémé contre Dieu. »

Le Praeses ordonna aux juifs de sortir du prétoire, et il appela Jésus. Il lui dit : « Qu'as-tu fait? ».

Jésus dit : « Moïse et les prophètes sont les premiers qui ont annoncé ma mort et ma résurrection. » Les Juifs prêtèrent attention. Ils l'écoutèrent proférer ces choses.

Ils dirent à Pilate : « Que désires-tu davantage ou de plus énorme à entendre au sujet de ce blasphème. »

Pilate dit aux Juifs : « Si cette parole est un blasphème, prenez-le vous-mêmes à votre synagogue et jugez-le suivant votre loi.[32] »

Les Juifs dirent à Pilate : « Notre loi dit : Si un homme pèche contre un homme il est digne de recevoir 40 coups moins un.[33] Celui qui blasphème contre Dieu on le lapide. » Pilate dit : « Prenez-le vous-mêmes, et faites-lui ce que vous voudrez. »

Les Juifs dirent à Pilate : « Nous voulons le crucifier.[34] »

Tandis que Pilate parlait avec les Juifs et leur disait : « il n'est pas digne d'être crucifié », il regarda ceux qui se tenaient debout dans la multitude des Juifs et il vit un certain nombre d'hommes qui pleuraient.

Il dit : « Toute la multitude ne veut pas qu'il meure. »

Les anciens dirent à Pilate : « Nous sommes tous venus, ainsi que notre multitude, pour qu'il meure. »

Pilate dit aux juifs : « Pour quelle chose mourra-t-il? »

Les Juifs dirent : « Il a dit lui-même : Je suis le fils de Dieu et je suis roi.[35]

V. Intervention et déposition de Nicodème

Or un des Juifs dont le nom était Nicodème se tint debout devant Pilate. Il dit : « Je te prie, pieux praeses, ordonne-moi de dire quelques mots. »

Pilate dit : « Prononce-les. » Nicodème répondit en disant : « Moi, j'ai dit aux anciens, aux prêtres et aux lévites et aussi à toute la multitude des Juifs et à leur synagogue : Qu'avez-vous avec cet homme? Il a fait des miracles et des prodiges — de grands prodiges que personne n'a faits jusqu'à ce jour et que personne ne pourra faire plus tard. Laissez-le et ne cherchez pas à lui faire une chose méchante. Si ces miracles sont de Dieu, ils subsisteront; s'ils sont des hommes, ils se dissiperont;[36] car Moïse que Dieu a envoyé en Egypte a accompli de grands miracles, Dieu lui avait dit de les faire devant Pharaon. Jannès et Jambrès firent aussi les miracles de Moïse,[37] excepté quelques-uns seulement qu'ils ne purent faire. Et les Egyptiens considéraient Jannès et Jambrès comme des dieux : ensuite les miracles que ceux-ci ont faits et qui n'étaient pas de Dieu périrent, ainsi que ceux qui y croyaient. Maintenant donc qu'avez-vous avec cet homme; car il n'est pas digne de mort. »

Les Juifs dirent à Nicodème : « Toi, tu es devenu son disciple; c'est pourquoi tu parles pour lui. »

[Nicodème dit : « Est-ce que le praeses est devenu son disciple puisqu'il parle pour lui? Est-ce dans ce but] que César l'a établi dans ce rang? »

Les Juifs se mirent très en colère. Ils grincèrent des dents contre Nicodème. Et lorsque Pilate les vit, il leur dit : « Pourquoi grincez-vous des dents? Est-ce parce que vous avez entendu la vérité? » Les Juifs dirent à Nicodème : « Tu recevras la part de Jésus. » Nicodème dit : « Amen. Je recevrai comme vous l'avez dit. »

VI. Second témoignage en faveur de Jésus. Le Paralytique.

— Un autre des Juifs prit son élan vers Pilate, il dit : « Je te prie de me permettre un mot. »

Le Praeses dit : « Ce que tu voudras, prononce-le. »

Lui, il parla en ces termes : « Moi, j'ai passé quarante-six ans[38] couché sur un lit étant dans de grandes douleurs et souffrances : Lorsque Jésus vint, il y avait bon nombre de démoniaques et de gens affectés de diverses maladies et ils furent guéris (mot à mot : ils cessèrent) par lui. Et quelques-uns des jeunes gens eurent pitié de moi. Ils me soulevèrent alors que j'étais sur mon lit et m'emportèrent vers lui. Lorsque le Seigneur me vit, il eut pitié de moi, il me dit : Ami, prends ton lit et va-t'en. Et à l'instant je fus guéri. Je pris mon lit et je marchai. »

Les Juifs dirent à Pilate : « Demande-lui quel jour il l'a guéri. » Pilate dit à celui qui était délivré de sa maladie : « Dis en vérité quel est le jour où il t'a guéri. »

Il dit : « Le jour du sabbat.[39] »

Les Juifs dirent à Pilate : « N'est-ce pas ce que nous t'avons dit : Il guérit pendant le sabbat et il chasse aussi les démons. »

Nouveaux témoignages. — L'aveugle, le bossu, le lépreux.

— Un autre parmi les Juifs dit : « J'étais aveugle de naissance. J'entendais la voix et je ne voyais pas la figure des gens et, lorsque Jésus passa, j'ai crié d'une grande voix : Aie pitié de moi, Fils de David, aie pitié de moi.[40] Il étendit ses mains sur mes yeux, je vis à l'instant.

Un autre prit son élan vers lui, il s'exprima ainsi : « J'étais bossu, il m'a rendu droit par une parole de sa bouche. »

Voici qu'un autre prit son élan. Il dit : « J'étais lépreux et il m'a purifié. »

VII. Dernier témoignage. Celui d'une femme. Protestation des Juifs.

— Une femme dont le nom était Véronique se tint debout au loin. Elle dit : « Je perdais du sang et je touchai son vêtement. La source de mon sang s'arrêta.[41] »

Les Juifs dirent : « Nous avons une loi, qu'une femme ne peut entrer pour rendre témoignage ou proférer une parole. »

VIII. Cris pour acclamer Jésus prophète ou Dieu.

— D'autres très nombreux, soit hommes, soit femmes, crièrent disant : « Cet homme est un prophète ou c'est un Dieu. Les démons même lui obéissent. »

Pilate dit à ceux qui disaient : « les démons même lui obéissent » : « Pourquoi vos docteurs ne lui obéissent-ils pas? »

Ils dirent à Pilate : « Lazare mort, il le ressuscita des morts dans son tombeau.[42] »

Le Praeses eut peur. Il dit à toute la multitude des Juifs : « Pourquoi voulez-vous répandre un sang innocent? »

IX. Pilate offre le choix entre Jésus et Barabbas. Pilate se lave les mains et condamne Jésus.

— Enfin Pilate appela de nouveau Nicodème et les douze hommes qui avaient dit que Jésus n'avait pas été engendré dans l'impudicité. Il leur dit : « Que ferai-je? Il y a sédition dans le peuple. »

Ils lui dirent : « Nous ne savons pas, à eux de voir. ». Il amena encore toute la multitude des Juifs, et leur dit : « Vous savez que c'est une coutume pour vous qu'à chaque fête, on vous renvoie un prisonnier. J'ai un brigand en prison lequel est un meurtrier dont le nom est Barabbas et Jésus celui qui est ici debout. Je ne trouve aucun motif de condamnation en lui : quel est celui que vous voulez que je vous renvoie. » Les Juifs crièrent d'une grande voix : « Barabbas! » Il dit : « Que ferai-je de Jésus qu'on nomme le Christ? » Les Juifs dirent : « Crucifiez-le ![43] »

D'autres, parmi les Juifs, dirent : « Toi, tu es l'ami de César. Or il a dit : Je suis Fils de Dieu et je suis roi. »

Pilate se mit en colère. Il dit aux Juifs : « Votre nation en tout temps s'est révoltée. Et celui qui vous fait du bien, vous luttez contre lui. »

Les Juifs dirent à Pilate : « Qui nous a fait du bien? »

Pilate dit : « A ce que j'ai entendu, Dieu vous a tirés d'un esclavage très dur hors de la terre d'Egypte. La mer est devenue pour vous un chemin comme le sec, et vous avez mangé la manne dans le désert, ainsi que des cailles. Il tira pour vous de l'eau d'un rocher pour vous faire boire. Il vous a donné la loi : et malgré cela vous avez irrité Dieu. Dieu a voulu vous détruire. Moïse a prié pour vous, vous n'êtes pas morts, et maintenant vous proférez le mal contre moi. »

Pilate se leva de son tribunal. Il chercha à s'en aller.

Et les Juifs crièrent. Ils dirent à Pilate : « Nous, le roi, nous le connaissons, ainsi que le César; mais Jésus, nous ne le connaissons pas. En effet, des Mages lui ont apporté des dons de, l'Orient comme roi et lorsque Hérode a su par les Mages qu'un roi était enfanté, il chercha à le faire mourir. Or son père Joseph l'ayant appris se saisit de lui et dé sa mère. Il s'enfuit en Egypte. Quant à Hérode, en vertu de ce qu'il avait appris, il tua les enfants des Hébreux qui étaient nés à Bethléem. »

Pilate ayant entendu ces paroles prononcées par les Juifs eut peur. Il imposa silence à la multitude qui poussait des cris et il leur dit : « C'est celui-ci.que cherchait Hérode? »

Ils dirent : « Oui, c'est celui-là. »

Pilate prit donc de l'eau. Il se lava les mains devant tous en disant :

« Je suis innocent de ce sang juste. A vous de voir (ou d'en connaître). »

Les Juifs crièrent encore : « Son sang est sur nous et sur nos enfants.[44] » Alors Pilate ordonna de tirer le voile du tribunal dans lequel il était assis. Il rendit la sentence de cette façon : « Sentence de Pilate sur Jésus. Ta nation t'accuse comme roi. C'est pourquoi je te condamne. D'abord, j'ordonne qu'on te flagelle à cause des lois des empereurs et ensuite qu'on te crucifie dans le lieu où l'on t'a saisi, avec Démas et Cystas, les deux voleurs qu'on a saisis avec toi. »

X. — Le Crucifiement. — Après ces choses, Jésus sortit du prétoire avec les deux voleurs. Lorsqu'il arriva au lieu désigné, on le dépouilla de ses vêtements et on le ceignit d'un linteum et on mit sur sa tête une couronne d'épines. Semblablement les deux voleurs furent crucifiés : Démas à sa droite et Cestas (sic) à sa gauche.

Jésus dit : « Mon Père, pardonnez-leur. Ils ne savent ce qu'ils font.[45] » Les soldats se divisèrent ses vêtements entre eux et le peuple se tint debout à regarder. Les grands prêtres et les archontes se riaient de lui avec le peuple en disant : « Celui qui a sauvé les autres, qu'il se sauve lui-même, s'il est le Fils de Dieu choisi par lui.[46] »

Les soldats se moquaient aussi et prenaient leur élan vers lui avec du vinaigre et du fiel en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même. »

Après sa condamnation, Pilate avait ordonné d'écrire un titulus de sa cause en lettres grecques, romaines et hébraïques, selon la manière qu'avaient dite les Juifs, à savoir : « C'est lui le roi des Juifs.[47] »

Un de ceux qui parmi les voleurs était crucifié et dont le nom était Cestas lui dit : « Si tu es le Christ, sauve-toi ainsi que (avec) nous. »

L'autre, dont le nom était Démas, lui répondit en lui faisant des reproches avec colère et il lui dit : « Ne crains-tu pas, toi, devant Dieu? Nous avons la même condamnation que lui, mais nous justement, à cause de ce qui nous est dû pour le mal que nous avons fait, mais lui n'a fait aucun mal. » Lorsque Démas eut terminé ses reproches à Cestas, il cria, ledit Démas, et dit : « Souvenez-vous de moi, mon Seigneur, quand vous arriverez dans votre royaume.[48] »

Jésus lui dit : « En vérité je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. »

XI. — La mort du Christ. — C'était le moment de la sixième heure, les ténèbres furent sur la terre entière ce jour-là jusqu'à la neuvième heure, moment où le soleil s'obscurcit, où le voile du temple se fendit du haut en bas en deux.

Et Jésus cria d'une grande voix : « Mon Père, je remets mon âme entre vos mains. »

Lorsqu'il eut proféré ces mots, il rendit son esprit. Quand le décurion vit ce qui s'était passé, il rendit gloire à Dieu et dit : « Vraiment cet homme était un juste. », Et tous ceux qui étaient venus pour voir ce qui arriverait virent ces choses. Ils se frappèrent la poitrine et s'en retournèrent.[49]

Le décurion avertit le Praeses des événements. Lorsque le Praeses ainsi que sa femme apprirent cela ils s'affligèrent beaucoup. Ils ne mangèrent pas ce jour-là à cause de leur grand chagrin.

Enfin Pilate envoya chercher les Juifs. Il leur dit : « Vous avez vu ce qui s'est passé. »

Eux, ils se turent.

Quant à tous ceux qui le connaissaient (Jésus), ils se tinrent au loin et les femmes qui l'avaient suivi de Galilée virent cela.

L'ensevelissement de Jésus par les soins de Joseph d'Arimathie. — Voici qu'un homme dont le nom était Joseph — lequel était un lévite bon et juste qui n'avait pas siégé dans le Sanhédrin ni aux conseils tenus par les Juifs, car il était à Arimathie, attendant le royaume de Dieu — vint trouver Pilate; il lui demanda le corps de Jésus. Et lorsqu'il l'eut reçu, il l'enveloppa d'un linceul bien blanc. Il le déposa dans son tombeau taillé dans lequel personne n'avait été déposé.[50]

XII. Affaires intentées par les Juifs contre Nicodème et Joseph. — Arrestation et délivrance de Joseph. — Lorsque les Juifs entendirent que Joseph avait pris le corps de Jésus,-ils le cherchèrent ainsi que les douze hommes qui avaient dit que Jésus n'avait pas été conçu dans le libertinage, et Nicodème et un certain nombre d'autres, voulant les tuer. Ceux-ci se présentèrent à Pilate. Ils lui révélèrent les miracles de Jésus, et tous ceux-là que les Juifs recherchaient se cachèrent.

Nicodème seul ne se cacha pas, parce qu'il était prince (archonte) des Juifs. Il leur dit : « Gomment êtes-vous entrés à la synagogue? » Ils lui dirent : « Parce que tu participes avec lui, ta part sera avec lui, dans le siècle futur. »

Nicodème dit : « Amen, Amen. »

Semblablement Joseph alla les trouver en disant : « Pourquoi êtes-vous en colère contre moi? (C'est) parce que j'ai demandé le corps de Jésus :

Voici que je l'ai mis dans un tombeau neuf, que je l'ai enveloppé d'un linceul bien blanc, que j'ai roulé une pierre devant la porte de la caverne.

Vous n'avez pas fait une chose convenable pour ce juste, et vous ne vous êtes pas repentis de l'avoir crucifié et de l'avoir percé d'une lance. »

Les Juifs se mirent en colère. Ils se saisirent de Joseph. Ils ordonnèrent de le garder jusqu'au lendemain. Ils lui dirent : « Sache que ce n'est pas le moment de rien te faire, parce que c'est le sabbat demain; mais sache bien que nous ne te laisserons pas être digne de sépulture et que nous donnerons tes chairs aux oiseaux du ciel et aux bêtes sauvages de la terre. »

Joseph leur dit : « Cette parole est une parole d'acharnement. Toutefois je ne crains pas : j'ai Dieu vivant avec moi. Dieu a dit : Confiez-moi le jugement et je vous le rendrai, a dit le Seigneur.[51]

« Vous avez vu que maintenant celui qui est circoncis, non dans ses chairs mais dans son cœur, a pris de l'eau devant le soleil, s'est lave les mains en disant : Je suis pur, moi, du sang de ce juste. Vous l'avez vu et vous avez répondu à Pilate en disant : Son sang est sur nous et sur nos enfants. Et maintenant je crains que la colère de Dieu ne vienne sur vous et vos fils comme vous l'avez dit ».

En entendant cette parole, les Juifs se saisirent de Joseph. Ils le jetèrent dans un lieu ténébreux, sans lumière ni fenêtre. Ils laissèrent des hommes de garde. Ils scellèrent la porte de leur sceau.

Le matin du lendemain, les chefs de la synagogue, les prêtres et les lévites se hâtèrent. Ils se réunirent tous à la synagogue. Ils tinrent conseil pour savoir comment ils le feraient mourir. Lorsque le sanhédrin tint séance (fut assis), ils ordonnèrent de l'amener avec mépris. Mais quand on ouvrit la porte, on ne trouva pas Joseph. Le peuple entier poussa des cris et on s'étonna; car on avait trouvé la porte fermée et scellée de leur sceau et les clefs étaient dans la main de Caïphe. Ils cessèrent donc de mettre la main sur ceux qui avaient bien parlé de Jésus devant Pilate.

XIII. — Le rapport fait par les gardes aux Juifs sur la résurrection du Christ. — Tandis que tout le peuple siégeait encore dans la Synagogue, étant dans la stupéfaction au sujet de Joseph parce qu'ils ne l'avaient pas trouvé, quelques-uns de ceux de la garde vinrent à eux, de ceux (dis-je) que les Juifs avaient demandés à Pilate pour veiller sur le tombeau de Jésus, de peur que ses disciples ne vinssent et ne le prissent subrepticement. Ils avertirent les grands prêtres, les prêtres et les lévites de ce qui s'était passé au sujet du tremblement de terre, qui eut lieu pendant qu'ils veillaient. « Et nous vîmes, poursuivirent-ils, un ange du Seigneur qui descendit du ciel, roula la pierre qui était devant la porte delà caverne, s'assit dessus avec des vêtements blancs comme la neige. Par sa crainte nous devînmes comme des morts et nous entendîmes la voix de l'ange qui parlait avec les femmes restées devant le tombeau de Jésus. Il leur dit : Ne craignez pas, vous. Je sais qui vous cherchez, vous cherchez Jésus qu'on a crucifié. Il est ressuscité comme il l'a dit. Venez, vous verrez le lieu ou était le Seigneur. Allez et dites à ses disciples qu'il est ressuscité des morts et voilà qu'il vous précédera en Galilée, vous le verrez en ce lieu-là. Voici que nous vous avons rapporté ce que nous avons vu.[52] »

Les Juifs dirent : « Qui étaient les femmes avec lesquelles parlait l'ange? » Les gardes dirent : « Nous ne savons qui elles étaient. » Les Juifs dirent : « Quel moment était-ce? » Les gens de garde dirent : « Le milieu de la nuit. » Les Juifs dirent : « Pourquoi ne vous êtes-vous pas saisis de ces femmes? » Les gardes dirent : « Nous étions devenus comme des morts à cause de la crainte. Nous n'avons pas pensé à voir la lumière du jour. Comment nous serions-nous saisis d'elles? » Les Juifs dirent aux gardes : « Nous ne vous croyons pas. »

Les gardes dirent aux Juifs : « Tous ces signes miraculeux, vous les avez vus dans cet homme et vous n'avez pas cru en lui. Et nous, vous nous croiriez? Nous avons entendu aussi une autre chose prodigieuse Celui qui a demandé le corps de Jésus, c'est-à-dire Joseph, vous l'avez renfermé dans un lieu ténébreux, vous avez fermé sur lui la porte. Vous l'avez scellée... et après cela vous avez ouvert la porte et vous ne l'avez pas trouvé. Donnez-nous donc Joseph et nous vous donnerons Jésus. »

Les Juifs dirent : « Donnez-nous Jésus d'abord et ensuite nous vous donnerons Joseph. »

Les gardes dirent : « Donnez-nous Joseph d'abord; ensuite nous vous donnerons Jésus. »

Les Juifs dirent : « Joseph s'en est allé à sa ville. »

Les gardes dirent : « Jésus aussi est allé en Galilée, comme nous avons entendu le dire l'ange qui roulait la pierre devant le sépulcre. Il disait : Il vous précédera en Galilée. »

Lorsque les Juifs ouïrent ces paroles, ils eurent peur qu'elles ne se divulguassent et que tous ne crussent en Jésus. Ils tinrent donc conseil ensemble. Ils donnèrent beaucoup d'argent aux soldats, à savoir : « Dites : Nous dormions la nuit et ses disciples vinrent. Ils le prirent furtivement. Si la chose vient devant le praeses, nous lui ferons croire cela et nous vous ôterons tout souci de cette affaire. » Alors ils reçurent l'argent et ils firent comme on leur avait appris.

Et cette parole se divulgua parmi les Juifs jusqu'à ce jour.[53]

XIV. Témoignage rendu aux Juifs par Phinées et ses compagnons sur la résurrection du Christ.

— L'un des prêtres dont le nom était Phinées, Addas le docteur et Ogias le lévite vinrent à Jérusalem, recherchèrent les chefs de la Synagogue et le peuple des Juifs, en disant : « Nous avons vu

Jésus et ses onze disciples. Il était assis sur la montagne qu'on nomme Mabrêch et disait à ses disciples : Allez dans le monde entier et évangélisez toute créature. Celui qui croira et recevra le baptême sera sauvé. Celui qui ne croira pas sera condamné au jugement.

« Vous, mes disciples, voici les choses qui vous arriveront en mon nom:

« Vous chasserez les démons, vous parlerez de nouvelles autres langues; vous prendrez dans vos mains des serpents venimeux sans qu'ils vous fassent rien. On vous donnera des boissons mortelles pour vous tuer, sans que rien puisse vous nuire. Vous placerez vos mains sur les malades et ils seront guéris. Toutes les choses que vous demanderez en mon nom vous arriveront.[54] — Nous avons entendu Jésus dire ces choses. Après cela il monta au ciel dans une grande gloire indicible. »

Les Juifs, les chefs de la Synagogue, les prêtres et les lévites leur dirent : Rendez gloire au Dieu d'Israël et donnez-lui attestation que ces choses vous les avez vues et entendues. » Ils leur dirent : « Par la vie du Seigneur Dieu, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob, ces choses, nous les avons entendues, et nous l'avons vu (lui) ravi au ciel. »

Les Juifs leur dirent : « Vous êtes donc venus en ce lieu pour nous évangéliser ces choses! Taisez-vous, et si vous êtes venus pour faire une prière à Dieu, alors priez pour demander pardon au sujet de ce bavardage que vous avez fait devant le peuple. »

Le prêtre Phinées, Addas, le scribe, et Ogias, le lévite, dirent : « Si ces paroles au sujet des choses que nous avons entendues et vues sont réputées péché, voici que nous sommes devant vous. Ce qui vous plaira, faites-nous-le. »

Les Juifs prirent la Loi; ils leur firent jurer de ne répéter ces paroles absolument à personne. Ils mangèrent. Ils burent. On les jeta hors de la Synagogue après leur avoir donné de l'argent et trois hommes pour les conduire dehors en Galilée. Ils allèrent en paix.

Les Juifs tinrent conseil ensemble quand ces hommes furent allés en Galilée. Ils s'affligèrent d'une grande affliction, disant : « Qu'est-ce que c'est que cette chose étonnante qui est arrivée en Israël?

Anne et Caïphe dirent : « Pourquoi votre âme est-elle abattue en vous de cette manière? Ils ne sont pas dignes d'être crus; ni les soldats qui ont dit qu'un ange du Seigneur est descendu et a roulé la pierre devant la porte de la grotte. Bien plutôt ce sont ses disciples qui ont donné beaucoup d'argent aux soldats et ont pris le corps de Jésus. Ce sont eux qui leur ont fait la leçon, à savoir : Dites qu'un ange du Seigneur est descendu et qu'il a roulé la pierre qui est devant le tombeau. Est-ce que vous ignorez qu'il ne faut croire en rien quiconque est incirconcis? Certainement ils ont aussi reçu de nous beaucoup d'or et de la façon que nous leur avons dit, ils ont agi. »

XV. — Nicodème et Joseph devant le Sanhédrin. —Après qu'ils eurent proféré ces paroles, Nicodème se leva au milieu du Sanhédrin. Il s'exprima ainsi : « Vous parlez encore bien. Est-ce que vous ne connaissez pas les hommes qui sont descendus en Galilée, comment ils craignent Dieu ; (ce sont) des hommes qui haïssent le marchandage et l'amour d'une part de biens trop grande. Ce sont des pacifiques et ce sont eux qui nous ont dit avec de grands serments, à savoir ces paroles : Nous avons vu Jésus assis sur la montagne de Manbrech avec ses disciples et il leur enseignait les choses que vous avez entendues. Et ils le virent ravi au ciel. [Les Ecritures nous apprennent qu'Elie fut aussi ravi au ciel[55]], Elisée aussi cria et [Élie] jeta son manteau [sur Elisée; et Elisée jeta aussi ce manteau] sur le Jourdain, il le traversa et alla à Jéricho. Les fils des prophètes vinrent au-devant de lui. Ils dirent à Elisée : Où est ton maître Elie? Il dit : Il a été emporté au ciel. De nouveau ils dirent à Elisée : Est-ce que peut-être un esprit ne l'a pas ravi et ne l’a-t-il pas transporté sur une des montagnes? Allons, prenons nos serviteurs avec nous pour le chercher. Ils persuadèrent à Elisée de les accompagner; il alla avec eux. Ils le cherchèrent trois jours sans le trouver. Alors ils surent qu'il avait été ravi.[56]

« Maintenant donc vous aussi écoutez-moi et envoyez vers toute montagne, dans Israël, afin que vous voyiez si par hasard un esprit n'a pas pris Jésus et ne l'a pas jeté sur l'une des montagnes. » Cette parole leur plut à tous. Ils envoyèrent vers toutes les montagnes d'Israël pour chercher Jésus. Ils ne le trouvèrent pas.

Mais ils trouvèrent Joseph à Arimathie. Aucun d'eux n'osa se saisir de lui. Ils envoyèrent avertir les anciens et les prêtres et les lévites en ces termes : « Nous avons parcouru toutes les montagnes d'Israël, nous n'avons pas trouvé Jésus; mais nous avons trouvé Joseph à Arimathie. »

Lorsqu'ils eurent entendu cela au sujet dé Joseph, ils rendirent gloire au Dieu d'Israël et tinrent conseil, les chefs de la Synagogue ainsi que toute la multitude, à savoir : « De quelle manière nous présenterons-nous à Joseph (agirons-nous à son égard)? » Il leur plut d'apporter du papier (une feuille de papier) et d'écrire à Joseph de cette manière : « Paix à toi, et à tous ceux qui sont avec toi. Nous savons que nous avons péché contre Dieu et que nous l'avons fait contre toi. Prie donc Dieu et fatigue-toi à venir près de tes pères et de tes fils, nous sommes tous affligés de ce que nous t'avons fait, car nous avons ouvert la porte et nous ne t'avons pas trouvé. Nous, nous avons su que c'était un dessein mauvais que nous avions accompli. Dieu a dissipé notre dessein que nous avions fait contre toi, ô notre père Joseph vénéré dans tout le peuple. » Ils choisirent dans le peuple entier d'Israël, sept hommes aimant Joseph et que Joseph lui-même aimait.

Les chefs de la synagogue, les prêtres et les lévites leur dirent : « Faites attention à cette parole. Quand Joseph recevra la lettre de vos mains pour la lire, sachez s'il viendra à nous.

« S'il reçoit la lettre sans la lire et s'il s'afflige beaucoup quand cela arrivera, embrassez-le et revenez vers nous. » Ils les reconduisirent dehors

Les hommes qui venaient de leur part allèrent à Arimathie près de Joseph. Ils le virent. Ils l'adorèrent et lui dirent : « La paix soit à toi. » Il leur dit lui aussi : « La paix soit à vous et à tout le peuple d'Israël. »

Ils lui donnèrent la lettre. Il la serra contre lui et bénit Dieu. Il dit : « Béni soit le Seigneur qui a sauvé Israël et ne lui a pas permis de verser un sang innocent. Béni soit le Seigneur qui a envoyé son ange. Il m'a mis à l'abri sous ses ailes. » Il les embrassa, les baisa. Il mit pour eux la table. Ils mangèrent, ils burent et ils dormirent chez lui.

A la première heure du lendemain, Joseph harnacha son ânesse. Il alla avec les hommes. Ils arrivèrent à la ville sainte de Jérusalem et tout Israël vint au-devant de Joseph, poussant des cris et disant : « Paix à ton entrée! »

Joseph dit au peuple entier : « Paix à vous! » Et le peuple entier embrassa Joseph, s'étonnant de le voir. Nicodème l'accueillit chez lui. Il le reçut dans sa maison. Il fit un grand banquet pour lui. Il ordonna d'amener de cette manière Anne et Caïphe et les anciens pour qu'ils vinssent dans sa maison. Et ils vinrent. Ils se réjouirent. Ils mangèrent; ils burent avec Joseph. Ensuite chacun s'en retourna à sa maison. Joseph resta dans la maison de Nicodème.

Le lendemain, les grands prêtres, les prêtres et les lévites se hâtèrent d'aller à la maison de Nicodème. Celui-ci vint au-devant d'eux. Il leur dit : « Paix à vous. »

Ils lui dirent : « Paix à toi, à Joseph, à toute ta maison  et à celle de Joseph. » Ils allèrent dans sa maison. Le sanhédrin tout entier s'assit. Joseph s'assit au milieu.

Joseph s'assit au milieu[57] d'Anne et de Caïphe. Personne n'osa lui dire une parole.

Joseph leur dit : « Quelle est l'affaire au sujet de laquelle vous avez envoyé vers moi? » Ils firent signe à Nicodème de parler avec Joseph.

Nicodème parla avec Joseph, il dit : « Notre père Joseph vénéré dans le peuple entier, tu sais que les plus vénérables parmi les scribes, les prêtres et les lévites cherchent à entendre une parole de toi. »

Joseph dit : « Interrogez sur ce que vous désirez. » Anne et Caïphe prirent la Loi. Ils firent jurer Joseph en lui disant : « Rends gloire au Dieu d'Israël et fais-lui la confession de la vérité. » En effet on a adjuré Achar[58] lui-même et il n'a pas juré des mensonges, mais il a dit la vérité sans cacher une seule parole. Toi aussi, ne nous cache rien jusqu'à un seul mot. »

Joseph dit : « Je ne vous cache rien. » Ils lui dirent : « Nous avons été très affligés, parce que tu as demandé le corps de Jésus; tu l'as enveloppé d'un suaire bien blanc; on l'a déposé dans ton tombeau neuf et à cause de cela nous avons veillé sur toi, dans une maison qui n'avait pas de fenêtre, nous avons mis sur la porte, une clef ainsi que des sceaux, ainsi que des gardiens pour veiller sur la maison dans laquelle tu étais renfermé. Le lendemain nous avons ouvert la porte et nous ne t'avons pas vu. Nous nous sommes affligés beaucoup, et une stupeur est tombée sur tout le peuple du Seigneur jusqu'à maintenant. Maintenant donc explique-nous ce qui est arrivé. »

Joseph dit : « Le sixième jour (ἕκτη) à la dixième heure vous m'avez emprisonné. J'ai encore passé tout le sabbat renfermé.

« Au milieu de la nuit j'étais debout à prier; la maison dans laquelle vous m'aviez renfermé fut suspendue en l'air par les quatre coins, et je vis une lumière comme un éclair dans mes yeux. A cet instant je fus saisi de crainte. Je tombai sur la terre. Quelqu'un me donna la main au lieu où j'étais tombé et de l'eau tomba sur ma tête et descendit en bas jusqu'à mes pieds, une bonne odeur vint jusqu'à mes narines. Celui qui m'avait sorti de là, essuya ma face, m'embrassa et me dit : Joseph, ne crains point, ouvre tes yeux et sache qui te parle. Je levai les yeux, je regardai, et je vis Jésus : j'eus peur, je pensai que c'était un fantôme et je récitai les commandements. Et lui aussi, il les récita avec moi. Vous n'ignorez pas que quand un fantôme vient tromper quelqu'un, il le poursuit, il s'en va et le quitte à cause des commandements.

« Quand je vis donc qu'il les récitait avec moi, je dis : Rabbi Elie.

Il me dit : Je ne suis pas Elie. Je lui dis : Qui donc es-tu, Seigneur?

Il me dit : Je suis Jésus dont tu as reçu le corps de la main de Pilate, tu l'as enveloppé d'un linceul bien blanc, tu as mis un suaire sur ma face, tu m'as placé dans la caverne neuve, tu as roulé une grande pierre devant la porte de la caverne, tu l'as fermée.

« Et je dis à celui qui parlait avec moi : Montre-moi le lieu où je t'ai placé. Et il me prit, il me montra le linceul et le suaire que j'avais attaché sur sa face et je sus que c'était Jésus. Il me saisit. Il me conduisit dehors dans ma maison, les portes closes. Il me fit déposer sur mon lieu de repos.

Il me dit : Paix à toi. Il m'embrassa. Il me dit : Ne sors pas de ta maison pendant quarante jours, voici que j'irai vers mes frères en Galilée. »

XVI. — Enquête des Juifs. — Les chefs de la synagogue et les prêtres et les lévites, lorsqu'ils entendirent ces paroles, furent comme des momies, ils tombèrent sur la terre et ils jeûnèrent jusqu'à la neuvième heure.

Nicodème et Joseph dirent de douces paroles à Anne et à Caïphe, aux prêtres et aux lévites, en ajoutant : « Tenez-vous debout sur vos pieds et mangez du pain. Fortifiez votre cœur, car c'est le sabbat du Seigneur demain. » Ils se levèrent. Ils prièrent Dieu. Ils mangèrent. Ils burent. Chacun s'en alla dans sa maison.

Le lendemain, jour de sabbat, siégèrent les scribes, les prêtres et les lévites, disant : « Quelle est cette colère qui nous a atteints? Cependant son père et sa mère, nous les connaissons. ».

Le scribe Lévi dit : « Je connais ses parents qui craignaient Dieu, n'abandonnaient pas les prières, donnaient les dîmes trois fois par an. Lorsqu'ils eurent engendré Jésus, ses parents l'apportèrent en ce lieu et ils donnèrent leurs sacrifices et leurs holocaustes à Dieu. Et le grand docteur Siméon le prit dans ses bras et il dit : Renvoie en paix ton serviteur, ô Seigneur, parce que mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé devant la face de tous les peuples pour illuminer les yeux des nations et être la gloire de ton peuple Israël. Et Siméon les bénit. Il dit à sa mère Mariham : Je prédis au sujet de ce petit qu'il sera grand et qu'il sera placé pour la chute et la résurrection de beaucoup en Israël, et toi-même, ton âme, il y a un glaive qui viendra (sic) à elle afin qu'apparaissent des pensées de cœur très nombreuses.[59] »

Anne et Caïphe dirent : « Ces choses, comment les as-tu entendues? »

Lévi, le scribe (ou le docteur), dit : « Vous ne savez pas que j'ai été enseigné dans la loi par Siméon? »

Ils lui dirent : « Nous sommes le sanhédrin de tes pères, nous voulons savoir nous aussi. » Il envoya chercher son père.

Lorsque son père fut venu, il leur dit : « Pourquoi ne croyez-vous pas mon fils Lévi? C'est le bienheureux et juste Siméon qui l’a instruit dans la loi. »

Le sanhédrin dit : « Vérité est ta parole que tu as dite. » Ils tinrent conseil ensemble, les chefs de la synagogue, les prêtres et les lévites.

Ils dirent : « Envoyons en Galilée chercher les trois hommes qui sont venus une autre fois et qui nous ont entretenus au sujet de l'enseignement de Jésus et de la manière dont il avait été enlevé au ciel, afin qu'ils nous disent comment ils l'ont vu emporté dans les cieux. » Cette parole leur plut tous. Ils envoyèrent pour amener ces trois hommes de Galilée,

« Et au temps de leur venue, dirent-ils, — qu'ils disent — : C'est toi Aldas le Rabbi et c'est vous Phinées et Ogias. La paix soit avec vous et à tous ceux qui sont avec vous. Une grande recherche a eu lieu dans le sanhédrin, ils ont envoyé des hommes vers vous afin que vous veniez au lieu saint d'Israël. » Les hommes allèrent en Galilée. Ils trouvèrent ceux-ci assis lisant dans la loi. Ils les embrassèrent en paix.

Ils dirent à ceux qui étaient venus vers eux : « La paix soit au peuple d'Israël. Vous êtes venus en ce lieu ; pourquoi? » Ceux qui avaient été envoyés répondirent : « Le sanhédrin vous appelle à la ville sainte de Jérusalem. » Lorsque ces hommes entendirent qu'on cherchait après eux dans le sanhédrin, ils se mirent à table avec les hommes qui étaient venus les chercher, ils mangèrent, ils burent, ils se levèrent, ils marchèrent avec eux vers Jérusalem en paix.

Le sanhédrin siégeait le lendemain dans la synagogue. Ils interrogèrent ceux qui étaient venus en disant : « En vérité, avez-vous vu Jésus sur la montagne de Mabrech, enseignant ses onze disciples, et l'avez-vous vu aussi emporté au ciel? » Anne dit : « Prenez-les, séparez-les les uns des autres, pour que vous voyiez si leur parole concordera. » Ils les séparèrent; ils les placèrent chacun séparément.

Ils appelèrent Aidas d'abord et lui demandèrent : « Dis-nous comment tu l'as vu, alors qu'il était ravi au ciel? »

Aldas parla en ces termes : « Il était encore assis sur la montagne de Mabrech, enseignant ses disciples ; nous vîmes une nuée lumineuse qui l'ombrageait ainsi que ses disciples. Quand Jésus se leva, le nuage l'emporta au ciel ses disciples étaient étendus à terre sur leurs faces et priaient. »

Ils appelèrent encore Phinées le prêtre. Ils l'interrogèrent en ces termes : « Gomment l'as-tu vu, alors qu'il était ravi au ciel?»

Et lui aussi, ce fut cette parole qu'il dit.

Lorsqu'ils interrogèrent Ogias de cette façon, ce fut encore cette même parole qu'il leur dit. Les membres du Sanhédrin se dirent les uns aux autres : « La loi de Moïse porte que par la bouche de deux ou trois témoins toute chose sera établie.[60] »

L'un des scribes (ou docteurs) prit la parole et dit : « Il est écrit qu'Enoch a été transporté et qu'on ne le trouva pas parce qu'il avait été transporté. »

Hiérios lui-même, le scribe (ou docteur), dit : « La mort (de Moïse nous l'avons entendue et nous ne l'avons pas vue ; car il est écrit dans la loi du Seigneur) : Moïse est mort devant le Seigneur et personne n'a connu son tombeau jusqu’à ce jour. »

Lévi, le rabbi, lui aussi s'exprima: « Quand Siméon vit Jésus, il dit : « Voici que celui-ci est placé pour la chute et la résurrection d'une multitude dans Israël.[61] »

Un autre, nommé Isaac, dit: « Il est écrit dans la loi : Voici que j'enverrai un ange devant toi afin qu'il veille sur toi dans tous tes chemins, car mon nom est sur toi.[62] »

Anne lui aussi et Caïphe prirent la parole en ces termes : « Vous avez rappelé d'une façon exacte les choses écrites dans la loi, à savoir : Personne n'a vu la mort d'Enoch et aucun homme n'a rapporté la mort d'Elie.

« Mais Jésus, nous l'avons vu parlant avec Pilate, nous l'avons vu tandis qu'on le souffletait sur la face, tandis qu'on jetait du crachat sur sa figure, tandis qu'on plaçait sur sa tête une couronne d'épines et qu'on le flagellait.

« Et Pilate a commandé qu'on le crucifiât au lieu du Crâne.

 « Démas et Cestas, les deux, furent suspendus avec lui et on l'abreuva de vinaigre et de fiel, son côté fut transpercé d'une lance par le soldat Longin et notre père vénéré Joseph demanda son corps et il est ressuscité des morts comme il l'a dit et aussi comme l'ont dit les trois docteurs, à savoir : Nous l'avons vu tandis qu'il était ravi au ciel.

« Et de plus le rabbi Lévi a fait témoignage sur Siméon des choses qu'il a dites, à savoir : Celui-ci est placé pour la chute et la résurrection d'une multitude dans Israël et comme un signe contre lequel on luttera.[63] »

Les docteurs dirent, au milieu du peuple du Seigneur tout entier : « Si celui-ci devait être comme une chose étonnante devant nos yeux,[64] sachez donc, ô maison de Jacob, qu'il est écrit : Maudit soit quiconque est suspendu au bois.[65]

« Et l'Ecriture nous enseigne aussi : Les dieux qui n'ont pas créé le ciel et la terre mourront.[66] »

Les prêtres et les lévites se dirent. mutuellement : « Jusqu'à Soum et celui qu'on nomme Iobel, son souvenir durera;[67] si cela est, vous saurez que son nom durera jusqu'à jamais et qu'il laissera pour lui un peuple nouveau. »

Et les chefs de la Synagogue, les prêtres et les lévites annoncèrent au peuple d'Israël en disant : « Maudit soit l'homme qui adore l'œuvre de la main des hommes et maudit soit celui qui adore une créature de préférence au Créateur. » Et le peuple entier répondit : « Amen, amen, amen.[68] » Le peuple entier chanta des hymnes au Seigneur en disant : « Béni soit le Seigneur qui a donné paix au peuple d'Israël selon toutes les paroles qu'il a dites. Ne tombera pas une seule parole de sa bonté ainsi que toutes les paroles qu'il a dites par l'intermédiaire de Moïse son serviteur ainsi que toutes celles que le Seigneur a dites et de la façon dont il les a dites à nos pères.

« Ne nous abandonnez pas, Seigneur, ne nous laissez pas nous éloigner de vous, mais faites que nous humilions notre cœur devant vous, que nous marchions dans vos voies, que nous veillions sur vos commandements ; ne nous faites pas honte, « Seigneur, gardez-nous pour vous. Vos jugements sont toujours devant nous ainsi que vos vérités au sujet desquelles vous nous avez fait obligation ainsi qu'à nos pères. Le Seigneur s'est établi roi sur toute la terre, et dans ce jour le Seigneur qui s'est tenu debout est unique. « Son nom est : Le Seigneur notre roi; et c'est lui qui nous sauvera. Il n'y a personne qui te ressemble, ô Seigneur, tu es grand, toi! et grand est ton nom.

« Guéris-nous, Seigneur, et sauve-nous, car nous sommes ta part, nous sommes ton héritage. Le Seigneur n'abandonnera pas son peuple à cause de son nom grand. Le Seigneur a commencé de faire de nous un peuple pour lui. »

Lorsqu'ils eurent fait cet hymne, chacun s'en retourna à sa maison en paix. Amen.

FRAGMENT I (Bibliothèque Nationale, ms. 12917, fol. 140).

……………….. car il y a sédition.

Ils dirent : « Nous savons que c'est un juste, cet homme à eux de voir. »Pilate appela la multitude entière des Juifs. Il leur dit : « Vous avez une loi pour que je vous renvoie quelqu'un à chaque fête ; vous avez ici un homme lié qui est un meurtrier, on l'appelle de son nom Barabbas, et Jésus qui est debout devant vous et dans lequel je ne trouve aucun motif de mort. Qui des deux voulez-vous que je vous livre? »

Ils crièrent : « Laissez-nous Barabbas. »

Il leur dit encore : « Que ferai-je donc de Jésus qu'on nomme le Christ? » Ils lui dirent : « Crucifiez-le. »

D'autres parmi les Juifs disaient : « Si tu laisses aller celui-là, tu n'es pas l'ami du roi, car il a dit : Je suis Fils de Dieu, et : Je suis roi. Peut-être veux-tu que celui-là soit roi sur nous plutôt que le roi César. »

Pilate se mit en colère. Il dit aux Juifs : « En vérité votre peuple est en sédition en tout temps et vous vous opposez à ceux qui vous font du bien. »

Les Juifs dirent : « Quels sont nos bienfaiteurs? »

Il leur dit : « Votre Dieu vous a tirés d'un esclavage très dur, hors de la terre d'Egypte. Il a été votre guide dans la mer comme sur le sec. Il vous a nourris de manne dans le désert et il vous a amené des cailles, Il vous a abreuvés d'une eau tirée du rocher et il vous a donné une loi. Et malgré tout cela, vous avez irrité votre Dieu. Vous avez fait un veau dans le désert et vous l'avez adoré. Et il a cherché à vous faire périr jusqu'à ce que Moïse eût fait pénitence pour vous afin que vous ne mouriez pas. Et maintenant aussi vous dites sur moi : Tu hais le roi César. »

A cet instant Pilate se leva du tribunal. Il chercha à s'en aller. Ils crièrent......................................

 

FRAGMENT II (Bibliothèque Nationale, ms. 12918, fol. 140).

Les soldats se partagèrent entre eux ses vêtements et le peuple entier était debout à le regarder. Les grands prêtres et les princes se riaient de lui en disant : « Il en a sauvé d'autres ; est-ce qu'il n'a pas la force de se sauver lui-même, s'il est le Fils élu de Dieu? »

Et les soldats se moquaient; s'étant approchés de lui avec du vinaigre, ils disaient : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi. » Pilate ordonna, après la condamnation, d'en écrire la cause sur un écriteau rédigé en hébreu, en latin et en grec, selon la manière dont avaient parlé les Juifs.

Un des voleurs qui étaient (crucifiés) avec lui, dont le nom était Cestas, lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi avec nous aussi. »

L'autre dont le nom était Démas lui répondit; il lui fit des reproches en disant : « Est-ce que toi tu ne crains pas Dieu? Nous sommes dans une même condamnation avec lui, mais nous justement nous recevons ce que nous mentons pour ce que nous avons lait; lui, au contraire, n a rien lait de déplacé et qui soit digne de mort, et cependant on l'a amené en ce lieu. »

Démas se retourna et dit à Jésus : « Mon Seigneur, souvenez-vous de moi quand vous viendrez en votre royaume saint et vénérable. »

Jésus lui dit : « En vérité, je te le dis, tu seras avec moi aujourd'hui dans mon paradis. »'

On était à la sixième heure, une obscurité se fit sur la terre entière jusqu'à la neuvième heure. Le soleil s'était obscurci : le voile du temple se fendit du haut en bas et se coupa en deux. Jésus cria d'une grande voix : « Mon Père, Abi, Adach, Ephkidrou, Adonaï, Aroa, Sabel, Louel, Eloëi, Elemas, Abakdanei, Orio'th, Mioth, Ouaath, Soan, Perineth, Jothat. »

C'est la prière du Sauveur sur la croix, à cause d'Adam.

Au moment où le Sauveur dit ces choses, l'air changea, le lieu s'obscurcit, l'abîme se fendit, le firmament se troubla.

 

 


 

SUPPLÉMENT A L'ÉVANGILE DES XII APÔTRES

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Dans un travail qui a été publié en 1905, par le Journal Asiatique, nous avons dit que l'Évangile des douze Apôtres paraissait avoir renfermé un proto-évangile et un évangile, comme le livre de Jacques. Si la chose, incontestable à notre avis pour le livre de Jacques, peut à quelques-uns sembler douteuse pour l'Evangile des douze Apôtres, il est du moins très probable qu'un des morceaux que nous avons cités dans ce travail et qui concerne le temps de la vie publique du Christ doit être rattaché à cet évangile, car il s'en rapproche visiblement par le style et le ton général.

Il se trouve aux feuillets 10, 9 et 11 du manuscrit 129/17 de la Bibliothèque Nationale de Paris. Nous lui donnons donc la lettre A 25, mais en classant les deux pages du feuillet 10 immédiatement avant notre premier fragment, Patr. Or., t. II, p. 131. Le texte se réfère, en effet, à la période décrite par S. Luc dans le chapitre iii, par S. Matthieu dans le chapitre iii, par S. Marc dans le chapitre i, et ce qu'il dit du voyage apocryphe de Tibère César en Palestine et de la visite que lui fit Hérode prépare admirablement, ou plutôt précède immédiatement, tout ce qui, dans le premier fragment, est relatif à l'accusation faite devant Tibère par Hérode, tétrarque de Galilée, contre son frère Philippe.[69]

Viennent ensuite les deux fragments des feuillets 9 et 11 auxquels nous avons donné le n° I bis parce qu'il est à placer Patr. Or., t. II, p. 132, à la suite du fragment I; ils se réfèrent : 1° au martyre de S. Jean-Baptiste; 2° à l'éloge qui en est fait par le Christ.

Ainsi que nous l'avons dit déjà, ces trois morceaux ont été tous, d'ailleurs, copiés dans une sorte de lectionnaire pour les fêtes des saints ; car après la dernière page se trouve un autre morceau sur le martyre de Zacharie, père de Jean-Baptiste. C'est sans doute pour la fête de la Décollation de S. Jean-Baptiste qu'avaient été réunis ces fragments.[70]

Il y a aussi deux autres fragments grecs importants qui ont été découverts par les Anglais à Oxyrynque, publiés par MM. Grenfell et Hunt, et qui pourraient peut-être être attribués à l'Évangile des douze Apôtres. L'un est relatif à l'une des visites du Christ au temple de Jérusalem. M. Charles Taylor l'a repris et commenté. Depuis, M. Reinach en a parlé dans une communication faite à l'Académie des Inscriptions, le 18 mai 1906. L'autre, parallèle à S. Matthieu, chapitre vi, 25 à 28, a été publié par notre ami Wessely p. 179 du tome IV de cette Patrologie Orientale sous ce titre : Anciens monuments du Christianisme écrits sur papyrus. Il l'a étudié en même temps que les λόγια 'Ιησοῦς desquels il le rapproche. Le premier de ces fragments, surtout, offre avec le genre de l'Evangile des douze Apôtres une frappante analogie et on pourrait l'intercaler à sa place parmi nos fragments. Nous avons hésité pourtant à le faire. Quant au second, nous l'écartons absolument.

 

 

 


 

FRAGMENT Ia (Bibliothèque Nationale, ms. 12917, fol. 10).

(Ceci se passait l’an 15 de) l'hégémonie de Tibère César.

Jean était le premier dans le voyage charnel de la vie où il précéda le Christ de six mois.

Ce Jean, quand il fut sevré par ses parents, se retira dans la solitude, menant une vie angélique, se retenant de..........................

[Il grandissait en] grâce devant Dieu et devant les hommes.

Lorsqu'il eut douze ans, il commença à répondre aux scribes qu'ils trompaient le peuple.

Après ce temps, lorsque Tibère César passa [en Palestine], Hérode le Tétrarque alla le trouver alors que Pilate était le préfet de Judée...

Lorsque [prêchait] Jean, le Christ vint à lui de Nazareth pour recevoir le baptême de lui.

Lui, Jean, rendit témoignage sur lui, en disant : « C'est le Fils de Dieu approuvé par lui. »

Ainsi, Jean était un envoyé (μιτάτωρ) (et un précurseur du Fils de Dieu).

Il marchait dans toute la Judée en disant : « Faites pénitence, le royaume de Dieu approche. »

Lorsque la multitude vit les prodiges qu'il faisait, elle pensait : « C'est le Christ. »

Mais lui répondait : « Je ne le suis pas. » Les multitudes.....

FRAGMENT Ibis.

……………………. étaient là Hérodiade elle-même et sa fille (Salomé).

Lorsqu’eut lieu un grand jour de fête, ils se réjouirent tous. Elle (Hérodiade) appela le prytane. Elle lui promit une once d'argent. Il prit sa fille à là salle des banquets pour qu'elle y fît ses débuts. Elle se disait : « Elle séduira le roi en sorte qu'il tuera Jean. »

Or sa fille possédait tous les moyens de séduction.

Lorsque le roi la vit toute prête à commencer, il fut pris d'un violent désir d'elle et il ordonna aux serviteurs de l'amener au milieu du triclinion, en face de la table où l'on buvait. Il était deux heures de la nuit, c'est-à-dire au matin du second jour d'Eloul, répondant au mois de Thot, selon l'interprétation des gens d'Egypte.[71]

La jeune fille prit dans ses mains une rose (coloquinte) délicate et une fleur de lys rouge répandant une bonne odeur.

Elle portait un vêtement de grand prix. Elle était revêtue d'une fine tunique de danse semée de fleurs pendant qu'un caleçon de pourpre était autour de ses hanches (μηρός).

Elle prit son élan avec les tous artifices de séduction et elle chanta d'harmonieuses hymnes. Le roi était de plus en plus épris d'elle en la voyant danser et sauter de mille manières frivoles. Ceux qui étaient couchés avec lui le suppliaient de lui donner [une récompense] de reine.[72]

Le roi lui dit : « Demande-moi ce que tu voudras, jusqu'à la moitié de mon royaume. Par la puissance des Romains, ainsi que par la souveraine autorité de mon royaume! tout ce que tu me demanderas sera à toi. »

Sa mère lui avait prescrit de demander la tête de Jean-Baptiste sur un plat.

Le roi lui dit : « Indique-moi donc ta demande en récompense de ta danse.[73] »

Elle, elle dit : « Donne-moi maintenant, ici vite, la tête de Jean-Baptiste sur un plat. »

Le roi s'affligea beaucoup lorsqu'il entendit cette parole. Il craignait la multitude, lorsque Jean...............

« Il n'y a personne qui soit plus grand que Jean-Baptiste parmi les générations des hommes et voilà qu'on a pris sa tête dans Jérusalem. O Jérusalem ! Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui ont été envoyés vers toi ! un jour arrivera où aucune pierre ne sera laissée en toi sur une autre.

« Celui qui est plus grand que tous. Il faut, en effet, qu'on crucifie Dieu en toi, Jérusalem! »

Lorsqu'il eut dit ces choses, il renvoya la multitude. Les disciples de Jean se retirèrent dans les montagnes jusqu'au jour de la résurrection de Jésus-Christ.


 

 

[1] Voyez la description de ce manuscrit dans G. Horner, The coptic version of the New Testament in the northern dialect, Oxford, 1898, p. xcvi, et un spécimen dans H. Hyvernat, Album de Paléographie copte, Rome, 1888, Planche I.

[2] Dans les Acta Pilati la παραγράφη, se met en face soit de la ligne où est la coupe quand celle-ci est en tête, soit, dans le cas contraire, de la ligne qui la suit. Si nous coupons le texte nous la plaçons donc toujours à la place qu'elle occupe, c'est-à-dire vis-à-vis le mot devant lequel elle se trouve dans le manuscrit, mais lorsque nous éditons en scriptio continua nous la mettons en tête du paragraphe.

Au moment où ce fascicule allait paraître, une mort inopinée frappait notre cher maître, M. Revillout, le 16 janvier 1913 : nous tenons à lui rendre ici un dernier et bien sincère hommage.

R. Graffin.

[3] Tischendorf donne déjà la traduction ou la collation d'une partie du papyrus dans sa première édition qui est de 1853 (Leipzig); cf. p. lxxii, 312 et suiv. On vient de publier une nouvelle version syriaque. Cf. I. E. Rahmàni, Hypomnemata Domine nostri seu Acta Pilati, in seminario Scharfensi in monte Libano, 1908. Deux recensions de la version arménienne (vie siècle?) ont été traduites par M. F. C. Conybeare dans Studia bibl. et eccl., Oxford, 1896, t. IV, p. 59-132. Plusieurs chapitres d'un ms. grec de l'Athos ont été édités par Kirsopp Lake, Ibid., Oxford, 1900, t. V, p. 152-163. La version géorgienne a été éditée par A. Xaxanoff, Evangelie Nicodema, sans indication de lieu ni de date (Moscou?), folio, 20 pages.

[4] Trascrizione di un codice copto del Museo egizio di Torino, dans les Memorie della reale Accademia delle scienze di Torino, 2e série, t. XXXV, p. 163 et suiv. Ce papyrus est actuellement coté au musée des Antiquités de Turin Pap. II. Vang. di Nicodemo.

[5] C'est ce qu'a très bien noté Tischendorf, loc. cit., p. lxii : « Is (Tertullianus, Apolog. 21) scribit Iesum ex invidia magistrorum Iudaeorum Pilato traditum, ab hoc violentia suffragiorum victo cruci esse deditum; de cruce pendentem spiritum cum verbo sponte emisisse, praevento carnificis officio ; eodem momento mediam diem solis deliquio subductam; sepulcro, ne, quia se resurrecturum praedixisset, amolirentur discipuli cadaver, custodiam militarem additam, sed die tertia concussa repente terra et mole revoluta quae obstruxerat sepulcrum pavore disjectam ; in sepulcro nihil repertum praeter exuvias ; a primoribus corpus surreptum a discipulis falso jactitatum ; ipsum vero Iesum cum discipulis apud Galilaeam Iudaeae regionem ad quadraginta dies egisse, docentem eos quae docerent; dehinc ordinatis eis ad officium praedicandi per orbem, circumfusa nube in coelum esse ereptum. Quibus expositis ita pergit : Ea omnia super Christo Pilatus, et ipse jam pro sua conscientia Christianus, Caesari tunc Tiberio nuntiavit. »

[6] Mahomet a recueilli cette tradition et fait presque des saints de ces meurtriers du Christ.

[7] Le roman contenu dans les deux derniers chapitres et relatif aux politesses que se firent Anne, Caïphe, Nicodème, Joseph d'Arimathie, etc., et aux nombreux banquets des deux partis, amène, du reste, tout naturellement à cette conclusion bien juive qu'ont repoussée les auteurs de la version latine, etc.

[8] Nous ajoutons des titres, dans la traduction, pour guider le lecteur.

[9] Les mss. grecs portent 15e ou 18e. Quelques mss. latins portent 19e.

[10] Grec et latin : « 8 avant les calendes d'avril, qui est le 25 mars ».

[11] Cf. Matth., xii, 10.

[12] Matth., xii, 24.

[13] Le syriaque est tronqué au commencement et débute ici.

[14] Grec et latin : « sur un âne », cf. Matth., xxi, 7.

[15] Matth., xxi, 9.

[16] Αἱ προτομαί. Les dictionnaires traduisent ce mot par les bustes, ou les hures, ou les mufles (suivant ce que représentaient les signa qui étaient les enseignes des centuries).

[17] Matth., xxvii, 18.

[18] Grec, syriaque et latin : « Lazare ».

[19]μνής et Ἀννας; syriaque : Hamsai.

[20] Ζηρᾶς.

[21] Κρίστος.

[22]μεσέ (mis pour Ἀμνής dans quelques mss. grecs. Le copte a regardé Ἀμνής et Ἀμεσσέ comme deux noms différents, bien qu'il dise aussi, à la page suivante, qu'il faut seulement douze noms).

[23] Cf. Matth., xxvii, 11.

[24] Luc, xxiii, 22.

[25] Jean, xviii, 30.

[26] Jean, xviii, 31.

[27] Cf. Jean, xxiii, 34-37.

[28] Cf. Luc, xxiii, 22.

[29] Matth., .xxvi, 61.

[30] Cf. Jean, ii, 19-20.

[31] Matth., xxvii, 24-25.

[32] Jean, xviii, 31.

[33] Cf. II Cor., xi, 24.

[34] Matth., xxvii, 23.

[35] Cf. Jean, xix, 7, 12.

[36] Actes, v, 38-39.

[37] II Tim., iii, 8.

[38] Grec, latin, syr. : « trente-huit ». Cf. Jean, v, 5.

[39] Jean, v, 9.

[40] Luc, xviii, 38.

[41] Luc, viii, 44.

[42] Cf. Jean, xi.

[43] Cf. Matth., xxvii, 15, 17, 21-23; Jean, xix, 12.

[44] Matth., xvii, 24-25.

[45] Luc, xxiii, 34.

[46] Cf. Matth., xxvii, 40, 42.

[47] Cf. Luc, xxiii, 38.

[48] Luc, xxiii, 39-43.

[49] Luc, xxiii, 44-48.

[50] Matth., xxvii, 57-60.

[51] Cf. Deut., xxxii, 35.

[52] Cf. Matth., xxviii, 2-7.

[53] Cf. Matth., xxviii, 13-15.

[54] Cf. Marc, xvi, 15-18.

[55] Les mots entre crochets manquent dans le copte.

[56] Cf. IV Rois, ii.

[57] Ces quatre derniers mots sont sans doute une répétition inutile.

[58] Cf. Josué, vii, 19.

[59] Cf. Luc, ii, 29-35.

[60] Deut., xix, 15.

[61] Luc, ii, 34.

[62] Ex., xxiii, 20.

[63] Luc, ii, 34.

[64] Cf. Ps. cxvii, 23; Matth., xxi, 42; Marc, xii, 11.

[65] Deut., xxi, 23; Gal., iii, 13.

[66] Ps. xcv, 5.

[67] Cf. Ps. lxxi, 5.

[68] Le syriaque se termine ici.

[69] Ce fragment spécifie, comme S. Marc, vi, 17, que le frère d'Hérode (Antipas) dont Hérodiade était d'abord femme, était Philippe. S. Matthieu, xiv, 6 et S. Luc, iii, 19 disent seulement qu'Hérodiade était femme de son frère. Josèphe, dans le chapitre où il raconte la mort de Jean-Baptiste (Antiquités Judaïques, liv. XVIII, ch. vu), en fait la femme d'un autre Hérode habitant Rome. En ce qui touche Philippe, qui, d'après lui, comme d'après l'évangile, était tétrarque en même temps qu'Hérode Antipas {De bello judaico, liv. II, ch. viii), il aurait gardé son royaume, alors qu'Archélaüs, son frère, voyait sa tétrarchie réduite en province romaine. Cet Archélaüs (ibid., liv. 1, ch. xx) aurait été accusé près de l'empereur par son frère Antipater, ainsi d'ailleurs que Philippe. Plus tard, devenu roi, il aurait été accusé par les grands des Juifs et des Samaritains, appelé à Rome et dépouillé de sa dignité ; et ce serait lui dont tous les biens auraient été vendus par les soins de Quirinus (Antiq. Jud., liv. XVII, ch. xvii; cf. XVIII, ch. iii). Philippe, au contraire, serait mort tranquillement l'an 20 de Tibère, après avoir gouverné 37 ans la Traconite (liv. XVIII, ch. vi). Il est probable, d'ailleurs, que Philippe était le premier mari d'Hérodiade, car l'Hérode romain dont parle Josèphe paraît bien problématique, même d'après l'ensemble de ses récits sur la famille du grand Hérode.

[70] Cf. Patr. Or., t. IV, p. 521-541, Histoire de saint Jean-Baptiste attribuée à saint Marc l’évangéliste. — Les textes coptes qui suivent ont été déjà édités et traduits par M. Revillout, Journ. As., Xe série, t. V, 1905, p. 446-453. Nous avons utilisé les corrections et les restitutions proposées par M. O. de Lemm. dans Kleine Koptische Studien, xlix, Saint-Pétersbourg, 1907, p. 175-184 (Extrait du Bulletin de l'Acad. impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, t. XXV, n° 5; déc. 1906). — Ajoutons que le fragment Patr. Or., t. II, p. 197-198 a été rapproché à bon droit des Acta Thomae; « un marchand Tekontophore » doit être lu « un marchand de Gondophar », Ibid., p. p. 197; le fragment Patr. Or., t. II, 174-183, a été rapproché des Transitus Mariae; « Lia l'artiste » doit être lu « Lia la veuve », Ibid., p. 188; Cf. A. Baumstark, dans Revue Biblique, t. III, 1906, p. 245-265. Nous avons signalé, Revue de l'Orient Chrétien, t. IX, 1904, p. 613-614, que le fragment, Patr. Or., t. II, p. 157-158, est l'original du livre éthiopien « du coq », édité depuis parle R. P. Chaîne, Revue sémitique, 1905 (F. Nau).

[71] Il faut lire : « au second jour de Thot. » Cf. Patr. Or., t. I.

[72] M. O. de Lemm propose de traduire : « de lui donner un vêtement (ou un diadème) royal. »

[73] Ou : « indique moi ta demande, toi la danseuse (ὀχρηστριανή).