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table des matières de l'œuvre D'HÉRONDAS

 

ΗÉRONDAS

 

MIMES

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

L'introduction et deux pages manquantes dans le MIME VI proviennent de Joseph Trabucco (1934)

 

 

 

 

 


NOTICE SUR HÉRONDAS

Hérondas ou le poète ressuscité . C'est bien en effet à une résurrection qu'assistèrent les lettrés de la fin du siècle dernier. On ne connaissait d'Hérondas que le nom et quelques rares vers conservés par des grammairiens, quand en 1891 un papyrus, acheté par le British Museum et publié par M. Kenyon, nous rendit une part importante de son oeuvre . Pour que l'imagination eût bien son compte dans cette aventure, le papyrus avait été trouvé dans une tombe du règne d'Auguste.
Grâce à cette découverte nous possédons maintenant d'Hérondas sept poèmes appartenant au genre du mime.
Comme ce genre ne comporte guère d'allusions biographiques, nous continuons à tout ignorer de la vie du poète. Est-il né à Syracuse? Le premier auteur de mimes connu, Sophron, et Théocrite qui, lui aussi, a écrit des mimes, étaient tous deux de cette ville . Mais ce n'est pas une raison suffisante pour qu'Hérondas y soit né lui-même.
On a supposé qu'il était venu se fixer à Cos ; car plusieurs de ses petites scènes ont pour cadre cette île, qui, au surplus, eut une vie littéraire assez brillante.
Mais cette hypothèse comporte quelques difficultés.
L'époque où il vécut est aussi assez incertaine. En gros on peut dire qu'il fut le contemporain de Théocrite, sans pouvoir préciser s'il le précéda ou s'il le suivit.
Un grammairien du IVe siècle de notre ère, Donat, définit le mime par «l'imitation quotidienne des événements vulgaires et des gens de peu.
 »  Le mime est en effet une petite scène comique, représentant des gens de modeste condition dans le train ordinaire de leur vie.
Le mime apparaît dans la littérature grecque, au Ve siècle, avec Sophron, créateur ou introducteur du genre. Il ne nous reste de ses oeuvres que quelques titres,mais expressifs Le Messager, Le Pécheur de thons, Les Vieux Pécheurs, La Belle-mère, Les Femmes aux Jeux Isthmiques . Sophron eut pour successeur son fils Xénarque, qui n'est pour nous qu'un nom. Après une éclipse de plus d'un siècle, le mime reparut dans les lettres grecques à l'époque alexandrine. Les Bucoliques de Théocrite sont en somme des mimes rustiques. Mais trois Idylles méritent particulièrement le nom de mime : la deuxième, la quatorzième et l'admirable quinzième : Les Syracusaines.
Dans ses Mimes, Hérondas fait revivre un vieux vers cultivé au VIe siècle par un poète d'Éphèse : Hipponax. Ce vers, c'est le choliambe ou iambe boiteux, appelé ainsi parce que, au contraire du vers iambique, lequel n'admet que des iambes, il se termine brusquement par un spondée, prenant par là une allure claudicante. Le choliambe, par son archaïsme, avait de quoi séduire des poètes férus d'érudition comme les Alexandrins ; Callimaque, lui aussi, en a usé. La plupart de ses iambes étaient écrits dans ce mètre.
Ce n'est pas seulement par l'emploi du vers boiteux qu'Hérondas se rattache à Hipponax. Hipponax est un satirique à la verve drue, et qui ne craint pas le mot propre. Hérondas ne le craint pas non plus. Ses Mimes sont d'un réalisme hardi par le choix des personnages, les situations et le langage. Ils nous peignent une humanité médiocre ou basse, mais avec les couleurs les plus vraies et les plus vives. L'antiquité s'y fait amusante, familière et si proche de nous que ces petites scènes semblent écrites d'hier. Et ainsi les Mimes nous donnent au surplus
une leçon philosophique, c'est que l'humanité change moins que nous n'inclinons parfois à le croire.

 

MIME I - L’ENTREMETTEUSE

PERSONNAGES:

MÉTRICHÉ.

GULLIS.

THRESSA, esclave de Métriché.

 

 

Vous devriez, ma fille, en l’âge où je vous voy,

Etre riche, contente, avoir fort bien de quoy,

Et, pompeuse en habits, fine, accorte et rusée,

Reluire de joyaux, ainsi qu’une épousée.

Régnier, Satire XIII.  

 

MÉTRICHÉ.

Thressa, on frappe à la porte. N’iras-tu pas voir si quelqu’un de nos gens vient de la ferme?

THRESSA.

Qui va là?

GULLIS.

C’est moi.

THRESSA.

Qui, toi? crains-tu d’approcher?

GULLIS.

Me voici, j’approche.

THRESSA.

Qui es-tu donc?

GULLIS.

Gullis, la mère de Philénion. Va dire à Métriché que je suis là.

THRESSA (à Métriché).

On te demande....

MÉTRICHÉ.

Qui est-ce?

THRESSA.

Gullis.

MÉTRICHÉ.

Maman Gullis? Laisse-nous, esclave. Quel hasard t’amène, Gullis? Comment nous tombes-tu du ciel? Car voilà bien cinq mois, je pense; que pas même en songe — j’en atteste les Parques — on ne t’a vue frapper à cette porte.

GULLIS.

J’habite loin d’ici, mon enfant, et, dans les rues, la boue vous monte jusqu’aux jarrets: et moi je n’ai pas plus de force qu’une mouche, car la vieillesse m’accable et l’ombre est proche.

MÉTRICHÉ.

Allons, cesse d’accuser à tort la vieillesse, tu es bien plutôt de force à en étrangler d’autres, Gullis.

GULLIS.

Raille à ton gré: vous voilà bien, vous autres jeunes femmes.

MÉTRICHÉ.

Mais ne t’échauffe point pour cela!

GULUS.

Voyons, mon enfant, depuis combien de temps déjà sèches-tu sur ta couche solitaire, pauvre abandonnée? Depuis que Mandris est parti pour l’Égypte, dix longs mois se sont écoulés, et tu n’as pas reçu le moindre mot de lui il t’a oubliée, il a bu à une autre fontaine. Là-bas est la demeure d’Aphrodite: tout ce qui est, tout ce qui a jamais été quelque part sur terre, on le trouve en Égypte: richesse, palestre, puissance, jours sereins, gloire, spectacles, philosophes, or, adolescents, temple des dieux frères, excellent roi, [1] musée, vin, tous les biens qu’on peut désirer; des femmes si nombreuses que, par Koré, le ciel ne peut se vanter de porter autant d’étoiles, et charmant les yeux non moins que les déesses qui se disputèrent autrefois devant Pâris le prix de la beauté (puissent-elles ne pas m’entendre!) A quoi penses-tu donc, malheureuse, de rester ainsi à couver ta chaise? Mais tu vieilliras sans t’en douter, tes cheveux grisonneront et la fleur de ta jeunesse se flétrira. Allons, que l’on tourne ailleurs ses regards,[2] que pour deux ou trois jours on change d’esprit, et qu’on se déride avec un autre ami ! Un vaisseau n’est pas mouillé fermement sur une seule ancre. [3]

Nul de nous ne connaît l’avenir, car changeante est notre fortune.

MÉTRICHÉ.

Où veux-tu donc en venir?

GULLIS.

Personne ne peut nous entendre?

MÉTRICHÉ.

Pas une âme.

GULLIS.

Écoute donc ce que je venais t’apprendre. Le fils de Malakiné, fille de Pataikios, Grullos, cinq fois couronné dans les jeux, enfant vainqueur à Delphes, proclamé deux fois à Corinthe quand le premier duvet lui fleurissait les joues, deux fois, à l’âge d’homme, victorieux à Pise dans l’épreuve du pugilat, Grullos, dis-je, jeune homme riche, honnête et qui ne ferait pas de mal à une mouche, d’ailleurs pur et vierge, t’a vue à la fête de Misa: aussitôt ses flancs bouillonnent, l’amour aiguillonne son cœur. Nuit et jour il ne bouge de ma maison, enfant; il se lamente, il me cajole, il meurt de désir. Allons, Métriché, mon enfant, écoute-moi, un péché, un seul, cède à la Déesse, prends garde que la vieillesse ne te surprenne. Tu seras doublement heureuse ton bonheur passera ton attente. Réfléchis, suis mon conseil je veux ton bien, oui, j’en atteste les Parques!

MÉTRICHÉ.

Gullis, les cheveux blanchissent et le sens s’émousse. Oui, j’en jure par l’heureux retour de Mandris et par la bonne Déméter, d’une autre femme je n’aurais pas écouté cela sans colère. D’une bonne leçon j’aurais payé sa belle chanson et je lui aurais ôté l’envie de repasser le seuil de ma porte. Quant à toi, ma chère, ne me viens jamais apporter semblable message; parle aux jeunes femmes [4] ainsi qu’il convient à une vieille. Quant à Métriché, fille de Pytheas, laisse-la couver sa chaise. On ne se rit pas de Mandris. Mais ces paroles mêmes, comme on dit, sont superflues pour Gullis. Thressa, nettoie la coquille, verse trois setiers de vin pur, ajoute quelques gouttes d’eau, et sers la coupe pleine. Tiens, Gullis, bois.

GULLIS.

Donne. Sache que je n’étais pas venue [5] pour te donner de mauvais conseils, mais pour l’amour de toi.

MÉTRICHÉ.

Aussi te régale-t-on du meilleur vin.

GULLIS.

Puisse-t-il, mon enfant, abonder dans tes cuves. Il est doux, par Déméter. Gullis n’a jamais bu de meilleur vin que celui de Métriché. Allons, sois heureuse, mon enfant: assure ton avenir; pour moi, je ne fais qu’un vœu: puissent Myrtalé et Simé [6] rester jeunes tant que Gullis respirera.


 

MIME II - LENO

PERSONNAGES

BATTAROS.

UN GREFFIER.

(La scène est à Cos, au tribunal.)

 

 

Domo me eripuit, verberavit, me invito abduxit meam,

Homini misere plus quingentos colaphos infregit mihi.

Térence, Adelphe., vers 199-200.

 

 BATTAROS.

Citoyens, vous n’êtes pas ici juges de notre naissance ni de notre réputation. Si Thalès que voici possède un vaisseau qui vaut cinq talents, et si je n’ai, moi, que mon pauvre pain, [1] il ne l’emportera pas en justice sur Battaros, après l’avoir maltraité. [2] ……………………………

… Sans doute, quand je suis venu [3] jadis d’Aké, je n’apportais pas de froment, et je n’ai pas mis fin à la dure famine, mais j’importe, moi, de la marchandise de Tyr à l’usage du peuple, et Thalès ne vous fait pas plus cadeau de son froment que je ne vous livre mes femmes pour rien. Sans doute il passe la mer, il possède un manteau de trois mines attiques, et moi je reste dans le pays à tramer un vêtement râpé et de vieux chaussons; mais s’il s’arroge pour cela le droit d’enlever une de mes femmes contre mon gré, et cela de nuit, c’en est fait de la sécurité de la ville, citoyens, et cette liberté dont vous êtes si fiers, Thalès va l’anéantir. Il devrait bien plutôt savoir le peu qu’il est, songer de quel limon il est pétri, et vivre comme moi dans la crainte des hommes du peuple, même des plus humbles. Cependant les gros bonnets de la ville, des gens bien plus huppés que ce Thalès, sont pleins de respect pour les lois quoique étranger, aucun citoyen ne m’a jamais frappé, aucun n’est venu nuitamment à ma porte avec des torches, n’a mis le feu à la maison, ni enlevé de force une de mes femmes. Eh bien, citoyens, ce Phrygien [4] qui se donne aujourd’hui le nom de Thalès et n’était autrefois qu’Artimmès a fait tout cela sans respecter ni loi, ni prostate, ni archonte. Allons, greffier, donne lecture de la loi sur les sévices, et toi, mon cher, bouche le trou [5] de la clepsydre tandis qu’il parle, de peur que, [6] comme dit le proverbe, on ne nous arrache à la fois cul et chemise.

LE GREFFIER.

Item, si un homme libre maltraite une esclave ou l’enlève de force, il paiera le double du dommage.

BATTAROS.

Et c’est Chairondas, juges, qui a édicté cette loi, non point Battaros, par haine de Thalès. Pour une porte enfoncée, dit-il encore, il paiera une mine; s’il a donné des coups de poing, encore une mine; s’il a mis le feu à la maison ou violé les limites d’une propriété, l’amende est de mille drachmes; s’il a fait quelque dégât, il paiera deux fois la valeur de l’objet. — C’est qu’il habitait une cité, Thalès, mais toi tu ignores ce que c’est qu’une cité, et comment une cité s’administre. Aujourd’hui tu demeures à Brikindéra, tu étais hier à Abdère, et demain, si quelqu’un te paie le fret, tu partiras pour Phasélis. Bref, citoyens, pour ne pas vous rompre la tête avec mes proverbes, j’ai été arrangé par Thalès d’aussi belle façon que Mys à Olympie [7] j’ai été roué de coups de poing; la porte de ma maison a été défoncée (et je paie le tiers du loyer), le linteau a été roussi. Ici, Myrtalé, viens à ton tour, montre-toi, n’aie pas de honte: regarde les juges que voici comme des pères ou des frères. Voyez-la, citoyens, comme elle est ravagée du haut en bas: il ne lui reste plus un poil grâce à cet infâme qui l’a traînée et violentée. O Vieillesse, il te doit un fier sacrifice, sans toi il eût vomi tout son sang comme autrefois Philisteus à Samos.... Tu ris! Eh bien oui, je suis un prostitué, je ne le nie pas. Battaros est mon nom, mon aïeul était Sisymbras, mon père était Sisymbriskos, et tous trafiquaient de ma marchandise; [8] mais quant à la bravoure...

Voyons, Thalès, tu es amoureux de Myrtalé, n’est-ce pas? il n’y a pas de mal, moi j’aime le pain: donne l’un, tu auras l’autre; ou si, par Zeus, le désir te travaille, mets l’argent dans la main de Battaros, prends ton bien et uses-en comme il te plaira. C’est ton droit. Voilà pour Thalès. Vous, citoyens, puisqu’il n’y a pas de témoins, jugez la cause en conscience. Demande-t-il à interroger les esclaves, je m’offre aussi à la question; prends-moi, Thalès, torture-moi, mais que la somme soit déposée tout d’abord. Minos avec sa balance n’eût pu rendre un plus juste arrêt. D’ailleurs, citoyens, songez que vous jugez aujourd’hui la cause non de Battaros le marchand d’esclaves, mais de tous les étrangers domiciliés dans cette ville. Et maintenant montrez-vous les dignes fils de Cos [9] et de Mérops; songez quelle était la gloire de Thessalos et d’Héraklès, comment Asklépios vint de Trikka dans cette île, et pourquoi Phoebé donna ici le jour à Latone. Rappelez-vous toutes ces gloires et que la justice guide votre arrêt. Etrillez aujourd’hui le Phrygien pour qu’il s’amende, vous verrez que le vieux proverbe ne ment pas.

 

MIME III - LE MAÎTRE D’ÉCOLE

PERSONNAGES:

LAMPRISKOS, maître d’école.

MÉTROTIMÉ.

KOTTALOS, son fils.

Personnages muets: Plusieurs écoliers.

Le lieu de la scène est à l’école, qui est orné des statues des Muses.

 

Quum librum legeres, si in una peccavisses sullaba,

Fieret corium tam maculosum quam’st nutricis pallium.

Plaute, Bacchides, 111, 3, 30.

 

 

 

MÉTROTIMÉ.

Puissent tes chères Muses, Lampriskos, te faire jouir d’une vie heureuse, mais cingle-moi du haut en bas l’échine de ce garnement jusqu’à ce que son misérable souffle expire sur ses lèvres. Malheureuse que je suis ! il a mis ma maison au pillage pour jouer de l’argent, [1] car les osselets ne lui suffisent même plus, Lampriskos, et il médite pis encore. Où loge le grammatiste qui chaque mois me réclame son salaire, dussé-je pleurer toutes les larmes de Nannakos, [2] il mettrait longtemps à le dire. Mais le tripot où se réunissent les portefaix et les esclaves fugitifs, il le connaît fort bien, et le montrerait à d’autres. Et ces misérables tablettes que je m’échine à couvrir de cire chaque mois! elles traînent délaissées, au pied du lit, contre le mur, et si par aventure il y jette un coup d’œil — comme on regarderait l’Hadès, — loin d’écrire rien de bon, il les gratte entièrement. En revanche, les osselets qu’il garde dans son sac et dans son filet sont plus luisants que le lécythe qui nous sert à tout usage. Il est incapable de reconnaître seulement un alpha, si l’on ne s’égosille à lui crier cinq fois la même chose; avant-hier, son père lui épelait le nom de Maron:[3] au lieu de Maron c’est Simon qu’a écrit cet amour d’enfant; aussi me suis-je dit que j’étais folle de ne pas lui apprendre à garder les ânes, mais d’en faire un lettré, dans le vain espoir qu’il sera mon bâton de vieillesse. Quand je lui demande, comme à un enfant, de réciter une tirade, ou que son père (pauvre vieillard presque sourd et aveugle) le lui commande, il distille, comme ferait une urne fêlée « Apollon chasseur ... [4] ». — Mais ceci, lui dis-je, la grand-mère qui ne sait pas même lire et le dernier des esclaves te le réciteront. Et si nous voulons parler un peu plus liant, pendant trois jours il ne connaît plus le seuil de la maison, il va gruger sa grand-mère, une pauvre femme sans sou ni maille, ou bien on le voit sur le toit, les jambes en dehors, assis comme un singe, la tête baissée. Tu peux bien penser que mon sang ne fait qu’un tour, quand je vois cela. Ce n’est pas que je me soucie tant de lui, mais tout le toit se brise comme galette, et quand l’hiver arrive, je paie en gémissant trois demi-oboles pour chaque tuile. Car il n’y a qu’une voix chez tous les locataires: « C’est le fils de Métrotimé, Kottalos, qui a fait le coup

Et c’est la vérité; pas moyen de desserrer les dents. Vois comme il s’est pelé toute l’échine dans les bois, comme un vieux pêcheur [5] délien qui consume sa vie dans la mer. Quand viendra le sept ou le vingt du mois, il le sait mieux qu’un astrologue [6] et le sommeil ne peut rien sur lui quand il pense à vos jours de vacances. Mais si tu veux, Lampriskos, que ces déesses te donnent biens et prospérité, ne lui applique pas moins de....

LAMPRISKOS.

Trêve de prières, Métrotimé: il n’en aura pas moins ce qu’il mérite. Holà, Euthiès, Kokkalos, Phillos! ne le chargerez-vous pas bien vite sur vos épaules? Attendez-vous la pleine lune, comme Akesaios, [7] pour le dépouiller? Mes compliments pour tes exploits, Kottalos. Il ne te suffit plus de jouer simplement aux osselets, [8] comme tes camarades: c’est au tripot des portefaix que tu vas jouer de l’argent? Attends, je te rendrai plus sage qu’une fille et tu n’oseras plus toucher à un fétu, puisque c’est toi qui l’as voulu. Où est la forte courroie, le nerf de bœuf qui me sert à régler leur compte aux vauriens mis aux fers? Allons, passez-le-moi tout de suite et ne me faites pas monter la bile!

KOTTALOS.

Non, non! je t’en conjure, Lampriskos, par les Muses, par ta barbe, par la vie de Kottis [9] pas la forte courroie, l’autre !

LAMPRISKOS.

Tu es un mauvais garnement, Kottalos, une marchandise qu’on ne vanterait même pas pour s’en défaire, fût-ce dans le pays où les rats rongent le fer. [10]

KOTTALOS.

Combien, combien de coups, Lampriskos, me donneras-tu donc, je t’en prie?

LAMPRISKOS.

Ce n’est pas à moi, c’est à ta mère qu’il faut le demander.

KOTTALOS.

Heu!... Combien m’en donnerez-vous? Si tu tiens à ma vie... [11]

MÉTROTIMÉ.

Autant qu’en pourra supporter ta méchante peau!

KOTTALOS.

Cesse, Lampriskos, c’est assez!

LAMPRISKOS.

Cesse donc à ton tour de te mal conduire.

KOTTALOS.

Je ne le ferai plus, jamais plus: je te le jure, Lampriskos, par tes chères Muses.

LAMPRISKOS.

Voyez la langue! Je te donnerai du bâillon, et tout de suite, si tu souffles mot encore.

KORRALOS.

Voilà, je me tais, mais je t’en prie, ne me tue pas!

LAMPRISKOS.

Qu’on le lâche, Kokkalos.

MÉTROTIMÉ.

Non, ne t’arrête pas, Lampriskos: écorche-le jusqu’au coucher du soleil.

LAMPRISKOS.

Mais son corps est plus tacheté qu’une hydre. [12]

MÉTROTIMÉ.

Il faut encore qu’il reçoive, et cela penché sur un livre, encore vingt coups comme rien, quand il devrait lire mieux que Clio.

KOTTALOS.

Bisque, bisque! (Il s’échappe en tirant la langue.)

MÉTROTIMÉ.

Puisses-tu fourrer ta langue dans l’encre ! [13] Je rentre, Lampriskos, tout conter fidèlement au vieillard, et je reviendrai avec des entraves pour que ce garnement sautille à pieds joints devant ces Déesses qu’il a prises en grippe.


 

MIME IV - AU TEMPLE D’ASKLEPIOS

PERSONNAGES:

KUNNO.

KOKKALÉ (sa jeune amie, peut-être sa parente).

LE NÉOCORE.

Personnage muet : une servante.

 

Ἃ δάμαλις, δοκές, μυκήσεται· ἦ ῥ' ὁ Προμηθεὺς

Οὐχὶ μόνος, πλάττεις ἔμπνοα καὶ σὺ, Μύσων.

Anthologie.

 

 

 

KOKKALÉ.

Salut, glorieux Péan qui règnes sur Trikka et qui habites la douce Cos et Epidaure! Salut à Koronis, ta mère, à Apollon, à Hygieia [1] que tu touches de la main droite, aux divinités dont voici les autels vénérés, Panaké, Épio et Iaso; à ceux qui renversèrent le palais et les murs de Laomédon, aux guérisseurs des cruelles maladies, Podalirios et Machaon; salut enfin à tous les dieux et à toutes les déesses qui peuplent ton sanctuaire, vénérable Péan. Venez recevoir favorablement ce coq, notre clairon domestique c’est un pauvre festin [2] mais notre bourse est petite et l’on n’y puise pas à pleines mains. Sans cela, nous t’aurions offert, au lieu d’un coq, une génisse ou une truie chargée de graisse, car c’est toi, dieu puissant, qui as écarté de nous la maladie en nous touchant de tes mains bienfaisantes.

KUNNO.

Kokkalé, place le tableau (votif) à la droite d’Hygieia.

KOKKALÉ.

Ah, ma chère Kunno, les belles statues! Quel est l’artiste qui a fait ce marbre, et qui donc l’a offert?

KUNNO.

Les fils de Praxitèle. [3] Ne vois-tu pas leurs noms sur le piédestal? Et c’est Euthias, fils de Praxon, qui l’a offert.

KOKKALÉ.

Que Péan soit propice aux sculpteurs et à Euthias pour ce beau travail ! [4]

Vois, ma chère, cette jeune enfant qui regarde en haut vers cette pomme. Elle mourrait de ne pas l’avoir, n’est-ce pas?

KOKKALÉ.

Et ce vieillard, Kunno!

KUNNO.

Par les Parques, vois cet enfant, comme il étrangle l’oie ! [5] Si le marbre n’était pas là, devant toi, tu jurerais qu’il va parler. Pour sûr, avec le temps les hommes finiront par faire vivre la pierre elle-même.

KOKKALÉ.

Vois-tu, Kunno, cette statue de Batalé, la fille de Muttis? Comme elle est bien plantée! Qui ne connaît pas Batalé n’a qu’à regarder cette image: il n’a pas besoin de la voir en personne.

KUNNO.

Viens, ma chère, que je te montre une belle chose, comme tu n’en as vu de ta vie. Kudilla, appelle le néocore. [6] Voyons, c’est à toi que je parle, l’endormie, qui bayes aux corneilles. Est-ce qu’elle fait seulement attention à ce qu’on lui dit? Elle reste là sans bouger à me faire des yeux ronds comme une écrevisse. Va, te dis-je, appelle le néocore. Fainéante, goulue! [7] ni fête ni jour ouvrable [8] ne te trouve bonne à rien et tu ne grouilles pas plus qu’une borne. J’en atteste le dieu, Kudilla, tu me fais bouillir, quand je m’étais promis de ne pas m’échauffer; oui, j’en atteste le dieu, un jour viendra où [9]....

KOKKALÉ.

Crois-tu donc, Kunno, que tout se fasse si vite au gré de nos désirs? C’est une esclave, et l’esclave a l’oreille paresseuse.

KUNNO.

Mais plus elle va, plus elle est intolérable!

KOKKALÉ (à l’esclave).

Holà, reste ici. Le portique s’ouvre et le sanctuaire apparaît. Vois, ma chère Kunno, vois toutes ces merveilles: ne dirait-on pas que ces sculptures sont d’une autre Pallas? — soit dit sans blesser la déesse! — Et cet enfant nu, si je le pinçais, Kunno, n’en garderait-il pas la marque? Les viandes sautent dans la poêle toutes chaudes, toutes chaudes [10]... et ces pincettes d’argent! Si Muellos ou Pataikiskos,[11] fils de Lamprion, les voyaient, n’est-ce pas que les yeux leur sortiraient de la tête et qu’ils croiraient voir de l’argent véritable? Vois ce taureau et l’homme qui le conduit; et la femme qui marche derrière; et celui-ci qui a le nez camus; et cet autre qui l’a retroussé? Ne sont-ils pas tous vivants, en chair et en os? N’était la réserve qui sied à une femme, je jetterais les hauts cris: vraiment ce taureau me fait peur vois cet œil, vois, Kunno, quel regard de travers il me lance!

KUNNO.

C’est qu’elles sont vivantes, ma chère, les œuvres sorties de la main du peintre d’Ephèse. Apelle a su tout rendre. Tu ne diras pas: cet homme voyait ceci, mais pas cela: quoi qu’il se mît en tête, [12] fût-ce de s’attaquer aux dieux, il y parvenait promptement. Qui a pu le voir ou voir ses tableaux sans rester bouche bée, comme de juste, mérite d’être pendu par un pied dans l’atelier d’un foulon.

LE NÉOCORE.

Femmes, votre sacrifice est bien accueilli et d’un heureux présage. Personne ne s’est jamais rendu Péan plus propice. Péan, Péan, pour cette heureuse offrande, sois favorable à ces femmes et aux parents qu’elles peuvent avoir, proches et époux. [13] Péan, Péan, qu’il en soit ainsi!

KOKKALÉ.

Ainsi soit-il, dieu puissant! Puissions-nous revenir en bonne santé, t’apporter de plus belles offrandes, avec maris et enfants!

KUNNO.

C’est bien, Kokkalé. Aie soin de découper et de donner au néocore cette cuisse de l’oiseau; dépose pieusement la galette dans la grotte du serpent [14] et trempe dans l’huile le gâteau sacré le reste, nous le mangerons dans la salle commune. N’oublions pas non plus le pain de santé: je veux en emporter moi-même: donne………………..


 

MIME V - LA JALOUSE

PERSONNAGES

DITINNA.

GASTRON, esclave favori.

KUDILLA, servante.

Plusieurs esclaves, Personnages muets.

 

Oh je te montrerai si c’est après deux ans

Si c’est alors qu’on peut la laisser, comme un vieux

Soulier qui n’est plus bon à rien.

(A. de Musset, Les Marrons du feu, scène ii.)

 

 

 

BITINNA.

Ainsi, Gastron,[1] tu es si dégoûté qu’il ne te suffit plus de jouir de mon corps? Tu pourchasses encore Amphytaia, la femme de Ménon?

GASTRON.

Moi, Amphytaia [2] ? L’ai-je seulement vue, cette femme? Toute la journée tu me cherches des prétextes, Bitinna: je suis un esclave, fais de moi ce qu’il te plaît, mais ne bois pas mon sang jour et nuit.

BITINNA.

Tu as la langue bien affilée, l’ami. Kudilla, où est Pyrrhias, appelle-le-moi.

PYRRHIAS.

Qu’y a-t-il?

BITINNA.

Attache-moi cet esclave. Qu’attends-tu là, sans bouger? Détache la corde du puits, et plus vite que cela! (A Gastron): Si je ne t’inflige pas une correction qui te fasse servir d’exemple à la ronde, va, tu pourras dire que je ne suis pas une femme. On dit bien vrai: « Plus on bat le Phrygien [3]... ». Mais c’est moi qui suis cause de tout cela, Gastron, moi, qui t’ai fait quelqu’un. Mais si j’ai commis cette sottise, tu ne trouveras plus Bitinna aussi folle que tu le penses. (A l’esclave) Eh bien! apporteras-tu la corde? Enlève-lui sa tunique et attache-le.

GASTRON.

Non, non, je t’en conjure, Bitinna, j’embrasse tes genoux!

BITINNA.

Dépouille-le, te dis-je! (A Gastron) Il faut t’apprendre que tu es un vil esclave et que tu m’as coûté trois mines. Maudit soit le jour où je t’ai fait entrer dans cette maison! Pyrrhias, gare les coups! Je vois que tu muses au lieu de l’attacher; attache-lui fortement les deux coudes ensemble, serre-lui les membres à les lui scier.

GASTRON.

Bitinna, passe-moi cette faute. Je suis homme, j’ai péché: mais si tu me reprends en faute, fais-moi marquer.

BITINNA.

Garde tes grimaces [4] pour Amphytaia: ne fais pas le caressant avec moi, puisque vous vous vautrez ensemble et que je ne suis à tes yeux qu’un chiffon!

PYRRHIAS.

Tiens, je te l’ai bien lié.

BITINNA.

Prends garde qu’il ne s’échappe. Conduis-le chez Hermon pour qu’on le mette au cachot et qu’on lui applique mille coups sur le dos et mille sur le ventre.

GASTRON.

Veux-tu donc me tuer. Bilinna, sans examiner si je suis coupable ou innocent?

BΙTIÂ.

Et ce que tu disais tout à l’heure, de ta propre bouche: « Bitinna, passe-moi cette faute! »

GASTRON.

C’était pour te calmer.

BITINNA (à Pyrrhias).

Que fais-tu là sans bouger, à ouvrir de grands yeux? Vas-tu le conduire où je te dis, oui ou non? Kudilla, tourne le museau de ce vaurien du côté où il doit aller. [5] Toi, Drachon, suis-le, s’il se décide à marcher. Esclave, donne une guenille à ce misérable pour qu’il cache son membre infâme et qu’on ne le voie traverser la place tout nu. Encore une fois, Pyrrhias, tu m’entends bien: dis à Hermon de lui appliquer mille coups d’un côté et mille coups de l’autre. Est-ce compris? Si tu bronches d’une syllabe, tu paieras, toi-même, capital et intérêts. Allons, marche et ne passe pas devant chez Mikkalé va tout droit. Mais j’y pense.... (Après une pause, à Kudilla) Cours, cours les rappeler, esclave, avant qu’ils ne soient loin.

KUDILLA.

Pyrrhias, misérable sourd, on t’appelle! Mais voyez, on dirait que ce n’est pas un camarade qu’il tarabuste ainsi, mais un pilleur de tombeaux. Prends garde; aujourd’hui tu le traînes de force au supplice, avant cinq jours, Pyrrhias, Kudilla te verra de ces mêmes yeux user à tes chevilles chez Antidoros [6] les entraves que tu déposais naguère.

BITINNA (à Pyrrhias).

Holà, ramène-le-moi tout à l’heure bien lié comme il l’est maintenant. En passant, dis à Kosis de venir avec poinçons et noir pour la marque. (Se tournant vers Gastron) Il faut que dans la même journée tu reçoives des bleus et des noirs [7]……………………………………………..

KUDILLA.

Non, petite mère; je t’en conjure au nom de Batullis: si tu veux la conserver, la voir entrer dans la maison d’un époux et caresser des petits enfants, fais grâce pour cette fois seulement.

BITINNA.

Kudilla, ne m’obsède pas [8] !

KUDILLA.

Laisse-toi fléchir ou je me sauverai de la maison.

BITINNA.

Moi, que je pardonne à ce vil esclave? Mais quelle femme n’aurait le droit de me cracher au visage? Non, par la Déesse! Puisqu’il oublie ce qu’il est, il le saura bientôt quand il le portera gravé sur son front.

KUDILLA.

Mais c’est le vingtième jour du mois, et la fête des Gérénies [9] vient dans quatre jours....

BITINNA (à Gastron).

Eh bien, pour le moment je te tiens quitte, c’est à celle-ci que tu le dois, car je l’aime autant que Batullis, pour l’avoir élevée de mes propres mains. Mais quand nous aurons fait nos libations aux morts, tu auras ta fête, après la fête.


 

MIME VI - DEUX AMIES EN VISITE

ou

LA CONVERSATION INTIME

PERSONNAGES

KORITTO.

MÉTRO.

L’Esclave de Koritto: personnage muet.

L’Esclave de Métro: personnage muet.

La scène se passe chez Koritto.

 

Vitae postscenia.

Lucrèce, IV, 1182.

 

 

 

KORITTO.

Assieds-toi, Métro. (A l’esclave) Allons, debout! avance un siège. Il faut tout te dire, car pour toi, malheureuse, tu ne ferais rien de toi-même. Vraiment, ce n’est pas une servante, c’est une borne que j’ai dans la maison. Reçois-tu ta mesure de farine, tu comptes les grains, et, s’il en tombe un seul, ta journée se passe à grogner et à tempêter: c’est à faire tomber les murs! Te voilà maintenant à frotter et à polir la chaise quand ou en a besoin. Coquine! rends grâce à cette femme, car sans elle tu aurais tâté de ma main.

MÉTRO.

Ma chère Koritto, nous traînons toutes deux la même chaîne. Moi aussi j’enrage nuit et jour, j’aboie comme un chien après ces pestes. Mais, pour en venir au but de ma visite.... (Métro s’arrête et fait un signe à Koritto.)

KORITTO (s’adressant aux deux esclaves).

Allons, décampez, sottes bêtes; oreilles tendues, langues alertes, pour le reste bonnes à chômer. [1]

MÉTRO.

Je t’en prie, Koritto, réponds-moi franchement: qui donc t’a fabriqué le baubon [2] de cuir rouge?

KORITTO.

Mais où donc l’as-tu vu, Métro?

MÉTRO.

Nossis, la fille d’Érinna, l’avait avant-hier. C’est vraiment un joli cadeau.

KORITTO.

Nossis? Et d’où le tenait-elle?

MÉTRO.

Tu ne me trahiras pas si je te le dis?

KORITTO.

Par la prunelle de mes yeux, chère Métro, tu peux tout me dire Koritto n’en soufflera mot.

MÉTRO.

C’est Euboulé, la fille de Bitas, qui le lui avait donné sous le sceau du secret.

KORITTO.

Oh, les femmes [3] ! Cette femme-là me fera mourir. Je cède à ses instances, Métro, je lui donne le baubon avant d’en avoir usé moi-même, et elle, après l’avoir pris comme une bonne aubaine, en fait présent, et à qui? Puisqu’elle est ainsi, je suis bien sa servante

Qu’elle se cherche une autre amie. Cette Nossis, [4] la femme de Médokès (je vais parler bien haut pour une femme: n’écoute pas, Adrastée [5] !), j’en aurais mille, je ne lui en donnerais pas un seul, fut-il en pièces.

MÉTRO.

Allons, Koritto, ne t’échauffe pas la bile pour une indiscrétion qu’on t’apprend. Une femme de bien [6] doit s’armer de patience. Aussi je suis cause de tout, avec mon bavardage. Cent fois j’ai mérité qu’on m’arrachât la langue! Mais pour en revenir à ce que je disais, qui donc a fabriqué le baubon? Si tu m’aimes, dis-le-moi. Quoi, tu me regardes en riant? Vois-tu Métro pour la première fois? pourquoi ces façons? Je t’en supplie, Koritto, réponds-moi franchement, dis-moi le nom de l’ouvrier.

KORITTO.

Faut-il tant me supplier? C’est Kerdon.

MÉTRO.

Quel Kerdon? dis-moi. Il y en a deux: l’un a des yeux de chouette, c’est le voisin de Murtaliné, la fille de Kulaithis; mais celui-là ne fabriquerait pas même un archet de lyre; l’autre habite près de la grande maison d’Hermodore, au sortir de la grande rue. Jadis, oui, jadis on parlait de lui, mais il s’est fait vieux. Il faisait bien l’affaire de feu Kulaithis (laissons à ses parents le soin de parler d’elle). [7]

KORITTO.

Ce n’est aucun de ceux que tu dis, Métro; celui dont il s’agit vient de Chios ou d’Érythrae, je ne sais pas au juste: c’est un petit chauve; tu dirais Praxinos, car ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau, il faut entendre parler notre homme pour se convaincre que c’est bien Kerdon et non Praxinos. Il travaille chez lui et vend sa marchandise en cachette, car les fermiers d’impôts sont l’effroi du pauvre monde; [8] mais il travaille comme Pallas en personne, et tous ses ouvrages semblent sortis des mains de la Déesse. Quand il me fit voir deux baubons (car il en avait apporté deux, Métro), les yeux me sortaient de la tête. Les hommes sont loin de cette rigidité (nous sommes entre nous) . Et avec cela une douceur un rêve ! Des attaches qui ont le moelleux de la laine on ne les dirait pas de cuir. Un meilleur cordonnier pour une femme , tu auras beau chercher, tu ne le trouveras pas .

MÉTRO

Mais comment as-tu laissé échapper l'autre?

ΚORYTTO

Que n'ai-je pas fait, Métro? Que n 'ai-je pas tenté pour le persuader? Je l'ai embrassé, j'ai caressé son crâne chauve, je lui ai donné à bore du vin doux, je l'ai cajolé, je lui ai tout offert, sauf moi-même.

MÉTRO

S'il te l'avait demandé, ïl te fallait le faire.

KORYTTO

Assurément il le fallait que l'occasion fût favorable [9] . L'esclave de Bitas était là à moudre son grain. Nuit et jour, elle use notre meule ; c'est dégoûtant dans quel état elle la met, pour épargner les quatre oboles qu'il lui en coûterait de faire retailler la sienne.

MÉTRO

Cet homme, comment a-t-il trouvé le chemin de ta maison? dis-moi la vérité.

KORYTTO

Artémis, la femme de Kandas [10] le corroyeur, me l'a envoyé : elle lui avait donné mon adresse.

MÉTRO

Artémis trouve toujours du nouveau, elle surpasse Thai...è la procureuse. Mais, puisque tu ne pouvais les obtenir tous les deux, tu aurais dû essayer de savoir qui avait commandé l'autre.

KORYTTO

Je l'ai supplié, mais il jurait qu'il ne me le dirait pas (ç'a a été sa façon de me témoigner son amitié, Métro).

MÉTRO

Tu veux dire que je dois aller dès maintenant chez Artémis pour savoir qui est ce Kerdon . Au revoir, Koritto, ne bavardons pas pour rien, [12] il est temps de partir.

KORITTO.

Ferme la porte, [13] esclave; compte les poules dont tu vends les œufs, et vois bien si toutes sont là. Jette-leur aussi de la folie avoine; ces bêtes vous dévastent l’enclos, [14] lors même qu’on les nourrit dans son sein.


 

MIME VII - CHEZ LE CORDONNIER

 

PERSONNAGES

KERDON.

MÉTRO.

AUTRES FEMMES.

DEUX ESCLAVES, PERSONNAGES MUETS.

 

Je suis cordonnier pour femmes.

Lesage, Les Trois Commères, 1, 9.

 

 

 

MÉTRO.

Kerdon, voici des amies que je t’amène; as-tu quelque joli travail à leur montrer, quelque ouvrage digne de toi?

KERDON.

J’ai bien raison de t’aimer, chère Métro. (A un esclave) Allons, tire de l’armoire le grand rayon et viens l’apporter à ces dames. Drimulos! c’est à toi que je parle! Dors-tu donc toujours? Pistos, cogne-moi son vilain museau jusqu’à ce qu’il ait secoué tout son sommeil, ou plutôt mets-lui proprement l’épine [1] autour du cou. (A Drimulos) Holà, coquin, trémousse-toi, sinon je te mets aux jambes des entraves bien sonnantes: [2] tu te tiendras après pour averti. C’est maintenant, pendard, que tu nettoies le rayon? Et les sièges? Est-ce moi qui vais les épousseter à ta place? (A ses clientes) Asseyez-vous. Pistos, ouvre-moi cette armoire: [3] pas celle-là, te dis-je: passe-moi les jolies chaussures de la troisième planchette; [4] allons, dépêche! Ah! ma chère Métro, quel travail tu vas voir examine à loisir tout ce rayon, et d’abord ceci, Métro; regardez-vous aussi, femmes voyez la semelle comme elle est solide et bien garnie de courroies. Et vous ne direz pas: ceci va bien, mais ceci cloche tout est parfait. Et la couleur! Que la Déesse comble tous vos désirs aussi vrai que vous ne trouverez nulle part une couleur pareille [5]……………………………………………………..

…………………Kerdon en a donné trois mines à Kandas. [6] Et cette autre couleur ne me revient pas moins cher.... Je vous jure par ce qu’il y a de plus sacré que je vous dis la vérité pure, je n’exagère pas d’une obole: si je vous trompe, je veux que Kerdon n’ait plus de sa vie ni plaisir ni profit. Par-dessus le marché il me faut dire merci à Kandas: [7] car aujourd’hui les tanneurs ont des prétentions exorbitantes; leur travail n’est rien auprès du nôtre, et pourtant le pauvre cordonnier meurt de faim. Voilà ce qu’il gagne à trimer jour et nuit. Jusqu’au soir je reste cloué sur ma chaise [8] …………………………..……

…………………….Et ce n’est pas tout, j’ai treize ouvriers à nourrir, car mes enfants [9] ne font rien: qu’il pleuve ou qu’il vente, c’est toujours la même chanson: « Que nous apportes-tu? » D’ailleurs ils passent leur temps à se chauffer les fesses, sans plus bouger que des oisillons dans leur nid. Mais, comme on dit, le marché ne se paie pas de mots, mais d’argent. Si cette paire ne plaît pas, Métro, on en tirera des rayons une autre, puis une autre: vous verrez bien à la fin que Kerdon n’est pas un vantard. Pistos, apporte-moi tous les rayons. (Aux femmes) Je veux que vous rentriez chez vous bien chaussées. [10] Vous allez voir des chaussures de tout genre, de toute forme des Sicyone, [11] des Ambracie, nossides fines, perruchons, espadrilles, mules, pantoufles, bottines ioniennes, sauts de lit, souliers bas, serre-jambes, sandales argiennes, brodequins rouges, jouvencelles, escarpins. Parlez: chacune sera servie à souhait. Vous allez savoir par vous-mêmes pourquoi femmes et chiens sont friands de cuir. [12]

UNE FEMME.

Combien veux-tu de cette paire que tu nous a montrée tout à l’heure? Mais ne va pas faire le Jupiter tonnant, ou tu nous mettras toutes en fuite.

KERDON.

Fixe le prix toi-même, s’il te plaît: combien vaut-elle pour toi? De cette façon tu ne risqueras pas d’être trompée. [13] Si tu veux un travail fait de main d’ouvrier, il faut dire un bon prix, oui, par ces tempes grises où le renard a fait son nid [14] ! ………………………………………

(A part) A moi, Hermès, Dieu du gain, et toi, secourable Pitho: si ce coup de filet ne nous rapportait rien, je ne sais ce qui ferait mieux bouillir la marmite.

LA FEMME.

Que marmottes-tu là? Dis le prix sans barguigner.

KERDON.

Femme, cette paire vaut une mine: inutile de rouler des yeux étonnés; si Pallas elle-même venait l’acheter, je n’en rabattrais pas un quart d’obole.

LA FEMME.

Je ne m’étonne plus, Kerdon, que ta boutique soit toujours pleine de beaux ouvrages! Garde ta précieuse marchandise: car, le vingtième jour de Tauréon, Hékaté marie sa fille Artakéné: c’est là qu’il faudra des chaussures! Un bon vent te les amènera peut-être: ou plutôt c’est sûr et certain; mais n’oublie pas de coudre un sac, pour que le chat n’éparpille pas ton argent.

KERDON.

Vienne Hékaté, vienne Artakéné, elles ne l’auront pas à moins d’une mine: réfléchis maintenant.

MÉTRO.

N’as-tu pas la bonne fortune, Kerdon, de toucher les petits pieds que touchent les Désirs et les Amours? Serais-tu donc un ladre et un galeux ? [15]

Et cette autre paire, combien la lui fais-tu? Allons, encore un prix formidable, ne te démens pas.

KERDON.

Par les Dieux, la joueuse de harpe Evétéris vient tous les jours m’en offrir cinq statères, mais elle me promettrait quatre dariques, qu’elle ne l’aurait pas: car je la déteste, la méchante langue, pour la façon dont elle insulte ma femme. Si cela peut t’arranger, prends, je te donnerai pour trois dariques cette paire ainsi que celle-là; c’est pour l’amour de Métro que je le fais, [16] ……………………

………………………..fût-on de marbre, un baiser de toi vous ravirait au ciel: ta bouche est une vraie source de volupté. Ah! celui-là n’est pas loin des Dieux qui peut nuit et jour s’enivrer à tes lèvres. Donne ici ton petit pied, pose-le sur la sandale.

Bravo! rien à ajouter ni à diminuer. Ce qui est beau va toujours aux belles. On dirait que Pallas a taillé le cuir elle-même. (A une autre) Donne ton pied, toi aussi [17]……………………………………………………. ……………………. Si l’on avait aiguisé le couperet sur le pied même, non, par mon foyer domestique, le travail ne serait pas aussi parfait qu’il l’est maintenant. (A une femme près de la porte, sans doute Évétéris) Tu donneras sept dariques de cette paire, toi, là-bas, qui ris près de la porte avec des hennissements de cavale. Femmes, s’il vous faut encore des sandales ou des mules d’intérieur, vous n’avez qu’à m’envoyer votre esclave. Toi, Métro, viens de toute façon dans huit jours chercher des bottines collantes. Pour qu’un manteau tienne chaud, il ne faut ménager ni temps ni talent. [18]


 

MIME VIII - LE SONGE

 

Debout, Psylla! Allons, esclave, quand finiras-tu de ronfler dans ton lit, sans penser à la truie, que la sécheresse picote? Attends-tu que le soleil te chauffe le derrière? Dormeuse insatiable, n’as-tu pas les côtes brisées à rester couchée si longtemps? Les nuits durent pourtant neuf heures! Lève-toi, te dis-je, allume la lampe, s’il te plaît, mène au pacage la truie, qui ne veut pas rester à l’étable. Allons, grogne et gratte-toi jusqu’à ce que ce bâton t’amollisse le crâne! Et toi, Mégallis, fainéante, dors-tu, toi aussi, du sommeil d’Eudymion? Pourtant ce n’est pas le travail qui t’épuise: nous avons beau chercher des bandelettes pour le sacrifice, pas un flocon de laine [1] à la maison. Lève-toi, malheureuse. Toi, Anna, écoute, si tu le veux bien je vais te lire mon songe, car tu es une fille de bon sens. Je crus voir un bouc dans un ravin ……………………………………………………..

FRAGMENT dÉtachÉ.

……………..Chanter après le vieil Hipponax des vers boiteux pour les fils de Xouthos [1]………………

A partir de ce vers le papyrus est trop mutilé pour qu’on puisse en tirer parti.


 

ANCIENS FRAGMENTS

I

MOLPEINOS.

Passé les soixante ans, Grullos, Grullos, meurs et deviens poussière: ce qui reste de la carrière n’est plus que ténèbres, la lumière de la vie commence dès lors à s’obscurcir.

II

UN CERCLE DE FILEUSES.

……………………….Collée comme une huître à son rocher………….

III

………………….Il joue à colin-maillard, à la marmite, ou bien il attache des hannetons à une ficelle et nargue le vieillard ………………………………..

IV

………………….Tu chercherais longtemps une maison que le malheur épargne. Tel qui souffre moins d’un mal a, sois-en sûr, [1] plus à souffrir d’un autre………………

 

 

 

FIN


 

APPENDICE

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

Nous avons suivi dans la traduction de ces mimes les éditions Buecheler (Bonn, 1892) et Crusius (Leipzig, Teubner, 1892), particulièrement cette dernière, qui est la plus récente. Les amis du poète grec doivent être reconnaissants au savant professeur de Tubingue, à qui nous devons de nouvelles lectures, faites sur l’autotype, et plusieurs bonnes conjectures. Nous nous sommes quelquefois écartés de son texte, quand les suppléments qu’il propose nous ont paru trop hardis, ou quand les leçons de la seconde main nous ont semblé préférables à celles de la première. Nous avons aussi profité des récentes lectures faites par Blass, sur le papyrus même, au British Museum (Göttingische Gelehrte Anzeigen, 1892, n° 22, p.857 sqq.), et des suppléments proposés par Diels dans ses essais de restitution des sixième et septième mimes (Sitzungsberichte der Akademie zu Berlin, 1892, I, p. 387 sqq.) Nous indiquons d’ailleurs, dans les notes placées en appendice, les passages où nous nous écartons du texte de l’édition Crusius.

Pour l’intelligence du texte, nous avons souvent consulté, outre la traduction latine et les excellents commentaires de l’édition Buecheler, les Recherches de Crusius (Untersuchungen zu den Mimiamben des Herondas, Leipzig, Teubner, 1892). L’auteur de cet ouvrage met au service des lecteurs d’Hérondas sa vaste érudition et sa connaissance particulière des parémiographes grecs.

Enfin, parmi les études publiées en France, nous avons lu avec profit : trois articles de Henri Weil (Journal des Savants, cahiers de novembre 1891, d’août 1892 et de janvier 1893) et un article de Théodore Reinach (Revue des Études grecques, t. 1V, 1891, 15, p. 209 sqq.), qui a traduit d’une façon vive et piquante plusieurs morceaux des mimes.

MIME 1

[1] Excellent roi: c’est Ptolémée III Evergète; son règne va de 247 à 226.

[2] Que l’on tourne ailleurs ses regards : nous traduisons le supplément proposé par Weil, πάπτη]νον ἄλλῃ.

[3]. Sur une seule ancre. Les trois vers qui suivent sont trop mutilés pour qu’on puisse les restituer d’une façon vraisemblable. Crusius introduit fort étrangement l’idée de la mort (l’ennemi commun?) et donne des mots μηδὲ εἷς ἀναστήσῃ une explication inadmissible. Buecheler entend : nec quisquam excitet (sollicitetve); c’est forcer le sens de ἀναστήσῃ. Peut-être faudrait-il entendre par ce dernier mot, non pas excitet, mais recreet ; le sens serait alors « un nouvel ami, si l’orage éclate, et que nul ne te ranime, sera là pour te protéger. » Mais ce sont là de simples conjectures, peu conciliables avec les lectures de Blass.

[4] Parle aux jeunes femmes.... Blass, dans son récent examen du papyrus, a lu, non μιτρηίαισι (texte de Buecheler) mais μετρηταῖσι (texte de Crusius), mais ὃν δὲ γρῄαισι πρ. γυν. τ. ν. ἀ. Nous avons profité de cette dernière lecture.

[5] La fin du vers est très mutilée: nous hasardons un sens probable.

[6] Myrtalé et Simé sont sans doute de jeunes pensionnaires de l’entremetteuse.

MIME II

[1] Mon pauvre pain. Κοὐδέ est inadmissible. Nous suivons le texte de Buecheler : ἐγὼ δ'ἐμοὺς ἄρτους.

[2] Après l’avoir maltraité. Suivent 10 vers qu’il est presque impossible de restituer. Les suppléments proposés par Crusius ne s’accordent plus avec les lectures de Blass. Battaros, si grossier qu’on le suppose, ne peut être assez maladroit pour déclarer aux juges « qu’il les enverra promener » ou « qu’il les plantera là », ὑμέας κλαῦσαι λέγων. La répétition de καὶ οὐ ζ]ῶμεν serait bien lourde; enfin nous comprenons fort mal ce que le leno dit d’Aristophon, de Mennès et de Philisteus.

[3] Quand je suis venu.... Nous suivons encore ici la lecture de Blass

Καὶ μὴ τὸ πρῶτο]ν ἐξ Ἄκης ἐ[λήλουθ]α
... κἤστατα κ. τ. λ. 

[4] Ce Phrygien. Il est à peine besoin de faire observer que le nom d’Artimmès a une physionomie barbare. Thalès est au contraire un nom glorieux que « le Phrygien » est indigne de porter.

[5] Bouche le trou. Le texte grec est ici beaucoup plus vulgaire que la traduction.

[6] De peur que.... Nous avons adopté, faute de mieux, l’interprétation de Buecheler : elle est d’un réalisme qui n’est pas fait pour nous surprendre, de la part de Battaros. Crusius a proposé plusieurs explications : la dernière de toutes serait de beaucoup la meilleure: de peur que je ne sois berné (μὴ ὁ τάπης ληίης κύρσῃ). Mais il resterait à expliquer μὴ πρός τε κυσός φησι. La traduction « damit das Loch nicht dazu spricht » ou « damit er nicht zum Loche spricht » est inadmissible (Untersuchungen, p. 32-33 et 179).

[7] Mys à Olympie. Comme on l’a fort bien observé, il y a là un mélange de deux locutions proverbiales: « comme une souris dans la poix » et « arrangé comme Mys à Olympie ». La mésaventure de l’athlète se place, suivant les parémiographes, ol. CXI (336).

[8] Aucune explication acceptable n’a été proposée pour la fin de ce vers et pour celui qui suit.

[9] Cos, l’héroïne éponyme de l’île, passait pour la fille de Mérops, premier roi des MeropeV. Thessalos est le fils de Héraklès qui conduisit, dit-on, une colonie dorienne dans l’île. Trikka, en Thessalie, est le berceau du culte d’Asklépios, fils d’Apollon et petit-fils de Latone, mentionnée dans le vers suivant.

MIME III

[1] Pour jouer de l’argent. Il joue sans doute le jeu « pair ou impair » avec des pièces de monnaie, au lieu d’osselets, et le mot πεπόρθηκεν ne doit pas s’entendre de dégâts matériels.

[2] Nannakos. Cet autre Jérémie est, d’après Zénobios (VI, 10), un roi de Phrygie antérieur à Deucalion, qui, prévoyant les malheurs à venir, versait, dit-on, des torrents de larmes.

[3] Maron. Ces deux noms sont choisis à dessein. On ne peut affirmer avec certitude que Maron représente pour les Doriens le modèle de l’abnégation et du courage (Crusius, Untersuch., p. 60); mais le nom de Simon doit être familier au jeune vaurien: c’est un terme de jeu, le nom d’un coup de dés.

[4] Apollon chasseur. Ἄπολλων ἀγρεῦ semble être le commencement d’une tirade très connue du temps d’Hérondas. On ne peut guère supposer qu’une femme invoque le Dieu chasseur, plutôt que les Parques ou Héra.

[5] Comme un vieux pécheur. Buecheler et Crusius attachent aux mots τὠμβλὺ τῆς ζόης le sens de sa bête de vie. Nous entendons : « la partie émoussée de la vie », c’est-à-dire la vieillesse. Cf. fragment de Μολπεινός.

[6] Astrologue. Ce mot rend insuffisamment le grec astrodijewn, terme de dénigrement, populaire sans doute.

[7] Akesaios. Ce proverbe s’appliquait aux lambins. Cf. Zenob., I, 41.

[8] Jouer simplement aux osselets. Nous traduisons παίζειν, leçon de la seconde main.

[9] Kottis est peut-être la fille de Lampriskos.

[10] Rongent le fer. « Où le quintal de fer par un seul rat se mange ». (La Fontaine.)

[11] Nous suivons ici Buecheler qui donne ces derniers mots à Kottalos.

[12] Plus tacheté qu’une hydre. Nous laissons les trois vers suivants à Lampriskos.

[13] Dans l’encre. Nous traduisons la conjecture ἐς μέλαν, dédaignée à tort par Crusius.

MIME IV

[1] Hygieia. Kokkalé se tourne sans doute vers un groupe représentant Asklépios étendant la main sur Hygieia ou appuyé sur elle. Panaké, Epio et Iaso sont des divinités d’ordre inférieur groupées autour du dieu de la médecine.

[2] Un pauvre festin. Τἀπίδορπα signifie littéralement « dessert » ou « hors-d’œuvre » : un coq ne peut-être à lui seul un repas pour toutes les divinités qu’elles invoquent.

[3] Les fils de Praxitèle. Timarque et Céphisodote. Nos deux commères prient le dieu d’être propice aux deux artistes, comme s’ils étaient vivants; elles les prennent sans doute pour des contemporains — erreur bien excusable chez ces femmes du peuple.

[4] Pour ce beau travail. Nous adoptons dans les vers suivants la distribution proposée par Weil. Le dialogue y gagne beaucoup en vivacité.

[5] Comme il étrangle l’oie. Le χηναλώπηξ est mentionné par Pline (H. N., XXXIV, 19, 24) : c’est l’œuvre du sculpteur Boëthos.

[6] Appelle le néocore. Kunno fait appeler le néocore pour qu’il ouvre la galerie.

[7] Fainéante, goulue! Le mot λαίμαστρον nous était inconnu : il se rattache au verbe λαιμάω. Crusius en rapproche l’allemand « Fressack », nom de chose appliqué à une personne, comme le mot grec.

[8] Ni fête ni jour ouvrable. Nous adoptons la correction de Weil ὁρτή pour ὀργή.

[9] Un jour viendra où.... La lecture et l’interprétation du vers omis sont fort douteuses.

[10] Cf. le σπλαγχόπτης mentionné par Pline (H. N., XXXIV, 19, 21).

[11] Muellos et Pataikiskos sont évidemment deux voleurs.

[12] Quoi qu’il se mît en tête. Nous supprimons la virgule après γένοιτο.

[13] La phrase grecque prononcée par le néocore paraît être une formule consacrée.

[14] Serpent. On sait que les serpents, consacrés à Asklépios, étaient nourris dans tous ses sanctuaires.

MIME V

[1] Ainsi, Gastron. Nous avons voilé quelques crudités dans les trois premiers vers si l’on admet que le texte (ἥδε) n’est pas altéré dans le premier, le seul sens admissible est singulièrement obscène.

[2] Moi, Amphytaia? Nous avons écrit et ponctué: ἐγὼ Ἀμφυταίῃ (papyrus: Ἀμφυταίην) en modifiant une conjecture de Crusius.

[3] Plus on bat le Phrygien. Ce proverbe que nous avons rencontré plus haut (fin du Leno) est cité ici sous une forme abrégée: il arrive souvent que l’on ne cite que les premiers mots d’un proverbe (faute de grives... — tant va la cruche à l’eau.... —). La forme complète de ce dicton est, d’après Suidas:

Γρὺξ ἀνήρ πληγεὶς ἀμείνων καὶ διακονέστερος

[4] Garde tes grimaces.... Le bel esclave implore sans doute sa maîtresse du regard et fait appel à toutes ses séductions.

[5] Du côté où il doit aller. Il faut prendre ici le verbe ὁδάω dans son sens étymologique « mettre sur le chemin ». Il signifie d’ordinaire exporter ou vendre.

[6] Antidoros. Crusius pense que ce nom est choisi à dessein, comme si l’on disait chez Talion. L’idée est ingénieuse.

[7] Des bleus et des noirs. Nous avons à dessein commenté le texte (μιῇ δεῖ σε ὁδῷ γενέσθαι ποικίλον). Ce qui suit n’est pas intelligible pour nous.

[8] Kudilla, ne m’obsède pas. Nous avons adopté la distribution proposée par Weil et sa correction τέγγου.

[9] Les Gérénies. C’est la fête des morts. On s’est demandé quel était le héros qui aurait porté le nom de Φέρην ou Γερήνιος. Crusius fait observer que Nestor porte le nom de Γερήνιος et qu’il y avait à Cos un γένος; des Nestorides. Strabon (p. 360) signale d’autre part un sanctuaire d’Asklépios de Trikka dans la ville de Gérénia. Ces rapprochements ont leur intérêt, mais on n’en peut tirer que de simples conjectures.

MIME VI

[1] Bonnes à chômer. Le texte grec est encore plus énergique dans sa concision.

[2] Baubon. C’est laσκυτίνη ἐπικπυρία dont parle Aristophane (Lysistrata, vers 110).

[3] Oh, les femmes! Koritto ne prend pas les femmes témoin, et γυναῖκες n’est pas un vocatif tel que θεοί. C’est plutôt un cri d’indignation provoqué par l’indiscrétion des femmes.

[4] Cette Nossis.... Crusius fait de Νοσσίδι χρῆσθαι une phrase exclamative : « le prêter à Nossis! » et sépare ainsi les mots suivants : τῇ μή, δοκέω... Δοκέω affaiblit la pensée et μή ne se justifie pas. Nous prenons avec Weil Μηδόκεω pour un nom propre.

[5] Adrastée. « L’Inévitable » c’est un autre nom de Némésis.

[6] Une femme de bien.... On sent l’intention ironique du poète : le mot κρηγύης fait sourire, et ce sage conseil pourrait trouver une application plus honnête.

[7] Métro laisse entendre qu’il y aurait fort à dire sur son compte.

[8] L’effroi du pauvre monde. Le grec dit littéralement « toute porte les redoute », c’est-à-dire reste fermée.

[9] Que l’occasion fût favorable. Ce vers a été diversement écrit. Nous l’écrivons, comme Weil,

ἔδει γὰρ ἀλλὰ καιρὸν οὖν (ms. οὐ) πρέποντ' εἶναι.

Crusius écrit et ponctue

ἔδει γάρ, ἀλλ' ἄκαιρον οὐ πρέπον γ' εἶναι.

Blass a lu cependant après πρέπον, non un γ, mais un τ.

[10] Kandas. Nous écrivons Κανδᾶτος, avec Buecheler.

11. Son entremise. Nous hasardons un sens probable : le vers est très obscur.

[12]. Ne bavardons pas. Nous traduisons la conjecture de Diels :  μ[ὴ ὦμεν κω]τίλαι μάτ[ην].

[13] Ferme la porte. Ce qui suit nous indique que la scène se passe dans un faubourg. Il n’est pas nécessaire de supposer que nous sommes à la campagne parce qu’il est ici question d’une basse-cour.

[14] L’enclos. Nous écrivons ἅ[ἔρκ]ται, conjecture de Diels, que les dernières lectures de Blass ne contredisent pas.

MIME VII

[1] L’épine. Nous supposons, avec Crusius, qu’il s’agit d’un outil de cordonnier: le vers est d’ailleurs mutilé, et très difficile à compléter.

[2] Bien sonnantes. Nous sous-entendons δεσμά.

[3] Cette armoire. Le grec dit πυ[ρ]φῖδα. C’est une armoire en forme de tourelle.

[4] La troisième planchette. Nous traduisons la conjecture de Diels : τοῦ τρ[ίτου κρεμαστῆρ]ος.

[5] Une couleur pareille. Nous n’avons pas traduit le vers suivant, dont le sens est très obscur. Crusius en donne une explication fort hasardée « ni le lis ni la cire n’ont une pareille blancheur ».

[6] Kandas. Nous écrivons Κανδᾶ[τι (Blass). C’est le nom du corroyeur.

[7] Il me faut dire merci. La phrase est mutilée. Le sens proposé par Blass est tout à fait satisfaisant.

[8] Sur ma chaise. Θάλπω[τὸν δίφρον] ἡμέων est une conjecture excellente : pourtant Blass lit un sigma avant ἡμέων; les vers qui suivent sont très mutilés, d’une restitution presque impossible.

[9] Car mes enfants. Ἀργ[οῦσιν παῖδε]ς (conjecture de Crusius) nous paraît un supplément très vraisemblable.

[10] Bien chaussées. Nous lisons avec Blass δεῖ [κ]αλ[ὰ]ς γ[ε]νηθείσας, « devenues belles ».

[11] Des Sicyone.... Le poète s’amuse à débiter une longue kyrielle de noms de chaussures. A notre tour nous nous sommes amusés à chercher des équivalents français de celles sur lesquelles on a quelques renseignements, ou dont le nom laisse entrevoir la nature.

[12] Friands de cuir. On connaît le proverbe χαλεπὸν χορίου κύνα γεύειν (Théoc., X, 11) et le vers d’Horace (Sat., II, 5, 83)

Canis a corio nunquam absterrebitur uncto.

Le rusé compère applique le dicton à ses clientes, sans doute dans un aparté.

[13] D’être trompée. Tel est le sens probable de ce vers. On ne peut lire avec certitude que les mots... γὰρ οὔ σε ῥῃδίως. Blass hasarde ῥινᾷ (mener par le nez, tromper).

[14] A fait son nid. C’est une paraphrase du mot ἀλωπεκία, qui désigne la calvitie. Le sens du vers suivant est très obscur.

[15] Et un galeux. Nous écrivons avec Buecheler ἀλλ' εἷς κνῦσα.... Crusius écrit ἄλλαις ; ce qui s’accorde bien avec son explication du vers suivant, malheureusement très hasardée.

[16] C’est pour l’amour de Métro que je le fais. La fin du vers est très mutilée : la conjecture χειλοῖν est toute gratuite : rien ne subsiste que l’ε, d’après la lecture de Blass.

[17] Toi aussi. Le vers suivant n’est pas intelligible pour nous.

[18] Ni temps ni talent. Nous adoptons la leçon de Crusius et l’interprétation de Buecheler.

MIME VIII

[1] Un flocon de laine. Mégallis veut sans doute faire un sacrifice expiatoire, comme c’était la coutume après un songe.

FRAGMENT DÉTACHÉ

[1] Pour les fils de Xouthos. Entendez les Ioniens.

FRAGMENT IV.

[1] Sois-en sûr. Nous accentuons δόκει, avec Schneidewin.