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table des matières d'ADAMANTIUS

 

Adamantius

 

 

TRAITÉ SUR LA PHYSIONOMIE.

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

 

Au Lecteur instruit.

CE n'est pas ici un Traité de géomancie ni de chiromancie tels que les quinzième & seizième siècles en ont vu paraître, mais un résultat d’observations sur l'homme & les rapports entre le corps & l’âme.

Ce petit ouvrage n'est qu'une légère esquisse des différents traits de l’homme ; cependant avec ce secours le Physionomiste pourra connaître tous ses semblables, de quelque pays & de quelque nation qu'ils soient ; surtout s'il n’est pas trop légèrement crédule, & que la maturité & une longue réflexion accompagnent ses jugements. Qu’il pèse chaque trait, ses propriétés, les manières différentes dont il est combiné dans les différents individus, qu'il sache distinguer le plus ou le moins d'autorité qu'ils peuvent avoir; enfin que son jugement soit appuyé du suffrage du plus grand nombre de signes.

Les gens de bien pourront, avec ces observations se choisir des amis ou des gens de confiance si difficiles à trouver, & les méchants pourront reconnaître leurs semblables. Ce petit Ouvrage est tombé sous ma main, & j'ai cru, en le publiant, rendre un service essentiel à mes Concitoyens.

PRÉFACE

Du Sophiste Adamantius.

J'ai puisé dans Aristote les principes de l’art que je vais traiter ; c'est lui qui m'a fourni la plus grande partie de mes matériaux ; j'ai réduis mes préceptes en pratique ; enfin, après un fréquent usage & une longue étude de la société, je me suis décidé à placer dans ce petit Ouvrage, comme dans une enceinte sacrée, ce monument de mon zèle, qui pourra être de la plus grande utilité à nos descendants.

La physionomie n'a pas besoin du secours de la voix pour se faire entendre, elle a son langage particulier, & ses lignes sont l'expression non équivoque du caractère & de l'intérieur.

Dans le corps de mon Ouvrage, je n'ai fait que donner plus d'étendue à ce qu'un auteur avait dit avant moi. C'était un secours à la portée de tout le monde, ce que je n'ai pas craint de m'approprier, du reste je me suis contenté d'y ajouter le peu de connaissances que j'ai pu acquérir, & que j'ai jeté à mesure sur le papier. Je voulais laisser à d'autres après moi le soin de donner au public ce petit Recueil de recherches intéressantes, & même précieuses pour quelques lecteurs curieux de s'instruire; car de toutes mes productions je ne voulus jamais en publier aucunes. Je me défiais avec raison de la malignité, effet immanquable de la jalousie toujours plus redoutable aux vivants, & qui d'ordinaire s'acharne avec plus de force contre les productions sérieuses & utiles.

Mais vous ne m'eûtes pas plutôt témoigné confiance, quelque désir que je vous donnasse cette marque de mon attachement, que sans écouter ma répugnance, ni les sentiments que j'avais suivis jusque là, j'ai publié mon Ouvrage ; le penchant & la volonté se taisent sans peine, quand la reconnaissance & l’amitié parlent au cœur.

S'il est des découvertes dont les auteurs nous semblent avoir eu quelque chose de plus qu'humain, c'est sans doute celle de l’art que je vais traiter & qui sera une source d'avantages sans nombres pour ceux qui voudront se livrer à son étude.

S'agit-il de déplacer un dépôt, de confier sa femme ou ses enfants, ou même de former les liaisons les plus ordinaires, on se gardera bien de s'adresser à quelqu'un dont la physionomie trop sincère dévoile de la bassesse dans les sentiments, de la noirceur dans les intentions, & nulle sûreté dans le commerce de la vie.

Ainsi c'est un oracle infaillible émané de la Divinité même, entendu du seul physionomiste à qui il révèle ses intentions & le caractère de ses semblables. Avec un pareil guide on ne peut choisir que des amis sûrs & vertueux, & on n'a pas besoin d'apprendre à l'école de l'expérience à se garantir des dangereuses intrigues du méchant.

C'est pourquoi le sage doit donner tous ses soins à la théorie de mon art ; mais dans la pratique qu'il ait égard aux changements que la différence des âges & des pays fait subir aux traits ; car dans plusieurs individus ces signes se trouvent en contradiction, & quoique alors même l'expression de la figure ne soit pas équivoque, cependant on prononce plus sûrement quand ils se trouvent d'accord.

En effet on peut sans peine connaître le caractère d'un peuple, en étudiant celui des différentes classes qui le composent. Chaque nation a ses signes, mais en petit nombre. Les Égyptiens ont les leurs, ainsi que les autres peuples & c'est d'après eux que le physionomiste prononce. Tous les hommes, les Arabes comme les Scythes ont certains caractères nationaux, comme j'aurai lieu d'en parler dans la suite.

Dans les individus la physionomie éprouve de bien plus grandes variations; il est cependant bien plus important de connaître les différences particulières que celles qui sont générales & communes à une nation entière. C'est ce détail presque infini qui fait toute la difficulté de notre art. Ayez soin de choisir les signes les plus apparents et les mieux prononcés : il ne faut pas croire à tous également; leur autorité & leur vertu n'est pas à beaucoup près la même. C'est ce mélange de signes divers qui introduit le plus d'irrégularité & d'exceptions dans nos principes ; car c'est là précisément ce qui fait connaître les passions & les projets des hommes.

Les différentes affections de l'âme changent quelquefois tout à fait la figure, la joie, la douleur, le repentir, la colère avant & après les accès. Quelqu'un réfléchit-il, écoute-t-il, regarde-t-il, sa physionomie vous le dit assez. Elle ne se tait ni sur l'état de l’âme, ni sur l'état du corps; car voyez un homme à jeun, son visage vous dit qu'il souffre de la faim.

Cependant la figure ne se décompose pas également dans tous les hommes ; les changements qui s'y font varient autant que les sujets. Mais toutes les fois qu'un homme porte sur sa figure le signe évident d'une passion quelconque, décidez à coup sûr qu'il a dans l'âme ce qu'il porte à l'extérieur.

Quelqu'un, par exemple, porte-t-il les marques d'un homme réfléchi ; il est sans difficulté de bon conseil, mais inquiet. Un autre annonce-t-il sur sa figure une âme servile, portée au mensonge & à la tromperie, ne vous fiez jamais à sa bonne foi.

De même aussi un homme ne se fut-il jamais mis en colère devant vous, s'il porte les lignes évidents de cette passion, prononcez hardiment qu'il est colère. Il en est de même pour les autres passions.

Des regards voluptueux où respire la langueur & le plaisir prouvent qu'on aime les femmes, qu'on est audacieux, impudent, porté à la jalousie, à la tromperie & à tous les vices, effets ordinaires de cette passion.

Ceux qui, dans leur jeunesse, ont quelque chose de vieux dans la figure, sont craintifs, soupçonneux, d'une humeur difficile & craignant la dépense, mais prudents en même temps & de bon conseil ; en un mot, ils ont le bien & le mal du vieil âge; Comme aussi les vieillards qui ont encore l'air jeune aiment les enfants & les ris, sont simples & connaissent peu le mal ; ils conservent le caractère de l'âge dont ils ont conservé la figure.

Il se trouve dans quelques personnes des traits d'oiseaux ou d'animaux analogues aux passions qu'ils peignent, & quoiqu'ils ne soient ni parfaitement exacts ni très bien prononcés, ils se font cependant autant que la figure de l'homme peut se prêter à cette conformité.

Le physionomiste qui trouve dans le même homme de pareils traits rassemblés, doit fonder là-dessus son jugement ; car la physionomie est susceptible d'autant de signes différents, que l'âme de passions différentes. La respiration, le son de la voix, la peau, rien n'est muet pour le physionomiste. Le plus grand nombre de signes ou même tous, se trouvent réunis dans les yeux. Ce sont deux ouvertures par lesquelles l’âme se montre. Il faut examiner avec une scrupuleuse attention ceux qui peuvent s'y rencontrer ; étant si petits, leurs différences sont essentielles.

Surtout ne prévenez jamais celui dont vous voulez étudier la figure, de peur qu'il ne cherche à contrefaire ses traits, & ne dérange les signes naturels.

TRAITÉ SUR LA PHYSIONOMIE.

I.

Observations générales:

 

Je ne prétends pas ici retracer aux yeux de mes lecteurs cette variété incroyable de traits & de signes que la nature combine avec tant d'art dans les différents individus ; il suffira de rassembler quelques portraits plus remarquables & plus ordinaires; ceux-ci une fois connus, mèneront à la connaissance de tous les autres.

L'homme vigoureux & brave a le corps droit; les membres bien placés, les articulations & toutes les extrémités nerveuses, de gros os, mais sans roideur; il a le ventre plat, les épaules en arrière, les poumons très ouverts, la poitrine & le dos vigoureux, la jambe sèche, les cuisses assez grosses, les environs de la cheville & tout le pied secs & nerveux ; la peau saine & ferme, le regard vif; les yeux ni trop grands, ni trop ouverts, doivent être humides, & soutenir sans peine l'éclat du jour. Que ses sourcils soient bien proportionnés, que son front ne soit ni toujours ridé, ni toujours dans son état naturel ; sa voix doit être forte & avoir même quelque chose de rude ; sa respiration doit être soutenue ; à ces traits vous reconnaîtrez l'homme brave & vigoureux:

Le lâche n'est pas moins reconnaissable ; une chevelure molle, un maintien nonchalant, un long cou, une peau basanée, des regards troublés, des paupières agitées, une respiration incertaine, des jambes minces, de grands sourcils, de longues mains, une poitrine faible, une voix douce & perçante, vous feront reconnaître la lâcheté & la faiblesse réunies.

Celui que la nature s'est plu à former, est d'une taille médiocre, ses cheveux sont blonds, sa peau d'un blanc sans éclat, ses cheveux ni trop frisés, ni trop droits, son maintien est noble, son corps droit, ses membres assez gros, mais souples & déliés, sa peau est douce, mais sans excès ; ses jambes & ses cuisses annoncent l'embonpoint ; les muscles & les nerfs sont fortement prononcés sur ses mains & sur ses pieds ; ses doigts sont bien proportionnés, bien arrondis & fort souples ; son visage ni trop maigre ni trop plein, annonce la santé; les yeux humides & brillants respirent la joie & la gaîté. Un extérieur si favorable annonce le plus heureux naturel.

L'homme stupide & sans ouverture, a la peau très blanche, le ventre fort gros, tous les membres gras & charnus, les articulations fort petites, les épaules étroites & serrées, le cou de travers & fort gros, toutes les extrémités mal faites, de grosses joues, le front bombé, un regard inanimé & sans expression.

L'impudent a toujours les yeux levés ; ses paupières épaisses ne se ferment jamais ; il a le regard vif, le pied court, le nez gros ; il se redresse toujours & regarde en face, il est ordinairement roux & a la voix perçante.

L'homme grave parle sentencieusement, marche à petits pas ; ses paupières s'ouvrent & se ferment régulièrement & par intervalles ; ses yeux ne sont ni humides, ni brillants, ils n'annoncent pas la gaieté ; souvent vous le verrez rougir.

La gaieté naturelle s'annonce par un visage assez plein, un front plat & uni, un air un peu froid, des yeux très brillants & humides, un regard indifférent, des manières nonchalantes & une voix douce.

Les gens tristes & chagrins ont le visage maigre & décharné, un front ridé ; leurs paupières sont fixes & immobiles, leurs sourcils se touchent, leurs gestes & tout leur maintien annonce la langueur & l'épuisement.

L'efféminé a les yeux humides, le regard impudent, les prunelles dans une agitation perpétuelle, les sourcils immobiles, le cou penché, les membres & ses flancs sont tremblants & agités; il retire son front & ses sourcils, frotte continuellement ses mains; il saute & se balance en marchant; vous le voyez se contempler & s'admirer sans cesse ; ses genoux ; trop faibles, plient sous lui ; sa voix est perçante, mais étouffée & languissante.

Le méchant est ordinairement maigre & pâle; il a l'œil sec, le regard dur, le front ridé, un gros son de voix, la respiration fréquente; ses mains, toujours levées, sont sans cesse en mouvement; ses jambes tremblent sous lui.

La douceur s'annonce bien différemment ; tout l'extérieur annonce la vigueur, le corps est sain & bien portant, la peau est douce, les membres sont ordinairement bien proportionnes, le regard est affable & tranquille, le mouvement des yeux fort lent, la voix agréable ; les cheveux plantés un peu en avant, doivent s'avancer sur le front.

Le moqueur a le contour des yeux enflé, le regard aimable, la voix basse, la démarche aisée & gracieuse, ses mouvements & les gestes sont étudiés & faits avec art.

L’avare est roux ordinairement ; il a de petits membres, une petite tête, de petits yeux, marche à petits pas, est toujours courbé, parle vite, a une voix aigre & perçante.

Le joueur est fort velu, ses poils & ses cheveux sont noirs & raides, sa barbe est épaisse, ses tempes sont couvertes de cheveux, ses yeux sont humides & brillants : l'homme actif & laborieux a les mêmes signes.

Dans les animaux il est aisé de remarquer les nuances que fait subir à leurs traits leur genre de vie, & la différence de leurs caractères ; parmi ceux de la même espèce, on reconnaît sans peine; ceux qui sont privés & ceux qui ne le sont pas. L'extérieur des uns est doux & posé ; celui des autres annonce la défiance & la malice ; voyez les chèvres, les ânes, les chevaux, les bestiaux en général ? dans l'état de domesticité, ils portent un ton de douceur & de familiarité; lorsque au contraire, toujours impétueux & turbulents, la vie sauvage leur donne l'air méchant, & laisse leur corps dans un état de maigreur, effet du trouble & de l'agitation perpétuelle où ils vivent.

Cette remarque peut s'appliquer aux hommes. Chaque signe de caractère laisse entrevoir des nuances de douceur ou de dureté ; l'homme juste & droit s'annonce toujours par les mêmes signes ; mais l'un a quelque chose de plus liant & de plus aimable dans l'humeur ; l'autre, raide & inflexible, ne connaît aucuns ménagements. La sagesse & le courage admettent les mêmes modifications ; s'agit-il d'un homme injuste ou adonné à ses plaisirs, vous saurez si l'un cherche à couvrir ses injustices des dehors de la douceur, si l'autre satisfait brutalement ses passions. Dans les hommes efféminés, ces nuances sont également sensibles ; ce que j'ai dit doit suffire pour les distinguer.

La méchanceté se trouve quelquefois réunie à la folie, ce mélange malheureux a des lignes particuliers ; des cheveux longs & raides, la tête étroite & de travers, l'oreille très évasée, le cou gros & rond ; de petits yeux secs, mornes & enfoncés ; les joues allongées, le menton très long, la bouche ouverte & très fendue, de manière que le visage semble partagé en deux ; le corps petit & ramassé, un gros ventre, de grosses jambes ; les mains & les pieds aussi fort gros, le teint pâle ; & cet appesantissement & cette langueur ordinaire après le sommeil ou l'ivresse ; un son de voix aigre mais impudent.

 

II.

Des Yeux

Les yeux humides & luisants sont la marque d'un heureux naturel. Tels sont les yeux des enfants. Une grande prunelle est un signe de simplicité & de bonhomie; les petites annoncent de la malice & de la méchanceté; c'est ce qu'on peut voir dans les animaux: les serpents, les singes, les renards, qui tous aiment à nuire, ont la vue fine & perçante. Les bestiaux au contraire, les bœufs, les moutons qui sont naturellement doux, ont une large prunelle, & la vue bornée.

L'esprit ne peut être droit & juste quand la prunelle n'est pas proportionnée à l'œil.

On reconnaît l'homme injuste à l'inégalité des prunelles : l’injustice se décèle aussi par de petits cercles qui entourent la prunelle ; ce signe se trouve quelquefois placé au-dessus des paupières, où il paraît en forme de nuage sombre ou de couleur plombée, preuve certaine de la colère de quelque particulier acharné à vous persécuter & à vous perdre. Mais quand ils sont placés, comme je l'ai déjà dit, autour de la prunelle, examinez si leur mouvement est toujours le même ; car alors on a commis un crime ou un acte d'injustice, on a massacré un de ses proches, satisfait une passion honteuse & illicite, ou renouvelle l'horrible festin de Thyeste. Mais si dans leur révolution ces petits orbes reviennent sur eux-mêmes, s'arrêtent, & puis se remettent en mouvement, c'est qu'on couve quelque projet injuste qu'on n'a pas encore exécuté; & que tantôt on est sur le point d'entreprendre, ou que tantôt on est retenu par la crainte ou la nonchalance.

Les yeux élevés & fixes sont toujours de mauvaise augure ; s'ils sont humides, ils annoncent de la pusillanimité ; s'ils sont secs, c'est de la folie; s'ils sont mornes & pâles, c'est de la stupidité. Il faut se défier de ceux qui relèvent souvent leurs sourcils & reprennent souvent leur haleine ; car ils sont vindicatifs, cruels & méchants. Des yeux rougeâtres & fixes annoncent un penchant violent pour la bonne chère & les plaisirs de la table. Quand ils ne sont ni baissés ni élevés, & sont marqués de rouge. Ils marquent un homme impudent, injuste, dur & insatiable. De petits yeux élevés sont ceux de l'avare & de l'homme avide de gain. Les personnes qui savent ramener en avant le front & les sourcils, sont ordinairement rusées & adroites. Quand avec les signes précédents on contracte ses membres, on annonce de plus de la colère. Quant aux yeux bleus, fixes & sans éclat, défiez vous-en, gardez-vous d'avoir un pareil ami, ne l’ayez ni pour voisin, ni pour concitoyen. Au milieu de la joie de ses amis, le traître ne veille que pour faire le mal & établir sa fortune sur les débris de la leur. De petits yeux humides & élevés, des paupières en mouvement, des sourcils froncés, marquent un homme inquiet, curieux d'apprendre & de s'instruire ; dans cette classe d'yeux, ce sont là les plus favorables.

Les yeux dont le mouvement est rapide, marquent un homme turbulent, soupçonneux, défiant, agissant peu, mais toujours prêt à agir ; ceux qui remuent à la fois les sourcils & les yeux, sont ordinairement lâches & sans cœur ; ceux au contraire qui, laissant leurs paupières immobiles, remuent les yeux avec rapidité, sont audacieux & intrépides dans le danger. S'ils les remuent avec lenteur, ils sont mous, lâches, insensibles, difficiles à mettre en action mais une fois excités, rien ne peut les arrêter. En un mot il y a du plus & du moins dans ces différentes qualités, comme dans le mouvement des yeux. Les yeux égarés & sombres sont le signe de la folie ; de grands yeux tremblants sont l'indice assez sûr d'un fou ou d'un hébété, d'un homme esclave de son ventre, & de son appétit insatiable. De petits yeux bleus & tremblants annoncent l'impudence, l'injustice, la défiance, une envie basse qui nous fait voir avec plaisir les malheurs de nos semblables. De petits yeux jaunâtres ou noirs disent à peu près la même chose ; les premiers cependant marquent un homme incapable, irrésolu ; les autres, un homme impudent & colère. Ceux dont la lymphe est très abondante, semblent ne respirer que les plaisirs & les douceurs de l'amour ; ils ne sont ni malfaisants, ni injustes ; ils aiment les muses, & sont d'un heureux naturel.

Les yeux bleus & de très petites prunelles sont la marque la plus certaine d'une âme vile & intéressée ; quand ils sont un peu secs, ils annoncent un naturel agreste & des passions brutales, mais alors ils tirent beaucoup sur le vert; quand ils sont de couleur plombée, ils sont toujours humides, & sont d'un très heureux présage. De grands yeux humides & sains, mais sans éclat, marquent une belle âme & un homme plein de cœur. La faiblesse & la pusillanimité se trouvent peintes dans ceux dont le bleu est faible & tire sur le blanc. Au reste il ne faut jamais se décider que d'après le résultat de tous les signes ensemble.

Les yeux tachetés sont presque toujours jaunâtres. Rarement ils sont bleus; cependant nous ne parlerons ici que des derniers.

Quand il se trouve autour de la prunelle de petits points de couleur plombée, & une autre rangée semblable de couleur dorée & parallèle à la première, de manière qu'elle forme une espèce de collier autour de la prunelle, c'est là la marque d'un caractère trompeur & fourbe, d'un homme plein d'intelligence & de présence d'esprit, mais sans audace. Quand les yeux sont tachetés & petits, c'est qu'on est adroit, rampant, propre à capter les bonnes grâces des grands, qu'on aime à faire tout avec mystère, & que dans les actions même indifférentes, le secret plaît beaucoup plus que la publicité ; c'est que la soif du gain est le seul mobile de toutes les actions & ne peut-être maîtrisée que par la crainte, car en cela ils ne cèdent en rien aux animaux les plus timides. Ces mêmes yeux sont du plus heureux présage quand ils sont posés & tranquilles. Les yeux toujours dirigés en haut, annoncent de l'extravagance ou de la stupidité, une avidité brutale pour le boire & le manger. C'est aussi là l'indice de la maladie que les Grecs appellent sacrée. Quand aux signes précédents se joint un tremblement involontaire, c’est que le mal est sur le point de se déclarer. Quand les yeux sont pâles, on est alors cruel & sanguinaire ; quand ils tirent sur le rouge, ils annoncent la passion du jeu & des femmes, des mœurs débordées, quelquefois même de l'extravagance, & nulle fuite ni dans les discours, ni dans les idées; Quand les deux yeux sont baissés à la fois, ils disent à peu près la même chose que quand ils sont dirigés en haut. Mais quand l'un est baissé, & que l'autre au contraire est levé, & que les sourcils se retirent, c'est qu'alors on est arrivé au dernier période de la maladie dont j'ai parlé.

Quand les yeux sont tournés, tout dépend de leur position respective : quand ils sont tournés à droite, c'est de la folie ; à gauche du libertinage. S'ils se croisent mutuellement en se réunifiant vers le nez, on n'est ennemi ni de Vénus, ni des Muses ; s'ils sont secs, très ouverts & immobiles, ils sont injustes, méchants, sans pudeur, & également odieux à Vénus & aux Muses; s'ils sont sujets à trembler, ils sont malfaisants & capables de tout oser.

. Les yeux jaunes ne sont distingués des yeux noirs, que, par les petites, taches auxquelles les premiers sont sujets. Ils ont tous beaucoup de qualités. Les yeux noirs marquent un homme sans cœur, infidèle & intéressé; aussi bien que les yeux jaunes, quand ils sont environnés d'une raie noire, ce qu'il est aisé d'observer. Mais en examinant avec beaucoup de soins; on y aperçoit différents petits points de couleur de feu, d'autres de blancheur différente, d'autres .plus pâles, d'autres enfin dont la pâleur est relevée par une légère teinture de rouge ou de noir: Il y a des personnes, chez qui l’on ne voit point ces petites taches ; mais dont la prunelle est entièrement noire, & les parois qui l'entourent, d'un jaune doré; dans d'autres, il tire sur le blanc ; dans les yeux noirs, il n'est jamais bien prononcé. Quand le noir seul domine, il annonce une âme bien née, de l'esprit, un cœur droit & vertueux Quand ces petites taches, rondes & dorées ordinairement, sont carrées & rougeâtres, quand elles sont entremêlées de point pâles ou bleus, & quand le cercle qui entoure la prunelle est couleur de sang ou de couleur plombée, toutes ces marques réunies annoncent le comble de la méchanceté; cependant les plus à craindre sont ces yeux très ouverts, étincelants & hagards comme ceux d’un homme en colère. C’est-là le regard du loup, du sanglier, & des animaux encore plus cruels & plus voraces que ceux-là.

Dans les yeux jaunâtres, comme ceux de l'aigle & du lion, quand les petites lentilles formées dans l'iris, sont d'égale grandeur, elles marquent une humeur sauvage & colère, beaucoup d'arrogance & point de mœurs. Sont elles inégales ? le caractère est plus aisé, les manières sont plus douces. Les premiers sont toujours craintifs? les autres, toujours flottants:& irrésolus ont plus de chaleur dans l'action.

Quand le contour de l'iris est de différentes couleurs, le caractère est faux; & trompeur, l'iris est-il couleur de sang, examinez le cercle qui l'environne, une raie étroite & noire, mais tachetée de feu, une cornée humide, quand à cela ne se joint aucun signe défavorable, vous annoncent une âme grande, de l'esprit, de la droiture, mais une passion honteuse pour les jeunes gens ; si la raie était verdâtre, ce serait au contraire de la fausseté, du penchant pour l'injustice & les rapines, & la passion des femmes portée jusqu'à la fureur. Une cornée sèche, un iris entouré de diverses nuances formant une espèce d'arc-en-ciel, marquent un extravagant. Si l'œil est humide, l'éloquence, la droiture, le courage se trouvent alors heureusement réunis.

Il y a fort peu de bien à dire des yeux creux; ils ne sont cependant pas de très mauvaise augure, quand ils sont très grands, très ouverts, & qu'ils n'ont du reste aucun signe fâcheux ; car leur défaut est en quelque façon compensé par la grandeur & l'humidité de la cornée. Ceux dont les yeux sont petits & enfoncés, sont fourbes, traîtres rongés d'ambition & de jalousie. S’ils sont secs, ils annoncent la trahison & la mauvaise foi. Les yeux cachés, roulant au fond de leurs orbes, sont ceux du trompeur; humides, ils sont une preuve d'extravagance.

Les yeux sortants, sont assez sinistres, soit qu'au contour de l'œil il y ait une espèce d'enflure & de grosseur, soit qu'on y voie un petit creux & un enfoncement, ils marquent de la mauvaise foi. Élevés, ils annoncent un fou ; très ouverts & couleur de sang, un buveur & un parasite. Quand ils sont bleus ; on a peu d'esprit, on est injuste. S'ils sont couverts de sourcils épais, c'est alors plus que de la folie. Les yeux petits & enflés sont ceux de ces hommes dénaturés qui ont porté une main sanglante sur un père, une mère, ou sur leurs enfants. Des yeux sains, élevés & pleins d'éclat, mais aussi très humides, prouvent de la droiture, de l’esprit, de l'avidité pour les sciences, & des passions vives. Tels étaient ceux de Socrate. Quand ils semblent sortir du visage, ils annoncent un homme sensé, aussi maître de sa langue que de ses passions.

De petits yeux toujours en mouvement, décèlent les mauvais desseins & la tromperie; s'ils sont grands, la folie & la stupidité ; ceux qui, par la vivacité de leur mouvement, semblent toujours prêts à sortir de leurs orbes, sont assez désavantageux, à moins qu'ils ne soient assez grands, humides & très éclatants, car ils marquent un homme magnifique dans son extérieur, grand dans les sentiments, capable de concevoir & d'exécuter les projets les plus hardis ; également extraordinaire pour la grandeur d'âme & pour l'audace, mais intempérant, colère, plein de faste & de vanité; en un mot, plus avide de gloire que n'est le commun des hommes. Tel était Alexandre de Macédoine. Les yeux dont le contour est enflé, annoncent un caractère odieux, des sentiments barbares, un goût effréné pour la bonne chère & la débauche, une passion violente pour la musique. Les autres signes vous feront conjecturer le reste. Les yeux d'un brun terne & sombre, quand, les signes intérieurs sont d'accord, marquent beaucoup d'audace, mais nulle droiture, nulle bonne foi.

Les yeux sombres semblent prédire le malheur, quand ils sont secs, il faut s'en défier. Si avec cela, ils sont petits, on est trompeur, irrésolu, occupé de trahisons, de projets sinistres. Quand ils sont humides & d'une grandeur médiocre, ils annoncent un homme inquiet, curieux, timide, confiant, sage dans ses précautions, mesuré dans les dépenses, & né avec le talent pour les sciences. Les yeux enveloppés d'une espèce de nuage, marquent une âme basse & une conduite débordée.

Les yeux au contraire très brillants, sont les plus favorables & annoncent le meilleur naturel si toutefois il n'y a aucun indice fâcheux, car il faut descendre dans tous les détails avec la plus scrupuleuse attention.

Lès yeux pétillants & pleins de feu, ne sont pas de très bonne marque, car l'éclat dans les yeux ou bleus ou rougeâtres, annonce une audace & une impétuosité qui approche de l'extravagance ; dans les yeux jaunes, il annonce une timidité qui fait craindre tout & se défier de tout. Des yeux noirs & pétillants sont ceux des hommes craintifs, méchants & toujours occupés à nuire. Quand avec cela ils sont riants, c'est le comble de la méchanceté. Craignez ceux dont le regard est farouche. Une cornée humide prouve l’injustice & la méchanceté ; si elle est sèche, elle annonce un homme extravagant, brave, vigoureux, prompt à parler comme à agir, imprudent, infatigable, ennemi du faste & de la mollesse. De petits yeux creux & pétillants sont plus mauvais encore, car ils réunifient la cruauté, la trahison, la mauvaise foi, & une avarice insatiable. Des sourcils épais & hérissés, des paupières toujours élevées, marquent de la vigueur & de la bonté. Ceux qui on le regard dur, mais n'ont ni les sourcils ni les paupières dont je viens de parler, sont les plus à craindre & les plus malheureusement nés.

Les yeux qui ne respirent que le plaisir & les ris, ne sont pas toujours innocents: C'est quelquefois là la marque d'un homme caché & plein de projets criminels, Les plus défavorables sont ceux qui ont le regard riant & en dessous & la cornée sèche. Quand avec cela ils sont creux, ils annoncent quelqu'un qui épie l'occasion de faire le mal. Si les autres parties du visage, telles que le front, les soucis, les joues, semblent d'accord les yeux, pour donner un signe de joie, c'est du plus mauvais augure. Ce ris, mal prononcé, cache des intentions noires, des vues injustes.

Quand les yeux se referment souvent & sont trop faibles pour supporter l'éclat du jour, c'est qu'on médite quelque injustice; quand ils sont très ouverts, c'est qu'elle est déjà commise.

Les yeux très riants annoncent plus de fausseté & de noirceur, quand ils sont secs ; s'ils sont humides ils prouvent un caractère sans vices & sans méchanceté, imprudent, très froid, inconstant & sans principes. Des paupières baissées, un front uni & large, des yeux humides & riants sont l'indice certain d'un caractère grand, d'un cœur droit, d'un esprit juste & pénétrant; joignez à cela de l'amour pour les Dieux, le respect pour les droits sacrés de l’hospitalité, mais aussi une sensibilité trop vive & trop faible d'ordinaire pour résister à la force des passions.

Les yeux humides; mais sombres & farouches; peignent l'industrie, un esprit toujours actif & inquiet. Si les sourcils se rapprochent & s'entrelacent, & si le front est très ouvert, c'est presque toujours la marque d'un homme sûr & fidèle, bon, généreux & sensé. Des yeux secs, un regard triste & morne, annoncent le malheur & la désolation. Défiez-vous des projets d'un homme dont le front est ridé & rétréci, dont l'œil est faible & les sourcils élevés ; il est en état de tout entreprendre, rien ne peut effrayer son audace.

Les yeux qui ne peuvent rester ouverts à la clarté du jour, sont ceux des traîtres & des filous. Quand ils sont humides, ils indiquent un homme actif & inquiet. S'ils sont pâles & tremblants, c'est le symptôme de la folie ou du haut mal.

Quant aux yeux posés & tranquilles, remarquez leur situation. Si au moment qu'ils se referment ils sont baissés, ils annoncent un fou & un libertin; sinon, ils marquent un homme sage, prudent, curieux de s'instruire, un caractère doux, & beaucoup de sensibilité ; si toutefois ils sont grands & pleins d'éclat, & que le front soit uni. Car s'ils étaient secs & petits, ils annonceraient de l'audace, de l'injustice & de la noirceur. Ceux dont le front est ridé, dont les sourcils se touchent & sont fort épais, ont quelque chose de dur dans le caractère, & beaucoup plus d'audace ; ils sont très sensibles aux éloges qu'on leur prodigue, & résistent rarement à l'appas des présents. Ceux qui ne peuvent fixer un objet, & dont les paupières sont toujours en mouvement, affectent les manières des hommes, quoiqu'ils ressemblent aux femmes par leur mollesse.

Les yeux très ouverts & immobiles annoncent la réflexion ou le repentir ; au reste, ce que nous avons dit sur les yeux secs ou humides, sombres, brillants, grands ou petits, creux ou sortants, doux, faibles, & sur leurs différentes qualités, suffit pour pouvoir prononcer de soi-même : avec les leçons que nous venons de donner, on est en état d'asseoir un jugement sûr. Les yeux toujours ouverts, mais sombres & humides, peignent l'inquiétude ; s'ils ont le regard doux, la droiture & la bonté se trouveront réunies ; des yeux secs, très ouverts, pleins d'éclat & riants, marquent l'audace & l'impudence.

Des yeux brillants; dont le mouvement est rapide, prouvent de la timidité; s'il sont secs, ils vous avertissent de quelque complot secret, ou de quelque fâcheuse intrigue qu'on couve & prépare sous mains. Ils prouvent quelquefois aussi de la folie, quand ils sont ou tournés ou pâles; Ceux au contraire, qui, posés & tranquilles, ont dans le regard quelque chose de dur & de terrible, semblent toujours chercher à nuire; si au contraire ils sont doux, ils marquent de l'inquiétude, un naturel heureux, de l'ardeur pour la science, quelquefois une passion qui s'est emparée du cœur. Quand ils sont pâles ou rougeâtres & secs en même temps, ils vous représentent la désolation, les ressentiments, un homme absorbé par le souvenir de ses malheurs, victime infortunée de la jalousie, en proie aux persécutions d'un génie malfaisant. Si les yeux, tels que je viens de les dépeindre, roulent au fond de leurs orbes, c'est le symptôme du maniaque & du frénétique.

Les yeux sont quelquefois couverts d'une taye (?). Alors ou elle va de haut en bas, ou de bas en haut: dans le premier cas, elle marque du penchant à l'ivrognerie ; dans le fécond, un homme apathique & engourdi ; quand elles sont réunies, ces défauts le sont aussi.

Les yeux vifs & perçants, sont ceux des voleurs & des séditieux. Les yeux trop faibles pour supporter l'éclat du jour, sont ceux des hommes efféminés. Fermer à demi les yeux, puis tourner ses regards avec un air mou & voluptueux, c'est le ton des petits maîtres & des libertins. Si vous voyez un homme ramener sur ses yeux le milieu de ses sourcils, de manière que les extrémités s'éloignent vers le front, jugez à coup sûr qu'il est débauché & impudique. Le geste contraire est un aussi fort préjugé contre ses mœurs, que le précédent.

 

III.

Observations tirées des autres  ORGANES ET PARTIES DU CORPS.

Le Physionomiste, pour asseoir un jugement infaillible, doit, outre cela, examiner scrupuleusement chaque partie du corps, les gestes, la respiration, le son de la voix, tout ce qui peut en un mot donner de nouvelles lumières. Car votre décision ne sera jamais qu'incertaine si elle n'est fondée sur le témoignage de deux ou de plusieurs signes. Il faut la déposition du plus grand nombre, & de ceux qui sont les mieux prononcés ; peu content de cela, examinez si les yeux parlent en votre faveur. Ils sont du plus grand poids. Et quand ils s'accordent avec les autres signes extérieurs, il n'y a plus d'erreur à craindre. L'autorité de tous les signes n'est pas la même, & le voisinage des yeux en fait toute la différence. Le front, le nez, la bouche, les joues, la tête entière, forment à peu près la première classe ; dans la seconde, se trouve le cou & la poitrine ; dans la troisième, les épaules, les mains, les cuisses et, les pieds ; dans la dernière est le ventre.

Cependant une des choses qui doit le plus influer dans notre jugement, c'est l'extérieur entier, & l'ensemble de tous les traits épars sur tout le corps considéré en lui-même, il n'est rien ; ce sont les parties qui le composent qui lui donnent du poids & de l'autorité. Aussi est-ce cela qui doit mettre le sceau à votre décision.

Ce qui se fait le plus remarquer dans l'extérieur ; c'est l'air mâle ou efféminé, quelquefois aussi des traits de ressemblance avec certains animaux.

Leur forme n'est jamais trompeuse, & dit toujours ce qu'ils sont à l'intérieur. Voyez le lion, sa force & son courage ne s'annoncent-ils pas allez par le feu de ses yeux & la vigueur de ses membres nerveux. Le léopard est impétueux, colère, mais traître, & n'attaque que par surprise. Il est craintif & audacieux en même temps ; ce mélange de lâcheté & de courage se laisse aisément distinguer à son extérieur. L'ours est méchant, cruel & fourbe; le sanglier est violent & impétueux dans sa colère. Mais le bœuf n’annonce-t il pas la bonté & la majesté ? Voyez comme le cheval s'avance fièrement, & veut qu'on le flatte & qu'on l'admire. La mauvaise foi & la fourberie sont peintes dans le renard. Le singe est moqueur, & semble né pour amuser & faire rire. La brebis annonce bien la simplicité ; le bouc, l'extravagance ; le porc, l'impureté & la gloutonnerie.

Ce qu'on vient de dire est également vrai pour tous les reptiles & pour les oiseaux : ainsi, quand dans une personne il se trouve quelque conformité avec un animal, c'est une donnée que l'habile physionomiste ne doit pas négliger. Des yeux jaunâtres & un peu enfoncés doivent vous rappeler le regard du lion. S'ils sont très enfoncés, il faut se défier de l'intérieur, les yeux du singe en font foi ; s'ils sont à fleur de tête, ils ressemblent à ceux du bœuf. Les yeux de l'âne annoncent l'insolence & la sottise. Les traits mâles sont en général de bien meilleur augure que les traits efféminés. Les premiers marquent de la grandeur d’âme, de la générosité, de la droiture & de la bonté. Les autres au contraire décèlent des sentiments bas, une humeur dure & acariâtre, beaucoup de légèreté & un mélange d'audace & de timidité.

La femme a presque toujours la tête plus petite, & la taille moins haute, les cheveux plus moelleux, le front plus étroit, plus d'éclat & de brillant dans les yeux, le cou plus mince, la poitrine étroite, & point de flancs. Leurs hanches & leurs cuisses sont ordinairement fort grosses, leurs jambes minces, les genoux pointus, leurs mains & leurs pieds sont mieux arrondis & faits avec plus de délicatesse & d'élégance. Il règne dans leur extérieur l'air de la douceur & une heureuse nonchalance. Leur peau est plus unie, leur corps est plus souple, & leurs membres plus flexibles, plaisent par leur petitesse, sans cependant être disproportionnés. Elles ont un son de voix plus doux & plus clair ; si elles marchent, c'est à petits pas. En un mot, elles ont dans leurs manières & leur contenance; un air d'aisance & de douceur que la nature a entièrement refusé à l'homme. Dans les quadrupèdes, les traits mâles se trouvent rassemblés dans le lion ; la panthère au contraire a les défauts & les qualités du sexe opposé. Dans les oiseaux, l'aigle & la perdrix ; dans les reptiles, le dragon & la vipère nous présentent au naturel le bien & le mal qui se trouve dans l'un & l'autre sexe.

Les eunuques, quand ils sont nés tels, ont des signes plus défavorables que les autres hommes ; ils sont pour la plupart cruels, trompeurs & méchants, les uns plus, les autres moins. Ceux qui sont mutilés pour cet infâme métier, perdent quelquefois les signes naturels, cependant en général les traits distinctifs & de caractère changent rarement.

Les ongles larges & d'un blanc tirant sur le jaune sont d'heureux augure; s'ils sont très longs, étroits & recourbés, ils sont la marque d'un caractère dur & sauvage. Quand ils ne sont pas droits, ils prouvent de l'impudence & du penchant pour les rapines; ils sont aussi quelquefois attachés à la peau, alors ils sont un signe de froideur & d'insensibilité ; la méchanceté se décèle par la petitesse des ongles, ou même par leur couleur ; car pâles ou noirs ils caractérisent le méchant. Les ongles arrondis sont ceux des libertins, quoique j'aie dit plus haut que la plupart des signes n'avaient d'autorité qu'autant qu'ils s'accordaient entre eux, cependant les ongles ne doivent pas être mis dans la classe ordinaire.

Il est des hommes dont les doigts sont attachés naturellement ensemble, mais ce sont des êtres vils & impurs ; quand les doigts sont ramassés les uns sur les autres, c'est l'indice d'une âme méchante & intéressée. De gros doigts très courts marquent un homme naturellement dur, impétueux & plein d'audace. Très petits & très minces, ils annoncent un insensé. Mais ceux qui sont à tous égards les plus à désirer, sont longs & bien proportionnés.

Les pieds souples & nerveux annoncent des sentiments généreux & mâles ; les pieds au contraire délicats & potelés annoncent de la mollesse; gros & courts, ils annoncent un homme dur & bourru. Les pieds longs, sont ceux des hommes intrigants & dangereux. C'est un signe désavantageux que d'avoir le cou du pied trop élevé; le dessous du pied trop plat & trop uni n'est guère plus favorable; il faut aussi se défier de ceux qui s'appuient en marchant sur les chevilles.

L'homme vigoureux a la cheville du pied très sortante; l'homme efféminé au contraire l'a très peu prononcée. Mince & petite, elle marque de la lâcheté & des mœurs débordées. Quand elles sont très grosses, que le talon est un peu sortant, que les doigts sont courts & contrefaits, que la jambe est aussi très grosse, elles annoncent un fou ou même un frénétique.

Les jambes bien proportionnées & bien droites sont celles d'un homme vigoureux & bien fait. Faibles & sans nerf elles prouvent un homme lâche & efféminé. Des jambes minces annoncent un mauvais caractère; quand avec cela elles sont nerveuses, elles marquent de l'intempérance & du dérèglement. Les mollets ridiculement gros annoncent, une vie débordée & l'effronterie du vice. La grosseur du mollet ainsi que du talon est l'indice ou d'une âme servile, ou d'un homme ignorant. Ce que nous venons de dire des jambes peut aussi s'appliquer aux cuisses.

Les genoux en dedans marquent la mollesse. Les hanches grosses & charnues annoncent un efféminé ; les os & les nerfs au contraire manquent la force & la vigueur. Quand les hanches sont minces, maigres & comme desséchées, elles prouvent de la méchanceté & de la malice, car telles sont celles du singe.

L'homme vigoureux a ordinairement l'épine du dos forte & sortante ; la femme l'a plus faible & moins prononcée; quand elle n'est pas arrondie, mais qu'elle est un peu tranchante, elle marque de l'inconduite & de la pusillanimité.

Le dos large donne un air de vigueur & de courage.

Les bossus sont rarement estimables, à moins que les autres signes ne parlent en leur faveur, & que la grâce des autres membres ne compensent cette difformité.

Une taille leste & svelte annonce un chasseur

Des flancs minces & faibles vous peignent un homme lâche & efféminé. Le contraire marque de l'incapacité. Quand ils sont arrondis & semblent enflés, ils annoncent de l'inconstance & de la méchanceté. La malice, la gloutonnerie & la lâcheté se trouvent réunies quand ils sont minces & semblent vides.

Les hommes de cœur ont peu de ventre ; un gros ventre mou & sans consistance marque peu de sensibilité & de l'intempérance pour tous les plaisirs. Les autres au contraire sont ceux des filous & des gloutons.

Quand il y a plus d'espace entre le bas de la poitrine & le nombril qu'entre la poitrine & le commencement du cou, c'est là l'indice d'un gourmand & d'un glouton. Une large poitrine respire la vigueur; une poitrine étroite annonce de la petitesse dans l'âme. Quand elle est grasse & charnue, elle annonce des penchants ignobles. L'embonpoint des buveurs & des ivrognes se portent surtout sur cette partie-là.

Des reins vigoureux sont une fort bonne marque ; des reins faibles n'annoncent ni courage, ni sentiments. Les gens froids & insensibles les ont ordinairement larges & charnus ; les fous, au contraire, maigres & étroits. Un dos arrondi marque de la présence d'esprit, & n'est pas sans grâce. Quand il est tout à fait courbé & que les épaules rentrent & tombent sur la poitrine, il marque un fourbe adroit & dangereux par ses intrigues. Le corps plié en deux est la contenance ordinaire des hommes intéresses & avares.

Quand la nuque du cou est trop serrée, elle marque de l'indolence ou de l'insensibilité. Quand les vertèbres sont éloignées les unes des autres, elles marquent on homme efféminé. Quand les proportions sont bien gardées, la bravoure & les talents se trouvent alors réunis.

De grosses épaules ne font pas favorables ; quand elles sont vigoureuses, elles annoncent des sentiments mâles ; faibles & petites, elles marquent de la pusillanimité ; quand elles sont minces & se terminent en pointe, elles sont un signe de méchanceté ; & de folie quand elles sont entièrement molles & énervées.

Si les bras sont ridiculement longs, de manière que les mains descendent jusqu'aux genoux, elles marquent l'indolence & l'inaction; au contraire quand ils sont si courts qu'en mangeant, la tête est obligée, pour ainsi dire, d'aller chercher la main, rarement alors l'intérieur est louable ; car avec cet indice là, le cœur est presque toujours en proie à une jalousie basse qui fait désirer le mal d'autrui, & voir avec chagrin ses succès : un bras nerveux, un coude où les muscles sont bien prononcés sont d'heureux augure ; la maigreur est un signe de faiblesse ; quand il est trop gras il marque un caractère indifférent & un esprit bouché.

Des mains délicates & potelées conviennent à un bel homme ; si elles sont rudes & nerveuses, elles marquent de la vigueur ; mais nuls talents pour les sciences. Des mains trop courtes font un signe de folie; épaisses & charnues, elles annoncent un être vil & impur ; de petites mains étroites & minces sont celles des ravisseurs; de grosses mains avec des doigts un peu crochus annoncent un homme adroit à filouter ; quand elles sont courtes & petites, elles marquent de la méchanceté & du penchant à voler; minces & rudes, elles annoncent un homme sans principes & adonné aux plaisirs de la table.

Un cou long & mince marque de la pusillanimité & un mauvais caractère ; gros & long, il annonce un homme colère, fier & suffisant; quand il n'est ni trop long ni trop gros, mais qu'il est bien proportionné & nerveux, il prouve de la vigueur, du talent pour les sciences, un naturel heureux, & fait pour la vertu; l'homme méchant & intrigant a le cou mince & faible; le cou toujours tendu est un assez mauvais signe & quand son autorité est confirmée par celle de plusieurs autres, on est ordinairement extravagant ou frénétique. Défiez-vous de ceux chez qui les vertèbres du cou sont très prononcées; ceux qui ont le cou extrêmement gros, sont emportés, fourbes, stupides & ineptes pour les sciences; s'il est très court, il annonce un mélange d'audace & de timidité ; quand la vertèbre qui joint le cou à l'épine du dos, est très sortante, c'est un signe de fierté. Si la peau du cou est un peu rude, elle vous indique un ignorant ; si elle est couverte d'aspérités, c'est la fatuité jointe à l'ignorance. Un cou roide & immobile annonce peu de droiture, nulles connaissances, & avec cela beaucoup de suffisance ; la raideur du cou est aussi quelquefois un signe de folie ; mais cette seule marque ne peut faire foi aux yeux d'un physionomiste prudent.

Quelques personnes sont exprès de raidir leur cou, & se tiennent dans cette situation forcée, comme pour résister à leur propre faiblesse, & à l'épuisement qui est l'effet ordinaire d'une vie trop licencieuse ; ils voudraient par là cacher aux autres leur mollesse & les fuites de leur débauche ; mais il est des marques involontaires qui les trahissent. La contraction des lèvres, le mouvement incertain des prunelles, l'agitation des flancs, leurs jambes chancelantes, leurs mains embarrassées, une voix cassée, tout parle & dépose contre cette position gênée & contrefaite. Cette faiblesse extrême dans les muscles du cou, qui l'oblige à être toujours penché, marque ordinairement un homme efféminé & amolli par les plaisirs, quand les autres signes se réunifient à dire la même chose.

La situation la plus favorable est celle qui est la plus naturelle, & qui tient un juste milieu. Marcher tête levée ne va qu'à un insolent, & à un fat, c'est quelquefois un excès de mollesse, ou même de la folie. Ceux qui portent le cou penché & la tête basse, sont ordinairement fous, rêveurs, craignent fort la dépense, & ont en général un mauvais cœur; mais ils sont très sobres & ne donnent dans aucun des excès de la table; quand la tête est penchée du côté droit, elle marque un homme réfléchi, prudent, économe ; à gauche, un fou ou un libertin. Toute autre situation est également défavorable ; car elle marque que le cerveau est attaqué; quand le pharynx est rude, il annonce une personne sans principes, sans caractère, incapable de se taire à propos ; quand il est plus sortant que le nœud de la gorge, il annonce aussi beaucoup de frivolité & d'inconséquence, mais plus de discrétion ; ces mêmes personnes ont aussi plus de grandeur & d'élévation dans les idées; mais craignez de les admettre à votre table; le vin aigrit leurs chagrins, les rend emportés, furieux, leur fait concevoir les soupçons les plus injustes.

Les mentons allongés annoncent en général de bonnes qualités, mais beaucoup de babil & de suffisance : les mentons courts, au contraire, marquent la méchanceté, la cruauté, la fourberie; le serpent en est la preuve. La mâchoire inférieure, quand elle est arrondie, a quelque chose d'efféminé; l'air mâle demande plutôt qu'elle soit tant soit peu carrée. L'extrémité du menton chez quelque personne est partagée de manière à former une élévation; quand elle est très sensible, c'est un signe de mauvaise foi; quand elle est heureusement proportionnée, elle n'est pas sans grâce, et a même quelque chose d'attrayant.

De petites lèvres avec une grande bouche, de manière que les deux mâchoires, soient à peine distinguées, annoncent de la grandeur & de la fierté dans l'âme, car tel est le lion : si la bouche était petite, ce serait de la fausseté & un manque de courage : quand la bouche n'est point trop en avant, c'est assez bonne marque ; sans cela elle annoncerait de l'impudence, de l'indiscrétion & de la folie quand elle est trop enfoncée, elle prouve de la pusillanimité & de l'inconséquence.

Une petite bouche va mieux à la femme, & convient à son caractère ; la grandeur de la bouche a quelque chose de noble qui sied à l'homme quand elle est trop fendue, comme l'est celle des chiens, elle marque un glouton, un fou, un impudique : si les dénis ne sont pas cachées par les lèvres, c'est qu'on est insolent, méchant, qu'on aime uniquement à médire & à publier les défauts secrets de ses semblables. Ceux qui ont la bouche très sortante, les lèvres très grosses & très en dehors, retracent dans leurs caractères & dans leurs actions l'animal impur auquel ils ressemblent : si la lèvre supérieure couvre la lèvre inférieure, c'est un signe de prudence ; si c'est le contraire, le caractère est assez bon, mais l'esprit est léger & inconstant ; une petite bouche un peu en dehors marque la méchanceté & la trahison ; quand elle est rentrée & qu'elle forme une espèce de creux, elle prouve de la jalousie, de la méchanceté, & surtout une conduite licencieuse.

Quand le bout du nez est mince, c'est la marque d’un homme facile à irriter ; gros & écrasé, il annonce des mœurs corrompues ; s’il est court & arrondi il marque la vigueur & la fierté ; car tel est celui du lion & des chiens de bonne race : un nez long & mince a quelque conformité avec le bec des oiseaux ; la même ressemblance doit se trouver dans le caractère : un nez dont l'extrémité est un peu relevée, ne va pas mal à l'homme; il annonce de l’esprit & du courage ; le contraire est la marque d'un efféminé & d'un ignorant ; un long nez annonce un homme peu maître de sa langue ; en général cependant les longs nez sont préférables ; ceux qui sont extrêmement petits marquent du penchant à voler, & de l’inconséquence dans les idées. Les nez aquilins ont quelque chose de grand & de majestueux; les nez camus annoncent des passions vives. Les narines très ouvertes respirent le courage & la force ; le fou les a ordinairement rondes & rétrécies. Un nez de travers vous dit ce que vous devez penser de l'esprit & des idées.

Un front étroit est le ligne presque infaillible d'un esprit bouché ; il marque outre cela de l'indolence quand il est uni: un front large marque de la sensibilité, & beaucoup de facilité pour apprendre ; cependant qu'il ne soit ni trop plat ni trop uni, car c'est un signe de mollesse ; ni trop bombé & trop élevé, car il marquerait de la dureté dans les sentiments & de l'imprudence. Défiez-vous de ceux qui rident leur front ; ce sont presque toujours des gens peu surs & dangereux par leurs intrigues; c'est quelquefois là aussi un symptôme de frénésie; mais vous ne devez y croire, que d'après le témoignage des autres signes. Un front carré, dont la grandeur est proportionnée au reste de la figure, est du plus heureux augure ; il caractérise un homme d'esprit, des sentiments nobles & élevés : ramener son front sur ses yeux en fronçant les sourcils marque de la suffisance ; un front mobile & toujours en mouvement annonce de l'indifférence.

De grosses joues très charnues indiquent un buveur ou un homme indolent ; les joues maigres, un homme méchant & intrigant ; les joues pendantes peignent la jalousie; quand elles sont bien rondes elles marquent de la fausseté ; allongées, elles indiquent un homme inconséquent & sans fonds : en général l'embonpoint du visage annonce la vigueur & la santé. La maigreur est ordinairement l'effet d'un caractère changeant & inquiet. Quand le visage est petit ne vous attendez pas à trouver de la grandeur dans le caractère : une trop grande figure annonce un esprit borné ou un fou. Les qualités du cœur, l'élévation & la bassesse des sentiments se peignent surtout sur le visage : voyez comme son expression varie, comme viennent tour à tour se succéder les ris, l'empressement, le chagrin, la douleur; tantôt enjouée, tantôt sérieuse, tantôt languissante, tantôt animée; elle est le tableau de l'âme; son autorité doit être sans appel pour le physionomiste ; quand le visage & les joues sont dans l'agitation, que le coup d'oeil est farouche & hagard, c'est le signe ordinaire d'un fou ou d'un frénétique ; si l'œil est plus gai & plus vif, il annonce le goût des plaisirs & de la débauche.

Les grandes oreilles marquent un homme peu sensible ; les petites un homme méchant & intrigant ; les fous les ont ordinairement très petites & comme écourtées ; l'homme sensé & brave les a un peu carrées, & d'une grandeur médiocre ; quand la conque est pleine de sinuosités, elle marque du talent & de l'intelligence ; quand elle est plate & unie elle annonce le contraire.

Une petite tête n'est jamais celle d'un homme sensé & raisonnable; quand elle est bien proportionnée, alors les qualités du cœur & de l'esprit se trouvent réunies aux grâces de la figure ; sinon elle est plus désavantageuse aux sentiments qu'à l'esprit; une grosse tête suppose un esprit borné & peu de connaissances : ceux qui portent la tête de travers sont impudents; la tête haute est le signe de la suffisance ; le derrière de la tête aplati, annonce une grande âme ; quand les deux côtés sont un peu enfoncés, ils marquent l'impudence & la fausseté ; mais la meilleure marque d'un esprit juste & d'une âme grande, c'est si le front est un tant soit peu aplati ; & si la tête n'est ni trop grosse ni trop droite.

La couleur de la peau & des cheveux est une marque fort insuffisante pour décider un physionomiste ; aussi, ne peut-on jamais prononcer à coup sûr de quel pays est un homme, d'autant plus qu'il n'est point de nation où il n'y ait des étrangers d'incorporés. On voit, par exemple, des Africains dans la Thrace, des Syriens en Italie, & ainsi de plusieurs autres peuples qui quittent leur sol natal pour habiter un climat étranger.

Les habitants du Nord sont très grands, leur chevelure est blanche ou blonde, mais douce & fine ; ils ont en général les yeux bleus, le nez fort court, les jambes fort grosses, la peau très fine, & ordinairement un gros ventre ; ils sont simples & pleins de courage, mais ils ont peu d'esprit, fort peu de passions, mais violents à l'excès pour satisfaire celles qu'ils ont.

Les peuples du Midi ont les cheveux noirs & crépus, les yeux noirs, les jambes minces; ils sont ignorants, fourbes, rusés, inconstants, pleins de ressources & fort adroits à conduire une intrigue; les nations qui avoisinent le Nord & le Midi ont les qualités des peuples dont je viens de parler ; cependant leur ressemblance augmente ou diminue à raison de la distance.

Dans les peuples qui habitent les pays intermédiaires, on voit un mélange des qualités & des défauts que l’on remarque dans les deux extrémités. Les peuples de l'Orient & du Couchant, tiennent des peuples du Midi & du Nord, plus ou moins, suivant leur éloignement ; les nations qui habitent le Couchant de la Lybie, & celles de l'Ibérie qui avoisinent l'Océan, ne se ressemblent pas en tout; cependant elles sont à peu près sous la même position; les Africains ont plus de ressemblance avec les Éthiopiens & ceux de l’Ibérie avec les Celtes.

Dans le midi règne une chaleur & une sécheresse perpétuelle ; dans le Nord au contraire, les froids & l'humidité ; à mesure que l'on s'approche des deux extrémités, on reconnaît les différentes Nations au changement des caractères & du climat; quelques personnes ont cru que les transmigrations qui se sont faites des deux extrémités aux régions intermédiaires, sont l'unique cause de ce mélange de mœurs & de caractères.

 

 

IV.

OBSERVATIONS TIREES DES GESTES ET DU MAINTIEN.

En observant avec un peu de soin les Grecs & les Ioniens, on verra qu'ils ont, pour la plupart, une taille haute, les épaules larges, le corps sain & droit, les membres bien tournés, la peau assez blanche, les cheveux blonds ; ils sont bien faits & bien proportionnés; leur cou est fort nerveux, leurs cheveux sont de couleur dorée, ainsi que leur barbe, & frisent naturellement; ils ont le front carré, les lèvres minces, le nez un peu redressé, les yeux humides, jaunes, pleins de feu ; quant à l'extérieur, les Grecs sont plus heureusement partagés que les autres peuples.

D'après ce que l'on a dit, il est évident, que le noir marque un caractère craintif, intrigant; le blanc tirant sur le jaune annonce la force & le courage ; le blanc vif & éclatant n'est pas du tout un ligne de mollesse ; la couleur de feu est l'indice d'un homme rusé & adroit ; la pâleur, quand elle est naturelle, & qu'elle n'est pas l'effet d'une maladie, marque de la lâcheté & une méchanceté cachée ; le jaune tirant sur le miel, annonce la pusillanimité, la gloutonnerie, une humeur colère, & beaucoup de babil ; le rouge est la couleur d'un homme furieux ; quand il est moins foncé, il marque un homme facile à émouvoir, mais heureusement partagé pour l'esprit & pour le cœur. Voilà ce qui regarde le corps entier; quant aux différentes parties, la rougeur de la poitrine marque une colère concentrée ; d'autres fois les veines du cou & les tempes se gonflent, & toute la peau est couleur de sang ; la rougeur du visage marque l'impudence; celle des joues marque un buveur; pour ce qui regarde les yeux, quoique je me sois déjà assez étendu sur cet article, on trouvera plus las ce qui me restait à en dire.

Les yeux couleur de sang, quand ils sont secs ; marquent un homme colère ; quand ils sont humides, un ivrogne ; les yeux bleus ont quelque chose de féroce ; les yeux noirs sont plus doux ; aussi cette dernière couleur est affectée en quelque sorte aux animaux tranquilles ; l'autre au contraire est celle des bêtes & des oiseaux sauvages. Dans le bleu, comme dans le noir, il y a différentes nuances à observer : le bleu foncé est une marque de timidité, & de férocité quand il tire sur le jaune ; la couleur olivâtre annonce la vigueur ; le noir foncé marque la pusillanimité & l'artifice ; quand il est plus clair, il annonce la vigueur & le courage ; les yeux très brillants tels que ceux de la chèvre, prouvent de la folie; les yeux rougeâtres marquent l'impudence, tels sont ceux du chien ; ceux qui sont pâles ou de couleur changeante, annoncent un homme défiant & peureux; les yeux brillant d'un doux éclat, tels que ceux des oiseaux, respirent la volupté.

Ceux dont les cheveux sont crépus & frisés, sont ordinairement fourbes ou lâches ; des cheveux trop droits annoncent de la dureté dans le caractère; les plus favorables sont ceux qui tiennent le milieu, car les deux extrêmes sont également vicieux ; la roideur des cheveux prouve celle du caractère ; les cheveux trop fins sont presque toujours une marque de mauvaise foi & de fausseté; des cheveux moelleux ont quelque chose d'efféminé ; quand ils sont noirs, ils vous annoncent un homme craintif, mais dont l’esprit est souple & délié ; s'ils sont blonds & qu'ils tirent un peu sur le blanc, comme ceux des Celtes & des Scythes, ils marquent un homme faux, ignorant & grossier. Le blond clair est un signe de douceur, cette couleur réunit ordinairement d'excellentes qualités, des talents pour les sciences, & de la dextérité pour les uns mécaniques ; le roux foncé & l'oranger sont de mauvais augure, car les personnes impudentes, intéressées, d'un caractère dur & sauvage, ont les cheveux de cette couleur-là.

Les gens grossiers qui n'ont ni culture ni éducation, ont ordinairement les jambes fort velues ; quand les cuisses seules le font, on est sûrement libertin ; les poils sur le ventre & la poitrine, marquent la légèreté & l'impudence ; avoir le dos & les épaules velues, c'est un trait de ressemblance avec les oiseaux, aussi presque toujours est-on léger & volage ; quand la poitrine seule est couverte sous une forêt de poils noirs & épais, c'est l'indice de la duplicité, d'un homme résolu & plein d'activité ; le corps entier couvert de poils, caractérise la force & la vigueur du taureau; quand les environs du cou sont très velus, la force est réunie à la valeur. Quand les cheveux s'avancent jusqu'au milieu du front, & forment des deux côtés une espèce d'enfoncement, il est peu de marque plus sûre de la vigueur du corps & de la grandeur des sentiments. Chez quelques personnes les sourcils s'abaissent du côté du nez & se relèvent vers les tempes, c'est un signe fort désavantageux, car il leur est commun avec les animaux les plus vils. D'épais sourcils vous peignent le caractère triste & sombre d'un homme toujours absorbé dans les chagrins.

Voici à peu près ce que l'on peut dire des gestes & des divers mouvements du corps ; pour juger des gestes naturels, il faut suivre les principes ordinaires. Quant à ceux qui étudient & composent leur extérieur, ils ne doivent pas pour cela éviter l'œil perçant du physionomiste; on peut partager ces derniers en trois classes ; les uns veulent devenir puissants, briguant les dignités & les premières charges, ou les mariages les plus distingués, aussi les voit-on fastueux & prodigues, économes & modestes, enjoués ou sérieux, suivant le caractère de ceux à qui ils ont à plaire ; d'autres uniquement occupés du soin de leur personne, cherchent à séduire la jeunesse, à la porter à leurs plaisirs & prétendent à l'honneur d'exercer sur les hommes l'empire qui est réservé aux femmes.

La troisième classe est de ceux qui, mous & efféminés par caractère veulent paraître hommes, mais ils se trahissent aisément ; cette démarche, ce ton de voix, ce coup d'oeil affecté ne peuvent longtemps en imposer ; à la première inquiétude, à la première crainte le masque tombe, & les voilà devenus ce qu'ils étaient auparavant; il est bien difficile de rendre naturel ce caractère emprunté. Celui que vous voyez marcher à grands pas, est noble, généreux & plein d'activité ; ceux au contraire qui marchent à petits pas, sont toujours indécis, aiment à médire; d'autres fois ils sont intéressés, cachés dans leur conduite,& font tout avec mystère. Un maintien distingué, des gestes vifs mais faits à propos, vous dénotent un homme entreprenant, hardi, plein de chaleur & de résolution ; celui dont la démarche est précipitée, dont le regard est timide & en dessous, dont tout le corps, en marchant, est contracté, est craintif, méchant, attaché à l'argent, il n'a ni noblesse, ni élévation dans les sentiments : quand à une démarche précipitée, se joint une tête toujours en mouvement, des yeux troublés, une respiration entrecoupée, à ces marques reconnaissez un homme dont les crimes les plus affreux ne peuvent effrayer l'audace ; de petits pas vîtes & pressés annoncent l'avidité du gain, la méchanceté & l'excès de la lâcheté; une démarche ente, quand elle est naturelle annonce la même lenteur dans la conduite, de la réflexion, de la douceur dans le caractère, à moins que d'autres signes plus dignes de foi ne détruisent l'autorité de celui-là ; quand cette lenteur est affectée, qu'on fait exprès de s'arrêter en marchant, & de tourner la tête de côté & d'autre, avec un air de grandeur & de supériorité, c'est qu'on est naturellement fier & orgueilleux, ou même impudique ; il n'est pas inutile d'examiner à chaque position du corps le mouvement des pieds & des mains. Le mouvement des épaules, quand le dos est un peu voûté, donne un air de noblesse, c'est là la démarche du lion; se redresser, se rengorger en marchant, marque la fierté & la suffisance, c'est-là le port du cheval ; c'est ainsi que le physionomiste doit mettre à profit les traits de ressemblance que l'homme a quelquefois avec des animaux.

La démarche nonchalante de ceux qui, en marchant, ont les épaules & tout le corps en mouvement, convient mal à des hommes. Quand le corps se tourne du côté droit, c'est un signe de mollette ; à gauche, c'est de la folie. La tête basse & le corps penché est le maintien du flatteur, c'est la posture du chien quand il flatte & caresse son maître.

Une respiration unie & presque insensible est celle de l'homme inquiet ; quant au sujet de son inquiétude, ce sont les yeux qu'il faut consulter ; quand elle est soutenue, mais forte, de manière que les poumons paraissent gonflés & se décharger avec abondance, c'est là le signe du chagrin ; quand la respiration fort avec effort, & qu'elle est accompagnée d'un mouvement de tête, c'est l'effet du repentir; quand les yeux sont immobiles, alors c'est plutôt l'idée de l'avenir qu'un retour sur le passé qui afflige; une respiration libre & sans effort annonce le calme de la conscience ; quand elle est forte & inégale, elle dénote un buveur ou un homme rustre & grossier, les asthmatiques, dont la respiration est toujours pressée comme après une longue course, sont indécis, peu courageux, capables de tout faire, comme de tout dire ; ceux dont l'haleine sort par élan & avec bruit par le nez, sont pusillanimes & sans cœur, ils sont quelquefois efféminés, mais ce n'est qu'autant que les autres signes s'accorderaient avec celui là.

Une voix creuse & cassée annonce l'extravagance; l'orgueil ou la gloutonnerie ; l'homme froid & insensible l'a grêle & traînante ; ceux dont la voix grave en commençant, se termine par un fausset aigre & perçant, sont durs & colères; ceux qui parlent du gosier sont légers & changeants ; la mollesse est peinte dans un son de voix doux, éclatant & argentin; une voix creuse & rude marque de la grandeur dans l'âme, de l'élévation dans les sentiments, & beaucoup de droiture.

La douceur de la voix accompagne presque toujours celle du caractère; ceux dont la voix est perçante, aiguë & semblable au cri des oiseaux, sont fous, vains & inconstants; quand elle est faible & plaintive, elle indique infailliblement un homme chagrin, intéresse & soupçonneux, une voix forte mais cassée est celle des homme colères, violents, injustes & misanthropes; faible & perçante, elle marque de l'indolence & de la timidité ; ceux qui parlent vite sont ordinairement irrésolus & peu réfléchis ; une voix aigre est un signe de méchanceté ; en général, quand la voix ressemble à celle de quelque animal, il faut prononcer sur sa conformité du caractère d'après celle de la voix, car elle peut tenir de celle du chien, du singe, de l'âne, de l'ours, &c. Il faut surtout retenir que dans les gestes, la voix, la couleur de la peau ou des cheveux, &c. les extrêmes ne sont jamais louables, rien n'est plus à désirer que de se tenir dans juste milieu.

 

 

FIN