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table des matières de DIOGENE LAERCE

Diogène Laërce

 

 

LIVRE VII

 

ARISTON

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

Zénon        Hérille

 

Le texte est parfois écrit en marron clair, ce qui signifie un emprunt à la traduction de Zevort. 
Le texte en bleu concerne les citations.

 

 

 

ΑΡΙΣΤΩΝ

Ἀρίστων ὁ Χῖος ὁ Φάλανθος ἐπικαλούμενος Σειρήν. Τέλος ἔφησεν εἶναι τὸ ἀδιαφόρως ἔχοντα ζῆν πρὸς τὰ μεταξὺ ἀρετῆς καὶ κακίας μηδ' ἡντινοῦν ἐν αὐτοῖς παραλλαγὴν ἀπολείποντα, ἀλλ' ἐπίσης ἐπὶ πάντων ἔχοντα· εἶναι γὰρ ὅμοιον τὸν σοφὸν τῷ ἀγαθῷ ὑποκριτῇ, ὃς ἄν τε Θερσίτου ἄν τε Ἀγαμέμνονος πρόσωπον ἀναλάβῃ, ἑκάτερον ὑποκρίνεται προσηκόντως. Τόν τε φυσικὸν τόπον καὶ τὸν λογικὸν ἀνῄρει, λέγων τὸν μὲν εἶναι ὑπὲρ ἡμᾶς, τὸν δ' οὐδὲν πρὸς ἡμᾶς, μόνον δὲ τὸν ἠθικὸν εἶναι πρὸς ἡμᾶς.

[161] Ἐοικέναι δὲ τοὺς διαλεκτικοὺς λόγους τοῖς ἀραχνίοις, ἃ καίτοι δοκοῦντα τεχνικόν τι ἐμφαίνειν, ἄχρηστά ἐστιν. Ἀρετάς τ' οὔτε πολλὰς εἰσῆγεν, ὡς ὁ Ζήνων, οὔτε μίαν πολλοῖς ὀνόμασι καλουμένην, ὡς οἱ Μεγαρικοί, ἀλλὰ κατὰ τὸ πρός τί πως ἔχειν. Οὕτω δὲ φιλοσοφῶν καὶ ἐν Κυνοσάργει διαλεγόμενος ἴσχυσεν αἱρετιστὴς ἀκοῦσαι. Μιλτιάδης οὖν καὶ Δίφιλος Ἀριστώνειοι προσηγορεύοντο. Ἦν δέ τις πειστικὸς καὶ ὄχλῳ πεποιημένος· ὅθεν ὁ Τίμων φησὶ περὶ αὐτοῦ,

Καί τις Ἀρίστωνος γέννης ἄπο αἱμύλον ἕλκων.

[162] Παραβαλὼν δὲ Πολέμωνι, φησὶ Διοκλῆς ὁ Μάγνης, μετέθετο, Ζήνωνος ἀρρωστίᾳ μακρᾷ περιπεσόντος. Μάλιστα δὲ προσεῖχε Στωικῷ δόγματι τῷ τὸν σοφὸν ἀδόξαστον εἶναι. Πρὸς ὃ Περσαῖος ἐναντιούμενος διδύμων ἀδελφῶν τὸν ἕτερον ἐποίησεν αὐτῷ παρακαταθήκην δοῦναι, ἔπειτα τὸν ἕτερον ἀπολαβεῖν· καὶ οὕτως ἀπορούμενον διήλεγξεν. Ἀπετείνετο δὲ πρὸς Ἀρκεσίλαον· ὅτε θεασάμενος ταῦρον τερατώδη μήτραν ἔχοντα, « οἴμοι, » ἔφη, « δέδοται Ἀρκεσιλάῳ ἐπιχείρημα κατὰ τῆς ἐναργείας. »

[163] Πρὸς δὲ τὸν φάμενον Ἀκαδημαϊκὸν οὐδὲν καταλαμβάνειν, « ἆρ' οὐδὲ τὸν πλησίον σου καθήμενον ὁρᾷς; » εἶπεν· ἀρνησαμένου δέ,

τίς <δέ> σ' ἐτύφλωσεν (ἔφη), τίς ἀφείλετο λαμπάδος αὐγάς;

Βιβλία δ' αὐτοῦ φέρεται τάδε·

Προτρεπτικῶν βʹ,
Περὶ τῶν Ζήνωνος δογμάτων,
Διάλογοι,
Σχολῶν Ϛʹ,
Περὶ σοφίας διατριβῶν ζʹ,
Ἐρωτικαὶ διατριβαί,
Ὑπομνήματα ὑπὲρ κενοδοξίας,
Ὑπομνημάτων κεʹ,
Ἀπομνημονευμάτων γʹ,
Χρειῶν ιαʹ,
Πρὸς τοὺς ῥήτορας,
Πρὸς τὰς Ἀλεξίνου ἀντιγραφάς,
Πρὸς τοὺς διαλεκτικοὺς γʹ,
Πρὸς Κλεάνθην,
Ἐπιστολῶν δʹ,

Παναίτιος δὲ καὶ Σωσικράτης μόνας αὐτοῦ τὰς ἐπιστολάς
φασι, τὰ δ' ἄλλα τοῦ περιπατητικοῦ Ἀρίστωνος.

[164] Τοῦτον λόγος φαλακρὸν ὄντα ἐγκαυθῆναι ὑπὸ ἡλίου καὶ ὧδε τελευτῆσαι. Προσεπαίξαμεν δ' αὐτῷ τόνδε τὸν τρόπον τῷ ἰάμβῳ τῷ χωλῷ·

Τί δὴ γέρων ὢν καὶ φάλανθος, ὦ 'ρίστων,
τὸ βρέγμ' ἔδωκας ἡλίῳ κατοπτῆσαι;
τοιγὰρ τὸ θερμὸν πλεῖον ἢ δέοι ζητῶν
τὸν ψυχρὸν ὄντως εὗρες οὐ θέλων Ἅιδην.

Γέγονε δὲ καὶ ἄλλος Ἀρίστων Ἰουλιήτης περιπατητικός, ὁ δέ τις μουσικὸς Ἀθηναῖος, τέταρτος ποιητὴς τραγῳδίας, πέμπτος Ἁλαιεὺς τέχνας γεγραφὼς ῥητορικάς, ἕκτος Ἀλεξανδρεὺς περιπατητικός.

ARISTON.

 

Ariston le Chauve, natif de Chio et surnommé Sirène, faisait consister la fin qu'on doit se proposer à être indifférent sur ce où il n'y a ni vice ni vertu. Il n'exceptait aucune de ces choses, ne penchait pas plus pour les unes que pour les autres, et les regardait toutes du même œil. « Le sage, ajoutait-il, doit ressembler à un bon acteur qui, soit qu'il joue le rôle de Thersite[1] ou celui d'Agamemnon, s'en acquitte d'une manière également convenable. » Il voulait qu'on ne s'appliquât ni à la physique ni à la logique, sous prétexte que l'une de ces sciences était au-dessus de nous, et que l'autre ne nous intéressait point.

[161] La morale lui paraissait être le seul genre d'étude qui fût propre à l'homme. Il comparait les raisonnements de la dialectique aux toiles d'araignées, qui, quoiqu'elles semblent renfermer beaucoup d'art, ne sont d'aucun usage. Il n'était ni de l'avis de Zénon, qui croyait qu'il y a plusieurs sortes de vertus, ni de celui des philosophes mégariens, qui disaient que la vertu est une chose unique, mais à laquelle on donne plusieurs noms. Il la définissait la manière dont il se faut conduire par rapport à une chose. Il enseignait cette philosophie dans le Cynosarge,[2] et devint ainsi chef de secte. Miltiade et Diphilus furent appelés aristoniens, du nom de leur maître. Au reste, il avait beaucoup de talent à persuader, et était extrêmement populaire dans ses leçons. De là cette expression de Timon :

Quelqu'un, sorti de la famille de cet Ariston, qui était si affable.

[162] Dioclès de Magnésie raconte qu'Ariston s'étant attaché à Polémon, changea de sentiment à l'occasion d'une grande maladie où tomba Zénon. Il insistait beaucoup sur le dogme stoïcien, que le sage ne doit point juger par simple opinion. Persée, qui contredisait ce dogme, se servit de deux frères jumeaux, dont l'un vint lui confier un dépôt que l'autre vint lui redemander, et le tenant ainsi en suspens, il lui fit sentir son erreur. Il critiquait fort et baissait Arcésilas; de sorte qu'un jour ayant vu un monstrueux taureau qui avait une matrice, il s'écria : « Hélas ! voilà pour Arcésilas un argument contre l'évidence.[3] »

[163] Un philosophe académicien lui soutint qu'il n'y avait rien de certain. Quoi ! dit-il, ne voyez-vous pas celui qui est assis à côté de vous? Non, répondit l'autre. Sur quoi Ariston reprit : Qui vous a ainsi aveuglé? qui vous a ôté l'usage des yeux?[4]

On lui attribue les ouvrages suivants :
deux livres d'Exhortations,
des Dialogues sur la philosophie de Zénon,
sept autres Dialogues d'école,
sept traités sur la Sagesse,
des traités sur l'Amour,
des commentaires sur la vaine Gloire,
quinze livres de Commentaires,
trois livres de Choses mémorables,
onze livres de Chries,
des traités contre les Orateurs,
des traités contre les Répliques d'Alexinus,
trois traités contre les Dialecticiens,
quatre livres de lettres à Cléanthe.

Panétius et Sosicrate disent qu'il n'y a que ces lettres qui soient de lui, et attribuent les autres ouvrages de ce catalogue à Ariston le péripatéticien.

[164] Selon la voix commune, celui dont nous parlons, étant chauve, fut frappé d'un coup de soleil, ce qui lui causa la mort. C'est à quoi nous avons fait allusion dans ces vers choliambes[5] que nous avons composés à son sujet :

Pourquoi, vieux et chauve, Ariston, donnais-tu ta tête à rôtir au soleil? En cherchant plus de chaleur qu'il ne t'en faut, tu tombes, sans le vouloir, dans les glaçons de la mort.

Il y a eu un autre Ariston, natif d'Ioulis, philosophe péripatéticien; un troisième, musicien d'Athènes; un quatrième, poète tragique ; un cinquième, du bourg d'Alæe, qui écrivit des systèmes de rhétorique ; et un sixième, né à Alexandrie, et philosophe de la secte péripatéticienne.


 

 

[1] Homme laid et grossier.

[2] Nom d'un temple d'Hercule à Athènes. Pausanias, Voyage de l'Attique, ch. 18.

[3] Il fut le premier qui soutint le pour et le contre.

[4] Vers d'un poète inconnu. Ménage.

[5] Sorte de vers ïambes.